chap 11 – quelle est la place de l`ue dans l`economie globale

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chap 11 – quelle est la place de l`ue dans l`economie globale
CHAP 11 – QUELLE EST LA PLACE DE L’UE DANS L’ECONOMIE GLOBALE ?
Introduction :
1. La construction européenne est un projet politique. En novembre 1954, Jean Monnet écrivait : « Nos pays
sont devenus trop petits pour le monde actuel, à l’échelle des moyens techniques modernes, à la mesure de
l’Amérique et de la Russie d’aujourd’hui, de la Chine et de l’Inde de demain. L’unité des peuples européens,
réunis dans les Etats-Unis d’Europe, est le moyen de relever leur niveau de vie et de maintenir la paix ». Si
l’idée d’Etats-Unis d’Europe est ancienne, c’est l’expérience cruelle des deux guerres mondiales qui pousse
les « pères fondateurs » à relancer le projet européen dans le but d’éviter le renouvellement des « guerres
fratricides » en Europe et pour cela de construire des solidarités fortes entre les Etats et entre les peuples.
2. Ce projet politique a commencé par une intégration économique qui devrait déboucher sur une intégration
politique. Après l’échec de la Communauté Européenne de défense (1954), ce sont les solidarités
économiques qui sont privilégiées. C’est pourquoi, dès l’origine, il ne s’agit pas seulement de favoriser la libre
circulation des marchandises, mais surtout d’intensifier les liens commerciaux et culturels, de favoriser les
coopérations entre entreprises, universités, laboratoires de recherche, de susciter et de faciliter les échanges
entre européens (programmes Erasmus par exemple), de mettre en place des politiques communes
(politiques agricole, régionale, énergétique, etc.). La perspective est clairement celle d’une forme ou d’une
autre d’intégration politique démocratique (élection du parlement européen au suffrage universel direct depuis
1979). C’est en ce sens que l’intégration européenne est originale, elle ne vise pas seulement à construire un
espace économique intégré mais à faire de l’Europe un acteur à part entière de la vie internationale (c’est
l’Union européenne en tant que telle qui siège à l’OMC, c’est l’Union européenne qui, aux côtés des EtatsUnis et de la Russie, participe à la « troïka » pour le Proche Orient, etc.).
Intégration européenne
Economique : par le
marché
Marché unique
Politique : par les
institutions
Monnaie unique
Institutions
supranationales
3. Depuis le Traité de Rome de 1957, l'intégration économique a représenté l'un des objectifs centraux de la
Communauté économique européenne puis de l'Union Européenne (UE). Au milieu des années quatre-vingt,
les faibles avancées dans ce domaine ont conduit la Communauté à s'engager plus fortement en faveur d'une
élimination des barrières douanières. Cet effort s'est concrétisé par la mise en place du Programme du
Marché Unique aux contours définis par le Livre Blanc, présenté par la Commission en juin 1985 et introduit
dans le Traité européen par l'Acte Unique Européen de 1986. Mis en place au premier janvier 1992, ce
Programme avait pour objectif d'éliminer les derniers obstacles au commerce présents dans l'UE afin de
favoriser la croissance économique au travers de la création d'un vaste marché intégré de biens et services.
Quels étaient les gains attendus par une telle union ? Se sont-ils réalisés ? Le marché unique est-il
pleinement réalisé ? A-t-on assisté à une convergence des niveaux de vie au sein des pays de l’Union ?
4. L’histoire de l’Union est marquée par son élargissement progressif. Aux pays fondateurs (les « 6 ») sont venus
s’agréger successivement le Danemark, l’Irlande et le Royaume Uni en 1973 (les « 9 »), la Grèce en 1981 (les
« 10 »), l’Espagne, le Portugal en 1986 (les « 12 »), l’Autriche, la Finlande et la Suède en 1995 (les « 15 »).
Le 1er janvier 2004, l’Union a accueilli dix nouveaux membres, dont huit pays d’Europe centrale et orientale
(Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Tchéquie, Slovaquie et Slovénie) et deux îles (Chypre et Malte)
pour former les « 25 ». En 2007, elle a intégré la Roumanie et la Bulgarie (les « 27 »). Elle doit encore intégrer
la Croatie, la Serbie, la Bosnie, la Macédoine, et, peut-être la Turquie. Cet élargissement a-t-elle renforcé
l’Union ? Les pays, qui ont été intégrés à l’UE, avaient-ils un niveau de développement suffisant pour en faire
partie ? Ont-ils profité de cette intégration pour se développer ?
5. La décision d’instaurer une Union économique et monétaire européenne a été prise en juin 1988. L’euro a été
lancé un peu moins de dix ans après, le 1er janvier 1999 au terme de trois phases successives de
préparation. Il ne concerne pour l’instant qu’une partie des États de l’Union mais le traité instituant l’Union
européenne concerne dans son principe tous les États. L’euro doit parfaire le libre-échange au sein de la zone
et protéger les Etats membres contre les risques de change. Quels étaient les avantages attendus par la
création de la monnaie unique ? Quelles ont été les conséquences des variations du taux de change de l’euro
vis-à-vis des autres devises sur la compétitivité de l’économie de l’UE ? Quelles ont été les conséquences de
cette création sur les politiques économiques des Etats de l’UE ?
A – Comment s’est opéré l’intégration économique de l’Union européenne ?
a) – Les différentes formes de l’intégration économique régionale
1. On parle d’intégration économique lorsque des accords commerciaux entre nations aboutissent à la constitution
d’un espace économique unique. L’intégration économique concerne en général un ensemble de pays proches
géographiquement. Ceux-ci décident de construire un espace économique et social au sein duquel il n’y aura
plus d’entraves aux échanges, que ceux-ci concernent les marchandises, les capitaux ou les hommes. Cela
s’accompagne de la création d’institutions communes chargées de gérer les intérêts communs des pays.
2. L’intégration économique résulte d’une construction. Elle ne peut pas se faire du jour au lendemain. A la suite
de Bela Belassa (The theory of economic integration - 1961), on distingue généralement cinq étapes dans le
processus d’intégration régionale :
 1ère étape : Création d’une simple zone de libre-échange entre les pays membres : son objectif principal est
d’éliminer les barrières douanières et les restrictions quantitatives existant entre les pays membres de
l’accord. Par contre, chaque pays peut soumettre les importations en provenance de l’extérieur de la zone à
son propre tarif extérieur. L’intérêt de ce type d’accord est limité, comme l’a montré l’échec de l’AELE
(Association Européenne de Libre Echange qui liait le Royaume-Uni, la Norvège, la Suède, L’Islande, la
Suisse, l’Autriche et le Portugal en 1960) car la coopération et l’intégration des différents pays sont minimales.
On ne peut alors parler véritablement de régionalisation des échanges.
 2ème étape : L’Union douanière qui correspond à une régionalisation plus poussée que la zone de libre
échange. En effet les partenaires adoptent une politique commerciale marquée par l’instauration d’un tarif
extérieur commun. Ainsi, le Zollverein, crée par les Etats de la Confédération allemande en 1834, a été un
des outils assurant la construction de l’empire allemand au XIX° siècle. De même, la CEE en 1957 comprend
une union douanière.
 3ème étape : Le marché commun ne se contente pas d’établir un tarif extérieur commun. Il élimine toutes les
entraves aux mouvements des facteurs de production (libre circulation du travail et du capital) à l’intérieur de
l’union assurant ainsi la libre circulation du capital et du travail. Cependant, quand la libre circulation des
facteurs est mise en œuvre la concurrence entre les pays est renforcé ce qui nécessite une coordination des
politiques économiques afin d’éviter une stratégie du type passager clandestin (nécessité d’harmoniser les
politiques fiscales, par exemple).
Formes de l’intégration
Caractéristiques
Exemples


Zone de libre échange

Absences d’obstacles
tarifaires (DD) et nontarifaires à l’intérieur de
la zone.
Protection nationale en
dehors de la zone




Union douanière




Marché commun

Zone de libre échange
Tarif extérieur commun
vis-à-vis du reste du
monde
Union douanière
Libre circulation des
hommes et des capitaux
Harmonisation fiscale et
réglementaire

AELE (1960) : GB,
Suisse, pays nordiques
ALENA (1992) : USA,
Canada, Mexique
APEC (1995) : NPI
d’Asie, Japon
AFTA (2002) : les pays
de l’ASEAN
CEE (1957-1968) : Italie,
Allemagne, France,
Benelux
MERCOSUR (1992)
Brésil, Argentine,
Uruguay…

Marché unique européen
(1986-1992)
Union économique


Marché unique
Politiques communes

UE (1992-1999)
Union économique et
monétaire


Union économique
Monnaie unique

UEM (1999-….)
 4ème étape : L’Union économique pousse plus loin la recherche de l’intégration puisqu’elle vise à harmoniser
les politiques économiques des pays membres. Mais, la coordination des politiques économiques se heurte à
la nécessité d’une coordination des politiques monétaires afin de limiter les risques de change et de
concurrence déloyale (une dévaluation compétitive, par exemple).
 5ème étape : L’union économique et monétaire constitue la phase ultime de l’intégration puisqu’elle crée une
monnaie unique gérée par une banque centrale commune (la BCE, par exemple). Les Etats abandonnent
ainsi un des principaux éléments de leur souveraineté : le droit de battre monnaie.
3. On peut donner plusieurs raisons au développement de cette intégration régionale :
 La proximité géographique : l’intensité des échanges entre pays dépend de la distance qui les sépare et de la
taille de leurs économies respectives. Ainsi, en 2012, la Chine, le Japon et la Corée du sud envisagent de
créer une zone de libre-échange.
 La polarisation des échanges : de par leurs poids économique, les Etats-Unis, le Japon et l’Union européenne
(la Triade) sont des centres économiques attractifs pour les pays qui leur sont proches historiquement et
géographiquement.
 La volonté politique d’échapper à la mondialisation soit parce que les pays jugent les règles de l’OMC trop
contraignantes (clause de la Nation la plus favorisée), soit parce qu’ils estiment qu’elles ne vont pas assez
loin dans la coopération (l’intégration européenne est la plus poussée dans ce domaine).
 La volonté des pays de constituer des blocs régionaux ayant suffisamment de poids pour négocier à armes
égales avec les pays du Nord dans le cadre de l’OMC.
Part des échanges intra-zone dans les exportations totales de marchandises des parties à certains accords commerciaux régionaux, 2010
4. Dès l’origine du projet européen, la solution de la zone de libre-échange est écartée. Ce sont les adversaires du
Traité de Rome qui ont tenté de mettre en place l’Association européenne de Libre Echange à partir de 1960 et
qui se sont par la suite, pour la plupart, intégrés à l’Union européenne. Dans l’Histoire de la construction
européenne, les degrés d’intégration ne sont pas des étapes qui se succèdent mais des processus qui
s’entrecroisent. Il existe bien cependant une dynamique de l’intégration, liée d’une part à des facteurs
économiques (chaque pas en avant vers l’intégration économique incite à franchir le pas suivant) et à des
facteurs politiques (chaque crise de l’Europe donne lieu à un approfondissement de l’intégration rendu
nécessaire pour sauvegarder le projet politique d’union européenne). Par exemple, l’union douanière et la libre
circulation des facteurs de production poussent à l’intégration monétaire afin de réaliser des économies de coûts
de transaction et la crise du Système monétaire international (SMI, 1971-1973) pousse à la création du Système
monétaire européen (SME, 1979-1999).
b) – La construction du marché unique
1. La construction européenne, prévue par le Traité de Rome du 25 mars 1957, repose à la fois sur la création
d’un marché unique, qui autorise la libre circulation des marchandises, du travail et des capitaux, et sur la mise
en place d’institutions communes préparant les « États-Unis d’Europe » pour les fédéralistes ou des
« coopérations renforcées » pour les partisans d’une « Europe confédérale » ou d’une « Europe des Nations »
(Commission européenne, Monnaie unique...).
2. L’intégration par le marché s’est faite en plusieurs étapes :
 1ère étape : Le marché commun des biens (1958-1968). Sa construction a pris dix ans. Elle est passée par :


La suppression des droits de douane et des contingentements entre les pays de la CEE ;
La mise en place d’un « tarif douanier commun » qui alimentera le budget de la CEE.
 2ème étape : Le marché unique (1986-1993) suppose l’élimination d’autres barrières à l’entrée (les normes,
les monopoles publics…), une harmonisation fiscale sur les produits et les capitaux, un marché des capitaux
et un marché du travail unifiés. C’est la raison pour laquelle, « l’Acte unique européen » (1986) prévoyait la
création du Grand Marché unique pour le 1er janvier 1993 avec :





La création de normes techniques, sanitaires et environnementales communes aux pays de l’UE ;
L’ouverture des services financiers et des marchés publics à la concurrence européenne ;
L’harmonisation progressive des taux de TVA et de la fiscalité sur l’épargne ;
La suppression du contrôle des changes afin de donner naissance à un marché européen des capitaux
qui prendra effet le 1er juillet 1990.
La liberté d’installation professionnelle à l’intérieur de l’Union ce qui suppose une harmonisation des
habilitations professionnelles et des diplômes (la réforme Licence-Master-Doctorat pour les études
supérieures, par exemple).
3. La création d’une Union économique européenne s’est donc réalisée à partir de l’institutionnalisation d’un
marché dans lequel les conditions de libre concurrence devaient être respectées. D’où l’instauration de normes
qui institutionnalisent le marché. L’idée des pères fondateurs de l’Europe était, après la guerre, de rapprocher
les peuples européens en les rendant interdépendants du point de vue économique.
4. L’intégration par le marché repose sur l’analyse traditionnelle du gain à l’échange et de l’allocation optimale des
facteurs. Le marché unique était censé dynamiser la croissance des pays de l’union pour plusieurs raisons :
Libéralisation et augmentation
de la taille du marché
Hausse de la concurrence
Economies d’échelle
Innovation et
spécialisation
Gains de productivité
Compétitivité structurelle
Baisse des prix
Hausse du pouvoir
d’achat
Hausse de la demande
Création d’emplois
Croissance du PIB
Investissement
 L'intégration économique permet la baisse des prix et une hausse du pouvoir d’achat des consommateurs. En
effet, la suppression des barrières douanières fait baisser les prix directement en supprimant les droits de
douane, mais surtout indirectement en renforçant la concurrence entre les producteurs européens (extension
des marchés). Par ailleurs, l'élargissement des débouchés renforce la spécialisation et permet la réalisation
de gains de productivité, d'économies d'échelles (réduction des coûts liés à la taille), ce qui va là encore dans
le sens d'une réduction des prix et d’une croissance plus dynamique.
 L'intégration économique augmente la compétitivité des entreprises européennes au niveau mondial. La
baisse des prix accroît la compétitivité-prix des producteurs européens par rapport au reste du monde : les
exportations sont stimulées et les importations découragées. Mais l'amélioration de la compétitivité ne repose
pas que sur les prix : l'intensification de la concurrence à l'intérieur de l'Europe pousse les entreprises
européennes à innover, et à accroître la compétitivité hors-prix.
 L’intégration renforce les échanges à l’intérieur de l’Union. L’élimination des droits de douane diminue le prix
des marchandises, ce qui devrait se traduire par une préférence pour les biens européens et un renforcement
des échanges intra-communautaires.
 Enfin, en laissant circuler librement les facteurs de production, ils espèrent une meilleure allocation des
facteurs de production (travail et capital) et donc, là encore, une croissance plus dynamique. La libre
circulation des travailleurs devrait permettre la résorption du chômage en permettant aux travailleurs de
s’installer dans les zones les plus dynamiques. La libre circulation des capitaux devrait se traduire par une
baisse des coûts de financement (Taux d’intérêt, commissions) favorable à l’investissement.
5. Cette hausse de la croissance dans les pays de l’Union européenne devait être favorable à la baisse du
chômage et à un rétablissement des finances publiques. En effet, une forte croissance permet la création
d’emplois, ce qui diminuent les dépenses sociales (moins de chômeurs à indemniser), et fournit des recettes
fiscales (TVA, impôts sur les revenus) et sociales (hausse des rentrées des cotisations sociales). Les déficits
budgétaires et sociaux devraient être appelés à disparaître.
c) – La construction de la monnaie unique
1. La Communauté européenne a fait le choix des changes fixes, d’abord dans le cadre de Bretton Woods (19441971) après l’entrée en vigueur de l’Accord Monétaire Européen (décembre 1958), ensuite, face à l’instabilité
monétaire internationale créée par l’abandon des changes fixes décrété en 1971 par le Président Nixon et le
flottement des taux de change adoptés par les accords de la Jamaique en 1976. Au sein d’une union douanière,
la variation des taux de change pose des problèmes au commerce international des entreprises car elles font
face à un risque de change : les paiements se faisant à 3 mois, la variation du taux de change entre la signature
du contrat et le paiement de la facture peut se traduire par une perte ou un gain selon que le taux de change
s’apprécie ou se déprécie.
2. C’est la raison pour laquelle les pays de la Communauté économique européenne adoptent le Système
Monétaire Européen (SME) en 1979 qui est un système monétaire régional rétablissant les changes fixes au
sein de la zone. Le SME présente un certain nombre de caractéristiques :




Les parités sont fixes : des cours-pivots sont officiellement établis autour de la monnaie commune l’ECU
qui sert d’unité de compte ;
Les parités sont ajustables : les cours-pivots peuvent être modifiés en fonction de l’évolution économique
des pays (Réévaluation / Dévaluation) ;
Des marges de fluctuations sont instaurées : les monnaies peuvent varier les unes par rapport aux autres
de +/- 2,25%. Cette marge de variation sera élargie à +/- 15 % après la crise monétaire de 1993 (2 août
1993 au 31 Décembre 1998.) ;
Les Banques Centrales européennes ont l’obligation d’intervenir sur le marché des changes quand les
monnaies s’écartent de leur cours pivot.
3. Le SME s’est trouvé remis en cause au début des années 1990 du fait des limites même de son mode de
fonctionnement :
 D’une part, les pays n’ayant pas les mêmes taux d’inflation, ils vont être contraints de modifier assez
fréquemment les parités officielles. Les pays les plus inflationnistes (Royaume-Uni, France, Italie) ont dû
dévaluer leurs monnaies lorsque leur compétitivité-prix était menacée (déficit de la balance courante). Les
pays les moins inflationnistes (Allemagne, Hollande) réévaluaient, dans le même temps, la leur. Le SME s’est
donc transformé en zone Mark obligeant les pays inflationnistes à mener des politiques désinflationnistes pour
rester compétitifs vis-à-vis de l’Allemagne. Leurs politiques étaient donc contraintes par l’extérieur.
 D’autre part, la libération des mouvements de capitaux, décidée en 1990, a permis des actions spéculatives
sur les monnaies (en 1992 pour la Livres Sterling et la Lire, en 1993 pour le Franc). Les Banques centrales
n’étaient plus capables de maintenir les taux de change dans le tunnel des parités officielles.
Le triangle d’incompatibilité de Robert Mundell :
4. Le prix Nobel 1999, Robert Mundell a montré l’existence d’un triangle d’incompatibilité : entre la liberté des
marchés financiers, la fixité des taux de change et la liberté des politiques économiques, il faut choisir. Un
pays peut décider librement du choix de deux de ces trois variables mais la troisième lui est imposée. Ainsi,
un taux de change fixe est incompatible avec une politique monétaire autonome et la libre-circulation des
capitaux. C’est la raison pour laquelle Robert Mundell est favorable à la création de l’euro qui, avec une liberté
des marchés financiers, redonne des marges de manœuvres aux politiques économiques en Europe à
conditions qu’elles soient coordonnées.
Politique monétaire
indépendante
Libre circulation des
capitaux
Taux de
change fixe
France avant SME (1979) et flottement
des monnaies (1973)
Oui
Non
Oui
France pendant SME
Non
Oui
Oui
Zone €uro depuis 1999
Oui
Oui
Non
Etats-Unis depuis 1973
Oui
Oui
Non
Chine en 2013
Oui
Non
Oui
Vis-à-vis du reste du monde
5. Le passage à la monnaie unique est un processus qui s’étale sur une décennie et qui s’est déroulé selon un
calendrier précis. Le Traité de Maastricht de 1992 instaurait trois étapes pour arriver à la monnaie unique.
 En 1995, les quinze Etats membres de l'Union européenne se sont mis d'accord sur son nom : l'Euro. Ils ont
alors fixé les conditions, le calendrier et les modalités de passage à la monnaie unique.
 En mai 1998, onze des pays souhaitant participer à la monnaie unique ont été retenus au regard des critères
de convergence fixés dans le Traité de Maastricht :





Le déficit public doit être inférieur à 3% du PIB ;
La dette publique doit être inférieure à 60% du PIB ;
Le taux d'inflation ne doit pas dépasser de plus de 1,5 point celui des 3 pays ayant la plus faible
inflation ;
Le taux d'intérêt à long terme ne doit pas dépasser de plus de 2 points celui des 3 pays les plus
stables en matière de prix ;
Les marges de fluctuation du SME doivent être respectées.
Les critères de convergence ont pour but d’assurer des évolutions économiques harmonieuses au sein de
l’UEM, qui ne provoquent pas de tensions entre les États membres de l’Union. Les critères relatifs au déficit
public et à la dette publique doivent toujours être respectés, même depuis le début de la troisième phase, le
1er janvier 1999. Cependant, l'Italie, la Grèce, la Belgique ont été intégrés dans la zone euro alors qu'ils ne
respectaient pas le critère de la dette.
 Le 1er janvier 1999, onze pays de l’Union européenne ont abandonné leur monnaie nationale pour l’Euro,
géré par une institution indépendante : la Banque centrale européenne (BCE). Les pièces (monnaie
divisionnaire) et les billets (monnaie fiduciaire) se sont diffusés avec succès le 1er janvier 2002. On est donc
passé d’un Marché commun à une Union économique et monétaire (UEM) qui suppose une coordination des
politiques nationales et des autorités supranationales chargées de diriger et contrôler l’acquis communautaire,
sans, pour l’instant, avoir une Union politique c’est-à-dire un gouvernement commun issu de la souveraineté
populaire détenue par des citoyens européens
6. La création de la monnaie unique supposait un abandon de souveraineté. Cet abandon doit donc bien avoir
des raisons puissantes. Quels sont les avantages attendus de la monnaie unique ? Il y en a plusieurs :
 Tous les acteurs vont réaliser des économies sur les coûts de transaction. Les coûts de transaction sont ceux
qu'il faut supporter quand on est amené, du fait de l'échange, à changer des monnaies entre elles: les
intermédiaires financiers qui réalisent ces opérations de change se font normalement payer ; à partir du
moment où il n'y a plus qu'une monnaie, il n'y a plus de change pour toutes les opérations entre pays de la
zone euro, et donc plus de commissions de change (Environ 5% de la transaction). Ceci augmentera le
pouvoir d’achat des consommateurs et des entreprises.
 L'autre avantage, c'est aussi qu'il n'y a plus d'incertitude pour les échanges entre pays de la zone euro, sur le
prix relatif des monnaies entre elles, puisqu'il n'y a plus qu'une seule monnaie. Avant, comme les taux de
change pouvaient fluctuer, les acteurs économiques qui signaient des contrats avec paiement différé
couraient toujours un risque de change. En effet, une trop grande volatilité des taux empêchent les firmes de
connaître le prix futur, exprimé en monnaie nationale, des produits qu’elles échangent. Ce risque est
supprimé, évidemment, entre pays de la zone euro. Désormais, le commerce se fera « à armes égales ».
Monnaie unique
Suppression de la
commission de change
Réduction de
l’incertitude des firmes
Meilleure circulation
des capitaux dans
l’Union
Baisse des prix et
hausse du pouvoir
d’achat
Investissement
Baisse du taux d’intérêt
Croissance du PIB
Hausse de l’emploi
 La transparence augmente sur les marchés : il n'y aura plus de problèmes pour comparer les prix en France
et en Italie par exemple, puisqu'ils seront libellés tous en euros. Cela facilite donc la réalisation d'une réelle
concurrence entre les entreprises des pays membres de la zone euro. Or, on sait que la concurrence exerce
une pression à la baisse sur les prix, dans la mesure où elle incite les entreprises à ne pas réaliser de
superprofits comme elles peuvent le faire quand il n'y a pas de réelle concurrence. Cela empêche aussi
certaines pratiques des entreprises, qui consistent à fragmenter leur marché : ainsi, Renault, comme toutes
les entreprises automobiles, ne vend pas au même prix ses voitures dans toute l'Europe, le prix est par
exemple plus faible en Belgique, où la concurrence est forte parce qu'il n'y a pas de producteur automobile
national, qu'en France pour la même voiture. On peut donc penser que les différences de prix se verront
davantage quand ils seront tous libellés en euros et que les consommateurs se débrouilleront pour acheter là
où c'est le moins cher. Cela entraînera probablement un alignement progressif des prix dans toute l'Europe. Si
les prix baissent, on est ramené à un raisonnement que l'on a déjà rencontré souvent : le pouvoir d'achat
augmente, donc la demande augmente. Pour la satisfaire, il faut produire davantage. Pour cela, les firmes
peuvent augmenter la productivité et/ou embaucher et/ou importer. Les résultats sur la croissance intérieure
ne sont pas les mêmes, mais globalement ils sont favorables à la croissance économique des pays de la zone
euro.
 Contraindre les Etats à lutter contre l’endettement public en réduisant leur déficit budgétaire. La compétitivitéprix de la zone devrait augmenter sur le marché mondial. La stabilité monétaire devrait attirer les capitaux
internationaux (plus d’offre de capitaux) et la baisse des déficits publics devrait diminuer la demande de
capitaux. D’où une baisse des taux d’intérêt à long terme favorable à l’investissement.
 L'euro est la monnaie d'un ensemble économique intégré qui pèse un poids comparable à celui des EtatsUnis. Vis-à-vis des tiers, l'euro est plus crédible que n'importe laquelle des monnaies nationales qui se sont
réunies dans l'euro. Cela signifie que l'euro sera une monnaie plus demandée, plus recherchée, par exemple
pour constituer des réserves. Résultat: les européens trouveront plus facilement des capitaux sur les marchés
internationaux, et ils les trouveront à un taux d'intérêt plus faible (quand on fait confiance à un emprunteur, on
lui fait payer son emprunt moins cher). Pour les entreprises européennes, c'est évidemment intéressant dans
la mesure où elles réaliseront des économies sur le coût du capital, par exemple pour financer leurs
investissements.
d) – Des politiques communes
1. Les Etats ont également favorisé l’intégration par la mise en place de « politiques communes ». Pour cela la
Commission européenne dispose d’un budget européen. Il est issu des contributions des États membres et
est établi et exécuté en euro depuis 1999. La contribution de chaque État est proportionnelle à sa richesse et
à son niveau de développement. Ainsi, la somme des contributions de l'Allemagne, de la France, de l'Italie et
du Royaume-Uni représente presque les deux tiers des recettes totales de l'Union. Le montant du budget
représente environ 1 % de la richesse globale de l'Union européenne.
Le budget de l’Union européenne
2. La Politique agricole commune (PAC) est une politique mise en place à l'échelle de l’Union européenne,
fondée principalement sur des mesures de contrôle des prix et de subventions, visant à moderniser et
développer l'agriculture. La PAC est une des plus anciennes (1962) et jusqu'à peu la plus importante des
politiques communes de l’UE (environ 35 % du budget européen, 44% si on englobe le Développement rural)
en matière budgétaire. Créée par le traité de Rome en 1957, elle a été mise en place en 1962. Ses objectifs
sont :
 Accroître la productivité de l'agriculture en développant le progrès technique, en assurant le développement
rationnel de la production agricole ainsi qu'une utilisation optimale des facteurs de production, notamment de
la main-d'œuvre ;
 Garantir la sécurité alimentaire de l’Union ;
 Assurer des prix raisonnables dans les livraisons aux consommateurs ;
 Assurer un niveau de vie décent aux agriculteurs grâce à des prix garantis et des aides directes au revenu
permettant d’isoler l’agriculture européenne des variations des prix mondiaux.
 Depuis, s’y sont ajoutés les principes de respect de l’environnement et de développement rural.
3. D’autres politiques communes existent. C’est le cas de la politique régionale des « fonds structurels », qui
sont distribués aux régions les plus pauvres de l’Europe pour les aider à se développer et rejoindre le niveau
moyen européen. On peut citer aussi la politique de la concurrence, qui contrôle les concentrations
d’entreprises importantes, lutte contre les abus de position dominante et surveille les aides des Etats aux
entreprises. Enfin, on peut donner comme exemple la politique commerciale commune dans laquelle le
représentant de l’UE négocie au sein de l’OMC au nom de tous les pays membres (il s’agit du commissaire
européen chargé de la politique commerciale). Ainsi, c’est l’UE qui négocie en 2013 un traité de libre-échange
avec les Etats-Unis.
Suppression
des droits de
douane
Pays
cloisonnés
Zone de
libreéchange
Tarif
douanier
commun
Libre
circulation
des facteurs
Union
douanière
Traité de Rome 1957
Réalisé en 1968
Po. commerciale
commune
Marché
unique
Acte unique 1985
Réalisé en 1993 pour
les capitaux, le
travail et les services
Harmonisation
et politiques
communes
Union
économique
Monnaie
unique
Union
économique
et monétaire
Traité de Maastricht
1992
Réalisé en 1999 mais
les politiques
fiscales et
budgétaire ne sont
pas harmonisées
Union
politique
Traité de Lisbonne
2007
Réalisé en 2010
Renforcement des
institutions
supranationales
e) – La place de l’UE dans l’économie globale
1. L’Union européenne est une zone de plus en plus intégrée au niveau de ses échanges. De nombreux
indicateurs nous le démontrent :
 L’Union européenne, à 27, est la première puissance économique mondiale avec un produit intérieur brut
(PIB) de 14 370 milliards de dollars en parité de pouvoir d’achat 2005, soit 19,4% du PIB mondial en 2012. Il
est supérieur de 2,4% à celui des États-Unis mais pour une population bien plus importante (prés de 507
millions d’habitants au 1er janvier 2012 contre 320 millions pour les Etats-Unis).
Parts dans le PIB mondial en PPA 2005 (1960-2012) (en % du PIB mondial)
 L’Union européenne est la première puissance commerciale du monde, avec 37% du commerce mondial.
Sans compter les échanges intracommunautaires (la France réalise 66% des ses échanges internationaux
avec les partenaires de l’Union), elle maintient cette position en excluant le commerce intra-zone avec 13%
des exportations mondiales et 14% des importations mondiales en 2012 (pour seulement 7,2% de la
population mondiale en 2012).
 Les firmes européennes se sont renforcées. Les flux croisés d’IDE, qui ont pris souvent la forme de fusionsacquisitions, ont donné naissance à des firmes européennes de taille mondiale. En 2011, l’UE a attiré une
grande partie des investissements mondiaux. Elle représente 37% des IDE sortants et 30% des IDE entrants
sur un flux total de 1 540 milliards de $. En 2011, un tiers des 500 premières firmes mondiales étaient
européennes contre 30% pour les Etats-Unis et 12% pour le japon.
2. Dix ans après sa création, l'Euro semblait être un succès incontestable. Pour un habitant sur deux de la zone
euro, UE rime avec monnaie unique. Le nombre de pays ayant adopté l'euro a augmenté : de 11 initialement,
il est passé à 17 au début de 2011 et devrait continuer de croître. L’Euro a eu plusieurs effets positifs sur
l’économie européenne :
 L’élimination du risque de change et la diminution des coûts des transactions transfrontalières ont contribué
au développement du marché unique et à l’intégration des marchés de produits. Les flux commerciaux intrazone représentent aujourd’hui un tiers du PIB de la zone, contre un quart il y a dix ans. Selon les estimations
disponibles, cette hausse serait due, pour moitié, à l’élimination de la volatilité du taux de change. En outre,
l’IDE intra-zone représente désormais, lui aussi, un tiers du PIB contre un cinquième initialement. On estime
que deux tiers de cette hausse seraient directement imputables à la création de la monnaie unique. À son
tour, cette évolution a engendré d'importantes économies d’échelle. Elle a renforcé la concurrence et a eu
des effets notables sur la productivité.
 L’euro a contribué à faire converger les taux d’inflation des pays membres. D’une part, on a assisté à une
désinflation dans la zone. Le taux d’inflation était, en moyenne, à peine supérieur à 2 % durant les dix
premières années de l’UEM, contre 3 % dans les années 1990 et 8 % à 10 % dans les années 1970 et 1980.
D’autre part, l’écart entre le taux d’inflation des pays les plus inflationnistes et celui des pays les moins
inflationnistes s’est réduit. D’où une convergence dans la hausse des prix qui peut s’expliquer :



Par une politique rigoureuse de la BCE dont l’objectif est la lutte contre l’inflation. Elle a bénéficié à tous
les pays de la zone euro.
Par l’accroissement de la concurrence à l’intérieur du marché unique qui a obligé les firmes à être plus
compétitives, à réduire leurs coûts et leurs prix.
Par la diminution du prix des importations en provenance des pays émergents mais aussi des pays de
l’UE qui avaient les prix les plus faibles.
Taux d’inflation en France
Hausse des prix en moyenne annuelle dans la zone euro (en % et en points)
Zone euro
1
Ecart maximum
1996
1998
2000
2002
2004
2006
2008
2010
2,4
1,4
2,1
2,3
2,1
2,1
3,9
1,5
7,2
4,0
3,9
3,4
3,1
2,3
1,7
1,2
1
Ecart maximum = différence entre le pays le plus inflationniste et le moins inflationniste de la zone euro
 L'euro est également la deuxième monnaie la plus échangée sur les marchés des changes internationaux et il
est utilisé dans plus d’un tiers des opérations de change. Son utilisation officielle a augmenté en tant que
monnaie de réserve : la part mondiale des réserves officielles en euros est ainsi passée de 18 % en 1999 à
plus de 28 % en 2012. Son rôle comme monnaie de facturation ou de règlement des échanges s’est accru lui
aussi : la monnaie unique est ainsi utilisée dans plus de 50 % des échanges extérieurs de la zone euro. Elle
est également devenue très importante dans de nombreux pays tiers, notamment dans les pays candidats à
la zone euro et les pays voisins membres de l’UE, qui facturent déjà environ 60 % de leurs échanges en
euros. Depuis 2002, l’euro s’est apprécié vis-à-vis du dollar de 45,5%.
Le cours de l’Euro en dollar de 1999 à 2013
3. Cependant, le marché unique et la création de la zone euro n’ont pas donné tous les effets attendus. On peut
noter plusieurs insuffisantes du processus d’intégration :
 Le rattrapage de l’UE vis-à-vis des Etats-Unis s’est arrêté à partir des années 1990. D’une part, l’UE a eu une
croissance en moyenne inférieure à celle des Etats-Unis et à celle des pays émergents. D’autre part, la
croissance de l’UE s’est ralentie dans les années 2000 par rapport aux années antérieures. Avec un taux
inférieur à 2 % par an, la croissance potentielle reste trop faible. On peut expliquer cette mauvaise
performance par :

Un manque de mobilisation du facteur travail : un taux d’emploi, une durée annuelle du travail, une
productivité par tête plus faibles qu’aux Etats-Unis au point que certains ont parlé d’un modèle social
européen en faveur des loisirs.

Un manque d’investissement dans les nouvelles TIC : les efforts de recherche et de diffusion des
innovations seraient insuffisants en Europe par rapport à nos concurrents.

Une politique monétaire trop restrictive : les taux d’intérêt de la BCE seraient restés trop élevés et le pacte
de stabilité et de croissance auraient empêché les Etats d’avoir des politiques budgétaires plus
dynamiques.

Enfin, le vieillissement rapide de la population européenne n’est pas facteur de dynamisme : la part de la
population retraitée augmentera, ce qui réduira le potentiel de croissance économique. En effet, le ratio
entre la population en âge de travailler et les retraités devrait être divisé par deux au cours des quarante
prochaines années, et dans l'hypothèse de politiques inchangées, la croissance du PIB potentiel de la
région ralentira pour atteindre un rythme à peine supérieur à 1 % par an, contre 2 % environ actuellement.
Croissance comparée (PIB par tête en PPA en volume, Etats-Unis = 100)
Union Européenne à 15
Japon
NPI d’Asie
Amérique Latine
Afrique
1960
64
38
14
28
10
1970
68
65
19
26
9
1980
72
74
27
30
8
2011
68
71
66
24
9
La crise de 2008-2009 a accentué ce phénomène car elle a touché davantage l'Europe que les Etats-Unis et,
surtout, les pays émergents.
2. Ensuite, d’importantes différences économiques subsistent entre les pays.
 D’une part, les taux de croissance ne sont pas les mêmes au sein de l’UE et les cycles sont souvent
déconnectés ce qui montre que l’intégration n’est pas totale (la crise de 2009 faisant exception parce qu’elle
est avant tout mondiale). D’autre part, les moteurs de la croissance ne sont pas les mêmes d’un pays de
l’union à l’autre. La demande intérieure a soutenu la croissance espagnole ou la croissance française alors
que les exportations ont dopé la croissance allemande. En effet, les politiques économiques ont été
différentes d'un pays à l'autre et n'ont pas été coordonnées avec celle de la BCE.

L'Allemagne, les Pays-Bas et les pays nordiques ont privilégié leur compétitivité en flexibilisant le
marché du travail et en menant une politique rigoureuse en matière budgétaire, ils ont pu freiner la
hausse de leurs coûts unitaires et dégager des excédents de leur balance courante au détriment des
autres pays de la zone euro qui ont une balance courante déficitaire.

Les autres pays ont préféré vivre au dessus de leurs moyens. La faiblesse des taux d'intérêt réels a
incité les ménages, les entreprises et les Etats à s'endetter. La hausse de l'euro a rendu les
exportations de ces pays moins compétitives. Leur balance courante est devenue fortement déficitaire
alors que les Etats, pour soutenir la croissance après la crise, s'endettaient davantage au risque de
perdre la confiance des marchés financiers et de déclencher une crise de liquidité et de solvabilité
faisant baisser l'euro.
Balance courante au sein de la zone euro
 En conséquence, on observe une forte progression du chômage depuis 2008 et des disparités importantes de
pays à pays : malgré les 16 millions d’emplois créés entre 1998 et 2008 et la baisse du taux de chômage à
7% des actifs en fin de période, l’UE reste une zone de chômage élevé avec des disparités importantes de
pays à pays. La crise de 2008-2009 a considérablement augmenté ces taux de chômage et provoqué de
grosses différences entre les pays. En 2012, 26,2% des actifs espagnols sont au chômage contre 11,8% pour
l’ensemble des actifs de l’UE et 5,4% des actifs allemands, 7,8% des actifs américains et 4,3% des actifs
japonais.
 D’autre part, on constate des divergences en matière de déficit budgétaire et de dette publique : la crise a fait
augmenter les dépenses publiques alors que les recettes diminuaient. En conséquence, les déficits et la dette
se sont creusés plus rapidement dans les pays du Sud que dans les pays du Nord de l’Europe. En
conséquence, les écarts de taux d’intérêt (les « spreads ») se sont creusés car les détenteurs de capitaux
exigent des taux d’intérêt à long terme très élevés aux Etats lorsqu’ils doutent de leur solvabilité (La Grèce,
l’Espagne, le Portugal, l’Italie…) alors qu’ils prêtent à des taux très faibles aux Etats qui sont considérés
comme des placements sûrs (L’Allemagne, les Pays-Bas, la France…).
Des performances inégales depuis la création de l’Euro
Allemagne
France
Royaume-Uni
Espagne
Italie
Irlande
Zone Euro
UE
Etats-Unis
Japon
Taux de
chômage
1999
2012
8,2
5,4
11,0
10,6
5,9
7,7
12,5
26,2
11,0
11,2
5,7
14,1
9,3
10,6
8,5
11,8
4,2
7,8
4,7
4,3
Taux d'inflation
1999
0,6
0,6
1,3
2,2
1,7
2,5
1,1
1,2
2,2
- 0,3
2012
2,1
2,2
2,8
2,4
3,3
1,9
2,5
2,6
2,7
- 0,2
PIB par tête
100 = EU
1999
2011
112,6
117,6
104,1
108,0
110,3
114,0
66,7
100,2
90,9
100,2
98,4
127,3
94,7
107,9
100
100
142,0
148,0
148,7
106,0
Balance courante
En % du PIB
1999
2011
- 1,2
4,9
1,0
- 2,3
- 2,4
- 0,6
- 2,7
- 4,0
1,0
- 3,6
0,3
0,5
0,4
0,1
0,1
- 0,2
- 3,0
- 3,0
2,6
2,2
Dette publique
En % du PIB
1999
2012
60,9
81,9
58,2
90,2
43,7
90,0
40,9
84,2
113,7
127,0
48,1
117,6
71,6
89,7
67,0
85,3
61,4
100,5
128,3
214,1
3. L’élargissement de l’UE a de nouveaux pays accroit, peut-être momentanément, ces divergences. Les
structures économiques et sociales des nouveaux arrivants ne sont pas les mêmes que ceux des pays de l’UE
(un secteur agricole encore important, un secteur industriel à restructurer). Les niveaux de vie diffèrent
sensiblement et les niveaux de protection sociale sont largement inférieurs aux standards des autres pays de
l’UE ce qui fait craindre une concurrence déloyale, un « dumping social ».
Rapport entre le PIB par habitant du pays le plus riche avec celui du pays le plus pauvre
B – Comment coordonner les politiques économiques au sein de l’UE ?
a) – Une politique monétaire commune à la zone euro et indépendante des Etats
1. La crise financière qui a débuté en 2007-2008 puis la crise des dettes souveraines à partir de 2010 ont fait
éclater en pleine lumière les insuffisances de la gouvernance de la zone euro et plus largement de l’Union
européenne. Alors qu’au moment de la mise en place de l’euro de nombreux commentateurs s’inquiétaient
des effets destructeurs d’un possible choc asymétrique, c’est un choc symétrique (celui de la crise mondiale)
qui a fait vaciller la construction européenne, notamment dans sa dimension monétaire.
2. Au départ, on a considéré que les politiques budgétaires des Etats devaient être encadrées par une politique
monétaire indépendante des Etats. L'Union européenne, et notamment la zone euro, se méfient fortement des
déficits budgétaires excessifs susceptibles de menacer la stabilité monétaire de l'ensemble. Cette défiance,
surtout allemande, repose sur la crainte qu’une trop forte croissance de la masse monétaire entretienne
l’inflation. Cette inquiétude est enracinée dans la mémoire des expériences douloureuses de l'entre-deux
guerres (la crise des années 20 et l’hyperinflation en Allemagne) et de leurs conséquences politiques, avec
l'accession au pouvoir de régimes totalitaires dans plusieurs pays européens et le drame de la Seconde
Guerre mondiale.
3. Aussi, la politique monétaire de la zone euro a-t-elle été confiée à une banque centrale — la BCE — dont
l'indépendance à l'égard des autorités politiques, nationales ou européennes, est sans équivalent dans le
monde. La BCE, dont le mandat est d'assurer prioritairement la stabilité monétaire de la zone euro, a la
faculté de choisir elle-même son objectif d'inflation, la manière dont elle entend le poursuivre, et n'a de compte
à rendre à personne sur son action contrairement à la Banque d'Angleterre, pourtant indépendante elle aussi,
se voit fixer son objectif d'inflation par le gouvernement, et est soumise à des exigences de transparence de
ses décisions.
4. L’objectif de la BCE est d’avoir un taux d’inflation inférieur à 2% l’an en contrôlant la croissance de la masse
monétaire et donc l’émission de monnaie et de crédits. Elle a admis un certain assouplissement, en faisant de
ce taux une cible à moyen terme, qu'elle vise en moyenne. Il en résulte une politique un peu trop restrictive,
surtout en période de hausse des prix de l'énergie. Cependant, la fixation de cet objectif rencontre deux types
de difficultés dans la zone euro :
 Les pays de la zone euro n’ont pas les même taux d’inflation ce qui pose le problème du choix du taux
directeur. Si elle impose un taux d’intérêt élevé ce sont les pays les plus vertueux, c’est-à-dire les moins
inflationnistes, qui sont pénalisés car leur taux d’intérêt réel (taux nominal – taux d’inflation) devient très
élevé. Si elle décide d’un taux faible, ce sont les pays vertueux qui peuvent ainsi soutenir leur croissance
avec le risque que l’inflation s’accélère dans les pays inflationnistes mais cela conduit à des taux d’intérêt
réels négatifs pour les pays inflationnistes (Espagne…) qui facilitent leur surendettement.
La diversité des situations financières dans la zone euro
1999
2001
2003
2005
2007
2009
2011
Taux d’intérêt nominal
de la BCE
3%
4,5%
2,5%
2,25%
3,75%
2%
1,25%
Inflation France
0,5%
1,8%
2,2%
1,9%
1,6%
0,1%
2,2%
Taux d’intérêt réel
France
2,5%
2,7%
0,3%
0,35%
2,15%
1,9%
- 0,95%
Inflation Espagne
6,2%
8,4%
5,6%
2,5%
3,6%
0,8%
2,6%
Taux d’intérêt réel
Espagne
-3,2%
-3,9%
-3,1%
-0,25%
0,15%
1,2%
- 1,35%
Inflation Slovénie
/
/
/
/
2,8%
-0,2%
2,0%
Taux d’intérêt réel
Slovénie
/
/
/
/
0,95%
2,2%
- 0,75%
 De même, les pays de la zone euro ne présentent pas le même bilan en matière de solde extérieur. Si
l’Allemagne accumule les excédents, la France et l’Italie collectionnent les déficits. Un Euro fort n’a qu’une
incidence limitée sur les résultats de l’Allemagne car elle bénéficie d’une forte compétitivité structurelle
(spécialisation dans les biens d’équipement) alors qu’il pénalise la France et l’Italie dont la compétitivité
repose davantage sur les prix. Il est donc difficile de connaître le taux de change optimal pour l’ensemble
des pays de la zone.
5. La politique de la BCE est apparue comme moins dynamique que celle de la Fed (la Banque centrale des
Etats-Unis). Cette dernière, en effet, a aussi pour mandat de soutenir la croissance. En conséquence, la Fed
agit plus tôt et avec plus de vigueur que la BCE. Ainsi :
 Au moment de la reprise de l’inflation en 2005 (forte hausse des prix du pétrole et du prix des matières
premières), la Fed n’hésite pas à augmenter fortement son taux d’intérêt (à plus de 5%) pendant l’année
2005 alors que la BCE ne réagit qu’en 2006 avec un taux qui ne dépasse pas les 4%.
 Au moment de la récession de 2008-2009, la Fed abaisse rapidement son taux directeur à un niveau
proche de 0% en 2008 afin de soutenir la croissance et d’éviter la déflation (baisse des prix) alors que la
BCE n’agit qu’à la fin 2008 et se refuse de baisser ses taux au dessous de 1%.
6. Enfin, la politique de change est partagée, de façon ambiguë, entre la BCE et les ministres des finances de la
zone euro (Traité de Maastricht). En conséquence, personne ne maîtrise véritablement cette politique. La valeur
de l’Euro est donc fixée librement sur le marché des changes en fonction de l’offre et de la demande qui
dépendent, en partie, des anticipations des agents du marché sur les politiques monétaire et budgétaire
menées au sein de la zone euro et aux Etats-Unis. Si la politique américaine apparaît comme trop
expansionniste et trop inflationniste, les marchés vont se détourner du dollar et acheter de l’Euro. A contrario, si
les perspectives de croissance apparaissent plus solides aux Etats-Unis que dans l’UE, l’Euro va se déprécier
vis-à-vis du dollar. La valeur de l’Euro dépend donc, en grande partie, des décisions qui sont prises en dehors
de la zone. L’euro n’est pas seulement une monnaie sans État. C’est une monnaie sans souveraineté. Faute de
gouvernement politique, l’euro ne sert pas le projet européen. Le Etats ayant voulu conserver leur compétence
en matière de budget, la dévaluation est impossible pour l’Euro comme le montre le triangle des incompatibilités
de Mundell. Pour retrouver une compétitivité, les pays sont condamnés à une déflation interne (baisse des
salaires réels et des prix) comme le font depuis 2010 la Grèce, l’Espagne, le Portugal…
b) – Des politiques budgétaires nationales non coordonnées et contraintes
1. Les politiques budgétaires restent définies au niveau national mais elles sont encadrées par le « pacte de
stabilité et de croissance » (PSC) adopté en 1997 au sommet européen d’Amsterdam. Le PSC concerne
avant tout la zone euro. L’objectif est de soutenir la politique de stabilité des prix de la BCE et d'éviter les
effets de débordement négatifs d’une politique budgétaire trop déficitaire d'un État sur ses partenaires. En
effet, avec la mise en place de l’Euro, les Etats peuvent être tentés :
 De mener des politiques de déficit budgétaire important pour soutenir la croissance économique du pays
sans subir la contrainte extérieure puisqu’ils n’ont pas à défendre le cours de leur monnaie. En effet, les
pays européens de la zone euro ne sont plus contraints d'équilibrer leurs échanges entre eux car une seule
monnaie sert aux échanges. Les Etats européens sont donc globalement moins tributaires de l'équilibre de
leur balance courante. Ils seront donc en principe beaucoup plus libres pour mener la politique économique
qu'ils souhaitent.
 De s’endetter davantage car la création d’un marché de capitaux unifié dans la zone euro a tendance à
diminuer les taux d’intérêt et donc la charge de la dette de l’Etat. En effet, la zone euro, par les avantages
qu'elles présentent au niveau des coûts, des performances économiques, doit devenir une zone
d'attractivité pour les capitaux internationaux. Cette offre supplémentaire de capitaux aura pour effet de
contribuer à la baisse des taux d'intérêt, ce qui devrait stimuler l'activité et là encore faciliter la mise en
œuvre de politiques budgétaires ambitieuses, rendues possibles par la présence de capitaux bon marché.
On risque donc d’avoir un comportement de type « passager clandestin ». Les Etats dépensiers risquent de
se reposer sur les Etats vertueux pour mener leur politique expansionniste sans contrainte.
2. Le PSC va donc poser des règles strictes en matière de gestion des finances publiques pour des pays
partageant la même monnaie :

Il impose aux États l'équilibre budgétaire comme norme et leur interdit d'avoir un déficit public
supérieur à 3% du PIB, sauf circonstances exceptionnelles. Pour les Etats déjà endettés, cela
signifie un excédent du budget primaire, c'est-à-dire que les recettes publiques doivent être
supérieures aux dépenses publiques avant le paiement des intérêts de la dette.
Dépenses
publiques
(hors dette)
Recettes
fiscales
Excédent
primaire
Charge de
la dette
Déficit
budgétaire
Seuil des 3% du PIB

De plus, le ratio entre la dette publique et le PIB ne doit pas dépasser 60 %.
 Ces contraintes sont assorties d'un mécanisme de surveillance multilatérale. Chaque année, chaque État
présente son programme de stabilité au contrôle collectif, c'est-à-dire à la Commission et au Conseil des
ministres. Ce programme indique le budget de l'année courante et les prévisions en matière de finances
publiques pour les trois années à venir. Les programmes de stabilité sont donc actualisés annuellement.
 Si la règle n'est pas respectée, un système d'alerte rapide signale les risques de dérapage. Lorsque cela ne
suffit pas, un mécanisme de sanctions est déclenché. Elles peuvent aller jusqu'à une amende infligée aux
pays contrevenants (de 0,2 à 0,5% de leur PIB).
3. La récession de 2008-2009 a remis fondamentalement en cause les règles du Traité d’Amsterdam. A la suite du
G20, pays de l’UE ont présenté, sans véritable concertation, des plans de relance de type keynésien. On peut
faire une série de critiques à ces plans de relance des pays de l’Union européenne.
 Il ne s’agit pas d’un plan de relance européen : il est la somme des plans de relance nationaux. On mesure
les progrès qu’il reste à réaliser pour une vraie politique communautaire de croissance économique. Le
budget de l’Union européenne correspond à environ 1 % du revenu national brut de l’Union européenne, ce
qui est ridicule comparé aux budgets des autres Etats fédéraux (Etats-Unis, Suisse, Canada….). Les
montants sont donc insuffisants pour une politique de relance efficace d’autant que ces montants sont
affectés pour presque la moitié à l’agriculture (PAC) et qu’un déficit est interdit. Ils ne permettent pas
également de mettre en place une politique structurelle axée sur les infrastructures économiques, la
formation et l’environnement qui sont pourtant le gage d’une croissance économique et d’un développement
durables à long terme.
Budget européen, budgets de quelques Etats fédéraux et dépenses publiques en 2010, en% du PIB
 Les plans de relance ne sont pas coordonnés : chaque pays a annoncé son plan sans coordination avec les
autres. Les réponses à la crise restent nationales, disparates et même divergentes. Ainsi le plan britannique
privilégie la consommation des ménages avec une baisse de 2,5 points du taux de TVA alors que les plans
allemand et français consistent principalement à soutenir les entreprises par le remboursement de dettes et
des avances de trésorerie.
 Les plans de relance ne sont pas assez ambitieux. Malgré l’annonce d’un plan équivalent à 1,5% du PIB
européen, la réalité est plus proche de 0,7 et 0,6 % du PIB. Le FMI préconisait au moins 2% et les plans
américains, japonais, chinois avoisineront les 4% de son PIB.
 En même temps, ces plans dégradent sensiblement la situation des finances publiques. Les déficits publics
(ceux de l’Etat, de la Sécurité sociale et des collectivités locales) vont dépasser allégrement les 3% du PIB
et la dette publique les 60% du PIB, ce qui va déclencher la méfiance des marchés financiers pour les Etats
qui apparaissent les moins solvables et déclencher la crise de l’Euro en 2010.
4. On peut donc faire plusieurs critiques à l’UE en matière de politique économique :
 Les politiques budgétaires restent nationales et ne sont pas coordonnées. C’est contradictoire avec la
création d’une monnaie unique commune à tous les Etats de la zone euro. Le PSC n’a pas su harmoniser
les politiques budgétaires et elle n’a pas été respectée. En conséquence, les pays sont tentés d’adopter des
stratégies non coopératives de « chacun pour soi » et de se faire concurrence en matière d’impôts et de
charges sociales (le « dumping fiscal »). Ainsi, l’Irlande a su attirer les firmes multinationales sur son sol en
proposant un impôt sur les bénéfices très réduit. Le Luxembourg a bâti sa prospérité sur le secret bancaire.
L’Allemagne a réduit le coût du travail pour accroître sa compétitivité en abaissant les cotisations sociales et
en créant des mini jobs…
 Les politiques monétaires et les politiques budgétaires ne sont pas coordonnées. En d’autres termes, le
« policy mix » est impossible puisque la BCE et les gouvernements ne mettent pas au point ensemble le
même type de politique. Le « policy-mix » est défini comme l’orientation conjointe des politiques monétaire
et budgétaire, à un moment donné du cycle économique. Le policy-mix est par exemple « contra-cyclique »
lorsqu’en phase haute et ascendante du cycle, son orientation est plutôt restrictive pour éviter une
surchauffe, ou lorsqu’en phase basse et descendante, elle est accommodante afin d’éviter l’effet récessif du
retournement.
 Politiques monétaires et budgétaires ne vont pas toujours dans le même sens dans la zone euro. Depuis
1999, alors que la politique monétaire a été contra-cyclique aussi bien en zone euro qu’aux États-Unis, (la
FED se serait révélée plus réactive que la BCE), l’orientation de la politique budgétaire de la zone euro
apparaît largement pro-cyclique entre 1999 et 2006. La dégradation des finances publiques au début des
années 2000, lors de la phase haute du cycle, a privé les pays de la zone euro des marges de manœuvre
nécessaires pour stabiliser l’activité lorsque la conjoncture s’est retournée. Pendant la même période, les
Etats-Unis menaient une politique budgétaire et une politique monétaire contra-cyclique autorisant une
croissance plus rapide.
 Les pays de la zone euro se sont privés de l’arme de la dévaluation. N’ayant pas de politique de change, ils
ne peuvent rétablir un déséquilibre de leur balance courante par une dépréciation de la monnaie.
c) – La crise de l’Euro va-t-elle obliger les Etats à plus de fédéralisme ?
1. La crise de La zone euro résulte en partie d’une crise de gouvernance. Les pays de la zone euro n’ont pas
respecté les règles du jeu qu’ils s’étaient fixés et ont manqué de moyens pour intervenir efficacement face à la
crise.
 Des règles non respectées et incomplètes : le Pacte de stabilité et de croissance (PSC), sensé contraindre
les Etats membres à limiter leur déficit public et leur endettement public afin d’éviter un comportement de
passager clandestin en matière de politique budgétaire, n’a pas été réellement respecté :

Les grands pays de l’UE ont montré le mauvais exemple. En 2003 la France et l’Allemagne n’ont pas
été sanctionnées pour non-respect du PSC. Cette liberté prise par les deux pays piliers de la zone euro
à l’égard de la règle n‘a pu qu’inciter les autres pays à faire de même. Ainsi, dès son entrée dans la
zone euro, en 2001, la Grèce ne respectait pas les critères du Pacte. Seul un maquillage des comptes a
pu l’introduire dans la zone euro avec le consentement des autres pays pour des raisons politiques.

Les règles de surveillance sont incomplètes. Le Pacte se focalise sur l’endettement public et le déficit
public. Il n’a pas à surveiller l’endettement privé qui pourtant, de par son ampleur, a plongé dans une
crise profonde l’Irlande et l’Espagne, et ce, malgré leurs excédents budgétaires antérieurs.

Enfin, la Commission n’a pas joué son rôle de gendarme. Même si des sanctions étaient prévues en
cas de non-respect, il n’y avait pas une autorité supranationale capable de les imposer aux Etats.
 Des moyens d’intervention en cas de crise insuffisants : les politiques budgétaires et la politique monétaire
étant définies par des institutions indépendantes (les Etats nations pour les premières et la BCE pour la
seconde), elles ont manqué de coordination.
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D’une part, la politique monétaire n’a pas encadré les Etats. Au lieu de contraindre les Etats les plus
dépensiers à réduire leur déficit budgétaire, la baisse des taux d’intérêt directeur de la BCE, voulue pour
atténuer la crise bancaire, les a incités à repousser à plus tard les ajustements nécessaires.
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D’autre part, la solidarité entre les Etats est interdite. La clause de “no bail out” ou clause de “nonrenflouement” (article 125 du Traité) prévoit que ni l’Union, ni aucun de ses membres n’a le droit de
prendre en charge les dettes d’un autre Etat.

De plus, l’UE n’a pas le droit de s’endetter. N’étant pas un Etat féderal, elle ne dispose pas d’une
capacité d’endettement discrétionnaire comme l’Etat fédéral américain. La faiblesse du budget
européen, qui doit être équilibré, entrave toute action publique. Or, établir un budget fédéral conséquent
de la zone euro permettrait de redistribuer des ressources entre Etats membres afin de réduire les
inégalités. Aux Etats-Unis, le budget fédéral est un puissant mécanisme de redistribution entre les Etats
membres.
Enfin, la dévaluation de l’Euro n’est pas possible pour rétablir l’équilibre de la balance courante. Dans
une Union Monétaire, une dépréciation réelle du taux de change ne peut être obtenue que par une
baisse des coûts salariaux du pays. Avec une telle politique, il y a dépression durable de la demande,
comme on l’observe en Grèce aujourd’hui : le Produit Intérieur Brut a baissé de 5 % en un an, parce
que la dépréciation réelle est venue d’une baisse de 10% des salaires réels.
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2. Les autorités européennes ont donc fini par réagir pour essayer d'enrayer la crise. Une nouvelle gouvernance
s’est mise en place au niveau communautaire et au niveau intergouvernemental.
 Au niveau communautaire :
 La BCE a adopté des mesures non conventionnelles : elle s’est résolue à acheter de la dette publique sur le
marché secondaire afin de soutenir le cours de la dette souveraine ce qui revient à remettre en cause le
dogme qui interdisait à la BCE de soutenir directement ou indirectement les budgets des Etats. A la fin 2011,
la BCE a prêté aux banques européennes un montant de plus de 350 milliards d’euros nets au taux de 1%
afin d’éviter une crise bancaire. Cet afflux d’argent a incité les banques à acheter de la dette publique ce qui a
calmé momentanément la speculation sur les dettes souveraines. Parallèlement, elle a diminué fortement ses
taux d’intérêt directeur pour rendre le crédit moins cher. Ils ont cependant moins diminué qu’aux Etats-Unis et
au Japon.
Total de bilan de la Banque centrale européenne, en milliards d'euros
 L’Union bancaire européenne : Les 27 ont trouvé un accord fin 2012 sur la supervision bancaire européenne,
prévoyant la création du mécanisme européen de surveillance unique (MSU) au 1er janvier 2013. Le projet
d'union bancaire vise à renforcer la stabilité en Europe. La crise de la dette souveraine de certains Etats
européens en 2011 a montré les liens entre les risques bancaires et les risques souverains. Ainsi, pour
ramener la confiance dans la zone euro, le projet d'union bancaire annoncé lors du sommet européen de juin
2012 consiste à organiser un système de supervision bancaire unique pour toute la zone euro, qui coupe les
liens entre les États et les banques. Ainsi, les éventuelles difficultés financières d'un établissement ne
pèseront plus directement sur les États, et donc indirectement sur les contribuables. L'union bancaire
constituera à terme un cadre cohérent avec une monnaie unique. Il se fera en trois étapes très
complémentaires :
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Instaurer une surveillance bancaire au niveau européen, dans un comité piloté par la Banque Centrale
Européenne.
Mettre en place un processus plus intégré de gestion des crises bancaires, prévoyant des
mécanismes de résolution pour les banques qui seraient en grande difficulté.
Unifier les systèmes de garantie des dépôts.
Au total, le nombre de banques directement supervisées est évalué entre 150 et 200. Toutes les grandes
banques françaises sont couvertes par ce nouveau champ de la surveillance. Trois pays en revanche (le
Royaume-Uni, la Suède et la République Tchèque) ont indiqué souhaiter en dehors du champ de la
supervision.
 Au niveau communautaire, les Etats ont décidés de coordonner davantage leurs politiques économiques et de
mettre en place des mécanismes de solidarité.
 Le Traité budgétaire : la mise en place de nouvelles règles budgétaires inscrites dans un “Traité pour la
stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’UEM” (TSCG). Le 30 janvier 2012, 25 des 27 pays membres
(le Royaume-Uni ne l’a pas adopté), dont tous ceux de la zone euro, ont adopté le traité qui prévoit :
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Des sanctions quasi automatiques en cas de déficit supérieur à 3 % du produit intérieur brut (PIB) ;
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L'instauration d'une « règles d’or » budgétaire constitutionnelle dans tous les pays. Chaque Etat
membre devra ainsi s'assurer que ses déficits structurels n'excèdent pas 0,5 % du PIB sur l'ensemble
du cycle et cette règle ne pourra être contournée qu'en cas de " circonstances exceptionnelles " très
précises.
En cas de non-respect, un mécanisme de correction des trajectoires budgétaires sera déclenché
automatiquement.
Un Etat membre pourra saisir la Cour de justice européenne, qui aura le pouvoir de sanctionner un pays
si elle considère que la règle d'or du pays n'a pas été transposée correctement dans sa Constitution.
 Parallèlement les Etats ont engagé des plans d'austérité et des réformes structurelles pour redresser les
comptes publics. Des plans de sauvetage ont été mis en place (le 7ème pour la Grèce en février 2012). Les
pays qui acceptent de l’aide (de la zone euro et du FMI) doivent en contrepartie appliquer des politiques
d’austérité : baisse des salaires, des prestations sociales et des dépenses publiques, hausse de la TVA,
baisse du nombre des fonctionnaires, recul de l'âge de la retraite, hausse de la TVA et de certains
impôts...pour réduire progressivement les déficits budgétaires à moyen terme. Le social est devenu la variable
d’ajustement de la crise avec la montée rapide du chômage dans les pays les plus touchés par la récession
provoquée par ces plans d’austérité. D’où le développement de mouvements contestataires qui remettent en
cause le projet européen.
 Le mécanisme européen de stabilisation (MES) : Ce dispositif vise à assurer une aide financière aux membres
de la zone euro en difficulté et qui ont ratifié le pacte budgétaire. Il peut intervenir lorsque les taux d'intérêt
d'un État grimpent au point de l'empêcher d'emprunter sur les marchés, menaçant la stabilité de l'ensemble de
la zone euro. Pour voler à leur secours, il pourra accorder des lignes de crédit. Le MES dispose de près de 80
milliards d'euros de capitaux propres, dont 27,1% sont financés par l'Allemagne et 20,4% par la France.
Grâce aux fonds qu'il pourra lever sur les marchés, sa capacité de prêts s'élèvera à 500 milliards d'euros en
2014. A ce montant, s'ajoute les quelques 200 milliards d'euros non utilisés du FESF ce qui porterai la force
de frappe à 700 milliards d'euros. Des ressources équivalentes à celles du Fonds monétaire international. Les
mesures de soutien proposées, qui sont élaborées en étroite collaboration avec le FMI, sont subordonnées à
la mise en œuvre de programmes de réforme et de consolidation budgétaire rigoureux.
3. Pour sortir de cette crise un certain nombre d’économistes proposent de réformer le cadre institutionnel de la
politique conjoncturelle de la manière suivante :
 Ajouter un volet de croissance au Traité. L’idée est de mettre en commun des moyens pour alléger le coût
de la dette des pays de l’Europe du Sud et pour financer des projets d’investissement dans les
infrastructures européennes afin de renforcer la compétitivité et l’attractivité de la zone. Ces moyens
passent par l’émission d’obligations (euro-bonds, projects bonds) émis par la Commission européenne.
 Mettre en place, à terme, un gouvernement économique fédéral qui pourra mener une politique unique. On
appelle gouvernement économique d'un pays la conduite simultanée de la politique monétaire, de la
politique budgétaire et de la politique de change pour atteindre la croissance durable maximale afin d'avoir
un chômage faible et des revenus réels en expansion. L’Europe politique est nécessaire pour faire zone
économique intégrée. La monnaie unique ne suffit pas ! Elle doit s’accompagner d’un budget fédéral de la
zone euro digne de ce nom permettant de redistribuer des ressources entre Etats membres afin de réduire
les inégalités. Aux Etats-Unis, le budget de l'Etat fédéral est un puissant mécanisme de redistribution entre
les Etats membres.
La complexité de la gouvernance économique de l’UE
 Encadrer la politique fiscale et sociale entre Etats membres, de même qu'une région de France ne peut pas
réduire l'impôt sur le revenu ou les cotisations sociales pour faire concurrence aux autres, tout en
prétendant bénéficier des mécanismes de redistribution mis en place.
 Coordonner les politiques structurelles. Le projet mobilisateur ne peut être qu'une coopération étroite dans
la mise en commun de ressources humaines et technologiques pour se placer à la frontière d'une vague
d'innovations portées par les économies d'énergie, la substitution vers les énergies renouvelables, la
protection de l'environnement et la baisse des coûts de la santé. Il faut aussi en faire bénéficier au
maximum les pays émergents qui vont devenir les fers de lance de la croissance mondiale. L'outil principal
est une taxe carbone croissante dans l'ensemble de l'Europe, dont le produit doit être consacré en partie à
l'investissement en recherche et développement et en partie à abaisser le coût du travail.