Généralités sur les moisissures
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Généralités sur les moisissures
Introduction 1 INTRODUCTION L es onychomycoses représentent les étiologies les plus fréquentes parmi les onychopathies. Cette fréquence, en ascension continue, est probablement due aux changements qu‟a connu notre mode de vie durant ces dernières décennies. Mal supportées par les patients, elles sont devenues l‟un des principaux motifs de consultation en dermatologie mycologique. Le plus souvent, ces onychomycoses sont causées par des Dermatophytes au niveau des ongles des pieds et par des Candida au niveau des ongles des mains. Moins fréquemment, elles peuvent être dues à des champignons filamenteux non dermatophytiques appelés communément « Moisissures ». Ces moisissures sont des saprophytes omniprésents, peuplant chaque recoin de notre environnement et dont certains, dotés d‟une virulence latente, peuvent outrepasser ce caractère saprophyte et se transformer en opportunistes. Ces dernières années, les onychomycoses engendrées par ces moisissures ont attiré une grande attention dans le milieu médical. En effet, cette famille de champignon est de plus en plus pointée des doigts en tant que responsable de l‟échec de traitement des onychomycoses. Elle est également accusée d‟être potentiellement responsable d'infections systémiques chez les patients immunodéprimés et de certaines complications qui peuvent être fatales chez les diabétiques. La prévalence des onychomycoses à moisissures varie énormément selon les études et les laboratoires et oscille généralement entre 1,5% et 20% de l‟ensemble des cas d‟onychomycoses. Au Maroc, quoique la prévalence 2 enregistrée reste très basse, une prise de conscience relativement à ce type d‟atteintes commence à s‟installer dans le milieu scientifique. L‟objectif de ce travail est d‟abord d‟essayer de combler un vide concernant la documentation autour des onychomycoses à moisissures puisque les ouvrages scientifiques traitant ce sujet dans sa globalité sont quasi-absents. Un autre objectif tout aussi important est de présenter, en les discutant, les résultats de l‟étude rétrospective menée par le « Laboratoire de Parasitologie et de Mycologie Médicale de l‟Hôpital d‟Enfants de Rabat » sur les onychomycoses au Maroc. Le présent recueil se propose ainsi, d‟expliciter les différentes facettes du sujet en parlant, dans un premier temps des moisissures puis des onychomycoses dans un cadre général pour passer ensuite à une présentation de l‟état des lieux relatif aux onychomycoses à moisissures en s‟appuyant sur les publications et les recherches faites dans différents pays et dans des contextes variés dans le but de dégager une vue aussi large que possible sur ce sujet. Une attention particulière sera accordée à l‟étude susmentionnée du « Laboratoire de Parasitologie et de Mycologie Médicale de l‟Hôpital d‟Enfants de Rabat » qui a permis, entre autres, de tracer une cartographie des mycoses unguéales au Maroc, une cartographie qui ne peut être que fiable et représentative, vu l‟étalement de l‟étude dans le temps et le nombre important des patients étudiés. 3 Partie théorique 4 CHAPITRE I : GENERALITES SUR LES MOISISSURES I DEFINITION Les moisissures sont des champignons pluricellulaires microscopiques ubiquistes, à croissance filamenteuse, qui regroupent des milliers d‟espèces. Le terme familier de « moisissures » fait généralement référence à leur texture laineuse, poudreuse ou cotonneuse, qui peut être observée à divers endroits [1]. Les moisissures produisent des structures de reproduction appelées spores ; celles-ci sont invisibles à l‟œil nu. Elles peuvent également élaborer des substances chimiques susceptibles de demeurer à l‟intérieur des spores, d‟être libérées dans les matériaux qu‟elles colonisent (ex. : enzymes, mycotoxines) ou encore d‟être libérées dans l‟air ambiant (ex. : composés organiques volatils). II MODE ET CONDITIONS DE DEVELOPPEMENT Chez les moisissures, l'appareil végétatif, qui permet la croissance et le développement, est composé de filaments appelés « hyphes » dont l'ensemble constitue un réseau: le mycélium. Celui-ci est parfois visible sous forme de petites tâches colorées à la surface de substrats moisis. Il va à la recherche de ses aliments, dégrade le support par émission d'enzymes et d'acides, transforme les composants à l'intérieur de la cellule et rejette les déchets à l'extérieur ou les stocke. La dégradation du substrat peut être infime ou considérable, selon l'adaptation spécifique du champignon, la durée et les conditions de son développement. Cette activité de dégradation est cause de la détérioration des supports. 5 La colonisation du substrat est donc réalisée par extension et ramification des hyphes. L'accroissement de celles-ci s'effectue par le sommet où se réalise l'essentiel des réactions de synthèse et de dégradation. Il s‟agit là du métabolisme primaire, indispensable à la construction de la cellule du champignon. Les régions apicales des hyphes sont caractérisées par la présence de nombreuses vésicules cytoplasmiques contenant les enzymes et les précurseurs de synthèse de nouveaux polymères. Les produits du métabolisme "secondaire" non indispensable au fonctionnement de la cellule, sont plutôt stockés en région subapicale. Les métabolites secondaires les plus connus sont les pigments, les antibiotiques, les mycotoxines [2]... Les hyphes sont appliquées sur le substrat ou parfois immergées dans celui-ci. Elles absorbent, à travers leur paroi, l'eau, les substances nutritives et les ions qui y sont contenus. Cette fonction implique une perméabilité pariétale qui diminue de l'apex vers les zones plus âgées. Dans les zones actives, il y a en permanence des échanges entre l'intérieur et l'extérieur de la cellule. Au point de vue structural, ces hyphes sont des sortes de tuyaux contenant le cytoplasme, les noyaux et autres organites cellulaires. Elles sont généralement cloisonnées. Dans les parties jeunes du mycélium les cloisons sont percées de pores qui permettent le passage du contenu cellulaire d'un compartiment à l'autre. Dans les parties les plus âgées, les cloisons sont fermées, isolant les parties en voie de dégénérescence des parties actives. Bien qu‟elles soient peu exigeantes, la réunion de certains facteurs, nutritifs et environnementaux est néanmoins nécessaire au développement des moisissures. Ainsi, le Carbone et l‟Azote sont les éléments nutritifs les plus importants pour les moisissures en sus de quelques ions minéraux (Potassium, Phosphore, Magnésium…) et ce, en très faibles quantités. Les moisissures peuvent 6 également avoir besoin d‟autres éléments tels que les acides aminés, les protéines, l‟amidon et la cellulose. Ces substances nutritives sont souvent abondantes mais c‟est généralement une bonne combinaison des facteurs environnementaux déterminants que sont l‟humidité, l‟oxygénation, la température et le pH qui fait défaut entravant ainsi le développement des moisissures [2]. III PRINCIPAUX EFFETS DES MOISISSURES SUR LA SANTE HUMAINE Toutes les moisissures sont saprophytes se développant sur et au détriment de matériaux très variés (papiers, bois, aliments, peau, phanères..). Parfois, certaines d‟entre elles peuvent devenir "opportunistes" en parasitant l‟organisme hôte. Un tel comportement peut occasionner chez certaines personnes dont les défenses sont affaiblies, des effets néfastes sur la santé [3,4]. Ces effets sont de type irritatif, immunologique (réactions allergiques et réponses immunitaires nocives) ou toxique (réactions aiguës à de fortes concentrations et réactions systémiques suite à l‟exposition répétée aux mycotoxines). Plus rarement ces effets sont cancérigènes ou prennent la forme d‟infections opportunistes chez des individus sévèrement immunodéprimés comme par exemples des fusarioses ou des aspergilloses disséminées, ou profitant de l‟absence normale d‟une défense immunitaire dans l‟appareil unguéal pour provoquer une onychomycose [1]. Ce dernier effet, sujet de la présente thèse, peut être provoqué par de nombreuses espèces de moisissures dont la classification est abordée dans le paragraphe ci-après, l‟accent étant mis sur la classe reconnue à l‟origine desdites onychomycoses à moisissures. 7 IV PLACE DES MOISISSURES RESPONSABLES D’ONYCHOMYCOSES DANS LE REGNE DES MYCETES Comme les autres champignons, la classification des moisissures, est d‟abord basée sur le mode de reproduction sexuée autrement appelée « phase téléomorphe » [1]. Ce critère définit quatre des cinq divisions des mycètes, soit les Chytridiomycotina, les Zygomycotina, les Basidiomycotina et les Ascomycotina. Certaines moisissures sont le plus souvent ou exclusivement rencontrées à des stades de multiplication asexuée dits « anamorphes », et sont alors classées d‟après le mode de production des spores asexuées ou conidies dans la cinquième division des Deutéromycotina, ou Fungi imperfecti qui regroupe la plupart des moisissures d‟intérêt médical. Les Deuteromycotina sont divisés en trois classes : Les Blastomycètes qui regroupent l‟ensemble des champignons levuriformes. Les Hyphomycètes qui regroupent tous les champignons filamenteux à thalle septé dont les cellules conidiogènes (productrices de spores ou conidies) sont libres. Les Coelomycètes qui rassemblent les champignons filamenteux dont les cellules conidiogènes sont contenues dans des organes protecteurs appelés pycnides ou acervules. Le schéma suivant montre la classification de la division des Deuteromycotina : 8 Règne CHAMPIGNONS Deuteromycotina Phylum Classe Ordre (Fungi Imperfecti) Blastomycètes Coelomycètes Cryptococcales Moniliales Dematiaceae Moniliaceae (hyalohyphomycètes) (phaéohyphomycètes) Famille Genre Hyphomycètes Candida sp. Cryptococcus sp. Malassezia sp. Trichosporon sp Nattrassia sp. Phoma sp. Acremonium sp. Alternaria sp. Aspergillus sp. Aureobasidium sp. Beauveria sp. Bipolaris sp. Chrysosporium sp. Cladosporium sp. Cylindrocarpon sp. Curvularia sp. Fusarium sp Exophiala sp Onychocola sp. Phialophora sp. Paecilomyces sp. Scytalidium sp Penicillium sp Ulocladium sp Scedosporium sp. Scopulariopsis sp. Scytalidium sp. Trichoderma sp. Fig. 1 : Classification de la division des Deuteromycotina [3] C‟est parmi ces champignons filamenteux de la classe des Hyphomycètes qu‟on retrouve incriminée la plupart des espèces de moisissures responsables d‟onychomycoses. 9 Les Hyalohyphomycètes 1.1 Epidémiologie Les Hyalohyphomycètes sont des micromycètes cosmopolites appartenant à la famille des Moniliaceae. Ils vivent pour la plupart en saprophyte, dans le sol, sur des végétaux en décomposition ou sur des substrats telluriques divers comme les débris kératiniques. Certains sont des pathogènes de plantes (surtout les espèces appartenant au genre Fusarium), ou d‟insectes comme Beauveria bassiana [3]. A partir de leur habitat naturel, ces champignons dispersent leurs spores qui, véhiculées par le vent, seront présentes dans l‟air de manière permanente. C‟est le cas, par exemple, des spores de Penicillium qui se situent en 3 ème position des spores fongiques atmosphériques [3]. Ces Hyalohyphomycètes se développent bien sur tous les milieux utilisés en mycologie. Leur croissance est cependant inhibée par le cycloheximide. La température optimale de croissance varie selon les espèces entre 20 et 30 °C. Seules les espèces isolées de prélèvements profonds poussent à 37 °C [2,3]. 1.2 Caractéristiques microscopiques Les genres appartenant à cette famille ont certains caractéristiques microscopiques en commun : Un mycélium végétatif clair ou hyalin [3]. Des filaments mycéliens, de diamètre fin et régulier, septés et ramifiés. L‟organisation conidiogène change et varie selon les espèces [3]. Les Phaéohyphomycètes (ou Dèmatiés) 2.1 Epidémiologie Les Dématiés sont des moisissures issues du sol, de la terre ou de végétaux en décomposition. Ils sont parfois parasites de plantes et certains sont de véritables 10 opportunistes chez l‟homme. Leur caractéristique commune est de produire des pigments de type mélanine qui imprègnent la paroi des filaments, d‟où l‟aspect foncé ou noir des colonies en culture et des filaments dans les tissus parasités [5,6]. 2.2 Caractères culturaux Les Phaéohyphomycètes se développent bien sur tous les milieux utilisés en mycologie. Leur croissance rapide est le plus souvent inhibée par le cycloheximide. Les températures optimales de croissance sont comprises entre 25 et 30 °C. Seules quelques espèces isolées de prélèvements profonds poussent à 37 °C [7,3]. 2.3 Morphologie microscopique Les filaments végétatifs, initialement hyalins, brunissent en vieillissant, mais certains restent incolores. Ces champignons se reproduisent en général seulement sur le mode asexué, et l‟organisation conidiogène varie selon les espèces. En outre, si les spores sont souvent foncées ou noires pour ces champignons, d‟autres produisent des spores hyalines [7,3] 11 CHAPITRE II : LES ONYCHOMYCOSES I RAPPEL SUR L’ANATOMIE ET LA PHYSIOLOGIE DE L’APPAREIL UNGUEAL Une bonne connaissance de l‟anatomie et de la physiologie de l‟ongle est nécessaire à la compréhension de l‟onychomycose, de ses caractères cliniques et de la réponse au traitement. C‟est ainsi que le présent paragraphe sera dédié à la description de l‟anatomie et de la physiologie de l‟ongle normal. 1. Anatomie de l’appareil unguéal L‟appareil unguéal est constitué de cinq parties (FIG. 2): la tablette unguéale, la matrice unguéale, le repli proximal ou sus-unguéal et les replis latéraux, le lit de l‟ongle, l‟hyponychium 12 La figure ci-dessous représente une coupe sagittale de l‟appareil unguéal. : 1. Cul-de-sac unguéal ; 2. derme du repli sus-unguéal ; 3. couche cornée de la face supérieure du repli susunguéal ; 4. couche cornée de la face inférieure du repli sus-unguéal ; 5. épiderme du repli sus-unguéal : face postérieure ; 6. épiderme du repli sus-unguéal : face inférieure ; 7. sillon proximal ; 8. cuticule ; 9. limite inférieure de la lunule ; 10. partie supérieure de la lame ; 11. partie moyenne de la lame ; 12. partie profonde de la lame ; 13. bord libre de la lame unguéale ; 14. sillon distal ; 15. derme de l‟extrémité digitale ; 16. épiderme de l‟extrémité digitale ; 17. épiderme de l‟hyponychium ; 18. épiderme du lit unguéal ; 19. médullaire osseuse ; 20. périoste ; 21. derme du lit unguéal ; 22. fibres verticales de collagène ; 23. matrice distale ; 24. matrice proximale. Fig. 2 : Coupe sagittale de l‟appareil unguéal [19] 1.1 La tablette unguéale La tablette unguéale est une plaque rectangulaire dure, cornée, lisse, transparente faite de kératine produite de manière continue par la matrice. Cette plaque est encastrée en arrière dans une large cavité, le cul-de-sac proximal et latéralement dans les sillons latéraux. La partie proximale, est constitué de lunule. Puis l‟ongle paraît rosé du fait de la vascularisation du lit unguéal sur lequel il repose. Cette coloration, se renforce dans la région distale pour laisser place ensuite à une zone étroite plus pâle, “la bande onychodermique”, qui correspond à la jonction du lit et de l‟hyponychium et représente une importante barrière anatomique contre les agressions [8]. L‟infection de la couche cornée de 13 l‟hyponychium par un champignon peut favoriser la rupture de cette jonction et une onycholyse [9]. L‟extrémité distale est blanche et n‟adhère pas à l‟hyponychium, c‟est le “bord libre” de la tablette unguéale sous lequel persistent généralement des débris de kératine, en particulier aux orteils. La tablette n‟est pas du tout adhérente à la matrice sous-jacente dans sa partie proximale. Elle adhère par contre fortement au lit de l‟ongle qui participe à la formation des couches inférieures de la tablette. Au niveau des sillons latéraux, l‟adhérence de la tablette est faible, particulièrement dans la moitié distale. Cette faible adhérence au niveau des sillons latéraux peut expliquer les échecs des traitements antifongiques oraux [9]. 1.2 La matrice unguéale La matrice a la même structure histologique que l‟épithélium cutané, mais la couche superficielle ne comporte pas de couche granuleuse. 1.3 Le lit de l’ongle Il s‟étend de la lunule à l‟hyponychium. Il est composé de l‟épiderme dont la kératinisation se fait également sans couche granuleuse et qui participe à la formation des couches inférieures de la tablette unguéale [9,10] à laquelle il adhère fortement, et du derme, dépourvu de tissu sous-cutané et en contact direct avec le périoste de la phalange sous-jacente. 1.4 L’hyponychium C‟est la partie située entre la bande onychodermique et le sillon antérieur qui borde le bourrelet antérieur. L‟épiderme ne diffère pas de l‟épiderme palmoplantaire, on y retrouve une couche granuleuse [9]. 14 1.5 Le repli proximal C‟est une invagination de l‟épiderme de la face dorsale du doigt. Il recouvre la partie proximale de la tablette unguéale et se termine par la cuticule, expansion cornée constituée de cellules orthokératosiques formées par la kératinisation de la tablette proximale et qui adhère très fortement à la tablette. La cuticule ferme le cul-de-sac unguéal, protégeant ainsi la région matricielle; elle s‟oppose à la pénétration de corps étrangers ou d‟agents infectieux [8]. La matrice proximale produit les couches superficielles de l‟ongle, la matrice distale produit les couches moyennes et le lit unguéal produit les couches profondes. 2. Composition chimique de l’ongle 2.1 La kératine L‟ongle est composé de kératines ; scléroprotéines riches en acides aminés soufrés, dont la structure et l‟agencement sont responsables de la dureté de la tablette et de sa flexibilité. Cette richesse en kératine de l‟ongle explique la potentialité de pathogénicité de certains micro-organismes. Certains champignons sont capables de pénétrer les kératinocytes en produisant des enzymes. C‟est le cas des dermatophytes qui produisent les kératinases. Les Candida, n‟ont pas cette faculté et ne peuvent par conséquent pénétrer un ongle sain, hormis le Candida albicans qui produit une peptidase capable de digérer la kératine. Quant à elles, les moisissures du genre Aspergillus, Acremonium, Penicillium ne sont pas capables de détruire la kératine saine, mais peuvent devenir pathogènes à l‟occasion d‟une altération de kératine qui peut être mécanique ou causée par un autre champignon. Ce dernier cas de figure 15 explique les infections mixtes par des dermatophytes ou des Candida d‟une part, et des moisissures d‟une autre part [11]. Quelques espèces de Scopulariopsis telles que le S.brumptii, le S. candida, le S. carbonaria et le S. koningii ont une activité kératolytique [12]. 2.2 Les autres constituants de l’ongle En sus de la Kératine, les autres constituants de l‟ongle sont : L’eau dont la teneur (16 % à 18 %) est dépendante du degré hygrométrique [9]. La perte transonychiale d‟eau est moins importante dans les ongles infectés par les champignons que dans les ongles sains. La tablette est non seulement perméable à l‟eau, mais également au méthanol, à l‟éthanol et à de nombreuses autres substances dont des substances antifongiques [9]. La pénétration de ces substances est améliorée par l‟utilisation de certains véhicules comme l‟urée [13]. La mise au point de vernis transunguéaux a permis d‟améliorer considérablement la pénétration de certaines de ces substances antifongiques [14]. Les lipides 0,1 à 1%. Principalement le cholestérol, intervenant dans l‟élasticité de l‟ongle. Les minéraux : Particulièrement le calcium, dont le faible taux (1 %) est sans rapport avec la dureté de l‟ongle, le soufre (5 %), le fer, le zinc, le cuivre, le manganèse… La composition chimique se modifie avec l‟âge, la teneur en calcium augmente, celle du fer diminue [9]. Croissance de l’ongle La matrice unguéale produit une lame de kératine de manière continue tout au long de la vie. La vitesse de croissance est variable selon l‟âge, diminuant chez le sujet âgé [15], le sexe, les saisons, l‟activité manuelle, les traumatismes, 16 certaines maladies…. Elle est deux fois plus rapide aux mains (1/10 mm par jour) qu‟aux pieds ; c‟est probablement une des raisons pour laquelle les ongles des orteils sont beaucoup plus souvent infectés que les ongles des doigts; cela explique également la nécessité d‟un traitement deux fois plus long pour les onychomycoses des orteils que pour celles des doigts. L‟épaisseur de l‟ongle (0,5 à 0,75 mm aux mains, 0,5 à 1 mm aux pieds) dépend de la longueur de la matrice. II DEFINITION D’UNE ONYCHOMYCOSE Une onychomycose est une mycose des ongles, des mains ou des pieds, provoquée par des champignons microscopiques qui se développent sur l‟ongle et le détruise en partie ou en totalité. Ces champignons peuvent être des dermatophytes, des levures ou des moisissures, se nourrissant de kératine de l‟ongle et se développant surtout dans les zones chaudes et humides. III LES ONYCHOMYCOSES A DERMATOPHYTES 1. Caractéristiques des dermatophytes Les dermatophytes sont des Champignons filamenteux caractérisés par [16] : Un mycélium cloisonné Une activité kératinolytique et Kératinophile La sécrétion des métabolites antigéniques Leur culture sur des milieux artificiels peptonés et sucrés Leurs responsabilités dans les mycoses superficielles. 17 Agents étiologiques et facteurs favorisants Les dermatophytes responsables d‟onychomycoses sont : Le Trichophyton rubrum: le plus fréquent (mains et pieds) Le Trichophyton mentagrophytes avec une fréquence modérée L‟Epidermophyton floccosum, le Trichophyton violaceum et le Trichophyton schönleinii qui sont moins fréquents Leur transmission est interhumaine. L‟onychomycose est presque toujours la complication secondaire d‟une atteinte dermatophytique interorteil et plantaire favorisée par [17] : L‟humidité et la chaleur La fréquence de contact avec une ou plusieurs sources de contamination : piscine, douche commune, salle de bain, ... (ils passent très facilement d‟un doigt à l‟autre ou d‟un pied à un tapis de salle de bain puis à un autre pied) Le caractère pathogène élevé des dermatophytes dû à leur équipement enzymatique représenté notamment par les kératinases capables de digérer une kératine unguéale saine et par la résistance de leur forme de dissémination. En effet certaines spores de ces champignons peuvent demeurer viables et infectieuses dans l‟environnement, pour une période pouvant aller jusqu‟à 5 ans ! [170]. La clinique de l’atteinte Les ongles des orteils et les ongles des doigts sont atteints respectivement dans 80 % et dans 20 % des cas. L‟atteinte est mixte dans 3 % des cas. La voie de pénétration du dermatophyte dans l‟appareil unguéal conditionne la variété clinique de l‟onychomycose à dermatophytes [18,187] : 18 L‟onychomycose sous-unguéale distolatérale: L‟envahissement par le dermatophyte débute presque toujours au niveau de la zone jonctionnelle entre la kératine pulpaire et le lit unguéal. Il en résulte une hyperkératose sous-unguéale, puis une onycholyse par détachement de la tablette de son lit. L‟onychomycose sous-unguéale proximale : Les dermatophytes pénètrent sous le repli sus-unguéal pour envahir toute la partie proximale de la lame unguéale avant de s‟étendre progressivement. Cette forme est rare en dehors d‟une immundépression sous-jacente. La leuconychie superficielle : La lame superficielle de l‟ongle est attaquée par les filaments mycéliens. Une ou plusieurs taches blanches siégent au milieu de l‟ongle et disparaissent au grattage. La dystrophie unguéale : Evolution prolongée de l‟une des formes précédentes. Traitement La confirmation du diagnostic d'onychomycose par l'examen mycologique est indispensable, car la thérapeutique diffère selon l'agent en cause. Dans le cas des dermatophytes, le traitement préconisé varie selon l‟état de la zone matricielle [187] : Zone matricielle respectée : Traitement local : crème sous occlusion (Kétoconazole, Ciclopiroxolamine), après avulsion chimique ou mécanique, ou solution filmogène quotidienne ou hebdomadaire (Ciclopiroxolamine , Amorolfine) Si échec, associer le traitement systémique. 19 Zone matricielle atteinte : Terbinafine 250 mg/jour pendant 3 mois ou griséofulvine 18 à 24 mois Si échec : Kétoconazole (200 mg/jour pour doigts, 400 pour orteils) ou Itraconazole. IV LES ONYCHOMYCOSES A CANDIDA 1. Définition des candida Ce sont des champignons unicellulaires de forme variable, très répandus dans tout le monde habité, et qui sont normalement des commensaux parfaitement tolérés par l'homme sain [21,22], mais qui peuvent provoquer parfois des mycoses (candidiase ou candidose) chez les personnes dont le système immunitaire est affaibli ou chez des personnes soumis à des facteurs favorisants le développement de ce type de champignons. Candida albicans est l‟espèce la plus fréquemment rencontrée en pathologie. Agents étiologiques et facteurs favorisants Dans plus de 90 % des cas d‟onychomycoses à candida [187], Candida albicans est isolé comme agent étiologique. Les autres espèces de Candida (C. tropicalis, C.krusei, C.parapilosis, C.glabrata) sont rarement impliquées dans ce type d‟atteinte. Des surinfections bactériennes, en particulier à Pseudomonas aeruginosa sont possibles et donnent une teinte bleue foncée à l'ongle. Lorsque l'examen mycologique direct met en évidence des blastospores et un pseudomycélium et que la culture isole la Candida albicans, celui-ci peut être alors reconnu comme agent responsable. Si une autre espèce de Candida est 20 isolée, il est difficile de statuer sur son rôle pathogène. Il peut s'agir par exemple d'une simple colonisation cutanée après une onycholyse relevant d'une autre affection dermatologique (traumatisme, psoriasis...). Les facteurs favorisant le développement d'une onychomycose à Candida spp. peuvent être [187] : Les traumatismes locaux : manucurie, détergents, ... Le contact répété avec l'eau, le sucre (souvent pour des raisons professionnelles)… Le blanchiment des mains au jus de citron La modification de l'immunité à cause du diabète, d‟une candidose mucocutanée chronique…ou encore suite à l‟action de corticoïdes, d‟agents immunosuppresseurs... Clinique de l’atteinte Les symptômes et caractéristiques suivants forment généralement les signes cliniques de l‟atteinte [187] : Les ongles des doigts sont atteints préférentiellement, l'atteinte des ongles des orteils est rare. Habituellement, l'onychomycose à Candida. sp. débute par un périonyxis (paronychie). Il s'agit d'une tuméfaction douloureuse de la zone matricielle et du repli sus-unguéal. La pression peut faire sourdre du pus. L'évolution se fait sur un mode subaigu ou chronique. La tablette unguéale est envahie secondairement et chaque poussée se traduit par un sillon transversal. Progressivement, celle-ci prend une teinte marron verdâtre, en particulier dans les régions proximales et latérales. 21 Plus rarement, il s'agit d'une onycholyse latérodistale : la tablette unguéale n'adhère plus au lit de l'ongle sur une surface variable. Traitement Le principe du traitement des onychomycoses à candida est le suivant [187]: D‟abord, il faut rechercher les facteurs favorisants et les éliminer si possible. Si un seul ongle est atteint, un traitement local peut être tenté : il associe un traitement antiseptique (Bétadine solution dermique, Hexomédine transcutanée, par exemple) et un antifongique local (dérivés imidazolés, ciclopiroxolamine, fungizone) dont l'application doit être renouvelée plusieurs fois dans la journée, et en particulier après chaque lavage des mains (un gel ou une solution sont souvent préférables aux crèmes pour les doigts). Le port des gants est souvent illusoire et semble plutôt entretenir un facteur d'humidité. En cas d'échec, un traitement per os par kétoconazole, 200 à 400 mg/j, peut être associé au moins jusqu'à disparition du périonyxis (2 à 3 mois). Si plusieurs ongles sont atteints, le traitement associera d'emblée du kétoconazole et un traitement local. 22 CHAPITRE III : LES ONYCHOMYCOSES A MOISISSURES I EPIDEMIOLOGIE Historiquement, les moisissures ont été souvent considérées comme de simples contaminants des cultures, surtout quand un dermatophyte était présent simultanément. Cependant, lors de ces dernières décennies, leur implication en pathologies unguéales est de plus en plus mise en évidence. Selon des études publiées, leur prévalence varie entre 1,5 % et 20 % [18]. Le tableau I montre pour certains pays [23], la fréquence des onychomycoses dans la population générale, selon qu‟elles soient suspectées cliniquement ou confirmées mycologiquement. Il met également en évidence la variation de la fréquence d‟onychomycoses à moisissures entre lesdits pays tout en la comparant à celle des onychomycoses à dermatophytes et à levures. 23 24 13,8 1 832 2920 Canada - USA Ghannoum (2000) Brésil-Rio Aranjo (2003) 19,3 41,2 1 840 Turquie Kiraz (1999) 39 100 100 Pakistan Bokhari (1999) 15,7 1 952 Grèce [33] Rigopoulos (1998) 15 2 382 Chine - Hong Kong Kam (1996) 14,2 24,8 26,3 6 688 Italie - Rome Mercantini (1996) Onychomycoses confirmées (%) 50,3 Onychomycoses suspectées cliniquement (%) 736 Nombre de sujets examinés USA Kemma (1996) Pays [référence] (1er auteur) (année) 64,7 59 48 43 41 92,1 23,2 81,9 Dermato 31,1 21 50,1 46 52,4 4,8 59,1 7 Levures Culture % 5,2 20 1,9 11 6,5 3,0 17,6 11,1 Moisissures Étude en dermatologie sur 2 ans : 1998-1999 Étude chez le généraliste durant 1 an de 1997 à 1998 Étude, puis résultats en mycologie en 1995 et 1997 Enquête en dermatologie durant l‟année 1997 Enquête en dermatologie de 1994 à 1996 Étude en milieu urbain de 1987 à 1994 en dermatologie Patients tout âge confondu consultant en dermatologie Patients consultant en en 1994 dermatologie en 1994 Contexte de l’étude Tableau I: Prévalence des onychomycoses de 1996 à 2003 selon les pays et caractéristiques des études [18, 23, 28] Dans une étude colombienne menée dans deux laboratoires différents, les prévalences des infections unguéales causées par les moisissures étaient de 4,5 % et de 9,5 % [24]. Au Gabon, en Afrique le Scytalidium dimidiatum cause 20 % des infections des ongles du pied [24]. Enfin, au Nigeria H. GUGNANI a montré que jusqu'à 40 % des onychomycoses des ongles du pied chez les mineurs étaient dues à Scytalidium dimidiatum [24]. D‟après ces études, la variation de la prévalence des onychomycoses à moisissures varie considérablement selon les pays. Ceci peut s‟expliquer par le fait qu‟il n‟est pas toujours facile d‟affirmer le caractère pathogène d‟une moisissure dans une onychomycose, par le recours à des méthodes de diagnostic différentes selon les laboratoires, par la dissemblance de la distribution géographique des moisissures, mais aussi et surtout par la différence du climat régnant dans chaque pays. En effet, les onychomycoses à moisissures sont plus répandues dans les régions tropicales et subtropicales caractérisées par un climat chaud et humide faisant d‟elles des zones endémiques [24]. Dans notre pays à climat tempéré, les onychomycoses à moisissures ne sont que rarement suspectées. En effet, une étude rétrospective menée par A. AGOUMI [26] à propos des onychomycoses diagnostiquées au Laboratoire de Parasitologie et de Mycologie Médicale (Hôpital d‟Enfants de Rabat) sur une période de 22 ans (1982-2003) montre un faible taux d‟onychomycoses à moisissures (1,53 %) par rapport aux onychomycoses causées par les dermatophytes (61,46 %) et par le Candida albicans (25,5 %). 25 II LES AGENTS ETIOLOGIQUES ET LEURS PRINCIPALES CARACTERISTIQUES Le développement des méthodes d‟analyses a permis de confirmer le rôle de certaines moisissures dans les onychomycoses et d‟infirmer l‟hypothèse qui considérait que les moisissures étaient toujours de simples contaminants des cultures. Ces méthodes exigent ainsi pour confirmer la responsabilité d'une moisissure dans une infection unguéale, un examen microscopique direct montrant des filaments pouvant être accompagnés de spores. Elles exigent également 2 cultures successives isolant un grand nombre de colonies de la même espèce (au moins 5/20 points d'ensemencement), et parfois même une histologie visualisant des filaments mycéliens dans la kératine unguéale associés à de fins filaments perforants [22,112]. Tout ceci a fait augmenter la liste des espèces de moisissures responsables d‟onychomycoses. 1. Les caractéristiques des principales moisissures agents d’onychomycoses Certaines moisissures sont beaucoup plus impliquées que d‟autres dans les onychomycoses. En outre, les études s‟accordent, à quelques différences près, dans la détermination des genres et des espèces principalement incriminés dans ce type d‟atteinte. Le tableau II, récapitule ces principales moisissures (genres et espèces) en donnant une idée sur la localisation de l‟atteinte préférentielle pour chacune d‟entre elles. 26 Tableau II : Principales moisissures agents d‟onychomycoses Localisation Famille Genre Espèces majoritaires Niche écologique mains pieds Fusarium Aspergillus Hyalohyphomycètes Phaéhypho mycètes Scytalidium F.oxysporum F. solani A.niger A.versicolor A.sydowii S.hyalinum Nature (rôle de l‟eau ++) Nature et habitat Nature (région tropicale et subtropical) Nature Scopulariopsis S. brevicaulis Acremonium Acremonium sp Scytalidium S. dimidiatum Nature et habitations (rôle de l‟eau ++) Nature (région tropicale et subtropical) ++ +++ +++ ++ ++ +++ ++ +++ ++ +++ ++ ++ ++ +++ Fréquents (+++) ; peu fréquents (++) ; rares (+) ; exceptionnels (+/-) La suite de ce paragraphe sera consacrée à l‟étude de ces moisissures via des fiches descriptives de chaque genre précisant ses principaux caractères culturaux et sa morphologie microscopique en décrivant, le cas échéant, une ou plusieurs de ses espèces majoritairement rencontrées dans les mycoses unguéales. 1.1 Les Hyalohyphomycètes Fusarium Ce genre, décrit pour la première fois en 1809 [188], très cosmopolite, est présent dans les zones tropicales, les régions tempérées, les zones désertiques, montagneuses et même arctiques [29]. Il regroupe des espèces telluriques saprophytes et des pathogènes de plantes. Ces organismes sont également impliqués en pathologie humaine, causant des mycotoxicoses et des infections qui peuvent être locales ou disséminées [30]. 27 Depuis les travaux de N. ZAIAS [31] et de F. RUSH-MUNRO [32], le rôle pathogène des Fusarium dans les lésions unguéales a été mis en évidence. Le rôle des onychomycoses à Fusarium comme point de départ de dissémination en cas d‟immunodépression doit être souligné. Plusieurs observations, dont certaines d‟évolution fatale, décrivent ce phénomène [33, 34], suggérant la nécessité d‟un dépistage systématique chez les sujets devant subir une immunodépression iatrogène a) Caractères culturaux Les Fusarium poussent sur le milieu de Sabouraud sans cycloheximide, mais se développent mieux sur un milieu gélosé au malt ou sur milieu PDA. La température optimale de croissance varie entre 22 et 37 °C [3]. Les colonies duveteuses ou cotonneuses sont de couleur variable (blanche, crème, jaune, rose, rouge, violette ou lilas) selon les espèces. Un pigment peut être diffusé dans la gélose. b) Morphologie microscopique Multiplication végétative : Du thalle végétatif, naissent des conidiophores courts et souvent ramifiés. Ils portent des phialides qui peuvent avoir un ou plusieurs sites de bourgeonnement pour la production des conidies. Le plus souvent, les phialides présentent un site de bourgeonnement unique (monophialide) situé à l‟extrémité d‟un col allongé (F. solani) ou court et trapu (F.oxysporum). Chez d‟autres espèces comme F. proliferatum, les phialides présentent plusieurs sites de bourgeonnement (polyphialides) [35]. Les conidies produites par les phialides sont de 2 types. On distingue : 28 Des micronidies : conidies uni (ou bi) cellulaires, de 4 à 8 µm de long, allongées, ovales ou cylindriques, isolées, solitaires ou groupées, disposées en verticilles ou plus rarement en chaînettes (F. moniliforme). Des macroconidies : conidies pluricellulaires à cloisons seulement transversales. Elles mesurent de 18 à 80 µm de long, et sont souvent groupées en paquets. Elles sont fusiformes, courbées, assez pointues aux extrémités, avec une cellule podale formant une sorte de talon plus ou moins visible. Enfin, des chlamydospores sont parfois présentes, terminales ou intercalaires (au sein des filaments ou déformant une macroconidie). Le diagnostic d‟espèce repose sur l‟aspect des colonies (pigmentation), mais surtout sur la morphologie microscopique : présence d‟un seul type ou de deux types de spores, disposition en chaîne ou en amas des microconidies, taille des phialides et nombre de sites de bourgeonnement (monophialides, polyphialides), taille des macroconidies et nombre de logettes, aspect de la cellule podale, abondance des chlamydospores, … Reproduction sexuée possible pour certaines espèces, mais pas dans les milieux habituellement utilisés en mycologie médicale. Les formes sexuées appartiennent aux Ascomycètes, genres Gibberella, ou Nectria [3]. c) Exemple d’espèce (Fusarim oxysporum) Fusarim oxysporum est l‟espèce la plus souvent retrouvée en pathologie unguéale [36]. Sur le milieu Sabouraud, les colonies sont duveteuses à floconneuses, blanches au départ, puis devenant rosées à pourpres. Le verso est foncé. (Fig. 3 et 4) La multiplication végétative est caractérisée par [3] : des conidiophores courts et ramifiés naissant sur le mycélium végétatif. 29 des phialides (monophialides) courtes et solitaires (Fig. 5) (8 à 20 µm de long sur 3 à 5 µm de large) des macroconidies qui peuvent être abondantes, discrètement incurvées, avec une cellule basale bien marquée et contenant 3 à 5 logettes (23 à 54 µm de long sur 3 à 4,5 µm de large) de nombreuses microconidies, unicellulaires, d‟aspect ellipsoïdal ou cylindrique, droites ou légèrement courbées (5 à 12 µm de long sur 2,3 à 3,5 µm de large) et disposées en « fausses têtes ». de nombreuses chlamydospores qui peuvent être fréquemment observées (Fig. 6) Cette espèce n‟a pas de reproduction sexuée connue. Fig. 3 et 4: Culture de Fusarium oxysporum sur gélose de Sabouraud âgée de 8 jours (recto & verso) [3] 30 Fig. 5: Monophialides solitaires (MO objectif 40) — Fig 6 :Chamydospores ( MO objectif 10) [3] MO : microscope optique Aspergillus Les Aspergillus vivent en saprophyte dans le sol au niveau de la rhizosphère, mais aussi à la surface du sol, sur les végétaux en voie de décomposition [4], sur les fleurs, les aiguilles de conifères, les grains moisis, les foins, dans le terreau des plantes, les fientes de pigeon, de volailles... À partir de ces réservoirs, les spores aspergillaires sont disséminées dans l‟atmosphère ( ils représentent 1 à 5 % des isolements de moisissures dans l‟atmosphère) et peuvent pénétrer à la faveur des courants d‟air dans les habitats. Cette moisissure est peu exigeante puisqu‟elle peut se développer dans des milieux très pauvres, dans l‟eau, mais aussi dans des conditions de sécheresse extrême [37]. Le genre Aspergillus comprend plus de 300 espèces dont seulement 5 ou 6 sont reconnues impliquées en pathologie humaine et vétérinaire. Ces espèces pathogènes sont thermotolérantes, supportant des températures allant de 12 à 70°C [37]. Leur durée de vie est sans doute longue, puisqu‟un même génotype peut rester présent dans l‟environnement de 6 mois à 1 an . Ce genre à un net pouvoir de colonisation de la kératine. De nombreuses espèces peuvent être isolées d'onyxis. Deux sont particulièrement fréquentes : A. 31 versicolor et A. sydowii. Sont également incrimines A. candidus, A. unguis, A.flavus, A. niger, A. nidulans, A. terreus, A.ochraceus et A. sclerotiorum [22]. Lorsqu‟un Aspergillus colonise un ongle dystrophique, il est souvent considéré comme un opportuniste envahisseur de kératine déjà altéré par d‟autres pathologies [38]. Aspergillus versicolor est l‟espèce principalement rencontrée chez les personnes âgées (>60 ans) et touche surtout le gros orteil. a) Caractères culturaux Ces champignons présentent une croissance rapide sur milieu de Sabouraud additionné d‟antibiotiques. Ils sont cependant, pour la plupart, inhibés par le cycloheximide. Après 24 à 48 h de culture, on observe des colonies plates, formées de courts filaments aériens blancs. C‟est en effet avec la maturation des structures conidiogènes (48 à 96 h selon les espèces) que ces colonies vont prendre leur teinte caractéristique, brune, verte, jaune ou noire selon les espèces. La couleur de la culture permet ainsi une orientation rapide du diagnostic d‟espèce. Au recto, les colonies sont gris-vert pour A. fumigatus, vert-jaune pour A. flavus et les espèces du groupe glaucus, vert foncé à chamois pour A. nidulans, brun cannelle pour A. terreus, chamois clair, jaunes et roses pour A. versicolor, jaunes puis noires pour A. niger. Elles restent blanches pour A. candidus. Le revers de la colonie est incolore à jaune, il peut aussi brunir ou rougir avec le temps. (A. nidulans) [3]. Les Aspergillus se développent habituellement bien sur les milieux classiques de mycologie comme le milieu de Sabouraud. Si nécessaire, leur fructification peut être stimulée par repiquage de la colonie sur gélose au malt ou sur milieu de Czapek qui constituent les milieux de référence pour ces champignons. Enfin, les Aspergillus poussent à 22-25 °C et à 37 °C pour les espèces thermophiles (A. fumigatus) [3]. 32 b) Morphologie microscopique Les Aspergillus sont caractérisés par un thalle végétatif formé de filaments mycéliens hyalins, de diamètre fin et régulier, septés et ramifiés. L‟identification du genre Aspergillus reposera sur la mise en évidence des têtes aspergillaires à l‟examen microscopique des colonies. Sur les filaments végétatifs, prennent en effet naissance des filaments dressés, non cloisonnés. Ces derniers, qu‟on appelle conidiophores, se terminent par une vésicule de forme variable sur laquelle sont disposées les cellules conidiogènes ou phialides [3]. La conidiogénèse s‟effectue en effet sur le mode blastique phialidique, par bourgeonnement à l‟apex des phialides d‟une série de spores ou conidies qui restent accolées les unes aux autres en chaînes non ramifiées, basipètes, la plus jeune étant à la base de la chaîne. Les spores, toujours unicellulaires, sont de formes variables, globuleuses, subglobuleuses ou elliptiques. Diversement pigmentées, elles peuvent être lisses ou recouvertes d‟aspérités plus ou moins marquées. Les phialides peuvent être insérées directement sur la vésicule (têtes unisériées), ou portées par des métules insérées sur la vésicule, (têtes bisériées). L‟ensemble vésicule, (métules) + phialides + conidies constitue la tête aspergillaire qui caractérise le genre Aspergillus [3]. c) Exemple d’espèce (Aspergillus niger) L’Aspergillus niger en culture est caractérisé par : Des colonies d‟abord blanches, puis jaunes, et enfin granuleuses noires au recto (fig. 7) , incolore à jaune pâle au verso (fig.8). Une croissance rapide (2 à 3 jours). Un optimum thermique : 25-30 °C (mais il peut pousser jusqu‟à 42 °C). Sous microscope les principaux caractéristiques morphologiques d’Aspergillus niger sont : 33 Les conidiophore : lisse, hyalin ou brunâtre dans sa moitié supérieure, très long (1,5 à 3 mm) La vésicule : globuleuse, 30 à 100 µm (en moyenne 45 à 75 µm) Les phialides : insérées sur la vésicule par l‟intermédiaire de métules disposées sur tout le pourtour de la vésicule Les conidies : globuleuses (3,5 à 5 µm de diamètre), brunes, échinulées à très verruqueuses, souvent disposées en chaînes La tête aspergillaire : bisériée radiée, noire à maturité (fig.9) Fig. 7 et 8 : Culture d’Aspergillus niger sur gélose de Sabouraud âgée de 8 jours (recto & verso) [3] Fig. 9 :Têtes aspergillaires d’Aspergillus niger visualisées au MO à l‟objectif 40 [3] Scopulariopsis brevicaulis Le genre Scopulariopsis, décrit par BAINIER en 1907 [188] en même temps que le genre Paecilomyces, est principalement composé d‟espèces telluriques, 34 fréquemment retrouvées dans la nourriture et le papier, mais également présentées comme contaminants de laboratoires. Ils sont rarement responsables d‟infections profondes et disséminées, surtout chez les patients immunodéprimés. Les Scopulariopsis sont parmi les champignons non-dermatophytiques les plus fréquemment rencontrés en cas d‟onychomycoses [44,45]. Ils ont un net pouvoir kératinophile et kératinolytique. Ils seraient responsables de 1 à 10 % des onychomycoses particulièrement au niveau des gros orteils et donnent souvent une hyperkeratose unguéal. Comme le Scytalidium, le Scopulariopsis brevicaulis donne des onyxis cliniquement indistinguables de ceux causés par les dermatophytes. La notion de traumatisme est toujours retrouvée, et l‟infection mixte avec un dermatophyte peut exister. Au Maroc, d‟après l‟étude menée par A. AGOUMI [26], cette espèce représente la deuxième cause d‟onychomycoses à moisissures avec un taux de 16%. a) Caractères culturaux Scopulariopsis brevicaulis pousse bien sur les milieux usuels de mycologie, mais sa croissance est freinée en présence de cycloheximide. En l‟absence de cycloheximide, les colonies sont extensives, veloutées, devenant vite poudreuses ou granuleuses. Initialement blanchâtres, elles deviennent ensuite beiges à brunnoisette (fig.10). Le revers est crème à brunâtre (fig.11). La température optimale de croissance est comprise entre 25 et 30 °C [3]. b) Morphologie microscopique Les cellules conidiogènes (annellides), cylindriques, plus ou moins renflées à leur base, sont isolées ou groupées à l‟extrémité de conidiophores courts, septés et hyalins. Elles sont insérées soit directement, soit par l‟intermédiaire de métules. L‟ensemble évoque un pénicille (pinceau de Penicillium). Les 35 annellides présentent à leur sommet des cicatrices liées aux reprises de croissance terminale, et produisent des conidies globuleuses à base tronquée (forme d‟ampoule) disposées en chaînes basipètes (fig.12). Ces conidies, initialement lisses, puis verruqueuses à maturité, mesurent 5 à 8 µm de long sur 5 µm de large [3]. N.B : Pas de reproduction sexuée connue Fig. 10 et 11: Culture de Scopulariopsis brevicaulis sur gélose de Sabouraud âgée de 8 jours (recto & verso) [3] Fig. 12 : Conidies unicellulaires en chaînes basipètes (MO à objectif 40) [3] Acremonium Ce genre que l‟on retrouve également sous le nom de Cephalosporium a été décrit pour la première fois par FRIES en 1809 [188]. Il regroupe des champignons cosmopolites vivant en saprophyte dans le sol, sur des végétaux et sur d‟autres champignons. L‟inhalation de leurs conidies peut, dans un contexte opportuniste, provoquer diverses pathologies [53]. La majorité des infections 36 produites par Acremonium sp. sont des mycétomes [52] ou des infections oculaires [54]. Néanmoins, ces espèces peuvent occasionnellement entraîner des infections superficielles , des onychomycoses et des complications chez les brûlés [43,51]. Les atteintes profondes ou viscérales ne se voient que chez les sujets immunodéprimés [43]. a) Caractères culturaux Ils poussent sur tous les milieux de mycologie en l‟absence de cycloheximide. Les colonies sont parfois finement poudreuses, ou le plus souvent humides et muqueuses. La couleur varie du blanc au rose orangé (fig.13 et 14). La température optimale de croissance varie de 25°C à 37°C et la croissance est restreinte [3]. b) Morphologie microscopique Le thalle végétatif est constitué de filaments septés, isolés ou disposés parallèlement les uns aux autres (fig. 15). Les phialides naissent directement des filaments végétatifs. Elles sont fines et cylindriques, plus étroites à l‟extrémité apicale qu‟à la base (phialides aciculaires). Elles sont solitaires, plus rarement groupées par 2 ou 3 [50]. Les conidies cylindriques ou elliptiques (3,5 µm de long sur 1 à 2 µm de large) sont regroupées en amas à l‟extrémité des phialides. Elles sont généralement unicellulaires (parfois bicellulaires) et hyalines [43,182]. 37 Fig. 13 et 14 : Culture d‟Acremonium sp sur gélose de Sabouraud âgée de 8 jours (recto & verso) [3] Fig. 15 : Aspect du thalle végétatif d‟Acremonium (MO à l‟objectif 100) [3] Scytalidium hyalinum Le genre Scytalidium est représenté par deux variantes ; la première, pigmentée, est le Scytalidium dimidiatum appartenant à la famille des Phaéohyphomycètes qui sera traitée dans le paragraphe suivant. La seconde, de couleur blanche, est le Scytalidium hyalinum. Cette dernière variété, fréquemment isolée d'onyxis et d'intertrigo des pieds dans les pays tropicaux [41] et en Europe dans les grandes villes cosmopolites a été décrite par CAMPBELL [40] Le genre Scytalidium constitue avec l‟espèce Onychocola canadensis ce qu‟on appelle les pseudo-dermatophytes et ce, parce qu‟ils présentent une réelle affinité pour la kératine, non seulement de l'ongle, mais aussi des espaces interorteils, des plantes et des paumes. Lorsqu‟ils sont isolés en culture, ils sont à priori considérés comme des pathogènes. Généralement le Scytalidium donne des onyxis des mains et des pieds, des intertrigos des pieds et des hyperkeratoses palmo-plantaires évoquant ceux provoqués par Trichophyton rubrum. Les 38 onychomycoses qu‟ils provoquent sont habituellement au départ de type sousunguéal distal [42]. a) Caractères culturaux Le Scytalidium hyalinum pousse rapidement à 25 °C sur milieu de Sabouraud sans cycloheximide. Il produit des colonies extensives, laineuses ou cotonneuses avec un mycélium aérien important. La couleur est blanche à gris clair (fig.16) et le verso est pâle (fig.17) [3]. b) Morphologie microscopique Les hyphes sont réguliers, septés, hyalins. Ils produisent au départ des arthroconidies unicellulaires de 5 à 12 μm de long sur 2,5 à 3,5 μm de large [43]. Puis, tardivement, ces arthroconidies peuvent s‟élargir (4-6 μm de large) et présenter une cloison centrale (fig.18) Fig. 16 et 17 : Culture de Scytalidium hyalinum sur gélose de Sabouraud âgée de 8 jours (recto & verso) [3] 39 Fig. 18 : Arthroconidies de Scytalidium hyalinum (MO à l'objectif 100) [3] 1.2 Les phaéohyphomycètes A. Scytalidium dimidiatum Le Scytalidium dimidiatum a été décrit en 1970 par J. GENTLES et E. EVANS [39], chez 8 patients. Son nom ancien est Hendersonula toruloidea, (forme pycnidienne : Nattrassia mangiferae). C‟est une moisissure de la nature, présente dans les pays chauds, et particulièrement phytopathogène (provoque des chancres des arbres fruitiers). a) Caractères culturaux Ce champignon pousse bien sur milieu de Sabouraud à 25 °C sans cycloheximide. La croissance est cependant plus rapide à 37 °C. Il produit des colonies extensives, duveteuses ou floconneuses, aériennes, grises au départ devenant noirâtres ensuite (fig.19) Au verso, les colonies sont foncées avec un pigment noir diffusible (fig.20)[3]. b) Morphologie microscopique Les hyphes, septés, sont de deux types : certains sont hyalins, étroits, de 2 à 3 μm de diamètre, alors que d‟autres, plus larges, ont une paroi épaisse et 40 pigmentée. Ces derniers produisent des arthrospores uni ou bicellulaires, rectangulaires ou en forme de tonnelet (fig.21). Parfois on obtient des pycnides de 200 à 300 μm de diamètre, surtout à partir de cultures anciennes (6 à 8 semaines) exposées aux rayons UV. A maturité, ces pycnides produisent des spores hyalines ou brunes, uni ou bicellulaires de 4 à 6 μm de long sur 3 à 5 μm de large. Lorsque les pycnides sont présentes, le champignon prend le nom de Nattrassia mangiferae [3]. Fig. 19 et 20 : Culture de Scytalidium dimidiatum sur gélose de Sabouraud âgée de 8 jours [3] Fig. 21 : Hyphes hyalins étroits et hyphes plus larges fortement pigmentés (MO à l‟objectif 100) [3] Caractéristiques de certaines moisissures rarement impliquées dans une onychomycose La liste des moisissures rarement impliquées dans les onychomycoses est reprise par le tableau ci-dessous [18] : 41 Tableau III : Liste des moisissures rarement impliquées dans une onychomycose Espèces fongiques isolées Acremonium potronii Curvularia lunata Alternaria alternata Geotrichum candidum Alternaria terreus Gymnascella dankaliensis Alternaria tenuis Lasiodiplodia theobromae Aphanoascus fulvescens Malbranchae gybsea Arthroderma tuberculatum Microascus cinereus Aspergillus flavus Microascus cirrosus Aspergillus fumigatus Myrodontium keratinophilum Aspergillus nidulans Onychocola canadensis Aspergillus candidus Paecilomyces lilacinus Aspergillus ochraceus Paecilomyces variotii Aspergillus sclérotique Penicillium citrinum Aspergillus ustus Pseudorotium ovale Aspergillus varians Pyrenochaeta unguis-jominis Cladophialophora carrionii Renispora flavissima Chrysosporium lobatum Scedosporium apiospermum Geomyces pannorum Schyzophylum commune Ulocladium botrytis A l‟instar des espèces fréquemment isolées dans les onychomycoses à moisissures, ce paragraphe traitera quelques exemples de moisissures rarement impliquées dans ce type d‟atteinte, telles que l’Onychocola canadensis, Penicillium, Cladosporium et Scedosporium apiospermum. Il est à noter que les 42 trois dernières espèces susmentionnées, quoique rarement rencontrées, ont été reconnues responsables de cas d‟onychomycoses dans notre pays. 2.1 Les Hyalohyphomycètes A. Onychocola canadensis Isolé pour la première fois au Canada en 1990 [46] puis en Nouvelle Zélande, elle présente la seul espèce du genre Onychocola qui est responsable de manifestations cliniques chez l‟Homme, sa forme parfaite (Arachnomyces nodosetosus) a été décrite en 1994 [47]. Par la suite, cette moisissure a été isolée en France puis dans d'autres pays européens et récemment en Turquie [48]. Sa fréquence en pathologie humaine reste limitée [55]. Le réservoir de cette moisissure des pays froids et tempérés est encore inconnu. Ce champignon est principalement associé à des cas d‟onychomycoses dans des régions froides et tempérées, mais il peut également être l‟agent d‟épidermomycoses et d‟intertrigos des mains et des pieds [49]. Le site d‟infection privilégié est le gros orteil. L‟infection est progressive elle débute par le bord distal de l'ongle. Les ongles prennent une couleur blanche-jaunâtre deviennent friables et cassants , on ne constate pas d'hyperkeratose. a) Caractères culturaux Les colonies se développent très lentement sur milieu de Sabouraud à 25 °C, mais résistent au cycloheximide. Après 15 jours environ, on observe des colonies de petite taille, de couleur blanchâtre (fig.22), glabres au départ, devenant en 5 à 6 semaines duveteuses et cotonneuses. Avec l‟âge, les cultures deviennent brunâtres et le verso foncé (fig.23) [3]. 43 b) Morphologie microscopique Au départ, les colonies ne montrent que des filaments fins, hyalins, lisses sans aucune fructification. C‟est sur des cultures tardives (après 4 semaines) que certains filaments deviennent toruloïdes et verruqueux, formant des chaînes d‟arthrospores souvent articulées à angle droit (fig.24). Ces dernières sont ovales à cylindriques (2,5 à 4µm de diamètre), uni ou bicellulaires [50,182]. Ces arthrospores se révèlent plus abondantes sur des milieux pauvres (eau gélosée à 2 %, milieu de Takashio, milieu PDA). Sur les vieilles cultures, on observe sur la paroi de certains filaments des protubérances sombres [3]. Fig. 22 et 23: Culture d’Onychocola canadensis sur gélose de Sabouraud âgée de 8 semaines (recto & verso) [3] Fig. 24 : Chaînes d'arthrospores ramifiées à angles droits (MO à l‟objectif 10) [3] 44 B. Pénicillium b) Caractères culturaux Ces champignons poussent facilement sur les milieux utilisés en mycologie, mais sont inhibés par le cycloheximide. Leur croissance est rapide, la colonie est habituellement duveteuse, poudreuse, de couleur variable, le plus souvent verte, mais parfois grise, jaune ou rose (fig.25). Le revers est incolore ou foncé (fig.26). Un pigment diffuse parfois dans la gélose [43,3]. c) Morphologie microscopique Les hyphes septés, hyalins, portent des conidiophores simples ou ramifiés, parfois regroupés en buisson ou corémie. Les phialides sont disposées en verticilles à l‟extrémité des conidiophores. Elles sont insérées directement (Penicillium monoverticillés) ou par l‟intermédiaire d‟une rangée de métules (Penicillium biverticillés) ou de deux rangées successives de métules (Penicillium triverticillés) sur les conidiophores. Les phialides sont serrées les unes contre les autres, l‟ensemble donne une image de pinceau (ou pénicille). Les phialides donnent naissance à des spores unicellulaires disposées en chaînes (chaînes basipètes, non ramifiées). Les conidies sont rondes à ovoïdes, hyalines ou pigmentées, lisses ou échinulées, mesurant de 2 à 4 µm de diamètre [182,43,3]. N.B : Certaines espèces ont une reproduction sexuée (Ascomycètes, famille des Trichocomaceae). 45 Fig. 25 et 26 : Culture de Penicillium chrysogenum sur gélose de Sabouraud âgées de 8 jours : (recto & verso)[3] C. Scedosporium apiospermum a) Caractères culturaux Scedosporium apiospermum pousse bien sur tous les milieux usuels de mycologie, mais sa croissance est souvent freinée en présence de cycloheximide [3]. Les colonies sont cotonneuses, laineuses, de couleur blanchâtre au début, devenant grises en vieillissant (fig.27) [50]; le verso est foncé (fig.28). La croissance est possible jusqu‟à 40 °C [3]. b) Morphologie microscopique La reproduction asexuée peut s‟effectuer selon deux modalités distinctes. La conidiogénèse s‟effectue essentiellement sur le mode thallique solitaire avec formation d‟aleuries naissant directement sur les côtés des filaments végétatifs ou à l‟extrémité de conidiophores fins, dressés à angle droit sur le thalle végétatif (fig.29). Ces conidies ovoïdes ou claviformes, brunes, mesurent 6 à 14 µm de long sur 5 à 6 µm de large [50,182,183]. L‟autre mode de conidiogénèse fait intervenir des annellides groupées en corémies (stade Graphium) donnant naissance à des conidies hyalines, plus fines, allongées, mesurant 5 à 7 µm de long sur 2 à 3 µm de large [50,182,183]. 46 Reproduction sexuée : Pseudallescheria boydii La forme sexuée, obtenue parfois après trois semaines de culture ou sur des milieux pauvres, est caractérisée par des cléistothèces jaunes à bruns, arrondis, de 140 à 180 µm de diamètre, contenant des asques sphériques octosporés de teinte cuivrée Fig. 27 et 28 : Culture de Scedosporium apiospermum sur gélose de Sabouraud âgée de 8 jours (recto et verso)[3] Fig. 29 :. Aleuries unicellulaires hyalines ( MO à l‟objectif 40) [3] 2.2 Les Phaéohyphomycètes A. Cladosporium a) Caractères culturaux Les Cladosporium ont une croissance lente à modérément rapide sur tous les milieux de mycologie. Ils ne sont pas inhibés par le cycloheximide. Ils ne poussent généralement qu‟à 20-25 °C, mais certaines espèces comme C. carrionii et C. bantianum sont thermophiles. 47 Les colonies ont une texture veloutée ou floconneuse, parfois poudreuse. La couleur va du vert olive au brun noir très foncé (fig.30), et le revers est brun noir (fig.31)[3]. b) Morphologie microscopique Les hyphes, septés, sont pigmentés. Ils produisent des conidiophores (encore plus foncés) de longueur variable. Les premières conidies formées à l‟extrémité des conidiophores sont de grande taille, uni ou pluricellulaires ; les suivantes sont plus petites et unicellulaires. L‟ensemble forme de longues chaînes acropètes (fig. 32), ramifiées, réalisant des arbuscules fragiles qui se dissocient lors du montage. La paroi des conidies, de forme généralement elliptique à cylindrique, est lisse ou finement verruqueuse et présente souvent aux extrémités des cicatrices de bourgeonnement ou de libération [3]. Fig. 30 et 31 :Culture de Cladosporium sur gélose de Sabouraud âgée de 8 jours (recto & verso) [3] Fig. 32 : Blastospores unis ou pluricellulaires disposées en chaînes acropètes ( MO à objectif 10) [3] 48 III PHYSIOPATHOLOGIE ET FACTEURS FAVORISANT LES ONYCHOMYCOSES A MOISISSURES 1. Physiopathologie D‟un point de vue clinique, les moisissures provoquent des infections unguéales, le plus souvent identiques a celles provoquées par les dermatophytes. Cependant, et du point de vue physiopathologique, ces infestions sont assez différentes. Ceci est probablement dû à la différence d‟équipement enzymatique que possèdent les micromycètes pathogènes pour l'Homme. En effet, et comme vu précédemment, les dermatophytes produisent des kératinases, qui digèrent la kératine, tandis que la plupart des moisissures ne produisent pas ces enzymes et sont donc incapables de lyser une kératine saine [22,56,57]. Si tel est le cas, comment se fait donc l'infection de l'ongle par ces moisissures ? M. ENGLISH [58], en 1976, a étudié le développement des dermatophytes et autres champignons filamenteux sur diverses sources de kératine in vitro. Elle a démontré que les moisissures forment dans l'ongle de fins filaments perforateurs qui provoquent des fractures de l'ongle, alors que les dermatophytes lysent et digèrent les cornéocytes. Selon M. ENGLISH, les moisissures sont incapables de lyser complètement la kératine de l'ongle et ne s'attaquent qu'au cément présent entre les cornéocytes. G. ACHTEN en 1979 [59 ] et en 1983 [60] a démontré avec la microscopie électronique que les filaments des moisissures, comme ceux des dermatophytes, pourraient être intra et extracellulaires et donc s'attaquer non seulement au cément mais aussi à la kératine de l'ongle. Néanmoins, in vivo comme in vitro, on constate que le processus d'attaque de la kératine par les moisissures est non seulement différent de celui des dermatophytes, mais il est aussi beaucoup plus 49 lent. Si les dermatophytes agissent en digérant la kératine grâce à leurs kératinases, les moisissures produisent, quant à elles, d'autres protéases, probablement aptes à dégrader une kératine souvent altérée. Dans des cas plus rares, certaines moisissures pseudo-dermatophytes (Scytalidium et Onychocola canadensis) peuvent s‟attaquer à une kératine saine. Facteurs favorisants Les moisissures, agents causaux d‟onychomycoses, sont des organismes très ubiquistes provenant de la terre, de l‟air, des plantes... comme ils peuvent bien préexister préalablement chez le patient. Le début de l‟atteinte unguéale par ces organismes est favorisé comme susmentionné par l‟altération préalable de la kératine ou par n‟importe quel autre facteur associé à ladite altération ou l‟engendrant. De rares moisissures peuvent s‟attaquer directement à l‟ongle sain. Tel est le cas de Scytalidium et Onychocola canadensis. Plusieurs facteurs favorisant ces onychomycoses à moisissures le sont également pour les autres types d‟onychomycoses. Les principaux facteurs favorisant ce type d‟onychomycose sont explicités dans les paragraphes ci-après. 2.1 L’âge Toutes les études s‟accordent pour montrer que la fréquence des onychomycoses varie selon les différentes tranches d‟âge [23,61,62]. Chez le jeune enfant, elle est rare, comme l‟illustre le travail de CM. PHILPOT qui n‟observe qu‟un seul cas d‟onyxis à dermatophytes sur 494 enfants examinés dans une école primaire. Selon une étude menée aux USA, les prévalences des onychomycoses pour les tranches d‟âge de 6-11 ans et de 12-17 ans, sont respectivement de 0,09% et de 0,19% ; dans cette étude, aucun cas d‟onychomycose dûment authentifié n‟aurait 50 été observé avant 6 ans [23]. Au total, les onychomycoses n‟affecteraient pas plus de 0,6% dans l‟ensemble des infections fongiques chez l‟enfant [63]. La raison de ces faibles prévalences est expliquée par la rapidité de la pousse de l‟ongle et la rareté des traumatismes des pieds observés chez le jeune enfant ce qui empêcherait le champignon de s‟implanter durablement [64]. Chez l‟adulte jeune (20-30 ans), la prévalence des onychomycoses oscille selon les études entre 0,44% [65] et 3,6% [65, 66]. Cette prévalence est plus élevée chez l‟adulte âgé. En effet, pour la tranche d‟âge de 40 à 60 ans, elle oscille habituellement entre 15 et 20%. À partir de 60 ans, elle dépasse souvent 30% [23,67,68] comme le montre une étude réalisée aux USA où elle atteint 48% chez des sujets âgés de plus de 70 ans [62]. Une étude tunisienne [70] portée sur 120 personnes âgée de 65 ans et plus, ayant des onyxis des mains et /ou des pieds, n‟a confirmé aucun cas d‟onyxis à moisissures. Les seuls champignons reconnus alors responsables de ces onychomycoses furent des dermatophytes et des levures. L‟absence d‟onychomycoses à moisissures lors de cette étude a été expliquée par le faible effectif des agriculteurs (5,8 %), par la faible fréquence de la prise des corticoïdes (5 %) et par la rareté des traumatismes unguéaux (7,5 %). Il est donc judicieux de conclure, à partir des résultats de cette étude, que même à un âge avancé, les autres facteurs favorisants ont un rôle important dans le début de parasitisme par une moisissure. 2.2 Les facteurs liés à un état morbide ou pathologique sous-jacent A. Les ongles pathologiques et la malposition des orteils Un ongle traumatisé (chocs répétés, chaussures trop étroites, chevauchement d‟orteils…), voire fréquemment sollicité par la pratique de certains sports (judokas…), est à lui seul, indépendamment d‟une pathologie sous-jacente, un 51 facteur favorisant d‟onychomycose surtout pour les moisissures puisqu‟il engendre une kératine altérée facilement attaquable par ce type de champignons. La malposition permanente de la pulpe d‟un orteil sur l‟ongle d‟un orteil voisin, par exemple, favorise à partir d‟un foyer inter-orteil le développement des leuconychies superficielles sur l‟ongle recouvert [74]. La correction de ces déformations est nécessaire pour empêcher tout risque de récidive [79]. B. Le diabète Le diabète, par ses conséquences sur la microcirculation, peut faciliter la survenue d‟une onychomycose [23, 72, 73]. Une étude, réalisée conjointement à Londres, en Ontario au Canada et à Boston aux USA, portant sur 550 patients diabétiques, révèle un taux d‟onychomycose 2,7 fois plus élevé que dans la population contrôle du même âge, avec une fréquence trois fois plus élevée chez l‟homme par rapport à la femme [23]. Dans une étude indienne [84], la prévalence des onychomycoses chez des patients diabétiques par rapport à un groupe contrôle témoin serait respectivement de 17 % et 6,8 %, la différence étant significative. Chez ces patients, le pourcentage respectif des onyxis à levures, à dermatophytes et à moisissures sont respectivement 48,1 % ; 37 % et 14,8 %. Si le diabète peut être un facteur favorisant en raison des troubles trophiques et du déficit circulatoire qu‟il engendre, il représente visiblement un facteur aggravant (risque de surinfection, érysipèle) qu‟il convient de prendre en compte et de traiter efficacement [74]. 52 C. Les déficits immunitaires Le sujet VIH positif : Les dermatomycoses (en particulier les onychomycoses) sont plus fréquentes chez les patients VIH positifs, par comparaison avec une population VIH négative de même âge [75,76]. Selon l‟étude de CRIBIER B [77], aux USA dans l‟État d‟Ohio, 30,3 % des patients VIH positifs ont un onyxis, tandis que dans la population générale (VIH négatif), la prévalence ne dépasse pas 13 %. L‟aspect clinique des onychomycoses chez le VIH diffère peu de celui rencontré dans la population non-VIH, cependant, chez le patient sidéen, les ongles des pouces et des orteils sont plus souvent touchés. De même, l‟atteinte sousunguéale à début proximal, de coloration blanchâtre, d‟allure polydactylique d‟apparition simultanée et d‟évolution aiguë, est évocatrice chez ces porteurs de virus de l‟immunodéficience humaine [74]. Dans la série colligée par Dompmartin [75], 88,7 % des patients VIH positifs ont une onychomycose sous-unguéale proximale. Les autres dysfonctionnements immunitaires De façon générale, les dysfonctionnements immunitaires portant sur la réponse cellulaire favorisent l‟implantation et le développement des mycètes à tropisme cutané [23]. Parmi les pathologies pouvant avoir un impact sur le système immunitaire dans le sens d‟une immunodépression, l‟hypercorticisme ou maladie de Cushing, les corticoïdes prescrits sur de longues périodes comme dans les connectivites et autres maladies de système, favorisent nettement l‟implantation d‟une mycose et, de ce fait, le développement des champignons dans l‟ongle [74, 78]. De même, chez les patients insuffisants rénaux et/ou les greffés du rein, la prévalence des onychomycoses serait plus élevée que dans la population générale [23]. 53 D. Les troubles circulatoires Les troubles circulatoires périphériques touchant surtout la microcirculation, indépendamment d‟une pathologie immunitaire ou de l‟âge, sont en soi des facteurs favorisant les onychomycoses, en particulier des pieds. Ils peuvent aussi se rencontrer associés à une pathologie locale (malposition des orteils) ou générale qui, par elle-même, favorise ainsi la survenue d‟une mycose [23,69,71]. 2.3 Les facteurs environnementaux et/ou comportementaux A. Les facteurs climatiques Comme vu précédemment, les facteurs climatiques influencent la prévalence des onychomycoses. Ainsi à titre illustratif, le genre Scytalidium est un agent prépondérant des onychomycoses dans les pays chauds ou tropicaux comme la Martinique [41, 26] où il est isolé chez 42 % des patients (dans 91% des cas il s'agit de S. hyalinum). L‟Onychocola canadensis cause ce genre d‟atteinte principalement dans les pays froids et tempérés. Généralement, les onychomycoses à moisissures sont plus répondues dans les régions tropicales et subtropicales chaudes et humides. B. Le port régulier de chaussures Il est largement admis aujourd‟hui que les onychomycoses des pieds, rencontrées avec une certaine fréquence dans les pays développés, sont principalement liées au port de chaussures fermées [80]. L‟incidence dans les pays du Nord peut atteindre 15 % de la population générale, alors qu‟elle n‟est que de 2 % ou 3 % dans les pays économiquement pauvres, en particulier, dans les régions intertropicales [81]. Les études menées sous les tropiques sont rares. Au nord du Malawi [82] où quelques 200 sujets ont été systématiquement examinés cliniquement, aucune lésion unguéale suspecte n‟aurait été objectivée 54 en zone rurale, alors qu‟en milieu urbain, l‟incidence approcherait de 2,5 %. L‟explication apportée serait l‟absence habituelle du port de chaussures chez les ruraux tandis que les urbains, plus occidentalisés, portent volontiers des chaussures. La survenue d‟une onychomycose serait donc le prix à payer pour ces populations qui accèdent au développement économique, c‟est à dire à l‟abandon de coutumes ancestrales liées à la marche habituelle nus pieds [83]. Aux pieds, la température et l‟humidité seraient déterminantes pour assurer le développement des dermatophytes et des moisissures au niveau des ongles . C. La pratique sportive La pratique sportive favorise la survenue d‟une mycose aux pieds [84]. Ce sont surtout les adeptes de sports nautiques, mais aussi les judokas et les marathoniens qui sont les plus touchés [23]. Selon une étude réalisée sur une piscine à Reykjavik en Islande [86] auprès de 266 nageurs, 40 % d‟entre eux examinés par un médecin avaient une onychopathie. La prévalence des onychomycoses, confirmées par l‟examen mycologique, était respectivement de 15 % chez les femmes et de 26 % chez les hommes, soit, selon cette étude, trois fois plus que dans la population générale. Ce sont les sports pratiqués pieds nus (natation, judo, karaté, kendo..) où les taux de prévalence sont élevés en raison d‟un contact direct avec le sol, mais aussi par les nombreux traumatismes engendrés par la pratique sportive [84]. Pour les sports pratiqués avec chaussettes et chaussures étanches, le pied semble protégé du risque de contamination à même le sol, mais en revanche, les pieds se retrouvent dans une atmosphère tout à fait favorable (chaleur, humidité) à l‟implantation et au développement du champignon. 55 IV LA CLINIQUE DES ONYCHOMYCOSES A MOISISSURES : Plusieurs espèces de moisissures, agents responsables d‟onychomycoses, peuvent donner des manifestations cliniques assez semblables les unes aux autres voire à d‟autres espèces de dermatophytes et de candida. Les dites manifestations peuvent être classées en fonction de la voie par laquelle l‟agent pathogène pénètre l‟appareil unguéal et en fonction du stade évolutif de la pathologie . En effet , une classification proposée par N. ZAIAS et modifiée par R. HAY et R. BARAN [84] permet de distinguer 4 types d'onychomycoses: Onychomycose sous unguéale proximale (OSP) Onychomycose blanche superficielle (OBS) ou leuconychie superficielle mycosique. Onychomycose sous-unguéale disto-latérale (OSDL). Onychomycodystrophie totale (ODT) 1. Onychomycose sous-unguéale proximale (OSP) L‟onychomycose sous-unguéale proximale est la variété clinique des onychomycoses à moisissures la plus fréquente. Différentes moisissures peuvent être responsables de cette variété [88] : Fusarium, Aspergillus, Scopulariopsis brevicaulis, Scytalidium. L‟atteinte commence par une pénétration de l‟agent pathogène par la face ventrale du repli sus-unguéal, elle peut être mono ou pauci-dactyliques, touchant les doigts ou les orteils, pour les ongles des orteils le gros orteil est le plus souvent atteint. L‟OSP peut être limitée à la région de la lunule ou affecte la 56 tablette entière de l‟ongle (fig.33,34,35.36) se manifestant par un périonyxis souvent avec pus [163,88] associé à des leuconychies proximales plus ou moins étendues [89,90] (fig. 37). Aux doigts, le repli sus-unguéal est tendu, tuméfié, parfois érythémateux ; la cuticule peut être en place. Ultérieurement, la lame unguéale décollée avec souvent une hypercourbure transversale apparaît blanche ou jaunâtre, voire noirâtre (Aspergillus niger) ; le lit unguéal sous-jacent est peu hyperkératosique [88]. Le Fusarium oxysporum est l‟agent le plus souvent identifié [88], l‟association d‟une onychomycose sous-unguéale proximale à une paronychie aiguë ou subaiguë peut orienter vers l‟origine fusarienne de l‟onychomycose [91]. Au niveau de la main, l‟inflammation est fréquente et peut gagner la première phalange. Contrairement aux atteintes dermatophytiques, l‟évolution semble plus rapide, de quelques semaines à quelques mois. En l‟absence de traitement, une onychogryphose ou une panonycholyse peuvent s‟observer [91]. Les onychomycoses sous-unguéales proximales à moisissures sont souvent associées à une paronychie les différentiant de celles observées en cas de dermatophytes, mais les espèces de candida donnent aussi la paronychie que seul le diagnostique mycologique permet de la différencier de celle accompagnant l‟onychomycose à moisissure . 57 Fig. 33 : OSP Fusarium oxysporum. Fig :34 : OSP à Scopulariopsis brevicaulis [129] Fig. 35 OSP à Fusarium oxysporum. Fig.36 : OSP à Aspergillus terreus [129] Fig. 37 : Onychomycose sous unguéale proximal du gros orteil à Fusarium oxysporum [88] 58 Onychomycose superficielle blanche ou leuconychie superficielle mycosique Il est généralement admis que l‟onychomycose superficielle blanche (OSB) serait une variété clinique des onychomycoses à dermatophytes et notamment celle causée par le Trichophyton Interdigitale [92,93]. Pourtant, d‟après N. ZAIAS [94], 5% des OSB seraient causées par des non-dermatophytes. Une autre étude récemment menée, affirme même que ces non-dermatophytes causeraient jusqu‟à 21 % des cas des OSB [95]. Les moisissures pouvant être à l‟origine de ces OSB sont : Aspergillus Fusarium Scytalidium dimidiatum Acremonium et particulièrement Acremonium strictum (l‟implication de ce genre dans cette variété clinique reste rare) Onychocola canadensis (rarement impliqué) L‟OSB causée par les moisissures touche surtout les ongles des orteils et principalement le gros orteil et peut ressembler à celle causée par les dermatophytes avec notamment une ou plusieurs taches blanches siégeant au milieu de l‟ongle et disparaissant au grattage (fig. 38), comme elle peut bien se manifester par un envahissement en largeur et en profondeur du pathogène dans l‟ongle [95]. Ce dernier effet est spécifique aux atteintes par les moisissures surtout dans le cas du Fusarium (où on trouve le 3ème ou le 4ème orteil touchés plus volontairement ) et Aspergillus [92,95]. Dans ce cas l‟ongle devient opaque, friable de couleur blanche avec des taches jaune brun (fig. 39,40) [95]. La production de conidies pigmentées par le pathogène au sein de l‟ongle peut être 59 à l‟origine de cette coloration [95]. Celle-ci peut couvrir toute la surface de la lame unguéale qui est alors ramollie et arrive souvent au repli proximal [95]. Le grattage de la lésion à la curette ou au bistouri révèle des pénétrations des hyphes qui atteignent parfois la partie ventrale de la tablette unguéale. L‟évolution est habituellement rapide. Scytalidium dimidiatum peut causer une onychomycose superficielle noire caractérisée par de petites taches noires opaques qui peuvent être curetées aisément [95]. Les OSB sont associées généralement à un périonyxis souvent sans pus. La pigmentation de la partie proximale et l‟invasion profonde de la tablette unguéale par le pathogène rendent souvent la distinction entre OSB et OSP difficile. Histologiquement, l‟OSB causée par les moisissures est caractérisée par la présence de courtes ramifications de filaments dans des fentes dans la tablette depuis la surface vers l‟intérieur [95], tandis que dans l‟OSP la pénétration du champignon commence par la matrice alors que le plat superficiel de l‟ongle reste normal [92]. Le diagnostic différentiel se pose avec la desquamation superficielle des tablettes unguéales (granulations de kératine) observée lors du port permanent de vernis ; cependant, cette friabilité superficielle ne donne pas de plages leuconychiques confluentes [88]. 60 Fig. 38 : Leuconychie superficielle mycosique à Fusarium oxysporum [88] Fig. 39 : Onychomycose superficielle blanche à Fusarium solani [95] Fig. 40 : Leuconychie superficielle blanche à Aspergillus candidus [92] 61 Onychomycose sous-unguéale distolatérale (OSDL) Les dermatophytes sont les principaux agents étiologiques de cette variété clinique et peuvent causer jusqu‟à 90 % des cas. Il est à noter que certaines moisissures, dont notamment le Scytalidium [88], peuvent causer des onychomycoses ayant une clinique similaire pouvant atteindre 40 % des OSDL dans les zones d‟endémie. Les moisissures pouvant être derrière ces OSDL sont : Scytalidium avec ses deux variétés, S. dimidiatum et S. hyalinum , peut provoquer des OSDL des mains et des pieds, ainsi que des intertrigos des pieds [22]. Onychocola canadensis provoque principalement des OSDL [96], dont Le gros orteil est le plus fréquemment atteint [96]. Cette moisissure semble des troubles vasculaires des membres inférieurs (lymphoedeme, ulcères de jambe) [22], tandis que chez les enfants aucun cas n‟a été décrit jusqu‟à présent. Une répartition des cas d‟OSDL à Onychocola canadensis selon le sexe, montre une nette fréquence chez les femmes [96]. On note également qu‟une grande majorité des sujets atteints vivent en région rurale et ont des occupations ou loisirs en rapport avec le travail de la terre [96]. Les autres moisissures ; Fusarium spp, Acremonium spp, Aspergillus spp, Scopulariopsis brevicaulis, Alternaria..., ne provoquent que rarement cette variété clinique d‟onychomycose. Dans les OSDL l‟atteinte commence par la pénétration des micro-organismes dans la région sous-unguéale par la rainure distale, envahissant l‟hyponychium, 62 le lit de l‟ongle et la face ventrale de la tablette suite à une fragilisation des attaches de celle-ci [88]. L‟infection se traduit par une hyperkeratose sous-unguéale distale responsable d‟une onycholyse distale ou disto-latérale. Le découpage de la tablette pathologique est facile, compte tenu de l‟onycholyse, et, est non douloureux. Il permet d‟observer l‟aspect très particulier de l‟hyperkeratose sous-unguéale ; friable, poudreuse, souvent jaune, voire orangée notamment dans les ongles des orteils (fig. 41) [88] (à différencier d‟une hyperkératose dure compacte adhérente au lit unguéal ou à la face ventrale de la tablette, d‟origine mécanique par micro-traumatismes répétés). Pour les ongles des doigts, l‟onycholyse distale laisse apparaître un lit peu hyperkératosique et l‟hyperkératose sous-unguéale est en général moins friable et poudreuse qu‟aux orteils, donc moins caractéristique, voire psoriasiforme micassée [88]. La progression ascendante du pathogène entraîne une progression des signes cliniques vers la région lunulaire puis la région cuticulaire. La totalité de la lame est alors atteinte devenant épaisse et dyschromique. La lame unguéale devient partiellement ou totalement pigmentée de brun [97] (par exemple le Scopulariopsis brevicaulis engendre une coloration brun-cannelle). Les travées longitudinales leuconychiques, ou xanthonychiques qui peuvent apparaître au cours de l‟infection remontent jusqu‟à la base de la lame unguéale laissant suspecter une atteinte de la lame unguéale proximale située sous le repli susunguéal [88] Dans le cas de Scytalidium (Sc. dimidiatum, Sc. hyalinum), l‟OSDL produite est souvent similaire a celle engendrée par les dermatophytes, particulièrement pour les ongles des orteils [22]. Cependant, certaines caractéristiques de l'infection par cette moisissure peuvent orienter le clinicien à la suspecter dont notamment 63 l‟atteinte d‟un seul ongle et l‟association à une paronychie et à des fractures transversales de la tablette unguéale proximale [122], Aux mains, l‟hyperkératose sousunguéale est parfois de coloration brune [88]. Fig. 41 : OSDL à Onychocola canadensis [96] Onychodystrophie mycosique totale Elle est surtout secondaire après l‟évolution plus ou moins longue d‟une des formes précédentes dont elle représente le point culminant. La lame unguéale épaissie et dyschromique en totalité, reste plus ou moins adhérente au lit unguéal sous-jacent ; ou alors sa friabilité et son effritement laissent place à un lit hyperkératosique plus ou moins recouvert de vestiges unguéaux. Cependant, elle peut être primitive dans le cadre d‟une candidose cutanéo-muqueuse chronique [88]. V LE DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL DE LA PATHOLOGIE UNGUEALE Les onychomycoses présentent souvent une clinique évocatrice. Cependant, certaines pathologies non fongiques peuvent se manifester par une clinique pareille rendant ainsi le diagnostic assez difficile même pour le médecin clinicien le plus expérimenté. 64 Dans ce qui suit, seront traités les principaux aspects cliniques des onychopathies non fongiques à en tenir compte lors du diagnostic d‟une onychomycose et notamment dans le cas particulier des onychomycoses à moisissures. 1. L’atteinte leuconychique Dans les onychomycoses, une atteinte leuconychique distale profonde peut s‟observer plus particulièrement lors d‟une immunodépression sous-jacente survenue suite à une corticothérapie systémique ou à la prise d‟autres immunosuppresseurs mais aussi à cause des maladies immunodépressives. Dans ce cas précis d‟une atteinte leuconychique distale profonde, différents champignons peuvent en être responsables. Quant à elle, une leuconychie superficielle annonce qu‟une infection à moisissures serait plus probable qu‟une dermatophytose. Cette infection à moisissure, peut être limitée au début, et envahir l‟ensemble de l‟appareil unguéal par la suite. La leuconychie superficielle est à différencier : De la leuconychie traumatique proximale ou distale parfois responsable de stries blanches transversales de 1 à 2 mm de hauteur, séparées par des bandes d‟ongles sains [98]. Quelquefois, ces stries sont filiformes et longitudinales. Des manifestions au niveau unguéal de certaines pathologies. Les ongles blancs dans le cas de l‟insuffisance rénale ou hépatique par exemple peuvent constituer un leurre en évoquant une onychomycose à moisissures après envahissement total ou subtotal. Toutefois, ces pathologies occasionnent l‟atteinte de tous les ongles qui montrent une consistance dure avec une surface lisse (fig. 42), contrairement aux 65 onychomycoses à moisissures dont l‟atteinte se limite à un ongle ou à quelques ongles avec une consistance crayeuse et lamellaire [99]. Fig. 42 : Leuconychie non fongique (Examen mycologique négatif) [99] L’atteinte disto-latérale avec hyperkératose dominante du lit de l’ongle et de la tablette unguéale, associée à une onycholyse Ce type d‟atteinte est plus fréquent dans le cas des onychomycoses dues aux dermatophytes que dans le cas de celles dues aux moisissures, tant au niveau des ongles des orteils (80 % des cas) que des doigts (20 % des cas). Différentes affections peuvent être responsables d‟une même symptomatologie pouvant toucher les ongles des orteils et ceux des doigts. Seront explicitées ci-dessous quelques unes de ces affections: Les dystrophies unguéales mécaniques [98] associées à des traumatismes locaux siègent préférentiellement au niveau des ongles des orteils. Elles sont la conséquence de microtraumatismes occasionnés par la marche ou par des activités sportives sollicitant particulièrement les pieds (judo, karaté, danse, tennis, jogging, randonnée, ski...). Généralement les orteils atteints sont ceux qui, du fait de certaines déformations (hallus erectus, orteils en marteau, chevauchement des orteils, pieds “grec” ou “égyptien”...)., sont exposés aux frottements et aux microtraumatismes répétés contre le cuir, les coutures ou l‟extrémité des chaussures [99]. 66 L‟hyperkératose sous-unguéale est un équivalent de “cor”. D‟autres cors sont habituellement visibles au niveau des articulations et au niveau des pulpes des orteils sollicités par l‟appui. Lors du découpage, cette hyperkératose est dure et compacte contrairement à celle d‟une onychomycose beaucoup plus friable. En particulier chez les sportifs, la paronychie a souvent un aspect en bulbe d‟oignon. Les troubles de la statique [99], engendrés par une mauvaise répartition du poids corporel au niveau des pieds, sont également responsables d‟autres onychopathies parfois confondues avec une onychomycose telle qu‟une onychogryphose des ongles en pince (ou en cornet). Il n‟est pas rare que des hématomes sous-unguéaux, responsables de dyschromies unguéales, voire des phlyctènes, soient associés à ces onychopathies traumatiques. Le psoriasis dans sa forme hyperkératosique sousunguéale représente un autre diagnostic différentiel au niveau des ongles des orteils et des doigts. La présence d‟une hyperkératose fissurée des talons, d‟une desquamation inflammatoire, lamellaire et fissurée des plantes et des zones de frottement des orteils, des paumes ou toute autre localisation psoriasique cutanée orienteront vers ce diagnostic. Un examen soigneux de tous les ongles des mains et des pieds recherchera des signes plus spécifiques comme des érosions ponctiformes “en dés à coudre”, un aspect “en tache d‟huile orangée” de Millian [100]. L‟interrogatoire peut noter l‟existence d‟antécédents personnels ou familiaux de psoriasis et la prise de médicaments favorisant l‟affection (-bloquants, sels de lithium...) [100]. Cependant, l‟association psoriasis et dermatomycose est présente dans 27 % des cas environ [101]. 67 L‟acrokératose de Bazex [102], bien que très rare, ne doit pas être oubliée dans les diagnostics différentiels. L‟atteinte unguéale associant une hyperkératose sous-unguéale et une dystrophie unguéale psoriasiforme est constante, touchant aussi bien les doigts que les orteils. D‟autres lésions psoriasiformes des extrémités, particulièrement du nez et des oreilles, pourront orienter le diagnostic. L‟atteinte unguéale associée à un lymphoedème dans le syndrome xanthonychique décrit en 1964 par P. SAMMAN et WF. WHITE [102], suffisamment caractéristique par l‟épaississement des tablettes unguéales, s‟accompagnant d‟une courbure exagérée transversalement et prenant une couleur jaunâtre, touchant tous les ongles à des degrés variables, ne devrait pas être confondue avec une onychomycose. La mélanonychie Les onychomycoses à Scytalidium dimidiatum et à Trichophyton rubrum émettent un pigment mélanique diffusible et peuvent se présenter sous la forme d‟une mélanonychie en bande. Le principal problème est d‟éliminer une prolifération tumorale mélanocytaire ; lentigo, nævus et surtout mélanome dans une forme pigmentée [103, 104,99]. Il est alors très important d‟examiner le repli sus-unguéal qui est coloré en cas de mélanome. Un simple découpage, non traumatique, de la zone distale permet de découvrir, en cas d‟onychomycose, une hyperkératose poudreuse noirâtre sous-unguéale sans pigmentation inquiétante du lit. La paronychie (ou périonyxis) Une paronychie peut s‟observer, préférentiellement au niveau des doigts, c‟est habituellement le mode de début d‟une candidose unguéale à Candida albicans, 68 comme elle peut traduire l‟atteinte matricielle d‟une infection à Scytalidium sp ou par une autre moisissure (Fusarium sp, Acremonium sp). Le principal diagnostic différentiel est une paronychie chronique secondaire à une dermite de contact et traumatique [105, 106,99]. L‟inflammation chronique des replis périunguéaux, surtout du repli postérieur, produit un coussinet plus saillant et plus ferme que dans une paronychie fongique faisant disparaître la cuticule tandis que la tablette unguéale se trouve bosselée sur toute sa hauteur. L‟interrogatoire retrouve souvent la notion de contacts répétés avec l‟eau et de travaux irritant le pourtour des doigts (frottement du linge, épluchage de légumes et de fruits, paille de fer, ponçage d‟objets...). Plusieurs doigts sur les deux mains sont habituellement atteints. Quelques autres diagnostics se discutent parfois : le plus difficile à reconnaître est un psoriasis, surtout dans sa forme d‟acropustulose [100]. Souvent monodactylique, il se caractérise par une atteinte inflammatoire récidivante associant paronychie, onycholyse et pustules sous-unguéales, visibles après découpage de la tablette. Au cours d‟un eczéma des mains ou des pieds, une atteinte unguéale peut compliquer l‟atteinte cutanée étendue à la région matricielle. Certaines affections ostéo-articulaires (rhumatisme, goutte, sarcoïdose...), surtout si elles touchent les mains, peuvent entraîner, au cours d‟une poussée inflammatoire un gonflement de la dernière phalange simulant une paronychie avec une dystrophie secondaire de la tablette unguéale. Le pseudo-kyste mucoïde [103], survenant volontiers sur un terrain arthrosique, pose peu de problèmes diagnostiques, lorsqu‟il se manifeste 69 par une tuméfaction rénitente du repli sus-unguéal dont l‟appui sur la matrice entraîne la formation d‟une gouttière longitudinale. La pression de cette tuméfaction fait sourdre un liquide translucide, gélatiniforme. Le panaris bactérien (tourniole) [105] est facilement reconnaissable par son caractère aigu et très douloureux. L‟infection succède en général à un traumatisme local mineur (arrachage de petites peaux, piqûre septique, écharde). Il représente une urgence thérapeutique. L’onycholyse disto-latérale Aux orteils, une onycholyse isolée sans hyperkératose sous-unguéale ne témoigne pas habituellement d‟une infection fongique. Le décollement des lames unguéales est avant tout d‟origine traumatique, surtout au niveau des gros orteils ou secondaire au chevauchement des orteils dans des souliers trop étroits (fig. 43). Fig. 43 : Onycholyse traumatique [99] Le traumatisme mécanique par une manucurie trop intense surtout par introduction répétée d‟une lime à ongle aboutit au décollement des lames unguéales. La zone décollée est blanche et bien limitée [99]. Dans le psoriasis, la zone d‟onycholyse psoriasique distale est limitée par un liseré érythémateux très évocateur. Elle est souvent douloureuse à la pression. On recherche d‟autres signes évocateurs du psoriasis au niveau 70 des ongles comme les érosions ponctiformes “en dés à coudre” et l‟aspect “en tache d‟huile orangée” de Millian [100]. Il faut parfois évoquer une maladie systémique (dysfonctionnement thyroïdien, sarcoïdose) ou une origine iatrogène médicamenteuse par photosensibilité (photo-onycholyse) lorsque plusieurs ongles ou tous les ongles sont atteints [102]. Mais il ne faut pas oublier que tout processus tumoral du lit de l‟ongle, du derme ou de l‟os sous-jacent, bénin (exostose, fibrome, verrue) ou malin (carcinome épidermoïde, mélanome) peut également être responsable d‟une onycholyse au niveau des orteils et des doigts. Après découpage de la tablette, la tumeur est visible et peut faire l‟objet d‟une biopsie, voire d‟une biopsie exérèse au moindre doute de malignité. L‟exostose est confirmée par une radiographie [103,106]. Destruction de l’ensemble de la tablette unguéale L‟onychomycose à moisissures, particulièrement à Scytalidium à dermatophyte, et parfois à Candida albicans, si elle n‟est pas traitée, finit par aboutir à une onychomycodystrophie totale secondaire représentée au stade ultime par un lit unguéal kératosique, jonché de vestiges unguéaux [99,105]. Lorsque plusieurs ongles sont atteints, certains diagnostics différentiels peuvent être évoqués tels qu‟un lichen plan, une pelade ou un psoriasis, voire, plus rarement, une érythrodermie (mycosis fongoïde) dans une localisation unguéale évoluée. Ces dermatoses siègent plus volontiers sur les ongles des doigts, mais les ongles des orteils peuvent également être touchés. L‟examen des ongles notera ou non la présence de ptérygion, de trachyonychie en faveur d‟un lichen ou d‟une pelade. Cependant, les 71 localisations unguéales de ces dermatoses s‟intègrent dans un cadre plus général de la maladie et un examen clinique attentif du revêtement cutané, du cuir chevelu et des muqueuses recherche d‟autres lésions plus évocatrices du diagnostic [100,102]. Si l‟atteinte est monodactylique, il ne faut surtout pas méconnaître une tumeur maligne : maladie de Bowen, mélanome acral, carcinome épidermoïde, qui malheureusement peut n‟être diagnostiquée qu‟à un stade évolutif aussi tardif [3]. 72 VI LE DIAGNOSTIC Comme susmentionné, les onychomycoses causées par une moisissure ou par un autre champignon peuvent parfois avoir une clinique similaire à une onychopathie non fongique. De plus ces onychopathies peuvent être secondairement surinfectées par des éléments fongiques, compliquant davantage l‟approche diagnostique. D‟autre part, en cas de suspicion d‟une onychomycose à moisissure, l‟aspect clinique n‟étant pas forcement spécifique à un agent fongique unique, ne permet pas l‟identification dudit agent. Ainsi, le diagnostic mycologique s‟impose comme une démarche indispensable pour l‟identification de l‟agent étiologique et par la suite le choix du traitement approprié afin d‟éviter au patient des traitements longs, inutiles et coûteux. D‟autres méthodes ont été mises au point et dans le but est de confirmer le rôle pathogène d‟un micromycète dans une infection unguéale. 1. Le diagnostic mycologique d’une onychomycose à moisissures Le diagnostique mycologique est constitué de trois étapes indispensables, la première étant le prélèvement biologique mycologique, la seconde, l‟examen direct qui cherche les éléments fongiques dans le matériel unguéal et enfin la culture dont le but est d‟isoler l‟agent pathogène. 1.1 Prélèvement mycologique A. Anamnèse et examen clinique L‟interrogatoire et l‟examen clinique du patient font partie intégrante du prélèvement en facilitant la confrontation clinico-mycologique et permettent ainsi de préciser : 73 L‟ancienneté des lésions, leur mode d‟évolution dans le temps (rapide pour une candidose, lent pour un dermatophyte ou une moisissure), leur forme (début par le bord libre ou par la région matricielle) [107] et enfin l‟existence de traitements antérieurs avec leurs durées et leurs efficacités. Les facteurs favorisants qu‟ils soient professionnels, liés à la pratique d‟un sport etc… Les antécédents dermatologiques (psoriasis, eczéma...) [107], L‟existence de lésions cutanées associées, anciennes ou préalablement traitées, qui peuvent nécessiter un prélèvement si elles sont de nature à modifier le traitement [107], L‟examen du pied dans son ensemble, à la recherche d‟anomalies podologiques pouvant expliquer une onycholyse ou une hyperkératose. B. Prélèvement mycologique proprement dit Idéalement, le prélèvement doit être pratiqué par un médecin ou un biologiste ayant une profonde connaissance en mycologie et dans le mode d‟évolution des lésions (afin de prélever la lésion “au bon endroit” ) et il doit être impérativement fait à distance de tout traitement antifongique tenant compte des délais conseillés pour éviter les faux négatifs ou les résultats discordants (examen direct positif et culture négative) et que sont : 15 jours pour une crème antifongique 15 jours et la repousse de l‟ongle après traitement kératolytique à l‟urée 2 mois pour la Griséofulvine et le Kétoconazole 3 mois pour les solutions filmogènes et la Terbinafine [107]. Il est important d‟éviter tout soin de pédicurie au préalable, d‟enlever un éventuel vernis cosmétique 48 heures avant. 74 Contrairement aux idées reçues, le prélèvement doit être réalisé sur des ongles propres, brossés avec un savon neutre avant l‟examen afin d‟éliminer au mieux les moisissures de l‟environnement qui peuvent être présent sur les ongles . Le matériel utilisé pour ce prélèvement est simple et doit être stérile ; instrument de grattage, ciseaux, pince à ongles, vaccinostyle ou instrument équivalent, boîte de Pétri… La manière de prélever un ongle dépend entièrement de l‟aspect de la lésion : il faut aller chercher le matériel unguéal parasité là où le champignon est vivant afin que celui-ci pousse en culture : Pour une atteinte distolatérale avec hyperkératose sousunguéale et détachement de la tablette, un découpage à la pince à ongle est pratiqué jusqu‟à la jonction zone unguéale infectée-zone saine, puis un grattage des débris kératosiques friables recouvrant le lit unguéal est réalisé dans cette zone [108]. En cas de leuconychie superficielle ou profonde, après avoir nettoyé la tablette avec de l‟alcool, un grattage ou un découpage de la leuconychie est effectué jusqu‟à atteindre la zone blanche friable au sein de laquelle est recueilli l‟échantillon [108]. S‟il existe une paronychie avec atteinte des sillons latéraux, comme c‟est habituellement le cas pour une candidose unguéale ou avec certaines moisissures tel le Fusarium, un grattage est réalisé sous le repli susunguéal, puis dans les zones latérales après découpage de la tablette [108]. 1.2 Examen direct Lecture à l’aide du microscope optique : Le matériel collecté est mis entre lame et lamelle dans une solution dissociant les kératinocytes telle que la potasse aqueuse (KOH 10 %), l‟hydoroxyde de sodium (NaOH 10 75 %) ou mieux dans la solution de noir chlorazole, qui permet de colorer que les structures fongiques et élimine beaucoup d'artefacts. La lecture se fait à l‟aide du microscope optique. Cet outil est le plus utilisé par les laboratoires vu son coût relativement bas. Un examen direct bien conçu et un oeil de biologiste très averti, permettent en quelques heures de confirmer la présence ou l‟absence du champignon dans le produit pathologique et de donner bien souvent une idée, en cas de positivité, sur l‟origine mycosique de l‟onychomycose. En effet si les filaments sont septés, grossiers et irréguliers (aspect chlamydosporé) formant des vésicules, le diagnostic dénoncera une moisissure. Les filaments mycéliens des moisissures doivent être différenciés de ceux des dermatophytes qui sont septés et réguliers. Ils sont également à différencier des pseudo-filaments des Candida. Un aspect de filaments “vides” doit pousser à suspecter un traitement antifongique arrêté trop peu de temps avant le prélèvement ou un prélèvement trop distal [111]. Lecture à l’aide du microscope à fluorescence : En mycologie médicale, les techniques de fluorescence sont particulièrement appréciées lorsque les éléments fongiques sont peu nombreux. De plus, elles permettent une meilleure observation de la morphologie des champignons. Dans le cas précis des onychomycoses, certains mycologues utilisent cette technique [108] parce qu‟elle présente l‟avantage de donner un meilleur contraste des éléments fongiques. Ceci est obtenu en utilisant des fluorochromes qui se fixent spécifiquement sur la chitine et les β1-3 glucanes de la paroi fongique [110]. Ces fluorochromes sont solubles dans 76 le réactif au sulfure de sodium mais non pas dans l‟hydroxyde de potassium ou de sodium (KOH ou NaOH 10%). Excités par un rayonnement de longueur d‟ondes comprise entre 400 et 440 nm (violetbleu) à l‟aide d‟un microscope à fluorescence, les éléments fongiques deviennent fluorescents, et peuvent être immédiatement détectés (fig.44). Cette méthode se pratique en une seule étape, ne nécessite pas de chauffage de la préparation et permet une dissociation plus rapide que par du KOH [110]. Mais malheureusement son coût élevé limite son utilisation. Fig. 44 : Examen direct d‟une moisissure observée par microscope à fluorescence [119] Dans tous les cas, un examen direct positif (attestant de la présence du champignon dans le produit pathologique) permet bien souvent d‟orienter l‟identification de la nature de l'agent pathogène. L‟identification précise de ce dernier (genre et espèce) est l‟objet de la troisième et avant dernière étape du diagnostic mycologique qui est la culture, sujet du suivant paragraphe. 1.3 La culture L‟isolement du champignon se fait après avoir déposé l‟échantillon unguéal pathologique collecté sur un milieu nutritif gélosé. Les composants nécessaires pour les milieux de culture sont : 77 Le milieu de Sabouraud modifié : gélose glucosée à 2% et peptonée. C‟est le milieu de base qui entre dans la composition de tous les tubes nécessaires à la culture d‟un échantillon. Ce milieu est le plus utilisé en mycologie médicale. Le Chloramphénicol ou la Gentamycine : Une des deux molécules est ajoutée au milieu de Sabouraud pour inhiber la croissance des bactéries. La Cycloheximide (Actidione®), molécule inhibant la croissance de nombreuses moisissures [24]. Les tubes ensemencés, additionnés ou non au Cycloheximide, sont ensuite incubés à 26-30°C en atmosphère humide pour stimuler le développement des champignons. Généralement les tubes sont incubés pendant 3 semaines pour permettre la croissance des espèces dont la vitesse de pousse est lente [107]. Habituellement, la plupart des moisissures se développent en 8-10 jours [24]. 1.4 La lecture des résultats Le diagnostic du genre et d‟espèce de champignons filamenteux non dermatophytiques est obtenu par confrontation des caractères macroscopiques et microscopiques des champignons obtenus en culture. L‟aspect macroscopique note la vitesse de pousse du mycélium, la couleur, la forme et la consistance des colonies, ce qui oriente vers son genre. De son côté, l‟aspect microscopique complète cette orientation en précisant l‟espèce en cause. ( cf. paragraphe II) 1.5 Les critères de pathogénicité d’une moisissure en une onychomycose Etant donné que la même moisissure peut aussi bien être un agent étiologique qu‟un contaminant, la confirmation qu‟elle soit impliquée dans une infection unguéale s‟avère nécessaire même après un examen direct positif. Ceci, et tel que précédemment mentionné (cf. paragraphe II), ne peut être 78 démontré qu‟après avoir effectué au moins 2 cultures successives mettant en évidence un grand nombre de colonies de la même moisissure (au moins 5/20 points d'ensemencement) sans pour autant révéler l‟existence d‟aucun dermatophyte [22,112]. Cette dernière condition est primordiale dans la mesure où les statistiques montrent que 10 à 25% des infections unguéales ne révèlent pas à l‟issue de la première culture l‟agent dermatophytique causal [113], qui est souvent masqué par une moisissure dont le développement en culture est bien plus rapide que celui du dermatophyte. Afin d‟éviter l‟obligation d‟effectuer plusieurs cultures espacées par le temps, M. ENGLISH suppose que si on réalise simultanément 20 inoculum dont au moins 5 mettent en évidence la même moisissure, alors cette dernière est vraisemblablement l‟agent étiologique, pourvu que l‟examen direct soit positif [114]. Récemment, il a été démontré que cette technique d‟ENGLISH produirait plus de résultats faux-positifs que de vrais-positifs. En effet le suivi à long terme par des cultures successives des ongles infectés, effectué simultanément avec la technique d‟ENGLISH montre que cette dernière échoue dans plus de 75% des cas qu‟elle déclare positifs (114). Néanmoins, dans certaines conditions où le patient ne peut se présenter plusieurs fois pour effectuer des prélèvements afin de réaliser des cultures espacées dans le temps, le test d‟ENGLISH peut donner une idée insuffisante mais utile pour le diagnostic [114]. Autres méthodes de diagnostique 2.1 Histomycologie L‟examen histomycologique peut être informatif et complémentaire à la culture pour confirmer (ou infirmer) la responsabilité d‟une moisissure dans une 79 onychomycose, tout en donnant une idée sur la charge, la localisation et l‟étendue de l‟infection fongique. C. Nature de l’infection fongique L‟examen microscopique de coupes d‟ongles infectés, après coloration au PAS, au Gomori-Grocott ou encore au bleu de toluidine permet souvent de distinguer les trois catégories de champignons pathogènes d‟ongles : Cas d‟infection par des moisissures ; Les filaments mycéliens sont observés dans la kératine unguéale en association avec de fins filaments perforants (fig. 45) [22]. Les champignons ont alors des aspects protéiformes parfois indicateurs de leur identité [115,116]. Le Scopulariopsis brevicaulis se reconnaît ainsi par la présence de larges cellules piriformes à la paroi épaisse et par de fins filaments perforateurs. Les Dématiées, dont l‘Alternaria sp. et le Scytalidium dimidiatum, sont caractérisées par la présence d‟un pigment mélanique dans le mycélium [117] (la mélanonychie induite dans ce cas doit être distinguée de celle produite par T. rubrum) [118]. D‟autres moisissures ont des filaments dont le calibre peut être irrégulier avec des formes de reproduction variables [115]. Les infections fongiques mixtes associant des moisissures et d‟autres micromycétes, dont notamment les dermatophytes, ne sont pas rares puisqu‟elles peuvent représenter entre 0 à 11 % des cas d‟onychomycoses . L‟histomycologie dans ces cas représente un outil de diagnostic très important pour confirmer que les deux champignons (la moisissure et l‟autre micromycéte) sont des pathogènes indépendants et déterminera par la même occasion s‟ils se trouvent au même site unguéal (fig. 46) ou en des sites différents. 80 Cas d‟infection par des dermatophytes ; La kératine unguéale se trouve lysée autour des filaments mycéliens, Ces derniers sont souvent longs, rectilignes, septés, d‟un calibre uniforme et d‟un diamètre régulier (fig.47). La présence d‟arthroconidies monomorphes est également observée. Cas d‟infection par des levures ; Les levures sont fréquemment groupées en petits amas desquels émergent des pseudo-filaments courts et circonvolués [115,116]. Fig. 45 : Histologie d‟une coupe d‟ongle montrant les filaments perforant d‟Onychocola canadensis [22] Fig. 46. Onychomycose mixte bipolaire à dermatophyte et Scopulariopsis brevicaulis [116] 81 Fig. 47 : Histologie d‟une coupe d‟ongle colonisé par un dermatophyte [22] D. Localisation, charge et étendue de l’infection fongique Le choix du traitement topique ou oral ainsi que sa durée d‟administration peuvent être influencés énormément par la localisation, la charge, et l‟extension de l‟infection fongique dans l‟appareil unguéal surtout lorsque des moisissures réputées résistantes aux traitements antifongiques, sont derrière cette infection. L‟observation clinique, à elle seule, est peu précise pour déterminer ces trois caractéristiques de l‟infection fongique, ce qui nécessite le recours à l‟histomycologie qui peut être très informative à cet égard [116]. 2.2 La technique PCR Le PCR « Polymerase Chain Reaction », est une technique simple et rapide qui permet d‟identifier in situ les champignons dans les ongles. Pour ces avantages, différentes enquêtes ont été portées, principalement sur l'identification de dermatophytes et de Scytalidium spp. (Baek et al., 1998; Turin et al., 2000; Machoua rt -Dubach et al., 2001; Menotti et al.; 2004; Kardjeva et al., 2006) [120]. Récemment, une méthode a été développée par M. MONOD [119] pour l‟identification directe d‟un grand nombre d‟espèces de Fusarium et d‟autres moisissures pathogènes des ongles ; il s‟agit du PCR/sequencing . La technique présentée par M. MONOD [119] commence par une extraction d‟ADN fongique d‟un fragment de l‟ongle suspecté infecté et dont l‟examen 82 mycologique direct s‟est révélé positif. Pour cette extraction, une dissolution de l‟ongle dans une solution de sulfure de sodium (Na2S) suivie d‟une centrifugation de la solution puis d‟un lavage du culot permettent d‟isoler les éléments fongiques desquels l‟ADN est finalement extraite (pour réaliser une telle extraction M. MONOD a utilisé un kit commercial). Une partie de l‟ADN codant pour la sous-unité 28S des ribosomes est ensuite amplifiée par PCR en utilisant des amorces universelles (LSU1 et LSU2) utilisables pour toutes les espèces de champignons. Pour identifier l‟espèce de champignon incriminée dans l‟onychomycose, soit le fragment amplifié est ensuite séquencé, soit son profile de digestion par des enzymes de restriction est analysé (fig.48) [120]. Durant ce processus, des ongles sains de volontaires sont utilisés comme contrôles négatifs M: Marqueurs pour évaluer la taille des fragments; U: produit d‟amplification non digéré; R: digestion par l‟enzyme RsaI ; H: digestion par l‟enzyme HinfI. T, F, C, A, P et NI codent respectivement pour Trichophyton, Fusarium, Candida, Aspergillus, Penicillium et espèce non identifiée. Quatre cas d‟infections mixtes sont présentés sur cette figure. Fig. 48. Profil de digestion des fragments amplifiés de l‟ADN ribosomique [102] 83 Pour valider sa méthode, M. MONOD a testé des ongles à partir desquels un dermatophyte (Trichophyton rubrum ou Trichophyton mentagrophytes) avait poussé en culture. Les résultats obtenus ont confirmé l‟identification du champignon dans 100% des cas avec PCR. Avec la même méthode, Fusarium spp. et Scopulariopsis brevicaulis ont été identifiés dans 80% des cas où ces moisissures avaient poussé en culture. Dans 20% des cas, d‟autres espèces de champignons ont été révélées, ou le champignon n‟a pas pu être identifié car les séquences obtenues n‟étaient pas interprétables [119]. M. MONOD a finalement cherché à identifier les champignons dans des ongles où les prélèvements étaient demeurés stériles en culture ou avaient généré des moisissures autres que Fusarium spp et S. brevicaulis. Il a pu montrer que les Acremonium spp., Aspergillus oryzae, Aspergillus versicolor, Penicillium citinum isolés en culture étaient effectivement les espèces de champignons infectant l‟ongle [119]. D‟autres moisissures telles que Alternaria spp., Aspergillus niger, et Aspergillus fumigatus étaient des contaminants. Ces champignons avaient poussé en culture, mais d‟autres espèces étaient révélées par PCR en prenant comme cible l‟ADN extrait du même ongle. En cas de suspicion d‟une infection mixte, des fragments d‟ADN fongique amplifiés par PCR sont analysés par RFLP (Polymorphisme de longueur des fragments de restriction) qui est une technique permettant de différencier et de comparer des molécules d'ADN provenant d‟espèces différentes dans le but de confirmer que les champignons incriminés sont des pathogènes indépendantes [119]. Ce dernier cas de figure est souvent rencontré avec des moisissures et des dermatophytes. Pour conclure, les résultats obtenus par PCR donnent une image de l‟infection à l‟instant où a été fait le prélèvement. C‟est un état des lieux. Il est possible qu‟au 84 fil du temps, certaines moisissures identifiées aient infecté l‟ongle après un autre champignon (par exemple Trichophyton rubrum). Cependant, les méthodes d‟identification des champignons in situ dans les ongles par PCR permettent de substantielles améliorations du diagnostic des onychomycoses : L‟identification de l‟agent infectieux peut être obtenue en 48h versus 1-3 semaines avec des cultures. Il a été possible de montrer que la majorité des Fusarium spp. et S. brevicaulis identifiés en culture étaient en fait l‟agent infectieux. D‟autres moisissures ont été reconnues comme agents infectieux et distinguées d‟autres moisissures qui sont des contaminants. L‟identification de l‟agent infectieux peut être possible même après le début d‟un traitement antifongique. Ceci est difficile à obtenir avec la culture puisque les résultats sont fréquemment négatifs suite à la prise d‟antifongiques. L‟identification des champignons dans les ongles par PCR est à la fois simple, rapide et beaucoup plus sensible que les cultures. Les bons résultats obtenus font qu‟elle est appelée à être utilisée en routine lorsque la présence de champignon a été démontrée par un examen direct positif et qu‟assez de matériel a été prélevé par le médecin. Malheureusement, c‟est une technique coûteuse et qui n‟est pas disponible pour un grand nombre de laboratoires de mycologie. 2.3 Les perspectives d’avenir La microscopie confocale in vivo permet de déceler la présence de champignons à l‟intérieur de l‟ongle. Cet examen ne nécessite aucun prélèvement ni aucune autre préparation particulière [115]. Il utilise la lumière réfléchie pour examiner le tissu vivant à diverses profondeurs. La 85 profondeur que le microscope confocale peut pénétrer est limitée seulement par la pénétration de la lumière dans le tissu et la réflectivité des structures observées. La microscopie confocale peut être une méthode rapide de diagnostic d‟onychomycoses à moisissures [121]. Cependant sa capacité de distinguer entre les moisissures et les dermatophytes est très limitée. L’immunohistochimie peut être définie comme étant un processus de détection d'antigènes dans les tissus au moyen d'anticorps qui peuvent être d'origine polyclonale ou monoclonale, les anticorps monoclonaux étant plus spécifiques par essence. Dans le contexte précis des onychomycoses, cette méthode permet l‟identification du champignon sur les coupes d'ongles lorsqu‟un anticorps suffisamment spécifique est disponible. Cette possibilité reste exceptionnelle et réservée à quelques champignons seulement. Elle est surtout utile lors de l'identification des infections mixtes [121]. La cytométrie en flux est une technique permettant de faire défiler des particules, molécules ou cellules à grande vitesse dans le faisceau d'un laser. La lumière réémise (par diffusion ou fluorescence) permet de classer la population suivant plusieurs critères et de les trier. Cette méthode peut être exploitée donc pour différencier les champignons sur la base des différences moléculaires et donner par la suite une idée sur la charge fongique, ainsi que sur la famille à laquelle appartient le champignon [121]. Par ces informations qu‟elle peut fournir, elle peut représenter un outil de diagnostic des onychomycoses à moisissures plus spécifiquement. Toutefois, ces méthodes, ne sont pas disponibles dans la plupart des laboratoires. 86 VII TRAITEMENT ET PROPHYLAXIE 1. Traitement des onychomycoses à moisissures 1.1 Nécessité de traitement devant une onychomycose à moisissures De nombreux patients atteints d‟onychomycoses provoquées par des moisissures ressentent des douleurs de l‟appareil unguéal et notamment s‟ils présentent un périonyxis qui est souvent associé aux différentes variétés cliniques d‟onyxis à moisissures. En outre, une gêne limitant le port de chaussures, la marche ou les activités sportives et au pire, les activités professionnelles, est fréquemment occasionnée. De plus, les dystrophies unguéales peuvent provoquer chez ces patients des plaies et des nécroses des tissus entourant la tablette, en particulier chez les sujets atteints de neuropathie périphérique. D‟autre part l‟infection mixte des ongles des orteils par une moisissure et des bactéries peut se comporter comme un réservoir responsable de lymphangites ou d‟autres infections bactériennes graves, dont la sanction thérapeutique peut conduire à l‟amputation [123]. Le patient diabétique (surtout à diabète mal équilibré) est particulièrement sensible à ces complications. Mais la conséquence la plus dramatique résulte bien entendu d‟une dissémination interne du champignon avec issue fatale qui est possible chez le sujet immunodéprimé ou tout sujet sous traitement immunosuppresseur. En effet, des cas de fusarioses disséminées mortelles dont la porte d‟entrée fut un onyxis à Fusarium passé inaperçu [124] ont été rapportés. La réalisation d‟un examen attentif des ongles de ces patients immunodéprimés ou devant subir une immunodépression iatrogène doit être donc systématique [123]. 87 Outre leurs conséquences sur la santé, les onychomycoses à moisissure posent, au même titre que les autres types d‟onychomycoses, des problèmes relationnels et professionnels du fait de l‟aspect inesthétique des ongles qu‟elles engendrent. L‟ongle, étant un territoire de l‟organisme humain hors de portée des défenses immunitaires acquises, tout champignon (moisissure ou autre) qui y a élu domicile est donc dans un bastion privilégié, et sa survie y est garantie malgré la présence de peptides naturels antifongiques dans l‟appareil unguéal [125]. En effet, on ne rapporte pas de cas d‟autoguérison des onychomycoses. Eu égard à toutes ces répercutions des onychomycoses à moisissures sur la qualité de vie et devant cette impossibilité d‟autoguérison, le traitement antifongique s‟avère indispensable. 1.2 Choix du traitement Le traitement de l'onychomycose causée par les moisissures n'est pas encore bien standardisé. Plusieurs auteurs soulignent le fait qu‟elle est difficile à éradiquer vu l‟inexistence, du moins jusqu‟à présent, d‟antifongique spécifique aux moisissures comme il en existe pour les levures ou pour les dermatophytes. De plus, on note une très grande différence entre les résultats obtenus in vivo et les résultats attendus au vu des CMI (Concentrations Minimales Inhibitrices) ; in vitro[126]. Cependant de nombreuses études ont prouvé une certaine efficacité de nouvelles molécules antifongiques sur de nombreuses espèces de moisissures mais avec un traitement très long et souvent plus long que celui des dermatophytes [127]. Lorsque la matrice unguéale est saine un traitement topique est largement suffisant, mais si cette dernière est atteinte un traitement systémique s‟impose. 88 A. Le traitement topique Le traitement topique constitue dans le cas des onychomycoses à moisissures le traitement de premier choix à prescrire si l‟atteinte de l‟ongle n‟est pas profonde [128,129]. Dans ce cas l‟application d‟un antifongique topique doit être précédée d‟une destruction répétée mécanique de la partie atteinte de la tablette unguéale ou d‟une avulsion chimique ou encore chirurgicale. Cette dernière peut être très utile lorsqu‟une hyperkératose de la tablette unguéale, accompagnant certaines variétés cliniques d‟onychomycoses à moisissures, est observée. Le traitement topique nécessitera généralement une période allant de 6 mois à un an. a) Destruction mécanique de la tablette unguéale La destruction mécanique de la tablette unguéale se fait par nettoyage de la tablette à la curette ou au papier de verre, mais cette attitude ne doit cependant pas s‟appliquer en cas d‟immunodépression sous-jacente, compte tenu du risque de dissémination b) Destruction chimique de la tablette unguéale La technique d'avulsion chimique est de réalisation simple et doit se dérouler comme suit: Toilette de la région avec savon antiseptique puis rinçage, séchage et application d'un antiseptique. Protection des tissus péri-unguéaux par un sparadrap épais ou des hydrocolloïdes, puis occlusion sous film plastique après application d'une couche épaisse de la préparation à l'urée. Après huit jours l'ongle est soulevé et seul la partie pathologique est découpée aux ciseaux (l‟onychine normale reste adhérente aux tissus 89 unguéaux). Il faudra éventuellement répéter l'opération en fonction de l'épaisseur de la tablette. c) Avulsion unguéale partielle ou totale par chirurgie C‟est une chirurgie minutieuse qui demande une parfaite connaissance de l‟anatomie et de la physiologie de l‟ongle afin de minimiser le risque de séquelles dystrophiques. Elle se passe dans la majorité des cas, sous anesthésie locorégionale. C‟est un geste indispensable en cas d‟onychomycose à moisissures, lorsque l‟envahissement de la tablette se traduit par épaississement important de cette dernière [130]. Elle permet d‟accélérer la réponse aux traitements antimycosiques, surtout au niveau des orteils. d) Les antifongiques topiques Les principaux antifongiques topiques agissant sur les moisissures sont cités ciaprès : Le ciclopirox : Le ciclopirox est un antifongique topique qui a une action fongistatique inhibant l'entrée d'ions métalliques, du phosphate et du potassium dans la cellule fongique en sus d‟une action fongicide perturbant l'activité des chaînes respiratoires du champignon (en chélatant le fer en particulier). Il est utilisé sous forme de solution filmogène à 8%. Cette formulation répond à deux points essentiels : tout d‟abord le principe actif reste au contact de l‟ongle pour une longue durée, ensuite après l‟évaporation des solvants, la concentration du principe actif dans la couche filmogène s‟élève, établissant ainsi un gradient de concentration élevé indispensable à une pénétration maximale du principe actif. Cette molécule a prouvé une efficacité de traitement chez de nombreux patients avec onyxis à moisissures (fig. 49, 50). Le spectre d‟activité in vitro 90 est large, il agie sur les dermatophytes, les levures et des moisissures dont Aspergillus, Fusarium oxysporum et Scopulariopsis brevicaulis [127,131]. L'activité antifongique est inconstante sur Scytalidium dimidiatum (126). Cette molécule possède aussi une action anti-inflammatoire importante. Les applications sont journalières, et la concentration utile à la saturation de la tablette unguéale est obtenue après 14 à 30 jours sur les ongles des mains, 30 à 45 jours pour ceux des orteils. La rémanence du produit est de 8 jours pour les ongles des mains et de 15 jours pour les ongles des pieds. Les effets secondaires se produisent dans moins de 2% de patients et incluent la brûlure et la rougeur autour de l'ongle [134]. Fig. 49 et 50: Onychomycose subunguale Proximale du gros orteil causé par Fusarium oxysporum avant et après 12 mois de traitement avec ciclopirox solution filmogène à 8% [129] L’Amorolfine : L‟Amorolfine est un dérivé de la morpholine, fongistatique et fongicide. Sa fongicidie vient d‟une double action sur la synthèse de l‟ergostérol : inhibition de deux enzymes, la delta-4 réductase et la delta-7-8 isomérase. Cela conduit à une hyper fluidité de la membrane du champignon, modifiant la perméabilité, provoquant un dépôt de chitine anormale et des anomalies de croissance cellulaire. Elle est utilisée sous forme de solution filmogène, concentrée à 5 % dans la solution. Après évaporation du solvant la concentration s‟élève alors à 25 % dans la couche filmogène [132]. 91 L‟Amorolfine a un large spectre antifongique ; elle agit sur les dermatophytes, sur les levures mais aussi sur certaines moisissures telles que Scytalidium dimidiatum et Scopulariopsis brevicaulis. Son efficacité a été même marquante dans certaines cas d‟onychomycoses à Scytalidium. Les espèces peu sensibles à l‟amorolfine sont Aspergillus spp et Fusarium spp[133]. L‟Amorolfine est appliquée une à deux fois par semaine pendant six mois sur les ongles des mains et pendant neuf à douze mois pour les ongles des pieds. La durée de traitement dépend essentiellement de l'intensité, de la localisation de l'infection et de la surface de l'ongle atteinte. L‟Amorolfine donne de rares cas de brûlure siégeant dans la région périunguéale en application unguéale [184]. Le Bifonazole : Il a une action fongicide due probablement à une inhibition de l‟hydroxy-3-méthyl glutaryl coenzyme A (HMGCoA) actif sur les dermatophytes, les levures, certaines moisissures (Aspergillus fumigatus, Aspergillus niger)[184], divers champignons dimorphes et sur Corynebacterium minutissimum. Le Bifonazole 1% est associé à de l‟urée à 40 %, cette association permet de ramollir la tablette unguéale afin de faciliter son découpage. Il est utilisé si possible après un bain de pieds prolongé sous occlusion de 24 heures et renouvelé quotidiennement une à trois semaines. Le délitement est obtenu en une à trois semaines. Il est très utile dans les hyperkératoses de l'appareil unguéal. Ensuite le Bifonazole est appliqué, seul, jusqu‟à la repousse complète de l‟ongle [108]. Le Bifonazole en application locale donne de rares cas de prurit et d‟éruption cutanée [184]. 92 L’Amphotéricine B : L‟Amphotéricine B se fixe directement sur les ergostérols de la membrane fongique et a une action détersive. Elle existe sous forme de lotion dermique. Elle est active sur le genre Candida et la plupart des moisissures in vitro ce qui la rend utile dans le rare cas d‟infection mixte à moisissure et à un candida. Elle ne pénètre pas dans la tablette unguéale, mais s‟applique sur le lit de l‟ongle après découpage de la tablette. La voie d‟administration de cette molécule conditionne sa toxicité ; elle est toxique par voie intraveineuse mais reste bien tolérée par voie locale hormis quelques effets indésirables se manifestant sous forme de prurit et d‟érythème. En somme, dans le cas des onychomycoses à moisissures le traitement local a été jugé plus efficace que le traitement systémique et notamment dans le cas d‟onyxis à S. brevicaulis, à Acremonium et à Fusarium [129]. Cependant dans certains cas le traitement systémique s‟impose. B. Le traitement oral Le traitement oral est bien indiqué si : Echec de traitement topique Atteinte matricielle provoquée par la moisissure Plusieurs ongles sont touchés Risque de dissémination (patient immunodéprimé) Dans ces cas, le traitement systémique doit être instauré, soit seul soit associé, comme c‟est très souvent le cas dans les onychomycoses à moisissures, à 93 l‟avulsion de la tablette unguéale ( mécanique, chimique ou chirurgicale) et à un antifongique topique (la trithérapie)[163]. a) Griséofulvine et Kétoconazole La Griséofulvine n‟a pas d‟activité sur les moisissures comme c‟est le cas pour les dermatophytes(1). Le Kétoconazole peut agire contre quelque moisissure : (Scytadium dimidiatum, Aspergillus. sp) mais son efficacité est inconstante surtout pour l’Aspergillus.sp. En plus, son utilisation est limitée à cause des effets secondaires et des interactions médicamenteuses qu‟il engendre. Certes de telles complications sont rares mais il est bon de noter que des cas d„hépatites idiosyncrasiques mortelles ont été rapportés. b) Les nouveaux antifongiques : Les nouveaux antifongiques systémiques ont en commun une action biphasique avec : Une diffusion rapide vers le stratum corneum à travers le mésenchyme du lit, puis à travers l‟épiderme. Le produit est décelé dès la fin de la première semaine ; Une pénétration dans la kératine unguéale par voie matricielle. Des taux efficaces, supérieurs aux CMI sont détectables dans la tablette 5 à 9 mois après l‟arrêt du traitement, selon le produit, expliquant la possibilité de proposer des traitements courts. Enfin, une accélération de la croissance unguéale peu être observée. Parmi ces nouveaux antifongiques, deux ont connu un succès dans le traitement des onyxis à moisissures. Il s‟agit de l‟Itraconazole et de la Terbinafine. En effet, ces deux molécules présentent un taux de guérison élevé et une baisse des taux de rechute considérable par apport aux anciens agents antifongiques. 94 Terbinafine : Mode d’action : La Terbinafine est un antifongique de la famille des allylamines. Comme les autres molécules appartenant à cette famille, elle agie sur la synthèse de l‟ergostérol de la membrane fongique au stade de l‟époxydation du squalène dont l‟accumulation entraîne la mort du champignon. [126]. Activité antifongique sur les moisissures : Il a été démontré que l'activité antifongique de la Terbinafine in vitro est supérieure à celles de l'Itraconazole et de la Griséofulvine contre des espèces de Scytalidium, de Scopulariopsis, d’Aspergillus, et d‟Acremonium. Cependant l'efficacité in vivo et la réponse clinique ne sont pas toujours conformes aux résultats in vitro. Les donnés de littérature suggèrent que la Terbinafine aurait une certaine efficacité contre S. brevicaulis, Aspergillus.sp et Fusarium. Sp [136]. Pour prouver cette efficacité et déterminer par la suite la durée de traitement, une étude a été menée par MG. LEBOHL [135]. Elle a porté sur des sujets atteints d‟onychomycoses des ongles des orteils. Les uns étaient infectés par des moisissures tandis que les autres l‟étaient par des infections mixtes (dermatophyte + moisissure). Les patients ont été répartis ensuite, de manière aléatoire, en 3 groupes. Le premier groupe a reçu de la Terbinafine pendant 12 semaines puis un placebo pendant 12 semaines. Le second, quant à lui, a reçu de la Terbinafine pendant 24 semaines et enfin le troisième, un placebo pendant 24 semaines. Pour les trois groupes et pendant les 24 semaines la posologie était toujours de 250 mg/j. L‟équipe a ainsi démontré que le traitement de 12 semaines était suffisamment concluant et qu‟un traitement plus long (24 semaines en l‟occurrence) ne 95 serait pas forcément plus efficace, aussi bien dans le cas des infections mixtes que dans le cas des infections par des moisissures seules. L‟efficacité de la Terbinafine a été prouvée contre l'Alternaria et l’Aspergillus.sp ce qui n‟exclut pas son éventuelle efficacité contre d‟autres moisissures non isolées des ongles pathologiques des patients, sujets de cette étude. Il a été également conclu des résultats de cette étude, que cette molécule est bien tolérée. En effet, hormis quelques cas de troubles gastrointestinaux et de goût, l‟équipe n‟a pas noté d‟effets indésirables chez les patients recevant la Terbinafine par apport au groupe recevant le placebo [135]. D‟autres études ont montré que la Terbinafine a également une certaine efficacité contre les onychomycoses à Fusarium sp et inconstamment contrer celles à S. brevicaulis, avec la même posologie, mais avec une durée de traitement de 48 semaines [24,137, 138]. En cas d‟infection mixte, la Terbinafine présente l‟avantage d‟être active sur les dermatophytes, les candida [135] et les moisissures. Son action sur les autres moisissures est probable mais non encore démontrée. Chez la population à haut risque de survenue d‟onychomycoses à moisissures, la Terbinafine a été jugée efficace surtout chez les diabétiques avec un taux de guérison de 62-78 %. Chez les patients recevant un immunosuppresseur, son efficacité fut comparable à celle chez les patients immunocompétents. De même, deux petites études ont indiqué que la Terbinafine est également efficace chez les patients HIV séropositifs. Toutefois, la majorité de ces études chez cette population dite à haut risque de survenue d‟onychomycoses ne comprenait que de petits nombres de 96 patients. Des études incluant un nombre de sujets plus grand s‟imposent notamment chez les patients ayant une infection par le VIH. Effets indésirables : Les effets indésirables décrits dans la littérature sont : Des troubles digestifs (nausées, douleurs abdominales, diarrhées, anorexie), Des troubles du goût (agueusie ou dysgueusie) réversibles après arrêt du traitement en 1 à 2 mois le plus souvent [140], Des éruptions cutanées transitoires (urticaires ou rashs non spécifiques, érythèmes polymorphes), un exanthème pustuleux généralisé [141]. Des réactions cutanées sévères ont été décrites, de façon exceptionnelle, à type de syndrome de Stevens-Johnson, de syndrome de Lyell [142], qui sont apparues dans les 2 premiers mois de traitement. Des troubles neurologiques (céphalées, vertiges) ont été décrits, ainsi que des troubles hépatiques (hépatites de type mixte, à prédominance cholestatique [143], avec un risque de 2,5/100 000 [144]. Une augmentation des transaminases peut se produire, en cas de traitement, dans un cas sur 10000. Des modifications de la formule sanguine (neutropénie, thrombopénie, agranu- ocytose), réversibles à l‟arrêt du traitement, ont été notées [145, 1146]. Des cas de lupus érythémateux sont apparus ou ont été exacerbés par la Terbinafine [147] L‟apparition de psoriasis pustuleux sur terrain psoriasique, est également notée [148]. 97 N.B : Les atteintes hépatiques, qui sont rares et imprévisibles, justifient une surveillance sanguine tous les mois en cas de traitement long. Une NFS et un dosage des enzymes hépatiques peuvent aussi être demandés. Interactions médicamenteuses : Lors du traitement par la ciclosporine, une surveillance est conseillée car une baisse des taux sériques de celui-ci a été rapportée en cas de traitement concomitant avec la Terbinafine mais sans effets cliniques [149]. Quelques cas de cycles menstruels irréguliers et de saignements intermenstruels ont été observés chez des patientes traitées de façon concomitante avec la Terbinafine et des contraceptifs oraux. La clairance plasmatique de la Terbinafine peut être accélérée par des médicaments qui induisent le métabolisme (exp. rifampicine), ou ralentie par des médicaments qui inhibent le cytochrome P-450 (exp. cimétidine). Lorsque ces produits doivent être administrés simultanément, il y a lieu d'ajuster la posologie de la Terbinafine en conséquence. [185]. Pour conclure, le traitement par la Terbinafine présente plusieurs avantages indéniables, malheureusement, ce traitement reste très onéreux. Divers protocoles d'administration intermittente (pulsée) ont été évalués pour limiter les coûts du traitement. Cependant, ces études portaient sur un nombre trop restreint de patients pour pouvoir comparer entre l‟efficacité du régime intermittent et celle du régime continu, mais le traitement pulsé s'est clairement montré moins efficace que le traitement continu [139]. 98 Itraconazole Mode d’action : Comme les autres dérivés azolés, l‟action antifongique de l‟itraconazole est produite par l‟intervention de deux mécanismes principaux, le premier est physico-chimique, le second est métabolique. Le mécanisme physico-chimique concerne la phase de croissance du champignon et comporte des altérations de ses fonctions respiratoires, tandis que Le mécanisme métabolique inhibe la synthèse de l‟ergostérol membranaire par une action compétitive vis-à-vis du système enzymatique oxydatif de la C14 déméthylase dépendant du CYP 450 [128]. Activité antifongique sur les moisissures : L‟Itraconazole semble présenter une certaine activité dans le cas des onychomycoses à moisissures. Dans le but d‟évaluer cette activité, une étude multicentrique sur 36 patients atteints d'onychomycoses des ongles du pied causées par des moisissures ou par des moisissures et des dermatphytes a était menée [150,161]. Ces patients ont reçu un traitement d‟Itraconazole selon deux régimes, continu et pulsé: Régime continu pour 9 patients : La posologie durant ce régime fut de : 100 mg/j pendant 20 semaines pour 1 patient, 200 mg/ j pendant 6 semaines pour 1 patient et pendant 12 semaines pour 7 patients. Les organismes traités chez ces 9 patients étaient: Aspergillus flavus (2 cas), Aspergillus niger (1 cas), Alternaria spp. (1 cas), Fusarium spp (1 cas), Trichophyton rubrum + Scopulariopsis brevicaulis (2 cas), T. rubrum+ A. niger (1 cas) et de T. mentagrophytes + A. niger (1 cas). Ce régime continu a donné un taux de guérison clinique et mycologique de 88%. 99 Régime pulsé chez 27 patients : Le régime intermittent a consisté en une semaine de traitement par mois pendant 2 à 4 mois avec deux doses journalières de 200mg/j chacune. Les durées étaient de : 2 mois pour 1 patient, 3 mois pour 12 patients et 4 mois pour 14 patients. Les organismes traités chez ces 27 patients étaient : Aspergillus spp. (1 cas), Fusarium oxysporum (1 cas), Scopulariopsis brevicaulis (10 cas), T. rubrum + S. brevicaulis (8 cas), T. rubrum+ Fusarium sp. (2 cas), T. rubrum+ A. niger (2 cas), et T. mentagrophytes + S. brevicaulis (3 cas) Avec ce régime les taux de guérison clinique et mycologique ont atteint 85% et 74% respectivement. D‟après cette étude où les taux de guérison clinique et mycologique pour l‟ensemble des 36 patients furent de 86% de 78% respectivement, l‟administration de l‟Itraconazole selon les deux régimes ; continu ou intermittent est efficace contre certaines moisissures, agents d‟onychomycoses telles que : Aspergillus (fig 51,52), Fusarium , S. brevicaulis (fig. 53,54) ainsi que dans certaines infections mixtes par des moisissures et des dermatophytes. Au-delà des résultats de cette étude, l’Onychocola canadensis connu par sa résistance aux traitements habituels antifongiques, aurait manifesté une certaine sensibilité à l‟Itraconazole [162] (au même titre qu‟à la Griséofulvine, au Kétoconazole et à l‟Amorolfine). Il est cependant très difficile d‟étudier cette sensibilité principalement en raison de la croissance extrêmement lente de l’Onychocola canadensis. On pourrait toutefois proposer une triple thérapie combinant l‟administration séquentielle d‟Itraconazole , l‟application d‟un vernis à base d‟Amorolfine et l‟avulsion 100 chimique de l‟ongle malade [162]. Il n‟y a cependant jusqu‟à présent dans la littérature aucun cas de guérison complète, clinique et mycologique, après traitement [160]. Fig. 51 et 52 :OSP des ongles des orteils causé par Aspergillus terreus avant et après 4 mois de traitement avec l‟itraconazole [129] Fig. 53 et 54 : OSP des ongles des orteils causé par Scopulariopsis brevicaulis avant et après 4 mois de traitement avec l‟itraconazole [129] Effets indésirables : Le traitement par l‟itraconazole de plus d‟un mois, même selon un régime intermittent, favorise chez certains patients la survenue de troubles à type de [186] : Nausées (1,6 %), épigastralgies , Douleurs abdominales (1,9 %) et troubles digestifs, Céphalée (1,3 %) Prurit, éruption cutané (rare cas) 101 Anomalies des enzymes hépatiques dans 3,8 % et des hépatites symptomatiques rares mais dangereuses dans le cas du régime continu. Interactions médicamenteuses : Les associations contre-indiquées avec l‟itraconazole sont les antihistaminiques H1 (terfénadine et astémizole) : le cisapride, le triazolam. Association déconseillée : le midazolam Certaines associations nécessitent des précautions : o Les antagonistes du calcium de la famille des dihydropyridines (risque majoré d‟oedèmes). L‟association avec les anticoagulants oraux (warfarine) (risque hémorragique), o La ciclosporine, la digoxine, les inducteurs enzymatiques, o Les anticonvulsivants (sauf la dépakine), les quinidiniques, la rifampicine o L‟itraconazole est à prendre 2 heures avant ou 6 heures après les antiacides ou la didanosine. [126]. Pour conclure, il y‟a fort à penser que l‟activité antifongique de l‟Itraconazole est supérieure à celle de la Terbinafine pour le traitement des onychomycoses à moisissures [152,154]. Toutefois, les effets indésirables du traitement continu à l‟Itraconazole étalé sur une durée supérieure à 1 mois limitent le recours à ce type d‟administration. Actuellement les auteurs encouragent le régime intermittent qui ne provoque aucun endommagement du foie et ne nécessite par la suite aucun test de la fonction hépatique avant le début du traitement contrairement au régime continu[151], sauf lorsque le patient a des antécédents de maladies hépatiques. 102 Généralement, le rythme d‟administration de l‟Itraconazole selon le régime intermittent est d‟une semaine par mois, à raison de 200 mg matin et soir pendant 2 mois pour l‟atteinte des doigts et pendant 3 à 4 mois pour celle des orteils. Voriconazole Mode d’action : Similaire à celui de l‟Itraconazole. Activité antifongique sur les onychomycoses à moisissures : Le Voriconazole est un nouveau médicament antifongique de la famille des triazolés. Il a été étudié pour ses propriétés antifongiques sur les champignons opportunistes (moisissures) [155]. Il dérive du Fluconazole par rapport auquel il est 10 à 500 fois plus efficace [126]. In vitro le Voriconazole est actif sur de nombreuses moisissures telles que, Aspergillus, Scytalidium, Scedosporium, Paecylomyces, Fusarium sp., Penicillium marneferii, et Scopulariopsis brevicaulis [126,156, 157]. Cette dernière espèce présente une CMI avec le Voriconazole élevée. Toutefois, cette molécule a une activité antifongique supérieure à l‟Ampothéricine B et l‟Itraconazole contre Scopulariopsis brevicaulis [157]. Malheureusement son indication actuelle est limitée au traitement d‟aspergilloses invasives et d‟infections systémiques graves à Candida et aux espèces Scedosporium et Fusarium. Son utilisation dans le traitement des onychomycoses à moisissures particulièrement dans le cas du Scytalidium dimidiatum, résistant aux antifongiques actuels, est une espérance d‟avenir [157,158]. Effets indésirables : Par rapport à l‟Itraconazole, le Voriconazole provoque nettement moins d‟effets indésirables. Les principaux effets indésirables qui ont été signalés et qui dépendent des doses utilisées, 103 comprennent des troubles visuels transitoires, des éruptions cutanées morbilliformes et une élévation du taux d‟enzymes hépatiques [159]. Interactions médicamenteuses : Plusieurs médicaments diminuent la concentration Phénitoïne, plasmatique les du Voriconazole :Rifampicine, Barbituriques… tandis que d‟autres Rifadine, l‟augmente: Ciclosporine, Warfarine, Benzodiazépine… [159]. Tableau IV : Tableau récapitulant les principaux traitements utilisés dans les onychomycoses à moisissures Molécule Action antifongique sur les Amorolfine Bifonazole Antifongiques topiques Ciclopirox moisissures Aspergillus, Dose et durée de Principaux effets Interactions secondaires médicamenteuses traitement 1 app / j de 6 à 12 mois Fusarium oxysporum Brûlures Rougeurs autour de l'ongle Scopulariopsis brevicaulis +/- Scytalidium dimidiatum Scytalidium 1 à 2 app / semaines de 6 Scopulariopsis brevicaulis à 12 mois Aspergillus fumigatus, 1 app / j 1 à 3 semaines de Prurit Aspergillus niger Bifonazole + urée suivie Brûlures périunguéales Éruptions cutanées de Bifonazole seul jusqu‟à repousse complète Antifongiques systémiques systémiques Terbinafine Amphothéricine B de l‟ongle La plupart des moisissures in Prurit vitro Érythème Aspergillus.sp 250 mg/j 12 à 48 Troubles digestifs Ciclosporine, Contraceptifs Alternaria semaines Troubles du goût oraux, Rifampicine, Fusarium sp Éruptions cutanées transitoires Cimétidine +/-Scopulariopsis Troubles neurologiques Modifications de la formule brevicaulis sanguine Psoriasis pustuleux Lupus érythémateux 104 Itraconazole Aspergillus 400mg/j en 2 prise en 1 Fusarium , semaine par mois pendant Epigastralgies S. Brevicaulis 2 à 4 mois +/- Onychocola canadensis Nausées Cisapride, triazolam, Douleurs abdominales Midazolam, Antagonistes du Troubles digestifs calcium de la famille des Céphalée dihydropyridines Ciclosporine, Prurit digoxine, inducteurs Éruptions cutanés enzymatiques, Anomalies des enzymes Anticonvulsivants, hépatiques Voriconazole Antihistaminiques H1, Quinidiniques, Rifampicine, Hépatites symptomatiques Antiacides, Didanosine Aspergillus, Troubles visuels transitoires, Rifampicine, Rifadine, Scytalidium, Éruptions cutanées Phénitoïne, les Scedosporium, Morbilliformes Barbituriques… , Paecylomyces, Elévation du taux d‟enzymes Ciclosporine, Warfarine, Fusarium sp., hépatiques Benzodiazépine Penicillium marneferii Malgré la présence de ces molécules antifongiques, actives sur de nombreuses moisissures, les résultats des traitements des onyxis qu‟elles enregistrent, restent encore modestes. Ceci est dû, bien entendu à l‟inexistence d‟une codification de traitement des onychomycoses à moisissures, du moins jusqu‟à présent. L‟absence d‟une telle codification est expliquée par l‟insuffisance des études et par le nombre restreint de patients, sujets des rares études menées dans ce sens ce qui entrave l‟obtention de résultats concluants vu le caractère non représentatif de ces quelques échantillons étudiés. L‟insuffisance des études sur des patients (in vivo), oblige les médecins cliniciens de se référer aux résultats des études menées in vitro pour le traitement des moisissures ce qui reste sans garantie de réussite. En effet, certains antifongiques ayant une action positive, in vitro, sur plusieurs moisissures se retrouvent inefficaces contre ces mêmes moisissures in vivo, compliquant davantage le choix du traitement. 105 L‟efficacité du traitement des onychomycoses à moisissures peut également être influencée par des facteurs liés au choix dudit traitement ou au patient lui même : Facteurs liés au choix du traitement : Qualité de l‟indication du traitement Interactions médicamenteuses Maladies et traitements concomitants (immunodépression) Résistance de certains champignons (Scytalidium) Facteurs liés au patient Motivation du patient et compréhension des consignes Épaisseur de la tablette unguéale Vitesse de pousse des ongles : lente chez les patients âgés Prophylaxie Les mesures d‟accompagnement du traitement des onychomycoses à moisissures peuvent être déterminants pour obtenir une guérison, éviter les récidives et prévenir la diffusion de l‟infection à l‟entourage [ 164]. Les principales mesures devant accompagner les traitements des onychomycoses à moisissures sont : Une bonne hygiène des pieds ; garder les ongles d'orteils courts et désinfecter les instruments utilisés pour les nettoyer. Séchage minutieux des pieds, Lavage à l‟eau de javel du bac de douche, Utilisation de caillebotis en plastique au lieu de ceux d‟en bois, 106 Limitation de l‟application de tous les vernis esthétiques : pose ponctuelle, ne dépassant pas quelques heures. Port de chaussures ouvertes ou aérées, de préférence avec des semelles intérieures en cuir et utilisation de chaussettes en coton. Décontamination des chaussures, chaussettes et tapis de bain (lavage à 60 °C), Traitement de l‟hyperhidrose (un anti-transpirant à base de chlorure d‟aluminium à 20 % en cas de transpiration excessive) Traitement des lésions cutanées associées aux onychomycoses à moisissures (présentes chez les diabétiques et les immunodéprimés) Ne pas marcher pieds nus sur les sols publics (salles de sport, piscines…), Ne pas arrêter le traitement d‟une mycose qu‟après sa complète guérison. 107 Partie pratique 108 CHAPITRE IV: PARTIE PRATIQUE I OBJECTIFS L‟étude menée dans notre laboratoire a pour buts de : Déterminer la prévalence des onychomycoses à moisissures tout en la comparant à celle des onychomycoses à dermatophytes et à Candida Identifier les principales espèces de moisissures engendrant une onychomycose Evaluer l‟influence du sexe et de l‟âge dans ce type d‟onychomycose. II MATERIEL ET METHODES Cette étude rétrospective a été réalisée sur une période de 14 ans, entre 1993 et septembre 2007 sur 5385 patients, généralement adultes, adressés par les différents services de dermatologie du Centre Hospitalier Universitaire Ibn Sina de Rabat, au Laboratoire de Parasitologie et de Mycologie Médicale de l‟Hôpital d‟Enfants de Rabat. Dans ce laboratoire, sont effectués les prélèvements au niveau des ongles dans le but de confirmer ou d‟infirmer l‟origine fongique des onyxis. Le travail effectué consiste en une consultation des registres sur la période citée afin de déterminer les caractéristiques épidémiologiques et mycologiques des onychomycoses à moisissures tout en les comparant à celles des onychomycoses à dermatophytes et à Candida. Les informations particulièrement ciblées sont : Le nombre de patients présentant une onychomycose (examen directe positif). 109 Le nombre de patients présentant une infection par des espèces de moisissures en fonction du sexe et selon la localisation des ongles atteints (mains ou pieds). Le nombre de patients présentant une infection par des dermatophytes tout en notant le sexe de ces patients. Le nombre de patients ayant une infection à levure en fonction du sexe. L‟âge des patients 1. Examen mycologique 1.1 Le prélèvement Les prélèvements sont effectués au Laboratoire de Parasitologie et de Mycologie Médicale de l‟Hôpital d‟Enfants de Rabat par un personnel expérimenté. La zone à prélever est soigneusement choisie. En cas d‟une atteinte distolatérale avec hyperkératose sous unguéale, le bord libre est coupé à l‟aide d‟une pince à ongles pour pouvoir prélever des débris sous unguéaux friables à la jonction zone saine - zone infectée. Dans le cas d‟une atteinte à périonyxis ou à leuconychie, un grattage de l‟ongle est effectué. Le prélèvement se fait alors à la base de l‟ongle avec un écouvillon stérile. 1.2 L’examen direct Le matériel biologique collecté est déposé entre lame et lamelle dans une goutte de potasse à 30 %. L‟observation microscopique est effectuée à l‟objectif 10 puis à l‟objectif 40. Un examen direct positif permet d‟observer des fragments de filaments ou des spores, s‟il s‟agit d‟une moisissure ou d‟un dermatophyte. Dans le cas d‟une espèce de Candida ledit examen montre des levures bourgeonnantes de 2 à 4 µm. 110 1.3 La culture Pour chaque matériel biologique prélevé, 3 tubes (gélifiés en position inclinée) sont ensemencés, La gélose de Sabouraud simple, additionnée de chloramphénicol seul et le troisième associé à l‟actidione®. Ensuite les tubes sont mis à l‟étuve à 28 °C pendant 3 semaines. L‟identification du champignon se fait par l‟observation de l‟aspect macroscopique et microscopique des cultures. Identification macroscopique. Elle consiste à noter : La vitesse de pousse ; Les moisissures se développent en 8-10 jours tandis que les dermatophytes, à croissances plus lente, ne peuvent être identifiés qu‟après 3 semaines. La vitesse de pousse peut orienter le diagnostic. L‟aspect des colonies ; Les colonies peuvent avoir une texture laineuse, cotonneuse, poudreuse, duveteuse, veloutée, granuleuse ou encore glabre. La consistance qui peut être molle, friable ou dure. La taille des colonies Le relief de la colonie, plat, lisse ou cérébriforme La couleur de la colonie avec la présence ou l‟absence du pigment sur la gélose. La couleur permet de distinguer: Les Hyalohyphomycètes qui donnent des colonies blanches, ou aussi colorées (verte, jaunâtre, gris orange, rose), Les Phaéohyphomycètes qui donnent des colonies devenant rapidement foncées (brunes ou noires). 111 Identification microscopique : A l‟aide d‟un oêse, des échantillons de colonies sont prélevés si ces dernières sont glabres. Si elles sont poudreuses ou cotonneuses, la technique de drapeau est utilisée. La lecture se fait au microscope optique à l‟objectif 10 permettant de déterminer la longueur des hyphes pour certaines espèces, et à l‟objectif 40 qui permet de préciser : Le thalle végétatif : siphonné ou septé ; La couleur du thalle : hyalin et clair ou foncé et mélanisé ; L‟origine endogène ou exogène des spores ; 112 III RESULTATS A l‟issue de cette étude, quelques résultats d‟ordre général ont été recueillis. Nombre de prélèvements : 5385 prélèvements mycologiques au niveau des ongles. Nombre de patients présentant une onychomycose : o Examen direct et culture positifs : 3671 cas. o Examen direct positif et culture négative : 1055 cas. Nombre de patients présentant une onychopathie autre qu‟une onychomycose : 659 cas. Onychomycoses (examen direct et culture positifs) Onychomycoses (examen direct positif et culture négatiive) Autres onychopathies Fig. 55 : Prévalence des onychomycoses parmi les onychopathies 113 1. Répartition des onychomycoses selon le sexe toutes étiologies confondues Dans notre série nous avons remarqué, qu‟indépendamment de l‟agent fongique causal, les onychomycoses touchent nettement le sexe féminin (70,47 %) beaucoup plus que le sexe masculin (29,53 %) ( voir tableau V et Fig. 55) Tableau V : Répartition des onychomycoses selon le sexe Patients présentant une onychomycose Sexe féminin Sexe masculin 2587 cas 1084 cas Total 3671 cas Sexe féminin Sexe masculin 29,53% 70,47% Fig. 56: Prévalence des onychomycoses selon le sexe Répartition des onychomycoses selon l’âge toutes étiologies confondues 114 Lors de cette étude, le pourcentage des patients atteints d‟onychomycoses varie considérablement selon la tranche d‟âge. Le tableau VI et le figure 57 montrent ces variations. Tableau VI : Nombre de cas d‟onychomycoses selon la tranche d‟âge Tranche d’âge Nombre de cas 9 mois-10 ans 110 175 10-20 ans 20-30 ans 731 942 30-40 ans 944 40-50 ans 462 50-60 ans 307 60-80 ans Total 3671 Fig. 57: Prévalence des onychomycoses selon la tranche d‟âge 115 30 % 25,66 % 25,71% 25 % 19,91% 20 % 15 % 12,60% 8,36 % 10 % 4,77 % 5% 3% 9 mois-10 ans 10-20 ans 20-30 ans 30-40 ans 40-50 ans 50-60 ans 60-80 ans Les onychomycoses à moisissures 3.1 Prévalence des onychomycoses à moisissures par rapport à celles causées par les autres agents fongiques La méthode adoptée dans notre laboratoire pour la confirmation de la responsabilité d‟une moisissure dans une onychomycose est la plus fiable et la plus répandue. Elle consiste à réaliser deux cultures successives après un examen direct positif. L‟isolement de la même moisissure de ces deux cultures confirme le rôle pathogène de celle-ci dans l‟atteinte unguéale. Grâce à cette méthode, 57 cas d‟onychomycoses à moisissures ont été décelés, avec une prévalence de 1,55 % de l‟ensemble des cas d‟onychomycoses confirmés mycologiquement (voir tableau VII et Fig. 58). Les levures du genre Candida, viennent en second rang avec 1022 cas. Quant à eux, les dermatophytes, s‟avèrent être les plus impliqués dans les onychomycoses avec 2592 cas. 116 Tableau VII : Nombre de cas d‟onychomycoses confirmées selon la classe fongique Classe fongique Nombre de cas Moisissures 57 Dermatophytes 2592 Candida 1022 Total 3671 1,55% 27,83% Moisissures Dermatophytes Candida 70,60% Fig. 58 : Prévalence des différentes classes fongiques dans les cas d‟onychomycoses confirmées Les genres de moisissures impliqués dans ces cas étaient au nombre de 7 dont 6 appartenant à la famille des Hyalohyphomycétes. La famille des Phaéohyphomycètes (ou Dematiaceae) n‟était représentée que par un seul genre. 3.2 Les Moisissures Hyalohyphomycétes responsables d’onychomycoses Les genres isolés La répartition des moisissures Hyalohyphomycétes isolées des ongles pathologiques selon le genre (voir tableau VIII et Fig. 59) , montre que le Fusarium est le genre le plus fréquemment identifié dans notre laboratoire, avec 24 cas soit 46,15 % de l‟ensemble des Hyalohyphomycétes responsables d‟onychomycoses dans notre laboratoire, suivi du genre Aspergillus avec 17 cas 117 soit 32,7 % des Hyalohyphomycétes. Le Scopulariopsis vient en troisième rang avec 13,46 % des cas. Enfin, le Penicillium, le Scedosporium et l’Acremonium ne sont que rarement isolés. Tableau VIII : Nombres de cas de moisissures isolées des ongles selon le genre Moisissures Nombre de cas Fusarium 24 Aspergillus 17 Scopulariopsis 7 Penicillium 2 Acremonium 1 Scedosporium 1 Total 52 La fréquence des genres de moisissures isolées est récapitulée par le graphique ci-dessous : 118 46,15 % 50% 32,7 % 40% 30% 20% 13,46 % 10% 3,84 % 1,92 % Fusarium Aspergillus Scopulariopsis Penicillium 1,92 % Acrémonium Scedosporium Fig. 59 : Fréquence des genres de moisissures isolées Les espèces d’Aspergillus isolées Parmi les espèces d‟Aspergillus responsables d‟onychomycoses, Aspergillus niger est l‟espèce la plus fréquemment isolée dans cette étude avec 13 cas représentant 22.80 % de l‟ensemble des moisissures isolées. Tableau IX: Nombre de cas des espèces d‟Aspergillus isolées Espèce Nombre de cas pourcentage Aspergillus niger 13 76,47% Aspergillus flavus 3 17,64% Aspergillus nidulans 1 5.88% 119 3.3 Les genres des Phaéohyphomycètes responsables d’onychomycoses Dans notre série, la famille des phaéohyphomycètes n‟est représentée que par un seul genre qui est Cladosporium avec 5 cas, soit 8,77 % de l‟ensemble des atteintes des ongles par des moisissures 3.4 Répartition des cas d’onychomycoses à moisissures selon le sexe Le tableau de répartition des cas d‟onychomycoses à moisissures selon le sexe montre que les moisissures, et à l‟instar des autres champignons, s‟attaquent préférentiellement aux ongles du sexe féminin avec une fréquence de 75,43 %. Tableau X : Fréquence des moisissures responsables d‟onychomycoses selon le sexe : Sexe féminin Moisissures Sexe masculin Nombre Fréquence Nombre Fréquence Fusarium 19 33,33 % 5 8,77 % Aspergillus 13 22,81 % 4 7% Scopulariopsis 4 7% 3 5,62 % Cladosporium 4 7% 1 1,75 % Penicillium 2 3,51 % 0 0% Acremonium 0 0% 1 1,75 % Scedosporium 1 1,75 % 0 0% Total 43 75,43 % 14 24,56 % 3.5 Répartition des cas d’onychomycoses à moisissures selon l’âge L‟un des facteurs déterminants dans la probabilité de l‟infection unguéale par les moisissures est bien entendu, l‟âge de l‟individu. Le tableau XI et Fig. 60, montrent la répartition des atteintes selon ce facteur. 120 Tableau XI : Répartition des onychomycoses à moisissures selon la tranche d‟âge Tranche d’âge Nombre de cas Pourcentage 6-10 ans 1 1,75 % 10-20 ans 2 3,50 % 20-30 ans 9 15,80 % 30-40 ans 16 28,07 % 40-50 ans 14 24,56 % 50-60 ans 10 17,54 % 60-80 ans 5 8,77 % 28,07 % 30 % 24,56 % 26,25 % 22,5 % 17,54 % 15,80 % 18,75 % 15 % 8,77 % 11,25 % 7,5 % 3,50 % 3,75 % 1,75 % 6-10 ans 10-20 ans 20-30 ans 30-40 ans 40-50 ans 50-60 ans 60-80 ans Fig. 60 : Répartition des onychomycoses à moisissures selon la tranche d‟âge 121 3.6 Répartition des cas d’onychomycoses à moisissures selon la localisation Nous avons noté également une différence de fréquence des espèces isolées mais cette fois-ci par rapport à la localisation de l‟atteinte (voir tableau XII et Fig.61). Les principaux siéges des lésions sont les pieds (92,98 %). Les atteintes des mains, associées ou non à celles des pieds sont beaucoup plus rares. Un, plusieurs ou tous les ongles peuvent être touchés à la fois. Tableau XII : Espèces de moisissures isolées des ongles selon la localisation (mains ou pieds) : Moisissure Mains Pieds Mains + pieds Aspergillus flavus 0 3 0 Aspergillus niger 0 9 1 Aspergillus.sp 0 4 0 Aspergillus nidulans 0 1 0 Fusarium 3 21 0 Acremonium 0 1 0 Scopulariopsis 0 7 0 Penicillium 0 2 0 Cladosporium 1 4 0 Scedosporium 0 1 0 Total des moisissures 4 53 1 122 1,75 % 7,01 % Mains Pieds Mains + pieds 92,98 % Fig. 61 : Espèces de moisissures isolées des ongles selon la localisation (mains ou pieds) : 123 IV DISCUSSION Les onychomycoses sont les pathologies de l‟ongle les plus communes et les plus répandues. Les champignons impliqués dans ces mycoses sont variés et peuvent être des dermatophytes, des levures ou des moisissures. Ces champignons présentent des différences tant au niveau de la physiopathologie de l‟atteinte qu‟au niveau de la thérapeutique recommandée. Cependant, les onychomycoses qu‟ils engendrent, peuvent être cliniquement indiscernables, ce qui impose le recours au diagnostic mycologique. Celui-ci nécessite des prélèvements unguéaux au niveau de la lésion active pour isoler le champignon à son état vivant afin de réussir les cultures et déterminer ainsi de manière plus spécifique et plus précise l‟agent fongique dont la nature reste difficile à définir à partir de l‟examen direct seul. Ayant pour but principal de constituer une image aussi fidèle que possible sur la cartographie des onychomycoses à moisissures au Laboratoire de Parasitologie et de Mycologie Médicale de l‟Hôpital d‟Enfants de Rabat, cette étude rétrospective a été réalisée sur une période de 14 ans, entre 1993 et septembre 2007. 5386 prélèvements mycologiques au niveau des ongles ont été alors effectués révélant dans 68,17% des cas un examen direct et une culture positifs confirmant l‟atteinte par une onychomycose. D‟autres cas représentant 19,59 % de l‟ensemble des patients, ont accusé d‟un examen direct positif et une culture négative. Pourtant, il s‟agissait vraisemblablement de mycoses unguéales. Parmi les raisons qui auraient pu être derrière ces résultats, citons ; des examens mycologiques qui n‟ont pas été répétés, des lésions parfois trop anciennes ou encore une automédication à base d‟antifongiques utilisés par ces patients. En 124 somme, le taux d‟onychomycoses observé dans notre laboratoire se situerait entre les deux valeurs limites 68,17% et 87,76% (le taux maximal étant celui des cas avec examen direct et culture positifs augmenté du taux des cas avec examen direct positif et culture négative). Ceci démontre bien, et au même titre que les études précédemment menées [165], que les onychomycoses sont les pathologies unguéales les plus fréquentes au Maroc. Les autres onychopathies, tout type d‟atteinte confondu, restent minoritaires et peuvent être des traumatismes mécaniques répétés, des psoriasis ou des paronychies chroniques secondaires à une dermite de contact. Dans notre étude, les onychomycoses touchent principalement les femmes. En effet le sex-ratio entre les femmes et les hommes, indépendamment de la famille de l‟agent causal, est de 2,4 environ. Dans une étude finlandaise, les hommes sont quatre fois plus atteints que les femmes [172]. Aux USA, l‟écart serait plus réduit avec un taux d‟atteinte chez les hommes trois fois plus important que chez les femmes [173]. Une étude écossaise par sondage [174] montre des taux d‟atteinte comparables chez les deux sexes. D‟après ces résultats on peut affirmer qu‟il n‟y a pas de différences notables entre les deux sexes qui prédisposerait l‟un à développer une onychomycose par rapport à l‟autre. Ce sont plutôt les facteurs culturels et/ou comportementaux qui peuvent expliquer de tels écarts. Au Maroc par exemple, la haute fréquence des onychomycoses chez les femmes peut être due aux tâches ménagères (cuisine, pâtisserie, lessive…) qui occasionnent de façon importante l‟humidité et les traumatismes au niveau des ongles. On pourrait également penser que les femmes seraient appelées à consulter beaucoup plus que les hommes dans le cas de ces atteintes, et ce, pour des raisons esthétiques dont l‟importance qui leur est accordée diffère selon le sexe. 125 Quant à la répartition des onychomycoses selon l‟âge, notre étude montre une rareté de l‟atteinte chez les enfants. A contrario, le taux d‟atteinte augmente significativement avec l‟âge et la tranche d‟âge la plus touchée est celle comprise entre 40 - 50 ans, pour diminuer par la suite chez les patients âgés. Il est bon de noter que la limite inférieure des atteintes relativement à l‟âge a été enregistrée chez des nourrissons (9 mois) où l‟agent étiologique était un Candida. Plusieurs facteurs peuvent expliquer l‟atteinte dès le plus jeune âge par le Candida, citons à titre d‟exemples la simultanéité avec une candidose buccale, la succion répétée du pouce, une dermatite atopique, etc…. Dans cette dernière éventualité, la candidose est associée à un eczéma périunguéal. Dans le cadre de cette étude, la prévalence des onychomycoses à moisissures est de 1,55% de l‟ensemble des cas d‟onychomycoses confirmés mycologiquement. Cette prévalence n‟a pas changé depuis les années quatre-vingt, puisque l‟étude menée par A. AGOUMI sur la période s‟étalant entre 1982 et 2003 (22 ans) [26] a mis en évidence un taux similaire, soit 1,53%. La rareté de ce type d‟onychomycoses, peut être expliquée par le climat tempéré du pays qui n‟est pas aussi bien adapté à la prolifération et à l‟implantation de ces champignons que celui des régions tropicales et subtropicales. Une autre explication toute aussi plausible, pourrait être le faible nombre des sujets âgés consultants dans notre laboratoire et chez lesquels les conditions environnementales, circulatoires et anatomiques favorisent la greffe unguéale des moisissures. Quant aux onychomycoses à dermatophytes et à Candida, leurs prévalences ont été plus grandes ( 70,60% et 27,83% respectivement). Malgré la rareté statistique des onychomycoses à moisissures dans notre pays, un examen attentif des ongles pour chercher ce type d‟atteinte chez le sujet 126 immunodéprimé ou tout autre sujet sous traitement immunosuppresseur s‟avère impératif, afin d‟éviter toute dissémination interne d‟une moisissure à partir de l‟issue unguéale. Une telle dissémination constitue dans de tels cas une complication dramatique pour ce genre de patients. En effet des cas de fusarioses disséminées mortelles dont la porte d‟entrée était des ongles atteints d‟onyxis à Fusarium passé inaperçu, ont été rapportés [166]. Idem, les patients diabétiques (ceux à diabète mal équilibré spécialement) sont particulièrement sensibles aux onychomycoses à moisissures vu la possibilité de dissémination cutanée et viscérale des moisissures à partir des ongles, ce qui pourrait conduire dans le pire des cas à une amputation. Une fois de plus, un examen attentif de l‟appareil unguéal s‟avère de première nécessité [166]. Plusieurs facteurs favorisant les onychomycoses à moisissures sont en commun avec ceux favorisant les onychomycoses à dermatophytes. Toutefois, le facteur déterminant pour l‟infection avec une moisissure est bien entendu lié aux traumatismes répétés qui favorisent l‟altération préalable de la kératine de l‟ongle et permettent par la suite à ce type de champignons d‟outrepasser le caractère saprophyte et d‟agir en pathogène. Rappelons que hormis Scytalidium et Onychocola , jamais isolés dans notre laboratoire, les autres types de moisissures ne peuvent s‟attaquer qu‟à une kératine altérée contrairement aux dermatophytes qui peuvent digérer une kératine saine grâce à leurs kératinases. D‟après notre étude, les Hyallohyphomycètes constituent la famille la plus fréquemment incriminée dans les onychomycoses à moisissures avec un taux d‟atteinte atteignant 91,23%. La famille des Phéahyphomycètes, qui fût représentée par le seul genre Cladosporium, a été beaucoup moins impliquée avec un taux d‟atteinte de 8,77%. En général, de très rares études ont confirmé 127 quelques cas d‟atteintes unguéales par ce genre dont une menée en Turquie [178] et une autre en Inde [179] ayant signalé chacune 1 seul cas. La prédominance des Hyallohyphomycètes trouve sa justification dans la pathogénicité de certains de ses genres, notamment Fusarium et Aspergillus. En effet, Fusarium est majoritairement responsable de ce type d‟atteintes parmi toutes les moisissures de cette famille avec un taux de 46,15%. Ceci s‟accorde avec les résultats de l‟étude effectuée par A. AGOUMI qui a révélé une responsabilité de Fusarium dans 47 % des cas d‟onychomycoses à moisissures [26]. D‟autres études, dont une menée par H. VELEZ et F. DIAZ [167] en Colombie confirment ce fait en mettant en évidence une incrimination de Fusarium dans 40 % des infections des ongles de pieds par des moisissures, ces dernières étant responsables elles-mêmes de 4 à 10 % de l‟ensemble des cas d‟onychomycoses. Même constat en France où la prévalence croissante des onyxis à Fusarium, a récemment dépassé celle des onychomycoses à Scopulariopsis, jusqu‟alors considérées comme la première infection unguéale non-dermatophytique [33]. Selon la même source, Fusarium oxysporum serait la principale espèce responsable d‟onychomycoses à moisissures parmi le genre Fusarium, infectant essentiellement les ongles des orteils. La pathogénicité propre de ce genre et sa capacité d‟adhérence et de production d‟enzymes de type protéinase, associées à un ou plusieurs facteurs locaux ou généraux, favorisent la prolifération unguéale de ce champignon. Parmi ces facteurs, se sont la notion de marche pieds nus, la fréquentation de piscines et de douches extérieures, la dystrophie préalable de l‟ongle, la malposition des orteils, les troubles vasculaires et les traumatismes ou l‟infection préalable par un dermatophyte [33, 168 169 ] qui sont les plus cités. De sont côté, Aspergillus est le deuxième genre isolé dans notre laboratoire en étant à l‟origine de 32,7 % des 128 cas. L‟espèce dominante de ce genre est Aspergillus niger avec 22.80 % des onychomycoses à moisissures. Ce genre vient de se substituer au Scopulariopsis qui constituait jadis la deuxième cause d‟infections unguéales non dermatophytiques conformément aux résultats de l‟étude menée par A. AGOUMI [26]. Aspergillus doit sa haute fréquence d‟atteinte à son net pouvoir de colonisation d‟une kératine préalablement altérée, à l‟abondance des spores de ses différentes espèces dans la nature [180-] et à la durée de vie desdites spores qui est sans doute longue. En effet, un même génotype peut rester présent dans l‟environnement de 6 mois à 1 an [37]. L‟abondance des spores de l’Aspergillus a été également illustrée par une étude mycologique réalisée durant la période estivale de 2004 à Casablanca (Maroc) sur le sable de deux plages de la ville et qui a révélé l‟existence de 25 souches d’Aspergillus sp., contre 13 souches de Penicillium sp., 2 souches de Cladosporium et 2 souches de Scedosporium [181-]. Les autres moisissures de cette même famille ne sont que moins ou rarement isolées dans notre étude ; c‟est le cas du, Penicillium, du Scedosporium et de l‟Acremonium. Cette rareté d‟atteinte par ces moisissures peut être due à leur pathogénicité relativement basse malgré l‟ubiquité de leurs spores dans la nature. Il est à noter que les pseudo-dermatophytes (Scytalidium et Onychocola) n‟ont pas été isolés dans le cadre de notre étude. Cette absence peut s‟expliquer essentiellement par la non adéquation du climat du Maroc au développement de ces deux moisissures, la première, préférant un climat tropical et chaud et la seconde, un climat froid tel que celui régnant au Canada. En général, la fréquence d’Onychocola en pathologie humaine reste très limitée [170]. Dans 129 les rares cas où il a été isolé, il était derrière des onyxis des pieds et des intertrigos chez des personnes âgées, ayant des troubles vasculaires des membres inférieurs (lymphœdème, ulcères de jambe). Scytalidium, quant à lui, représente jusqu‟à 40 % des atteintes fongiques des pieds en zone d‟endémie [83] telles l‟ouest de l‟Inde, la Guyane française, l‟Afrique sub-saharienne, les îles Comores et la Réunion.... Notre étude a enregistré une disparité de l‟atteinte selon l‟âge. En effet, chez les enfants de moins de 6 ans, aucun cas d‟onychomycoses à moisissures n‟a été signalé. Ce résultat est en accord avec la plupart des études réalisées dans le même cadre [175]. La raison d‟une telle absence est expliquée par la rapidité de la pousse de l‟ongle de l‟enfant et par la rareté des traumatismes des pieds observés chez lui, ce qui empêcherait la moisissure de s‟implanter durablement [23]. Concernant les autres tranches d‟âge, notre étude a enregistré le taux le plus élevé d‟onychomycoses à moisissures dans la tranche d‟âge entre 30 et 40 ans avec une prévalence de 28,07 %. Ce taux diminue ensuite dans la tranche d‟âge allant de 50 à 60 ans pour atteindre 8,77%. Ceci s‟oppose aux résultats obtenus par la plupart des études, qui montrent généralement une fréquence élevée des onychomycoses à moisissures chez les sujets âgés [23,176,177]. Selon les données de la littérature, les personnes âgées seraient même les plus touchées par les onychomycoses à moisissures, et ce, vu la vitesse ralentie de pousse de leurs ongles, la difficulté qu‟elles éprouvent parfois pour assurer une hygiène correcte des pieds (ongles difficiles à couper, absence de soins réguliers…) mais aussi et surtout à cause de certains facteurs locaux (troubles trophiques, insuffisance circulatoire périphérique, malposition des orteils) [23, 63, 69]. Dans 130 notre série, la faible prévalence chez cette tranche d‟âge serait principalement due au nombre restreint des sujets âgés qui consentent à la consultation et au prélèvement suite à l‟atteinte par une onychomycose contrairement aux sujets jeunes. Un tel comportement est justifié, chez cette catégorie de patients, par des raisons socioéconomiques faisant des onychomycoses un sujet d‟une grande banalité, voire futile devant les malaises communément sentis chez eux. L‟étude a fait l‟état d‟une autre disparité de l‟atteinte mais cette fois-ci selon le sexe et ce, au même titre que les autres types d‟onychomycoses. En effet les moisissures touchent les ongles des femmes beaucoup plus que ceux des hommes (le taux d‟atteinte chez les femmes est de 75,43 %). Les causes de la fréquence des onychomycoses à moisissures chez les femmes sont généralement celles expliquant la fréquence de l‟atteinte chez le sexe féminin dans les autres types d‟onychomycoses. Une dernière disparité enregistrée est relative à la localisation de l‟atteinte. En effet les principaux siéges des lésions unguéales à moisissures sont les pieds avec un taux de 92,98 %. Les atteintes des mains associées ou non à celles des pieds sont plus rares et représentent respectivement 1,75 % et 7,01 %. Ceci pourrait s‟expliquer par l‟exposition plus fréquente du pied aux traumatismes répétés, par la vitesse de pousse des ongles du pied, beaucoup plus lente que celle des ongles des mains, ce qui permet aux passants occasionnels d‟y séjourner plus longtemps et enfin par le microclimat chaud et humide occasionné par les chaussures mal adaptées favorisant le développement des moisissures. Un, plusieurs ou tous les ongles peuvent être touchés à la fois ce qui porte à croire que la consultation pour un onyxis mycosique est souvent tardive. 131 Conclusion 132 CONCLUSION Les moisissures sont habituellement impliquées dans les onychomycoses partout dans le monde. Le degré de cette implication varie considérablement dépendamment des régions géographiques, du climat et même des mœurs des gens. Il en résulte ainsi une prévalence qui oscille entre 1,5% et 20 %. Les onychomycoses à moisissures présentent généralement une clinique similaire à celle des onychomycoses causées par les autres champignons. Cependant, la majorité des variétés cliniques des onychomycoses à moisissures l‟OSP étant la variété la plus souvent rencontrée- est très souvent associée à une paronychie. Le rôle exact des moisissures dans les onychomycoses est parfois difficile à déterminer puisqu‟elles peuvent être aussi bien un envahisseur primaire qu‟un envahisseur secondaire infectant une lésion préexistante ou même un simple contaminant. Eu égard à la similitude de la clinique des onyxis et aux différentes natures d‟implication possible, le recours au diagnostic mycologique et parfois même à l‟histomycologie s‟avère incontournable pour la détermination précise du rôle pathogène des moisissures dans les onychomycoses. D‟autres méthodes de diagnostic ont vu le jour dont notamment le PCR qui est une méthode très prometteuse, actuellement en expérimentation dans quelques laboratoires. Quant à leur traitement, les onychomycoses à moisissures semblent répondre mieux à un traitement topique plutôt qu‟à un traitement systémique quoiqu‟en général les résultats des traitements restent encore decevants. Pour combler ce 133 vide thérapeutique, une plus grande importance doit être accordée aux études ciblant une codification du traitement des onychomycoses à moisissures. Au terme de cette étude menée dans le Laboratoire de Parasitologie et de Mycologie Médicale de l‟Hôpital d‟Enfants de Rabat, nous retiendrons que les onychomycoses constituent les pathologies unguéales les plus fréquemment rencontrées dans ce laboratoire et que les onychomycoses à moisissures présentent une prévalence de 1,55%. L‟étude a également démontré une prédominance de certaines moisissures dans ce type d‟atteintes unguéales, le Fusarium étant le plus incriminé suivi de l‟Aspergillus et du Scopulariopssi brevicaulis. La prévalence des onychomycoses à moisissures varie notablement selon certains critères ou grandeurs. En effet cette prévalence diffère suivant la tranche d‟âge, selon le sexe et enfin d‟après la localisation de l‟appareil unguéal. Enfin, nous tenons à rappeler, sans prétendre le répéter assez, que le diagnostic et le traitement des onychomycoses à moisissures doivent revêtir une grande importance notamment lors de la prise en charge de sujets diabétiques et immunodéprimés. 134