Partie 1 Comprendre les Japonais
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Partie 1 Comprendre les Japonais 3465376 Bien communiquer Japon_Intérieur.indd 1 12/07/2012 14:46:25 3465376 Bien communiquer Japon_Intérieur.indd 2 12/07/2012 14:46:25 1 La géographie L’étude de la géographie d’un pays, au travers de quelques mots clés comme le relief, le réseau hydrographique, le climat ou l’insularité, donne de précieuses indications sur les caractéristiques de ses habitants, ainsi que sur leurs orien tations culturelles. Le Japon est un archipel d’une superficie de 377 944 km² (soit les 3/5e de la France). L’archipel s’étire sur 3 000 km environ du nord au sud, il est bordé par la mer du Japon à l’ouest et par l’océan Pacifique à l’est. Sa largeur n’excède jamais 400 km. Au total, le Japon possède 33 889 km de côtes, contre 3 427 km pour la France. Voici quelques repères : –– L’extrémité nord du Japon, avec sa latitude 27°29’N, est au même niveau que Lyon. –– Tôkyô se trouve à la même latitude qu’Athènes. Quant à l’extrémité sud du Japon, sa latitude (45°32’N) est proche de celle du désert marocain. 3465376 Bien communiquer Japon_Intérieur.indd 3 12/07/2012 14:46:25 4 Bien communiquer avec vos interlocuteurs japonais La saison des pluies (tsuyu) débute en juin et peut durer jusqu’à mi-juillet. Elle symbolise le début de l’été. Les saisons sont, en général, clairement marquées au Japon : il fait chaud en été, doux au printemps et en automne, et froid (voire très froid) en hiver. Le territoire de l’archipel est occupé en grande partie par des montagnes ; les quelques plaines étant consacrées essentiellement à la culture du riz et à l’habitation. Pour un Français, évoquer la réalité physique du Japon revient à songer que la nature y est une menace : situé au confluent de quatre plaques tectoniques, le Japon est soumis à la fois aux éruptions volcaniques (108 volcans en activité), aux tremblements de terre (des milliers de secousses par an, la plupart sans conséquences) et aux tsunami, mais aussi aux typhons, aux inondations… Comment les Japonais perçoivent-ils cet environnement ? Dans leur esprit, les risques sont considérés comme des contraintes8. Conséquemment, les Japonais entretiennent une relation très particulière avec les forces de la nature. Ainsi, compte tenu que les tremblements de terre majeurs affectant la région de Tôkyô semblent se succéder environ tous les soixante-dix ans et que le dernier remonte à 1923, la population vit dans l’idée que le « Big one » pourrait être pour bientôt. Demain ? Dans six mois ? On ne sait pas, mais on s’y prépare en faisant régulièrement des exercices d’évacuation et en apprenant les gestes qui, on l’espère, sauveront et permettront de ne pas trop paniquer. Ainsi Vincent, qui travaille dans le domaine des télécoms et qui était dans le train entre Ôsaka et Tôkyô au moment du tremblement de terre de mars 2011, raconte à quel point les Japonais ont gardé leur calme. Certes, ils étaient loin du théâtre des événements et ne se sentaient pas directement menacés, mais le tremblement de terre a entraîné l’arrêt du train pendant six heures et il n’y a pas eu de réactions autres que d’attendre qu’il redémarre. Il témoigne également du sens de la discipline qui régnait à Tôkyô à son arrivée, alors que les gens ne pouvaient pas rentrer chez eux ou bien étaient obligés de se déplacer à pied. 8 Cf. Le Japon contemporain, sous la direction de Jean-Marie Bouissou, Fayard/Ceri, 2007. 3465376 Bien communiquer Japon_Intérieur.indd 4 12/07/2012 14:46:25 La géographie 5 Cette acceptation de la force da la nature n’indique pas un fatalisme inactif. Tout au contraire, les Japonais cherchent à se protéger ; en témoigne le renforcement régulier des normes antisismiques dans le domaine de la construction. Le traumatisme des dégâts causés par le tremblement de terre de Kôbe en 1995 reste présent dans les esprits, et les pouvoirs publics sont bien décidés à éviter au maximum que cela se reproduise. À l’occasion des événements dramatiques de mars 20119, une forme de conso lation est venue du fait que ce n’est pas le tremblement de terre, pourtant d’une puissance rare (magnitude de 8,9, bien supérieure à celle des séismes les plus violents de l’histoire du Japon, comme celui qui a frappé la région de Tôkyô en 192310) qui a causé le plus de dégâts mais bien le tsunami. Les conséquences dans le monde des affaires Dans les pratiques professionnelles, on retrouve cette idée que rien ne sert de chercher à s’opposer à des forces qui nous dépassent, et qu’il faut savoir, à certains moments, lâcher prise et faire le dos rond. 1.1 Un archipel Le Japon est constitué de 6 852 îles. Quatre îles principales occupent 95 % de la superficie totale. Partons à leur découverte : –– Honshû (la province principale) : la plus grande île, sur laquelle se trouvent Tôkyô et la plupart des grandes villes japonaises (en allant vers l’ouest depuis Tôkyô : Yokohama, Nagoya, Kyôto, Ôsaka, Kôbe, Hiroshima, et en allant vers le nord : Sendai). C’est également sur Honshû que se trouve le Mont Fuji, volcan que l’on aimerait savoir définitivement éteint, point culmi nant du Japon (3 776 mètres). 9 La conjonction d’un tremblement de terre majeur et d’un tsunami bien plus puissant que ce que l’on pouvait imaginer qui a, en plus des 20 000 morts et de la disparition de dizaines de villes côtières, provoqué un accident nucléaire du niveau des plus grands accidents de l’histoire de l’industrie nucléaire. 10Dans A travers les villes en flammes (septembre 1923), un des textes du recueil Connais sance de l’Est, Paul Claudel, qui a été ambassadeur de France au Japon de 1921 à 1927, fait un compte rendu saisissant des destructions causées par ce tremblement de terre, Gallimard, 1929. 3465376 Bien communiquer Japon_Intérieur.indd 5 12/07/2012 14:46:26 6 Bien communiquer avec vos interlocuteurs japonais –– Hokkaidô (le chemin de la mer du Nord) : c’est sur cette île que se trouve Sapporo, connue dans le monde pour avoir accueilli les Jeux Olympiques d’hiver en 1972 et pour avoir donné son nom à l’une des principales marques de bière japonaises. Au large de Hokkaidô, se trouvent les îles appelées Kouriles par les Russes qui en ont le contrôle. Les Japonais revendiquent quatre d’entre elles au motif qu’historiquement, elles n’ont jamais appartenu à la Russie, contrairement à d’autres îles du même archipel que les Japonais ont annexées du temps de leur aventure colonialiste et que les Russes ont récupérées à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Ce différend territorial explique que la Russie et le Japon n’ont, à ce jour, toujours pas signé de traité de paix. –– Shikoku (les quatre pays, en référence aux quatre fiefs qui la constituaient au temps du shôgunat11). Cette île est chère au cœur des Japonais par sa nature préservée et par la présence de très nombreux temples bouddhistes et de sanctuaires shintoïstes (donnant lieu à des pèlerinages encore très populaires). –– Kyûshû (les neuf provinces, en référence aux neuf fiefs qui la constituaient traditionnellement). Ces fiefs ont joué à plusieurs reprises un rôle majeur dans l’histoire du Japon. Sa proximité avec le continent asiatique, et plus parti culièrement avec la Corée, a fait de cette île le point de contact du Japon avec le reste du monde dans de très nombreuses occasions. C’est sur cette île que se trouvent les villes de Fukuoka et Nagasaki. Un autre archipel a joué un rôle important dans l’histoire du Japon : celui des Ryûkyû, tout au sud, au large de Taïwan, intégré au Japon en 1879. Son empla cement stratégique au large de la Chine continentale lui confère le très contesté privilège d’abriter la plupart des dernières bases militaires américaines au Japon. C’est par cet archipel que les influences austronésiennes ont pénétré au Japon et ont enrichi sa culture. À noter : Un certain nombre d’îlots « perdus » appartiennent au Japon, permettant à celui-ci de revendiquer l’un des plus grands domaines maritimes au monde. Face à la montée programmée des eaux due au réchauffement climatique, le Japon prend des mesures afin de s’assurer que l’atoll d’Okinotorishima, situé à 1 740 km au sud de Tôkyô, au milieu 11 Cf. le chapitre 2 sur l’histoire du Japon 3465376 Bien communiquer Japon_Intérieur.indd 6 12/07/2012 14:46:26 La géographie 7 de la mer des Philippines, ne disparaîtra pas. Afin de conserver leur zone économique exclusive (ZEE) de 400 000 km² que la Chine conteste, des chercheurs japonais ont réussi à cultiver artificiellement du « sable étoilé » et à s’en servir comme « ciment » pour relever le niveau de l’île d’Okinotorishima. Si l’île venait à disparaître, ou à ne pas être reconnue en tant que telle, la Chine pourrait ainsi récupérer le contrôle de la zone tout en profitant de ses grandes ressources halieutiques et minérales. Nous avons évoqué le conflit territorial qui oppose le Japon à la Russie à propos de quelques îles du nord. D’autres conflits territoriaux opposent le Japon à ses voisins coréen et chinois : les rochers Liancourt, appelés Takeshima par les Japonais, Dokdo par les Coréens ou encore l’archipel appelé Senkaku en japonais, Diaoyu en chinois. Le rapport à la mer des Japonais : un paradoxe Curieusement, les Japonais, bien que vivant sur un archipel, n’ont pas développé de réelle proximité avec la mer. Pendant près d’un millénaire, aucune capitale du Japon ne fut un port alors que la mer, quel que soit l’endroit du Japon où l’on se trouve, n’est jamais éloignée de plus de 150 km. 40 % des côtes nippones sont protégées par des digues ou par des môles. Les Japonais ont conscience des dangers que la mer peut leur apporter12. L’histoire récente a tragiquement rappelé que la mer est « pourvoyeuse » de tsunami (mot d’origine japonaise) et autres vagues scélérates. La mer est le sujet de l’estampe, probablement la plus célèbre du Japon, œuvre de Hokusai : La Grande Vague de Kanazawa. Mais, d’un autre côté, la mer fournit au Japon une ressource essentielle à son alimentation : le poisson. 12 « Le film d’animation Ponyo sur la falaise, sorti en 2008, explore ainsi la relation que les Japonais entretiennent avec l’océan. Ils ont un grand amour pour les paysages sublimes où la nature a toute sa force. Ils en ont aussi une peur immense. Car la mer est dangereuse. Nous, nous valorisons en Europe d’avoir une maison en bord de mer. Là-bas, si vous racontez cela dans un village de pêcheurs, on vous rit au nez. La mer, les Japonais la tiennent à distance. » (Article paru dans La Croix le 23 mars 2011.). 3465376 Bien communiquer Japon_Intérieur.indd 7 12/07/2012 14:46:26 8 Bien communiquer avec vos interlocuteurs japonais Toujours dans le paradoxe, le Japon se coupa du monde pendant toute la période Edo (1603-1868), soit pendant plus de 250 ans13, alors que dans le même temps, il envoyait des pirates sur les différentes mers de cette partie du globe et n’hésitait pas, à la fin du XVIe siècle, à faire passer la mer à des troupes nombreuses en espérant conquérir la Corée. Bien que des changements soient observés, on constate que les côtes ne sont pas aménagées pour favoriser le tourisme, mais le développement économique. Les conséquences dans le monde des affaires Vivre sur un archipel qui n’a jamais été envahi (les dernières tentatives « sérieuses » remontant au XIVe siècle quand les Mongols ont voulu s’emparer du Japon à partir de la Corée*) a singulièrement contribué à développer, chez les Japonais, le senti ment qu’ils sont un peuple à part. * Il ne s’est rouvert qu’après l’arrivée du commodore Perry qui a forcé le retour du Japon dans le concert des nations. Michel : « Lorsque j’étais étudiant, je me souviens que l’on m’expliquait le plus sérieusement du monde que les fabricants français de skis n’arriveraient jamais à vendre leurs produits au Japon, car la neige japonaise n’avait pas la même structure qu’ailleurs et que les skis étrangers ne pourraient pas avoir prise sur cette neige ! » Le Japon fut pourtant sous l’influence d’autres cultures, et les exemples abondent de la « japonisation » d’éléments importés. Citons-en quelques-uns, venus de Chine : –– les caractères, qui ne s’écrivent pas tous exactement comme en Chine et peuvent avoir une signification différente ; –– le jeu de go, qui a été « raffiné » par les Japonais ; –– le bouddhisme zen à la japonaise, qui a développé des spécificités bien à lui. De façon plus concrète, nombre d’entreprises françaises sont étonnées de voir à quel point leurs partenaires japonais insistent pour que leurs produits soient adaptés aux particularités du marché japonais, sans compter que, dans beaucoup de domaines techniques (robinetterie, équipement électrique, luminaire…), le Japon applique des normes uniques, obligeant les entrants à développer des produits spécifiques. 13 Il ne s’est rouvert qu’après l’arrivée du commodore Perry qui a forcé le retour du Japon dans le concert des nations. 3465376 Bien communiquer Japon_Intérieur.indd 8 12/07/2012 14:46:26 La géographie 9 1.2 Un pays de montagne Le territoire japonais est constitué, à 90 % environ, de montagnes et de plateaux, de formation récente à la faveur de la collision des plaques tectoniques qui se rencontrent autour du territoire, et donc d’une altitude moyenne relativement élevée ; on parle, d’ailleurs, des Alpes japonaises. Les montagnes japonaises sont organisées en une grande chaîne du nord au sud et marquent une claire distinction climatique entre : –– La partie du Japon orientée vers le continent et les massifs montagneux (hivers rigoureux en provenance directe de la Sibérie, avec beaucoup de neige et des températures qui peuvent descendre jusqu’à - 35 °C). C’est dans cette partie du Japon, à Nagano, que se sont tenus les Jeux Olympiques d’hiver en 1998. Les pays de neige (雪国, yukiguni) ont profondément inspiré l’art japonais (roman éponyme de Kawabata Yasunari, Prix Nobel de Litté rature en 1968, chanson traditionnelle à succès de Ikuzô Yoshi en 1986…). Les personnes originaires des pays de montagne sont réputées être solides et vigoureuses. –– Les plaines orientées vers l’océan Pacifique, qui abritent les plus grandes villes japonaises et qui ne connaissent que rarement le gel ou la neige. –– Le point culminant du Japon est le mont Fuji ou Fuji san (et non Fujiyama comme nous l’appelons en France), 富士山 en caractères chinois. Son altitude est de 3 776 m, c’est un volcan éteint (du moins on l’espère !) depuis environ 300 ans (en fait, il est classé actif avec un faible risque éruptif) distant de Tôkyô de moins de 100 km. Par beau temps, on peut le voir à partir des terrasses panoramiques aménagées au sommet des tours de Tôkyô. Certains hôtels proposent même, pour leurs étages supérieurs, des prix plus élevés pour les chambres orientées vers l’ouest. Il est vrai que, par temps clair, un coucher de soleil sur le mont Fuji vu de Tôkyô est un spectacle magique ! Aujourd’hui, le mont Fuji est toujours considéré comme le symbole du Japon. Il figure au verso des billets de 1 000 yens. Son sommet est souvent caché par les brumes mais, lorsque l’on passe devant lui en Shinkansen14 et qu’il est visible, les passagers japonais ne peuvent s’empêcher de le regarder. 14 Le train express japonais. 3465376 Bien communiquer Japon_Intérieur.indd 9 12/07/2012 14:46:26 10 Bien communiquer avec vos interlocuteurs japonais (Photo MD) Michel : « Je me souviens avoir montré des photos, prises d’avion, du Fuji dépassant des nuages et avoir déclenché, malgré la piètre qualité des clichés, des réactions dont l’enthousiasme allait au-delà de l’habituelle politesse. » Le mont Fuji a toujours inspiré les artistes japonais : –– Les jardiniers, qui s’efforcent de le reproduire symboliquement dans leurs œuvres (on le trouve même dans le jardin japonais d’Albert Kahn à BoulogneBillancourt). –– Les peintres d’estampes (on ne compte plus les séries prenant le mont Fuji comme thème central, la plus célèbre restant bien entendu celle de Hokusai). –– Les peintres décorateurs : le mont Fuji est le décor quasi-obligé de tout sento qui se respecte… 3465376 Bien communiquer Japon_Intérieur.indd 10 12/07/2012 14:46:26