La dynamique du marché mondial des produits laitiers

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La dynamique du marché mondial des produits laitiers
La dynamique du marché mondial des produits laitiers
Malik Makhlouf, Etienne Montaigne
To cite this version:
Malik Makhlouf, Etienne Montaigne. La dynamique du marché mondial des produits laitiers.
Livestock Research for Rural Development, Centro para la Investigación en Sistemas Sostenibles
de Producción Agropecuaria, 2016, 28 (10), pp.1-11. <hal-01427648>
HAL Id: hal-01427648
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Livestock Research for Rural Development 28
(10) 2016
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this paper
M Makhlouf et E Montaigne1
Département des Sciences Agronomiques, Université Mouloud Mammeri, Tizi-Ouzou - Algérie
[email protected]
1 Centre international d'études supérieures en sciences agronomiques - Montpellier SupAgro, UMR
MOISA, 2 place Viala, 34060 Montpellier, France.
Résumé
L’économie laitière mondiale entre dans une décennie de prix relativement élevés et très volatiles,
de demande soutenue de lait et de produits laitiers, mais aussi de hausse des coûts de production et
de nouvelle instabilité des marchés. La principale raison de cette forte volatilité des prix, réside
classiquement dans le déséquilibre entre la demande mondiale de lait, tirée par la Chine, la Russie,
etc. et l’offre devenue insuffisante et volatile. Cette demande laitière était auparavant
proportionnelle à la croissance de la population mondiale alors que, depuis quelques années, la
consommation per capita de plusieurs pays a sensiblement augmenté. Du côté de l’offre, les
marchés alimentaires mondiaux se réduisent du fait de la sécheresse dans les pays excédentaires,
comme l’Australie, exportateurs nets sur le marché mondial, et la baisse des stocks dans les pays de
l’Union Européenne en lien avec les options de politique agricole qui visent à réduire les
subventions à l’exportation.
L’objectif de cette étude est d’abord de bien rappeler les importantes étapes qui ont marqué, depuis
ces trois dernières décennies, la filière laitière à l’échelle mondiale, à la suite du mouvement de
libéralisation de ce marché. Nous remontons ensuite vers l’amont de cette filière pour présenter la
situation actuelle du cheptel laitier mondial et sa répartition géographique, puis la production et la
disponibilité laitière mondiale dans les différents continents. Un accent particulier est mis sur
l’examen de la configuration actuelle du marché mondial, caractérisé par une demande soutenue et
une offre qui devrait s’affaiblir légèrement, au cours de la prochaine décennie, suite aux
changements des politiques des pays exportateurs. L’évolution des cours mondiaux des principaux
produits laitiers, sur un marché oligopolistique, éclaire bien la tension qui caractérise ce marché.
L’Algérie voit ses ressources pétrolières diminuer alors que le prix mondial du lait et des produits
laitiers augmente.
Mots-clés: lait, politique laitière, sécurité alimentaire, volatilité des prix
Abstract
The world dairy economy is entering a decade of relatively high and very volatile prices, with
sustained demand for milk and dairy products, but also higher costs of production and new market
instability. The main reason for the high price volatility typically lies in the imbalance between
global demand for milk, driven by China and Russia, etc, and lacking and volatile supply. This
dairy demand was previously proportional to the growth in world population, while in recent years,
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per capita consumption of several countries has increased significantly. From the supply side,
global food markets are shrinking due to drought in countries traditionally over-suppliers, such as
Australia, net exporters on the world market, and falling stocks in the European Union countries in
connection with common agricultural policy options that aim to reduce export subsidies.
The objective of this study is first to remind many milestones that have marked, over the past three
decades, the dairy industry worldwide, following the movement of liberalization of this market. We
then go back upstream of this sector to present the current situation of the global dairy herd and its
geographic localisation, and the global dairy production and its availability in the continents. A
particular focus will be on examining the current configuration of the world market, characterized
by sustained demand and a supply that is expected to weaken slightly in the next decade, following
the changes of policies in the exporting countries. The evolution of world prices of the main milk
products, in an oligopolistic market, although lighten the tension that characterizes this market. The
income of Algeria from oil is decreasing while the world price of milk and milk products is
increasing.
Keywords: dairy policy, dairy world market, food security, price volatility
Introduction
L’économie laitière mondiale entre dans une décennie de prix relativement élevés et très volatiles,
de demande soutenue de lait et de produits laitiers, mais aussi de hausse des coûts de production et
de nouvelle instabilité des marchés. La principale raison de cette forte volatilité des prix, réside
classiquement dans le déséquilibre entre la demande mondiale de lait, tirée par la Chine, la Russie,
l’Algérie, le Mexique, etc., supérieure à l’offre. Comme l’a déjà évoqué Dia (2009), du côté de
l’offre, les marchés alimentaires mondiaux se réduisent du fait de la sécheresse dans les pays
excédentaires, comme l’Australie, qui alimentent le marché mondial, et la baisse des stocks dans les
pays de l’Union Européenne en lien avec les options de politique agricole qui visent à réduire les
subventions à l’exportation.
L’héritage du passé
Les années soixante-dix et quatre-vingt : la bataille du lait
Duteurtre (1998) a qualifié de marée blanche la fulgurante progression de la production laitière
mondiale lors de la seconde révolution laitière grâce aux progrès techniques de l’élevage en
Europe, aux USA, en Australie et en Nouvelle-Zélande. D’après cet auteur, cette production a
connu un essor rapide et continu sur plusieurs décennies. Elle est passée d’environ 350 millions de
tonnes en 1962 à 520 millions en 1990, soit une croissance annuelle d’environ 5 %, taux bien
supérieur à la croissance démographique mondiale (+ 1,1 % par an).
Cette croissance a créé une situation excédentaire pendant toutes les années soixante-dix et le début
des années quatre-vingt (Duteurtre 1998). En plus de la baisse des cours, cette période a été
caractérisée par la difficile gestion des stocks, le maintien de l’aide publique aux exportations et le
développement de l’aide alimentaire. Les stocks mondiaux ont progressivement augmenté jusqu’à
culminer au milieu des années quatre-vingt à plus de 1,2 million de tonnes de poudre de lait écrémé
et à plus de 2 millions de tonnes de beurre. Ces stocks étaient alors supérieurs au volume des
échanges annuels. Avec de tels niveaux de surplus, la gestion des stocks prenait une telle
importance qu’elle fut remise en cause.
Cette période a vu aussi l’installation d’usines de reconstitution de lait à partir de poudre de lait
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écrémé et d’huile de beurre, dans la plupart des pays en voie de développement. D’après Brokken et
al (1992), il s’agissait plutôt, pour les pays excédentaires, d’exporter des produits laitiers à très bas
prix vers ces pays, sous forme d’aide alimentaire ou en profitant des mécanismes d’aide publique
aux exportations.
Le retour à la stabilité à partir des années 90
La situation fortement excédentaire héritée de la marée blanche a conduit les principaux pays
producteurs à engager des négociations dans le cadre du GATT dès les années 1970 (Makhlouf
2015). Ces derniers avaient pour objectif de stabiliser les cours mondiaux, afin de faciliter la
libéralisation et l’expansion du commerce mondial des produits laitiers et de favoriser le
développement économique et social des pays en voie de développement.
Duteurtre (1998) a noté que les politiques laitières des pays producteurs développés ont été
marquées, dans les années qui ont suivi, par le difficile compromis entre, d’une part, des politiques
de soutien à l’offre et, d’autre part, la nécessité de freiner l’augmentation de la production. La
difficulté de cet arbitrage explique peut-être que les effets positifs de ces politiques de contrôle de
l’offre n’aient pas été ressentis avant la fin des années quatre-vingt.
En Europe, à la suite d’une crise profonde, un compromis a été trouvé en 1984 qui a prévu
l’instauration de quotas laitiers qui ont permis alors de maintenir un système de prix garantis, tout
en limitant la croissance de l’offre. Comme conséquence, la courbe d’augmentation de la
production s’est infléchie après 1990. Les cours sont remontés dès 1989 à 2 000 $US la tonne de
poudre de lait écrémé, soit plus de trois fois leur niveau trois ans plus tôt. Les stocks mondiaux sont
descendus fin 1995 à près de 100 000 tonnes pour le beurre et moins de 25 000 tonnes pour la
poudre de lait écrémé (Boutonnet et al 2000). En En 1996, ils sont remontés à 200 000 tonnes et
100 000 respectivement pour les mêmes produits, c’est-à-dire dix fois moins que dans les années
quatre-vingts (Griffin 1995).
La situation actuelle de la filière lait dans le monde
Le cheptel laitier dans le monde
L’effectif total du cheptel mondial de vaches laitières n’a pas cessé d’augmenter au cours de ces
dernières années, mais cet accroissement est jugé insuffisant du fait de l’accroissement de la
demande. En effet, selon le CNIEL (2015), ce cheptel n’est passé que de 245,6 millions de vaches
laitières en 2006 à 268,7 millions en 2013, soit un taux annuel de croissance mondial de 1,3 %/an
(Figure 1).
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Figure 1. Evolution du cheptel mondial des vaches laitières (103 de têtes)
Selon les différentes régions du monde, l’Asie, l’Afrique, et à un degré moindre, l’Amérique du
Sud constituent les seules régions dans le monde où le cheptel de vaches laitières connaît une
croissance positive depuis ces dernières années. Ceci peut s’expliquer par la forte volonté de
certains pays de ces régions (la Chine et l’Inde en Asie, l’Algérie et le Maroc en Afrique) de
satisfaire davantage les besoins grandissants de leur population en protéines animales. Cependant,
dans les autres régions du monde, d’un côté le cheptel total de vaches laitières affiche une relative
stabilité en Amérique du Nord et en Océanie alors que d’un autre côté, l’Europe à 27 affiche une
tendance à la baisse depuis plusieurs années (Makhlouf 2015).
Quant à la structure de la répartition de l’effectif total de vaches laitières (VL) selon les différentes
parties du monde, celle-ci n’a pas connu aussi une modification significative depuis ces dernières
années. L’Asie et l’Afrique s’accaparent, à eux seules, une part de 61 % de l’effectif total de vaches
laitières dans le monde (Figure 2). Le reste de l’effectif mondial se répartit entre l’Europe (15 %),
Amérique du Sud (14,4 %), Amérique du Nord (6,2 %) et enfin l’Océanie (2,6 %).
Figure 2. Répartition du cheptel mondial de vaches laitières (268,7 millions de têtes en 2013) selon les continents (en
%)
La production laitière dans le monde : prédominance de l’Asie et de l'Amérique du Nord et
du Sud
La production laitière mondiale (toutes espèces confondues) est estimée à 782 millions de tonnes en
2013 (CNIEL 2015). De 2000 à 2013, la production laitière mondiale a augmenté de 180 milliards
de litres, soit de près d'un tiers. Les rendements laitiers moyens présentent une très forte
hétérogénéité entre les continents. Ils sont très faibles en Inde (1 405 l/VL/an), en Chine (2 452
l/VL/an) et en Amérique du Sud (2 093 l/VL/an), moyens dans l’UE (6 627 l/VL/an) et très élevés
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aux USA (9 900 l/VL/an) où le modèle de l’élevage intensif domine (CNIEL 2015). En Afrique, le
rendement laitier est considéré comme le plus faible au monde (de 509 l/VL/an en 2007 à 520
l/VL/an en 2013) et il est extrêmement difficile de l’améliorer compte tenu des systèmes d’élevage
pratiqués.
Tableau 1. Evolution de la production de lait de vache dans le monde selon les différents
continentes (unité : 106 tonnes)
2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013
Europe des 27
208,5
209
209,1 209,2 211,4 212,0 212,1
Asie
146,8 150,6 159,8 166,0 172,7 180,1 183,5
Amérique du Nord
106,1 108,6 110,4 112,1 113,6 116,2 116,6
Amérique du Sud
55,6
60,3
61,3
64,9
67,8
68,8
70,1
Afrique
30,1
30,4
29,5
31,8
31,8
33,0
34,1
Océanie
25,3
24,5
26,3
26,6
28,8
30,1
29,8
Total lait de vache (1)
573,9 585,1 596,5 610,5 626,2 640,1 646,1
Total lait (2)
682,5
695
716,2 734,9 755,0 772,1 781,9
(1)/(2), %
84,1
84,2
83,1
82,9
82,9
82,9
82,6
L’évolution de la production mondiale de lait (Tableau 1) n’a pas subi de grandes variations entre
les différentes zones de la planète, depuis plusieurs années, comme l’illustre bien la Figure 3.
Figure 3. Répartition de la production laitière mondiale (781,9 106 tonnes en 2013)selon les continents (en %)
Par espèce, il est à noter aussi que l’essentiel de la croissance de la production laitière mondiale en
volume, repose sur celle de lait de vache mais avec un taux de croissance plus faible (+ 25 % depuis
2000) que celui des autres ruminants (+ 40 %), en particulier que celui de lait de bufflonne (+ 50
%). En outre, la structure de la répartition de la production totale de lait au niveau mondial entre les
différents ruminants, n’a pas connu de changements significatifs durant toute cette dernière
décennie (Figure 4).
Figure 4. Production laitière mondiale en fonction des espèces animales en % (année 2013)
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La disponibilité laitière per capita dans le monde
La quantité de lait disponible en moyenne par habitant n’a que fort peu progressé en 35 ans, passant
de 106 kg/hab. en 1970 à 109,6 kilos par habitant en 2013 (Tableau 2).
Tableau 2. Evolution de la population mondiale et lait disponible par habitant
1970
1980
1990
2000
3,7
4,4
5,3
6,1
Population mondiale (109 hab.)
392
466
542
579
Production laitière (10 6 tonnes)
Consommation apparente (kg/hab.)
106
105
103
95
2010
6,9
735
106,5
2011
7,0
755
107,8
2012
7,1
772
109,4
2013
7,24
782
109,6
À l’échelle de la planète, cette disponibilité laitière moyenne, cache de bien grands écarts entre les
continents (Figure 5).
Figure 5. Consommation apparente au niveau mondial pour l'année 2010 en kg/hab./an (source : Janick 2011)
Le lait et les produits laitiers sont majoritairement consommés sous forme de produits frais, soit 70
% environ de la production totale du secteur. Cette forme ira, selon les perspectives agricoles de
l'OCDE et de la FAO 2015 (OCDE/FAO 2015), en augmentant au cours des dix prochaines années,
car la production laitière progresse dans les pays en développement.
La configuration actuelle du marché mondial du lait et ses tendances
La demande laitière : l’Asie moteur de la demande mondiale
Parmi les différents continents, l’Asie demeure le moteur de la croissance mondiale. Au cours de
cette dernière décennie, sa production a pratiquement doublé, passant de 142 millions de tonnes en
2001 à 280 millions de tonnes en 2012. Malgré cette forte croissance (+ 4 %/an), la production ne
couvre pas totalement la demande en produits laitiers, en progression encore plus dynamique
(Institut de l’Elevage 2013). Ainsi, l’Asie importe de plus en plus de produits laitiers pour couvrir
un déficit de production croissant estimé à 22 millions de tonnes en 2011, déficit qui a bondi de 40
% depuis 2008 (Institut de l’Elevage 2012). Ce continent devrait représenter environ 55 % des
importations mondiales et rester ainsi le principal marché pour les produits laitiers, suivi par
l’Afrique, qui elle représente 15 % du marché mondial (FAO 2013).
La Chine, première importatrice mondiale, a importé 449 542 tonnes de lait en poudre en 2011, 527
875 tonnes en 2012 et 854 400 tonnes en 2013 (Xu 2015). Environ 85 % de ces importations
proviennent de Nouvelle-Zélande et devraient dépasser le million de tonnes dans les prochaines
années. En 2013, ces importations représentaient 20 % du volume total des échanges mondiaux et
28 % de la demande nationale (Xu 2015).
En Afrique, la production progresse aussi rapidement qu’en Asie (+ 4 %/an). Cependant, cette
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production, estimée à 42 millions de tonnes, ne représente que 5 % de la production mondiale et
reste insuffisante pour couvrir les besoins de la population de ce continent estimée à 1,086 milliards
d’habitants en 2013. A 36 kg de lait en 2010, le disponible par Africain, même s’il progresse
sensiblement, reste le plus faible au monde. Ce continent très déficitaire dépend fortement des
importations, estimées à 10 millions de tonnes équivalent-lait (Eql), qui couvrent le quart de la
consommation du continent (Makhlouf 2015).
L’offre mondiale du lait
D’après les projections, la hausse de la production laitière mondiale devrait ralentir légèrement au
cours de la prochaine décennie et revenir entre 1,9 et 1,8 % par an. Dans les pays en
développement, on estime que les taux de croissance s’établiront à 2,7 % par an les dix prochaines
années, contre 3 % par an pendant la décennie précédente. L’offre supplémentaire de lait sera
imputable pour 75 % à ces pays en développement (OCDE/FAO 2015).
En revanche, la production des principaux exportateurs mondiaux ne devrait augmenter que de
façon modérée, sauf en l’Argentine. En Nouvelle-Zélande, pays qui exporte le plus de lait, le taux
de croissance de la production devrait descendre à 1,9 % par an, contre 5,1 % durant la décennie
précédente, en raison de l’augmentation des coûts de production et des facteurs environnementaux.
Aux États-Unis, la production laitière devrait progresser de 0,9 % par an durant la prochaine
décennie, ce qui implique une légère diminution du cheptel laitier (- 0,1 % par an) et une
progression continue du rendement laitier de 1 % par an. L’Australie devrait tendre vers une
évolution similaire avec une forte croissance de son rendement affichant 1,8 % par an (OCDE/FAO
2015).
En ce qui concerne l’Union européenne, les perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO
2015-2020 (OCDE/FAO 2015) indiquent une croissance atone de la production laitière (0,7 % par
an), compte tenu de la faible augmentation de la demande intérieure. La demande mondiale
grandissante est le principal moteur de l’expansion de la production de l’UE. Avec la fin du régime
des quotas laitiers, en 2015, la production laitière de l’UE ne sera sans doute guère modifiée
globalement, mais la tendance à la concentration dans certaines régions pourrait s’accentuer.
Les échanges mondiaux des produits laitiers : peu de pays engagés sur le marché
Un faible pourcentage de la production totale de produits laitiers s’échange entre les pays. Il s’agit
donc d’un marché restreint où les principaux produits échangés sont souvent des excédents issus de
la transformation tels que la poudre de lait ou bien des produits à plus forte valeur ajoutée comme le
fromage (Tableau 3). De fait, les variations relatives de l’offre ou de la demande dans ce marché ont
eu de fortes répercussions sur les prix mondiaux des produits laitiers (Walshe et al 1991).
Tableau 3. Bilan mondial de la production et du commerce*du lait (unité : 106 t)
2010
2011
2012
2013
Production
735
755
772
782
Commerce
41,9
49,7
54,8
63
Commerce / Part de la production (%)
5,7
6,6
7,1
8,1
* Converties en équivalents lait, les transactions mondiales ont progressé de 8 % en 2014
Un essor général des échanges de produits laitiers devrait avoir lieu au cours des dix années à venir.
On s’attend, selon les perspectives de l’OCDE/FAO (2015) à une forte croissance des échanges de
lactosérum, de lait en poudre écrémé et entier (plus de 2 % par an). En ce qui concerne le fromage
et le beurre, la hausse des échanges devrait se limiter à 2 % et 1,5 % par an, respectivement. Ces
dernières années, le marché international des produits laitiers était approvisionné principalement
par quelques pays. En 2013, cinq principaux exportateurs ont apporté la quasi-totalité des volumes
supplémentaires et réalisent 75 % des échanges internationaux. Selon l’Institut de l’Elevage (2013),
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cet apport se répartit comme suit : la Nouvelle-Zélande (33 %), l’UE (23 %), les États-Unis (8 %),
l’Australie (7 %) et l’Argentine (4 %).
Cette concentration devrait s’accroître au cours des dix prochaines années. La Nouvelle-Zélande est
l’exportatrice principale de beurre et de lait entier en poudre, tandis que l’Union européenne occupe
la première place des exportations de fromage et de lait écrémé en poudre.
En outre, la Nouvelle-Zélande renforce sa prédominance sur le marché mondial (avec un total de
3,1 millions de tonnes de produits laitiers en 2012) surtout en Asie du Sud-Est et orientale où elle
bénéficie d’accords commerciaux préférentiels. Elle réalise 50 % de ses ventes avec ses principaux
clients (la Chine, l’Algérie, l’Arabie Saoudite). Sur le marché mondial des poudres grasses, la
Nouvelle-Zélande reste aussi leader. La Chine représente son premier client depuis 2009, suivie de
l’Algérie.
De l’autre côté, les cinq principaux importateurs (Chine, Russie, Algérie, Mexique, Egypte) ont
absorbé le tiers des échanges. Comme on peut le constater dans le tableau 4, les importations de
l’ensemble de ces pays ont enregistré, depuis ces dernières années, de fortes augmentations, à
l’exception du Japon.
Tableau 4. Evolution des importations des produits laitiers
industriels des principaux pays déficitaires (106 t Eql)
Principaux pays importateurs
2006
2010
Chine
2,8
4,7
Russie
2,7
4,9
Algérie
2,1
2,3
Mexique
2,4
1,9
Egypte
0,5
1,5
Japon
2,3
1,8
2011
5,4
4,9
3,1
2,3
2,2
1,9
L’évolution des cours mondiaux des produits laitiers
L’économie laitière mondiale entre dans une décennie de prix élevés, de demande soutenue malgré
le ralentissement de la croissance économique mondiale, mais sous l’effet de la demande des pays
émergents. Venant s’ajouter aux autres facteurs qui influent sur les prix, la forte augmentation des
prix des céréales et de l’énergie a mis sous tension les coûts de l’alimentation du bétail et a freiné
l’accroissement de l’offre.
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Figure 6. Evolution des cours mondiaux des principaux produits laitiers échangés (unité : $/tonne prix FOB)
En effet, après une longue période de stabilité relative des prix de 1990 à 2003, on remarque,
d’après la figure 6, une première augmentation de ces prix de 2004 à 2006, mais avec un rythme
moins soutenu. À partir de 2007, on assiste à une hausse vertigineuse des prix de tous les produits
laitiers industriels. Elle est aussitôt suivie d’une chute spectaculaire en 2008 et 2009, puis d’un
brusque rebond en 2010. Ce « yoyo » des prix internationaux des produits laitiers s’est poursuivi
tous les ans ou tous les deux ans, mais dans une tendance haussière. Le léger repli de 2014 s’est
positionné à 3 600 dollars par tonne (CNIEL 2015). Un petit excès d’offre dans les principaux
bassins d’exportation a eu un effet levier considérable sur les prix. De même, un déficit d’offre
provoque un rebond et une envolée tout aussi spectaculaires des cours mondiaux (Institut de
l’Elevage 2013). L’élasticité-prix de l’offre mondiale apparaît donc de plus en plus élevée.
Conclusion
La croissance démographique et la hausse des revenus, conjugués à l’engouement croissant
pour les produits laitiers, notamment chez les consommateurs des pays en développement,
seront les principaux facteurs de la vigueur de la demande mondiale à moyen terme et à long
terme.
Du côté de l’offre, dans de nombreux pays développés, le marché du lait est l’un des marchés
agricoles les plus réglementés (Knips 2005). Selon cet auteur, les interventions des
gouvernements sur le marché intérieur du lait visent généralement à contrôler la quantité
produite, à fixer des prix minima et à garantir un revenu aux producteurs. Les interventions
prennent souvent la forme d’achats publics, de stockage de la production excédentaire ou de
la mise en œuvre de politiques visant à encourager la consommation de lait. Toujours selon
Knips (2005), dans les pays où les prix intérieurs des produits laitiers sont soutenus bien
au-dessus des cours internationaux du marché, il est indispensable de protéger le marché
intérieur contre la concurrence extérieure afin de garantir des débouchés commerciaux aux
producteurs nationaux qui, à défaut, éprouveraient des difficultés à vendre leurs produits d’un
prix trop élevé. Les tarifs, les contingents tarifaires et autres obstacles non-tarifaires sont les
principales politiques mises en place pour freiner les importations. Les produits laitiers
figurent parmi les produits agricoles bénéficiant d’une protection tarifaire particulièrement
forte, le niveau de protection dépassant en moyenne 80 %, contre 62 % en moyenne pour
l’ensemble des produits agricoles.
Les subventions à l’exportation sont l’une des principales mesures destinées à promouvoir les
exportations. Dans le cadre de l’Accord de l’OMC sur l’agriculture, les pays ayant recours
aux subventions à l’exportation pour les produits agricoles devaient s’engager sur le volume
et la valeur des subventions. Compte tenu de ces pressions de l’OMC, les politiques laitières
des principaux pays exportateurs vont subir des modifications, parfois importantes, pour
mieux gérer leurs offres laitières et réduire considérablement les stocks. A ce titre, l’UE,
principal exportateur mondial de produits laitiers, a mené plusieurs réformes successives de
sa politique agricole commune telle la suppression des quotas, la réduction des restitutions
aux exportations et les coupes budgétaires. Les effets de ces réformes seront décisifs sur la
configuration future du marché mondial.
Cette situation relance les débats sur la politique laitière à suivre à l’intérieur des pays en voie
de développement, gros importateurs comme l’Algérie. En effet, ces pays ont basé leur
politique de sécurité alimentaire sur une combinaison d’incitations à la croissance de la
production locale par divers types de subventions tout le long de la filière, d’une part, et le
recours aux importations de produits laitiers d’autre part (Mamine 2014 ; Maklouf 2015).
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http://www.lrrd.org/lrrd28/10/makh28187.html
Cette politique a permis de fournir régulièrement une ration alimentaire protéique à prix
contrôlé pour une population en forte croissance. Bien que la progression de l’offre nationale
soit significative tant d’un point de vue qualitatif que quantitatif, cette dernière n’a pas réussi
à réduire significativement la dépendance alimentaire extérieure (Makhlouf et al 2015). Le
ciseau des prix combinant la baisse du prix du pétrole d’un côté et la hausse du prix du lait de
l’autre auquel s’ajoute sa volatilité dans un trend haussier, place les responsables politiques
algériens devant un problème économique majeur.
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Received 4 January 2016; Accepted 9 September 2016; Published 1 October 2016
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