Sécurité Nationale et Liberté d`Information: Enjeux

Transcription

Sécurité Nationale et Liberté d`Information: Enjeux
Sécurité Nationale et Liberté d’Information:
Enjeux et Contexte au Sénégal
Matar SALL*
1. INTRODUCTION : Brève synthèse de la législation sur l’information et
son application face aux exigences de la sécurité
Le Sénégal est l’un des rares pays africains qui se réclame d'une assez longue tradition
de pluralisme politique et de démocratie.
Ce pays qui se caractérise par sa stabilité politique et constitutionnelle, a très vite été
soucieux du respect des droits fondamentaux des citoyens1.
Convaincu que ce passé glorieux doit être préservé et son statut de pionnier dans le
continent renforcé, à l’instar des grandes démocraties modernes, ce pays ne cesse
d’améliorer sa législation dans le sens de reconnaitre plus de droits fondamentaux
aux citoyens et de rendre effectif leur respect.
C’est ainsi qu’au lendemain de l’alternance démocratique du 19 mars 2000, la
Constitution du 7 mars 1963 fut abrogée et remplacée par celle du 22 janvier 2001 2
adoptée par référendum le 07 janvier de la même année.
A l’opposé des constitutions précédentes, celle qui régit aujourd’hui le Sénégal est
l’expression de la volonté de changement clairement exprimée par les autorités,
volonté qui s’est traduite par la reconnaissance de manière explicite de libertés et
droits qui renvoient clairement à la liberté d’information3, par une plus grande
transparence dans la gestion des affaires publiques et un meilleur accès des citoyens
aux sources d’information.
*M. SALL est juriste spécialiste du droit des médias et des questions relatives à la liberté d’expression. Il est
membre du comité scientifique et du comité de rédaction du code de la presse. Il est coauteur du draft de loi sur
l’accès à l’information qui est l’avant projet de loi sur l’accès à l’information. Il est membre du Comité pour
l’Observation des Règles d’Ethique et de Déontologie dans les médias (CORED).
1
Toutes les constitutions du Sénégal indépendant reconnaissent des droits fondamentaux, dont certains renvoient
implicitement ou explicitement à la liberté d’information (article 8 des constitutions du 26 août 1960, du 7 mars
1963 et du 22 janvier 2001.
2
3
Loi initiale n° 2001-03 du 22 janvier 2001 portant constitution, JO spécial n° 5963 du lundi 22 janvier 2001.
Les constitutions précédentes n’utilisaient pas de manière explicite la liberté d’information. Les articles 8 des
constitutions de 1960 et de 1963 stipulaient : « Chacun a le droit d’exprimer et de diffuser librement ses opinions
par la parole, la plume et l’image. Chacun a le droit de s’instruire sans entrave aux sources accessibles à tous.
Ces droits trouvent leur limite dans les prescriptions des lois et règlements ainsi que dans le respect de l’honneur
d’autrui ».
Ainsi, pour la première fois, dans la charte fondamentale, le Sénégal ne se limitant pas
seulement à affirmer son adhésion à des textes de portée régionale ou universelle,
reconnaît sans ambages, à l’article 8 de la constitution, la liberté d’opinion, la liberté
d’expression, la liberté de la presse et le droit à l’information plurielle et proclame
dans le préambule, « son attachement à la transparence dans la conduite et la gestion
des affaires publiques ainsi qu'au principe de bonne gouvernance ».
L’article 10 dispose : « chacun a le droit d'exprimer et de diffuser librement ses
opinions par la parole, la plume, l'image, la marche pacifique, pourvu que l'exercice de
ces droits ne porte atteinte ni à l'honneur et à la considération d'autrui, ni à l'ordre
public ».
Selon l’alinéa 1 de l’article 11 : « la création d’un organe de presse pour l’information
politique, économique, culturelle, sportive, sociale, récréative ou scientifique est libre
et n’est soumise à aucune autorisation préalable ».
Aussi, le Sénégal a t-il adopté des lois pour donner un contenu concret à la liberté
d’information.
Elles sont principalement la loi n° 96-04 du 22 février 1996 relative aux organes de
communication sociale et aux professions de journaliste et de technicien4, la loi n°
2006-04 du 4 janvier 2006 portant création du Conseil National de Régulation de
l’Audiovisuel (CNRA)5, la loi n° 2006-19 du 30 juin 2006 relative aux archives et aux
documents administratifs6, le décret n° 2006-596 du 10 juillet 2006 portant
organisation et fonctionnement de la direction des archives du Sénégal et des lois sur
la société de l’information, notamment la loi n° 2008-11 du 25 janvier 2008 sur la
cybercriminalité7 et enfin la loi n° 65-60 du 21 juillet 1965 portant Code pénal
modifiée.
Seulement, ce droit fondamental qu’est le droit à l’information ne doit nullement
occulter l’obligation de l’Etat d’assurer la sécurité nationale, sans laquelle la
reconnaissance d’un droit fondamental n’aurait aucune portée pratique.
C’est conscient de cet état de fait que le législateur, bien que faisant de la liberté
d’information le principe, prévoit des restrictions à la possibilité d’exercer cette
liberté dont les principales ont trait à la sécurité nationale ou aux termes qui lui sont
connexes, tels que la défense nationale, la sureté de l’Etat, l’ordre public, etc.
4
JO du 9 mars 1996, pp. 112-118.
JO n° 6269 du 18 mars 2006, pp. 246 à 249
6
JO du 5 août 2006.
7
JO du 3 mai 2008, pp. 424-434.
5
Mieux, la protection de la sécurité nationale est d’autant plus importante que des
règlementations spécifiques sont adoptées pour la rendre effective et efficace.
Il s’agit de la loi n° 70-23 du 6 juin 1970 portant organisation générale de la défense
nationale8 et du décret n° 2003-512 du 2 juillet 2003 relatif à l’organisation de la
protection des secrets et des informations concernant la défense nationale et la sûreté
de l’Etat9.
A côté de ces textes, qui, bien que spécifiques à la défense nationale, font de la liberté
d’information le principe et de la protection des secrets et des informations
l’exception, il y a lieu de citer l’article 52 de la constitution actuelle sur les pouvoirs
exceptionnels du Président de la République et la loi n° 69-29 du 29 avril 1969 relative
à l’état d’urgence et à l’état de siège10 qui sont institués dans les conditions prévues à
l’article 69 de la constitution.
Ces dispositions, parce que s’appliquant en périodes exceptionnelles, relèguent au
second plan cette liberté fondamentale.
Ces précisions liminaires faites, il s’agira, dans cette étude, dans un souci de respecter
le plan qui nous a été soumis, de voir respectivement la sécurité nationale (2), l’accès à
l’information d’intérêt public (3), la classification et la déclassification des
informations(4), le contrôle judiciaire des informations liées à la sécurité nationale (5),
les organes de contrôle du secteur de la sécurité (6), la législation relative à la
divulgation des informations protégées ou secrètes (7) et les médias et les informations
liées à la sécurité nationale (8).
2. LA SECURITE NATIONALE OU TERME (S) CONNEXE (S)
Après avoir défini cette expression (2.1), il sera traité des situations où son invocation
légitime les restrictions apportées au droit à l’information (2.2).
2.1 Définition de la sécurité nationale
Il faut préciser qu’au Sénégal, les textes n’utilisent presque pas l’expression « sécurité
nationale »11. A la place, des termes connexes sont prévus.
8
JO du 27 juin 1970, pp. 605-607.
JO spécial du 13 décembre 2003 pp. 1554-1556.
10
JO spécial du samedi 10 mai 1969 pp. 571-573.
11
Le terme sécurité nationale est utilisé une seule fois et ceci, dans l’article 4 alinéa 2 du décret n° 2003-512 du
2 juillet 2003 relatif à l’organisation de la protection des secrets et des informations concernant la défense
nationale et la sûreté de l’Etat.
9
Dans la règlementation sénégalaise on parle principalement de défense nationale, de
sûreté de l’Etat, même si l’ordre public, la sécurité intérieure ou sécurité publique sont
parfois utilisés dans des articles de certaines lois.
Cette précision faite, la loi portant organisation générale de la défense nationale, à la
place d’une définition, insiste sur l’objet de la défense nationale.
Suivant les dispositions de l’alinéa 1 de son article premier : « la défense nationale a
pour objet d’assurer en tout temps, en toutes circonstances et contre toutes les formes
d’agression, la sécurité et l’intégrité du territoire, ainsi que la vie de la population ».
L’alinéa 2 complète l’objet de la défense nationale en précisant qu’ « elle pourvoit de
même au respect des alliances, traités et accords internationaux ».
Dans le sens de la loi ci-dessus citée, l’article 52 de la constitution du 22 janvier 2001
range, parmi les objectifs de la sécurité nationale, les mesures visant à rétablir le
fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des institutions et à assurer la
sauvegarde de la Nation.
Cette définition par l’énumération des objectifs de la sécurité nationale n’est pas
spécifique à la législation sénégalaise.
Elle est même préconisée parfois. Ainsi, selon le professeur Franck Moderne, il
convient, pour définir la sécurité, de « prendre le terme sécurité au sens objectif de
toute action visant au maintien ou au rétablissement de l’ordre et de la paix
publique »12.
En définitive, la sécurité nationale repose en principe sur deux piliers : le maintien de
l’ordre et la protection des libertés individuelles. Elle a pour rôle essentiel la défense
du territoire national et la protection des citoyens contre les éventuelles agressions
extérieures.
2.2 Les restrictions au droit à l’information
Il faut distinguer les restrictions en période normale ou de paix (2.2.1) et celles faites
dans les périodes exceptionnelles notamment en cas de menace ou de guerre (2.2.2).
2.2.1 En période normale
En période normale ou de paix, le Sénégal a tendance à être en phase avec le
mouvement qui tend à ériger la transparence en règle et le secret en exception.
12
Franck Moderne cité par Jean Vaujour in Jean Vaudiour avec la collaboration de J. Barbat, la sécurité du
citoyen, violence et société, Que sais-je ? PUF, 1980, pp 5-6.
Autrement dit, les lois existantes font toutes de la liberté d’accès aux documents
administratifs un droit fondamental reconnu aux citoyens, tout en prévoyant des
limites tenant notamment à la sécurité nationale.
Cette limite est souvent justifiée par la sensibilité des questions liées à la sécurité
nationale qui veut qu’une certaine confidentialité et un certain secret soient entretenus
pour atteindre les objectifs de défense nationale et garantir la sécurité des opérations
de mobilisation ou de mise en œuvre des forces militaires.
Ainsi, la loi n° 96-04 du 22 février 1996 relative aux organes de communication
sociale et aux professions de journaliste et de technicien dispose clairement en son
article 26 : « Le journaliste ou le technicien de la communication sociale a libre accès
à toutes les sources d’informations non confidentielles et a le droit d’enquêter
librement sur tous les faits qui conditionnent la vie publique ».
Comme on peut le constater aisément, il n y a pas d’accès libre et total à toutes les
sources d’information. L’article 26 cité ci-dessus, en sortant de la possibilité, pour les
professionnels de la communication, d’avoir accès aux sources confidentielles, sans les
définir ou les énumérer, permet d’entrevoir plusieurs restrictions à l’effectivité de ce
droit fondamental à la liberté d’information.
La loi n° 2006-19 du 30 juin 2006 relative aux archives et aux documents
administratifs organise la communication des archives et documents administratifs à
l’expiration d’un certain délai variable en fonction du degré de sensibilité de
l’information contenue dans le document.
Ainsi, les articles 13 et 24 disposent respectivement que l’accès aux documents
d’archives publiques et aux documents administratifs non nominatifs, est libre,
compte tenu des délais de communication fixés par décret.
L’institution de délais spéciaux de communication des archives vise entre autres à
préserver la sûreté de l’Etat ou la sécurité nationale.
Dans ce sens, le décret n° 2006-596 du 10 juillet 2006 portant organisation et
fonctionnement de la direction des archives du Sénégal, précise en son article 17 que
la communication de certains documents administratifs non nominatifs est assujettie
aux délais spéciaux prévus à l’article 29 du présent décret.
Cet article 17 cite entre autres, les documents relatifs à la défense nationale, à la sûreté
de l’Etat, à la sécurité publique et des personnes, les documents relatifs à la conduite
de la politique extérieure de l’Etat, tous documents relatifs aux secrets protégés par la
loi, etc.
Sur les délais, aux termes de l’article 29, « les documents pouvant porter atteinte à la
sûreté de l'Etat … sont communiqués selon les délais suivants : … 50 ans à compter de
la date de l'acte pour les documents intéressant la sûreté de l'Etat, la défense nationale
ou la politique extérieure… ».
Aussi, en dehors de ces délais spéciaux, bien que l’article 25 de ce décret proclame
explicitement que l’accès aux documents d’archives est libre et gratuit, son article 26
fixe pour la communicabilité au public des documents non soumis à des délais
spéciaux, un délai de 25 ans d’âge pour ceux versés dans les dépôts publics
d’archives.
Enfin, parmi les textes restreignant la liberté d’information, il y a le décret n° 2003512 du 2 juillet 2003 relatif à l’organisation de la protection des secrets et des
informations concernant la défense nationale et la sûreté de l’Etat.
Selon l’article premier de ce décret : « La protection des renseignements, objets,
documents ou procédés intéressant la Défense nationale et la sûreté de l’Etat, dont la
divulgation à des personnes non qualifiées est de nature à nuire à la Défense nationale
et à la sûreté de l’Etat ou pourrait conduire à la découverte d’un secret intéressant la
Défense nationale et la sûreté de l’Etat, est organisée dans les conditions définies par
le présent décret ».
Quant à l’article 2, il précise que : « les renseignements, objets, documents, procédés
intéressant la Défense nationale et la sûreté de l’Etat qui doivent être tenus secrets font
l’objet d’une classification comprenant trois niveaux de protections. Très secret, secret
confidentiel.
Ces classifications peuvent être accompagnées de mentions particulières sur la sécurité
propres à certaines administrations ».
2.2.2 En période de crise
En période de troubles, des limites ou restrictions considérables sont apportées à la
liberté d’information.
Ainsi, n’est-il pas permis au Président de la République, dans pareilles situations, soit
de décréter l’état d’urgence ou l’état de siège ou d’user de ses pouvoirs exceptionnels.
En effet, ces différentes situations prévues par les textes, permettent à l’administration,
à l’autorité militaire ou au Président de la République, en application de la théorie des
circonstances exceptionnelles, de porter valablement atteinte à la liberté d’information
dans des conditions qui, en période normale, seraient déclarées irrégulières par le juge.
Du point de vue pratique, il faut préciser que le Sénégal n’a jamais connu d’état de
siège ou d’utilisation des pouvoirs exceptionnels du Président de la République. Par
contre l’état d’urgence a été décrété à deux reprises, en1962 et en 198813.
2.2.2.1 L’état d’urgence
Selon l’alinéa 2 de l’article 10 de la loi n° 69-29 du 29 avril 1969 relative à l’état
d’urgence et à l’état de siège, le décret instituant l’état d’urgence peut, par une
disposition expresse : « habiliter l’autorité administrative compétente à prendre toutes
mesures appropriées pour assurer le contrôle de la presse et des publications de toute
nature, ainsi que celui des émissions radiophoniques ou télévisées, des projections
cinématographiques et des représentations théâtrales ».
Quant à l’article 12, il dispose : « le décret instituant l’état d’urgence peut, par une
disposition expresse, conférer à l’autorité administrative compétente, le pouvoir de
prendre toutes dispositions relatives au contrôle des correspondances postales,
télégraphiques et téléphoniques ».
2.2.2.2
L’état de siège
Selon l’article 16 de la loi de 1969 : « Dès la déclaration de l’état de siège, les
pouvoirs normalement dévolus à l’autorité civile pour le maintien de l’ordre et pour la
police sont transférés à l’autorité militaire correspondante dans les conditions fixées
par décret ».
Mieux, d’après l’article 17 : « L’autorité militaire est en outre investie de la totalité des
pouvoirs énumérés aux articles 3 à 13 ci-dessus. Les modalités d’exercice des pouvoirs
prévus demeurent applicables ».
2.2.2.3
Les pouvoirs exceptionnels du Président de la République
Aux termes des alinéas 1 et 2 de l’article 52 de la constitution sénégalaise du 22
janvier 2001, «Lorsque les institutions de la République, l'indépendance de la Nation,
l'intégrité du territoire national ou l'exécution des engagements internationaux sont
menacées d'une manière grave et immédiate, et que le fonctionnement régulier des
pouvoirs publics ou des institutions est interrompu, le Président de la République
dispose de pouvoirs exceptionnels.
13
JO spécial du 29 février 1988 p. 141.
Il peut, après en avoir informé la Nation par un message, prendre toute mesure tendant
à rétablir le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des institutions et à
assurer la sauvegarde de la Nation. ».
3. L’ACCES A L’INFORMATION D’INTERET PUBLIC
Après avoir défini la notion d’information d’intérêt public (3.1), il s’agira de traiter de
la primauté du droit d’accès à l’information sur la protection de la sécurité (3.2)
3.1 Définition de l’information d’intérêt public
L’expression information d’intérêt public encore appelée l’information administrative
n’est pas définie par le législateur sénégalais.
Cette tâche qui a été confiée à la commission nationale sur l’accès à l’information
administrative et sur la protection des renseignements personnels, par l’article 21 du
décret du 10 juillet 2006 portant organisation et fonctionnement de la direction des
archives du Sénégal, n’est jusqu’ici pas exécutée car ladite commission n’est pas en
activité.
En revanche, le terme information a été défini pour la première fois par l’article 3 de la
loi n° 2008-41 du 20 août 2008 sur la cryptologie14 qui lui donne une forme autre que
celle connue jusqu’ici.
Selon cet article, l’information est un « élément de connaissance, exprimé sous
forme écrite, visuelle, sonore ou numérique, susceptible d’être représenté à l’aide de
conventions pour être utilisé, conservé, traité ou communiqué ».
A défaut de définition de l’information administrative, les documents administratifs
qui sont plus ou moins connexes sont définis à l’article 21 de la loi du 30 juin 2006,
comme « l'ensemble des documents produits ou reçus, dans l'exercice de leurs
activités, par les autorités administratives, à savoir l'Etat, les Collectivités locales, les
établissements publics, les sociétés nationales, les sociétés à participation publique et
les organismes privés chargés de la gestion d'un service public ou investis d'une
mission de service public »
L’information administrative est définie par la doctrine comme l’ensemble des
informations produites et détenues par l’administration. Ainsi, elle engloberait toute
14
JO du 6 décembre 2008, pp. 1143-1147
l’activité administrative c’est-à-dire toute donnée et tout renseignement relatif à
l’exécution de la mission de l’administration.
L’accès à l’information désigne la possibilité d’accéder aux informations détenues par
l’Administration, qu’il s’agisse de l’Administration centrale, de l’administration
décentralisée ou des organismes privés chargés de la gestion d’un service public, dès
lors que ces informations sont liées par leur nature, leur objet, ou leur utilisation, à la
gestion de ce service ou lorsqu’elles permettent d’exercer ou de protéger un droit.
L’information en question est entendue ici comme un ensemble de renseignements
obtenu par quelqu’un ou un renseignement ou un évènement qu’on porte à la
connaissance d’une personne ou d’un public.
La lecture de cette définition montre que les politiques d’accès à l’information doivent
garantir la liberté de l’information tant aux citoyens qu’aux médias.
En effet, toute législation sur l’accès à l’information créerait et organiserait les
mécanismes d’accès du citoyen à l’information détenue par les entités publiques et les
entreprises privées investies d’une mission de service public et faciliterait par
conséquent le travail de recherche, de collecte, de traitement et de diffusion de
l’information du journaliste.
3.2 La primauté du droit d’accès à l’information sur la protection de la
sécurité
Partant du principe selon lequel l’information détenue par le gouvernement appartient
aux citoyens, sauf si des raisons fondamentales très précises justifient qu'elle reste
secrète, l’accès aux informations détenues par l’Administration ne doit être qu’ouverte
et facile et la gestion des affaires publiques transparente.
Ce qui doit se matérialiser par la reconnaissance à tous les citoyens du droit d'avoir
accès aux documents que l'Administration détient à leur sujet, ainsi que du droit légal
d'accès à tous les autres renseignements détenus par cette même Administration, sous
réserve des exceptions expressément limitées et clairement définies.
Dans cette perspective, le Sénégal, à l’instar des démocraties, est passé du secret-règle
au secret-exception.
Pour rappel, le Sénégal a connu une époque de la presse monocolore avec un régime
de large monopole d’Etat marqué par un étroit contrôle politique des médias qui a
prévalu jusqu’au milieu des années 80 coïncidant avec la parution des premiers
journaux privés15.
Durant cette période, il y avait une véritable emprise du pouvoir sur les médias qui
devaient accompagner les politiques de l’Etat. Les médias libres et indépendants, en ce
qu’ils mettent en évidence des disfonctionnements, des problèmes, des remises en
cause, enquêtes qui révèlent ce que le pouvoir aimerait bien cacher, étaient considérés
comme une menace pour l’Etat.
De plus, il n y avait pas d’obligation pour l’administration de s’ouvrir aux citoyens.
Elle était plutôt considérée comme un monde à part et donc, elle n’avait pas de compte
à rendre.
Cette phase a commencé à être dépassée au début des années 1980.
Ce mouvement irréversible de transparence qui a commencé en 1981 avec l’adoption
de la loi n° 81-02 du 2 février 1981 relative aux archives16 et du décret n° 81-430 du
15 avril 1981 fixant les conditions d’organisation et de fonctionnement des archives du
Sénégal17, s’est progressivement confirmé et renforcé au point qu’aucun arbitraire ne
peut prospérer de nos jours.
Ces textes adoptés en 1981 sont les actes essentiels à partir desquels l’amélioration des
relations entre l’Administration et le public va connaître une accélération permanente,
grâce à une succession de lois plus ou moins progressistes.
Dans les textes adoptés, le droit fondamental au libre accès des documents
administratifs, est reconnu aux citoyens.
Cette reconnaissance a entre autres conséquences, le droit du public de savoir et le
devoir pour l’administration de l’’informer.
Ainsi, d’après l’article 19 du décret de 2006 portant organisation et fonctionnement de
la direction des archives du Sénégal, « lorsque l’administration décide de ne pas
communiquer un document, elle doit le notifier au demandeur par une décision écrite
et motivée
15
La presse, autre que celle étatique, qui existait avant les années 80, évoluait soit dans la clandestinité, sous le
régime du parti unique de fait de 1966 à 1974, soit apparaissait comme un appendice de presse politique, cycle
du pluralisme politique limité.
16
JO du 5 février 1981, pp. 102-103. Cette loi a été abrogée et remplacée par celle n° 2006-19 du 30 juin 2006,
relative aux archives et aux documents administratifs.
17
JO du 3 octobre 1981, pp. 905-907. Ce décret a été abrogé et remplacé par celui n° 2006-596 du 10 juillet
2006, portant organisation et fonctionnement de la direction des archives du Sénégal.
Toutefois, le silence de deux mois gardé par l’administration sur toute demande de
communication de document vaut décision de rejet ».
Mieux, selon l’article 20, « en cas de rejet explicite ou implicite, l’intéressé dispose
d’un délai de deux mois à compter de la notification du refus ou de l’expiration du
délai fixé au 2e alinéa de l’article 22 du présent décret pour saisir la Commission
nationale sur l’accès à l’information administrative et sur la protection des
renseignements personnels ».
D’ailleurs, les lois sur la sécurité adoptées, loin de faire du secret le principe,
permettent seulement d’apporter des dérogations à la transparence excessive qui ne
rime pas forcément avec efficacité de la défense nationale.
Le libellé de l’article premier du décret de 2003 relatif à l’organisation de la protection
des secrets et des informations concernant la défense nationale et la sûreté de l’Etat, en
est révélateur.
Suivant les dispositions de cet article ci-dessus cité, « la protection des
renseignements, objets, documents ou procédés intéressant la défense nationale et la
sûreté de l’Etat, dont la divulgation à des personnes non qualifiées est de nature à nuire
à la défense nationale et à la sûreté de l’Etat ou pourrait conduire à la découverte d’un
secret intéressant la défense nationale et la sûreté de l’Etat, est organisée dans les
conditions définies par le présent décret ».
4. LA CLASSIFICATION ET LA DECLASSIFICATION DES
INFORMATIONS
C’est le décret n° 2003-512 du 2 juillet 2003 relatif à l’organisation de la Protection
des Secrets et des Informations concernant la Défense nationale et la Sûreté de l’Etat
qui règlemente la classification et la déclassification des informations.
Dans cette partie, il y aura à traiter tour à tour de la justification de la classification
(4.1), de l’accès du public aux informations protégées (4.2), de l’organe compétent en
matière de classification (4.3), de la durée de la classification (4.4), de l’archivage des
informations classifiées (4.5) et de la déclassification (4.6).
4.1 La justification de la classification
Au Sénégal, il n y a pas de justification au cas par cas de la classification. Cette
dernière se justifie globalement par la sensibilité de certaines informations qu’il faut
protéger et tenir secrètes.
Les informations qui peuvent faire l’objet de telles mesures sont, d’après l’article 2 du
décret de 2003, « les renseignements, objets, documents, procédés intéressant la
défense nationale et la sûreté de l’Etat qui doivent être tenus secrets ».
Ce même article énumère les trois niveaux de protection : « très secret, secret et
confidentiel » et précise que « ces classifications peuvent être accompagnées de
mentions particulières sur la sécurité propres à certaines administrations ».
Enfin, selon l’article 4 qui définit les types d’informations auxquels s’appliquent les
mentions citées à l’article 2 ci-dessus : « La mention très secret s’applique aux
informations dont la sécurité est capitale et dont la divulgation causerait des
dommages très graves à la Nation ou mettrait en danger sa sécurité.
La mention secret s’applique aux informations dont la divulgation tout en ne mettant
pas en danger la Sécurité nationale porterait préjudice aux intérêts ou au prestige de la
Nation, à une activité gouvernementale quelconque ou serait avantageuse à une Nation
étrangère.
La mention confidentiel est réservée aux informations dont la divulgation pourrait
provoquer des embarras administratifs ou des difficultés ou causerait des préjudices à
un individu ».
4.2 L’accès du public aux informations protégées
Il n y a pas en principe de possibilité pour les citoyens d’avoir accès aux informations
protégées si les critères définis par le décret ne sont pas réunis.
En effet, d’après l’article 5, « Nul n’est qualifié pour connaître des informations
protégées : s’il n’est pas habilité ou s’il n’a pas été reconnu comme ayant besoin d’en
connaître pour l’accomplissement de sa fonction ou de sa mission ».
On le voit, les personnes qui sans pour la défense nationale, la sûreté de l’Etat ou leur
propre sécurité, veulent connaître ces informations, doivent, aux termes du dernier
alinéa de l’article 5, faire au préalable l’objet d’une décision d’habilitation qui sera
délivrée par le Premier Ministre ou un ministre, après enquêtes de sécurité et de
moralité.
4.3 L’organe compétent pour la classification
Aux termes du dernier alinéa de l’article 4 du décret de 2003, les critères et les
modalités de la protection des informations très secret, secret et confidentiel sont fixés
par une Instruction présidentielle sur la protection du Secret.
4.4 La durée de la classification
L’autorité classificatrice doit mentionner le délai de validité de la classification, ou la
date à laquelle cette classification sera réexaminée.
Il peut cependant arriver des situations où aucun délai n’est fixé. Dans ce cas, il y aura
seulement la possibilité de modifier ou de supprimer la classification.
Il faut préciser que l’instruction générale interministérielle sur la protection du secret
n° 14 PR/SG du 25 septembre 1965 qui était compétente pour fixer les règles dont
l’application doit conduire à la protection du secret des documents et correspondances
officiels a été remplacée par une instruction présidentielle sur la protection du secret.
Cette dernière fixera les dispositions pratiques à mettre en application pour assurer la
protection des informations « très secret, secret et confidentiel ».
4.5 L’archivage des informations classifiées
À l’issue de leur période d’utilisation, les documents classés peuvent soit être détruits,
soit être versés aux services d’archives qui seront chargés de leur gestion.
Dans ce sens, l’article 6 du décret de 2006 portant organisation et fonctionnement des
archives nationales du Sénégal dispose que le service des archives nationales gère :
-les archives provenant des organes centraux de l'Etat ;
-les archives des services et organismes déconcentrés de l’Etat
-les documents provenant des collectivités locales, des établissements publics, des
sociétés nationales, des sociétés à participation publique soumises au contrôle de
l’Etat, des organismes privés chargés de la gestion d’un service public ou investis
d’une mission de service public et des officiers publics et ministériels ;
-les documents qui leur sont donnés, légués, vendus ou confiés en dépôt ;
-d'une façon générale, tous les documents qu'un texte de loi leur attribue.
4.6 La déclassification
Selon l’alinéa 2 de l’article 3 du décret de 2003, « la modification ou les suppressions
des mentions sont décidées par les autorités qui ont procédé à la classification ».
Pour se faire, ces autorités vérifieront régulièrement si la classification des
informations répond toujours au même besoin. Dans la négative, les documents y
afférents seront déclassés et les destinataires seront informés de ce déclassement.
5. CONTROLE JUDICIAIRE DES INFORMATIONS LIEES A LA
SECURITE
Il s’agira de voir l’examen par le juge des informations tenues secrètes (5.1), l’absence
d’obligation de communication des informations sensibles au public (5.2), l’obligation
de justification de la non communication des informations au juge (5.3) et enfin la
saisine du juge en cas de refus par l’administration de livrer une information (5.4).
5.1 L’examen par le juge des informations tenues secrètes
Le juge administratif sénégalais dans son office est très regardant et exigeant sur le
respect des droits et libertés des citoyens.
Ainsi, il exige de plus en plus exige la motivation des actes administratifs
unilatéraux18.
Cette position du juge est réitérée chaque fois que ces actes remettent en cause une
liberté publique ou un droit individuel ou collectif et lorsqu’ils ont un contenu négatif.
Aussi, si l’Administration ne répond pas au bout d’un délai fixé par le juge, celui-ci
considère que l’illégalité est établie dès lors que l’Administration n’apporte pas la
preuve contraire.
En conclusion, dans le cadre d’une procédure engagée devant elle, une juridiction
sénégalaise peut, par demande motivée, solliciter la déclassification et la
communication d’informations, protégées au titre du secret de la défense nationale, à
l’autorité administrative.
Ce pouvoir du juge est conforté par la loi de 2006 sur les archives et les documents
administratifs qui prévoit en son article 19 que : « lorsque l’administration décide de
ne pas communiquer un document, elle doit le notifier au demandeur par une décision
écrite et motivée.
Toutefois, le silence de deux mois gardé par l’administration sur toute demande de
communication de document vaut décision de rejet ».
Toutefois, cette possibilité n’est pas si évidente à partir du moment où le refus de
l’administration de livrer une information n’est pas toujours consigné et où la loi sur
les archives et les documents administratifs et son décret d’application ne prévoient
pas de recours juridictionnels contre les décisions violant la liberté d’information.
18
Contrairement à la France où c’est le législateur qui a élargi le champ de motivation obligatoire des décisions
de l’Administration, au Sénégal, cette avancée est le fait du juge qui a imposé la motivation sans s’appuyer sur
un texte.
Le décret prévoit en son article 20 qu’ « en cas de rejet explicite ou implicite,
l’intéressé dispose d’un délai de deux mois à compter de la notification du refus ou de
l’expiration du délai fixé au 2ème alinéa de l’article 22 du présent décret pour saisir la
Commission nationale sur l’accès à l’information administrative et sur la protection
des renseignements personnels ».
Quant à l’article 22, il dispose : « la Commission nationale sur l’accès à l’information
administrative et sur la protection des renseignements personnels notifie dans le délai
d’un mois à compter de sa saisine son avis à l’autorité compétente.
Cette dernière, dans le délai d’un mois à compter de la réception de l’avis de la
commission, l’informe de la suite qu’elle entend donner à la demande ».
5.2 L’absence d’obligation de communication des informations sensibles au
public
Il faut dire que malgré ses pouvoirs inquisitoriaux importants, le juge ne peut obliger
l’Administration à livrer au public ou à une partie des informations tenues secrètes
pour des raisons de sécurité.
La satisfaction de la demande du juge dépend largement de la confidentialité de
l’information ou de l’utilisation que le juge compte en faire.
Ainsi, si pour motiver sa décision, il porte sur la place publique des informations
qualifiées de très sensibles, l’Administration peut refuser d’obtempérer.
Cependant, le refus de l’Administration amène le juge à tirer toutes les conséquences
et sa décision est le plus souvent défavorable à cette dernière.
5.3 L’obligation de justification de la non communication des informations au
juge
En droit administratif, il y a le principe selon lequel il n y a pas de motivation sans
texte ou de motivation au-delà du texte.
Dans les cas où l’Administration décide de ne pas communiquer les informations au
juge, elle se réfugie derrière leur confidentialité, leur caractère sensible et délicat.
Pour ce faire, elle peut s’appuyer sur les textes notamment le décret de 2003 relatif à
l’organisation de la protection des secrets et des informations concernant la défense
nationale et la sûreté de l’Etat.
5.4 La saisine du juge en cas de refus par l’administration de livrer une
information
En l’état actuel, les textes sénégalais n’envisagent pas cette possibilité.
La loi sur les archives et les documents administratifs, texte le plus avancé en matière
d’accès à l’information, ne prévoit qu’une saisine de la commission nationale sur
l’accès à l’information administrative et sur la protection des renseignements
personnels ; commission qui n’est pas opérationnelle.
Ce manquement pourrait être dépassé si l’avant projet de loi sur l’accès à
l’information, en discussion, est adopté.
En effet ce texte prévoit que le plaignant ou l’organisme concerné peut, à compter de
la notification de la décision de la commission, faire appel, dans les deux mois devant
la Cour Suprême.
6. LES ORGANES DE CONTROLE DES INSTITUTIONS ET DES
INFORMATIONS DU SECTEUR DE LA SECURITE
A ce niveau, il faut dire qu’aucun organe autonome de contrôle des institutions et des
informations du secteur de la sécurité et investi de prérogatives à cet effet, n’est
institué.
Aussi, il est constaté que le parlement qui a une fonction de contrôle
constitutionnellement reconnue, n’intervient pas dans ce qui concerne la gestion et
l’organisation du secteur de la sécurité ; domaines qui sont de l’apanage exclusif de
l’exécutif.
Il faut, à défaut d’un organe autonome, prévoir que l’exécutif rend compte au
parlement ou consacrer constitutionnellement le contrôle parlementaire des forces de
défense et de sécurité.
7. LA PROTECTION DES INFORMATEURS
C’est là le maillon faible de la législation sénégalaise.
En effet, comme on l’a vu, tous les textes prônent l’accès à l’information comme
principe, mais il n y aura aucune effectivité si les personnes détentrices d’informations
ne peuvent apporter leur témoignage ou rendre publiques les informations sans être
inquiétées, punies ou sans subir d’éventuelles représailles.
Encore faudrait-il que les autorités ou organes chargées d’assurer l’effectivité du droit
fondamental qu’est la liberté d’information, donnent suites aux dénonciations pour
encourager les personnes à œuvrer pour la transparence administrative sans danger.
C’est ainsi que, constatant que les textes sénégalais existants sont plus prompts à
sanctionner qu’à encourager la divulgation des informations liées à la sécurité
nationale, l’avant projet de loi sur l’accès à l’information consacre un titre à la
protection des personnes signalant des irrégularités.
Dans ce texte il est dit à l’article 39 que : « nul ne doit être soumis à une sanction,
quelle que soit le degré de violation de ses obligations juridiques ou professionnelles,
pour avoir publié des informations sur des irrégularités ou des informations qui
auraient révélé une menace sérieuse à la santé, à la sécurité, à l’environnement, aux
droits de l’homme et toute autre information qui aurait permis de révéler des actes de
corruption lorsque celui-ci a agi de bonne foi et a des raisons sérieuses de penser que
ces informations étaient fondées et nécessaires.
Il en va ainsi des personnes requises, à témoigner, par la commission si leur
témoignage concourt à confirmer ces irrégularités ou menaces ».
Quant à l’article 40, il dispose que : « les personnes qui contreviennent à leurs
obligations juridiques ou professionnelles, en publiant des informations sur des
irrégularités ou qui révèlent une menace sérieuse à l’un des domaines cités à l’article
39 ou des actes de corruption, s’exposent à des sanctions administrative,
professionnelle, civile ou pénale, si elles ont agi de mauvaise foi et si elles n’apportent
pas la preuve des irrégularités ou menaces invoquées ».
8. MEDIAS ET INFORMATIONS LIEES A LA SECURITE NATIONALE
Il s’agira de voir les sanctions pour divulgations d’informations relatives à la sécurité
nationale (8.1), l’obligation de divulgation des sources confidentielles (8.2) et
l’interdiction de publication d’informations pour des motifs de sécurité nationale (8.3).
8.1 Les sanctions à l’encontre de ceux qui divulguent des informations relatives
à la sécurité nationale
Plusieurs sanctions sont prévues à l’encontre des professionnels de la communication
et des organes de communication qui divulguent des informations gardées secrètes
pour des raisons de sécurité.
Les sanctions les plus lourdes sont prévues par le code pénal dont les sanctions sont
reprises par la loi sur la cybercriminalité qui les élargit aux données numérisées ou
fichiers informatisés.
Cette loi sur la cybercriminalité, dont les sanctions seront exposées ici, consacrent ses
chapitres 9 et 10 respectivement aux atteintes à la défense nationale et à la
responsabilité pénale.
Dans le chapitre 9, il est dit à l’article 431-60 que : « Sera coupable de trahison et puni
de la perpétuité tout sénégalais, qui :
1) livre à une puissance étrangère ou à ses agents, sous quelque forme ou par quelque
moyen que se soit un renseignement, objet, document, procédé, donnée numérisée ou
fichier informatisé qui doit être tenu secret dans l’intérêt de la défense nationale ;
2) s’assure, par quelque moyen que se soit, la possession d’un tel renseignement, objet,
document, procédé, donnée numérisée ou fichier informatisé en vue de le livrer à une
puissance étrangère ou à ses agents ;
3) détruit ou laisse détruire tel renseignement, objet, document, procédé, donnée
numérisée ou fichier informatisé en vue de favoriser une puissance étrangère. »
Ensuite, à l’article 431-61, il est que : « sera puni du maximum des travaux forcés à
temps, tout sénégalais ou tout étranger qui, dans l’intention de les livrer à tout pays
tiers, rassemblera des renseignements, objets, documents, procédés, données ou
fichiers informatisés dont la réunion et l’exploitation sont de nature à nuire à la
défense nationale ».
Sera puni de la détention criminelle de dix à vingt ans, tout gardien, tout dépositaire
par fonction ou par qualité d’un renseignement, objet, document, procédé, donnée
numérisée ou fichier informatisé qui doit être tenu secret dans l’intérêt de la défense
nationale ou dont la connaissance pourrait conduire à la découverte d’un secret de
défense nationale, qui sans intention de trahison ou d’espionnage, l’aura :
1) détruit, soustrait, laissé détruire ou soustraire, reproduit ou fait reproduire ;
2) porté ou laissé porter à la connaissance d’une personne non qualifiée ou du public.
La peine sera celle de la détention criminelle de cinq à dix ans si le gardien ou le
dépositaire a agi par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou inobservation
des règlements ».
Dans le chapitre 10, l’article 431-62 dispose que : « les personnes morales autres que
l’Etat, les collectivités locales et les établissements publics sont pénalement
responsables des infractions prévues par la présente loi, commises pour leur compte
par leurs organes ou représentants.
La responsabilité des personnes morales n’exclut pas celle des personnes physiques
auteurs ou complices des mêmes faits.
Les peines encourues par les personnes morales sont :
1) l’amende dont le taux maximum est égal au quintuple de celui prévu pour les
personnes physiques par la loi qui réprime l’infraction ;
2) la dissolution, lorsque la personne morale a été créée ou, lorsqu’il s’agit d’un crime
ou d’un délit puni en ce qui concerne les personnes physiques d’une peine
d’emprisonnement supérieure à cinq (5) ans, détournée de son objet pour commettre
les faits incriminés ;
3) l’interdiction à titre définitif ou pour une durée de cinq (5) ans au plus d’exercer
directement ou indirectement une ou plusieurs activités professionnelles ou sociales ;
4) la fermeture définitive ou pour une durée de cinq (5) ans au plus d’un ou de
plusieurs des établissements de l’entreprise ayant servi à commettre les faits
incriminés ;
5) l’exclusion des marchés publics à titre définitif ou pour une durée de cinq (5) ans au
plus ;
6) l’interdiction à titre définitif ou pour une durée de cinq (5) ans au plus de faire appel
public à l’épargne ;
7) l’interdiction pour une durée de cinq (5) ans au plus d’émettre des chèques autres
que ceux qui permettent le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont
certifiés ou d’utiliser des cartes de paiement ;
8) la confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction ou
de la chose qui en est le produit ;
9) l’affichage de la décision prononcée ou la diffusion de celle-ci soit par la presse
écrite soit par tout moyen de communication au public par voie électronique.
Selon l’article 431-64 : « s’il y a condamnation pour une infraction commise par le
biais d’un support de communication numérique, la juridiction peut prononcer à titre
de peines complémentaires l'interdiction d'émettre des messages de communication
numérique, l’interdiction à titre provisoire ou définitif de l'accès au site ayant servi à
commettre l’infraction, en couper l’accès par tous moyens techniques disponibles ou
même en interdire l'hébergement.
Le juge peut faire injonction à toute personne responsable légalement du site ayant
servi à commettre l’infraction, à toute personne qualifiée de mettre en œuvre les
moyens techniques nécessaires en vue de garantir, l’interdiction d’accès,
d’hébergement ou la coupure de l’accès au site incriminé.
La violation des interdictions prononcées par le juge sera punie d’un emprisonnement
de six (6) mois à trois (3) ans et d’une amende de 300.000
francs à 5.000.000 francs. ».
Enfin, selon l’article 431-65 : « en cas de condamnation à une infraction commise par
le biais d’un support de communication numérique, le juge ordonne à titre
complémentaire la diffusion au frais du condamné, par extrait, de la décision sur ce
même support.
La publication prévue à l’alinéa précédent doit être exécutée dans les 15 jours suivant
le jour où la condamnation est devenue définitive.
Le condamné qui ne fera pas diffuser ou qui ne diffusera pas l’extrait prévu à l’alinéa
précédent sera puni des peines prévues par le code pénal.
Si dans le délai de quinze jours (15) jours après que la condamnation soit devenue
définitive, le condamné n’a pas diffusé ou fait diffuser cet extrait, les peines prévues
au présent article seront portées au double. »
8.2 L’obligation de divulgation des sources confidentielles
Au Sénégal, il n y a pas d’obligation pour le journaliste de divulguer ses sources. Bien
au contraire, la loi 96-04 du 22 février 1996 régissant la presse le protège fortement.
Selon l’article 35 de cette loi : « le journaliste ou le technicien de la communication
sociale est tenu au secret professionnel tel que prévu à l’article 363 du code pénal.
Il ne doit pas divulguer les sources des informations obtenues confidentiellement.
Le journaliste ou le technicien de la communication sociale peut révéler sa source à
son supérieur hiérarchique, mais seulement si ce dernier est lié par le secret
professionnel.
Le journaliste ou le technicien de la communication sociale peut être délié du secret
sur l’aveu de la source de l’information s’il a pu être clairement prouvé que la dite
source l’avait indu en erreur ».
8.3 L’interdiction de publication d’informations pour des motifs de sécurité
nationale
Il n y a pas en principe, en dehors des circonstances exceptionnelles, de censure
préalable pour des motifs liées à la préservation de la sécurité nationale.
Ainsi selon l’article 27 de la loi de 1996, « le journaliste ou le technicien de la
communication sociale a le droit de refuser toute subordination qui serait contraire à la
ligne de son entreprise ».
Mieux, selon l’alinéa 1 de l’article 28, le journaliste ou le technicien de la
communication sociale ne peut être contraint d’accomplir un acte professionnel ou
d’exprimer une opinion contraire à sa conviction ou à sa conscience.
Enfin, aux termes de l’article 38, « le journaliste ou le technicien de la communication
sociale doit refuser toute pression ; il ne peut accepter de directives rédactionnelles que
des responsables de la rédaction ».
BIBLIOGRAPHIE SELECTIVE
-
-
La sécurité du citoyen, violence et société, Jean Vaujour in Jean Vaudiour avec
la collaboration de J. Barbat, Que sais-je ? PUF, 1980.
Droit de l’information, Jean Marie Auby et Robert Ducos-Ader avec la
collaboration de Jean-François Auby et de Benoît Ducos-Ader, Précis Dalloz,
1976
Rapport du Colloque International des Forces de Défense et de Sécurité (FDS)
sur le thème « Forces de défense et de sécurité au cœur de la sécurité
humaine » tenu à Dakar du 8 au 11 novembre 2010
TEXTES SENEGALAIS
-
Constitution du Sénégal du 22 janvier 2001
Loi n° 69-29 du 29 avril 1969 relative à l’état d’urgence et à l’état de siège
Loi n° 70-23 du 6 juin 1970 portant organisation générale de la défense
nationale
Loi n° 96-04 du 22 février 1996 relative aux organes de communication sociale
et aux professions de journaliste et de technicien
Loi n° 2006-04 du 4 janvier 2006 portant création du Conseil national de
Régulation de l’Audiovisuel (CNRA)
Loi n° 2006-19 du 30 juin 2006 relative aux archives et aux documents
administratifs
Code Pénal à jours des modifications de 2007
Décret n° 88 229 du 29 février 1988 proclamant l’état d’urgence
Décret n° 2003-512 du 2 juillet 2003 relatif à l’organisation de la protection des
secrets et des informations concernant la défense nationale et la sûreté de l’Etat
-
Decret n° 2006-596 du 10 juillet 2006, portant organisation et fonctionnement
de la direction des archives du senegal
ANNEXES (jointes au mail en version pdf)
Annexe 1 : Liste des experts
Annexe 2 : Loi n° 69-29 du 29 avril 1969 relative à l’état d’urgence et à l’état de siège
Annexe 3 : Loi n° 70-23 du 6 juin 1970 portant organisation générale de la défense
nationale
Annexe 4 : Loi n° 96-04 du 22 février 1996 relative aux organes de communication
sociale et aux professions de journaliste et de technicien
Annexe 5 : Loi n° 2006-04 du 4 janvier 2006 portant création du Conseil national de
Régulation de l’Audiovisuel (CNRA)
Annexe 6 : Loi n° 2006-19 du 30 juin 2006 relative aux archives et aux documents
administratifs
Annexe 7 : Décret n° 88 229 du 29 février 1988 proclamant l’état d’urgence
Annexe 8 : Décret n° 2003-512 du 2 juillet 2003 relatif à l’organisation de la
protection des secrets et des informations concernant la défense nationale et la sûreté
de l’Etat
Annexe 9 : Decret n° 2006-596 du 10 juillet 2006, portant organisation et
fonctionnement de la direction des archives du senegal.