Les relations entre enfant et publicité

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Les relations entre enfant et publicité
10 L A
III.
PUBLICITE
ET
L’ENFANT
Les relations entre l’enfant et la publicité :
A. L’enfant récepteur de la publicité
1. Quelles sont les relations affectives entre la publicité
et l’enfant ?
De nombreuses études suggèrent que l’intérêt manifesté pour le
message publicitaire décroît avec l’âge, conduisant parfois
même l’enfant à le rejeter, notamment lorsque sa dimension
persuasive est perçue.
A la télévision, la publicité est avant tout un spectacle.
Certains
éléments
sont
ainsi
particulièrement
appréciés :
l’humour, les messages sous forme de dessins animés, une jolie
chanson,
des
jingles
aisément
reconnaissables,
la
présence
d’animaux ou de leurs héros favoris.
D’autres peuvent conduire au rejet du message : l’exploitation
de la naïveté supposée des enfants par des démonstrations trop
spectaculaires
pour
être
l’abstraction,
l’utilisation
vraies,
de
un
rythme
références
trop
qui
leur
lent,
sont
inconnues, le ressort de la peur.
Il est intéressant de remarquer que ce que l’on croit faire
peur aux enfants ne les terrifie pas forcément. Un monstre
hideux
pourra
les
faire
rire
tandis
qu’une
situation
inquiétante et mal comprise pourra les effrayer.
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Zhen ZHOU
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2. Les
enfants
PUBLICITE
ET
comprennent-ils
L’ENFANT
le
message
publicitaire ?
Quels moyens la publicité télévisée utilise-t-elle ?
L’attention est captée par un certain nombre de stimuli :
des
effets
visuels
utilisation
et
sonores
d’information
évidents,
linguistique,
une
une
faible
complexité
dynamique. Retenir l’attention par un contenu informatif :
le chant, la musique, le dialogue entre enfants.
La compréhension des intentions persuasives de la publicité
est liée à plusieurs facteurs : notamment à l’âge et aux
milieux économiques et socioculturels.
La
compréhension
est
avant
tout
dépendante
de
l’âge
de
l’enfant.
A 6 ans, environ un tiers des enfants croient systématiquement
ce que disent les publicités. Mais vers 12 ans ils sont moins
de
10%.
A
distinguer
partir
les
de
8
spots
ans,
la
majorité
publicitaires
des
des
enfants
autres
peut
programmes
télévisuels, ce qui nous permet de penser que l’aptitude des
enfants
serait
artificielle
et
fondée
uniquement
sur
les
éléments de style. Si une émission et un message publicitaire
adoptent un style assez proche et des personnages similaires,
pour l’enfant la confusion est tout à fait plausible.
C’est
enfants
vers
l’âge
perçoit
publicitaire.
démontrent
les
De
que
de
10
ans
intentions
surcroît,
la
qu’une
les
lucidité
grande
majorité
commerciales
études
des
les
enfants
des
du
discours
plus
récentes
s’accroît.
Cela
s’explique en effet par des efforts d’éducation des enfants à
la
publicité,
également
par
le
contrôle
des
pratiques
publicitaires, mais aussi par le bain publicitaire dans lequel
baignent les enfants depuis leur plus jeune âge.
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12 L A
Leur
PUBLICITE
perception
publicitaire
du
augmente
ET
L’ENFANT
caractère
avec
commercial
l’âge,
ce
du
qui
en
message
limitera
l’intérêt et la crédibilité.
Outre le caractère essentiel de l’âge, l’éducation donnée
par les parents et l’école ainsi que l’expérience de l’enfant
à
la
publicité
et
l’utilisation
de
ses
connaissances
sont
déterminantes dans la compréhension du message publicitaire.
Cela nous amène directement à nous interroger sur l’influence
de l’enfant par la publicité.
3. Quel
est
le
champ
d’influence
de
la
publicité
sur
l’enfant?
Lorsque l’enfant ne connaît pas la marque, d’après certaines
études, il existe un lien direct entre l’attitude de l‘enfant
envers
l’annonce
(des
éléments
d’exécution comme
les
personnages, la musique, l’histoire, le décor, etc.) et ce que
l’enfant pense de la marque.
La mise en scène du produit dans l’annonce est essentielle :
Ce qui est montré est plus déterminant que ce qui est dit sur
le produit. Cela renvoie à l’univers véhiculé par la marque.
L’enfant a une réaction affective lorsqu’il voit la publicité,
cette
réaction
comportement,
en
affective
une
se
intention
traduisant
de
requête,
ensuite
par
en
exemple.
L’enfant pourra développer plus tard de réelles croyances à
l’égard
du
produit
lorsqu’il
sera
au
contact
direct
avec
celui-ci.
Il n’y a pas de consensus concernant l’influence publicitaire
sur le comportement prescripteur des enfants. L’influence est
effective dans le cas où les publicités concerneraient des
produits destinés aux enfants, mais elle n’a pas de caractère
automatique.
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De
plus,
PUBLICITE
l’influence
est
ET
parfois
L’ENFANT
difficile
à
évaluer :
un
slogan chanté ou répété par l’enfant à longueur de journée
peut faire entrer la marque dans l’univers de ses parents,
parents qui n’ont peut-être même pas été exposés au message
publicitaire. Il s’agit bien sûr d’influence publicitaire et
d’influence
enfantine
liées
délicates
mais
ces
dernières
à
L’influence
publicitaire
enfants dépend
du
sont
bien
appréhender.
sur
produit
le
(selon
comportement
qu’il
les
des
concerne
directement ou non), de l’âge (plus l’enfant grandit, plus
l’impact
est
faible),
de
l’exposition
télévisuelle
(la
répétition étant le moteur de la persuasion).
L’impact publicitaire semble donc particulièrement fort chez
les jeunes enfants (autour de 6 ans) et pour les produits les
concernant directement : boissons sucrées, barres chocolatées,
bonbons, céréales. Nous verrons plus loin que le danger induit
par
cet
impact
est
important :
Les
enfants
risquent
d’assimiler ce régime alimentaire à la norme et de n’aimer que
ce type de produits, ce qui provoquerait des carences et/ou
des déséquilibres pondéraux.
C’est
notable,
les
publicités
en
direction
des
enfants
ne
concernent jamais le pain, les fruits ou les légumes. 70% des
publicités
pour
enfants
vantent
les
produits
sucrés,
les
céréales ou les bonbons.
Mais il convient de rappeler ici le rôle des parents dans
l’éducation de leurs enfants : distinguer les produits sains
pour la santé de ceux plus néfastes et dont il ne faut pas
abuser ?
Il
n’est
pas
nécessaire
d’avoir
un
niveau
élevé
d’instruction pour percevoir la différence énergétique entre
des haricots verts et des cookies au chocolat, ni pour savoir
que
l’abus
de
certains
aliments
fait
grossir
et
qu’une
alimentation équilibrée est indispensable à une bonne santé.
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En
Belgique,
PUBLICITE
une
petite
ET
L’ENFANT
brosse
à
dents
apparaît
systématiquement sur toute publicité (TV ou presse magazine)
pour des produits sucrés.
Si l’enfant est un récepteur et un consommateur de publicité,
il est également placé au cœur de la mise en scène des spots.
Les rôles donnés à l’enfant ont subi une nette évolution ces
douze dernières années.
B. L’enfant acteur de la publicité
1. Quels rôles joue l’enfant dans la publicité ?
Redistribution des rôles :
Jusqu’en
1995
Les
publicitaires
mettaient
en
scène
les
familles ou alors s’adressaient séparément aux parents ou aux
enfants.
Début 1995, le publicitaire s’adresse à la famille mais en
inversant les rôles :
Spot de l’anodine publicité de la 806 : « La voiture que les
enfants conseillent à leurs parents ».
Le publicitaire établit alors une connivence avec l’enfant. La
pub sape l’autorité des parents. Les rôles sont inversés.
Nous
assistons
ainsi
à
une
redistribution
des
rôles,
une
inversion des rôles jusqu’à une confusion des rôles.
L’enfant conseille des achats aux parents. L’adulte perd son
autorité. La pub donne un rôle important à l’enfant. C’est
celui qui sait mieux. Les rôles sont redéfinis. La pub s’est
immiscée dans la famille. Les parents déstabilisés sont alors
culpabilisés.
Les
parents
sont
culpabilisés
et
réduits
à
consommer ce produit.
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PUBLICITE
2. Instrumentalisation
ET
de
L’ENFANT
l’enfant
à
travers
la
culpabilité parentale dans la publicité.
La pub devient éducative, informative, elle sanctionne.
En 2004, Danone et les « alicaments », ces aliments qu’on veut
faire accepter en tant que médicaments.
Il
s’agit
de
santé,
ce
que
les
marques
font
pour
le
consommateur est « bon ». La pub menace.
Gervais aux fruits, « le petit pot des os costauds ». Nous
pourrions entendre ici les enfants se dire « moi je veux avoir
des os costauds » et leur mère de penser « si je veux bien
faire pour leur croissance, il faut que j’en achète ».
Les parents seraient-ils irresponsables s’ils ne fournissaient
pas
à
leurs
enfants
de
Gervais
aux
fruits ? Les
parents
seraient ainsi sanctionnés.
Ainsi, l’enfant se place en position de force dans l’achat du
dit
produit :
l’impératif
de
les
la
parents
santé.
ne
peuvent
Pourtant
le
que
pot
céder
de
devant
Gervais
en
plastique n’est bon ni pour nous, ni pour la planète ?
Légitimation d’une violence des pulsions, nommées « envies »,
et bientôt érigées en « droits de consommer » que de jeunes
tyrans imposeront à leurs proches (l’Association des instituts
de rééducation dénonce déjà « les publicités dans lesquelles
les enfants sont mis en position de toute-puissance à l’égard
de leurs parents »). L’enfant est le meilleur vendeur. »
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3. Relation
ET
parents–enfant
L’ENFANT
ambiguë.
Confusion
des
rôles.
L’enfant
témoin
des
désirs
des
parents.
Papa
déguste
un
fromage devant bébé. L’enfant censeur. Papa achète une voiture
pour bébé. Le grand-père réussit à convaincre les enfants de
faire un gâteau.
L’adulte prend l’enfant à témoin de ses désirs comme pour les
crédibiliser. L’adulte aurait-il besoin désormais de justifier
ses désirs en les partageant avec l’enfant ? L’enfant seraitil devenu le seul référent ?
Les parents et l’enfant : l’enfant fait la leçon au père et
lui
explique
que
ce
nouveau
lait
est
meilleur.
La
mère
surenchérit. L’enfant et la mère font bloc dans l’autorité: Le
père est « l’intrus », en position d’apprenant et de soumis.
L’enfant
ne
demande
déculpabilise,
plus.
légitime
son
L’adulte
désir.
La
anticipe
présence
de
et
se
l’enfant
justifie le choix de l’adulte. L’enfant mène le jeu.
4. Rôle d’acheteur de l’enfant
De plus, les enfants ont désormais un pouvoir d’achat moyen
important qui les porte à jouer le rôle d’acheteur, plus ou
moins
Ils
ont
autonome
de
surcroît
selon
un
intérêt
leur
prononcé
âge.
pour
ce
qui
est
nouveau et peuvent naturellement faire entrer dans la famille
de
nouveaux
produits,
nouvelles
pratiques
phénomène
de
de
de
nouvelles
marques,
consommation,
socialisation
inversée
jouant
(Moschis
et
partant
ainsi,
et
par
de
le
Churchill,
1978 ; Gollety, 1999), un rôle de pionner que leurs parents,
parfois réticents à la nouveauté, ont parfois plus de mal à
endosser. Les parents seraient alors influencés deux fois :
directement par le discours publicitaire et indirectement par
le relais de leur progéniture.
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Zhen ZHOU
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Un
rôle
croissant
décisions
PUBLICITE
est
donc
ET
L’ENFANT
dévolu
économiques
aux
enfants
de
dans
la
les
famille.
Rôle multi- facettes puisque les enfants peuvent en effet être
simultanément consommateurs, acheteurs et influenceurs (actifs
ou passifs). Les enfants, compte tenu de leur position au sein
de la famille constituent de fait une cible privilégiée pour
les publicitaires.
Nous avons vu que l’enfant est la cible de la publicité, que
la publicité s’immisce dans la famille, mais aussi qu’après
avoir
établi
une
connivence
certaine
avec
l’enfant,
la
publicité fait entrer l’enfant dans son univers en lui donnant
des rôles inversés et confus dont on peut supposer l’incidence
sur l’éducation, ce qui nous conduit à nous interroger sur les
effets de la publicité sur les enfants.
L'utilisation des enfants dans la publicité
Question : Trouvez-vous choquant ou pas choquant que des
enfants apparaissent dans des publicités ?
Rappel enquête
Le Parisien /
Septembre
SOFRES avril
2002
1983
- C'est choquant
31
24
- Ce n'est pas choquant
62
73
- Sans opinion
7
3
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Zhen ZHOU
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PUBLICITE
ET
L’ENFANT
L'opinion sur l'utilisation des enfants dans la publicité
selon l'âge en 2002
(item "c'est choquant")
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