L`absentéisme scolaire

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L`absentéisme scolaire
Sciences-Croisées
Numéro 12 : L'éducation
L'absentéisme scolaire :
Approche complexe d'un phénomène multifactoriel
Raphaël Loosfelt
Doctorant en sciences de l'éducation
EA 4671 ADEF, Aix-Marseille Université
[email protected]
Pr. Yvan Abernot
Département des sciences de l'éducation ENFA
UMR EFTS, Université de Toulouse
[email protected]
L'absentéisme scolaire :
Approche complexe d'un phénomène multifactoriel
Résumé
À l’intersection d’enjeux idéologiques, politiques, et institutionnels, nous
tenterons de montrer que si l’absentéisme est souvent présenté avant tout
comme un problème social apparenté à la délinquance justifiant
idéologiquement un traitement similaire, il questionne néanmoins
profondément le rôle de l’école dans sa fonction éducative et sociale, de
gestionnaire de l’hétérogénéité des élèves. Les déterminants sociologiques et
le rôle des parents ne doivent bien sûr pas être sous-estimés, notre fil
conducteur sera cependant de penser l’absentéisme en tant que processus de
décrochage et de désintérêt grandissant d’une institution scolaire qui peine à
accrocher certains de ses élèves présentant des conduites d’évitement,
souvent en grande difficulté scolaire.
Mots-clés : absentéisme – complexité – décrochage – responsabilité
politiques éducatives
–
Introduction
L’absentéisme scolaire a longtemps été considéré comme un
phénomène marginal en France. Cependant, pour des raisons juridiques de
responsabilité, l’institution scolaire s’est vue progressivement dotée de
moyens comptables de plus en plus précis pour le contrôler et d’un cadre
légal strict afin de déterminer dans quelle situation sa responsabilité légale et
pénale est engagée.
D’un point de vue institutionnel et administratif, l’absentéisme est
défini comme un « comportement marqué par la répétition d’absences
volontaires » (circulaire n° 96-247 du 25-10-96). C’est donc la notion de
volonté qui permet de distinguer les absences de l’absentéisme. D’un côté, il
y a les absences involontaires, légitimes 1 et justifiées et de l’autre, les
absences volontaires, illégitimes, c’est-à-dire toutes celles qui ne sont pas
justifiées, trop nombreuses ou trop anciennes pour être encore justifiables.
Le principe de l’assiduité scolaire complète celui de l’instruction
obligatoire pour les enfants français et étrangers de six à seize ans. Il est
considéré comme un principe fondateur de l’instruction obligatoire dans la
législation républicaine. Inscrit à l’article L. 511-1 du code de l’éducation et
faisant partie intégrante des devoirs de l’élève, il concerne l’ensemble des
mineurs même après la fin de la scolarité obligatoire..
Les mesures statistiques de l’absentéisme utilisent le seuil de
signalement de l’élève à l’inspection académique pour défaut d’assiduité, fixé
par l’article L. 131-8 du code de l’éducation. Ainsi, pour trancher la question
sur ce qui fait la différence entre une conduite d’absentéisme et des absences
occasionnelles, le code de l’éducation promulgue que tout élève absent de
classe quatre demi-journées ou plus dans un même mois, sans justification,
sera considéré comme absentéiste. L’absentéisme sera qualifié de lourd audelà de dix demi-journées d’absences injustifiées par mois (Toulemonde,
1998).
Le seuil des quatre demi-journées d’absences a été instauré par une
modification de la loi du 28 mars 18822 en réaction aux résistances que
rencontrait la généralisation de l’enseignement primaire dans une société
encore largement rurale, où les enfants participaient activement aux travaux
agricoles. Les amendements du 22 mai 1946 prévoient toutefois « des
autorisations n’excédant pas huit semaines par an 5 […] aux enfants ayant au
moins douze ans qui sont occupés à des travaux agricoles ou embarqués pour
la pêche maritime ».
Au-delà des directives ministérielles, la loi est interprétée et
appliquée différemment selon les établissements. En effet, il faut noter que le
décompte des demi-journées d’absence ne s’effectue pas de la même façon
selon les établissements. Par exemple, dans certains établissements, une
demi-heure de retard au premier cours du matin ou de l’après-midi suffit pour
que l’élève soit considéré comme absent une demi-journée. À cet égard, il
1
2
L’article L.131-8 du code de l’éducation énumère les motifs légitimes d’absence : la
maladie de l’enfant, la maladie transmissible ou contagieuse d’un membre de la famille,
une réunion solennelle de famille, un empêchement résultant de la difficulté accidentelle
des communications et l’absence temporaire des personnes responsables lorsque les
enfants les suivent.
Article 10 de la loi du 28 mars 1882 modifié par la loi du 22 mai 1946.
-1-
faut souligner la marge importante d’appréciation (Toulemonde, 1998 ;
Douat, 2005) dont disposent les surveillants et les C.P.E qui vont juger de la
validité des motifs des absences et des suites à donner. La gestion
administrative de l’absentéisme dépend donc en grande partie de
l’interprétation qu’elle fera des différents types d’absentéismes et du degré de
gravité de la situation en fonction d’une typologie des absentéistes.
1. État des lieux
1.1. Les visages de l'absentéisme
Le rapport de l’Inspection générale de l'Éducation nationale sur
L’absentéisme des lycéens (Toulemonde, 1998) fait office de référence pour
les différents acteurs de terrain de l’administration scolaire car c’est sûrement
le rapport institutionnel le plus complet à ce jour (mais datant de plus d’une
décennie). Notons que la plupart des rapports et des enquêtes nationales
s’intéressent surtout au cas des lycéens, le collège étant considéré comme
moins touché, statistiquement, par l’absentéisme. Cette grille institutionnelle
d’interprétation de l’absentéisme présente deux classements. Un premier,
intitulé « les visages de l’absentéisme », présente une typologie des formes
d’absentéisme (Toulemonde, 1998 : 27-30). Un second est défini en fonction
des facteurs de l’absentéisme, nous l’évoquerons dans la partie dédiée aux
causes de l’absentéisme. Par un souci de clarté, nous le présentons sous forme
de tableau :
L’absentéisme par défaut de motivation
Ce type d’absentéisme est le plus classique. Il est lié à
l’incertitude des débouchés professionnels
L’absentéisme de confort
Autrefois exceptionnel, ce type d’absentéisme s’est
répandu avec souvent la complicité des parents :
absences le samedi matin et la veille des vacances…
L’absentéisme de consumérisme scolaire L’élève choisit ses matières en fonction d’une stratégie :
boycott de certains professeurs. Typique des lycéens qui
vont au lycée à « la carte »
L’absentéisme de respiration
Absences liées au stress et au besoin de récupérer.
Conséquence de la lourdeur des programmes, des
évaluations et des horaires
L’absentéisme par nécessité économique Les élèves s’absentent pour cause de « petits boulots »
L’absentéisme contraint
Absentéisme résultant d’une décision de l’établissement,
une exclusion provisoire ou définitive
Le vrai-faux absentéisme
« Les absents-présents. » l’élève est présent dans
l’établissement mais absent de cours (permanence,
foyer…)
Tableau 1. Récapitulatif des différents « visages » de l’absentéisme, (élaboré
à partir de Toulemonde, 1998 : 27-30).
Cette grille d’interprétation nous suggère, au-delà des traits ou
facteurs présentés comme classiques (défaut de motivation par exemple), une
-2-
constellation d’attributs associés à l’absentéisme : les stratégies pour
optimiser le confort individuel ou familial, le consumérisme, le boycott, la
tactique pour « respirer » ou « rompre le stress », la fuite stratégique. De
même, les parents décris comme étant dans une situation de « démission », de
« laxisme » et de « capitulation » (Toulemonde, 1998 : 36) sont redéfinis ici
comme « complices », c’est-à-dire, acteurs centraux du manquement à
l’obligation scolaire et de l’évaluation coût/bénéfice de l’assiduité scolaire. À
cet effet, nous verrons dans le chapitre 3 que les parents, responsables de
leurs enfants devant la loi, sont au cœur de la lutte contre l’absentéisme.
La catégorie « absentéisme contraint » qui « résulte d’une décision
de l’institution » présuppose que les autres formes d’absentéisme, celles qui
ne relèvent pas de l’exclusion sont le fruit d’une décision ou d’un choix de
l’élève : « À ces formes d’absentéisme, qui correspondent à des absences
volontaires et répétées, s’ajoutent deux autres modalités d’absentéisme qui
méritent d’être signalées : […] l’absentéisme contraint et le vrai-faux
absentéisme » (Toulemonde, 1998 : 28). La notion de volonté individuelle
apparaît ici indissociable de la définition institutionnelle de l’absentéisme. À
noter que « l’absentéisme par nécessité économique » est une forme de
contrainte qui peut être indépendante de la volonté de l’élève.
1. 2. Quelques chiffres
Un premier point de repère nous est fourni par deux rapports sur
l’absentéisme, études menées au niveau national, respectivement en 19801981 (Gauthier, 1981) et 1994-1995 (Choquet & Hassler, 1997). Le premier
rapport estime le taux d’absentéisme dans les lycées généraux et
technologiques à 3,5% et à 6,5% dans les lycées professionnels. La seconde
enquête, menée par l’INSERM et l’Inspection générale, évalue à 6% le taux
d’absentéisme dans les lycées généraux et technologiques et 7,5% dans les
lycées professionnels. Il faut souligner que les critères retenus pour élaborer
les statistiques de ces deux enquêtes ne sont pas identiques. Pour la première,
ils sont fondés sur les données de signalement du chef d’établissement à
l’Inspecteur académique3 tandis que la seconde s’appuie sur des
questionnaires précis distribués aux élèves répartis sur huit académies tirées
au sort. Cependant, les résultats de l’INSERM ont été revus à la baisse dans
l’analyse secondaire (Choquet & Hassler, 1997) de l’enquête nationale sur la
santé de l’adolescent (Choquet & Ledoux, 1994) et « harmonisés » aux
résultats de l’Inspection générale.
La DEPP, qui réalise régulièrement une enquête quantitative sur
l’absentéisme, estime pour l’année 2007-2008 que 7% des élèves du second
degré public sont absentéistes, toutes périodes et types d’établissements
confondus4. L’enquête révèle une certaine stabilité du taux moyen d’élèves
absentéistes de septembre 2003 à avril 2007. Celui-ci varie entre 2% et 6%
selon les mois. En 2007-2008, le taux d’absentéisme oscille entre 3% et 10%.
Cette amplification concerne tous les types d’établissements du secondaire, à
la fois au collège, au lycée général et technologique et au lycée professionnel.
De plus, l’enquête observe une hausse de l’absentéisme lourd (plus de dix
3
4
L’inspecteur académique-directeur des services départementaux de l'éducation nationale
(IA-DSDEN).
L’absentéisme des élèves dans le second degré en 2007-2008, DEPP-MEN, note
d’information, 10.08, avril 2010.
-3-
demi-journées non régularisées par mois) qui concerne 2% des élèves en
2007-2008 contre 1% entre 2003 et 2007.
Ce qui ressort de cette estimation statistique, fondée sur le critère des
quatre demi-journées d’absences non-régularisées, ce sont les écarts très
importants qui marquent les différents cursus et filières. Les lycées
professionnels enregistrent des taux d’absentéismes records en nette
augmentation en seulement trois ans d’intervalle.
Graphique 1. Comparaison de la proportion d’élèves absents non
régularisés quatre demi-journées ou plus par établissement.
La mesure de l’absentéisme présente de nombreuses carences
(Toulemonde, 1998 ; Blaya, 2003 ; Esterle-Hedibel, 2006 ; Douat, 2011 : 2931). Cette quantification du phénomène suscite de nombreuses critiques de la
part des chercheurs. On retiendra celle de Maryse Esterle-Hedibel : « Les
diverses formes d’absences répétées, répertoriées par les textes officiels et
repérées par les diverses observations, forment un ensemble plutôt hétéroclite
qui ne renseigne par sur les causes et la fréquence des absences. Il ne
constitue pas une catégorie scientifique utilisable en tant que telle. Il est le
reflet d’une catégorisation administrative qui s’appuie simplement sur le
manquement à la loi, rappelée dans la circulaire de 1996 » (Esterle-Hedibel,
2006 : 46).
Nous verrons qu’en dépit de l’imprécision qualitative affectant la
plupart des données statistiques sur l’absentéisme, l’enquête quantitative et
qualitative de l’INSERM (Choquet & Ledoux, 1994 ; Choquet & Hassler,
1997) nous apporte néanmoins bon nombre d’indications intéressantes sur la
fréquence et les facteurs impliqués dans ce phénomène.
Pour les études ministérielles, la collecte des données dépend
entièrement du signalement des absentéistes à l’Inspection académique par le
chef d’établissement. Or la DEPP5 estime que ne sont signalés que 34% des
élèves absentéistes au collège, 8% d’entre eux au lycée général et
technologique et 11% au lycée professionnel. Ceci s’explique en partie par le
5
L’absentéisme des élèves dans le second degré en 2007-2008, DEPP-MEN, note
d’information, 10.08, avril 2010.
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fait que les chefs d’établissements préfèrent gérer l’absentéisme sans avoir
systématiquement à en référer à l’échelon administratif supérieur. De plus, la
validité des motifs avancés par les parents n’est pas remise en cause. La
DEPP fonde ses statistiques exclusivement sur les absences non régularisées.
On peut se demander cependant sur quelle base la DEPP fait cette estimation,
de quelle manière est prise en compte cette marge d’erreur dans ses résultats.
En conséquence, le faible degré de représentativité des résultats ne
permet pas de dresser un tableau statistique fiable du phénomène de
l’absentéisme scolaire en France. Dans l’hypothèse d’une insuffisance des
critères de mesure de l’absentéisme scolaire, les statistiques ministérielles ont
donc tendance à sous-évaluer son intensité, ce qui justifie d’autant plus
l’intérêt des chercheurs pour ce phénomène dont l’expansion reste à préciser.
Bien que la comparaison entre les différentes évaluations du taux
d’absentéisme s’avère discutable (Toulemonde, 1998 ; Esterle-Hedibel,
2006), Toulemonde nous livre son interprétation quant à l’impression de
croissance du phénomène, entre 1980 et 1995. Les enquêtes statistiques
montrent une faible progression de 1% à 2%. Cependant, la massification des
effectifs de l’enseignement secondaire induit une augmentation, sur quinze
ans, de l’ordre de 21,5% : « Si les pourcentages d’absences varient peu depuis
1979 et 1980, ils recouvrent des montants absolus en nette augmentation –
augmentation parallèle à celle de la masse des lycéens. Celle-ci est passée
pendant cette période de 1 400 000 à 1 700 000 élèves. Ainsi, d’une part, si
l’on retient un taux de 4% d’absents, ce n’est plus 56 000 lycéens qui sont
absents mais 68 000, soit une progression brute de 21,42%. D’autre part, une
progression du taux global de 1% se traduit par 17 000 absents
supplémentaires » (Toulemonde : 1998, 34).
Cette massification s’est accompagnée d’une diffusion et d’une
concentration jusqu’alors imperceptible au début des années quatre-vingt. En
1995, l’absentéisme atteint presque tous les établissements du secondaire
(Baillon, 1993), l’enquête nationale de 1995 indique que seuls quelques
lycées ruraux échappent encore au phénomène. De plus, les résultats des
diverses enquêtes statistiques de la DEPP montrent une forte concentration
dans certains types d’établissements et dans certaines filières. La filière des
lycées professionnels semble être la plus sévèrement touchée : les résultats de
la DEPP pour 2007-2008 indiquent une fourchette allant de 7% en septembre
à plus de 19% en avril contre un écart de 2% à 9% pour les lycées généraux et
technologiques et de 1% à 2,5% pour les collèges.
1. 3. Enjeux : l’absentéisme, un problème social, précurseur de la
délinquance
L’absentéisme se définit donc dans les textes officiels comme une
conduite à risque6. C’est dans le cadre de la menace d’un danger social et de
la protection des jeunes que l’obligation d’assiduité est envisagée comme
prévention des conduites à risque, afin de lutter contre les diverses formes
d’atteintes à autrui commises par les absentéistes. En effet, on constate à
partir des années quatre-vingt-dix une mobilisation de tout un discours
sécuritaire autour de cette question. Les manquements à l’assiduité sont alors
présentés comme des signes conduisant à l’entrée des mineurs dans le
processus de marginalisation et de délinquance 7. C’est lors du colloque de
Villepinte en 1997 que la question de la soumission à l’assiduité scolaire est
6
Bulletin officiel n°9, 4 novembre 1999, hors série prévention des conduites à risques, 47.
-5-
présentée comme un instrument central dans la lutte contre la délinquance
des mineurs, l’école étant envisagée comme un lieu privilégié de prévention.
C’est dans ce contexte qu’apparaît l’expression des « sauvageons »8 qu’il
conviendrait de « civiliser ». Le sociologue Douat montre dans son étude
(Douat, 2007) par quel processus la question de l’assiduité scolaire s’est
progressivement transmuée en danger social cristallisant autour de lui tout
une série de stéréotypes qui s’encreront durablement dans les représentations
sociales, via la diffusion médiatique. Ce processus va conduire à placer le
ministère de l’intérieur au cœur des pratiques 9, l'Éducation nationale ne
devenant qu’un simple partenaire parmi d’autres.
Pour Blaya (Blaya, 2003), chercheuse au laboratoire LARSEF
(Laboratoire de recherches sociales en éducation et formation), le problème
de l’absentéisme tend à être de plus en plus situé à l’intersection entre les
problèmes éducatifs et les problèmes judiciaires et policiers. Nous verrons en
effet que de nombreuses recherches s’attachent à établir des corrélations entre
absentéisme et délinquance juvénile, (Sheldon, 2007 ; Janosz & al., 2000 ;
Lagrange, 2000 ; Roché, 2001 ; Hayden & Martin, 1998).
Selon Douat, cette redéfinition de l’absentéisme autour du champ
sécuritaire et médiatique a cristallisé l’idée dans l’opinion publique qu’il était
la conséquence d’un défaut d’éducation parentale, occultant de la sorte tout
questionnement concernant le système scolaire lui-même (Douat, 2007).
Selon Vial (Vial, 1990 : 181), l’inassiduité scolaire a été très vite repérée dès
le début de l’école publique comme un problème social grave et comme le
symptôme d’une pathologie justifiant l’entrée dans les classes de
perfectionnement.
2. Vers une définition scientifique
2. 1. La question de la fréquence et du cumul des conduites
absentéistes
Le seuil légal de tolérance des absences non régularisées ne peut
suffire à définir de manière rigoureuse ce qui caractérise une conduite
absentéiste. Selon l’enquête de l’INSERM sur les adolescents, publiée en
1994 (Choquet & Ledoux, 1994), l’absentéisme résulte de trois critères :
« sécher les cours, arriver en retard, être absent une journée ou plus, au cours
des douze derniers mois ». C’est la fréquence de l’une de ces trois conduites
qui permet de ranger les élèves dans l’échelle de l’absentéisme :
 Jamais ou une seule fois (/an) les trois conduites : pas
d’absentéisme.
 De temps à autre au moins l’une des trois conduites : absentéisme
occasionnel.
 Souvent au moins une des trois conduites : absentéisme régulier.
7
8
9
Colloque de Villepinte, (24 et 25 octobre 1997), Des villes sûres pour des citoyens libres,
organisé par le ministre de l’intérieur Jean-Pierre Chevènement.
Expression employée à maintes reprises par Jean-Pierre Chevènement désignant en
botanique « les jeunes pousses non encore greffées ».
Cf. « Projet de loi, d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure »,
11/07/2002. Dès la première page du projet, la lutte contre l’absentéisme scolaire figure
parmi les priorités pour « parvenir à un recul de l’insécurité ».
-6-
En dépit d’une volonté scientifique de définir des critères précis de
l’absentéisme, des imprécisions demeurent : « de temps en temps »,
« souvent ». Cependant, cette difficulté méthodologique fut prise en compte à
la suite d’une étude complémentaire menée en 1995 (Choquet & Hassler,
1997) avec le concours de la DEPP et de l’Inspection générale, en ajoutant
l’idée de cumul des trois conduites :
 Jamais ou de temps en temps : peu ou pas absent.
 Souvent l’une des trois conduites : peu assidu.
 Souvent deux ou trois conduites : absentéiste.
Bien qu’il reste des imprécisions sur le plan sémantique, l’idée
selon laquelle l’absentéisme résulte d’un cumul de différents comportements
absentéistes est une première entrée pour aborder le phénomène dans sa
complexité.
2. 2. L’absentéisme et décrochage scolaire
Dans le cadre d’un appel d’offres à projet de recherche 10 en 1999
sur les processus conduisant à des situations de déscolarisation de jeunes
soumis à l’obligation scolaire, 12 rapports de recherche nous permettent
d’avoir une première vue d’ensemble des productions de connaissances sur
tout le territoire français.
Lors de la revue de cette littérature scientifique, on observe que
l’absentéisme est systématiquement envisagé de manière corollaire au
décrochage scolaire et au processus de déscolarisation (Bautier, Broca-Rosoff
& Terrail, 2002 ; Blaya, 2003 ; Costa-Lascoux, 2002 ; Esterle-Hedibel, 2006 ;
Lagrange, 2001 ; Millet & Thin, 2003). Ainsi, entre absentéisme et
décrochage, les frontières sont poreuses (Costa-Lascoux, 2002 : 9-12).
L’inassiduité scolaire, dont l’absentéisme en est la forme la plus significative,
serait un symptôme annonçant une forte probabilité de décrochage scolaire et
éventuellement une déscolarisation de l’élève (Blaya & Hayden, 2003 : 7).
Déjà en 1974, le chercheur canadien Lloyd (1974) observait que les absences
rapportées dès la sixième année scolaire étaient reliées au décrochage
scolaire.
Étant donné les différentes significations du décrochage suggérées
par les chercheurs, issus de différents laboratoires de Sciences de l'Éducation
et de sociologie, il convient d’en présenter brièvement quelques traits
principaux :
- Le décrochage est un terme employé d’abord au Canada (importé
dans les années 90) qui renvoie à une norme sociale de référence. Dans le
contexte nord américain, cela signifie que toute personne s’écartant de cette
norme doit être rééduquée pour y revenir. Selon le chercheur canadien
Dussault (1995), le terme décrocheur renvoie à un « marginal scolaire » qu’il
faudrait prendre en charge pour « éradiquer » son absentéisme.
10
Appel d’offres de décembre 1999 sur les processus de déscolarisation (ministère de la
justice, de l'Éducation nationale, DEPP, délégation interministérielle à la ville, Fonds
d’action et de soutien pour l’intégration et la lutte contre les discriminations). Les 12
rapports issus de cet appel d’offres sont consultables à l’adresse suivante :
http://www.infocentre.education.fr/index.php/sites-archives/523-les-processus-dedescolarisation.html
-7-
- Pour Guigue, le décrochage désigne « le processus plus ou moins
long qui n’est pas nécessairement marqué par une information explicite
entérinant la sortie de l’institution » (Guigue, 1998 ; 29). Selon l’auteur, il
s’oppose à la démission (départ volontaire de l’élève) et à l’exclusion, « acte
par lequel une autorité reconnue vous démet de vos fonctions ». Pour Blaya,
le décrochage désigne « le processus de désadhésion au système ou un
accrochage manqué qui conduiront à plus ou moins long terme à une
désaffection, un décrochage » (Blaya & Hayden, 2003 : 6). Ces deux
définitions mettent l’accent sur le processus mis en œuvre dans le décrochage
scolaire. En effet, de nombreux « décrocheurs » commencent par s’absenter
régulièrement, souvent sujets à l’indiscipline et à des résultats scolaires
faibles. Le décrochage n’est donc pas un processus soudain (Bautier & al,
2002 : 30).
Les termes de « décrocheurs » et d’« absentéistes » ont un certain
poids qu’il importe de mesurer. Selon Blaya (Blaya & Hayden, 2003 : 6),
l’usage de ces termes apparaît comme stigmatisant car « il s’agit là d’une
situation, d’un processus et non pas d’un état ». On peut observer dans la
littérature grise un glissement sémantique entre ces deux termes qui témoigne
d’une confusion entretenue par la diffusion médiatique 11 . L’absentéisme est
plus souvent appelé « décrochage », ou étape d’un processus de
déscolarisation, suggérant ainsi l’idée de rupture. Les élèves absentéistes
engagés dans un processus de déscolarisation sont décrits comme étant pris
dans une « spirale » (Glasman, 1998) ou un « engrenage » (Guigue, 1998 :
28) : « les absentéistes prennent du retard, s’absentent de plus en plus car ils
perdent confiance dans leurs capacités scolaires jusqu’à l’abandon complet de
l’école » (Langevin, 2000). Cet amalgame est en partie liée à la population
étudiée par les chercheurs. Ainsi, la plupart des recherches issues de l’appel
d’offre de 1999 ont été menées auprès d’élèves inscrits dans des dispositifs
tels que les classes relais (Millet & Thin : 2003), des dispositifs territoriaux
pour les élèves sans affectation (Bonnéry, 2003), des espaces d’accueil pour
les primo arrivants (Zoïa & Visier, 2003) ou des foyers d’accueil (Guigue,
2003).
Enfin, d’un point de vue institutionnel européen, l’Eurostat (Office
statistique des communautés européennes) et l’OCDE (Organisation de
Coopération et de Développement Économique) désignent comme
décrocheurs les jeunes de 18 à 24 ans qui se trouvent sans qualification ou
sans diplôme de l’enseignement secondaire supérieur et qui ne suivent ni
études, ni formation. Ainsi, on peut constater, dans les statistiques
européennes, une disparité non seulement dans les méthodes mais dans le
ciblage des âges. Une ambiguïté dans la définition du décrochage scolaire qui
est du reste relevée par Guigue (1998 : 27) : « […] le terme de décrochage
gagne en ambiguïté dans la mesure où, selon les cas, il désigne le processus
de démobilisation ou l’aboutissement de ce processus : la défection ».
2. 3. L’absentéisme, une définition en rapport à la présence
À travers l’enquête de terrain sur l’absentéisme scolaire dans deux
collèges de ZEP du Val-d’Oise, Douat (2005 : 175-183) montre que les
élèves absentéistes sont plus souvent présents dans l’établissement qu’absents
(notons que l’enquête de terrain se déroulait dans l’enceinte de
11
Cf. Documentaire de Martini B., « Quand les enfants décrochent », 2004, Arte, 7
décembre 2004, 25ème min.
-8-
l’établissement ce qui implique des entretiens avec des absentéistes présents).
Cette présence des élèves au sein de l’établissement n’entraîne pas
nécessairement leur présence dans la salle de classe. Au contraire, ils peuvent
s’attarder sur internet au CDI, ou encore dans les couloirs, à l’infirmerie, à la
cafétéria, etc. Cet absentéisme ou décrochage de l’intérieur comme le définit
Maryse Esterle (Esterle & Douat, 2010 : 2) manifeste un « accrochage », à
divers degrés, à un univers de socialisation et de relations - camarades,
professeurs, surveillants, CPE... (Douat, 2005 : 181) - qui révèle un mode de
présentéisme pour certains élèves. Cette pratique de l’ « absentéisme
interne » démontre que certains élèves concernés ne souhaitent donc pas
toujours fuir l’espace scolaire, mais simplement s’extraire pour un temps de
certaines situations d’apprentissage.
Selon le sociologue Douat (2005), l’absentéisme scolaire en tant
qu’objet de recherche implique un questionnement sur les modalités de
présence afin de restituer un sens à la variation des comportements des
élèves. Comprendre pourquoi certains élèves persistent à être présents dans
certains cours et absents dans d’autres peut nous renseigner sur les causes
internes à l’établissement, à envisager les interactions entre élèves et
professeurs à partir d’une analyse du climat de travail, relationnel et éducatif
(Fotinos, 2006).
Nous ne pouvons envisager le problème de l’absentéisme sans le
corréler aux différentes formes qu’il peut prendre au quotidien. Il ne s’agit
pas ici d’établir une définition exhaustive de ce phénomène mais bien plutôt
d’en faire ressortir les interactions. Définir l’absentéisme consistera ensuite à
se demander dans quelle mesure ce phénomène n’existe qu’en
interdépendance avec les singularités biographiques et scolaires de l’élève.
2. 4. Les causes de l’absentéisme : analyse critique de
l'explication institutionnelle
I. Les facteurs économiques et sociaux
Les facteurs financiers
Difficultés financières familiales (petits boulots, prix des transports
trop élevés, etc.). Contexte local de pauvreté où l’école peut être
perçue comme une « fabrique à chômeurs ».
Les facteurs sociaux
« Les lycéens d’origine ou de nationalités étrangères son souvent
plus absentéistes parce qu’ils sont plus que les autres dans une
situation à risque ».
« Double vie (délinquance, alcoolisme, etc.) ». Lien entre enfance
en danger, délinquance et absentéisme.
Ruptures sociales génératrices d’incompréhension et de non
communication entre élèves et professeurs, et donc d’absences.
Rupture culturelle avec l’école
Les facteurs familiaux
Les termes qui reviennent souvent : « laxisme », « démission »,
« capitulation ». Des familles « dépassées », des enfants « livrés à
eux-mêmes », des « repères qui s’écroulent » mais « des efforts
méritoires des familles » par rapport à la poursuite de la scolarité.
« Perception négative de la vie familiale ». « fratrie nombreuse »
déterminante
II. Les facteurs propres à la situation personnelle des lycéens
-9-
L’âge
« L’âge doit être corrélé au retard scolaire pour être significatif »
Le sexe
Les garçons sont plus absentéistes que les filles
La qualité d’externe, d’interne Les internes sont moins absents que les autres car les occasions
ou de demi-pensionnaire
sont moins nombreuses. Le fait d’être externe est corrélé avec les
absences du début de l’après-midi. Dans les autres situations
d’absences, il n’y a pas de différence
III. Les facteurs relatifs à l’organisation du travail
Les rythmes scolaires
Multiplication des absences principalement à la fin du premier
trimestre (fatigue et découragement lié aux premiers résultats), à la
fin de l’année (veille des vacances, contextes des examens) et en
période de fête religieuse
Les absences des professeurs
Les motifs d’absence des professeurs sont : maladie, stages et
formation, réunions et convocations. Le fait que des professeurs
soient régulièrement absents constituent des occasions pour les
élèves de s’absenter en jouant parfois sur les malentendus
Les périodes de formation en Les formations en alternance de formation professionnelle peuvent
entreprise
dans certains cas favoriser l’absentéisme (absence liée à la
recherche de stage par exemple) mais elles peuvent aussi
« remotiver » l’élève et l’amener ensuite à être plus assidu
IV. Les facteurs de nature pédagogique
Les filières d’enseignement
Il y a une corrélation entre le type de filière et le taux
d’absentéisme. En exemple, les élèves préparant les baccalauréats
professionnels sont plus absents que dans la filière technologique,
eux -mêmes plus absents que dans la filière générale (avec
toutefois des variations entre les filières S, L ou ES)
Le niveau d’étude
De manière générale, l’absentéisme s’accroît progressivement au
fil du cursus scolaire (particulièrement à partir de la 3 ème et de la
2nde). Mais il y a des exceptions : dans les lycées professionnels,
l’absentéisme peut au contraire diminuer avec la progression dans
les études
Les différentes matières
L’absentéisme varie en fonction du coefficient de la matière ou de
son caractère optionnel et de l’enseignant qui l’assure
L’insatisfaction
scolaire
et
l’échec L’ « insatisfaction scolaire » et les redoublements sont parmi les
facteurs qui alimentent le plus l’absentéisme. Les élèves en échec
scolaire et multi redoublants sont plus absentéistes que les autres
Tableau 2. Synthèse représentant l’interprétation institutionnelle de
l’absentéisme (élaboré à partir de Toulemonde, 1998 : 33-60).
Ce tableau a pour intérêt de synthétiser les différentes interprétations
des facteurs (dans son ordre de présentation) de l’absentéisme des lycéens
relevées dans le rapport de l’IGEN (Toulemonde , 1998). En aucun cas il ne
donne une représentation exhaustive du chapitre (intitulé « les facteurs de
l’absentéisme ») dans son ensemble ni du reste du jeu complexe des
interactions multi-factorielles qu’il n’évoque pas.
L’interprétation des facteurs de l’absentéisme repose sur la synthèse
de propos recueillis de différents acteurs de terrains (essentiellement CPE,
- 10 -
chefs d’établissement et surveillant) qui récapitulent des catégories
d’appréciation et d’interprétation fréquemment reprises au sein des
établissements, pour penser les pratiques absentéistes des élèves et appuyer
les modes d’interventions. Ceci constitue en quelque sorte une vulgate pour
les différents acteurs du terrain scolaire, complétée par l’étude de l’INSERM
sur l’adolescent (Choquet & Ledoux, 1994) que nous analyserons plus loin.
On peut observer à la lecture des facteurs évoqués qu’aucune
hiérarchie n’est réalisée quant à la fréquence et l’importance des catégories
factorielles sur la pratique absentéiste. L’ordre de présentation sous-entend
que les facteurs économiques et sociaux sont prédominants dans l’explication
causale du phénomène. Ainsi, la mise en cause de la responsabilité de
l’institution apparaît de manière descriptive et non explicative, contrairement
aux parents qui sont invoqués dans l’ordre des causes. Cette focalisation sur
les causes extérieures à l’institution est caractéristique selon Douglas (1999 :
85) d’une aptitude des acteurs institutionnels à « créer des zones d’ombre
que l’on ne peut ni observer ni questionner ». L’insatisfaction et l’échec
scolaire, facteurs présentés comme les plus déterminants par l’étude de
l’Inserm sur la santé de l’adolescent (Choquet & Ledoux, 1994),
n’apparaissent qu’en dernier lieu dans l’ordre de présentation du rapport de
l’IGEN.
3. L’absentéisme est multifactoriel
3. 1. Synthèse de l’enquête nationale de l’INSERM
L’objectif de cette étude (Choquet & Hassler, 1997) consiste à
mesurer l’influence de facteurs sur l’absentéisme des lycéens afin d’en établir
une typologie au plan national. Le protocole expérimental était fondé sur une
population de 12391 élèves de huit académies tirées au sort qui ont répondu à
un questionnaire concernant la santé somatique, psychologique et sociale.
Des questions sur l’assiduité scolaire étaient intégrées au protocole.
Les résultats de l’étude montre qu’une majorité des élèves ont déjà
été absents pour une journée au moins durant les douze derniers mois ce qui
s’explique essentiellement par les maladies saisonnières. En revanche, 6%
sont souvent absents pour au moins un jour, 6% arrivent souvent en retard et
4% sèchent souvent les cours. Les chercheurs estiment que l’absentéisme au
lycée concerne environ 7% d’adolescents, soit deux élèves par classe en
moyenne. L’absentéisme, plus masculin que féminin, augmente
progressivement avec l’âge et concerne surtout, dans l’enseignement
classique, les élèves de terminales techniques et dans le second cycle
professionnel. Les redoublants, en particulier les garçons sont moins assidus
que les non redoublants. La classe de seconde dans l’enseignement général
apparaît comme étant la plus sujette à l’absentéisme. Les élèves absentéistes
se caractérisent également par une grande insatisfaction scolaire.
En ce qui concerne la situation socio-familiale, plus que la situation
familiale, c’est le jugement sur la vie familiale dont ils ont une perception
négative qui caractérise autant les garçons que les filles absentéistes. Pour les
conduites et les troubles, les garçons et les filles absentéistes sont plus
souvent touchés par la consommation de drogue et les troubles dépressifs
majeurs. La synthèse de ces nombreux résultats montre que l’absentéisme est
- 11 -
« expliqué » par la qualité de la vie scolaire (en particulier par l’insatisfaction
scolaire et les taux de redoublements), mais aussi par les conditions de vie en
général (en particulier la qualité de vie familiale et relationnelle, plus
prépondérante que les conditions matérielles et les facteurs sociaux).
3. 2. Les facteurs sociaux : une approche sociologique
Dans son enquête sur les adolescents en milieu ouvrier dans une cité
nord-ouest de l’Angleterre, Willis (1978) analyse les pratiques de résistance
aux valeurs scolaires inséparables, aux yeux de l'ethnographe, des valeurs
sociales dominantes. Cette analyse nous a paru intéressante car elle envisage
l’absentéisme comme une forme de résistance révélant une contradiction des
formes de socialisation dans lesquelles évoluent ces élèves et non comme une
absence de socialisation (conception déficitaire). Ainsi, l’absentéisme, la
désobéissance, l’insolence, la dérision, la violence ou le refus du travail
scolaire et de tout ce qui s’apparente à une culture intellectuelle exprimerait
les diverses manifestations des pratiques de résistance à l’autorité. Cette
culture anti-scolaire serait en rapport avec la culture d’atelier qui leur est
familière. Essentiellement masculine, elle valoriserait la force, la virilité, les
travaux physiques ou l’aptitude pratique, « la pratique vaut mieux que la
théorie » (Willis, 1978 : 54). Ces adolescents se définissent en tant que
« durs » en opposition aux élèves « fayots ». Ils peuvent tenter de « prendre
en main la classe » en « remplaçant les emplois du temps par les leurs ». Le
sociologue rapproche ces pratiques de celles de leurs pères, ouvriers,
lorsqu’ils essaient de détourner l’organisation du travail par rapport aux
directives du contremaître. À travers leur pratique de résistance, ces enfants
d’ouvriers assurent « la reproduction de leur position sociale d’origine dont
ils savent qu’il est difficile de sortir » (Willis, 1978 : 61).
La culture ouvrière s’étant profondément transformée depuis
quelques décennies, cette analyse a été nuancée par des travaux postérieurs
qui ont montré que les parents d’élèves de milieu populaire souhaitent que
leurs enfants réussissent à l’école, pour connaître une « ascension sociale »,
« sortir de la précarité », « avoir un bon métier » (Thin, 1998 : 19-141). Mais
comme nous le rappelle « l’injonction contradictoire » décrite par Bourdieu
(1993) dans Les contradictions de l’héritage : « Réussis mais ne nous trahis
pas » ou « sois comme nous et sois différent » (Bourdieu, 1993 : 711-718),
s’il n’y a plus de résistance a priori à l’école et à la réussite scolaire, il en
demeure néanmoins des traces de réticence à « l’acculturation » scolaire, a
posteriori, après plusieurs années de scolarisation de leurs enfants.
Le décrochage scolaire et l’absentéisme a fait l’objet de nombreuses
études (Fortin & Picard, 2009 ; Farrington, 1998 ; Janosz & al, 1997 ; Janosz
& Le Blanc, 1996), dans le monde anglo-saxon et au Québec qui privilégient
une approche par facteurs de risque (Risk Factors Approach). Ce modèle
tente de mesurer quels sont les différents facteurs qui pourraient être
prédictifs d’un éventuel décrochage scolaire, sur les plans individuels,
familiaux et scolaires.
Pour la famille, les facteurs discriminants les plus importants sont :
 Les familles désunies ou reconstituées
 Des parents ayant été peu scolarisés
 Des parents ayant une vision de l’école négative
 Un faible support familial pour les devoirs
 Des déménagements fréquents
- 12 -
Ces résultats viennent compléter ceux de l’étude de l’INSERM
(Choquet & Ledoux, 1994 ; Choquet & Hassler, 1997) qui comportaient
d’autres variables intéressantes sur la situation socio-familiale. Les résultats
de cette enquête nationale montrent que les absentéistes ont plus souvent leur
mère ou leur père au chômage, en longue maladie ou en invalidité. Environ
24% des parents (contre 18% des non absentéistes) sont séparés par divorce
ou par décès. Au-delà de la situation familiale, le résultat le plus significatif
réside dans le jugement qu’ont les absentéistes sur la vie familiale : 31%
(contre 12%) ont une perception négative de la vie de famille. On peut noter
que 44% des absentéistes vivent en banlieue en 1995 (contre 26% des nonabsentéistes).
De plus, Broccholichi (1998) nous rappelle que les risques de
décrochage scolaire sont dix fois supérieurs pour les enfants d’ouvriers que
pour les enfants de cadres au niveau du collège. Cependant, bien qu’il n’y ait
que très peu d’études menées sur des populations de classes « aisées », ces
recherches sur l’absentéisme montrent aussi que les familles d’origine
populaire ne sont pas les seules concernées (Blaya, 2003 : 83 ; Choquet &
Hassler, 1997), la catégorie socioprofessionnelle du père n’étant pas un
facteur prédictif en soi.
Ce modèle de Risk Factors Approach ne doit pas pour autant être
envisagé comme déterministe. Il décrit essentiellement des probabilités de
risques, dont la pertinence des effets doit être analysée au regard du cumul ou
des associations de ces facteurs. En exemple, Rothman (2001) démontre dans
son analyse combinatoire des facteurs de l’absentéisme que « l’influence des
désavantages socio-économiques sur la scolarité est exacerbée par la forte
concentration des minorités ethniques et des élèves issus de milieux
défavorisés dans certaines écoles ». Ceci expliquerait en partie pourquoi on
retrouve une plus forte tendance au décrochage scolaire et à l’absentéisme
dans les ZEP ou dans les classes spécialisées (Janosz & Le Blanc, 1996).
Si l’influence des facteurs sociaux sur l’absentéisme et le décrochage
paraissent indéniables, de nombreuses études démontrent que les facteurs
scolaires sont tout aussi importants, voire plus prédictifs (Janosz & al., 1997 ;
Kasen & al, 1998, cité par Galand, 2004 : 137). En effet, les résultats de ces
études montrent que les variables liées à l’expérience scolaire12 sont « les
prédicteurs les plus puissants du désengagement scolaire, et qu’une fois ces
variables prises en compte, les caractéristiques sociodémographiques
n’ajoutent pas grand-chose à la prédiction » (Galand, 2004 : 137).
3. 3. Les effets des facteurs scolaires
Rappelons quatre grands facteurs d'ordre scolaire semblant être
propices au décrochage : les diplômes et filières dévalorisées, l'échec ou le
retard scolaire, les relations élèves/enseignants et, enfin, la violence à l'école.
- Diplômes dévalorisés et filières de relégations
« Décrocher », est-ce une manière de réagir aux incertitudes de
l’avenir face à la dévalorisation des diplômes ?
Pour Glasman (2000 : 16), les lycéens « décrocheurs » peuvent ne
plus donner sens au fait de s’accrocher aux études dans un contexte où les
12
Galand démontre dans son étude (2004 : 135) l’importance des facteurs liés au vécu
scolaire dans la prédiction des absences des élèves. Il les regroupe en trois catégories : la
perception du contexte scolaire, la motivation des élèves et le sentiment d’aliénation.
- 13 -
diplômes ne garantissent plus l’insertion professionnelle. Quelques leitmotivs
dans les témoignages de lycéens viennent traduire ce malaise : « peanuts,
nada, no future » ou encore « le jeux n’en vaut pas la chandelle » (CostaLascoux, 2009 : 5). Cette désillusion produit un manque de motivation qui
peut paraître légitime. Costa-Lascoux (2009 : 6) prend l’exemple d’une ville
dans les Ardennes où 40% des moins de 30 ans n’obtiennent pas d’ emplois
salariés : « il est difficile de motiver les élèves dans ce contexte ». Bourdieu
l’analysait déjà dans les exclus de l’intérieur (1993) à propos des lycéens,
issus des milieux les plus démunis dans les filières les plus dévalorisées, qui
« traînent sans conviction une scolarité sans avenir » : « L’école exclut
comme toujours, mais elle exclut désormais de manière continue, à tous les
niveaux du cursus […] et elle garde en son sein ceux qu’elle exclut, se
contentant de les reléguer dans des filières plus ou moins dévalorisées »
(Bourdieu, 1993 : 602).
Le cas des collégiens, beaucoup moins analysés dans la littérature
scientifique, n’est néanmoins pas à l’abri de ce type de désillusion (Douat,
2011 : 118-130). En effet, les collégiens sont interpellés de plus en plus
fréquemment au cours du cycle sur leurs « vœux » concernant leur avenir
professionnel.
À cette incertitude de l’avenir s’ajoute un sentiment de stigmatisation
et de relégation lié aux filières « déclassées » dans lesquelles se concentrent
des élèves souvent issus des milieux les plus démunis et aux parcours
scolaires souvent « chaotiques ». Ces élèves, souvent intégrés par des lycées
professionnels ont l’impression d’y être acceptés par défaut, parce qu’ils ont
été refusés ailleurs (Esterle & Douat, 2010 : 2).
À cet effet, la recherche de Galand (2004 : 136) portant sur
l’absentéisme en lycée professionnel et technique démontre que l’absentéisme
des élèves est en grande partie déterminée par les facteurs liés à la
démotivation des élèves et à leur perception négative du contexte scolaire.
- Échec et retard scolaire : « un décrochage cognitif »
L’échec et le retard scolaire sont présentés comme des facteurs
prépondérants dans le processus de décrochage et d’absentéisme. Souvent
qualifié de « décrochage cognitif », les difficultés d’apprentissage
expliqueraient, plus que les facteurs sociaux (Terrail & Bebi, 2002), les
comportements absentéistes. L’absentéisme avéré résulterait de décrochages
ou d’ « accrochages successifs manqués » accumulés depuis l’école primaire
et se déclarant à partir du collège (Broccolichi, 1998). Bautier (2003) fait
l’hypothèse que les problèmes d’apprentissage des élèves décrocheurs ont pu
être masqués durant la période du primaire en raison d’une organisation
pédagogique valorisant les élèves dans leur participation et minorant leurs
erreurs. Le passage au collège s’avère particulièrement difficile pour ces
élèves qui font face à une organisation pédagogique, focalisée sur les résultats
scolaires, et relationnelle totalement différente. L’accumulation des situations
d’échecs au fil de la scolarité provoquerait chez ces élèves une rébellion
contre le système scolaire ou des stratégies d’évitement, comme
l’absentéisme (Langevin, 2000 ; Roché, 2001). Au-delà du simple constat
d’une étroite corrélation entre échec scolaire et absentéisme, certains aspects
relatifs aux aptitudes scolaires apparaissent déterminants dans la prédiction
des conduites absentéistes. À ce titre, une étude sur le « rôle de
l’autodétermination et des aptitudes scolaires dans la prédiction des absences
- 14 -
scolaires et l’intention de décrocher » (Blanchard & al., 2004) tend à
démontrer l’importance de la maîtrise de la langue d’enseignement
(dépendant en partie du milieu linguistique familial) et de la motivation
autodéterminée13 de l’élève dans la prédiction de l’absentéisme.
Le cas des élèves intellectuellement précoces étudié par Blaya
(2003 : 21-23) nous permet d’intégrer un autre facteur précurseur de
décrochage, lui-même corrélé à l’échec scolaire : l’ennui. En effet, c’est une
raison souvent invoquée par une majorité d’élèves pour expliquer leurs
décrochages (Langevin, 2000 ; Roché, 2001), en particulier par les élèves
intellectuellement précoces. Cet ennui se traduit souvent par un manque
d’intérêt pour la scolarité ou en réaction à une orientation subie, à des
relations conflictuelles avec les enseignants.
- Un décrochage accentué par les relations entre élèves et
enseignants ?
L’impact des relations entre enseignants et élèves sur le
désengagement scolaire est fréquemment rapporté dans les témoignages
d’élèves absentéistes (Douat, 2011 : 135-139). L’entrée au collège marque
une rupture sur le plan relationnel : la multiplicité des enseignants impliquant
souvent des relations plus distantes et la focalisation sur les résultats peut
conduire certains élèves à s’enliser dans l’échec, déserter l’école afin de
préserver une estime de soi (Hugon, 2010 : 38).
Les établissements et les filières concentrant des taux
d’absentéismes et d’échecs scolaires élevés peuvent générer un climat
relationnel tendu entre les élèves et les professeurs. Ce que Debarbieux
(1999) appelle « l’effet établissement », se voit renforcer par l’ « effetclasse » qui selon Blaya (2003) peut être supérieur à l’effet établissement.
Ces deux catégories combinent plusieurs variables : « le niveau de réussite
aux examens et performances scolaires générales, taille des écoles et des
classes, climat social et éducatif, activités parascolaires, hétérogénéité ou
homogénéité des âges et des niveaux, conditions de redoublements, qualité de
gestion de classe des enseignants et de la gestion d’établissement par les
responsables » (Esterle-Hedibel, 2006 : 51).
Dans L’école buissonnière, Douat (2011) nous donne un exemple
très révélateur du climat relationnel et éducatif conflictuel qui peut exister
dans certains établissements (en l’occurrence des collèges) : « La présence de
certains élèves dans certains cours, à certains moments, est perçue comme
pouvant poser certainement autant de problèmes à une partie des acteurs du
collège que leur absence. La modalité de l’absence n’est donc pas qu’une
modalité négative, contradictoire avec l’institution scolaire, elle appartient
parfois au contraire au registre du souhaitable » (Douat, 2011 : 99-103).
L’institution scolaire révèle ici une de ses contradictions majeures
qui explique en partie les ambivalences existant chez les professeurs dans la
lutte contre l’absentéisme. Certains élèves absentéistes considérés en tant
qu’éléments indésirables voire irrécupérables, peuvent développer un
comportement de déviance alimentant des micro-conflits récurrents,
aboutissant à une démission autant de l’élève que du professeur. Selon que
l’enseignant soit plus « provocateur » ou « isolateur de déviance » (Woods,
13
Modèle motivationnel fondé sur la théorie de l’autodétermination (TAD).
- 15 -
1992 : 56), le processus d’étiquetage de l’élève le conduira à plus ou moins
accentuer les traits négatifs qu’on lui reproche14 .
L’importance de la qualité des relations entre enseignants et élèves a
aussi une influence sur le ressenti des élèves de la violence scolaire (Galand
& Dupont, 2002).
- Violence à l’école
La violence à l’école fait l’objet de nombreuses recherches
internationales (Carra, 2003). Sonia Sharp (2002, citée par Blaya, 2010) a
établi une forte corrélation entre le school bullying (harcèlement entre élèves)
et l’absentéisme scolaire : 20% des élèves absentéistes enquêtés (dans
l’enseignement secondaire anglais) s’absentent de l’établissement pour éviter
leurs agresseurs. En France, les statistiques de la violence scolaire publiées
par le ministère de l’éducation nationale sont contestées. Toutefois, certaines
études indépendantes (Debarbieux, 2006) confirment l’importance du
phénomène. Les conséquences de la violence scolaire sur le psychisme et la
scolarité ont été établies par de nombreux travaux dans la littérature
scientifique. Les adolescents victimes de violence verbales ou physiques
répétées ont une plus forte propension à la dépression, à l’échec scolaire, ont
une opinion plus négative de l’école, et sont plus souvent absents (Blaya,
2010 ; Debarbieux, 2006 ; Sharp, Thompson & Arora, 2002 ; Reid, 2002).
Au-delà des facteurs sociaux et scolaires, l’absentéisme et les divers
comportements de « déviance » à l’égard de l’institution scolaire et plus
largement de son espace de socialisation peuvent être interprétés en tant
qu’expression d’une psycho-pathologie sous-jacente. Paradoxalement, les
psychiatres pensent souvent l’absentéisme en tant que défaillance
pédagogique tandis que certains enseignants lui attribuent l’étiquette de
symptôme d’un désordre psychique (Huerre, 2006 : 73).
3. 4. Les facteurs individuels
Nous proposons ici de distinguer au moins deux grands facteurs
individuels favorisant le décrochage : le premier d'ordre psycho-pathologique
et le second relevant des conduites à risque.
- L’approche psycho-pathologique
De nombreuses études canadiennes tendent à démontrer une forte
corrélation entre absentéisme, décrochage scolaire et psycho-pathologie
(Fortin & Picard, 2009). La dépression est en effet fréquente chez les
absentéistes (Choquet & Hassler, 1997 ; Cordié, 2006 : 179-187). Il faut
rappeler que le suicide est la deuxième cause de mortalité des moins de 25
ans (Pommereau, 2001). Le décrochage scolaire précoce est présenté comme
l’un des facteurs prédictifs des comportements suicidaires chez les
adolescents. Dans l’étude de Fortin et Picard (2009), les élèves à risque de
décrochage, appartiennent principalement au groupe de dépressifs et au
groupe de troubles du comportement.
Les pratiques absentéistes peuvent être associées à un « état
psychologique fragile », une « phobie pathologique du scolaire », un
caractère « instable » ou « infantile » (Guigue, 2003 : 85-95). Toutes ces
formulations psychologisantes ont tendance à penser certains élèves comme
atteints d’une maladie. Pour Janosz (et al, 2000 : 115), il faut « dépister les
14
On parle à ce propos de prophétie auto-réalisatrice (self fullfilling prophecy).
- 16 -
décrocheurs ». Les familles ne sont pas épargnées par ces formules
médicalisées, Lagrange et Cagliero (2001 : 17) parlent de « pathologies
familiales » à propos de certains élèves absentéistes enquêtés.
- Conduites à risque et délinquance
Plusieurs études établissent un lien direct entre la consommation de
drogues, les conduites violentes et l’absentéisme (Choquet & Hassler, 1997 ;
Janosz et al, 2000). Dans son étude sur la délinquance des adolescents, Roché
(2001 :134 ; cité par Blaya, 2003) établit une forte corrélation entre
absentéisme et délinquance (39, 5% des absentéistes commettent de petits
délits et 19% d’entre eux des actes plus graves). Force est de constater que les
résultats de cette étude dépendent des critères retenus pour définir
l’absentéisme, en l’occurrence, 5 absences injustifiées sur deux ans. Ces
résultats sont cependant confirmés par l’étude de l’INSERM et les travaux de
Lagrange (2000). S’il paraît évident que le fait de s’absenter de
l’établissement scolaire engendre du temps libre qui « peut-être propice à des
actes délinquants » (Hayden & Martin, 1998 cité par Blaya, 2003 : 25), il est
néanmoins impossible d’établir une causalité mécanique entre l’absentéisme
et la délinquance. Catherine Blaya (2003 : 25-26) nous résume les résultats
ainsi : un grand nombre de délinquants sont certes absentéistes, mais si l’on
se réfère aux pourcentages annoncés par Roché, 60% des absentéistes n’ont
jamais commis d’actes de délinquance avérée ce qui implique que l’on
trouvera ces délinquants dans d’autres types de populations et qu’en majorité
les absentéistes sont occupés à autre chose » (Blaya, 2003 : 25-26).
Conclusion
Cette contribution établit que l’absentéisme scolaire est l’effet de
causes diverses, souvent mêlées de manière complexe. À l’intersection
d’enjeux idéologiques, politiques et institutionnels, nous avons tenté de
montrer que si l’absentéisme est souvent présenté avant tout comme un
problème social apparenté à la délinquance et justifiant idéologiquement des
mesures concernant au premiers chef, les parents. Il questionne néanmoins
profondément le rôle de l’école dans sa fonction éducative et sociale, en tant
qu’elle est censée tenir compte de l’hétérogénéité des élèves. Une meilleure
compréhension des multiples aspects de l'absentéisme devrait nous permettre
de comprendre les limites de certaines mesures mises en place ainsi que la
nécessité d'accentuer l'accompagnement individuel des élèves susceptibles de
« décrocher ».
En effet, les amendements du 22 mai 1946 codifient les sanctions
qu’encourent les parents s’ils n’apportent aucune justification ni motif
légitime à l'absence de leur enfant. L’article 12 prévoit jusqu’à cinq ans
d’interdiction des droits civiques et civils et de famille. Dans le cadre de
l’élargissement de l’obligation scolaire à seize ans en 1959 15, le principe de
suppression ou suspension des prestations familiales est pour la première fois
évoqué. En 1966, la notion de sanction pénale est introduite, les parents
peuvent encourir une peine d’emprisonnement si une seconde « infraction » à
l’assiduité scolaire est commise. Si ce type de sanction est toujours considéré
15
Ordonnance n° 59-45 du 6 janvier 1959.
- 17 -
comme l’un des moyens efficaces pour lutter contre l’absentéisme scolaire, et
ce malgré le démenti des études statistiques qui révèlent que ces sanctions ne
diminuent en rien la portée de ce phénomène, c'est sans doute parce que l'on
sous-estime la complexité des causes de l'absentéisme.
Certes les déterminants sociologiques et le rôle des parents ne
doivent pas être sous-estimés, mais notre contribution donne à penser que
l’absentéisme est le signe d’une école qui peine à accrocher certains de ses
élèves qui s’engagent dans des conduites perturbantes, puis en s’en excluant
eux-mêmes, ce qui peut présenter un certain « soulagement » pour
l’institution mais ne peut en aucun cas être considéré comme une solution.
Bibliographie
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Bautier, E. (2003). Décrochage, déscolarisation : processus et constructions
sociales. La nouvelle revue de l’AIS, 24.
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Consultable à l’adresse suivante :
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Blanchard, C., Pelletier, L., Otis, N. & Sharp, E. (2004). Rôle de
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