Programme de la saison 1995-1996

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Programme de la saison 1995-1996
GRANDE SALLE
15 - 21 SEPTEMBRE . MPI
de Wolfgang Amadeus Mozart et Luciano Berio
28 SEPTEMBRE - 1er OCTOBRE
Jean Genet/ Mise en scène Klaus Michael Grùber
10 OCTOBRE - 3 DECEMBRE
de Molière / Mise en scène Benno Bessorc
16 NOVEMBRE - 14 JANVIER
(à Ivry-sur-Seine)
de Bernard-Marie Koltès / mise en scène Patrice Chèreau
de Frank Wedekind / Mise en scène Stéphane Braunschweig
Lavaudant
Frank McGuinness
MARCHING TOWARD THE SOMME
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Y/m
de John Millington Synge / Mise en scène Patrick Mason
BODAS DE SAN G RE (noces de sang)
de Federico Garcia Lorca / Mise en scène Lluis Pasqual
3 NOV-30 DECEMBRE
PETIT ODEON
de MarieLuise Fleisser/ Mise en scène Bérangère Bonvoisin
de Bernard-Marie Koltès / Prologue de Jean-Pol Fargeau / mise en scène isaac de Bankolé
de Vladimir Nabokov / Mise en scène Anton Kouznetzov
SURTITRACE
Depuis cinq saisons, l'Odéon-Théâtre de l'Europe a systématisé le principe du surtitrage pour les spectacles en langue
étrangère. Le surtitrage est une aide apportée au spectateur pour son agrément. On ne peut attendre du surtitrage un rendu
intégral des qualités littéraires ou narratives du texte original. Certaines contraintes techniques rendent nécessaires une
sélection de l'information et une traduction parfois simplifiée.
Responsable de la publication : Cécile Prost, assistée de Valérie Six • Rédaction : Jean Torrent • Couverture : Frédéric Amat
• Graphisme : Thierry Depagne assisté de Stépan Leibovitch • Impression : Jourdan Ivry-sur-Seine • Crédits photographiques : Wilfried Bôing,
Collection Cahiers du Cinéma, Cinémathèque de Toulouse, Cinémathèque française, Mario Del Curto, Elisabeth Delestre, Anne Fromentin, The Image Bank (Alain Choisnet),
Magnum (Costa Manos, Weegee, Martine Franck), Manfred Hamm, Ros Ribas et Hubert Belvaire.
28 MAI -30 JUIN
Mise en scène Patrick Haggiag
et UN
1
AIRE
de Jean Genet / Mise en scène Alain Milianti
m
Une saison franco-française ? C'est le théâtre
que font tous les franco-français ... Un jour viendra
où le théâtre de l'Europe n'existera plus,
■
car ce que nous faisons à l'Odéon, et plus loin
Tout a commencé avec l'idée d'une
« Saison française ». Après les expériences,
riches, troublantes, que nous avons eues avec
encore, deviendra « normal » pour toutes les maisons
européennes de théâtre, chacune ayant son choix
et sa spécificité, donc ...
Une des idées qui venait se glisser de temps
à autre dans la réflexion, était celle de mon départ
de l'Odéon, à la fin de la saison 1995-1996.
Il m'est toujours resté cette phrase de mon père :
« les russes » et « les anglais » pendant deux saisons,
leurs acteurs, leurs textes, leurs metteurs en scène,
Donc, nous nous sommes donné plus de liberté
« Quand tu soupçonnes ton fauteuil de prendre
leurs techniciens, et parfois leur public, il était
pour arriver à la saison que l'Odéon-Théâtre
la forme de ton dos, c'est le moment de partir !»,
tout naturel de vouloir en tirer les conséquences,
de l'Europe vous offrira en 1995-1996. Une saison
et les institutions ont besoin d'être « bridées
Un de ces grands moments depuis 6 ans restera
de profiter de tout ce que les rapports -
faite avec le cœur, la tête, les yeux, les oreilles,
et caressées » par d'autres mains, de changer
pour moi l'affirmation de l'indépendance de l'Odéon
toujours intenses puisqu'il s'agit de théâtre -
les pressentiments, et quelques certitudes
de cavalier pour éviter que le temps passé soit synonyme
et de sa mission européenne, je forme le vœu pour
nous avaient apporté.
qui peuvent changer d'une minute à l'autre.
d'engourdissement (même si, comme le bon vin,
ce théâtre qu'il continue à vivre beaucoup d'autres
Une saison faite de l'échange d'idées et de projets
l'Odéon a bien vieilli) et que les grands moments
de ces instants d'éternité... Mais il est trop tôt pour
Ensuite, plusieurs idées se sont croisées
avec nos partenaires - cette année 19 théâtres
vécus, ces instants inoubliables d'éternité,
écrire des phrases d'adieu ou des promesses d'avenir.
au cours de ce mystère artisanal avec lequel
et 4 festivals -. Une saison faite avec des gens
ne se transforment en d'obscurs souvenirs.
Il nous reste, il me reste toute cette saison à faire,
nous construisons, et se construit aussi d'elle-même
que j'aime et que j'admire, à l'Odéon, hors des murs,
la programmation d'une saison théâtrale.
en tournée. Une saison sous le signe de la fraternité
avec Mozart, avec des théâtres de petites collectivités,
avec des poètes aimés, avec des théâtres et des artistes
qui nous ont déjà accompagnés pendant
ces six dernières années, et d'autres qui habiteront
pour la première fois ce théâtre, avec les femmes
et les hommes qui l'habitent en permanence, son plateau,
son public, son histoire.
toute cette saison pour vous accueillir et nous aimer...
Ces grands moments, durant cinq saisons, nous
les avons traversés de diverses façons. Quelques-uns
resteront dans la mémoire du spectateur, d'autres
seulement dans la mémoire de la « maison »
et de son personnel.
Lluis Pasqual directeur
Mozart n'a que 23 ans lorsqu'il compose
Zaïde, faisant preuve déjà d'une grande maturité.
Après avoir écrit quinze morceaux, il a interrompu
son travail pour des raisons qui demeurent
mystérieuses jusqu'à ce jour. Zaïde est un « singspiel
«, avec des parties chantées et des parties parlées,
prenant parfois la forme insolite d'un mélodrame,
où la parole est accompagnée par l'orchestre.
Ces quinze fragments d'origine contiennent
quelques-unes des plus belles pages de Mozart.
L'accompagnement orchestral inhabituel
du mélodrame ajoute à la modernité et au mystère
qui entourent ce manuscrit. En l'absence du livret
original de Schachtner, une esquisse de dramaturgie
a été établie pour cette nouvelle production,
par le musicologue et dramaturge Lorenzo Arruga.
OUVERTURE EN MUSIQUE
LUCIANO
BERIO
DIRECTION MUSICALE Justin Brown
MISE EN SCENE ET DECOR Gerald Thomas
COSTUMES MaryMyers
« SINGSPIEL » en 2 actes
« AVANT, PENDANT
ET APRÈS ZAÏDE
C'est à partir de ce « nouveau livret»
que Luciano Berio a accepté de reprendre
la partition initiale de Mozart et d'y ajouter pour cette
production, une œuvre originale intitulée
« Avant, Pendant et Après Zaïde ». L'œuvre de Berio
est dominée par le chant. En dehors de ses opéras,
ce sont ses compositions pour la voix qui l'ont
distingué de ses contemporains. Son instinct particulier
pour les couleurs et son sens de l'orchestration lui ont
fait une place de premier rang dans la musique
du XXè™ siècle. Sa curiosité pour la partition de Mozart
et son talent d'archéologue le qualifiaient parfaitement pour entreprendre cette « mission impossible ».
La direction musicale de Zaïde est confiée
au chef anglais Justin Brown - qui a déjà collaboré avec
Luciano Berio. Il dirige l'Orchestre de l'Académie
Européenne Mozart, quelques 40 jeunes musiciens,
tous élèves cette année de l'Académie,
ainsi que 9 chanteurs, qui ont aussi suivi les cursus
de l'Académie à Cracovie en 1994-95.
Enfin, Gerald Thomas, qui travaille beaucoup
au Brésil et aux Etats-Unis, pour le théâtre et l'opéra,
signe la mise en scène et les décors.
Son travail a été couronné par de nombreux
grands prix internationaux.
ZAIDE (Soprano)
Christine Âkre / Christiane Wetter
GOMATZ (ténor)
Mihajio Àrsenki / Carsten Sùss
ALLAZIM (basse)
Clyde Crewey / Paul Vincent
LE SULTAN SOLIMAN (ténor)
Michael Lockley / Nico Sevenmuysen
OSMIN (basse-baryton)
Marcin Wolack
Placement prioritaire pour les abonnés et les détenteurs
d'une Carte Odéon ou d'une Carte Complice.
EUROPEENNE MOZART
Prix des places:
350F, 300F, 260F, 150F, 80F (séries 1,2,3,4,5)
Livret original perdu
de Johann Andréas Schachtner
DISPOSITIF SONORE Tempo Reale
Nouveau livret établi par Lorenzo Ârruga
EUROPEENNE MOZART
RÉSERVEZ AU PLUS VITE i
• dès maintenant : par correspondance
ou par minitel 3615 Odéon
• à partir du 1er septembre :
aux guichets du Théâtre
ou par téléphone au 44 41 3636
19, 2Or 21, SEPT. 95
H
Weil ich n
Und in ab
re Kiirze sagt viel. Ihr wart
jttern ans Ende eines langen
Satzes zu kommcn. Ihr fùhlt euch verloren. Vom Kino
kennt ihr Begràbnisse - Blumen, meine Herren !
Perlenkrânze, Blumenkrànze, Bander,
P'zigmeilenflore ! - Begràbnisse amerikanischer
gster, und ihr ertràumtet das gleiche fur euch.
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Parce que je ne parle pas comme vous en phrases
courtes. Et saccadées. Votre brièveté en dit long.
Vous seriez incapables de marcher sans trembler
jusqu'au bout d'une longue phrase. Vous vous sentez
foutus. Au cinéma vous avez vu les enterrements des fleurs, Messieurs ! des couronnes de perles,
des couronnes de fleurs, des rubans, des kilomètres
de crj®e ! - les enterrements des gangsters
JpntMcains, et vous en rêviez pour vous d'un pareil.
Entre ciel et terre,
au septième étage d'un hôtel
de luxe, le Splendid's, sept gangsters
rejoints par un policier en rupture
de légalité, défient l'ordre public:
ils ont enlevé dans les salons la fille
d'un millionnaire américain et
réclament une rançon. Dans un
moment d'inattention, l'un des
bandits a malheureusement serré
de trop près l'otage qui « a succombé
par erreur ». Pour sauver la situation
et retarder l'assaut des forces de
polices, le chef du gang prend alors
une résolution héroïque : il décide
de faire lui-même une apparition,
revêtu de la robe de bal de la jeune
fille (éventail, dentelles, paillettes),
sur les balcons du palace.
Telle est la trame de cette fausse
pièce policière qui vire avec le plus
grand naturel du roman noir au
numéro de travesti, oscille entre
le drame métaphysique et le gag et,
plus ouvertement que les autres
œuvres de Genet, est de part en
part traversée par le rire.
Albert Dichy
Jean Genet, Splendid's, Acte 1
OCTOBRE 95
!
TEXTE ALLEMAND Peter Handke
MISE EN SCÈNE Klaus Michael Gruber
DÉCOR Eduardo Arroyo
■ Il ne faut pourtant pas s'y
tromper: malgré une intrigue
lisible, efficace et, à première vue,
linéaire, Splendid's n'est en aucune
façon une pièce d'inspiration
réaliste. Elle gravite essentiellement
autour d'une des questions
essentielles du théâtre de Genet :
celle du travestissement.
Travestissement du chef de gang
en jeune fille, bien sûr, mais aussi
celui de tous les personnages de
la pièce : dès le lever du rideau,
les personnages apparaissent
« en frac », déguisés en hommes
du monde. Seul le Policier conserve
son uniforme mais, lui aussi,
retournant sa veste, joue au voleur
et goûte à « la douceur de la
trahison ». L'un des bandits se
promène dans les couloirs de l'hôtel
« comme Napoléon à SainteHélène », un autre, devant la glace,
s'exerce « à faire revivre son
frère «dans ses gestes. Tous portent
des noms d'opérette du crime ou
des surnoms de cinéma (La Rafale,
Johnny, Bravo, Scott...), glissent sur
leur identité, marchent dans les
nuages, dérivent lentement,
presque tendrement vers la mort et
s'offrent, pour finir, le luxe d'être
lâches, afin de ternir définitivement
leur image. Tout comme celle
de Haute Surveillance, l'action de
Splendid's se déroule dans un rêve.
Albert Dichy in Jean Genet,
Splendid's, Présentation - L'Arbalète, 1993
■ Madeleine Gobeil - Sartre
explique que vous avez décidé
de vivre le Mal jusqu'à la mort.
Que vouliez-vous dire ?
Jean Genet - C'est vivre le Mal
de façon que vous ne soyez pas
récupéré par des forces sociales qui
symbolisent le Bien. Je ne voulais
pas dire vivre le Mal jusqu'à ma
propre mort mais de telle façon que
je serais conduit à me réfugier,
si je devais me réfugier quelque part,
seulement dans le Mal et nulle part
ailleurs, jamais dans le Bien.
Jean Genet in L'Ennemi déclaré,
textes et entretiens, Gallimard, 1991
■ Jean Genet renonça à faire
éditer ou représenter de son
vivant Splendid's, écrit en 1948 et
promis à son éditeur Marc Barbezat.
Selon le témoignage de l'agent
littéraire Bernard Frechtman,
le jugement de Genet sur sa pièce
était d'une sévérité sans appel.
Dans L'Atelier d'Alberto Giacometti,
Genet rapporte comment, s'étant
baissé pour ramasser son mégot
tombé à terre, il découvre exilée
sous une table la plus belle
sculpture de son ami. A Genet
qui s'étonne, Giacometti répond :
«Si elle est vraiment forte, elle
se montrera, même si je la cache. »
Et sans doute pourrait-on appliquer
à la publication de Splendid's aux
Éditions de L'Arbalète en 1993
la réponse du sculpteur à l'écrivain.
Splendid's a été créé le 9 mars
1994 à la Schaubuhne de Berlin
dans une traduction de Peter
Handke et une mise en scène
de Klaus Michael Gruber.
Création en France le 17 janvier
1995 au Théâtre Nanterre
Amandiers dans une mise en scène
de Stanislas Nordey.
COSTUMES Eva Dessecker
LUMIÈRE Konrad Lindenberg
AVEC
Sylvester Groth, Peter Simonischek, Thomas Thieme,
Sven Walser, Wolfgang Michael, Cornélius Obonya,
Ben Becker, Ulrich Matthes
PRODUCTION Schaubiihne de Berlin
CO REALISATION Odéon-Théâtre de l'Europe
Festival d'Automne à Paris
Avec le soutien de la Fondation Mercedes-Benz Fronce
Splendid's de Jean Genet est publié aux Éditions L'Arbolète
KLAUS MICHAEL CRUBER
Klaus Michael Gruber s'inscrit à l'intersection des théâtres
allemand, français et italien. Depuis plus de vingt ans, ses
spectacles, théâtre ou opéra, constituent l'un des centres
rayonnants de la scène contemporaine. Goethe,
Shakespeare, Kleist, Tchékhov, Sophocle, mais aussi
Adamov, Pirandello, Labiche ou Beckett: Gruber ne cesse
d'interroger le répertoire et d'approfondir une réflexion
unique qu'il nourrit d'escapades périphériques au domaine
de la poésie (Hôlderlin, Maïakovski, Tsvetaeva, Catherine de
Sienne) ou de la philosophie (Héraclite, Parménide). En
Allemagne, Klaus Michael Gruber et Peter Stein ont été les
deux foyers autour desquels s'est articulée l'activité
artistique de la fameuse Schaubuhne de Berlin. C'est la
mise en scène de Bérénice, en 1984 à la Comédie
Française, qui le fait véritablement connaître au public
français. En 1986, au Théâtre des Bouffes du Nord, il dirige
Jeanne Moreau dans Le Récit de la servante Zerline adapté
de Broch et met en scène La Mort de Danton de Buchnerau
Théâtre Nanterre Amandiers en 1988. Amphitryon de
Kleist est le dernier spectacle de Klaus Michael Gruber
présenté à Paris, à l'Odéon-Théâtre de l'Europe, en 1991.
JEAN CENET
Jean Genet naît en 191 0, de « père non dénommé ». Sa
mère l'abandonne à l'Assistance publique. Les premiers
larcins, règles, crayons et friandises, que l'enfant commet dès
l'école, amorcent un cycle ininterrompu d'incarcérations,
fugues, désertions et vagabondages à travers l'Europe.
L'année 1942 est celle de la transformation, magique, du
petit délinquant en grand écrivain: à la Santé, Genet rédige
Notre-Dame-des-Fleurs. Quatre romans, Miracle de la Rose,
Pompes funèbres, Querelle de Brest, Le Journal du voleur,
un recueil de poèmes et une pièce de théâtre, Les Bonnes,
achèvent d'établir sa notoriété. Pourtant, le double
événement de la grâce présidentielle qui lui est accordée le
12 août 1949 et la parution du Saint Genet comédien et
martyr, la préface monumentale de Sartre à ses Œuvres
complètes en 1952, plonge l'écrivain dans le silence et la
détérioration psychique. C'est par le théâtre que Genet
trouve une voie d'issue à la crise. Le Balcon, Les Nègres et
les Paravents, trois pièces écrites presque simultanément, le
placent d'emblée au premier rang des dramaturges
contemporains. Mais en 1964, après le suicide de son
amant Abdallah, un jeune acrobate de cirque, Genet
annonce qu'il renonce à la littérature, rédige un testament
et disparaît. Les événements de 1968 le ramènent sur la
scène publique : le 30 mai, Genet publie son premier article
politique. Suit une série d'engagements et de déclarations
en faveur des travailleurs immigrés, de la lutte des Noirs
américains et de la cause palestinienne. En septembre
I 982, Genet est à Beyrouth lorsque sont perpétrés les
massacres dans les camps palestiniens de Sabra et Chatila.
II est le premier témoin européen à parcourir les rues
jonchées de cadavres. Retour à Paris, il écrit son texte
politique le plus important, Quatre heures à Chatila. Genet
date de cet événement la reprise de l'« acte d'écrire ». Il
meurt dans la nuit du 14 au 15 avril 1986 alors qu'il
corrigeait les épreuves de son dernier livre, Un Captif
amoureux. Genet est enterré dans le vieux cimetière
espagnol qui domine la ville de Larache, au nord du Maroc,
face à la mer.
M
Mais il est devenu comme un homme hébété.
Depuis que de Tartuffe on le voit entêté ;
Il l'appelle son frère, et l'aime dans son âme
Cent fois plus qu'il ne fait mère, fils, fille, et femme.
Molière, Tartuffe, Acte I, Scène II
l Toute la maisonnée du sieur
Orgon est en émoi : le maître, époux
et père s'est laissé proprement
envoûter par un personnage
douteux, rencontré dans une église
où « il attirait les yeux de l'assemblée
entière / Par l'ardeur dont au Ciel
il poussait sa prière ; / Il faisait des
soupirs, de grands élancements,/
Et baisait humblement la terre
à tout moment », et invité sur l'heure
par le gentilhomme à coucher sous
son toit. Et chacun de protester
contre la tyrannie de l'intrus,
un gueux, un bélître, un pied plat,
un cagot de critique. Rien n'y fait
cependant, Orgon projette même
d'unir sa fille au « saint homme ».
Mais ce sont d'autres atours
que convoite l'hypocrite, Elmire
elle-même, l'épouse d'Orgon.
La jeune femme s'exposera
courageusement pour confondre
enfin l'imposteur. Orgon, déniaisé,
confesse que « non, rien de plus
méchant n'est sorti de l'enfer ».
Il chassera le vilain. Trop tard :
n'a-t-il pas fait à son ami donation
entière de ses biens ? Tartuffe :
« C'est à vous de sortir, vous qui
parlez en maître : / La maison
m'appartient, je le ferai connaître. »
Heureusement, le Prince veille,
« ennemi de la fraude »
et « que ne peut tromper tout l'art
des imposteurs ».
10 OCTO
- 3 DÉCEMBRE 95
MISE EN SCÈNE Benno Besson
SCÉNOGRAPHIE ET COSTUMES Ezio Toffolutti
LUMIÈRE André Diot
SON Jacques Toumayeff
Il ne pouvait être question,
pour Molière, de porter à la
scène l'incarnation parfaite du faux
dévot. Il avait besoin pour la scène
de puissants effets comiques, et il
les a trouvés d'une façon tout à fait
ingénieuse : il a prêté à son Tartuffe
un caractère naturel qui contraste
absolument avec le rôle qu'il joue.
Ce gaillard robuste et sain («gros,
gras, le teint frais, et la bouche
vermeille »), à l'appétit solide
(« deux perdrix / avec une moitié
de gigot en hachis, pour le souper »)
et dont les autres appétits sensuels
sont tout aussi développés, n'a pas
le moindre talent pour la piété,
ne s'agît-il que de la feindre. Il joue
son rôle avec une maladresse risible,
en l'exagérant jusqu'à l'absurde,
et il ne se contient plus sitôt que ses
sens sont mis en éveil. Ses menées
sont grossières et naïves, et à part
Orgon et sa mère, nul ne se laisse
prendre un instant à ses feintes,
ni les personnages de la pièce,
ni les spectateurs. C'est que Tartuffe
n'est pas la personnification d'un
imposteur intelligent et maître de
soi, mais un rustre aux appétits
violents et grossiers, qui tente de
singer la conduite du dévot parce
qu'il en espère des avantages, mais
à qui ce masque convient fort mal,
tant il s'oppose à son personnage
physique et moral ; c'est en cela
précisément que réside son comique
irrésistible. Les critiques du XVI lè™
siècle qui, comme La Bruyère, ne
tenaient pour vraisemblable que ce
qui est raisonnablement probable
s'étonnaient que même un Orgon
ou une Mme Pernelle pussent être
dupes d'un tel jeu ; mais l'expérience
montre que le mensonge le plus
grossier et la tromperie la plus plate
ne manquent pas de réussir quand
ils flattent les habitudes et
les instincts de leurs victimes
et répondent à leurs désirs secrets.
C'est justement en se donnant
corps et âme à Tartuffe qu'Orgon
peut satisfaire son besoin le plus
instinctif et le plus secret : son
sadisme de tyran familial.
Erich Auerbach, Mimésis
Tel, Gallimard, 1968
■ Benno Besson fait retour
au Tartuffe quelque trente ans
après l'avoir monté une première
fois, en allemand, au Deutsches
Theater de Berlin. A cette époque,
Bertolt Brecht l'avait investi de la
mission d'introduire Molière en
Allemagne. « J'étais resté dans une
certaine convention. Il régnait
à ce moment-là en R.D.A. une
hypocrisie généralisée à l'endroit
de l'idéologie régnante. Tartuffe
permettait de s'y attaquer. »
Dans cette nouvelle mise en scène,
Besson rompt avec une tradition,
héritée de Louis Jouvet et transmise
par Roger Planchon, auréolant
le personnage du faux dévot d'une
sensualité et d'une puissance de
séduction quasiment démoniaques.
Il se souvient que c'est la défroque
d'Orgon et non celle de Tartuffe
que le comédien Molière endossait
à la scène, et fait résolument
basculer la comédie du côté de
la farce. Le grotesque ne pouvait
cependant satisfaire tout à fait
l'ancien sociétaire du Berliner
Ensemble. Et de dénoncer, dans un
final étourdissant, scintillement de
faux ors et mirages de la perspective,
la perversion d'un cinquième acte
tout entier engagé à magnifier
le pouvoir absolu. Une inquiétude
grandit, que le motif peint sur
les rideaux ponctuant les actes
(yeux et oreilles, « voir et entendre »)
avait laissé planer sur la salle.
MUSIQUE David Hogan
AVEC
Corinne Coderey, Suzanna Pattoni# Evelyne Buyle,
Séverine Bujard, Darius Kehtari, Geneviève Pasquier,
Jean-Charles Fontana, Roger Jendly, Roland Vouilloz,
Jean-Pierre Gos, Dominique Serreau,
Raoul Pastor, Bruno Dani
PRODUCTION Théâtre Vidy-Lausanne E.T.E.
BENNO BESSON
Benno Besson a vingt-cinq ans lorsque, à Zurich, en 1948,
il fait la rencontre, déterminante, de Bertolt Brecht. Un an
plus tard, il le rejoint à Berlin-Est et devient l'un des metteurs
en scène les plus marquants du Berliner Ensemble. Après la
mort de Brecht en 1 956, Besson travaille au Deutsches
Theater avant de prendre la direction de la Volksbuhne en
1969. Il quitte la R.D.A. en 1978 et travaille comme metteur
en scène indépendant en France, en Belgique, en Italie et
dans les pays Scandinaves. En 1982, il accepte la direction
de la Comédie de Genève qu'il assumera jusqu'en 1989.
Depuis cinquante ans, Besson poursuit sa quête personnelle
et originale. Au regard des auteurs qu'il a montés (Brecht
surtout, mais aussi Seghers, Hacks, Gozzi, Sophocle,
Shakespeare ou Molière), il ne serait pas déplacé de
prétendre que Besson a incliné son activité vers un théâtre
social. Caractérisation réductrice si l'on n'y ajoutait aussitôt
le goût du metteur en scène pour les ressources propres de
l'inventivité théâtrale et du jeu. Ainsi son style est-il souvent
marqué des traces de la tradition du grotesque cher à
Molière ou Shakespeare.
MOLIÈRE
Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière, naît en 1622, dans une
riche famille de la bourgeoisie parisienne. A vingt-et-un ans,
Molière renonce pourtant au barreau et à l'office dont son
père dispose à la cour et fonde avec sa maîtresse, la
comédienne Madeleine Béjart, l'Illustre Théâtre. Mais
l'entreprise est trop ardue face aux deux puissantes troupes
de l'Hôtel de Bourgogne et du Marais, Molière est même
emprisonné pour dettes. En 1946, il s'engage avec
Madeleine dans une compagnie de comédiens ambulants.
Suivent quelque quinze années d'errance sur les routes du
sud de la France, sous la protection de divers grands
personnages du royaume. Molière y forge son métier et
l'expérience de la société française. Lorsqu'il revient à Paris
en 1658, il est un homme de théâtre complet, tout
ensemble comédien, chef de troupe et auteur. Bénéficiant du
patronage de Monsieur, frère du roi, la troupe donne une
représentation au Louvre devant la cour. Louis XIV, séduit
par le rythme de la farce (Le Docteur amoureux, qui n'a pas
été conservé) et la virtuosité de Molière, accorde aux
comédiens de partager avec les Italiens la salle du PetitBourbon. Les Précieuses ridicules en 1659, puis L'École des
femmes en 1662 affranchissent définitivement Molière de
la réputation de « farceur » que lui font ses premiers
ennemis. Grand ordonnateur des fêtes données à Versailles
en 1664, Molière conçoit le genre nouveau de la comédieballet et présente une première version en trois actes de
Tartuffe. Une cabale de dévots s'élève contre la pièce.
Molière y répond en achevant rapidement Dom Juan pour
remplacera l'affiche le Tartuffe interdit. Mais l'amitié du roi
manque de constance et le conflit avec Lully jette Molière
dans une semi-disgrâce. Malgré les innovations du
Misanthrope et les chefs d'oeuvres des dernières années
(Georges Dandin, L'Avare, Le Bourgeois Gentilhomme, Les
Fourberies de Scapin, Les Femmes savantes), Molière ne
renoue jamais véritablement avec la faveur royale. Il meurt
en 1673, au cours de la quatrième représentation de sa
dernière comédie, Le Malade imaginaire. L'intervention de
Louis XIV lui vaut d'échapper in extremis à la fosse
commune ordinairement réservée aux saltimbanques.
Dans la solitude des champs de
coton, que je tiens provisoirement
pour son chef-d'œuvre (histoire
de choisir) est un dialogue qui ne
déroge pas au principe des
monologues. Je crois qu'il disait
qu'il n'écrivait pas deux répliques
de cette pièce le même jour, afin
d'adopter, chaque jour où il écrivait
une réplique, le point de vue entier
du personnage : un jour le Dealer,
le lendemain le Client. Chaque
réplique dure plusieurs pages, sauf
dans l'accélération finale, comme
lorsque le frein lâche et que
la catastrophe se précipite. (...)
Un seul vide, ou trou : la marchandise
à échanger ; un seul rapport: celui
du Dealer et de son Client, du Client
et de son Dealer. Et pourtant on
perçoit à l'état naissant, dans cette
sonate, toutes les énigmes
possibles qui pourraient donner lieu
à des rapports plus complexes :
de domination, de drague (sexuelle),
de discussion (philosophique),
de combat corps à corps,
impliqués dans la seule transaction
commerciale.
François Regnault, Passage de Koltès
Si vous marchez dehors, à cette heure et en ce lieu,
c'est que vous désirez quelque chose que vous n'avez
pas, et cette chose, moi, je peux vous la fournir.
Bernard-Marie Koltès,
Dans la solitude des champs de coton
14 JANVIER 96
MISE EN SCÈNE Patrice Chéreau
■ Je ne me sens pas très
à l'aise quand on cherche
à expliquer la pièce par une hostilité
fondamentale et une différence
de nature entre les deux
protagonistes. C'est une des
composantes de l'histoire, parce
que censément l'un est noir
et l'autre est blanc, et je sais
l'importance qu'avait pour Koltès
une hostilité dictée simplement par
l'espèce, à laquelle il ne voulait
surtout pas qu'on cherche
de raisons psychologiques. Mais je
crois que la pièce a une vocation
plus universelle et qu'elle comporte
toutes les figures possibles d'une
rencontre entre deux personnes.
Privilégier cette hostilité par nature,
c'est exclure toute idée de désir.
Or le mot qui revient le plus dans la
pièce, c'est le mot désir. En outre,
c'est faire peu de cas d'une
similitude paradoxale entre les
deux personnages : bien qu'ils soient
fondamentalement différents,
ils partagent une même logique
sophistiquée. Chacun entend
parfaitement ce que l'autre dit ou
veut dire et s'ils n'y répondent pas,
ce n'est pas parce qu'ils ne se
comprennent pas, mais parce qu'ils
refusent de faire le cadeau à l'autre
de l'intelligibilité de sa pensée ou de son désir. On ne se parlerait
pas sur un plateau si le désir n'était
à assouvir à travers l'autre - je ne
dis pas que c'est forcément l'autre
qu'on désire, mais l'objet
du désir doit passer par une
transaction avec l'autre.
AVEC Patrice Chéreau et Pascal Greggory
SCÉNOGRAPHIE Richard Peduzzi
COSTUMES Moidele Bickel
LUMIÈRE Jean-Luc Chanonat
SON Philippe Cachia
CONSEILLER À LA MISE EN SCÈNE Claude Stratz
■ Il y a une chose toujours
assez mystérieuse dans ces
pièces qui comportent plusieurs
rôles d'une égale importance :
il faut bien analyser qui est le leader,
et ne pas se tromper, sans quoi
on peut dénaturer complètement
le texte. Pour la solitude il faut
que le leadership soit partagé car
à partir d'un certain point - à partir
du moment où il refuse la proposition
du Dealer de « ramasser un désir
qui traîne »- c'est le Client qui
transforme la situation de façon
très radicale. Je ne veux pas
recommencer ce que j'ai fait dans
les premières versions où le jeu était
faussé par le fait que le Dealer,
grâce à l'ironie, avait toujours
la parade: car le Client aboutit
à des vérités beaucoup plus implacables - de ces hypothèses
qui reviennent souvent dans
les textes de Bernard-Marie Koltès
et qui glacent un peu le sang :
« Mais les sentiments ne s'échangent
que contre leurs semblables ;
c'est un faux commerce avec de
la fausse monnaie, un commerce
de pauvre qui singe le commerce. »
Il faut absolument que ça ne soit
jamais à sens unique : même si
c'est le Dealer qui « tire le premier »
et qu'à partir de là, l'autre doit
se débattre avec ce rôle qu'on lui
attribue, progressivement ils vont
évoluer. Le leadership bouge.
Ce qui est intéressant, c'est qu'ils
se fassent mal mutuellement,
et que le Dealer lui aussi sorte
transformé de leur échange, révélé
à lui-même, à son indigence
et à sa pauvreté, qui n'ont d'égales
que celles du Client.
Patrice Chéreau (extraits d'un entretien avec
Patrice Chéreau et Claude Stratz, propos
recueillis par Anne-Françoise Benhamou)
PRODUCTION
Odéon-Théâtre de l'Europe, Àzor Films,
La Biennale di Venezia, Festival d'Automne à Paris,
Avec le soutien de l'Association Française d'Action Artistique
(Ministère des Affaires Étrangères), pour la tournée à l'étranger,
et de la Fondation Mercedes-Benz France
Le texte de la pièce a paru aux Éditions de Minuit
BERNARD-MARIE KOLTÈS
Bernard-Marie Koltès, né en 1948, est sans doute le
dramaturge le plus important en France depuis la génération
des années 50 et, au même titre qu'un Heiner Muller (qui
traduisit Quai Ouest), un auteur majeur de cette fin de
siècle. Il écrivait pour le théâtre depuis plus de dix ans sans
avoir été publié lorsque Patrice Chéreau le fit découvrir au
grand public en 1983 avec la mise en scène de Combat de
nègre et de chiens. Depuis, l'œuvre de Koltès n'a cessé
d'accroître son audience, aujourd'hui considérable. Les
mises en scène à l'étranger se comptent par centaines ; en
France, où les quatre créations de Chéreau ont jusqu'à la
mort de l'auteur paralysé toute velléité de reprise, on assiste
désormais à un « boom » sans équivalent. Combat, Dans la
solitude des champs de coton, Roberto Zucco sont constamment mis en scène, autant par des petites compagnies que
par des Centres dramatiques ou des Théâtres nationaux. Six
ans après sa mort, Koltès est devenu un classique du répertoire contemporain.
Anne-Françoise Benhamou
Patrice Chéreau impose, dès les premiers spectacles qu'il
réalise au Lycée Louis-le-Grand à Paris puis à Sartrouville, la
maîtrise d'un art scénique qui puise aux deux ressources
constitutives de son talent : la puissance visionnaire des
images qu'il crée et l'acuité, quasiment obsessionnelle, de
sa direction d'acteur. Appelé à diriger, aux côtés de Roger
Planchon, le T.N.R de Lyon-Villeurbanne, Chéreau révèle,
en montant La Dispute en 1971, un « Marivaux sauvage »
(Bernard Dort), proche de la vision sadienne. Mais l'opéra,
« une sorte d'incandescence du théâtre », séduit également
le metteur en scène. En 1976, au Festival de Bayreuth,
Chéreau présente la Tétralogie de Richard Wagner, sous la
direction musicale de Pierre Boulez. Un spectacle-somme
auquel répondra, cinq ans plus tard, la mise en scène de
Peer Gynt de Henrik Ibsen. En 1983, Chéreau est nommé à
la tête du Théâtre Nanterre Amandiers et réalise son voeu
d'une institution originale répondant à l'équation «théâtrecinéma-école ». Il découvre et fait connaître l'œuvre de
Bernard-Marie Koltès en montant successivement quatre de
ses pièces, Combat de nègre et de chiens, Dans la solitude
des champs de coton, Quai Ouest et Le Retour au désert.
Après avoir présenté Hamlet dans Cour d'honneur du Palais
des papes d'Avignon en 1988, Chéreau quitte les
Amandiers en 1990 pour se consacrer à l'écriture et la
réalisation de La Reine Margot, d'après Alexandre Dumas,
son quatrième film après La Chair de l'orchidée, Judith
Therpauve et L'Homme blessé. Le dernier spectacle de
théâtre réalisé par Patrice Chéreau, Le Temps et la chambre
de Botho Strauss, a été créé à l'Odéon-Théâtre de l'Europe
en 1991.
Als welch ein Maulheld hab ich mich gebàrdet :
Versicherungsbeamrer,Sklavenhalter,
Gesangsmagister, Kuppler, Diplomat,
Hanswurst, Schriftsteller, Schauspielakrobat,
Marktschreier, Bràutigam noch in meinem Alter,
Erpresser, Heiratsschwindler, Bauernfànger,
Revolverjournalist und Bànkelsânger,
Um jetzt, berauscht von blôden Hochgefùhlen,
Als diimmster Narr den lieben Gott zu spielen !
Frank Wedekind, Franziska, IV. Akt
Comme je me suis conduit en fanfaron :
agent d'assurance, esclavagiste,
maître de chant, entremetteur, diplomate,
pitre, écrivain, acrobate de comédie,
bonimenteur, fiancé encore qynon
ion âge,
maître chanteur, escroc au mariage,
iage, attra|
attrape-nigauds,
eur de rue,
journaliste à scandale, et chanteur
pour maintenant enivré d'uftsMbueilimbéc
||ueil"imbécile
jer au bon dieu.
comme le plus idiot des fous rouer
i
Frank fedekind, Franziska, Acte IV
D'abord, le passé qui affleure
et toujours pervertit l'expérience
du présent, un souvenir mauvais,
Franziska enfant, pétrifiée devant
la porte du château familial qu'elle
n'ose pousser : quel nouveau
désastre dans l'enfer conjugal
de ses parents ? Et sans doute la
blessure est-elle le germe de
l'inapaisement qui conduit la jeune
fille, vite débarrassée de sa virginité
qu'elle jette au premier venu, à signer
le contrat d'un Méphistophélès
agent d'assurances. Mais les
métamorphoses de cette « danse
de sorcière »- et la première de toutes,
la plus absolue, devenir un homme ! ne sont que la vérification
impatiente de l'échec, toujours,
de toute tentative de réconciliation
des deux sexes : chanteur d'opéra
embourbé dans le triangle
amoureux du théâtre bourgeois,
actrice d'un drame chevaleresque
dans un duché que la révolte
populaire menace, comédienne
enfin dans un inextricable mystère
médiéval. Puis naîtra un fils,
maternité assumée seule. Plus tard,
près d'eux, un peintre. Est-ce
l'apaisement enfin ? Mais ces roses
ornant le portrait de la mère et de
l'enfant ? Le souvenir d'un tableau
de Madone ? Une concession au goût
du public ? Croire à la rédemption,
au renoncement ? Oublier
Franziska soeur cadette de Lulu ?
■ Si l'on met à part L'Eveil
du printemps et Lulu (le mythe
incarné par Louise Brooks et l'opéra
de Berg ayant d'ailleurs un peu
éclipsé la pièce d'origine), le théâtre
de Frank Wedekind reste en France
peu connu : une œuvre placée tout
entière, de gré ou de force, sous
le signe du combat - combat contre
la censure, et à travers elle
contre la société de son époque.
Parce qu'il ne voulut faire aucune
concession à cette société-là, pas
même celle de se taire, et que
l'espoir d'un monde meilleur ne
quitta peut-être jamais tout à fait
celui que Brecht considérait aux
côtés de Tolstoï et Strindberg
comme l'un des « grands éducateurs
de l'Europe nouvelle », Wedekind
dut souvent s'avancer masqué,
truffant son écriture de messages
en forme d'énigmes ou d'allusions
parfois difficiles à déchiffrer.
Franziska n'échappe pas à la règle,
y ajoutant même un subtil jeu de
références et citations, où le Faust
de Goethe se retrouve comme
paraphrasé au féminin, où drame
naturaliste, cabaret et mystère
médiéval surgissent comme autant
de stations d'un parcours chaotique
et fascinant, où la vie enfin
de l'auteur, se glissant par tous
les interstices, semble alimenter
le feu d'une autobiographie
mégalomaniaque et dérisoire.
Véritable forge théâtrale, Franziska
finit pourtant par consumer toutes
ses références, car la flamme visiblement importe plus que ce qu'elle
brûle : car la vie, chez Wedekind,
ne fait jamais l'économie de la mort,
ni l'amour l'économie du désir.
Et pour cela il y a un prix à payer,
celui de ne jamais venir à bout de ses
propres contradictions,quelque chose
comme une damnation moderne.
Stéphane Braunschweig
■ Sans être réellement
la dernière pièce de Wedekind,
Franziska, écrite en 1912, offre
cependant tous les caractères
d'une œuvre ultime. Texte-somme,
où l'auteur, opérant une brusque
condensation de son univers
dramatique, revisite certains lieux
explorés déjà pour eux-mêmes dans
une œuvre ou dans l'autre :
inapaisement faustien de L'Eveil du
printemps ou de La Mort et le diable,
théâtre dans le théâtre du
Roi Nicolo, insertion plus triviale
de matériaux biographiques comme
le cabaret ou l'enfer conjugal.
Franziska est aussi une odyssée
parodique traversant l'histoire et
les genres littéraires. Le plagiat,
le montage, le collage affichent une
désinvolture qui produit et exalte
la théâtralité. L'œuvre éclate,
déborde, elle montre tout ensemble
la richesse de la miniature et
la violence du fragment. Deux ans
avant la guerre, le dérèglement de
la forme théâtrale, son affolement
et sa précipitation annoncent
d'autres désordres, plus meurtriers
et que la peinture expressionniste
saisira. Pour Stéphane Braunschweig
également, la pièce de Wedekind
est le point nodal où se rejoignent
tous les univers abordés jusqu'ici,
de la trilogie allemande imaginaire
Bùchner, Brecht, Horvath,
à l'Amphitryon de Kleist, pièces
chaotiques, monde ruiné par les
névroses individuelles, quête
faustienne et déchirure fondatrice
du rapport homme / femme.
Franziska offre en outre au metteur
en scène de pouvoir affirmer plus
avant le goût qui l'incline aujourd'hui
vers les formes musicales.
TRADUCTION Eloi recoing et Ruth Orthmann
MISE EN SCÈNE ET SCÉNOGRAPHIE
Stéphane Braunschweig
LUMIÈRE Marion Hewlett
MUSIQUE Gualtiero Dazzi
COSTUMES ThibaultVancraenenbroeck
COLLABORATION ARTISTIQUE Anne-Françoise Benhamou
AVEC
Olivier Cruveiller, Jean-Marc Eder, Philippe Girard,
Florence Hebbelynck, Evelyne Istria, Flore Lefebvre des Noëttes,
Véronique Lemaire, Ariane Moret, Nicolas Pirson, Daniel Znyk
MUSICIENS Didier Casamitgiana, Lisa Erbès, Sylvie Magan
PRODUCTION
Odéon-Théâtre de l'Europe / CDN d'Orléans /
Théâtre National de la Communauté Française de Belgique
STÉPHANE BRAUNSCHWEIG
Stéphane Braunschweig naît en 1964. Parallèlement des
études de philosophie, il fonde sa compagnie du ThéâtreMachine et entre à l'École de Chaillot dirigée par Antoine
Vitez. Il y rencontre la plupart des comédiens avec lesquels il
monte, en 1991, Les Hommes de neige, une trilogie
allemande imaginaire (Woyzeck de Bùchner, Tambours dans
la nuit de Brecht et Don Juan revient de guerre de Horvath)
qui le révèle au public français. Après ses mises en scène
d'A/'ax de Sophocle et de La Cerisaie de Tchékhov,
Braunschweig est nommé à la tête du Centre dramatique
national d'Orléans en 1993. Il y crée Le Conte d'hiver de
Shakespeare et propose une adaptation du Docteur Faustus
de Thomas Mann. Sa dernière mise en scène, Amphitryon
de Kleist, a été présentée l'an dernier au Théâtre de
l'Athénée à Paris. Stéphane Braunschweig est également
metteur en scène d'opéra. Il a présenté Le Château de Barbe
Bleue de Bartok et Fidelio de Beethoven au Théâtre du
Châtelet en 93 et 95 et créé La Rosa d'Adriana de Gualtiero
Dazzi au Festival Musica de Strasbourg 95.
FRANK WEDEKIND
Frank Wedekind (1864-1918) dut attendre le décès de son
père en 1888 pour s'abandonner enfin librement à l'exercice de la littérature. A Zurich, il fréquente très tôt les cercles
des écrivains naturalistes. Il s'en distingue cependant par
son esprit satirique et son inclination à l'anarchie. S'il
fallait évoquer une filiation, ce sont plutôt Lenz et Bùchner
que l'on nommerait. Wedekind est attiré par le théâtre et
pour apprendre le métier n'hésite pas à se faire embaucher
dans un cirque : expérience sans doute originaire, la
matrice où s'élabore une technique théâtrale rompant
avec les formes dramatiques traditionnelles, tendue entre
les acrobaties intellectuelles et la déformation grotesque
du monde. Après le scandale provoqué par la parution, en
1891, de son premier drame, L'Eveil du printemps,
Wedekind mène une vie errante et désordonnée à travers
l'Europe, parmi les clowns, les artistes et la bohème. Avec
L'Esprit de la terre et La Boîte de Pandore, réunis ensuite
sous le titre de Lulu, Wedekind pousse plus avant sa
dénonciation de l'hypocrisie de la société bourgeoise et
revendique la liberté des mœurs. L'œuvre est refusée par
les théâtres et les éditeurs. En 1900, après la publication
d'un poème satirique dans le journal humoristique
Simplicissimus auquel il collabore, Wedekind est
embastillé pour crime de lèse-majesté. Au sortir de prison,
il fonde à Munich le Cabaret des onze bourreaux qu'il
anime avec succès. Avec le siècle nouveau, la destinée
mauvaise de l'œuvre bascule enfin : les théâtres accueillent
les quelque quinze pièces composées par Wedekind. A
Berlin età Munich surtout, l'auteur interprète régulièrement
ses propres œuvres à la scène. En tournée à Vienne,
Wedekind rencontre une jeune actrice, Tilly Newes,
récemment divorcée d'un premier mariage avec August
Strindberg. Il l'épouse en 1906. C'est elle qui crée le rôle
de Franziska. Wedekind sera reconnu comme précurseur
par la génération expressionniste, et, plus vastement,
comme authentique éducateur par des esprits aussi divers
que Karl Kraus, Bertolt Brecht ou Heinrich Mann.
If thou wilt weepe my Fortunes, take my eyes.
I know thee well enough, thy name is Glouster :
Thou must be patient ; we came crying hither:
Thou know'st, the first time that we smell the Ayre
We wawle, and cry. I will preach to thee : Marke.
GLOUCESTER
Alacke, alacke the day.
When we are borne, we cry that we are corne
To this great stage of Fooles...
William Shakespeare, King Lear, IV, 6
Et si tu veux pleurer mes malheurs, prends mes yeux.
Je te connais plutôt bien : ton nom est Gloucester.
Sois courageux ! Nous entrons pleurant dans ce Snonde,
Nous vagissons et pleurons, tu le sais, aussitô
notre premier souffle.
Ecoute bien ! Je vais te faire un sermon.
Maudit, maudit ce j<
Quand nous ticrtssJÊCnous pleurons d'apparaître
Sur gp^rand théâtre des fous...
•
"
rilliam Shakespeare, Le Roi Lear, Acte J
iSPEÀRE
Il était une fois un vieux roi
tyrannique qui souhaitait partager
son royaume entre ses trois filles,
donnant à chacune selon la mesure
de l'amour filial qu'elles lui sauraient
témoigner. Par belle flatterie, les
deux aînées gagnent le cœur
paternel. Mais Cordélia, la cadette,
refuse l'enchère et oppose aux
paroles creuses de ses sœurs
la pudeur d'une réponse sincère :
« Je ne dirai rien» Ce « rien »,
demeuré incompris du vieux roi,
produit le chaos : Cordélia est
déshéritée et bannie, Régane
et Goneril se partagent le royaume,
révélant bientôt leur caractère
véritable, ingratitude et sournoiserie
avide et querelleuse. Lear, privé
de raison, dépouillé de tout jusqu'à
l'entière nudité de l'homme, bat
la campagne, nouveau Job exposé
sans secours à l'ouragan qui souffle
sur la lande où, « à des lieues
à la ronde, il n'est pas un buisson ».
Dans cette universelle dévastation,
éléments révoltés et tempête sous
un crâne, l'errance de Lear croise
la destinée, parallèle et également
miséreuse, du Comte de Gloucester,
privé de ses biens par la malveillance
d'un fils dénaturé, orbites vides
désormais, aveugles les yeux
qui ne surent reconnaître l'amour
fidèle du fils légitime.
12 MAI 96
TRADUCTION Georges Lavaudant et Daniel Loayza
WILLIAM SHAKESPEARE
MISE EN SCÈNE Georges Lavaudant
DÉCOR ET COSTUMES Jean-PierreVergier
LUMIÈRE Georges Lavaudant et Jean-Pierre Vergier
AVEC
Gilles Ârbona, Marc Betton, Philippe Morier-Genoud,
Annie Perret, Marie-Paule Trystram,
(distribution en cours)
■ Vingt ans après, c'est Lear
que nous jouerons à nouveau,
avec le même effroi, la même
appréhension, le même plaisir devant
ce « Théâtre-Monde », devant cette
pièce, une des plus fabuleuses
du répertoire, violente et poétique,
tragique et farcesque. Et bien
évidemment, nous la jouerons avec
nos moyens, nos envies, qui sont
ceux du music-hall et de l'acteur,
combustible principal. Un fou,
un aveugle, une tempête, des crimes,
des yeux arrachés, des blagues
métaphysiques, des trahisons,
des déguisements. Un monde égaré.
Une planète sans amour, filant
dans l'immensité galactique sans
repères. Allégorie et parabole,
rien ne semble immédiatement
compréhensible, et pourtant nous
pouvons en raconter la fable avec
une étonnante facilité: « Il était
une fois un vieux roi tyrannique qui
souhaitait partager son royaume
entre ses trois filles... etc.,etc. »
Lear est une tragédie de l'existence
sur fond de complots historiques.
Comment marcher vers la
connaissance à travers l'épreuve
de la folie ? Comment devenir
fou pour enfin retrouver la raison ?
Comment marcher vers la connaissance à travers l'épreuve de la
douleur ? Comment devenir aveugle
pour y voir enfin clair ? Ou encore,
pourquoi l'amour et la sincérité
peuvent briser le cours du temps,
produisant en cascade encore plus
de malheur que l'acceptation de la
convention ? Lear et Gloucester,
le fou et l'aveugle, chemineront donc
de concert comme deux rescapés
d'une pièce de Beckett sur une terre
déjà stérile. Avec Lear, Shakespeare
réussit à faire tenir toute l'histoire
du théâtre dans une seule et même
pièce. Au final, l'intransigeante et
jeune Cordélia et le Roi coléreux se
retrouveront dans la mort. Une fois
de plus, le tour est joué.
Georges Lavaudant
■ Sur cette côte normande,
à une heure aussi matinale,
je n'avais besoin de personne.
La présence des mouettes
me dérangeait: je les fis fuir à coups
de pierres. Et leurs cris d'une
stridence surnaturelle, je compris
que c'était justement cela qu'il
me fallait, que le sinistre seul pouvait
m'apaiser, et que c'est pour
le rencontrer que je m'étais levé
avant le jour.
La clairvoyance est le seul vice qui
rende libre - libre dans un désert.
Nous ne pardonnons
qu'aux enfants et aux fous
d'être francs avec nous : les autres,
s'ils ont l'audace de les imiter,
s'en repentiront tôt ou tard.
Ma vision de l'avenir est si précise
que, si j'avais des enfants,
je les étranglerais sur l'heure.
Qu'avez-vous, mais qu'avez-vous
donc ? - Je n'ai rien, je n'ai rien,
j'ai fait seulement un bond hors
de mon sort, et je ne sais plus
maintenant vers quoi me tourner,
vers quoi courir...
E. M. Cioran, De l'inconvénient d'être né,
Gallimard, 1973
PRODUCTION
Odéon-Théâtre de l'Europe / TNP Villeurbanne/
Le Volcan-Le Havre
GEORGESLAVAUDANT
Georges Lavaudant naît au théâtre au début des années 70,
à Grenoble. Le cinéma, la littérature hippie américaine,
l'hyperréalisme pictural, le jazz et la musique pop, plus que
les références à l'histoire du théâtre, nourrissent les premiers
spectacles où le metteur en scène impose d'emblée sa
singularité et son goût de l'image. Fulgurance qu'il conduit
à son plus haut degré en 1977 avec Palazzo mentale, une
rêverie inspirée de Dante et de Virgile. Ces « quelques
images de plus pour hâter la fin du siècle «restent dans la
légende. Dès 1973, Lavaudant s'empare aussi des grands
textes du répertoire, Lorenzaccio d'abord, puis Le Roi Lear
en 1975. Nommé directeur du Centre dramatique des Alpes
en 1981, appelé par Roger Planchon au T.N.R de LyonVilleurbanne en 1986, Lavaudant poursuit sa démarche
balancée entre textes classiques (Musset, Shakespeare,
Tchékhov, Brecht, Labiche, Genet) et auteurs contemporains (Jean-Christophe Bailly, dont il crée Les Céphéides
dans la Cour d'honneur du Palais des papes d'Avignon en
1983, Denis Roche, Michel Deutsch, J. M. G. Le Clézio).
Depuis 1988, il met également en scène ses propres textes,
Vera Cruz, Les Iris et Terra Incognito. Le dernier spectacle de
Lavaudant, Lumières, un diptyque réalisé avec JeanChristophe Bailly, Michel Deutsch et le chorégraphe JeanFrançois Duroure, a été présenté l'an dernier à la Maison de
la culture de Bobigny.
William Shakespeare naît en 1564, l'année de la mort de
Michel-Ange. Les principaux événements de sa vie sont
établis de façon au moins aussi assurée que ceux de la
plupart des auteurs de son temps. Mais curieusement, les
thèses, datant du XIXèm" siècle et contestant qu'il ait été
l'auteur de ses pièces, connaissent encore en France une
certaine audience. Dès 1592, Shakespeare est à Londres
un auteur et un acteur suffisamment envié pour susciter les
allusions dédaigneuses du pamphlétaire Robert Greene.
C'est à cette époque qu'il rédige les grands drames
historiques qui constituent, avec les comédies, les tragédies
et les tragi-comédies des dernières années, les quatre
catégories dans lesquelles on divise traditionnellement le
corpus dramatique shakespearien. En 1593 et 1594, une
épidémie de peste ravage Londres. Les théâtres sont
fermés. Durant cette vacance, Shakespeare publie deux
volumes de poèmes, Vénus et Adonis et Le Viol de Lucrèce,
et rédige la plupart de ses Sonnets. L'achat, en 1597, d'une
des plus belles maisons de Stratford atteste le succès et la
prospérité : Shakespeare est acteur et auteur attitré de la
première troupe d'Angleterre et fonde le Théâtre du Globe.
Après avoir atteint aux plus parfaites réussites du drame
historique avec Henry IV ou Richard II et de la comédie avec
Les Joyeuses commères de Windsor, le dramaturge se fraie
une nouvelle voie dans le domaine de la tragédie avec la
rédaction de Hamlet vers 1601. Les innovations formelles
et la liberté de ton annoncent les trois grandes tragédies
d'Othello, du Roi Lear et de Macbeth, dans lesquelles
Shakespeare met en lumière le mystère du mal objectif et
conçoit l'existence humaine comme « une ombre qui passe,
un pauvre acteur qui s'agite et parade une heure sur la
scène, un récit plein de bruit, de fureur, qu'un idiot raconte
et qui n'a pas de sens ». Vers 1610, Shakespeare s'installe
définitivement à Stratford où il passe dans la paix les
dernières années de sa vie et compose les tragi-comédies
finales du Conte d'hiver et de La Tempête. Shakespeare et
Cervantès meurent le même jour, le 23 avril 1616.
Must I remember ? Yes, I remember. I remember
détails. I remember the sky was pink, extraordinary
pink. There were men from Coleraine, talking about
salmon fishing. Someone said the sky is red today.
David said it's pink. And I looked and I could see
again. I saw the pink in him. I know he would die,
for he was turning from earth into air.
Franck McGuinness, Observe the sons of Ulster
marching towards the Somme
Dois-je me souvenir ? Oui, je me souviens.
Je me souviens de certains détails. Je me souviens
que le ciel était rose, d'un rose extraordinaire.
Il y avait des hommes de Coleraine qui parlaient de
la chasse au saumon. Quelqu'un a dit que le ciel était
rouge. David a dit, il est rose. J'ai regardé et de nouveau
j'ai vu. J'ai vu le ciel en lui. J'ai su qu'il allait mourir,
qu'il se détachait de la terre.
Franck McGuinness, Les Fils de l'Ulster
en marche vers la Somme
Vf
L
* mfk
Danse de mort: huit hommes,
fils des six comtés de l'Ulster, tous
de religion protestante, ressuscitent
dans le souvenir de celui qui seul
survécut au désastre des bords de
Somme, à l'aube du 1er juillet 1916.
L'homme s'était pourtant engagé
pour mourir. Servir Dieu ou la patrie
lui importait peu, seule sa jeunesse
déchirée, une morsure à laquelle
enfin se soustraire. Et sans doute
a-t-il laissé une part de son être
au champ de gloire, « Le dernier
combat. Je suis mort ce jour-là avec
vous. », fantôme lui aussi désormais,
à l'égal de ceux qu'il convoque
aujourd'hui. Dans l'entrelacs
de la mémoire, le passé est une toile
toujours plus complexe.
Indéfiniment se mêlent les faits
et leur inévitable légende. Le travail
de l'imaginaire donne corps et
parfum à l'existence individuelle
de chacun, espoirs, désirs, douleurs,
craintes. La fiction s'évade librement
de la boue des tranchées et rejoint
l'île natale : là-bas le foyer véritable,
terre et ciel plus familiers
qu'une chambre. Les ressources
du théâtre, la représentation
grotesque d'une ancienne bataille
des guerres civiles irlandaises,
achèvent de rapprocher ceux
que la naissance ou les convictions
semblaient parfois séparer et que
la mort, bientôt, confondra.
MISE EN SCÈNE Patrick Mason
DÉCOR JoeVanek
COSTUMES JoanO'Clery
LUMIÈRE Nick Chelton
■ Est-ce pour les morts
que tu fais des miracles ?
Les morts se lèvent-ils pour te louer ?
Parle-t-on de ta bonté
dans le sépulcre,
De ta fidélité dans l'abîme ?
Tes prodiges sont-ils connus
dans les ténèbres.
Et ta justice dans la terre de l'oubli ?
O Eternel ! j'implore ton secours.
Et le matin ma prière s'élève à toi.
Pourquoi, Éternel,
repousses-tu mon âme ?
Pourquoi me caches-tu ta face ?
Je suis malheureux et moribond
dès ma jeunesse.
Je suis chargé de tes terreurs,
je suis troublé.
Tes fureurs passent sur moi.
Tes terreurs m'anéantissent.
Elles m'environnent tout le jour
comme des eaux.
Elles m'enveloppent toutes à la fois.
Tu as éloigné de moi amis
et compagnons.
Mes intimes ont disparu.
Psaume 88
■ Sait-on jamais la motivation
profonde de nos actes ?
Qui doutera de la conviction sincère
du poète républicain et socialiste
irlandais Francis Ledwige lorsqu'il
confesse, dans un vers tout vibrant
d'héroïsme, s'être engagé aux côtés
de ses camarades fusiliers parce
que cette guerre, la Grande,
est une guerre de liberté et de justice,
d'amour et de paix P Mais dans
le trou d'obus où il a trouvé refuge,
une voix grinçante ne lui murmuret-elle pas à l'oreille : « Trêve de
grandes phrases et de balivernes,
Francis. Tu t'es engagé parce que
ta fiancée Ellie Vaughey s'est laissé
engrosser par ton vieux copain John
O'Neill et qu'elle a dû l'épouser »?
Toute vérité, décidément,
est complexe. L'Histoire semble
souvent un vaste emportement
qui annule les destinées individuelles.
Mais elle est aussi, et irréductiblement,
la somme des atomes humains
qui la composent. Avec subtilité.
Les Fils de l'Ulster en marche vers
la Somme va et vient entre ces
deux plans. La pièce, élaborant un
discours féroce sur l'engagement
et la guerre, dénonce la vacuité
d'un héroïsme autodestructeur
qui conduit droit à la mort.
Elle désarticule en outre les mécanismes, souvent pervers, par lesquels
la mémoire, faisant retour sur le
passé, enfante la légende et le mythe.
Ainsi de la fameuse 36ème Division
de l'Ulster, 13 000 fantassins,
loyalistes, protestants pieux
et membres de loges maçonniques
ou orangistes pour la plupart, l'un
des mythes les plus persistants de
la Grande Guerre, son assaut
héroïque et dévastateur contre
la forteresse allemande
de la Schwaben Redoute : au soir
du 1er juillet 1916, 5 000 cadavres
irlandais jonchent le champ
d'honneur. Et plus tard,
la glorification des faits dans
le discours officiel laissera souvent
ahuris les survivants au désastre,
nouvelles victimes d'un sacrifice
dont ils ont seuls mesuré l'absurdité
massive.Francis Ledwige ne mourut
pas ce 1er juillet 1916. C'est en août
1917, dans la boue des Flandres,
qu'il rencontra la camarde.
Des quelque 35 000 Irlandais morts
au combat, l'Histoire a retenu son
nom. Comme elle a retenu celui
de John Condon, né à Waterford
en 1901, mortàYpres en 1915,
le plus jeune soldat britannique tué
à la guerre. Les huit destinées
dont Frank McGuinness exhume
ici des fragments sont parmi celles
demeurées anonymes.
Elles sont donc exemplaires.
AVEC
Gérard Byrne, Sean Campion, Clive Geraghty,
Peter Gowen, Stuart Graham, Frank McCusker,
Conor McDermottroe, Mark O'Regan, David Parnell
PRODUCTION The AbbeyTheatre, Dublin
PATRICK MASON
Patrick Mason réalise sa première mise en scène à l'Abbey
Theatre de Dublin en 1977. Il est aujourd'hui le directeur
artistique de cette prestigieuse institution également
désignée parfois sous le nom de National Theatre Society,
un glissement métonymique qui témoigne du lien serré
entre un lieu théâtral et une volonté artistique soucieuse de
l'entretien et du renouvellement d'un répertoire dramatique
national. Découvrir et faire connaître les auteurs irlandais
est d'ailleurs l'un des pôles qui organise l'activité du metteur
en scène. S'il a également monté des textes, aujourd'hui
classiques, de John Millington Synge, Oscar Wilde ou
Eugene O'Neill (dont on ne peut oublier l'ascendance
irlandaise), ce sont surtout les dramaturges contemporains
vers lesquels se porte l'attention de Patrick Mason : Frank
McGuinness bien sûr, mais aussi Brian Friel, Michael
Harding ou Tom Maclntyre. Les grandes oeuvres du
répertoire, parmi lesquelles La Mouette et La Cerisaie
d'Anton Tchékhov, Peer Gynt de Henrik Ibsen ou Le Conte
d'hiver de William Shakespeare, constituent le second foyer
d'élection où se déploie le talent, souvent subversif, du
metteur en scène.
Les Fils de l'Ulster en marche vers la Somme,
traduction française de Joseph Long et Alexandra Poulain, a été
mis en espace par Michel Raskine dans le cadre des Lectures
irlandaises du Petit Odéon en décembre 1991.
Frank McGuinness enseignait la littérature anglaise à
l'University College de Dublin lorsque, durant l'été 1980,
une représentation du Guérisseur, la nouvelle pièce du déjà
fameux Brian Friel, lui révèle sa vocation d'auteur
dramatique. Son première texte, Les Ouvrières, présenté au
Peacock Theatre en 1 982, inaugure une collaboration
étroite, proche du partenariat, avec le metteur en scène
Patrick Mason. C'est lui qui crée par la suite la plupart des
textes de McGuinness. Les Fils de l'Ulster en marche vers la
Somme, le premier grand succès de l'auteur irlandais,
signale le début de sa carrière internationale. Après sa
création à l'Abbey Theatre de Dublin en février 1985, la
pièce est aussitôt reprise au Hampstead Theatre de
Londres, dans une nouvelle mise en scène de Michael
Attenborough. Après Innocence, un texte sur la vie du
Caravage au Gâte Theatre de Dublin en 1986 et Les
Carthaginois en 1 989, McGuiness répond avec Marie et
Lizzie. à une commande de la Royal Shakespeare Company.
La pièce est présentée au Barbican Theatre de Londres, en
1989. Quelqu'un qui prenne soin de moi, son texte le plus
récent, a été salué lors de sa création à Londres comme à
New York. McGuinness est aujourd'hui l'un des auteurs les
plus en vue de la nouvelle génération de dramaturges
irlandais. Son oeuvre s'articule essentiellement autour de
deux grands axes : la dénonciation du dangereux pouvoir
des mots d'une part, la collision entre expérience historique
et sentiment individuel de l'autre. Outre ses propres textes,
McGuinness a également écrit des scénarii pour la B.B.C. et
adapté ou traduit des grandes œuvres du répertoire comme
Yerma, Les Trois sœurs, Oncle Vania, L'Opéra de quat'sous,
Hedda Gabier ou Peer Gynt. Il travaille actuellement à son
premier long métrage.
THE
OF
For if it's a right some of you have to be working
and sweating the like of Timmy the smith, and
a right some of you have to be fasting and praying
and talking holy talk the like of yourself, l'm thinking
it's a good right ourselves have to be sitting blind,
hearing a soft wind turning round the little leaves
of the spring, and feeling the sun, and we not
tormenting our soûls with the sight of the grey days,
and the holy men, and the dirty feet
is trampling the world.
John Millington Synge, The Well ofthe Saints, Act III
Parce que si certains d'entre vous ont le droit TSj g
de travailler et transpirer comme Timmy le forgeron,
et quelques autres de jeûner et prier comme vous
et tenir de beaux discours, je crois que nous avons
le droit nous aussi d'être aveugles et de rester assis,
à écouter un vent doux retourner les feuilles
du printemps et sentir le soleil sans nous tourmenter
l'âme à la vue des jours gris, ni des saints hommes,
ni des pieds sales qui piétinent le monde.
John Millington Synge, Le Puits des Saints, Acte II
THE
A la croisée des chemins,
sur une lande rocailleuse quelque
part à l'est de l'Irlande, au temps
des forgerons et des moines
errants, deux aveugles mendient
leur pain. Martin Doul et sa femme
Mary sont laids comme le péché.
Leurs jours s'écoulent pourtant
dans l'illusion heureuse de
la beauté. A peine rêvent-ils parfois
de « se voir une heure seulement,
ou même une minute, pour être
vraiment sûrs que nous sommes
le plus bel homme et la plus belle
femme des sept comtés ».
Passe un saint homme, le prodige
s'accomplit: une seule goutte
de l'eau qu'il apporte et les deux
aveugles voient aussi clair que
le premier venu par le monde. Mais
ce qu'ils voient n'est tolérable à l'un
ni à l'autre. Ils se disputent,
se déchirent, se séparent.
L'aveuglement doux qui les préservaient des méchancetés du monde
est brisé sans retour. Martin Doul
use maintenant tous ses os à trimer
tout le jour pour pas trois sous.
Mary n'est jamais loin, entretenant
la haine et le regret des jours sans
lumière. Mais le miracle s'éteint
peu à peu et le monde s'obscurcit
à nouveau. Les deux êtres se
retrouvent, indispensables et tentant
vaille que vaille de renouer le sortilège
d'autrefois. Repasse le saint
homme. Il ne les y reprendra plus.
™JUIN 96
■ L'Irlande, l'île verte,
une terre extrême occidentale,
presque basculée déjà dans l'inconnu
du bout du monde, les îles d'Aran
et L'homme d'Aran, souvenir
de cinéphile, le vent atlantique,
apaisé jamais, lavant les yeux et
l'intérieur du crâne, la terre,
la tourbe qu'on sèche et puis qu'on
brûle, la langue gaélique,
les conteurs, les bardes, les druides,
une imagination légendaire,
opulente, les sortilèges et les esprits
au dehors, dès la nuit, enchantement
obscur quand dorment les sacristies,
paganisme pur de la féerie celte,
Dyonisos seul. Mais quoi ?
Fourre-tout racoleur d'agence
de voyages ? Publicité d'Aer Lingus ?
Mais attendez donc, un peu
de patience voyons, une once, moins
que ça d'ailleurs, nous voici arrivés
déjà et... mais débarquons plutôt.
« Les mots aussi de qui qu'ils
soient. Comme parfois ils presque
sonnent presque vrai. «Comment ?
Baratin encore ? - Non, non,
exactement ça : les mots aussi de
qui qu'ils soient. - Les mots de qui ?
Oui, ces mots, de qui ces mots ?
Il y a bien quelqu'un ? Ces guillemets,
là, entre guillemets ces mots ?
Alors qui ? - Quelqu'un d'ici.
Devinez.
- D'ici ? Ah, bien sûr, langue rude,
martelée, une fleur cependant,
mais fleur de rocaille, ou comme
serait une pierre que le vent aurait
sculptée en fleur. Et puis cette
déclaration, plus qu'un aphorisme,
un art poétique vraiment, tout
une esthétique en deux groupes
de mots bien balancés. Synge.
John Millington Synge, l'observateur,
l'orfèvre, la grande oreille, pour
une langue d'une fraîcheur inouïe,
maelstrôm d'images, anglo-irlandais
adamique. Vous souriez ?
Trop évidente, ma réponse ?
Un piège grossier ? Et moi tombé
dedans ? Joyce peut-être ? Non ?
Pas lui ? Plus près, dites-vous P
Ah oui, je sais, j'ai trouvé, auteur
contemporain naturellement,
théorie de la filiation, Synge le père,
et puis les autres, jusqu'au dernier
dont on parle, Motton, Gregory
Motton. Gagné, n'est-ce pas,
décrochée la timbale, week-end
à Dublin avec soirée à l'Abbey
Theatre, petit déjeuner eggs and
bacon dans une pension près
de Trinity College ? Non ? Encore
non ? Qui alors ? Qui ? - Beckett.
- Beckett ?
Mais n'y a-t-il pas quelque
arbitraire à convoquer ici et une fois
encore la haute silhouette sombre,
toujours aperçue de dos
et s'éloignant, semble-t-il, du grand
Sam P Moins qu'il n'y paraît.
Mary et Martin, les deux aveugles
de la curieuse parabole de Synge,
mendiant leur pain au carrefour
en évidant des joncs, pourraient
bien être les cousins, un peu bavards
sans doute, de Hamm et Clov.
I
MISE EN SCÈNE Patrick Mason
DÉCOR Monica Frawley
LUMIÈRE Trevor Dawson
AVEC
Kathleen Barrington, John Bergin,
Derbhle Crotty, Stuart Graham, Pat Laffan,
Ronan Le a h y, Pat Leavy, Maire Ni Ghrâinne,
Bri'd Ni Neachtain, Macdara O Fàtharta,
Maire O'Neill, Derry Power
Poussons l'hypothèse jusqu'à
ses dernières conséquences et l'on
envisagera même Fin de partie
comme épilogue alternatif au
Puits des saints, un quatrième acte
dans lequel Mary ou Martin,
peu importe qui, aurait définitivement recouvré la vue après
le second passage du moine errant.
Mais beaucoup de temps se serait
écoulé et il ne serait guère possible
encore de se raconter des histoires,
il serait tout à fait impossible
d'y croire. Resterait seulement la
tyrannie ordinaire que s'infligeraient
deux êtres devenus à jamais
indispensables l'un à l'autre.
Mais sans doute la pièce de Synge
est-elle moins sombre. Peut-être
conclut-elle seulement au bonheur
d'être aveugle dans un monde
qui ment. Elle garde le caractère,
édifiant et subversif à la fois, d'une
moralité médiévale. On rappellera
celle dont elle certainement
inspirée, la Moralité de l'aveugle et
du boiteux d'Andrieu de la Vigne
(1470-1515), que John Millington
Synge, jeune étudiant en littérature
à la Sorbonne, dut lire sous
les globes vert pâle des abat-jour
de la Bibliothèque Sainte-Geneviève.
Puis il s'en retourna, suivant le conseil
de W.B. Yeats, et revit l'île natale.
PRODUCTION
The Abbey Theatre, Dublin
Le texte français de la pièce est publié aux Éditions Folle Avoine
Les deux productions de l'Abbey Theatre de Dublin réalisées
par Patrick Mason sont accueillies avec le soutien de
L'Imaginaire irlandais, un ensemble de manifestations
culturelles présentées à Paris et en régions, de mars à août
1996, et témoignant de la richesse de la création artistique
en Irlande aujourd'hui.
JOHN MILLINCTON SYNCE
John Millington Synge naît près de Dublin, en 1871. Les
mots le fascinent dès son enfance, mais il songe un moment
devenir musicien et voyage à travers l'Europe. En 1896,
Synge est à Paris, il suit les cours de littérature en Sorbonne
lorsque le poète irlandais William Butler Yeats découvre et
reconnaît son talent. Rencontre déterminante, Yeats
conseille au jeune homme de regagner l'Irlande afin que
son œuvre s'y nourrisse aux sources mêmes de sa véritable
inspiration. Synge s'établitaux îles d'Aran en 1898.11 vit très
simplement, se mêle à la vie du peuple. Peu à peu se forge,
à travers les anecdotes du folklore et l'observation des
scènes populaires qu'il décrit dans son recueil des Iles
d'Aran, cette langue si particulière, vibrante de sensations et
d'images anciennes, qui lui est propre. Après une première
pièce, Quand la lune sera couchée, refusée par l'Irish
Literary Theatre, Synge compose deux pièces en un acte,
L'Ombre de la vallée en 1903 et Cavaliers à la mer en 1905.
Jouées à Dublin, elles suscitent un âpre débat tant au sein
de la critique que dans le mouvement nationaliste.
L'admiration éprouvée par Yeats à l'endroit du jeune auteur
grandit cependant et Yeats propose à Synge de diriger avec
lui l'Irish National Theatre Society tout récemment fondée
et établie à l'Abbey Theatre de Dublin. De nouvelles cabales
accueillent La Fontaine aux saints, mais c'est surtout la
création du Baladin du monde occidental, en 1907, qui
provoque de véritables émeutes: à la suite des désordres qui
perturbent systématiquement chaque représentation, la
police doit garder le théâtre. Les mêmes incidents ont lieu à
Londres et aux Etats-Unis, où les patriotes irlandais
accusent Synge d'avoir bafoué leur pays. La pièce finit
cependant par s'imposer, elle est aujourd'hui une des
oeuvres du répertoire les plus souvent reprises au théâtre. Le
24 mars 1909, la mort emporte John Millington Synge tout
juste âgé de trente-huit ans et atteint d'une tumeur à la
gorge. La pièce à laquelle il travaillait, Deirdre des douleurs,
reste inachevée. D'aucuns considèrent l'œuvre de Synge
comme l'une des plus importantes parues en anglais depuis
Shakespeare.
EDERICO GARCIA LORCA
Ya se acercan
Unos por la canada y el otro por <
Voy a alumbrar las piedras. c Qué necesitas ?
El aire va llegando duro, con doble filo
Illumina el chaleco y aparta los botones.
que después las navajas ya saben el camino
Federico Garcia Lorca, Bodas de sangre
Acto tercero# Quadro primero
Ils approchent,
Les uns par I oseraie, les autres par le fleuve
Je veux faire briller les cailloux
Que veux-tu ?
Lair devient dur. à double tranchant
Eclaire le gilet. Ecarte les boutons,
Et les couteaux trouveront leur chemin.
CES
DE
SANG)
Le jour même de ses noces,
la Fiancée s'enfuit avec son ancien
amant. Nulle faute cependant,
seule la terre andalouse peut-être,
et le cheval qui emportait l'homme
vers le parfum et les cheveux
de la femme. L'issue est assurée,
certaine, une tragédie inéluctable.
Sous le pâle éclat de la lune,
clarté qui tranche comme une lame,
nuit bleue des sacrifices,
deux hommes sont emportés dans
la mort. Du mariage, la Fiancée
espérait une libération :
« J'étais brûlée, couverte de plaies
dedans et dehors. Ton fils était
un peu d'eau dont j'attendais
des enfants, une terre, la santé.
Mais l'autre était un fleuve obscur
sous la ramée, il m'apportait
la rumeur de ses joncs, sa chanson
murmurait. »Et lorsque leurs deux
voix se seront élevées pour le chant
d'une commune douleur, peut-être
la Fiancée restera-t-elle auprès
de la Mère, réalisant le vœu que
la vieille femme, inquiète de voir
son fils partir à la vigne,
exprimait dès le début de la pièce :
« J'aurais aimé que tu sois une fille.
Tu n'irais pas à la rivière !
Nous resterions ici toutes les deux,
à broder des garnitures,
et des petits chiens en laine. »
Federico Garcia Lorca, Noces de sang,
Acte III, Premier tableau.
- 22 JUIN 96
■ Il ne faut pas s'y tromper :
lorsque Federico Garcia
Lorca inscrit « Tragédie en trois
actes et sept tableaux » sous le titre
de la pièce qu'il vient d'achever,
personne ne saurait l'accuser
de naïveté. Sans doute n'a-t-il pas lu
La Mort de la tragédie, l'essai
dans lequel George Steiner démontre
les conditions d'impossibilité d'une
tragédie moderne après
Shakespeare, l'impossible survie
du genre, dans un monde assujetti
désormais, c'est-à-dire depuis l'âge
classique et le triomphe des Lumières
(Hume, Voltaire, mais aussi,
à la lettre, Benjamin Franklin),
à la raison toute puissante. Le poète
andalou sait d'instinct à quelle
source, archaïque, prélogique,
s'origine la tragédie. Au point qu'il
ne serait pas incongru de renverser
les termes du dialogue manqué
et de se demander : Steiner aurait-il
senti le bel édifice de ses thèses
vaciller s'il avait approché l'œuvre
dramatique de Garcia Lorca,
Noces de sang en particulier ?
Sans son amour pour la terre
andalouse, à laquelle il se sent lié
dans toutes ses émotions et ses
souvenirs d'enfant, jamais Garcia
Lorca n'aurait pu écrire Noces de
sang. L'Andalousie est ce domaine
demeuré comme à la marge
de l'Occident, un territoire magique,
tout vibrant des puissances
numineuses qui régissent
le mystère de l'existence humaine.
Elle est une terre méditerranéenne,
où le qualificatif désignerait
peut-être, plus qu'une catégorie
géographique, le lien qui la rapproche
de la Grèce antique de Sophocle
ou d'Euripide.
Dans sa conférence sur le cante
jondo, le chant primitif andalou,
Garcia Lorca écrit : « Le cante jondo
se rapproche du trille de l'oiseau,
du chant du coq et des musiques
naturelles de la forêt et de
la source. »La forêt est l'espace
privilégié où se déploie l'émotion
nue et bouleversante des premiers
âges. Elle est aussi le lieu scénique
où s'inscrit le troisième acte
de Noces de sang. A un journaliste
qui lui demandait: « Quel moment
préférez-vous dans Noces de sang,
Federico ? », Garcia Lorca déclare :
« Le moment où interviennent
la Lune et la Mort, comme éléments
et symboles de la fatalité.
Le réalisme qui a présidé jusque là
à la tragédie se retire pour faire
place à la fantaisie poétique dans
laquelle, naturellement, je me sens
comme un poisson dans l'eau. »
C'est bien de ce dernier acte, cœur
et source innervant l'œuvre entière,
qu'il faut partir, et faire de cette
apparente fracture stylistique
MISE EN SCÈNE Lluis Pasqual
AVEC
Nuria Espert et Âlfredo Alcon (distribution en cours)
PRODUCTION
Odéon-Théâtre de l'Europe / Centro Dramatico Nacional
de Madrid
Noces de sang est publié aux Editions Gallimard
LLUIS PASQUAL
l'instrument appelé à débusquer,
sous le réalisme « agricole »
des premiers tableaux, le même
tremblement teliurique qui parcourt
tout le drame et le fait accéder,
in fine, à la dignité tragique.
Mieux que nul autre, la Lune, seul
astre que l'œil humain voit naître,
croître et mourir, est l'agent et
le symbole des rythmes de fécondité,
de vie et de mort. Ici, flanquée
de son acolyte la Mendiante,
elle est le véritable protagoniste
du drame. Sans doute les hommes
meurent-ils, dans l'ombre
inquiétante de la forêt, des coups
qu'ils se portent l'un l'autre.
Mais plus encore, c'est aux mains
de la lune que meurent Léonard
et le Fiancé. Dès lors, l'hymne
au couteau que font entendre
àdeux voix les femmes éplorées,
Mère et Fiancée qu'une même
douleur absout sinon réconcilie,
est bien la plainte immémoriale
accompagnant le sacrifice.
« Un couteau, / Un petit couteau,
/ Il tient à peine dans la main,
/ Mais il pénètre froid / Dans les chairs
surprises / Et s'arrête à l'endroit/
Où tremble enchevêtrée / La racine
obscure des cris. »
Lluis Pasqual achève avec Garcia Lorca son deuxième
mandat de trois ans à la direction de l'Odéon-Théâtre de
l'Europe. C'est avec le même auteur qu'il avait étrenné ses
nouvelles fonctions en 1990, présentant deux versions,
française et espagnole, de Pièce sans titre, avant de
retourner comme un gant l'espace du théâtre à l'italienne
pour une mise en scène remarquée du Balcon de Genet. En
1992, l'Odéon-Théâtre de l'Europe est l'hôte du Festival
d'Avignon et Lluis Pasqual présente Le Chevalier d'Olmedo
de Lope de Vega dans la Cour d'honneur du Palais des
papes. Pour la saison 1993-1994 que le Théâtre consacre
à la Russie, il met en scène Les Estivants de Gorki et crée
Roberto Zucco de Bernard-Marie Koltès en russe, au
Théâtre Maly de Saint Pétersbourg. Lluis Pasqual avait
précédemment dirigé le Centre dramatique national de
Madrid, de 1983 à 1990, et fondé en 1976, avec le
scénographe Fabià Puigserver, leTeatre Lliurede Barcelone,
une institution qui s'affirma rapidement comme foyer de
résistance au régime franquiste et s'appliqua à défendre par ses
choix artistiques l'identité culturelle catalane. Lluis Pasqual
a été nommé directeur de la section théâtre de la Biennale
de Venise pour les années 1995 et 1996.
FEDERICO GARCIA LORCA
Federico Garcia Lorca naît en 1898 près de Grenade.
Comme il le déclarera plus tard, « tous ses souvenirs
d'enfance ont le parfum de la terre ». Il ne cessera toute sa
vie d'être en étroite communication avec elle et le peuple
rude et simple de la campagne. L'amitié de Garcia Lorca
avec Manuel de Falla, de vingt ans son aîné, renforcera
encore ce lien et toute son œuvre porte la marque de son
amour pour le folklore et les expressions populaires. Dès le
début, la production littéraire de Garcia Lorca incline vers
le théâtre. Pourtant, poésie et prose ont chez lui des
frontières indécises: sa poésie est souvent dramatique et son
théâtre, poétique. En 1920, la représentation de sa
première œuvre, Le Maléfice de la phalène, est un échec
cuisant. Il faut attendre 1927 et son drame patriotique
Mariana Pineda pour que le poète accède à une reconnaissance dépassant le seul intérêt d'un public lettré. Dès
1931, Garcia Lorca parcourt l'Espagne à la tête d'un
théâtre ambulant, La Barraca : il entend faire connaître,
dans les villages les plus reculés de la péninsule, les grands
classiques espagnols. Dans le même temps, il se consacre
tout entier à l'écriture dramatique. Les farces de La
Savetière prodigieuse et Amour de don Perlimplin avec Bélise
en son jardin ouvrent la voie à une inspiration plus secrète et
difficile que Garcia Lorca qualifie lui-même de « théâtre
impossible », Lorsque cinq ans seront passés et Le Public.
L'impossibilité de présenter ces œuvres au spectateur de son
temps oblige Garcia Lorca à poursuivre dans la voie
classique : se succèdent alors Noces de sang, Yerma et Doha
Rosita la célibataire, un texte moins polémique, destiné
peut-être à calmer l'indignation que fit éclater une partie de
la critique à la lecture de Yerma où s'exprimait, jusqu'au
paroxysme, la frustration érotique de la femme espagnole.
Federico Garcia Lorca venait d'achever La Maison de
Bernarda Alba lorsque la barbarie franquiste l'assassine, le
19 août 1936, dans les ravins de Viznar, près de Grenade.
. 18 FÉVRIER
KOLTÈS SOUS
LE REGARD DE L'AUTRE
(TABATABA)
AVEC UN PROLOGUE DE
La salle du Petit Odéon,
rendue depuis l'an dernier
à son architecture et à sa fonction
MISE EN SCÈNE
LA CHEVRE,
LE CHEVAL ET LA VIERGE
AVEC
TEXTE FRANÇAIS
PRODUCTION
primitives, un salon du XVIII ™
e
siècle, cela signifierait-il le théâtre
aboli, sa condamnation en quelle
sorte ? Non, deux fois non. Et tout
. 2 8 AVRI L
le contraire même : le Petit Odéon
est, à la lettre, l'espace retrouvé
du théâtre, une contrainte assumée
incitant metteurs en scène
CHAMBRE OBSCURE
MISE EN SCÈNE
AVEC
et artistes à repenser radicalement
le lieu et les conditions de leur
PRODUCTION
pratique. Pour le spectateur
qui en franchi les portes,
c'est, chaque fois, une expérience
et un étonnement renouvellés.
LE CHANT DES CHANTS
MISE EN SCÈNE
Paris
Hors
les
mur
Première
REPRESENTATIONS A LA GRANDE
HALLE DE LA VILLETTE
aime
QUATRE HEURES À CHATILA
le théâtre
Dans le magazine
hebdomadaire
« Premières Loges»
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Jean-Marc Froissart
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chaque semaine
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les grands classiques
et les dernières
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créations.
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La chaîne
spectacle
du câble
et du
Satellite.
Pour vous abonner:
36.15 Paris Première.
et UN CAPTIF ET AMOUREUX
Jean Genet
Alain Milianti
En 1991, Alain Milianti
faisait résonner avec force dans
les murs du Petit Odéon par la voix
de Clotilde Mollet, ce texte
de Jean Genet inouï au théâtre,
Quatre heures à Chatila.
Aujourd'hui, il adapte pour la scène
la dernière œuvre de Jean Genet,
sans doute la plus importante,
Un Captif amoureux. L'Odéon,
qui avait coproduit Quatre heures
à Chatila - s'associe au Volcan
du Havre, au Festival d'Automne
à Paris et à la Grande Halle
de la Villette pour présenter
ces deux spectacles.
Quatre heures à Chatila est en partie
le récit de ce que Jean Genet voit,
un matin de septembre 1982, quand
il pénètre dans le camp de Chatila
après les trois jours, les trois nuits
de massacres de la population civile
palestienne. Longtemps considéré
comme un témoignage politique,
Quatre heures à Chatila
du mardi au samedi 20h, dimanche 16h,
relâche les lundis et le jeudi 23 novembre.
Un Captif amoureux
du mardi au samedi 21h30,
dimanche 17h30, relâche les lundis
et le jeudi 23 novembre.
RÉSERVEZ DÈS MAINTENANT
une protestation militante
contre l'erreur et l'injustice, ce texte
est aujourd'hui perçu comme
le retour de Jean Genet à l'écriture
après un silence littéraire de plus
de vingt ans. Un Captif amoureux,
entrepris dans l'élan de Quatre
heures à Chatila, en est comme
le prolongement et l'amplification.
Ce récit est un voyage.
Parti à la recherche des palestiniens,
plus précisément d'un couple-Hamza
et sa mère - entrevu quelques heures
seulement, 25 ans auparavant,
c'est lui-même que Genet retrouve
au terme de cette odyssée. Lui,
se demandant dans un extraordinaire
et inattendu renversement qui
est le cœur du livre, si la révolte
palestinienne n'a pas eu lieu toute
entière pour qu'il soit hanté
à travers ce couple par la question
de ses origines.
■ par correspondance en envoyant
votre règlement à l'Odéon-Théâtre
de l'Europe et en y joignant une enveloppe
timbrée à votre adresse,
■ en téléphonant à l'Odéon-Théâtre de
l'Europe au 44 41 36 36
Prix des places :
pour 1 spectacle: 110F
pour les 2 spectacles : 150F
Tarif préférentiel pour les abonnés
et les détenteurs d'une Carte Odéon
ou d'une Carte Complice :
90F pour 1 spectacle 120F pour les 2 spectacles.
PRODUCTION
Le Volcan-Le Havre
AVEC L'AIDE DE LA RÉGION
HAUTE NORMANDIE
CO RÉALISATION
Etablissement Public du Parc
et de la Grande Halle de la Villette,
Festival d'Automne à Paris,
Odéon-Théâtre de l'Europe.
En
Entre lui
et vous,
il y a un point
commun :
notre amour
pour le théâtre.
tournée
DANS LA SOLITUDE DES CHAMPS DE COTON
Bernard-Marie Koltès
Patrice Chéreau
TTr
Après sa création à la Biennale
de Venise le 18 mai 95,
et avant sa présentation à Ivry,
le spectacle prendra la route
pour six mois de tournée en France
et à l'étranger
À MUNICH
24 - 27 mai, Reithalle
À COPENHAGUE
31 mai - 3 juin, Kanonhallen
AU FESTIVAL D'EDIMBOURG
30 août - 2 septembre, Drill Hall
À SÉVILLE
11-15 octobre, Teatro Central
À TOULOUSE
8-15 septembre, Théâtre Sorano
À MADRID
18 - 22 octobre, Festival de Otono
AU HAVRE
19 - 23 septembre, Le Volcan
À GENÈVE
26 octobre - 5 novembre,
Comédie de Genève
À MARSEILLE
27 septembre - 7 octobre.
Théâtre du Gymnase
À NEW-YORK
janvier 96,
Brooklyn Academy of Music
AU FESTIVAL DE VIENNE
7 - 12 juin, Strassenbahnremise
À PORTO
18-21 juin, Alfandega
À CHAMBÉRY
26 - 30 juin. Maison de la Culture
« • DU LUNDI AU VENDREDI: 13 H INTER-TREIZE-QUATORZE JEAN-LUC HEES *18 H 15 SYNERGIE JEAN-LUC
HEES • 22 H A L'HEURE DU POP JOSEARTUR • TOUS LES DIMANCHES : 8 H 39 CHRONIQUE THEATRE JEAN-MARC
STRICKER *13H 20 PIECES DETACHEES LUDOVIC DUNOD • 20 H LE MASQUE ET LA PLUME JEROMEGARCIN
France fnter
Ecoutez, ça n'a rien à voir
À MILAN
3-7 juillet, Teatro Franco Parenti
AU FESTIVAL DE WEIMAR
11 - 14 juillet,
Fabrikhalle Weimarwerk
ROI LEAR
de William Shakespeare
mise en scène Georges Lavaudant
Après sa création à l'Odéon,
le spectacle sera présenté
AU TNP DE VILLEURBANNE
du 20 mai au 1er juin 96,
ET AU VOLCAN DU HAVRE
du 5 au 8 juin 96.
DE L'ODEON
METIERS DU THEATRE
Devant le succès rencontré par les débats
organisés au cours de la saison 94-95,
l'Odéon-Théâtre de l'Europe et la librairie
Carrefour de l'Odéon se retrouvent pour
cette nouvelle saison et vous proposent d'autres
rendez-vous autour des thèmes suivants :
Organisées par l'Odéon - Théâtre de l'Europe,
en collaboration avec le CIDJ, le Centre National
du Théâtre, l'ANPE Spectacle et le CFPTS,
les journées autour des métiers du théâtre avaient
rencontré la saison dernière un grand écho auprès
des jeunes. L'Odéon a donc décidé de renouveler
l'expérience cette saison. Ces rencontres autour
des métiers artistiques, techniques ou administratifs
sont l'occasion de découvrir ou de mieux comprendre
les différentes activités qui entrent en jeu
dans la fabrication et la promotion d'un spectacle.
Elles constituent une occasion privilégiée de découvrir
la réalité de ces différents métiers, ainsi que
les parcours et les formations permettant de les exercer.
Animées par des professionnels, elles auront lieu
dans la Grande Salle du théâtre.
■ Samuel Beckett, en présence d'Alain Badiou
■ Nietzsche et « La naissance de la tragédie »
■ La religion, pouvoir spirituel ou pouvoir séculier ?
■ Identité culturelle ou culture d'identité ?
■ Jacques Derrida
■ Qu'est-ce que la philosophie politique ?
En présence de Claude Lefort
■ Jean-Paul Sartre
■ Y a-t-il une crise de la littérature en Europe ?
■ D'une histoire revisitée à une histoire révisée
■ Doit-il y avoir une politique culturelle publique ?
La liste des participants sera disponible
un mois avant chaque rencontre.
L'entrée est libre.
Pour tous renseignements,
contactez-nous au 44 41 36 39.
SEPTEMBRE
OCTOBRE
D 1er Splendid's îsh
NOVEMBRE
M 1er Le Tartuffe
J 2 Le Tartuffe
V 3 Le Tartuffe
S 4 Le Tartuffe
D 5 Le Tartuffe
S7
M 7 Le Tartuffe
L9
M 8 Le Tartuffe
J 9 Le Tartuffe
M io Le Tartuffe
M 11 Le Tartuffe 20h30
V 10 Le Tartuffe
S 11 Le Tartuffe
J12 Le Tartuffe i9h3o
V13 Le Tartuffe 20h30
D 12 Le Tartuffe
S 14 Le Tartuffe 20h30
D 15 Le Tartuffe
M 14 Le Tartuffe
L16
D 17 Zaïde
M 17 Le Tartuffe 20h30
M 15 Le Tartuffe
Le Tartuffe
Le Tartuffe
M 18 Le Tartuffe 20h30
M 19 Zaïde
J 21 Zaïde
J 19 Le Tartuffe i9h3o
V 20 Le Tartuffe 2oh3o
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M 24 Le Tartuffe 20h30
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V29 Splendid's 20h30
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Dans la solitude... 20h30
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M5
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V 27 Le Tartuffe 20H30
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V 9 Franziska 20H30
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M 9 Lear
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D 11 Franziska
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M 16 Franziska
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J 18 Franziska
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V19 Lear 20h30
S 20 Lear 20h30
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V 22 Lear 2t>h3o
S 23 Lear
D 24 Lear ish
Dans la solitude .
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J 25 Franziska
V 26 Franziska
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M 26 Lear
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S 27 Franziska
M 27
M 27 Lear 20h30
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D 28 Franziska
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Dans la solitude .
M 30 Franziska
M 31 Franziska
Dans la solitude .
j Petit Odéon : La Chèvre, le cheval et la vierge
Dans la solitude des champs de coton : représentations à Ivry
J 29
Petit Odéon : Koltès sous le regard de l'autre
Petit Odéon : Chambre Obscure
M 12 Bodas...
J 13 Bodas...
V 14
20H30
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V 17
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20h30
Bodas...
20H30
D 19
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M 21 Observe...
M 22 Observe...
M 24 Lear
V 24 Observe...
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V 26 Lear 20h30
S 27 Lear 20h30
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M 28 The Well..
MA 29 The Well... 20h30
J 30 The Well..
V 29 Lear
S 30 Lear 20h30
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M 17 Lear 20h30
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D 17
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M 12
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M 25 Le Tartuffe 20h30
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JANVIER
DECEMBRE
M 30 Lear
M 26
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Petit Odéon : Le Chant des chants
BAR ET LIBRAIRIE
L'Odéon
Ayant le spectacle, venez boire un verre entre amis !
Le Bar et la Librairie de l'Odéon sont à votre disposition
1 h30 avant le début des représentations.
R É S E RYAT IONS
HORAIRES
DES REPRÉSENTATIONS
À L'ODÉON, IL EST SIMPLE
DE RÉSERVER ET DE PAYER
SES PLACES.
■ 15 jours avant le début
de chaque spectacle :
GRANDE SALLE
Lundi, mardi, mercredi,
vendredi, samedi : 20h30
jeudi : 19h30
dimanche: 15 h
■ aux guichets du Théâtre,
du lundi au samedi de 11 h à 18h30
PETIT ODÉON
tous les jours à 18h30 (relâche le jeudi)
■ en téléphonant au 44 41 36 36
tous les jours de 11 h à 19h.
(règlement possible par téléphone
avec votre carte bleue)
DANS LA SOLITUDE DES CHAMPS DE COTON
du mardi au samedi : 20h30 - dimanche : 16h
■ par Minitel 3615 ODÉON
24h/24h (1,27 F /mn)
Pour vous rendre à la Manufacture des Œillets,
à Ivry-Seine: (Dans la solitude des champs de coton)
SOYEZ SÛRS D'ÊTRE
BIEN PLACÉS: RÉSERVEZ
À L'AVANCE.
Vous pouvez acheter vos places,
dès maintenant pour l'ensemble
des spectacles de la saison :
■ par correspondance,
en joignant à votre règlement une
enveloppe timbrée à votre adresse,
au plus tard 15 jours avant
le début des spectacles
(vous recevrez vos billets à domicile).
IVRY SUR SEINE
TARIFS GRANDE SALLE
Plein tarif :
170 F, 130 F, 80 F, 50 F, 30 F (séries 1,2,3,4,5)
Groupes, chômeurs, carte vermeil :
150F, 110F, 60F (séries 1,2, 3)
Zaïde, tarif spécial :
350 F, 300 F, 260 F, 150 F, 80 F
Dans la solitude des champs de coton,
tarif unique :150 F
TARIFS PETIT ODÉOH
■ par Minitel 3615 ODÉON, 24h/24h
Plein tarif : 70 F
RÉSERVEZ POUR LE SOIR-MÊME,
pendant la 1"" semaine de
représentations, vous venez à deux
et vous ne payez qu'une place !
Groupes, chômeurs : cartes vermeil : 50F
Pour les différentes formules d'abonnement,
voir le dépliant joint à la brochure
ou le demander au 44 41 36 36
EN VOITURE
Direction Ivry-centre ville, stationnement
au parking de la Mairie d'Ivry, itinéraire fléché
(200 m à pied) jusqu'à la Manufacture
des Œillets.
ODÉON
THÉÂTRE DE L'EUROPE
1, Place Paul Claudel - 75006 Paris
Métro : Odéon
RER : Luxembourg
Bus : 21, 27, 38, 58, 63, 84, 85, 86, 87, 89, 96
Parkings : rue Soufflot, rue de l'École
de Médecine, place St Sulpice.
SERVICE DES RELATIONS AVEC LE PUBLIC
Location : 44 41 36 36
Abonnement : 44 41 36 38
Accueil comités d'entreprises,
groupes d'amis : 44 41 36 37
Accueil groupes scolaires : 44 41 36 39
PLAN DE LA GRANDE SALLE DE L'ODÉON
EN MÉTRO
ligne 7, direction Mairie d'Ivry, station Mairie
d'Ivry (sortie avenue G.Gosnat-N° impairs),
itinéraire fléché (200 m à pied) jusqu'à la
Manufacture des Œillets.
EN R E R
ligne C, station Ivry-sur-Seine, itinéraire fléché
(200 m à pied) jusqu'à la Manufacture des Œillets.
ACCUEIL DES HANDICAPÉS
Personnes à mobilité réduite : accès par la rue
Corneille. Pour faciliter votre accueil, merci de nous
prévenir lors de votre réservation.
sériel-170 F série 2-130 F série 3-80 F série 4-50 F série 5-30 F