Programme de la saison 1995-1996
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Programme de la saison 1995-1996
GRANDE SALLE 15 - 21 SEPTEMBRE . MPI de Wolfgang Amadeus Mozart et Luciano Berio 28 SEPTEMBRE - 1er OCTOBRE Jean Genet/ Mise en scène Klaus Michael Grùber 10 OCTOBRE - 3 DECEMBRE de Molière / Mise en scène Benno Bessorc 16 NOVEMBRE - 14 JANVIER (à Ivry-sur-Seine) de Bernard-Marie Koltès / mise en scène Patrice Chèreau de Frank Wedekind / Mise en scène Stéphane Braunschweig Lavaudant Frank McGuinness MARCHING TOWARD THE SOMME kj# PÉ i/t&j Y/m de John Millington Synge / Mise en scène Patrick Mason BODAS DE SAN G RE (noces de sang) de Federico Garcia Lorca / Mise en scène Lluis Pasqual 3 NOV-30 DECEMBRE PETIT ODEON de MarieLuise Fleisser/ Mise en scène Bérangère Bonvoisin de Bernard-Marie Koltès / Prologue de Jean-Pol Fargeau / mise en scène isaac de Bankolé de Vladimir Nabokov / Mise en scène Anton Kouznetzov SURTITRACE Depuis cinq saisons, l'Odéon-Théâtre de l'Europe a systématisé le principe du surtitrage pour les spectacles en langue étrangère. Le surtitrage est une aide apportée au spectateur pour son agrément. On ne peut attendre du surtitrage un rendu intégral des qualités littéraires ou narratives du texte original. Certaines contraintes techniques rendent nécessaires une sélection de l'information et une traduction parfois simplifiée. Responsable de la publication : Cécile Prost, assistée de Valérie Six • Rédaction : Jean Torrent • Couverture : Frédéric Amat • Graphisme : Thierry Depagne assisté de Stépan Leibovitch • Impression : Jourdan Ivry-sur-Seine • Crédits photographiques : Wilfried Bôing, Collection Cahiers du Cinéma, Cinémathèque de Toulouse, Cinémathèque française, Mario Del Curto, Elisabeth Delestre, Anne Fromentin, The Image Bank (Alain Choisnet), Magnum (Costa Manos, Weegee, Martine Franck), Manfred Hamm, Ros Ribas et Hubert Belvaire. 28 MAI -30 JUIN Mise en scène Patrick Haggiag et UN 1 AIRE de Jean Genet / Mise en scène Alain Milianti m Une saison franco-française ? C'est le théâtre que font tous les franco-français ... Un jour viendra où le théâtre de l'Europe n'existera plus, ■ car ce que nous faisons à l'Odéon, et plus loin Tout a commencé avec l'idée d'une « Saison française ». Après les expériences, riches, troublantes, que nous avons eues avec encore, deviendra « normal » pour toutes les maisons européennes de théâtre, chacune ayant son choix et sa spécificité, donc ... Une des idées qui venait se glisser de temps à autre dans la réflexion, était celle de mon départ de l'Odéon, à la fin de la saison 1995-1996. Il m'est toujours resté cette phrase de mon père : « les russes » et « les anglais » pendant deux saisons, leurs acteurs, leurs textes, leurs metteurs en scène, Donc, nous nous sommes donné plus de liberté « Quand tu soupçonnes ton fauteuil de prendre leurs techniciens, et parfois leur public, il était pour arriver à la saison que l'Odéon-Théâtre la forme de ton dos, c'est le moment de partir !», tout naturel de vouloir en tirer les conséquences, de l'Europe vous offrira en 1995-1996. Une saison et les institutions ont besoin d'être « bridées Un de ces grands moments depuis 6 ans restera de profiter de tout ce que les rapports - faite avec le cœur, la tête, les yeux, les oreilles, et caressées » par d'autres mains, de changer pour moi l'affirmation de l'indépendance de l'Odéon toujours intenses puisqu'il s'agit de théâtre - les pressentiments, et quelques certitudes de cavalier pour éviter que le temps passé soit synonyme et de sa mission européenne, je forme le vœu pour nous avaient apporté. qui peuvent changer d'une minute à l'autre. d'engourdissement (même si, comme le bon vin, ce théâtre qu'il continue à vivre beaucoup d'autres Une saison faite de l'échange d'idées et de projets l'Odéon a bien vieilli) et que les grands moments de ces instants d'éternité... Mais il est trop tôt pour Ensuite, plusieurs idées se sont croisées avec nos partenaires - cette année 19 théâtres vécus, ces instants inoubliables d'éternité, écrire des phrases d'adieu ou des promesses d'avenir. au cours de ce mystère artisanal avec lequel et 4 festivals -. Une saison faite avec des gens ne se transforment en d'obscurs souvenirs. Il nous reste, il me reste toute cette saison à faire, nous construisons, et se construit aussi d'elle-même que j'aime et que j'admire, à l'Odéon, hors des murs, la programmation d'une saison théâtrale. en tournée. Une saison sous le signe de la fraternité avec Mozart, avec des théâtres de petites collectivités, avec des poètes aimés, avec des théâtres et des artistes qui nous ont déjà accompagnés pendant ces six dernières années, et d'autres qui habiteront pour la première fois ce théâtre, avec les femmes et les hommes qui l'habitent en permanence, son plateau, son public, son histoire. toute cette saison pour vous accueillir et nous aimer... Ces grands moments, durant cinq saisons, nous les avons traversés de diverses façons. Quelques-uns resteront dans la mémoire du spectateur, d'autres seulement dans la mémoire de la « maison » et de son personnel. Lluis Pasqual directeur Mozart n'a que 23 ans lorsqu'il compose Zaïde, faisant preuve déjà d'une grande maturité. Après avoir écrit quinze morceaux, il a interrompu son travail pour des raisons qui demeurent mystérieuses jusqu'à ce jour. Zaïde est un « singspiel «, avec des parties chantées et des parties parlées, prenant parfois la forme insolite d'un mélodrame, où la parole est accompagnée par l'orchestre. Ces quinze fragments d'origine contiennent quelques-unes des plus belles pages de Mozart. L'accompagnement orchestral inhabituel du mélodrame ajoute à la modernité et au mystère qui entourent ce manuscrit. En l'absence du livret original de Schachtner, une esquisse de dramaturgie a été établie pour cette nouvelle production, par le musicologue et dramaturge Lorenzo Arruga. OUVERTURE EN MUSIQUE LUCIANO BERIO DIRECTION MUSICALE Justin Brown MISE EN SCENE ET DECOR Gerald Thomas COSTUMES MaryMyers « SINGSPIEL » en 2 actes « AVANT, PENDANT ET APRÈS ZAÏDE C'est à partir de ce « nouveau livret» que Luciano Berio a accepté de reprendre la partition initiale de Mozart et d'y ajouter pour cette production, une œuvre originale intitulée « Avant, Pendant et Après Zaïde ». L'œuvre de Berio est dominée par le chant. En dehors de ses opéras, ce sont ses compositions pour la voix qui l'ont distingué de ses contemporains. Son instinct particulier pour les couleurs et son sens de l'orchestration lui ont fait une place de premier rang dans la musique du XXè™ siècle. Sa curiosité pour la partition de Mozart et son talent d'archéologue le qualifiaient parfaitement pour entreprendre cette « mission impossible ». La direction musicale de Zaïde est confiée au chef anglais Justin Brown - qui a déjà collaboré avec Luciano Berio. Il dirige l'Orchestre de l'Académie Européenne Mozart, quelques 40 jeunes musiciens, tous élèves cette année de l'Académie, ainsi que 9 chanteurs, qui ont aussi suivi les cursus de l'Académie à Cracovie en 1994-95. Enfin, Gerald Thomas, qui travaille beaucoup au Brésil et aux Etats-Unis, pour le théâtre et l'opéra, signe la mise en scène et les décors. Son travail a été couronné par de nombreux grands prix internationaux. ZAIDE (Soprano) Christine Âkre / Christiane Wetter GOMATZ (ténor) Mihajio Àrsenki / Carsten Sùss ALLAZIM (basse) Clyde Crewey / Paul Vincent LE SULTAN SOLIMAN (ténor) Michael Lockley / Nico Sevenmuysen OSMIN (basse-baryton) Marcin Wolack Placement prioritaire pour les abonnés et les détenteurs d'une Carte Odéon ou d'une Carte Complice. EUROPEENNE MOZART Prix des places: 350F, 300F, 260F, 150F, 80F (séries 1,2,3,4,5) Livret original perdu de Johann Andréas Schachtner DISPOSITIF SONORE Tempo Reale Nouveau livret établi par Lorenzo Ârruga EUROPEENNE MOZART RÉSERVEZ AU PLUS VITE i • dès maintenant : par correspondance ou par minitel 3615 Odéon • à partir du 1er septembre : aux guichets du Théâtre ou par téléphone au 44 41 3636 19, 2Or 21, SEPT. 95 H Weil ich n Und in ab re Kiirze sagt viel. Ihr wart jttern ans Ende eines langen Satzes zu kommcn. Ihr fùhlt euch verloren. Vom Kino kennt ihr Begràbnisse - Blumen, meine Herren ! Perlenkrânze, Blumenkrànze, Bander, P'zigmeilenflore ! - Begràbnisse amerikanischer gster, und ihr ertràumtet das gleiche fur euch. . imw » ;er Handke) ii^l w^'WjBKs' 'WfJW"' W6*WSl6 Parce que je ne parle pas comme vous en phrases courtes. Et saccadées. Votre brièveté en dit long. Vous seriez incapables de marcher sans trembler jusqu'au bout d'une longue phrase. Vous vous sentez foutus. Au cinéma vous avez vu les enterrements des fleurs, Messieurs ! des couronnes de perles, des couronnes de fleurs, des rubans, des kilomètres de crj®e ! - les enterrements des gangsters JpntMcains, et vous en rêviez pour vous d'un pareil. Entre ciel et terre, au septième étage d'un hôtel de luxe, le Splendid's, sept gangsters rejoints par un policier en rupture de légalité, défient l'ordre public: ils ont enlevé dans les salons la fille d'un millionnaire américain et réclament une rançon. Dans un moment d'inattention, l'un des bandits a malheureusement serré de trop près l'otage qui « a succombé par erreur ». Pour sauver la situation et retarder l'assaut des forces de polices, le chef du gang prend alors une résolution héroïque : il décide de faire lui-même une apparition, revêtu de la robe de bal de la jeune fille (éventail, dentelles, paillettes), sur les balcons du palace. Telle est la trame de cette fausse pièce policière qui vire avec le plus grand naturel du roman noir au numéro de travesti, oscille entre le drame métaphysique et le gag et, plus ouvertement que les autres œuvres de Genet, est de part en part traversée par le rire. Albert Dichy Jean Genet, Splendid's, Acte 1 OCTOBRE 95 ! TEXTE ALLEMAND Peter Handke MISE EN SCÈNE Klaus Michael Gruber DÉCOR Eduardo Arroyo ■ Il ne faut pourtant pas s'y tromper: malgré une intrigue lisible, efficace et, à première vue, linéaire, Splendid's n'est en aucune façon une pièce d'inspiration réaliste. Elle gravite essentiellement autour d'une des questions essentielles du théâtre de Genet : celle du travestissement. Travestissement du chef de gang en jeune fille, bien sûr, mais aussi celui de tous les personnages de la pièce : dès le lever du rideau, les personnages apparaissent « en frac », déguisés en hommes du monde. Seul le Policier conserve son uniforme mais, lui aussi, retournant sa veste, joue au voleur et goûte à « la douceur de la trahison ». L'un des bandits se promène dans les couloirs de l'hôtel « comme Napoléon à SainteHélène », un autre, devant la glace, s'exerce « à faire revivre son frère «dans ses gestes. Tous portent des noms d'opérette du crime ou des surnoms de cinéma (La Rafale, Johnny, Bravo, Scott...), glissent sur leur identité, marchent dans les nuages, dérivent lentement, presque tendrement vers la mort et s'offrent, pour finir, le luxe d'être lâches, afin de ternir définitivement leur image. Tout comme celle de Haute Surveillance, l'action de Splendid's se déroule dans un rêve. Albert Dichy in Jean Genet, Splendid's, Présentation - L'Arbalète, 1993 ■ Madeleine Gobeil - Sartre explique que vous avez décidé de vivre le Mal jusqu'à la mort. Que vouliez-vous dire ? Jean Genet - C'est vivre le Mal de façon que vous ne soyez pas récupéré par des forces sociales qui symbolisent le Bien. Je ne voulais pas dire vivre le Mal jusqu'à ma propre mort mais de telle façon que je serais conduit à me réfugier, si je devais me réfugier quelque part, seulement dans le Mal et nulle part ailleurs, jamais dans le Bien. Jean Genet in L'Ennemi déclaré, textes et entretiens, Gallimard, 1991 ■ Jean Genet renonça à faire éditer ou représenter de son vivant Splendid's, écrit en 1948 et promis à son éditeur Marc Barbezat. Selon le témoignage de l'agent littéraire Bernard Frechtman, le jugement de Genet sur sa pièce était d'une sévérité sans appel. Dans L'Atelier d'Alberto Giacometti, Genet rapporte comment, s'étant baissé pour ramasser son mégot tombé à terre, il découvre exilée sous une table la plus belle sculpture de son ami. A Genet qui s'étonne, Giacometti répond : «Si elle est vraiment forte, elle se montrera, même si je la cache. » Et sans doute pourrait-on appliquer à la publication de Splendid's aux Éditions de L'Arbalète en 1993 la réponse du sculpteur à l'écrivain. Splendid's a été créé le 9 mars 1994 à la Schaubuhne de Berlin dans une traduction de Peter Handke et une mise en scène de Klaus Michael Gruber. Création en France le 17 janvier 1995 au Théâtre Nanterre Amandiers dans une mise en scène de Stanislas Nordey. COSTUMES Eva Dessecker LUMIÈRE Konrad Lindenberg AVEC Sylvester Groth, Peter Simonischek, Thomas Thieme, Sven Walser, Wolfgang Michael, Cornélius Obonya, Ben Becker, Ulrich Matthes PRODUCTION Schaubiihne de Berlin CO REALISATION Odéon-Théâtre de l'Europe Festival d'Automne à Paris Avec le soutien de la Fondation Mercedes-Benz Fronce Splendid's de Jean Genet est publié aux Éditions L'Arbolète KLAUS MICHAEL CRUBER Klaus Michael Gruber s'inscrit à l'intersection des théâtres allemand, français et italien. Depuis plus de vingt ans, ses spectacles, théâtre ou opéra, constituent l'un des centres rayonnants de la scène contemporaine. Goethe, Shakespeare, Kleist, Tchékhov, Sophocle, mais aussi Adamov, Pirandello, Labiche ou Beckett: Gruber ne cesse d'interroger le répertoire et d'approfondir une réflexion unique qu'il nourrit d'escapades périphériques au domaine de la poésie (Hôlderlin, Maïakovski, Tsvetaeva, Catherine de Sienne) ou de la philosophie (Héraclite, Parménide). En Allemagne, Klaus Michael Gruber et Peter Stein ont été les deux foyers autour desquels s'est articulée l'activité artistique de la fameuse Schaubuhne de Berlin. C'est la mise en scène de Bérénice, en 1984 à la Comédie Française, qui le fait véritablement connaître au public français. En 1986, au Théâtre des Bouffes du Nord, il dirige Jeanne Moreau dans Le Récit de la servante Zerline adapté de Broch et met en scène La Mort de Danton de Buchnerau Théâtre Nanterre Amandiers en 1988. Amphitryon de Kleist est le dernier spectacle de Klaus Michael Gruber présenté à Paris, à l'Odéon-Théâtre de l'Europe, en 1991. JEAN CENET Jean Genet naît en 191 0, de « père non dénommé ». Sa mère l'abandonne à l'Assistance publique. Les premiers larcins, règles, crayons et friandises, que l'enfant commet dès l'école, amorcent un cycle ininterrompu d'incarcérations, fugues, désertions et vagabondages à travers l'Europe. L'année 1942 est celle de la transformation, magique, du petit délinquant en grand écrivain: à la Santé, Genet rédige Notre-Dame-des-Fleurs. Quatre romans, Miracle de la Rose, Pompes funèbres, Querelle de Brest, Le Journal du voleur, un recueil de poèmes et une pièce de théâtre, Les Bonnes, achèvent d'établir sa notoriété. Pourtant, le double événement de la grâce présidentielle qui lui est accordée le 12 août 1949 et la parution du Saint Genet comédien et martyr, la préface monumentale de Sartre à ses Œuvres complètes en 1952, plonge l'écrivain dans le silence et la détérioration psychique. C'est par le théâtre que Genet trouve une voie d'issue à la crise. Le Balcon, Les Nègres et les Paravents, trois pièces écrites presque simultanément, le placent d'emblée au premier rang des dramaturges contemporains. Mais en 1964, après le suicide de son amant Abdallah, un jeune acrobate de cirque, Genet annonce qu'il renonce à la littérature, rédige un testament et disparaît. Les événements de 1968 le ramènent sur la scène publique : le 30 mai, Genet publie son premier article politique. Suit une série d'engagements et de déclarations en faveur des travailleurs immigrés, de la lutte des Noirs américains et de la cause palestinienne. En septembre I 982, Genet est à Beyrouth lorsque sont perpétrés les massacres dans les camps palestiniens de Sabra et Chatila. II est le premier témoin européen à parcourir les rues jonchées de cadavres. Retour à Paris, il écrit son texte politique le plus important, Quatre heures à Chatila. Genet date de cet événement la reprise de l'« acte d'écrire ». Il meurt dans la nuit du 14 au 15 avril 1986 alors qu'il corrigeait les épreuves de son dernier livre, Un Captif amoureux. Genet est enterré dans le vieux cimetière espagnol qui domine la ville de Larache, au nord du Maroc, face à la mer. M Mais il est devenu comme un homme hébété. Depuis que de Tartuffe on le voit entêté ; Il l'appelle son frère, et l'aime dans son âme Cent fois plus qu'il ne fait mère, fils, fille, et femme. Molière, Tartuffe, Acte I, Scène II l Toute la maisonnée du sieur Orgon est en émoi : le maître, époux et père s'est laissé proprement envoûter par un personnage douteux, rencontré dans une église où « il attirait les yeux de l'assemblée entière / Par l'ardeur dont au Ciel il poussait sa prière ; / Il faisait des soupirs, de grands élancements,/ Et baisait humblement la terre à tout moment », et invité sur l'heure par le gentilhomme à coucher sous son toit. Et chacun de protester contre la tyrannie de l'intrus, un gueux, un bélître, un pied plat, un cagot de critique. Rien n'y fait cependant, Orgon projette même d'unir sa fille au « saint homme ». Mais ce sont d'autres atours que convoite l'hypocrite, Elmire elle-même, l'épouse d'Orgon. La jeune femme s'exposera courageusement pour confondre enfin l'imposteur. Orgon, déniaisé, confesse que « non, rien de plus méchant n'est sorti de l'enfer ». Il chassera le vilain. Trop tard : n'a-t-il pas fait à son ami donation entière de ses biens ? Tartuffe : « C'est à vous de sortir, vous qui parlez en maître : / La maison m'appartient, je le ferai connaître. » Heureusement, le Prince veille, « ennemi de la fraude » et « que ne peut tromper tout l'art des imposteurs ». 10 OCTO - 3 DÉCEMBRE 95 MISE EN SCÈNE Benno Besson SCÉNOGRAPHIE ET COSTUMES Ezio Toffolutti LUMIÈRE André Diot SON Jacques Toumayeff Il ne pouvait être question, pour Molière, de porter à la scène l'incarnation parfaite du faux dévot. Il avait besoin pour la scène de puissants effets comiques, et il les a trouvés d'une façon tout à fait ingénieuse : il a prêté à son Tartuffe un caractère naturel qui contraste absolument avec le rôle qu'il joue. Ce gaillard robuste et sain («gros, gras, le teint frais, et la bouche vermeille »), à l'appétit solide (« deux perdrix / avec une moitié de gigot en hachis, pour le souper ») et dont les autres appétits sensuels sont tout aussi développés, n'a pas le moindre talent pour la piété, ne s'agît-il que de la feindre. Il joue son rôle avec une maladresse risible, en l'exagérant jusqu'à l'absurde, et il ne se contient plus sitôt que ses sens sont mis en éveil. Ses menées sont grossières et naïves, et à part Orgon et sa mère, nul ne se laisse prendre un instant à ses feintes, ni les personnages de la pièce, ni les spectateurs. C'est que Tartuffe n'est pas la personnification d'un imposteur intelligent et maître de soi, mais un rustre aux appétits violents et grossiers, qui tente de singer la conduite du dévot parce qu'il en espère des avantages, mais à qui ce masque convient fort mal, tant il s'oppose à son personnage physique et moral ; c'est en cela précisément que réside son comique irrésistible. Les critiques du XVI lè™ siècle qui, comme La Bruyère, ne tenaient pour vraisemblable que ce qui est raisonnablement probable s'étonnaient que même un Orgon ou une Mme Pernelle pussent être dupes d'un tel jeu ; mais l'expérience montre que le mensonge le plus grossier et la tromperie la plus plate ne manquent pas de réussir quand ils flattent les habitudes et les instincts de leurs victimes et répondent à leurs désirs secrets. C'est justement en se donnant corps et âme à Tartuffe qu'Orgon peut satisfaire son besoin le plus instinctif et le plus secret : son sadisme de tyran familial. Erich Auerbach, Mimésis Tel, Gallimard, 1968 ■ Benno Besson fait retour au Tartuffe quelque trente ans après l'avoir monté une première fois, en allemand, au Deutsches Theater de Berlin. A cette époque, Bertolt Brecht l'avait investi de la mission d'introduire Molière en Allemagne. « J'étais resté dans une certaine convention. Il régnait à ce moment-là en R.D.A. une hypocrisie généralisée à l'endroit de l'idéologie régnante. Tartuffe permettait de s'y attaquer. » Dans cette nouvelle mise en scène, Besson rompt avec une tradition, héritée de Louis Jouvet et transmise par Roger Planchon, auréolant le personnage du faux dévot d'une sensualité et d'une puissance de séduction quasiment démoniaques. Il se souvient que c'est la défroque d'Orgon et non celle de Tartuffe que le comédien Molière endossait à la scène, et fait résolument basculer la comédie du côté de la farce. Le grotesque ne pouvait cependant satisfaire tout à fait l'ancien sociétaire du Berliner Ensemble. Et de dénoncer, dans un final étourdissant, scintillement de faux ors et mirages de la perspective, la perversion d'un cinquième acte tout entier engagé à magnifier le pouvoir absolu. Une inquiétude grandit, que le motif peint sur les rideaux ponctuant les actes (yeux et oreilles, « voir et entendre ») avait laissé planer sur la salle. MUSIQUE David Hogan AVEC Corinne Coderey, Suzanna Pattoni# Evelyne Buyle, Séverine Bujard, Darius Kehtari, Geneviève Pasquier, Jean-Charles Fontana, Roger Jendly, Roland Vouilloz, Jean-Pierre Gos, Dominique Serreau, Raoul Pastor, Bruno Dani PRODUCTION Théâtre Vidy-Lausanne E.T.E. BENNO BESSON Benno Besson a vingt-cinq ans lorsque, à Zurich, en 1948, il fait la rencontre, déterminante, de Bertolt Brecht. Un an plus tard, il le rejoint à Berlin-Est et devient l'un des metteurs en scène les plus marquants du Berliner Ensemble. Après la mort de Brecht en 1 956, Besson travaille au Deutsches Theater avant de prendre la direction de la Volksbuhne en 1969. Il quitte la R.D.A. en 1978 et travaille comme metteur en scène indépendant en France, en Belgique, en Italie et dans les pays Scandinaves. En 1982, il accepte la direction de la Comédie de Genève qu'il assumera jusqu'en 1989. Depuis cinquante ans, Besson poursuit sa quête personnelle et originale. Au regard des auteurs qu'il a montés (Brecht surtout, mais aussi Seghers, Hacks, Gozzi, Sophocle, Shakespeare ou Molière), il ne serait pas déplacé de prétendre que Besson a incliné son activité vers un théâtre social. Caractérisation réductrice si l'on n'y ajoutait aussitôt le goût du metteur en scène pour les ressources propres de l'inventivité théâtrale et du jeu. Ainsi son style est-il souvent marqué des traces de la tradition du grotesque cher à Molière ou Shakespeare. MOLIÈRE Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière, naît en 1622, dans une riche famille de la bourgeoisie parisienne. A vingt-et-un ans, Molière renonce pourtant au barreau et à l'office dont son père dispose à la cour et fonde avec sa maîtresse, la comédienne Madeleine Béjart, l'Illustre Théâtre. Mais l'entreprise est trop ardue face aux deux puissantes troupes de l'Hôtel de Bourgogne et du Marais, Molière est même emprisonné pour dettes. En 1946, il s'engage avec Madeleine dans une compagnie de comédiens ambulants. Suivent quelque quinze années d'errance sur les routes du sud de la France, sous la protection de divers grands personnages du royaume. Molière y forge son métier et l'expérience de la société française. Lorsqu'il revient à Paris en 1658, il est un homme de théâtre complet, tout ensemble comédien, chef de troupe et auteur. Bénéficiant du patronage de Monsieur, frère du roi, la troupe donne une représentation au Louvre devant la cour. Louis XIV, séduit par le rythme de la farce (Le Docteur amoureux, qui n'a pas été conservé) et la virtuosité de Molière, accorde aux comédiens de partager avec les Italiens la salle du PetitBourbon. Les Précieuses ridicules en 1659, puis L'École des femmes en 1662 affranchissent définitivement Molière de la réputation de « farceur » que lui font ses premiers ennemis. Grand ordonnateur des fêtes données à Versailles en 1664, Molière conçoit le genre nouveau de la comédieballet et présente une première version en trois actes de Tartuffe. Une cabale de dévots s'élève contre la pièce. Molière y répond en achevant rapidement Dom Juan pour remplacera l'affiche le Tartuffe interdit. Mais l'amitié du roi manque de constance et le conflit avec Lully jette Molière dans une semi-disgrâce. Malgré les innovations du Misanthrope et les chefs d'oeuvres des dernières années (Georges Dandin, L'Avare, Le Bourgeois Gentilhomme, Les Fourberies de Scapin, Les Femmes savantes), Molière ne renoue jamais véritablement avec la faveur royale. Il meurt en 1673, au cours de la quatrième représentation de sa dernière comédie, Le Malade imaginaire. L'intervention de Louis XIV lui vaut d'échapper in extremis à la fosse commune ordinairement réservée aux saltimbanques. Dans la solitude des champs de coton, que je tiens provisoirement pour son chef-d'œuvre (histoire de choisir) est un dialogue qui ne déroge pas au principe des monologues. Je crois qu'il disait qu'il n'écrivait pas deux répliques de cette pièce le même jour, afin d'adopter, chaque jour où il écrivait une réplique, le point de vue entier du personnage : un jour le Dealer, le lendemain le Client. Chaque réplique dure plusieurs pages, sauf dans l'accélération finale, comme lorsque le frein lâche et que la catastrophe se précipite. (...) Un seul vide, ou trou : la marchandise à échanger ; un seul rapport: celui du Dealer et de son Client, du Client et de son Dealer. Et pourtant on perçoit à l'état naissant, dans cette sonate, toutes les énigmes possibles qui pourraient donner lieu à des rapports plus complexes : de domination, de drague (sexuelle), de discussion (philosophique), de combat corps à corps, impliqués dans la seule transaction commerciale. François Regnault, Passage de Koltès Si vous marchez dehors, à cette heure et en ce lieu, c'est que vous désirez quelque chose que vous n'avez pas, et cette chose, moi, je peux vous la fournir. Bernard-Marie Koltès, Dans la solitude des champs de coton 14 JANVIER 96 MISE EN SCÈNE Patrice Chéreau ■ Je ne me sens pas très à l'aise quand on cherche à expliquer la pièce par une hostilité fondamentale et une différence de nature entre les deux protagonistes. C'est une des composantes de l'histoire, parce que censément l'un est noir et l'autre est blanc, et je sais l'importance qu'avait pour Koltès une hostilité dictée simplement par l'espèce, à laquelle il ne voulait surtout pas qu'on cherche de raisons psychologiques. Mais je crois que la pièce a une vocation plus universelle et qu'elle comporte toutes les figures possibles d'une rencontre entre deux personnes. Privilégier cette hostilité par nature, c'est exclure toute idée de désir. Or le mot qui revient le plus dans la pièce, c'est le mot désir. En outre, c'est faire peu de cas d'une similitude paradoxale entre les deux personnages : bien qu'ils soient fondamentalement différents, ils partagent une même logique sophistiquée. Chacun entend parfaitement ce que l'autre dit ou veut dire et s'ils n'y répondent pas, ce n'est pas parce qu'ils ne se comprennent pas, mais parce qu'ils refusent de faire le cadeau à l'autre de l'intelligibilité de sa pensée ou de son désir. On ne se parlerait pas sur un plateau si le désir n'était à assouvir à travers l'autre - je ne dis pas que c'est forcément l'autre qu'on désire, mais l'objet du désir doit passer par une transaction avec l'autre. AVEC Patrice Chéreau et Pascal Greggory SCÉNOGRAPHIE Richard Peduzzi COSTUMES Moidele Bickel LUMIÈRE Jean-Luc Chanonat SON Philippe Cachia CONSEILLER À LA MISE EN SCÈNE Claude Stratz ■ Il y a une chose toujours assez mystérieuse dans ces pièces qui comportent plusieurs rôles d'une égale importance : il faut bien analyser qui est le leader, et ne pas se tromper, sans quoi on peut dénaturer complètement le texte. Pour la solitude il faut que le leadership soit partagé car à partir d'un certain point - à partir du moment où il refuse la proposition du Dealer de « ramasser un désir qui traîne »- c'est le Client qui transforme la situation de façon très radicale. Je ne veux pas recommencer ce que j'ai fait dans les premières versions où le jeu était faussé par le fait que le Dealer, grâce à l'ironie, avait toujours la parade: car le Client aboutit à des vérités beaucoup plus implacables - de ces hypothèses qui reviennent souvent dans les textes de Bernard-Marie Koltès et qui glacent un peu le sang : « Mais les sentiments ne s'échangent que contre leurs semblables ; c'est un faux commerce avec de la fausse monnaie, un commerce de pauvre qui singe le commerce. » Il faut absolument que ça ne soit jamais à sens unique : même si c'est le Dealer qui « tire le premier » et qu'à partir de là, l'autre doit se débattre avec ce rôle qu'on lui attribue, progressivement ils vont évoluer. Le leadership bouge. Ce qui est intéressant, c'est qu'ils se fassent mal mutuellement, et que le Dealer lui aussi sorte transformé de leur échange, révélé à lui-même, à son indigence et à sa pauvreté, qui n'ont d'égales que celles du Client. Patrice Chéreau (extraits d'un entretien avec Patrice Chéreau et Claude Stratz, propos recueillis par Anne-Françoise Benhamou) PRODUCTION Odéon-Théâtre de l'Europe, Àzor Films, La Biennale di Venezia, Festival d'Automne à Paris, Avec le soutien de l'Association Française d'Action Artistique (Ministère des Affaires Étrangères), pour la tournée à l'étranger, et de la Fondation Mercedes-Benz France Le texte de la pièce a paru aux Éditions de Minuit BERNARD-MARIE KOLTÈS Bernard-Marie Koltès, né en 1948, est sans doute le dramaturge le plus important en France depuis la génération des années 50 et, au même titre qu'un Heiner Muller (qui traduisit Quai Ouest), un auteur majeur de cette fin de siècle. Il écrivait pour le théâtre depuis plus de dix ans sans avoir été publié lorsque Patrice Chéreau le fit découvrir au grand public en 1983 avec la mise en scène de Combat de nègre et de chiens. Depuis, l'œuvre de Koltès n'a cessé d'accroître son audience, aujourd'hui considérable. Les mises en scène à l'étranger se comptent par centaines ; en France, où les quatre créations de Chéreau ont jusqu'à la mort de l'auteur paralysé toute velléité de reprise, on assiste désormais à un « boom » sans équivalent. Combat, Dans la solitude des champs de coton, Roberto Zucco sont constamment mis en scène, autant par des petites compagnies que par des Centres dramatiques ou des Théâtres nationaux. Six ans après sa mort, Koltès est devenu un classique du répertoire contemporain. Anne-Françoise Benhamou Patrice Chéreau impose, dès les premiers spectacles qu'il réalise au Lycée Louis-le-Grand à Paris puis à Sartrouville, la maîtrise d'un art scénique qui puise aux deux ressources constitutives de son talent : la puissance visionnaire des images qu'il crée et l'acuité, quasiment obsessionnelle, de sa direction d'acteur. Appelé à diriger, aux côtés de Roger Planchon, le T.N.R de Lyon-Villeurbanne, Chéreau révèle, en montant La Dispute en 1971, un « Marivaux sauvage » (Bernard Dort), proche de la vision sadienne. Mais l'opéra, « une sorte d'incandescence du théâtre », séduit également le metteur en scène. En 1976, au Festival de Bayreuth, Chéreau présente la Tétralogie de Richard Wagner, sous la direction musicale de Pierre Boulez. Un spectacle-somme auquel répondra, cinq ans plus tard, la mise en scène de Peer Gynt de Henrik Ibsen. En 1983, Chéreau est nommé à la tête du Théâtre Nanterre Amandiers et réalise son voeu d'une institution originale répondant à l'équation «théâtrecinéma-école ». Il découvre et fait connaître l'œuvre de Bernard-Marie Koltès en montant successivement quatre de ses pièces, Combat de nègre et de chiens, Dans la solitude des champs de coton, Quai Ouest et Le Retour au désert. Après avoir présenté Hamlet dans Cour d'honneur du Palais des papes d'Avignon en 1988, Chéreau quitte les Amandiers en 1990 pour se consacrer à l'écriture et la réalisation de La Reine Margot, d'après Alexandre Dumas, son quatrième film après La Chair de l'orchidée, Judith Therpauve et L'Homme blessé. Le dernier spectacle de théâtre réalisé par Patrice Chéreau, Le Temps et la chambre de Botho Strauss, a été créé à l'Odéon-Théâtre de l'Europe en 1991. Als welch ein Maulheld hab ich mich gebàrdet : Versicherungsbeamrer,Sklavenhalter, Gesangsmagister, Kuppler, Diplomat, Hanswurst, Schriftsteller, Schauspielakrobat, Marktschreier, Bràutigam noch in meinem Alter, Erpresser, Heiratsschwindler, Bauernfànger, Revolverjournalist und Bànkelsânger, Um jetzt, berauscht von blôden Hochgefùhlen, Als diimmster Narr den lieben Gott zu spielen ! Frank Wedekind, Franziska, IV. Akt Comme je me suis conduit en fanfaron : agent d'assurance, esclavagiste, maître de chant, entremetteur, diplomate, pitre, écrivain, acrobate de comédie, bonimenteur, fiancé encore qynon ion âge, maître chanteur, escroc au mariage, iage, attra| attrape-nigauds, eur de rue, journaliste à scandale, et chanteur pour maintenant enivré d'uftsMbueilimbéc ||ueil"imbécile jer au bon dieu. comme le plus idiot des fous rouer i Frank fedekind, Franziska, Acte IV D'abord, le passé qui affleure et toujours pervertit l'expérience du présent, un souvenir mauvais, Franziska enfant, pétrifiée devant la porte du château familial qu'elle n'ose pousser : quel nouveau désastre dans l'enfer conjugal de ses parents ? Et sans doute la blessure est-elle le germe de l'inapaisement qui conduit la jeune fille, vite débarrassée de sa virginité qu'elle jette au premier venu, à signer le contrat d'un Méphistophélès agent d'assurances. Mais les métamorphoses de cette « danse de sorcière »- et la première de toutes, la plus absolue, devenir un homme ! ne sont que la vérification impatiente de l'échec, toujours, de toute tentative de réconciliation des deux sexes : chanteur d'opéra embourbé dans le triangle amoureux du théâtre bourgeois, actrice d'un drame chevaleresque dans un duché que la révolte populaire menace, comédienne enfin dans un inextricable mystère médiéval. Puis naîtra un fils, maternité assumée seule. Plus tard, près d'eux, un peintre. Est-ce l'apaisement enfin ? Mais ces roses ornant le portrait de la mère et de l'enfant ? Le souvenir d'un tableau de Madone ? Une concession au goût du public ? Croire à la rédemption, au renoncement ? Oublier Franziska soeur cadette de Lulu ? ■ Si l'on met à part L'Eveil du printemps et Lulu (le mythe incarné par Louise Brooks et l'opéra de Berg ayant d'ailleurs un peu éclipsé la pièce d'origine), le théâtre de Frank Wedekind reste en France peu connu : une œuvre placée tout entière, de gré ou de force, sous le signe du combat - combat contre la censure, et à travers elle contre la société de son époque. Parce qu'il ne voulut faire aucune concession à cette société-là, pas même celle de se taire, et que l'espoir d'un monde meilleur ne quitta peut-être jamais tout à fait celui que Brecht considérait aux côtés de Tolstoï et Strindberg comme l'un des « grands éducateurs de l'Europe nouvelle », Wedekind dut souvent s'avancer masqué, truffant son écriture de messages en forme d'énigmes ou d'allusions parfois difficiles à déchiffrer. Franziska n'échappe pas à la règle, y ajoutant même un subtil jeu de références et citations, où le Faust de Goethe se retrouve comme paraphrasé au féminin, où drame naturaliste, cabaret et mystère médiéval surgissent comme autant de stations d'un parcours chaotique et fascinant, où la vie enfin de l'auteur, se glissant par tous les interstices, semble alimenter le feu d'une autobiographie mégalomaniaque et dérisoire. Véritable forge théâtrale, Franziska finit pourtant par consumer toutes ses références, car la flamme visiblement importe plus que ce qu'elle brûle : car la vie, chez Wedekind, ne fait jamais l'économie de la mort, ni l'amour l'économie du désir. Et pour cela il y a un prix à payer, celui de ne jamais venir à bout de ses propres contradictions,quelque chose comme une damnation moderne. Stéphane Braunschweig ■ Sans être réellement la dernière pièce de Wedekind, Franziska, écrite en 1912, offre cependant tous les caractères d'une œuvre ultime. Texte-somme, où l'auteur, opérant une brusque condensation de son univers dramatique, revisite certains lieux explorés déjà pour eux-mêmes dans une œuvre ou dans l'autre : inapaisement faustien de L'Eveil du printemps ou de La Mort et le diable, théâtre dans le théâtre du Roi Nicolo, insertion plus triviale de matériaux biographiques comme le cabaret ou l'enfer conjugal. Franziska est aussi une odyssée parodique traversant l'histoire et les genres littéraires. Le plagiat, le montage, le collage affichent une désinvolture qui produit et exalte la théâtralité. L'œuvre éclate, déborde, elle montre tout ensemble la richesse de la miniature et la violence du fragment. Deux ans avant la guerre, le dérèglement de la forme théâtrale, son affolement et sa précipitation annoncent d'autres désordres, plus meurtriers et que la peinture expressionniste saisira. Pour Stéphane Braunschweig également, la pièce de Wedekind est le point nodal où se rejoignent tous les univers abordés jusqu'ici, de la trilogie allemande imaginaire Bùchner, Brecht, Horvath, à l'Amphitryon de Kleist, pièces chaotiques, monde ruiné par les névroses individuelles, quête faustienne et déchirure fondatrice du rapport homme / femme. Franziska offre en outre au metteur en scène de pouvoir affirmer plus avant le goût qui l'incline aujourd'hui vers les formes musicales. TRADUCTION Eloi recoing et Ruth Orthmann MISE EN SCÈNE ET SCÉNOGRAPHIE Stéphane Braunschweig LUMIÈRE Marion Hewlett MUSIQUE Gualtiero Dazzi COSTUMES ThibaultVancraenenbroeck COLLABORATION ARTISTIQUE Anne-Françoise Benhamou AVEC Olivier Cruveiller, Jean-Marc Eder, Philippe Girard, Florence Hebbelynck, Evelyne Istria, Flore Lefebvre des Noëttes, Véronique Lemaire, Ariane Moret, Nicolas Pirson, Daniel Znyk MUSICIENS Didier Casamitgiana, Lisa Erbès, Sylvie Magan PRODUCTION Odéon-Théâtre de l'Europe / CDN d'Orléans / Théâtre National de la Communauté Française de Belgique STÉPHANE BRAUNSCHWEIG Stéphane Braunschweig naît en 1964. Parallèlement des études de philosophie, il fonde sa compagnie du ThéâtreMachine et entre à l'École de Chaillot dirigée par Antoine Vitez. Il y rencontre la plupart des comédiens avec lesquels il monte, en 1991, Les Hommes de neige, une trilogie allemande imaginaire (Woyzeck de Bùchner, Tambours dans la nuit de Brecht et Don Juan revient de guerre de Horvath) qui le révèle au public français. Après ses mises en scène d'A/'ax de Sophocle et de La Cerisaie de Tchékhov, Braunschweig est nommé à la tête du Centre dramatique national d'Orléans en 1993. Il y crée Le Conte d'hiver de Shakespeare et propose une adaptation du Docteur Faustus de Thomas Mann. Sa dernière mise en scène, Amphitryon de Kleist, a été présentée l'an dernier au Théâtre de l'Athénée à Paris. Stéphane Braunschweig est également metteur en scène d'opéra. Il a présenté Le Château de Barbe Bleue de Bartok et Fidelio de Beethoven au Théâtre du Châtelet en 93 et 95 et créé La Rosa d'Adriana de Gualtiero Dazzi au Festival Musica de Strasbourg 95. FRANK WEDEKIND Frank Wedekind (1864-1918) dut attendre le décès de son père en 1888 pour s'abandonner enfin librement à l'exercice de la littérature. A Zurich, il fréquente très tôt les cercles des écrivains naturalistes. Il s'en distingue cependant par son esprit satirique et son inclination à l'anarchie. S'il fallait évoquer une filiation, ce sont plutôt Lenz et Bùchner que l'on nommerait. Wedekind est attiré par le théâtre et pour apprendre le métier n'hésite pas à se faire embaucher dans un cirque : expérience sans doute originaire, la matrice où s'élabore une technique théâtrale rompant avec les formes dramatiques traditionnelles, tendue entre les acrobaties intellectuelles et la déformation grotesque du monde. Après le scandale provoqué par la parution, en 1891, de son premier drame, L'Eveil du printemps, Wedekind mène une vie errante et désordonnée à travers l'Europe, parmi les clowns, les artistes et la bohème. Avec L'Esprit de la terre et La Boîte de Pandore, réunis ensuite sous le titre de Lulu, Wedekind pousse plus avant sa dénonciation de l'hypocrisie de la société bourgeoise et revendique la liberté des mœurs. L'œuvre est refusée par les théâtres et les éditeurs. En 1900, après la publication d'un poème satirique dans le journal humoristique Simplicissimus auquel il collabore, Wedekind est embastillé pour crime de lèse-majesté. Au sortir de prison, il fonde à Munich le Cabaret des onze bourreaux qu'il anime avec succès. Avec le siècle nouveau, la destinée mauvaise de l'œuvre bascule enfin : les théâtres accueillent les quelque quinze pièces composées par Wedekind. A Berlin età Munich surtout, l'auteur interprète régulièrement ses propres œuvres à la scène. En tournée à Vienne, Wedekind rencontre une jeune actrice, Tilly Newes, récemment divorcée d'un premier mariage avec August Strindberg. Il l'épouse en 1906. C'est elle qui crée le rôle de Franziska. Wedekind sera reconnu comme précurseur par la génération expressionniste, et, plus vastement, comme authentique éducateur par des esprits aussi divers que Karl Kraus, Bertolt Brecht ou Heinrich Mann. If thou wilt weepe my Fortunes, take my eyes. I know thee well enough, thy name is Glouster : Thou must be patient ; we came crying hither: Thou know'st, the first time that we smell the Ayre We wawle, and cry. I will preach to thee : Marke. GLOUCESTER Alacke, alacke the day. When we are borne, we cry that we are corne To this great stage of Fooles... William Shakespeare, King Lear, IV, 6 Et si tu veux pleurer mes malheurs, prends mes yeux. Je te connais plutôt bien : ton nom est Gloucester. Sois courageux ! Nous entrons pleurant dans ce Snonde, Nous vagissons et pleurons, tu le sais, aussitô notre premier souffle. Ecoute bien ! Je vais te faire un sermon. Maudit, maudit ce j< Quand nous ticrtssJÊCnous pleurons d'apparaître Sur gp^rand théâtre des fous... • " rilliam Shakespeare, Le Roi Lear, Acte J iSPEÀRE Il était une fois un vieux roi tyrannique qui souhaitait partager son royaume entre ses trois filles, donnant à chacune selon la mesure de l'amour filial qu'elles lui sauraient témoigner. Par belle flatterie, les deux aînées gagnent le cœur paternel. Mais Cordélia, la cadette, refuse l'enchère et oppose aux paroles creuses de ses sœurs la pudeur d'une réponse sincère : « Je ne dirai rien» Ce « rien », demeuré incompris du vieux roi, produit le chaos : Cordélia est déshéritée et bannie, Régane et Goneril se partagent le royaume, révélant bientôt leur caractère véritable, ingratitude et sournoiserie avide et querelleuse. Lear, privé de raison, dépouillé de tout jusqu'à l'entière nudité de l'homme, bat la campagne, nouveau Job exposé sans secours à l'ouragan qui souffle sur la lande où, « à des lieues à la ronde, il n'est pas un buisson ». Dans cette universelle dévastation, éléments révoltés et tempête sous un crâne, l'errance de Lear croise la destinée, parallèle et également miséreuse, du Comte de Gloucester, privé de ses biens par la malveillance d'un fils dénaturé, orbites vides désormais, aveugles les yeux qui ne surent reconnaître l'amour fidèle du fils légitime. 12 MAI 96 TRADUCTION Georges Lavaudant et Daniel Loayza WILLIAM SHAKESPEARE MISE EN SCÈNE Georges Lavaudant DÉCOR ET COSTUMES Jean-PierreVergier LUMIÈRE Georges Lavaudant et Jean-Pierre Vergier AVEC Gilles Ârbona, Marc Betton, Philippe Morier-Genoud, Annie Perret, Marie-Paule Trystram, (distribution en cours) ■ Vingt ans après, c'est Lear que nous jouerons à nouveau, avec le même effroi, la même appréhension, le même plaisir devant ce « Théâtre-Monde », devant cette pièce, une des plus fabuleuses du répertoire, violente et poétique, tragique et farcesque. Et bien évidemment, nous la jouerons avec nos moyens, nos envies, qui sont ceux du music-hall et de l'acteur, combustible principal. Un fou, un aveugle, une tempête, des crimes, des yeux arrachés, des blagues métaphysiques, des trahisons, des déguisements. Un monde égaré. Une planète sans amour, filant dans l'immensité galactique sans repères. Allégorie et parabole, rien ne semble immédiatement compréhensible, et pourtant nous pouvons en raconter la fable avec une étonnante facilité: « Il était une fois un vieux roi tyrannique qui souhaitait partager son royaume entre ses trois filles... etc.,etc. » Lear est une tragédie de l'existence sur fond de complots historiques. Comment marcher vers la connaissance à travers l'épreuve de la folie ? Comment devenir fou pour enfin retrouver la raison ? Comment marcher vers la connaissance à travers l'épreuve de la douleur ? Comment devenir aveugle pour y voir enfin clair ? Ou encore, pourquoi l'amour et la sincérité peuvent briser le cours du temps, produisant en cascade encore plus de malheur que l'acceptation de la convention ? Lear et Gloucester, le fou et l'aveugle, chemineront donc de concert comme deux rescapés d'une pièce de Beckett sur une terre déjà stérile. Avec Lear, Shakespeare réussit à faire tenir toute l'histoire du théâtre dans une seule et même pièce. Au final, l'intransigeante et jeune Cordélia et le Roi coléreux se retrouveront dans la mort. Une fois de plus, le tour est joué. Georges Lavaudant ■ Sur cette côte normande, à une heure aussi matinale, je n'avais besoin de personne. La présence des mouettes me dérangeait: je les fis fuir à coups de pierres. Et leurs cris d'une stridence surnaturelle, je compris que c'était justement cela qu'il me fallait, que le sinistre seul pouvait m'apaiser, et que c'est pour le rencontrer que je m'étais levé avant le jour. La clairvoyance est le seul vice qui rende libre - libre dans un désert. Nous ne pardonnons qu'aux enfants et aux fous d'être francs avec nous : les autres, s'ils ont l'audace de les imiter, s'en repentiront tôt ou tard. Ma vision de l'avenir est si précise que, si j'avais des enfants, je les étranglerais sur l'heure. Qu'avez-vous, mais qu'avez-vous donc ? - Je n'ai rien, je n'ai rien, j'ai fait seulement un bond hors de mon sort, et je ne sais plus maintenant vers quoi me tourner, vers quoi courir... E. M. Cioran, De l'inconvénient d'être né, Gallimard, 1973 PRODUCTION Odéon-Théâtre de l'Europe / TNP Villeurbanne/ Le Volcan-Le Havre GEORGESLAVAUDANT Georges Lavaudant naît au théâtre au début des années 70, à Grenoble. Le cinéma, la littérature hippie américaine, l'hyperréalisme pictural, le jazz et la musique pop, plus que les références à l'histoire du théâtre, nourrissent les premiers spectacles où le metteur en scène impose d'emblée sa singularité et son goût de l'image. Fulgurance qu'il conduit à son plus haut degré en 1977 avec Palazzo mentale, une rêverie inspirée de Dante et de Virgile. Ces « quelques images de plus pour hâter la fin du siècle «restent dans la légende. Dès 1973, Lavaudant s'empare aussi des grands textes du répertoire, Lorenzaccio d'abord, puis Le Roi Lear en 1975. Nommé directeur du Centre dramatique des Alpes en 1981, appelé par Roger Planchon au T.N.R de LyonVilleurbanne en 1986, Lavaudant poursuit sa démarche balancée entre textes classiques (Musset, Shakespeare, Tchékhov, Brecht, Labiche, Genet) et auteurs contemporains (Jean-Christophe Bailly, dont il crée Les Céphéides dans la Cour d'honneur du Palais des papes d'Avignon en 1983, Denis Roche, Michel Deutsch, J. M. G. Le Clézio). Depuis 1988, il met également en scène ses propres textes, Vera Cruz, Les Iris et Terra Incognito. Le dernier spectacle de Lavaudant, Lumières, un diptyque réalisé avec JeanChristophe Bailly, Michel Deutsch et le chorégraphe JeanFrançois Duroure, a été présenté l'an dernier à la Maison de la culture de Bobigny. William Shakespeare naît en 1564, l'année de la mort de Michel-Ange. Les principaux événements de sa vie sont établis de façon au moins aussi assurée que ceux de la plupart des auteurs de son temps. Mais curieusement, les thèses, datant du XIXèm" siècle et contestant qu'il ait été l'auteur de ses pièces, connaissent encore en France une certaine audience. Dès 1592, Shakespeare est à Londres un auteur et un acteur suffisamment envié pour susciter les allusions dédaigneuses du pamphlétaire Robert Greene. C'est à cette époque qu'il rédige les grands drames historiques qui constituent, avec les comédies, les tragédies et les tragi-comédies des dernières années, les quatre catégories dans lesquelles on divise traditionnellement le corpus dramatique shakespearien. En 1593 et 1594, une épidémie de peste ravage Londres. Les théâtres sont fermés. Durant cette vacance, Shakespeare publie deux volumes de poèmes, Vénus et Adonis et Le Viol de Lucrèce, et rédige la plupart de ses Sonnets. L'achat, en 1597, d'une des plus belles maisons de Stratford atteste le succès et la prospérité : Shakespeare est acteur et auteur attitré de la première troupe d'Angleterre et fonde le Théâtre du Globe. Après avoir atteint aux plus parfaites réussites du drame historique avec Henry IV ou Richard II et de la comédie avec Les Joyeuses commères de Windsor, le dramaturge se fraie une nouvelle voie dans le domaine de la tragédie avec la rédaction de Hamlet vers 1601. Les innovations formelles et la liberté de ton annoncent les trois grandes tragédies d'Othello, du Roi Lear et de Macbeth, dans lesquelles Shakespeare met en lumière le mystère du mal objectif et conçoit l'existence humaine comme « une ombre qui passe, un pauvre acteur qui s'agite et parade une heure sur la scène, un récit plein de bruit, de fureur, qu'un idiot raconte et qui n'a pas de sens ». Vers 1610, Shakespeare s'installe définitivement à Stratford où il passe dans la paix les dernières années de sa vie et compose les tragi-comédies finales du Conte d'hiver et de La Tempête. Shakespeare et Cervantès meurent le même jour, le 23 avril 1616. Must I remember ? Yes, I remember. I remember détails. I remember the sky was pink, extraordinary pink. There were men from Coleraine, talking about salmon fishing. Someone said the sky is red today. David said it's pink. And I looked and I could see again. I saw the pink in him. I know he would die, for he was turning from earth into air. Franck McGuinness, Observe the sons of Ulster marching towards the Somme Dois-je me souvenir ? Oui, je me souviens. Je me souviens de certains détails. Je me souviens que le ciel était rose, d'un rose extraordinaire. Il y avait des hommes de Coleraine qui parlaient de la chasse au saumon. Quelqu'un a dit que le ciel était rouge. David a dit, il est rose. J'ai regardé et de nouveau j'ai vu. J'ai vu le ciel en lui. J'ai su qu'il allait mourir, qu'il se détachait de la terre. Franck McGuinness, Les Fils de l'Ulster en marche vers la Somme Vf L * mfk Danse de mort: huit hommes, fils des six comtés de l'Ulster, tous de religion protestante, ressuscitent dans le souvenir de celui qui seul survécut au désastre des bords de Somme, à l'aube du 1er juillet 1916. L'homme s'était pourtant engagé pour mourir. Servir Dieu ou la patrie lui importait peu, seule sa jeunesse déchirée, une morsure à laquelle enfin se soustraire. Et sans doute a-t-il laissé une part de son être au champ de gloire, « Le dernier combat. Je suis mort ce jour-là avec vous. », fantôme lui aussi désormais, à l'égal de ceux qu'il convoque aujourd'hui. Dans l'entrelacs de la mémoire, le passé est une toile toujours plus complexe. Indéfiniment se mêlent les faits et leur inévitable légende. Le travail de l'imaginaire donne corps et parfum à l'existence individuelle de chacun, espoirs, désirs, douleurs, craintes. La fiction s'évade librement de la boue des tranchées et rejoint l'île natale : là-bas le foyer véritable, terre et ciel plus familiers qu'une chambre. Les ressources du théâtre, la représentation grotesque d'une ancienne bataille des guerres civiles irlandaises, achèvent de rapprocher ceux que la naissance ou les convictions semblaient parfois séparer et que la mort, bientôt, confondra. MISE EN SCÈNE Patrick Mason DÉCOR JoeVanek COSTUMES JoanO'Clery LUMIÈRE Nick Chelton ■ Est-ce pour les morts que tu fais des miracles ? Les morts se lèvent-ils pour te louer ? Parle-t-on de ta bonté dans le sépulcre, De ta fidélité dans l'abîme ? Tes prodiges sont-ils connus dans les ténèbres. Et ta justice dans la terre de l'oubli ? O Eternel ! j'implore ton secours. Et le matin ma prière s'élève à toi. Pourquoi, Éternel, repousses-tu mon âme ? Pourquoi me caches-tu ta face ? Je suis malheureux et moribond dès ma jeunesse. Je suis chargé de tes terreurs, je suis troublé. Tes fureurs passent sur moi. Tes terreurs m'anéantissent. Elles m'environnent tout le jour comme des eaux. Elles m'enveloppent toutes à la fois. Tu as éloigné de moi amis et compagnons. Mes intimes ont disparu. Psaume 88 ■ Sait-on jamais la motivation profonde de nos actes ? Qui doutera de la conviction sincère du poète républicain et socialiste irlandais Francis Ledwige lorsqu'il confesse, dans un vers tout vibrant d'héroïsme, s'être engagé aux côtés de ses camarades fusiliers parce que cette guerre, la Grande, est une guerre de liberté et de justice, d'amour et de paix P Mais dans le trou d'obus où il a trouvé refuge, une voix grinçante ne lui murmuret-elle pas à l'oreille : « Trêve de grandes phrases et de balivernes, Francis. Tu t'es engagé parce que ta fiancée Ellie Vaughey s'est laissé engrosser par ton vieux copain John O'Neill et qu'elle a dû l'épouser »? Toute vérité, décidément, est complexe. L'Histoire semble souvent un vaste emportement qui annule les destinées individuelles. Mais elle est aussi, et irréductiblement, la somme des atomes humains qui la composent. Avec subtilité. Les Fils de l'Ulster en marche vers la Somme va et vient entre ces deux plans. La pièce, élaborant un discours féroce sur l'engagement et la guerre, dénonce la vacuité d'un héroïsme autodestructeur qui conduit droit à la mort. Elle désarticule en outre les mécanismes, souvent pervers, par lesquels la mémoire, faisant retour sur le passé, enfante la légende et le mythe. Ainsi de la fameuse 36ème Division de l'Ulster, 13 000 fantassins, loyalistes, protestants pieux et membres de loges maçonniques ou orangistes pour la plupart, l'un des mythes les plus persistants de la Grande Guerre, son assaut héroïque et dévastateur contre la forteresse allemande de la Schwaben Redoute : au soir du 1er juillet 1916, 5 000 cadavres irlandais jonchent le champ d'honneur. Et plus tard, la glorification des faits dans le discours officiel laissera souvent ahuris les survivants au désastre, nouvelles victimes d'un sacrifice dont ils ont seuls mesuré l'absurdité massive.Francis Ledwige ne mourut pas ce 1er juillet 1916. C'est en août 1917, dans la boue des Flandres, qu'il rencontra la camarde. Des quelque 35 000 Irlandais morts au combat, l'Histoire a retenu son nom. Comme elle a retenu celui de John Condon, né à Waterford en 1901, mortàYpres en 1915, le plus jeune soldat britannique tué à la guerre. Les huit destinées dont Frank McGuinness exhume ici des fragments sont parmi celles demeurées anonymes. Elles sont donc exemplaires. AVEC Gérard Byrne, Sean Campion, Clive Geraghty, Peter Gowen, Stuart Graham, Frank McCusker, Conor McDermottroe, Mark O'Regan, David Parnell PRODUCTION The AbbeyTheatre, Dublin PATRICK MASON Patrick Mason réalise sa première mise en scène à l'Abbey Theatre de Dublin en 1977. Il est aujourd'hui le directeur artistique de cette prestigieuse institution également désignée parfois sous le nom de National Theatre Society, un glissement métonymique qui témoigne du lien serré entre un lieu théâtral et une volonté artistique soucieuse de l'entretien et du renouvellement d'un répertoire dramatique national. Découvrir et faire connaître les auteurs irlandais est d'ailleurs l'un des pôles qui organise l'activité du metteur en scène. S'il a également monté des textes, aujourd'hui classiques, de John Millington Synge, Oscar Wilde ou Eugene O'Neill (dont on ne peut oublier l'ascendance irlandaise), ce sont surtout les dramaturges contemporains vers lesquels se porte l'attention de Patrick Mason : Frank McGuinness bien sûr, mais aussi Brian Friel, Michael Harding ou Tom Maclntyre. Les grandes oeuvres du répertoire, parmi lesquelles La Mouette et La Cerisaie d'Anton Tchékhov, Peer Gynt de Henrik Ibsen ou Le Conte d'hiver de William Shakespeare, constituent le second foyer d'élection où se déploie le talent, souvent subversif, du metteur en scène. Les Fils de l'Ulster en marche vers la Somme, traduction française de Joseph Long et Alexandra Poulain, a été mis en espace par Michel Raskine dans le cadre des Lectures irlandaises du Petit Odéon en décembre 1991. Frank McGuinness enseignait la littérature anglaise à l'University College de Dublin lorsque, durant l'été 1980, une représentation du Guérisseur, la nouvelle pièce du déjà fameux Brian Friel, lui révèle sa vocation d'auteur dramatique. Son première texte, Les Ouvrières, présenté au Peacock Theatre en 1 982, inaugure une collaboration étroite, proche du partenariat, avec le metteur en scène Patrick Mason. C'est lui qui crée par la suite la plupart des textes de McGuinness. Les Fils de l'Ulster en marche vers la Somme, le premier grand succès de l'auteur irlandais, signale le début de sa carrière internationale. Après sa création à l'Abbey Theatre de Dublin en février 1985, la pièce est aussitôt reprise au Hampstead Theatre de Londres, dans une nouvelle mise en scène de Michael Attenborough. Après Innocence, un texte sur la vie du Caravage au Gâte Theatre de Dublin en 1986 et Les Carthaginois en 1 989, McGuiness répond avec Marie et Lizzie. à une commande de la Royal Shakespeare Company. La pièce est présentée au Barbican Theatre de Londres, en 1989. Quelqu'un qui prenne soin de moi, son texte le plus récent, a été salué lors de sa création à Londres comme à New York. McGuinness est aujourd'hui l'un des auteurs les plus en vue de la nouvelle génération de dramaturges irlandais. Son oeuvre s'articule essentiellement autour de deux grands axes : la dénonciation du dangereux pouvoir des mots d'une part, la collision entre expérience historique et sentiment individuel de l'autre. Outre ses propres textes, McGuinness a également écrit des scénarii pour la B.B.C. et adapté ou traduit des grandes œuvres du répertoire comme Yerma, Les Trois sœurs, Oncle Vania, L'Opéra de quat'sous, Hedda Gabier ou Peer Gynt. Il travaille actuellement à son premier long métrage. THE OF For if it's a right some of you have to be working and sweating the like of Timmy the smith, and a right some of you have to be fasting and praying and talking holy talk the like of yourself, l'm thinking it's a good right ourselves have to be sitting blind, hearing a soft wind turning round the little leaves of the spring, and feeling the sun, and we not tormenting our soûls with the sight of the grey days, and the holy men, and the dirty feet is trampling the world. John Millington Synge, The Well ofthe Saints, Act III Parce que si certains d'entre vous ont le droit TSj g de travailler et transpirer comme Timmy le forgeron, et quelques autres de jeûner et prier comme vous et tenir de beaux discours, je crois que nous avons le droit nous aussi d'être aveugles et de rester assis, à écouter un vent doux retourner les feuilles du printemps et sentir le soleil sans nous tourmenter l'âme à la vue des jours gris, ni des saints hommes, ni des pieds sales qui piétinent le monde. John Millington Synge, Le Puits des Saints, Acte II THE A la croisée des chemins, sur une lande rocailleuse quelque part à l'est de l'Irlande, au temps des forgerons et des moines errants, deux aveugles mendient leur pain. Martin Doul et sa femme Mary sont laids comme le péché. Leurs jours s'écoulent pourtant dans l'illusion heureuse de la beauté. A peine rêvent-ils parfois de « se voir une heure seulement, ou même une minute, pour être vraiment sûrs que nous sommes le plus bel homme et la plus belle femme des sept comtés ». Passe un saint homme, le prodige s'accomplit: une seule goutte de l'eau qu'il apporte et les deux aveugles voient aussi clair que le premier venu par le monde. Mais ce qu'ils voient n'est tolérable à l'un ni à l'autre. Ils se disputent, se déchirent, se séparent. L'aveuglement doux qui les préservaient des méchancetés du monde est brisé sans retour. Martin Doul use maintenant tous ses os à trimer tout le jour pour pas trois sous. Mary n'est jamais loin, entretenant la haine et le regret des jours sans lumière. Mais le miracle s'éteint peu à peu et le monde s'obscurcit à nouveau. Les deux êtres se retrouvent, indispensables et tentant vaille que vaille de renouer le sortilège d'autrefois. Repasse le saint homme. Il ne les y reprendra plus. ™JUIN 96 ■ L'Irlande, l'île verte, une terre extrême occidentale, presque basculée déjà dans l'inconnu du bout du monde, les îles d'Aran et L'homme d'Aran, souvenir de cinéphile, le vent atlantique, apaisé jamais, lavant les yeux et l'intérieur du crâne, la terre, la tourbe qu'on sèche et puis qu'on brûle, la langue gaélique, les conteurs, les bardes, les druides, une imagination légendaire, opulente, les sortilèges et les esprits au dehors, dès la nuit, enchantement obscur quand dorment les sacristies, paganisme pur de la féerie celte, Dyonisos seul. Mais quoi ? Fourre-tout racoleur d'agence de voyages ? Publicité d'Aer Lingus ? Mais attendez donc, un peu de patience voyons, une once, moins que ça d'ailleurs, nous voici arrivés déjà et... mais débarquons plutôt. « Les mots aussi de qui qu'ils soient. Comme parfois ils presque sonnent presque vrai. «Comment ? Baratin encore ? - Non, non, exactement ça : les mots aussi de qui qu'ils soient. - Les mots de qui ? Oui, ces mots, de qui ces mots ? Il y a bien quelqu'un ? Ces guillemets, là, entre guillemets ces mots ? Alors qui ? - Quelqu'un d'ici. Devinez. - D'ici ? Ah, bien sûr, langue rude, martelée, une fleur cependant, mais fleur de rocaille, ou comme serait une pierre que le vent aurait sculptée en fleur. Et puis cette déclaration, plus qu'un aphorisme, un art poétique vraiment, tout une esthétique en deux groupes de mots bien balancés. Synge. John Millington Synge, l'observateur, l'orfèvre, la grande oreille, pour une langue d'une fraîcheur inouïe, maelstrôm d'images, anglo-irlandais adamique. Vous souriez ? Trop évidente, ma réponse ? Un piège grossier ? Et moi tombé dedans ? Joyce peut-être ? Non ? Pas lui ? Plus près, dites-vous P Ah oui, je sais, j'ai trouvé, auteur contemporain naturellement, théorie de la filiation, Synge le père, et puis les autres, jusqu'au dernier dont on parle, Motton, Gregory Motton. Gagné, n'est-ce pas, décrochée la timbale, week-end à Dublin avec soirée à l'Abbey Theatre, petit déjeuner eggs and bacon dans une pension près de Trinity College ? Non ? Encore non ? Qui alors ? Qui ? - Beckett. - Beckett ? Mais n'y a-t-il pas quelque arbitraire à convoquer ici et une fois encore la haute silhouette sombre, toujours aperçue de dos et s'éloignant, semble-t-il, du grand Sam P Moins qu'il n'y paraît. Mary et Martin, les deux aveugles de la curieuse parabole de Synge, mendiant leur pain au carrefour en évidant des joncs, pourraient bien être les cousins, un peu bavards sans doute, de Hamm et Clov. I MISE EN SCÈNE Patrick Mason DÉCOR Monica Frawley LUMIÈRE Trevor Dawson AVEC Kathleen Barrington, John Bergin, Derbhle Crotty, Stuart Graham, Pat Laffan, Ronan Le a h y, Pat Leavy, Maire Ni Ghrâinne, Bri'd Ni Neachtain, Macdara O Fàtharta, Maire O'Neill, Derry Power Poussons l'hypothèse jusqu'à ses dernières conséquences et l'on envisagera même Fin de partie comme épilogue alternatif au Puits des saints, un quatrième acte dans lequel Mary ou Martin, peu importe qui, aurait définitivement recouvré la vue après le second passage du moine errant. Mais beaucoup de temps se serait écoulé et il ne serait guère possible encore de se raconter des histoires, il serait tout à fait impossible d'y croire. Resterait seulement la tyrannie ordinaire que s'infligeraient deux êtres devenus à jamais indispensables l'un à l'autre. Mais sans doute la pièce de Synge est-elle moins sombre. Peut-être conclut-elle seulement au bonheur d'être aveugle dans un monde qui ment. Elle garde le caractère, édifiant et subversif à la fois, d'une moralité médiévale. On rappellera celle dont elle certainement inspirée, la Moralité de l'aveugle et du boiteux d'Andrieu de la Vigne (1470-1515), que John Millington Synge, jeune étudiant en littérature à la Sorbonne, dut lire sous les globes vert pâle des abat-jour de la Bibliothèque Sainte-Geneviève. Puis il s'en retourna, suivant le conseil de W.B. Yeats, et revit l'île natale. PRODUCTION The Abbey Theatre, Dublin Le texte français de la pièce est publié aux Éditions Folle Avoine Les deux productions de l'Abbey Theatre de Dublin réalisées par Patrick Mason sont accueillies avec le soutien de L'Imaginaire irlandais, un ensemble de manifestations culturelles présentées à Paris et en régions, de mars à août 1996, et témoignant de la richesse de la création artistique en Irlande aujourd'hui. JOHN MILLINCTON SYNCE John Millington Synge naît près de Dublin, en 1871. Les mots le fascinent dès son enfance, mais il songe un moment devenir musicien et voyage à travers l'Europe. En 1896, Synge est à Paris, il suit les cours de littérature en Sorbonne lorsque le poète irlandais William Butler Yeats découvre et reconnaît son talent. Rencontre déterminante, Yeats conseille au jeune homme de regagner l'Irlande afin que son œuvre s'y nourrisse aux sources mêmes de sa véritable inspiration. Synge s'établitaux îles d'Aran en 1898.11 vit très simplement, se mêle à la vie du peuple. Peu à peu se forge, à travers les anecdotes du folklore et l'observation des scènes populaires qu'il décrit dans son recueil des Iles d'Aran, cette langue si particulière, vibrante de sensations et d'images anciennes, qui lui est propre. Après une première pièce, Quand la lune sera couchée, refusée par l'Irish Literary Theatre, Synge compose deux pièces en un acte, L'Ombre de la vallée en 1903 et Cavaliers à la mer en 1905. Jouées à Dublin, elles suscitent un âpre débat tant au sein de la critique que dans le mouvement nationaliste. L'admiration éprouvée par Yeats à l'endroit du jeune auteur grandit cependant et Yeats propose à Synge de diriger avec lui l'Irish National Theatre Society tout récemment fondée et établie à l'Abbey Theatre de Dublin. De nouvelles cabales accueillent La Fontaine aux saints, mais c'est surtout la création du Baladin du monde occidental, en 1907, qui provoque de véritables émeutes: à la suite des désordres qui perturbent systématiquement chaque représentation, la police doit garder le théâtre. Les mêmes incidents ont lieu à Londres et aux Etats-Unis, où les patriotes irlandais accusent Synge d'avoir bafoué leur pays. La pièce finit cependant par s'imposer, elle est aujourd'hui une des oeuvres du répertoire les plus souvent reprises au théâtre. Le 24 mars 1909, la mort emporte John Millington Synge tout juste âgé de trente-huit ans et atteint d'une tumeur à la gorge. La pièce à laquelle il travaillait, Deirdre des douleurs, reste inachevée. D'aucuns considèrent l'œuvre de Synge comme l'une des plus importantes parues en anglais depuis Shakespeare. EDERICO GARCIA LORCA Ya se acercan Unos por la canada y el otro por < Voy a alumbrar las piedras. c Qué necesitas ? El aire va llegando duro, con doble filo Illumina el chaleco y aparta los botones. que después las navajas ya saben el camino Federico Garcia Lorca, Bodas de sangre Acto tercero# Quadro primero Ils approchent, Les uns par I oseraie, les autres par le fleuve Je veux faire briller les cailloux Que veux-tu ? Lair devient dur. à double tranchant Eclaire le gilet. Ecarte les boutons, Et les couteaux trouveront leur chemin. CES DE SANG) Le jour même de ses noces, la Fiancée s'enfuit avec son ancien amant. Nulle faute cependant, seule la terre andalouse peut-être, et le cheval qui emportait l'homme vers le parfum et les cheveux de la femme. L'issue est assurée, certaine, une tragédie inéluctable. Sous le pâle éclat de la lune, clarté qui tranche comme une lame, nuit bleue des sacrifices, deux hommes sont emportés dans la mort. Du mariage, la Fiancée espérait une libération : « J'étais brûlée, couverte de plaies dedans et dehors. Ton fils était un peu d'eau dont j'attendais des enfants, une terre, la santé. Mais l'autre était un fleuve obscur sous la ramée, il m'apportait la rumeur de ses joncs, sa chanson murmurait. »Et lorsque leurs deux voix se seront élevées pour le chant d'une commune douleur, peut-être la Fiancée restera-t-elle auprès de la Mère, réalisant le vœu que la vieille femme, inquiète de voir son fils partir à la vigne, exprimait dès le début de la pièce : « J'aurais aimé que tu sois une fille. Tu n'irais pas à la rivière ! Nous resterions ici toutes les deux, à broder des garnitures, et des petits chiens en laine. » Federico Garcia Lorca, Noces de sang, Acte III, Premier tableau. - 22 JUIN 96 ■ Il ne faut pas s'y tromper : lorsque Federico Garcia Lorca inscrit « Tragédie en trois actes et sept tableaux » sous le titre de la pièce qu'il vient d'achever, personne ne saurait l'accuser de naïveté. Sans doute n'a-t-il pas lu La Mort de la tragédie, l'essai dans lequel George Steiner démontre les conditions d'impossibilité d'une tragédie moderne après Shakespeare, l'impossible survie du genre, dans un monde assujetti désormais, c'est-à-dire depuis l'âge classique et le triomphe des Lumières (Hume, Voltaire, mais aussi, à la lettre, Benjamin Franklin), à la raison toute puissante. Le poète andalou sait d'instinct à quelle source, archaïque, prélogique, s'origine la tragédie. Au point qu'il ne serait pas incongru de renverser les termes du dialogue manqué et de se demander : Steiner aurait-il senti le bel édifice de ses thèses vaciller s'il avait approché l'œuvre dramatique de Garcia Lorca, Noces de sang en particulier ? Sans son amour pour la terre andalouse, à laquelle il se sent lié dans toutes ses émotions et ses souvenirs d'enfant, jamais Garcia Lorca n'aurait pu écrire Noces de sang. L'Andalousie est ce domaine demeuré comme à la marge de l'Occident, un territoire magique, tout vibrant des puissances numineuses qui régissent le mystère de l'existence humaine. Elle est une terre méditerranéenne, où le qualificatif désignerait peut-être, plus qu'une catégorie géographique, le lien qui la rapproche de la Grèce antique de Sophocle ou d'Euripide. Dans sa conférence sur le cante jondo, le chant primitif andalou, Garcia Lorca écrit : « Le cante jondo se rapproche du trille de l'oiseau, du chant du coq et des musiques naturelles de la forêt et de la source. »La forêt est l'espace privilégié où se déploie l'émotion nue et bouleversante des premiers âges. Elle est aussi le lieu scénique où s'inscrit le troisième acte de Noces de sang. A un journaliste qui lui demandait: « Quel moment préférez-vous dans Noces de sang, Federico ? », Garcia Lorca déclare : « Le moment où interviennent la Lune et la Mort, comme éléments et symboles de la fatalité. Le réalisme qui a présidé jusque là à la tragédie se retire pour faire place à la fantaisie poétique dans laquelle, naturellement, je me sens comme un poisson dans l'eau. » C'est bien de ce dernier acte, cœur et source innervant l'œuvre entière, qu'il faut partir, et faire de cette apparente fracture stylistique MISE EN SCÈNE Lluis Pasqual AVEC Nuria Espert et Âlfredo Alcon (distribution en cours) PRODUCTION Odéon-Théâtre de l'Europe / Centro Dramatico Nacional de Madrid Noces de sang est publié aux Editions Gallimard LLUIS PASQUAL l'instrument appelé à débusquer, sous le réalisme « agricole » des premiers tableaux, le même tremblement teliurique qui parcourt tout le drame et le fait accéder, in fine, à la dignité tragique. Mieux que nul autre, la Lune, seul astre que l'œil humain voit naître, croître et mourir, est l'agent et le symbole des rythmes de fécondité, de vie et de mort. Ici, flanquée de son acolyte la Mendiante, elle est le véritable protagoniste du drame. Sans doute les hommes meurent-ils, dans l'ombre inquiétante de la forêt, des coups qu'ils se portent l'un l'autre. Mais plus encore, c'est aux mains de la lune que meurent Léonard et le Fiancé. Dès lors, l'hymne au couteau que font entendre àdeux voix les femmes éplorées, Mère et Fiancée qu'une même douleur absout sinon réconcilie, est bien la plainte immémoriale accompagnant le sacrifice. « Un couteau, / Un petit couteau, / Il tient à peine dans la main, / Mais il pénètre froid / Dans les chairs surprises / Et s'arrête à l'endroit/ Où tremble enchevêtrée / La racine obscure des cris. » Lluis Pasqual achève avec Garcia Lorca son deuxième mandat de trois ans à la direction de l'Odéon-Théâtre de l'Europe. C'est avec le même auteur qu'il avait étrenné ses nouvelles fonctions en 1990, présentant deux versions, française et espagnole, de Pièce sans titre, avant de retourner comme un gant l'espace du théâtre à l'italienne pour une mise en scène remarquée du Balcon de Genet. En 1992, l'Odéon-Théâtre de l'Europe est l'hôte du Festival d'Avignon et Lluis Pasqual présente Le Chevalier d'Olmedo de Lope de Vega dans la Cour d'honneur du Palais des papes. Pour la saison 1993-1994 que le Théâtre consacre à la Russie, il met en scène Les Estivants de Gorki et crée Roberto Zucco de Bernard-Marie Koltès en russe, au Théâtre Maly de Saint Pétersbourg. Lluis Pasqual avait précédemment dirigé le Centre dramatique national de Madrid, de 1983 à 1990, et fondé en 1976, avec le scénographe Fabià Puigserver, leTeatre Lliurede Barcelone, une institution qui s'affirma rapidement comme foyer de résistance au régime franquiste et s'appliqua à défendre par ses choix artistiques l'identité culturelle catalane. Lluis Pasqual a été nommé directeur de la section théâtre de la Biennale de Venise pour les années 1995 et 1996. FEDERICO GARCIA LORCA Federico Garcia Lorca naît en 1898 près de Grenade. Comme il le déclarera plus tard, « tous ses souvenirs d'enfance ont le parfum de la terre ». Il ne cessera toute sa vie d'être en étroite communication avec elle et le peuple rude et simple de la campagne. L'amitié de Garcia Lorca avec Manuel de Falla, de vingt ans son aîné, renforcera encore ce lien et toute son œuvre porte la marque de son amour pour le folklore et les expressions populaires. Dès le début, la production littéraire de Garcia Lorca incline vers le théâtre. Pourtant, poésie et prose ont chez lui des frontières indécises: sa poésie est souvent dramatique et son théâtre, poétique. En 1920, la représentation de sa première œuvre, Le Maléfice de la phalène, est un échec cuisant. Il faut attendre 1927 et son drame patriotique Mariana Pineda pour que le poète accède à une reconnaissance dépassant le seul intérêt d'un public lettré. Dès 1931, Garcia Lorca parcourt l'Espagne à la tête d'un théâtre ambulant, La Barraca : il entend faire connaître, dans les villages les plus reculés de la péninsule, les grands classiques espagnols. Dans le même temps, il se consacre tout entier à l'écriture dramatique. Les farces de La Savetière prodigieuse et Amour de don Perlimplin avec Bélise en son jardin ouvrent la voie à une inspiration plus secrète et difficile que Garcia Lorca qualifie lui-même de « théâtre impossible », Lorsque cinq ans seront passés et Le Public. L'impossibilité de présenter ces œuvres au spectateur de son temps oblige Garcia Lorca à poursuivre dans la voie classique : se succèdent alors Noces de sang, Yerma et Doha Rosita la célibataire, un texte moins polémique, destiné peut-être à calmer l'indignation que fit éclater une partie de la critique à la lecture de Yerma où s'exprimait, jusqu'au paroxysme, la frustration érotique de la femme espagnole. Federico Garcia Lorca venait d'achever La Maison de Bernarda Alba lorsque la barbarie franquiste l'assassine, le 19 août 1936, dans les ravins de Viznar, près de Grenade. . 18 FÉVRIER KOLTÈS SOUS LE REGARD DE L'AUTRE (TABATABA) AVEC UN PROLOGUE DE La salle du Petit Odéon, rendue depuis l'an dernier à son architecture et à sa fonction MISE EN SCÈNE LA CHEVRE, LE CHEVAL ET LA VIERGE AVEC TEXTE FRANÇAIS PRODUCTION primitives, un salon du XVIII ™ e siècle, cela signifierait-il le théâtre aboli, sa condamnation en quelle sorte ? Non, deux fois non. Et tout . 2 8 AVRI L le contraire même : le Petit Odéon est, à la lettre, l'espace retrouvé du théâtre, une contrainte assumée incitant metteurs en scène CHAMBRE OBSCURE MISE EN SCÈNE AVEC et artistes à repenser radicalement le lieu et les conditions de leur PRODUCTION pratique. Pour le spectateur qui en franchi les portes, c'est, chaque fois, une expérience et un étonnement renouvellés. LE CHANT DES CHANTS MISE EN SCÈNE Paris Hors les mur Première REPRESENTATIONS A LA GRANDE HALLE DE LA VILLETTE aime QUATRE HEURES À CHATILA le théâtre Dans le magazine hebdomadaire « Premières Loges» découvrez avec Jean-Marc Froissart toute l'actualité théâtrale. Retrouvez chaque semaine sur Paris Première les grands classiques et les dernières Paris créations. Première. La chaîne spectacle du câble et du Satellite. Pour vous abonner: 36.15 Paris Première. et UN CAPTIF ET AMOUREUX Jean Genet Alain Milianti En 1991, Alain Milianti faisait résonner avec force dans les murs du Petit Odéon par la voix de Clotilde Mollet, ce texte de Jean Genet inouï au théâtre, Quatre heures à Chatila. Aujourd'hui, il adapte pour la scène la dernière œuvre de Jean Genet, sans doute la plus importante, Un Captif amoureux. L'Odéon, qui avait coproduit Quatre heures à Chatila - s'associe au Volcan du Havre, au Festival d'Automne à Paris et à la Grande Halle de la Villette pour présenter ces deux spectacles. Quatre heures à Chatila est en partie le récit de ce que Jean Genet voit, un matin de septembre 1982, quand il pénètre dans le camp de Chatila après les trois jours, les trois nuits de massacres de la population civile palestienne. Longtemps considéré comme un témoignage politique, Quatre heures à Chatila du mardi au samedi 20h, dimanche 16h, relâche les lundis et le jeudi 23 novembre. Un Captif amoureux du mardi au samedi 21h30, dimanche 17h30, relâche les lundis et le jeudi 23 novembre. RÉSERVEZ DÈS MAINTENANT une protestation militante contre l'erreur et l'injustice, ce texte est aujourd'hui perçu comme le retour de Jean Genet à l'écriture après un silence littéraire de plus de vingt ans. Un Captif amoureux, entrepris dans l'élan de Quatre heures à Chatila, en est comme le prolongement et l'amplification. Ce récit est un voyage. Parti à la recherche des palestiniens, plus précisément d'un couple-Hamza et sa mère - entrevu quelques heures seulement, 25 ans auparavant, c'est lui-même que Genet retrouve au terme de cette odyssée. Lui, se demandant dans un extraordinaire et inattendu renversement qui est le cœur du livre, si la révolte palestinienne n'a pas eu lieu toute entière pour qu'il soit hanté à travers ce couple par la question de ses origines. ■ par correspondance en envoyant votre règlement à l'Odéon-Théâtre de l'Europe et en y joignant une enveloppe timbrée à votre adresse, ■ en téléphonant à l'Odéon-Théâtre de l'Europe au 44 41 36 36 Prix des places : pour 1 spectacle: 110F pour les 2 spectacles : 150F Tarif préférentiel pour les abonnés et les détenteurs d'une Carte Odéon ou d'une Carte Complice : 90F pour 1 spectacle 120F pour les 2 spectacles. PRODUCTION Le Volcan-Le Havre AVEC L'AIDE DE LA RÉGION HAUTE NORMANDIE CO RÉALISATION Etablissement Public du Parc et de la Grande Halle de la Villette, Festival d'Automne à Paris, Odéon-Théâtre de l'Europe. En Entre lui et vous, il y a un point commun : notre amour pour le théâtre. tournée DANS LA SOLITUDE DES CHAMPS DE COTON Bernard-Marie Koltès Patrice Chéreau TTr Après sa création à la Biennale de Venise le 18 mai 95, et avant sa présentation à Ivry, le spectacle prendra la route pour six mois de tournée en France et à l'étranger À MUNICH 24 - 27 mai, Reithalle À COPENHAGUE 31 mai - 3 juin, Kanonhallen AU FESTIVAL D'EDIMBOURG 30 août - 2 septembre, Drill Hall À SÉVILLE 11-15 octobre, Teatro Central À TOULOUSE 8-15 septembre, Théâtre Sorano À MADRID 18 - 22 octobre, Festival de Otono AU HAVRE 19 - 23 septembre, Le Volcan À GENÈVE 26 octobre - 5 novembre, Comédie de Genève À MARSEILLE 27 septembre - 7 octobre. Théâtre du Gymnase À NEW-YORK janvier 96, Brooklyn Academy of Music AU FESTIVAL DE VIENNE 7 - 12 juin, Strassenbahnremise À PORTO 18-21 juin, Alfandega À CHAMBÉRY 26 - 30 juin. Maison de la Culture « • DU LUNDI AU VENDREDI: 13 H INTER-TREIZE-QUATORZE JEAN-LUC HEES *18 H 15 SYNERGIE JEAN-LUC HEES • 22 H A L'HEURE DU POP JOSEARTUR • TOUS LES DIMANCHES : 8 H 39 CHRONIQUE THEATRE JEAN-MARC STRICKER *13H 20 PIECES DETACHEES LUDOVIC DUNOD • 20 H LE MASQUE ET LA PLUME JEROMEGARCIN France fnter Ecoutez, ça n'a rien à voir À MILAN 3-7 juillet, Teatro Franco Parenti AU FESTIVAL DE WEIMAR 11 - 14 juillet, Fabrikhalle Weimarwerk ROI LEAR de William Shakespeare mise en scène Georges Lavaudant Après sa création à l'Odéon, le spectacle sera présenté AU TNP DE VILLEURBANNE du 20 mai au 1er juin 96, ET AU VOLCAN DU HAVRE du 5 au 8 juin 96. DE L'ODEON METIERS DU THEATRE Devant le succès rencontré par les débats organisés au cours de la saison 94-95, l'Odéon-Théâtre de l'Europe et la librairie Carrefour de l'Odéon se retrouvent pour cette nouvelle saison et vous proposent d'autres rendez-vous autour des thèmes suivants : Organisées par l'Odéon - Théâtre de l'Europe, en collaboration avec le CIDJ, le Centre National du Théâtre, l'ANPE Spectacle et le CFPTS, les journées autour des métiers du théâtre avaient rencontré la saison dernière un grand écho auprès des jeunes. L'Odéon a donc décidé de renouveler l'expérience cette saison. Ces rencontres autour des métiers artistiques, techniques ou administratifs sont l'occasion de découvrir ou de mieux comprendre les différentes activités qui entrent en jeu dans la fabrication et la promotion d'un spectacle. Elles constituent une occasion privilégiée de découvrir la réalité de ces différents métiers, ainsi que les parcours et les formations permettant de les exercer. Animées par des professionnels, elles auront lieu dans la Grande Salle du théâtre. ■ Samuel Beckett, en présence d'Alain Badiou ■ Nietzsche et « La naissance de la tragédie » ■ La religion, pouvoir spirituel ou pouvoir séculier ? ■ Identité culturelle ou culture d'identité ? ■ Jacques Derrida ■ Qu'est-ce que la philosophie politique ? En présence de Claude Lefort ■ Jean-Paul Sartre ■ Y a-t-il une crise de la littérature en Europe ? ■ D'une histoire revisitée à une histoire révisée ■ Doit-il y avoir une politique culturelle publique ? La liste des participants sera disponible un mois avant chaque rencontre. L'entrée est libre. Pour tous renseignements, contactez-nous au 44 41 36 39. SEPTEMBRE OCTOBRE D 1er Splendid's îsh NOVEMBRE M 1er Le Tartuffe J 2 Le Tartuffe V 3 Le Tartuffe S 4 Le Tartuffe D 5 Le Tartuffe S7 M 7 Le Tartuffe L9 M 8 Le Tartuffe J 9 Le Tartuffe M io Le Tartuffe M 11 Le Tartuffe 20h30 V 10 Le Tartuffe S 11 Le Tartuffe J12 Le Tartuffe i9h3o V13 Le Tartuffe 20h30 D 12 Le Tartuffe S 14 Le Tartuffe 20h30 D 15 Le Tartuffe M 14 Le Tartuffe L16 D 17 Zaïde M 17 Le Tartuffe 20h30 M 15 Le Tartuffe Le Tartuffe Le Tartuffe M 18 Le Tartuffe 20h30 M 19 Zaïde J 21 Zaïde J 19 Le Tartuffe i9h3o V 20 Le Tartuffe 2oh3o Le Tartuffe S 21 Le Tartuffe 20h3o Le Tartuffe D 22 Le Tartuffe ish L23 M 24 Le Tartuffe 20h30 J 28 Splendid's V29 Splendid's 20h30 S 30 Splendid's Dans la solitude... 20h30 Dans la solitude- M5 M6 Dans la solitude... 20h30 Dans la solitude... S9 D 10 Dans la solitude . Dans la solitude des.. J26 Le Tartuffe i9h3o V 27 Le Tartuffe 20H30 Dans la solitude des... Dans la solitude des... Le Tartuffe Dans la solitude des... 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R É S E RYAT IONS HORAIRES DES REPRÉSENTATIONS À L'ODÉON, IL EST SIMPLE DE RÉSERVER ET DE PAYER SES PLACES. ■ 15 jours avant le début de chaque spectacle : GRANDE SALLE Lundi, mardi, mercredi, vendredi, samedi : 20h30 jeudi : 19h30 dimanche: 15 h ■ aux guichets du Théâtre, du lundi au samedi de 11 h à 18h30 PETIT ODÉON tous les jours à 18h30 (relâche le jeudi) ■ en téléphonant au 44 41 36 36 tous les jours de 11 h à 19h. (règlement possible par téléphone avec votre carte bleue) DANS LA SOLITUDE DES CHAMPS DE COTON du mardi au samedi : 20h30 - dimanche : 16h ■ par Minitel 3615 ODÉON 24h/24h (1,27 F /mn) Pour vous rendre à la Manufacture des Œillets, à Ivry-Seine: (Dans la solitude des champs de coton) SOYEZ SÛRS D'ÊTRE BIEN PLACÉS: RÉSERVEZ À L'AVANCE. Vous pouvez acheter vos places, dès maintenant pour l'ensemble des spectacles de la saison : ■ par correspondance, en joignant à votre règlement une enveloppe timbrée à votre adresse, au plus tard 15 jours avant le début des spectacles (vous recevrez vos billets à domicile). IVRY SUR SEINE TARIFS GRANDE SALLE Plein tarif : 170 F, 130 F, 80 F, 50 F, 30 F (séries 1,2,3,4,5) Groupes, chômeurs, carte vermeil : 150F, 110F, 60F (séries 1,2, 3) Zaïde, tarif spécial : 350 F, 300 F, 260 F, 150 F, 80 F Dans la solitude des champs de coton, tarif unique :150 F TARIFS PETIT ODÉOH ■ par Minitel 3615 ODÉON, 24h/24h Plein tarif : 70 F RÉSERVEZ POUR LE SOIR-MÊME, pendant la 1"" semaine de représentations, vous venez à deux et vous ne payez qu'une place ! Groupes, chômeurs : cartes vermeil : 50F Pour les différentes formules d'abonnement, voir le dépliant joint à la brochure ou le demander au 44 41 36 36 EN VOITURE Direction Ivry-centre ville, stationnement au parking de la Mairie d'Ivry, itinéraire fléché (200 m à pied) jusqu'à la Manufacture des Œillets. ODÉON THÉÂTRE DE L'EUROPE 1, Place Paul Claudel - 75006 Paris Métro : Odéon RER : Luxembourg Bus : 21, 27, 38, 58, 63, 84, 85, 86, 87, 89, 96 Parkings : rue Soufflot, rue de l'École de Médecine, place St Sulpice. SERVICE DES RELATIONS AVEC LE PUBLIC Location : 44 41 36 36 Abonnement : 44 41 36 38 Accueil comités d'entreprises, groupes d'amis : 44 41 36 37 Accueil groupes scolaires : 44 41 36 39 PLAN DE LA GRANDE SALLE DE L'ODÉON EN MÉTRO ligne 7, direction Mairie d'Ivry, station Mairie d'Ivry (sortie avenue G.Gosnat-N° impairs), itinéraire fléché (200 m à pied) jusqu'à la Manufacture des Œillets. EN R E R ligne C, station Ivry-sur-Seine, itinéraire fléché (200 m à pied) jusqu'à la Manufacture des Œillets. ACCUEIL DES HANDICAPÉS Personnes à mobilité réduite : accès par la rue Corneille. Pour faciliter votre accueil, merci de nous prévenir lors de votre réservation. sériel-170 F série 2-130 F série 3-80 F série 4-50 F série 5-30 F