Les relations entre enfant et publicité
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Les relations entre enfant et publicité
10 L A III. PUBLICITE ET L’ENFANT Les relations entre l’enfant et la publicité : A. L’enfant récepteur de la publicité 1. Quelles sont les relations affectives entre la publicité et l’enfant ? De nombreuses études suggèrent que l’intérêt manifesté pour le message publicitaire décroît avec l’âge, conduisant parfois même l’enfant à le rejeter, notamment lorsque sa dimension persuasive est perçue. A la télévision, la publicité est avant tout un spectacle. Certains éléments sont ainsi particulièrement appréciés : l’humour, les messages sous forme de dessins animés, une jolie chanson, des jingles aisément reconnaissables, la présence d’animaux ou de leurs héros favoris. D’autres peuvent conduire au rejet du message : l’exploitation de la naïveté supposée des enfants par des démonstrations trop spectaculaires pour être l’abstraction, l’utilisation vraies, de un rythme références trop qui leur lent, sont inconnues, le ressort de la peur. Il est intéressant de remarquer que ce que l’on croit faire peur aux enfants ne les terrifie pas forcément. Un monstre hideux pourra les faire rire tandis qu’une situation inquiétante et mal comprise pourra les effrayer. EJCM - NOMIC 2007 Martine PUTZKA Wenjing ZHU Zhen ZHOU Zhengyang CHEN 11 L A 2. Les enfants PUBLICITE ET comprennent-ils L’ENFANT le message publicitaire ? Quels moyens la publicité télévisée utilise-t-elle ? L’attention est captée par un certain nombre de stimuli : des effets visuels utilisation et sonores d’information évidents, linguistique, une une faible complexité dynamique. Retenir l’attention par un contenu informatif : le chant, la musique, le dialogue entre enfants. La compréhension des intentions persuasives de la publicité est liée à plusieurs facteurs : notamment à l’âge et aux milieux économiques et socioculturels. La compréhension est avant tout dépendante de l’âge de l’enfant. A 6 ans, environ un tiers des enfants croient systématiquement ce que disent les publicités. Mais vers 12 ans ils sont moins de 10%. A distinguer partir les de 8 spots ans, la majorité publicitaires des des enfants autres peut programmes télévisuels, ce qui nous permet de penser que l’aptitude des enfants serait artificielle et fondée uniquement sur les éléments de style. Si une émission et un message publicitaire adoptent un style assez proche et des personnages similaires, pour l’enfant la confusion est tout à fait plausible. C’est enfants vers l’âge perçoit publicitaire. démontrent les De que de 10 ans intentions surcroît, la qu’une les lucidité grande majorité commerciales études des les enfants des du discours plus récentes s’accroît. Cela s’explique en effet par des efforts d’éducation des enfants à la publicité, également par le contrôle des pratiques publicitaires, mais aussi par le bain publicitaire dans lequel baignent les enfants depuis leur plus jeune âge. EJCM - NOMIC 2007 Martine PUTZKA Wenjing ZHU Zhen ZHOU Zhengyang CHEN 12 L A Leur PUBLICITE perception publicitaire du augmente ET L’ENFANT caractère avec commercial l’âge, ce du qui en message limitera l’intérêt et la crédibilité. Outre le caractère essentiel de l’âge, l’éducation donnée par les parents et l’école ainsi que l’expérience de l’enfant à la publicité et l’utilisation de ses connaissances sont déterminantes dans la compréhension du message publicitaire. Cela nous amène directement à nous interroger sur l’influence de l’enfant par la publicité. 3. Quel est le champ d’influence de la publicité sur l’enfant? Lorsque l’enfant ne connaît pas la marque, d’après certaines études, il existe un lien direct entre l’attitude de l‘enfant envers l’annonce (des éléments d’exécution comme les personnages, la musique, l’histoire, le décor, etc.) et ce que l’enfant pense de la marque. La mise en scène du produit dans l’annonce est essentielle : Ce qui est montré est plus déterminant que ce qui est dit sur le produit. Cela renvoie à l’univers véhiculé par la marque. L’enfant a une réaction affective lorsqu’il voit la publicité, cette réaction comportement, en affective une se intention traduisant de requête, ensuite par en exemple. L’enfant pourra développer plus tard de réelles croyances à l’égard du produit lorsqu’il sera au contact direct avec celui-ci. Il n’y a pas de consensus concernant l’influence publicitaire sur le comportement prescripteur des enfants. L’influence est effective dans le cas où les publicités concerneraient des produits destinés aux enfants, mais elle n’a pas de caractère automatique. EJCM - NOMIC 2007 Martine PUTZKA Wenjing ZHU Zhen ZHOU Zhengyang CHEN 13 L A De plus, PUBLICITE l’influence est ET parfois L’ENFANT difficile à évaluer : un slogan chanté ou répété par l’enfant à longueur de journée peut faire entrer la marque dans l’univers de ses parents, parents qui n’ont peut-être même pas été exposés au message publicitaire. Il s’agit bien sûr d’influence publicitaire et d’influence enfantine liées délicates mais ces dernières à L’influence publicitaire enfants dépend du sont bien appréhender. sur produit le (selon comportement qu’il les des concerne directement ou non), de l’âge (plus l’enfant grandit, plus l’impact est faible), de l’exposition télévisuelle (la répétition étant le moteur de la persuasion). L’impact publicitaire semble donc particulièrement fort chez les jeunes enfants (autour de 6 ans) et pour les produits les concernant directement : boissons sucrées, barres chocolatées, bonbons, céréales. Nous verrons plus loin que le danger induit par cet impact est important : Les enfants risquent d’assimiler ce régime alimentaire à la norme et de n’aimer que ce type de produits, ce qui provoquerait des carences et/ou des déséquilibres pondéraux. C’est notable, les publicités en direction des enfants ne concernent jamais le pain, les fruits ou les légumes. 70% des publicités pour enfants vantent les produits sucrés, les céréales ou les bonbons. Mais il convient de rappeler ici le rôle des parents dans l’éducation de leurs enfants : distinguer les produits sains pour la santé de ceux plus néfastes et dont il ne faut pas abuser ? Il n’est pas nécessaire d’avoir un niveau élevé d’instruction pour percevoir la différence énergétique entre des haricots verts et des cookies au chocolat, ni pour savoir que l’abus de certains aliments fait grossir et qu’une alimentation équilibrée est indispensable à une bonne santé. EJCM - NOMIC 2007 Martine PUTZKA Wenjing ZHU Zhen ZHOU Zhengyang CHEN 14 L A En Belgique, PUBLICITE une petite ET L’ENFANT brosse à dents apparaît systématiquement sur toute publicité (TV ou presse magazine) pour des produits sucrés. Si l’enfant est un récepteur et un consommateur de publicité, il est également placé au cœur de la mise en scène des spots. Les rôles donnés à l’enfant ont subi une nette évolution ces douze dernières années. B. L’enfant acteur de la publicité 1. Quels rôles joue l’enfant dans la publicité ? Redistribution des rôles : Jusqu’en 1995 Les publicitaires mettaient en scène les familles ou alors s’adressaient séparément aux parents ou aux enfants. Début 1995, le publicitaire s’adresse à la famille mais en inversant les rôles : Spot de l’anodine publicité de la 806 : « La voiture que les enfants conseillent à leurs parents ». Le publicitaire établit alors une connivence avec l’enfant. La pub sape l’autorité des parents. Les rôles sont inversés. Nous assistons ainsi à une redistribution des rôles, une inversion des rôles jusqu’à une confusion des rôles. L’enfant conseille des achats aux parents. L’adulte perd son autorité. La pub donne un rôle important à l’enfant. C’est celui qui sait mieux. Les rôles sont redéfinis. La pub s’est immiscée dans la famille. Les parents déstabilisés sont alors culpabilisés. Les parents sont culpabilisés et réduits à consommer ce produit. EJCM - NOMIC 2007 Martine PUTZKA Wenjing ZHU Zhen ZHOU Zhengyang CHEN 15 L A PUBLICITE 2. Instrumentalisation ET de L’ENFANT l’enfant à travers la culpabilité parentale dans la publicité. La pub devient éducative, informative, elle sanctionne. En 2004, Danone et les « alicaments », ces aliments qu’on veut faire accepter en tant que médicaments. Il s’agit de santé, ce que les marques font pour le consommateur est « bon ». La pub menace. Gervais aux fruits, « le petit pot des os costauds ». Nous pourrions entendre ici les enfants se dire « moi je veux avoir des os costauds » et leur mère de penser « si je veux bien faire pour leur croissance, il faut que j’en achète ». Les parents seraient-ils irresponsables s’ils ne fournissaient pas à leurs enfants de Gervais aux fruits ? Les parents seraient ainsi sanctionnés. Ainsi, l’enfant se place en position de force dans l’achat du dit produit : l’impératif de les la parents santé. ne peuvent Pourtant le que pot céder de devant Gervais en plastique n’est bon ni pour nous, ni pour la planète ? Légitimation d’une violence des pulsions, nommées « envies », et bientôt érigées en « droits de consommer » que de jeunes tyrans imposeront à leurs proches (l’Association des instituts de rééducation dénonce déjà « les publicités dans lesquelles les enfants sont mis en position de toute-puissance à l’égard de leurs parents »). L’enfant est le meilleur vendeur. » EJCM - NOMIC 2007 Martine PUTZKA Wenjing ZHU Zhen ZHOU Zhengyang CHEN 16 L A PUBLICITE 3. Relation ET parents–enfant L’ENFANT ambiguë. Confusion des rôles. L’enfant témoin des désirs des parents. Papa déguste un fromage devant bébé. L’enfant censeur. Papa achète une voiture pour bébé. Le grand-père réussit à convaincre les enfants de faire un gâteau. L’adulte prend l’enfant à témoin de ses désirs comme pour les crédibiliser. L’adulte aurait-il besoin désormais de justifier ses désirs en les partageant avec l’enfant ? L’enfant seraitil devenu le seul référent ? Les parents et l’enfant : l’enfant fait la leçon au père et lui explique que ce nouveau lait est meilleur. La mère surenchérit. L’enfant et la mère font bloc dans l’autorité: Le père est « l’intrus », en position d’apprenant et de soumis. L’enfant ne demande déculpabilise, plus. légitime son L’adulte désir. La anticipe présence de et se l’enfant justifie le choix de l’adulte. L’enfant mène le jeu. 4. Rôle d’acheteur de l’enfant De plus, les enfants ont désormais un pouvoir d’achat moyen important qui les porte à jouer le rôle d’acheteur, plus ou moins Ils ont autonome de surcroît selon un intérêt leur prononcé âge. pour ce qui est nouveau et peuvent naturellement faire entrer dans la famille de nouveaux produits, nouvelles pratiques phénomène de de de nouvelles marques, consommation, socialisation inversée jouant (Moschis et partant ainsi, et par de le Churchill, 1978 ; Gollety, 1999), un rôle de pionner que leurs parents, parfois réticents à la nouveauté, ont parfois plus de mal à endosser. Les parents seraient alors influencés deux fois : directement par le discours publicitaire et indirectement par le relais de leur progéniture. EJCM - NOMIC 2007 Martine PUTZKA Wenjing ZHU Zhen ZHOU Zhengyang CHEN 17 L A Un rôle croissant décisions PUBLICITE est donc ET L’ENFANT dévolu économiques aux enfants de dans la les famille. Rôle multi- facettes puisque les enfants peuvent en effet être simultanément consommateurs, acheteurs et influenceurs (actifs ou passifs). Les enfants, compte tenu de leur position au sein de la famille constituent de fait une cible privilégiée pour les publicitaires. Nous avons vu que l’enfant est la cible de la publicité, que la publicité s’immisce dans la famille, mais aussi qu’après avoir établi une connivence certaine avec l’enfant, la publicité fait entrer l’enfant dans son univers en lui donnant des rôles inversés et confus dont on peut supposer l’incidence sur l’éducation, ce qui nous conduit à nous interroger sur les effets de la publicité sur les enfants. L'utilisation des enfants dans la publicité Question : Trouvez-vous choquant ou pas choquant que des enfants apparaissent dans des publicités ? Rappel enquête Le Parisien / Septembre SOFRES avril 2002 1983 - C'est choquant 31 24 - Ce n'est pas choquant 62 73 - Sans opinion 7 3 EJCM - NOMIC 2007 Martine PUTZKA Wenjing ZHU Zhen ZHOU Zhengyang CHEN 18 L A PUBLICITE ET L’ENFANT L'opinion sur l'utilisation des enfants dans la publicité selon l'âge en 2002 (item "c'est choquant") EJCM - NOMIC 2007 Martine PUTZKA Wenjing ZHU Zhen ZHOU Zhengyang CHEN