roman - Lettres québécoises

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roman - Lettres québécoises
lettres québécoises
revue fondée en 1976
FONDATEUR: Adrien Thério †
DIRECTEUR : André Vanasse
ADJOINT AU DIRECTEUR :
Jean-François Crépeau
COMITÉ DE RÉDACTION :
Jean-François Crépeau, Michel Lord,
Hélène Rioux, André Vanasse
COLLABORATEURS :
DES IMAGES, DES MOTS :
François Cloutier
ESSAI ET ÉTUDES LITTÉRAIRES :
Carlos Bergeron, Michel Gaulin,
Francis Langevin, Claudine Potvin
LITTÉRATURE ET SPORT : Renald Bérubé
POÉSIE : Hugues Corriveau,
Rachel Leclerc, Jacques Paquin
RÉCIT ET NOUVELLE :
Sébastien Lavoie, Michel Lord, Yvon Paré
REVUES : Carlos Bergeron
lettres québécoises
NUMÉRO 139
automne 2010
7
entrevue • Écrire : comprendre et dénoncer
PA R M I C H E L B É L A I R
Jean-Jacques Pelletier est le premier authentique auteur québécois
de thriller à dimension planétaire. Il aura mis un peu plus de dix ans
à créer sa saga des Gestionnaires de l’Apocalypse qui raconte rien de
moins qu’une série de trafics et de complots, à l’échelle du globe,
visant à mettre la main sur tout ce qui est essentiel à la vie — l’eau,
l’air, la terre, le feu — et contrôler ainsi le sort de l’humanité. Dans
son œuvre, multinationales en tous genres, consortium de mafieux,
de financiers, de politiciens véreux et d’« hommes du secret »,
orchestrent la fin du monde à leur seul profit. Ça vous dit peut-être
quelque chose ? Pour certains, Pelletier est l’homme du complot
paranoïaque. Pour d’autres, c’est plutôt un créateur de mondes
dérangeants de vérité et son œuvre, une critique virulente de ce qui
se déroule déjà sous nos yeux…
ROMAN : André Brochu, Normand Cazelais,
Hugues Corriveau, Jean-François Crépeau,
Marie-Michèle Giguère, Hélène Rioux
JEAN-JACQUES PELLETIER
13
RESPONSABLE DE LA PUBLICITÉ :
Michèle Vanasse
dossier • Littérature québécoise en France : un flirt infini
DIRECTION ARTISTIQUE :
Alexandre Vanasse • ZIRVAL design
PA R J E A N - F R A N Ç O I S CA R O N
RESPONSABLE DE LA PRODUCTION :
Michèle Vanasse
Entre la France et le Québec littéraires se joue le jeu d’une relation de charme, un flirt qui dure depuis les balbutiements de la littérature canadienne-française. Toujours en mode séduction, la littérature québécoise
cherche à se faire une place au cœur même du territoire français. Attendra-t-elle longtemps encore une réponse
favorable du marché de l’Hexagone? Ira-t-elle voir ailleurs? Petit retour sur l’histoire d’un flirt qui dure depuis
toujours, et analyse de l’état de cette relation encore aujourd’hui presque univoque, faisant acheter beaucoup de
livres français au Québec, mais très peu de livres québécois en France…
Lettres québécoises est une revue trimestrielle
publiée en février, mai, août et novembre
par Lettres québécoises inc.
La revue est subventionnée par le Conseil des Arts du
Canada (CAC), le Conseil des arts de Montréal (CAM)
et par le Conseil des arts et des lettres du Québec
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27
premier roman • Un monstre sous la peau
PA R M A R I E - M I C H È L E G I G U È R E
Des cicatrices sur tout le corps, un «tempérament suicidaire», mais aussi une
lucidité à glacer le sang, l’anti-héroïne des Murs, premier roman d’Olivia Tapiero,
une étudiante en littérature âgée de 20 ans, a décidé d’en finir. On la découvre
dans un hôpital qu’elle ne quittera que pour en gagner un autre, mais les murs
dont il est ici question ne sont pas ceux qui l’entourent en ces lieux froids et stériles, mais bien ceux qu’elle construit entre elle et les autres; entre elle et la vie.
O L I V I A TA P I E R O
des images,des mots • Quand le virtuel devient papier 54
PA R F R A N Ç O I S C LO U T I E R
IMPRESSION : Marquis
PHOTO DE LA PAGE COUVERTURE :
Alexis K. Laflamme
Numéro ISSN : 0382-084X
Envoi de Poste-publications no 41868016
Enregistrement PAP no 08959 • août 2010
Les blogues foisonnent sur la toile depuis quelques années déjà. Les sujets y sont variés et parfois surprenants.
Le blogue littéraire tient une place de choix dans la blogosphère (nom donné à cet univers virtuel). Critiques, discussions et créations s’y retrouvent. Tout un chacun peut s’improviser blogueur, certains ne sont que de passage,
d’autres expérimentent avec la forme tandis que quelques-uns y écrivent avec rigueur et style. Le dernier cas de
figure représente bien l’univers de Daniel Rondeau, auteur du recueil de textes J’écris parce que je chante mal
(www.danielrondeau.com).
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lettres québécoises • automne 2010 •
1
sommaire
NUMÉRO 139
automne 2010
ÉDITORIAL
Dur coup pour les revues culturelles, André Vanasse, . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 3
ENTREVUE-PORTRAIT
Entrevue-portrait de Jean-Jacques Pelletier par Victor Prose,
Jean-Jacques Pelletier, . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 5
JEAN-FRANÇOIS
CA R O N
ENTREVUE
Écrire: comprendre et dénoncer, Michel Bélair, . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 7
PROFIL
Jean-Jacques Pelletier le cueilleur-chasseur, Laurent Laplante, . . . . . . . . . . . . . p. 10
DOSSIER
Littérature québécoise en France: un flirt infini, Jean-François Caron, . . . . . . p. 13
ROMAN
Louis-Philippe Hébert, Michel Tremblay, Normand de Bellefeuille,
André Brochu, . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 19
PRÉSENTATION
Jean-François Caron, Hugues Corriveau, . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 21
ROMAN
Jean-François Chassay, Carole Massé, Olga Duhamel-Noyer,
Hugues Corriveau, . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 22
GIL
C O U RT E M A N C H E
Gil Courtemanche, Annie Cloutier, Jean-François Crépeau, . . . . . . . . . . . . . . . . p. 24
PREMIER ROMAN
Guillaume Corbeil, Hector Vigo, Olivia Tapiero, Marie-Michèle Giguère, . . . . . p. 26
POLAR
Jean-Pierre Charland, Maurice Gagnon, Jacques Rousseau,
Normand Cazelais, . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 28
JEAN-PIERRE
CHARLAND
TRADUCTION
Margaret Laurence, Kim Echlin, Tecia Werbowski, Hélène Rioux, . . . . . . . . . . . p. 30
RÉCIT
Michel Faubert et Michel Hindenoch, Biz, André Carpentier, Yvon Paré, . . . . . p. 32
NOUVELLE
Camille Allaire, Dany Tremblay, Michèle Bourgon et Vincent Théberge,
Sébastien Lavoie, . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 35
Josée Bilodeau, Claude Vallières, Claude Forand, Michel Lord, . . . . . . . . . . . . . . p. 37
BIZ
POÉSIE
Jean-Paul Daoust, Frans Ben Callado, Pierre Demers, Hugues Corriveau, . . . . . p. 40
Fernand Ouellette, Margaret Atwood, Étienne Lalonde, Rachel Leclerc, . . . . . . p. 42
Carole David, Serge Murphy, Jean-Marc La Frenière, Jacques Paquin, . . . . . . . . p. 44
ESSAI
France Théoret, Lucie Hotte et Guy Poirier, Antoine Boisclair,
Claudine Potvin, . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 46
Madeleine Ouellette-Michalska, Victor-Lévy Beaulieu, Gaston Miron,
PIERRE
DEMERS
Jean-François Crépeau, . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 48
FRANCE
T H ÉO R E T
MADELEINE
OUELLETTEMICHALSKA
BOB
SIROIS
2 • lettres québécoises • automne 2010
LITTÉRATURE ET SPORT
Todd Denault, Bob Sirois, Alain Usereau, Renald Bérubé, . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 51
DES IMAGES, DES MOTS
Daniel Rondeau, Stéphane Dompierre et Pascal Girard, François Cloutier, . . . p. 54
LES REVUES EN REVUE
Exit, Spirale, Virage, Voix et images, Carlos Bergeron, . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 56
ÉVÉNEMENT
Ils se multiplient, Sébastien Lavoie, . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 58
NOUS ONT QUITTÉS
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 61
INFORMATIONS EXPRESS
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 62
LIVRES EN FORMAT POCHE
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 64
DITS ET FAITS
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 66
PRIX ET DISTINCTIONS
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 67
LIVRES REÇUS
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 69
INDEX
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 72
PROCHAIN NUMÉRO
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 72
éditorial
A N D R É VA N A S S E
Coupures • Patrimoine canadien
Dur coup
pour les revues
culturelles
Se pourrait-il que le gouvernement fédéral procède à la liquidation par asphyxie de la plupart des revues culturelles québécoises ? C’est ce que craignent plusieurs directeurs de
revues qui ont pris connaissance des critères d’admissibilité
au nouveau « Fonds du Canada pour les périodiques ».
ans la lettre que Francine Bergeron a fait parvenir à M. Scott Shortliffe,
directeur de « Politique et programmes de l’édition des périodiques
(Patrimoine canadien) », la directrice de la SODEP (Société de
développement des périodiques culturels québécois) lance un cri d’alarme :
« Nous croyons, dit-elle, que la pérennité des revues culturelles francophones
sera mise en péril par les mesures que vous annoncez […]. » Mme Bergeron ne
manque pas d’aviser M. Shortliffe que « quelques-uns, hélas, ont déjà évoqué la
fin imminente de leur publication si aucune aide équivalente à l’AMAL (Aide
aux magazines artistiques et littéraires) n’était mise en place ».
D
R E N TA B I L I T É !
Mais qu’en est-il exactement ? Il y a que Patrimoine canadien, mû par des
impératifs de rentabilité, a fixé l’admissibilité des revues au nouveau volet du
programme Aide aux éditeurs du Fonds du Canada pour les périodiques (qui
remplace le Fonds du Canada pour les magazines-FCM) à la condition expresse
que ces dernières aient vendu annuellement 5000 exemplaires de leur revue lors
de leur dernière année budgétaire. Ce critère a pour effet d’exclure 75 % des
quarante-quatre revues membres de la SODEP. Pire, dans la foulée des réaménagements que Patrimoine canadien a mis de l’avant, on a aussi décidé d’abolir
le programme du PAP (Programme d’Aide aux Publications) qui a été remplacé par le programme Aide aux éditeurs.
Par ailleurs, on attend toujours la définition du volet de commercialisation,
mais, d’ores et déjà, les membres savent qu’ils feront face à une forte concurrence
puisque les revues culturelles ne seront pas seules en lice. Ils devront faire la lutte
à des revues dont les ventes atteignent 45 000 exemplaires !… Au plus fort, la
poche.
Pour dire les choses sans détour, c’est la catastrophe : la discussion avec Mme La
Haie-Torres, M. White et Mme Laham du ministère du Patrimoine canadien lors
de l’assemblée annuelle de la SODEP a clairement fait entendre que la position
de Patrimoine canadien est irrévocable.
LA TPS, UNE MANNE
La SODEP juge que, si le programme disparaît, c’est en moyenne 18 000 $ que
perdront les revues. Un coup de grâce en quelque sorte, d’autant plus aberrant
que la taxe sur les produits et services (TPS) permet au gouvernement canadien
d’empocher des montants considérables puisque tous les périodiques sont
taxés. Pour les seules revues à contenu canadien, les revenus atteignent 1,6 milliard de $ (c’est-à-dire 80 millions de $ en taxes) selon Statistique Canada. Si on
ajoute à cela les revenus engendrés par les revues étrangères et tous les quoti-
diens vendus au Canada, on peut multiplier par trois, et même plus, les revenus
totaux de la TPS sur les revues et journaux. Quelque chose donc comme 240 millions. Or, le coût pour soutenir les revues culturelles s’élève à moins de 800000 $,
c’est-à-dire la moitié du montant maximum que peuvent recevoir les magazines
à grand tirage, montant qui a été abaissé, cette année, à 1,5 million de $ (par
exemple, Châtelaine, version anglaise, a reçu l’an passé 2 498 708 $; la version
française, 1013497 $). En clair, le budget des quarante-quatre revues culturelles
équivaut à la moitié de la somme que recevront les revues les plus performantes
cette année. On voudrait se montrer mesquin qu’on n’agirait pas autrement en
nous évacuant à coup de pied de Patrimoine canadien.
Que Patrimoine canadien invoque le soutien du Conseil des Arts pour justifier
son pas de côté est tout à fait spécieux. Les éditeurs littéraires ne reçoivent-ils
pas des subventions de la part de Patrimoine canadien comme du Conseil des
Arts du Canada ? Alors, pourquoi y aurait-il deux poids, deux mesures ?
Et puis, comment concevoir qu’un ministère qui porte le nom de « Patrimoine
canadien » rejette du revers de la main les revues culturelles pour accorder son
soutien à des revues, par exemple de chasse et pêche, qui ont peu ou rien à voir
avec notre patrimoine national ? Il y a là une aberration qui entre en totale contradiction avec le mandat du ministère qui est précisément de préserver d’abord
et avant tout notre patrimoine culturel.
U N L I E U D E F O R M AT I O N
Autre point, les revues culturelles sont le tremplin naturel pour les futurs journalistes, écrivains et essayistes. Sans les revues culturelles, comment se ferait leur
apprentissage sur le terrain ? De fait, beaucoup d’entre eux ont fait leurs premières armes en publiant dans des revues (culturelles ou pas) à faible tirage.
Permettre aux revues de subsister, c’est créer les conditions d’émergence de la
relève. Or, le coût pour former ces professionnels est pratiquement nul pour
l’État.
Que les revues culturelles reçoivent leur juste part du gouvernement fédéral
est donc tout à fait justifié.
COMBIEN COÛTENT LES REVUES ?
Il faudrait faire des comparaisons avec les autres activités culturelles (la musique,
le théâtre, la danse, etc.) pour vérifier à quel point les revues culturelles vivent
avec peu. Bien sûr, un orchestre symphonique coûte infiniment plus cher à gérer
qu’une revue. Cela étant dit, il faut se réjouir que, pour atteindre le même public,
quantitativement s’entend, les revues le fassent à des coûts dix, vingt, voire cent
fois moindres que certains autres organismes culturels.
Encore une fois, le gouvernement Harper fait des gestes qui, d’un simple point de
vue financier, ne tiennent pas la route. L’industrie culturelle rapporte gros à
l’État, comme le disait Michel Girard dans La Presse (cité dans un éditorial
antérieur) : « En 2007, la culture a rapporté 25 milliards de $ en taxes et impôts,
trois fois plus que les 8 milliards de $ investis par les paliers municipaux,
provinciaux et fédéral. »
Alors, pourquoi s’acharner sur les revues culturelles ? La question vaut d’être
posée.
POUR SIGNER LA PÉTITION :
http://www.sodep.qc.ca/DerniereHeureDetails.aspx?ID=64
lettres québécoises • automne 2010 •
3
LA LITTÉRATURE QUÉBÉCOISE VOUS PASSIONNE ?
A B O N N E Z -V O U S À
lettres québécoises
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4 • lettres québécoises • automne 2010
•
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VICTOR PROSE
entrevue-portrait
Jean-Jacques
Pelletier
VP — Vous étiez réticent à m’accorder cet entretien. Est-ce parce que je
suis un de vos personnages ?
JJP — Non, pas du tout… Mais le plaisir d’écrire de la fiction tient en grande
partie au fait de pouvoir s’effacer, de ne pas parler de soi.
VP — On s’y révèle quand même.
JJP — Oui, mais de façon allusive et la plupart du temps inconsciente… à travers un champ sémantique, la récurrence de certaines structures narratives, le
retour de certains thèmes, des parentés de personnages… Par un ton, une
voix…
VP — Pourquoi avoir accepté cette entrevue ?
JJP — Parce que l’autre choix, c’était de faire un autoportrait. Et ça…
JEAN-JACQUES PELLETIER
VP — C’était pire ?
JJP — Les autobiographies sont en général de mauvais romans.
VP — Tandis que les romans…
VP — Comme personnage, vous avez fait de moi un professeur de cégep. Or
vous-même…
JJP — C’est moins truqué. Les révélations qu’on y fait sont moins contrôlées.
JJP — Je l’ai été pendant 33 ans.
VP — Je vous prends au mot. Avec moi, vous avez construit un personnage
d’écrivain obsédé d’information, qui lit des tas de journaux et fouille dans
Internet pour traquer les manifestations de la « bêtise militante », selon
l’expression d’un de vos personnages… Cela vous correspond ?
VP — En littérature ?
JJP — En partie.
VP — Vous faites toujours partie de plusieurs de ces comités. Vous avez
même écrit un livre sur la gestion financière des caisses de retraite. Vous ne
trouvez pas que ça fait beaucoup ? N’avez-vous jamais été tenté de tout
arrêter pour vous consacrer exclusivement à l’écriture ?
VP — Vous avez commencé à écrire jeune ?
JJP — Vers neuf ans. Je n’ai jamais arrêté. Je ne peux pas imaginer ma vie sans
écrire.
VP — Vous écrivez tous les jours ?
JJP — Philo. Mais j’ai fait plusieurs autres choses : négociations du front commun, gestion des assurances collectives, comités de retraite et de placement…
JJP — Non. J’ai toujours aimé l’idée que Ferron et Céline étaient médecins.
Gary, diplomate. Cette présence dans la société à travers un métier ou une profession, c’est quelque chose d’enrichissant. Y compris pour l’écriture.
JJP — Presque. C’est une manière de respiration. Ou de digestion… Moins
j’écris, plus j’ai de la difficulté à être présent, à être vraiment «là». L’écriture me
permet d’accéder au monde, à ce que je pense… à ce que je suis.
VP — Quand vous étiez enfant, vous rêviez d’être écrivain ?
VP — Je commence à comprendre la longueur de vos livres !… Vous écrivez
où ?
VP — Ça vous semblait hors de portée ?
JJP — Non. Je savais que j’écrirais toute ma vie. Mais être écrivain…
JJP — Toujours dans des cafés, des bars, des restaurants… Partout où il y a des
tables qu’on peut louer moyennant le prix d’un café ou d’un verre de vin.
JJP — Ce qui m’a toujours dérangé, depuis l’enfance, c’est d’être enfermé.
Enfermé quelque part. Enfermé dans des préjugés. Dans un rôle social… Même
celui d’écrivain.
VP — Jamais chez vous ?
VP — C’est pour cette raison que vous allez toujours ailleurs pour écrire ?
JJP — À la maison, il m’arrive de saisir le texte manuscrit à l’ordinateur ou d’entrer les corrections des révisions. Mais l’écriture, pour moi, c’est aller ailleurs.
Dans tous les sens du terme.
JJP — Probablement… Et c’est pourquoi j’ai multiplié les rôles sociaux. Ça
permet de les combattre les uns par les autres, de ne se laisser enfermer dans
aucun.
lettres québécoises • automne 2010 •
5
VICTOR PROSE
entrevue-portrait
On vit dans le bruit des médias. C’est notre nouvel
habitat. Les zones de silence sont en voie de disparition… Et les iPods vont liquider celles qui restent !
VP — J’ai observé que vous peuplez vos histoires d’une foule assez hétéroclite de sujets : il y est question de géopolitique, de sectes, de personnalités
multiples, de coutellerie d’art, de transactions financières, de chamanisme,
de piratage informatique… Il y a même des personnages qui écrivent des
essais à l’intérieur de vos romans !
JJP — La diversité des intérêts et des activités des personnages, c’est encore une
façon de lutter contre l’enfermement. Comme la diversité des écritures: extraits
de médias, discours politiques, courriels, textos…
VP — Parlant des médias, vous en faites écouter régulièrement à tous vos
personnages. Êtes-vous aussi « branché » qu’eux ?
JJP — On l’est tous. On vit dans le bruit des médias. C’est notre nouvel habitat.
Les zones de silence sont en voie de disparition… Et les iPods vont liquider
celles qui restent !
VP — Quels auteurs vous ont le plus influencé ?
JJP — Ceux de mon adolescence… Le théâtre absurde de Beckett et d’Ionesco.
Kafka. Camus, surtout La chute. Proust. Balzac…
VP — Votre écriture est pourtant très différente de la leur.
JJP — C’est vrai. Mais elle est inspirée par leur travail sur l’écriture, sur les
formes narratives… Par leurs thèmes, les problèmes qui les habitaient…
VP — Comment qualifieriez-vous cette forme que vous avez construite au
fil de vos romans ?
JJP — Un métissage. Il y a des éléments de polar, de politique-fiction, d’intrigues internationales, de critique sociale, de roman documentaire et psychologique… Métissage aussi entre la lisibilité du roman populaire, des thèmes souvent associés au roman littéraire et la complexité dans l’analyse que peut avoir
un essai… Évidemment, on ne peut jamais y arriver aussi bien qu’on le voudrait. C’est ce qui rend le travail intéressant… Au fond, j’essaie de créer une
forme capable de rendre lisible une narration plutôt complexe.
VP — Par-delà vos motivations personnelles, quel but poursuivez-vous en
écrivant ?
JJP — Rendre manifestes les logiques de pouvoir et d’intérêts qui tissent la
trame collective de nos existences. Souvent à notre insu, d’ailleurs… Travailler
à dissoudre quelques naïvetés, à commencer par les miennes… Écrire, au fond,
c’est pour moi une manière de tenter de réconcilier l’horreur devant nos bêtises
collectives et l’humour avec lequel il faut les prendre si on veut s’en libérer. Une
manière d’équilibrer la solitude et le contact avec les autres, la réalité et la fiction,
la tristesse devant l’avenir qu’on se prépare et la confiance que ceux qui nous suivent feront mieux.
VP — Nous approchons maintenant du six millième caractère, ce qui était
la commande. Il me reste à vous remercier.
JJP — Merci à vous.
6 • lettres québécoises • automne 2010
MICHEL BÉLAIR1
Écrire :
comprendre
et dénoncer
Jean-Jacques Pelletier est le premier authentique auteur québécois de thrillers à dimension planétaire. Il aura mis un peu plus
de dix ans à créer sa saga des Gestionnaires de l’Apocalypse
qui raconte rien de moins qu’une série de trafics et de complots,
à l’échelle du globe, qui vise à mettre la main sur tout ce qui est
essentiel à la vie — l’eau, l’air, la terre, le feu — et à contrôler
ainsi le sort de l’humanité. Dans son œuvre, multinationales en
tous genres, consortium de mafieux, de financiers, de politiciens véreux et d’« hommes du secret », orchestrent la fin du
monde à leur seul profit. Ça vous dit peut-être quelque
chose? Pour certains, Pelletier est l’homme du complot paranoïaque. Pour d’autres, il est plutôt un créateur de mondes
dérangeants de vérité, et son œuvre, une critique virulente de
ce qui se déroule déjà sous nos yeux…
mpossible de résumer l’œuvre de JeanJacques Pelletier : c’est un fleuve. Une trentaine de nouvelles, une chronique régulière
sur les polars dans la revue Alibis — où il a écrit
une remarquable série d’articles sur Maigret, par
exemple —, un livre sur la gestion des caisses de
retraite et les placements financiers, sans compter
quatre ou cinq autres « briques » à la périphérie de
sa gigantesque série des Gestionnaires de
l’Apocalypse. Sa saga se décline maintenant en
quatre tomes, sept livres et plus de 5 000 pages,
dont les deux livres du dernier tome, La Faim de la
Terre, viennent d’être publiés il y a quelques mois à
peine. Le moins que l’on puisse dire, c’est que JeanJacques Pelletier a du souffle !
I
Mais c’est un souffle très particulier, hachuré, trépidant, rythmé dans et par une écriture qu’il a développée au fil des ans et qui
tient, il le dit lui-même, du « montage cinématographique ». C’est un souffle
saccadé, nerveux, qui garde le lecteur en état d’alerte… comme lorsque tout peut
arriver d’un instant à l’autre. Il est alimenté par le quotidien bien rempli du professeur de philosophie que Jean-Jacques Pelletier a été pendant plus de 30 ans et
du gestionnaire de caisses de retraite qu’il est toujours… Voilà probablement
pourquoi son œuvre apparaît dès le premier abord profondément ancrée dans la
réalité, dans l’analyse plutôt des facteurs géopolitiques et financiers qui régissent
le monde dans lequel nous vivons.
Le monde de Jean-Jacques Pelletier est un monde « mondialisé » comme le
nôtre. De grands groupes d’intérêt y sont à l’œuvre, qui ressemblent à ces
groupes de pression divers qui s’agitent partout dans l’ombre autour des
hommes politiques et des décideurs et qui tirent les ficelles. La seule différence
ici, chez Pelletier, c’est que tout se passe à un niveau supérieur : il y a vraiment
entrevue
quelqu’un qui orchestre l’ensemble et qui tire tous les fils pendant que ceux qui
agissent savent rarement qu’ils exécutent des ordres. Ce sont les gens du
Consortium. Les méchants, les Dégustateurs d’agonie. Et heureusement, en face
il y a les bons, tout aussi brillants, tout aussi stratégiquement impliqués dans
tout : Blunt, Hurt, Chamane, F, l’Institut.
Voilà, tout est posé. Les Bons. Les Méchants. Le Diable. Le bon Dieu. Et au centre
de tout cela, l’enjeu : le Monde. Recréé en plus de 5 000 pages. Bienvenue chez
Jean-Jacques Pelletier.
CONSTRUIRE LE MONDE
Première surprise, qui explique un peu le succès de Pelletier ici au Québec,
l’univers éclaté dans lequel il nous fait pénétrer parle notre langue et ressemble
beaucoup à celui qui s’étale sous nos yeux dans la vraie vie.
L’inspecteur que l’on suivra presque tout au long des Gestionnaires de l’Apocalypse
se nomme Gonzague Théberge et dirige une escouade spéciale du Service de
police de Montréal. Le lecteur découvrira rapidement que c’est un des alter ego de
Jean-Jacques Pelletier, amateur de grands vins, de plats cuisinés, de culture et de
phrases fleuries. Si les complots qu’il essaie de dénouer éclatent sur toute la surface du globe — même sous la calotte polaire à un moment donné —, il vit bien
à Montréal où sa femme essaie de sauver du pire les danseuses à 10 $ des bars du
centre-ville contrôlés par les motards ou la mafia.
Mais il n’y a pas que Théberge. Le personnage multiple de Hurt — l’agent de
l’Institut qui, dès l’amorce de la série, démantèle un réseau international de
trafic d’organes et qui voit ses enfants éviscérés en guise de représailles —
s’appelait au départ Hurtubise et vivait dans la Vieille Capitale. Les installations secrètes de l’Institut avec lequel Théberge en viendra à collaborer
sont basées non loin de Drummondville. Tout au long de la saga, les
méchants — terroristes, extrémistes et mafieux en tous genres — sévissent
autant à Montréal qu’à Shanghai, Londres, San Francisco, Buenos Aires, la
Normandie, Sainte-Foy ou Pointe-aux-Trembles… Chez Jean-Jacques
Pelletier, on est à l’heure d’Internet, des réseaux planétaires et des grands
«hackers» qui parviennent à ouvrir toutes les portes, même les mieux gardées. Les distances, les frontières, les barrières informatiques et même le
temps n’existent plus vraiment. Le monde est partout. Et le Québec est au
centre du monde.
En entrevue, Pelletier dira, avec cette étrange façon de sourire qui est la
sienne, qu’il écrit peut-être d’abord et avant tout pour refaire le monde.
Pour comprendre comment ça marche et qu’est-ce qu’on fait là… J’ai
toujours été curieux, toujours voulu tout savoir. Plus jeune, avant de lire
de la philo puis de me pâmer sur Beckett et Ionesco, je dévorais des
magazines comme Science & Vie et plus tard Scientific American :
quand j’ai commencé à m’intéresser à tout, c’était l’époque des premières formulations de ce qui n’était encore que « l’hypothèse » du Big
Bang, alors qu’aujourd’hui la physique quantique est rendue à la théorie des cordes pour expliquer des états de réalités parallèles… Je lis toujours beaucoup et j’écris constamment : en fait, c’est un arbitrage difficile à gérer… Je lis des essais sur les flux économiques autant que des
analyses géopolitiques. Et beaucoup de journaux d’ici et de l’étranger,
sur Internet surtout où je consulte régulièrement des blogues comme le
Huffington Post qui est un de mes favoris. Je m’offre souvent aussi le
plaisir matinal d’écouter les billets du jour des humoristes de France
Inter : je ne suis pas certain qu’au Québec on pourrait se permettre de
faire un humour aussi cinglant… Et comme je consacre environ 100
jours par année à siéger à des comités de gestion de caisses de retraite
ou de placements, j’entends régulièrement des spécialistes me faire
lettres québécoises • automne 2010 •
7
MICHEL BÉLAIR
entrevue
part de leur analyse de la situation mondiale… Disons que tout cela
— et mon réseau personnel d’informateurs «spécialisés» sur des sujets
plus pointus — nourrit ma réflexion sur le monde. Avec le temps, j’ai
pris conscience du fait que ce n’est qu’en cherchant à expliquer le
monde qu’on arrive à le comprendre un peu plus. Et la fiction s’est
peu à peu imposée à moi comme un outil pour comprendre comment
les choses fonctionnent, comment la matière de nos vies et de nos rapports se construit, comment les gens interagissent en société aussi.
Construire un roman, c’est pour moi une façon de construire le monde,
oui…
Pourtant, un peu à l’instar du nôtre, le monde construit par Jean-Jacques
Pelletier ne va pas bien du tout: Les Gestionnaires de l’Apocalypse est d’abord une
sorte de triste constat presque calqué sur l’action des quatre terribles cavaliers
de l’Apocalypse selon saint Jean.
Dans le premier chapitre de l’histoire, La Chair disparue, il est question d’enlèvements, de réseau international d’exploitations en tous genres et de trafic d’organes à l’échelle mondiale au profit des plus riches. Ensuite, dans L’Argent du
monde, publié en 2001, la corruption sous toutes ses formes sévit à tous les
paliers et l’on assiste, entre autres, à une vague de suicides chez les gestionnaires
de la Caisse de dépôt à la suite de l’apparition d’un trou de 750 millions dans les
coffres de l’organisme. Dans Le Bien des autres, le climat social et politique se
désintègre un peu partout, au Québec comme ailleurs sur la planète ; les attentats terroristes se multiplient et la manipulation de l’opinion menace les institutions démocratiques. Dans La Faim de la Terre, enfin, des attentats de fondamentalistes en tous genres prennent tout le devant de la scène et viennent
masquer ainsi, comme si c’était planifié, l’opération de conquête de la planète
entière par des groupes contrôlant rien de moins que les quatre éléments: l’eau,
l’air, la terre avec tout ce qui y pousse, et le
feu de l’énergie sous toutes ses incarnations.
Tout cela cousu main, dans le moindre
détail. Avec un petit bout de Bernard
Derome en passant ou un détour pour se
taper une poutine au coin de la rue. Avec
tous les morceaux qui tiennent, malheureusement, inexorablement. Pas très jojo…
LE COMPLOT
PA R A N O Ï A Q U E
Encore plus « drôle », les médias et les journalistes apparaissent d’abord, dans toute la
série des Gestionnaires…, comme des outils
de manipulation. À quelques très rares
exceptions près — dans Le Bien des autres,
Théberge travaille ainsi avec une journaliste télé, Pascale Devereaux, qui réussira
à infiltrer une sorte de secte, l’Église de la Réconciliation Universelle —, la
majorité d’entre eux sont de tout petits êtres qui se soumettent à la moindre
pression. Les journaux tout comme les chaînes de radio ou de télé appartiennent
toujours, ou presque, à des groupes d’intérêt pas particulièrement recommandables et ne semblent au fond être là que pour faire d’abord fructifier l’argent de
leurs actionnaires. Pour ce qui est de produire de l’information, on repassera…
Pourtant les médias sont omniprésents dans les 5000 pages des Gestionnaires de
l’Apocalypse qui sont truffées de flashs d’infos ressemblant comme deux gouttes
d’eau à ceux que l’on pourrait trouver tous les jours, défilant en bande au bas de
l’écran, sur RDI, TVA et CNN ; aux manchettes du Devoir aussi ou du Monde,
comme à celles du Journal de Québec, du Figaro, du Los Angeles Times ou du
Corriere della Serra. Pire: à chaque page, ou presque, on voit des radios poubelles
8 • lettres québécoises • automne 2010
JEAN-JACQUES PELLETIER
et des trash-télés se faire de la cote d’écoute comme on se fait de la gonflette en
façonnant l’opinion presque sur mesure à partir de n’importe quoi… Bien sûr,
la caricature est grossière mais elle décrit bien ce que sont devenus certains
grands groupes de presse à l’heure de cette information spectacle que dénonçaient déjà les premiers situationnistes.
Pas étonnant que certains aient reproché à Jean-Jacques Pelletier de sombrer
facilement dans la théorie du complot paranoïaque. Même si ses «bons» ont des
côtés sombres et ses « méchants », parfois, des aspects un peu plus lumineux…
Il répond là-dessus que, même si les complots à l’échelle du globe sont tout aussi
multiples que vérifiables, rien ne prouve ou
ne vient étayer le fait qu’il n’y en ait qu’un, au
bout du compte.
Il y a des magouilles partout à l’échelle internationale, oui, bien sûr. Mais ce sont des complots isolés, partout autonomes. Je ne pense
pas qu’un seul groupe ou qu’une seule personne puisse jamais tout contrôler systématiquement d’un seul endroit. Non, je ne crois
pas au complot paranoïaque total…
Il dira par contre que, pour l’écrivain de fiction, la théorie du complot, paranoïaque ou
non, est très féconde.
Le procédé du complot a un grand avantage : il vient dramatiser les
effets de système et rendre tout cohérent, bien visible. Encore plus
quand l’intrigue est construite autour de la vie d’un ou de plusieurs
personnages que l’on en vient à connaître de plus en plus en les suivant
à travers les méandres de l’action. Surtout que ces personnages sont
toujours forcés de réagir dans des situations extrêmes qui tiennent le
lecteur sur le qui-vive…
Ces situations extrêmes joueront-elles encore un rôle important dans l’œuvre de
Jean-Jacques Pelletier maintenant que la saga des Gestionnaires de l’Apocalypse
est terminée ?
« Oui et non », répond Pelletier en refaisant ce sourire étonnant qui semble couler de son visage tout entier.
MICHEL BÉLAIR
Essai ou fiction, l’écriture de Pelletier
vise d’abord, il tient à être absolument
clair là-dessus, à « faire saisir la
complexité du monde ».
J’en suis aux tout derniers chapitres de mon prochain
livre qui est un essai que je publierai peut-être chez un
autre éditeur, et probablement sous le nom de quelqu’un d’autre… Sous la signature de Victor Prose en
fait…
Victor Prose est un personnage qui apparaît dans La Faim de la
Terre. C’est un intellectuel, un écrivain-chercheur qui a sa théorie bien à lui sur le complot qui menace le monde. D’ailleurs, il
semble comprendre si précisément ce qui se passe tout autour
que Gonzague Théberge en arrivera à le soupçonner… avant de
développer avec lui une féconde amitié basée sur la réflexion à
deux voix. Tout au long du livre, on voit Victor Prose travailler à
un essai qui porte le titre Les Taupes frénétiques. Pelletier poursuit, amusé, arborant presque lui aussi des airs de comploteur…
Il s’agit bien du livre auquel travaille Prose dans mon
roman : Les Taupes frénétiques. C’est un essai sur les
incohérences du monde d’aujourd’hui et sur le phénomène de la montée aux extrêmes dans la vie de
tous les jours. C’est un livre qui dénonce l’escalade
des distorsions en tous genres, symboliques et autres,
qui caractérisent la société moderne et qui dénaturent
la vie et les relations entre les gens. Les faux mythes.
Les fausses valeurs. Les faux prophètes et les faux
dieux. Les vérités vides de sens sur lesquelles se
const r uit l’immoralité profonde du monde
moderne…
On aura saisi que Jean-Jacques Pelletier reste Jean-Jacques
Pelletier, même quand il signe sous un autre nom. La pulsion de
fond quand il écrit, sa motivation première, est la même que
celle que l’on perçoit fort bien tout au long des Gestionnaires de
l’Apocalypse: ce qui importe d’abord, c’est de faire comprendre.
Démonter les mécanismes et dénoncer.
Écrire, c’est comprendre et dénoncer…
RENDRE VISIBLE, RENDRE LISIBLE
N’empêche que le choix de la forme de l’essai apparaît plutôt
bizarroïde quand on se souvient de ce qui caractérise l’écriture
de Jean-Jacques Pelletier, ce découpage, ce « montage presque
cinématographique» où les citations, les titres et les manchettes
de journaux viennent rythmer, presque agressivement, l’action comme l’ordre
des chapitres. L’essai est plus formel, non ? Plus sec…
Notre homme estime au contraire que l’essai lui permet d’aller «un peu plus loin
que la fiction ». D’abord parce qu’il cerne un sujet précis que l’on bombarde de
tous les angles possibles, alors que le roman suit le projet d’un narrateur soumis
à des règles et à ses personnages, finalement.
Dans l’essai, il n’y a pas de narrateur, poursuit-il. Il y a un auteur qui
dispose d’outils différents. Cela permet des choix considérables quand
entrevue
on en vient à présenter un point de vue ou son contraire. Les
voies peuvent se faire aussi nombreuses que celles des voix d’un
roman.
Essai ou fiction, l’écriture de Pelletier vise d’abord, il tient à être
absolument clair là-dessus, à « faire saisir la complexité du
monde ». Rien n’est simple alors que l’on a plutôt tendance
aujourd’hui à réduire les choses à leur plus simple expression.
À «résumer en quelques lignes» et tout dire en quelques mots,
sans nuances, noir ou blanc. Dans le meilleur des cas, à tout se
faire expliquer en un topo de trois minutes à la télé ou, si on
prend encore la peine de lire, dans un texte qui varie, selon
l’éditeur, d’un paragraphe à un feuillet et demi dans la presse
écrite.
La situation du monde, la vie est complexe, insiste-t-il en
appuyant sur les mots. À travers la fiction ou l’essai, c’est cela
qu’il faut rendre visible et qu’il faut rendre lisible aussi. L’auteur
doit être efficace ; soutenir l’intérêt pour mieux dévoiler, pour
mieux faire saisir.
C’est ce qui explique les scènes courtes, factuelles, des romans
de Pelletier. Les formules-chocs placées en exergue aussi,
ramassées, qu’il affectionne particulièrement, qu’elles soient
tirées d’un traité zen, du discours d’un faux gourou prêchant
l’Apocalypse ou du manuel de procédures d’une agence de renseignements.
C’est cette technique qui l’amène aussi à faire s’opposer les
contraires et à viser tout au long ce qu’il appelle «l’épuration de
la phrase pour soutenir la complexification des structures narratives ». Comme dans les feuilletons, écrits ou télévisés dont il
s’inspire beaucoup de la forme. Pour arriver à faire saisir son
analyse du monde, à être lisible comme il dit, Pelletier emprunte
leurs « règles de lisibilité ». Pour mieux éclairer un contenu
complexe, il tente en fait à chaque ligne de réconcilier la « littérature populaire » et « les sujets sérieux ». Ce qui lui ressemble
assez…
Et après cet essai ?
Un dilemme, répond-il en soupirant. Je ne pourrai pas m’empêcher
d’écrire et de dénoncer les effets pervers de la mondialisation… Je
n’aime pas du tout ce qui se passe en Europe actuellement ; les
tensions et les dangers de fracture augmentent au moment
même où des changements globaux affectent la planète entière.
Et je me méfie de ces justiciers autoproclamés qui surgissent de
plus en plus régulièrement aux États-Unis et ailleurs… Mais
est-ce que j’aborderai tout cela dans un tout nouveau contexte,
en faisant table rase, ou en poursuivant avec les personnages
que tous mes lecteurs connaissent déjà ? Je ne le sais pas encore,
j’hésite. Mais je prendrai une décision ferme très bientôt, dès le début
de l’été.
Qui sait, on lira peut-être « Les Chroniques montréalaises de Gonzague
Théberge». À moins que ce ne soit plutôt quelque chose dans le style «Traité de
savoir-vivre à l’usage des gestionnaires sans âme »…
1. Michel Bélair est journaliste au quotidien Le Devoir depuis quelques décennies et couvre le
secteur du théâtre en plus de s’intéresser à la « science fantasy » et au polar sous toutes ses
formes.
lettres québécoises • automne 2010 •
9
LAURENT LAPLANTE
Jean-Jacques
Pelletier
le cueilleurchasseur
ous Descartes, Jean-Jacques Pelletier aurait eu
droit à une seule vie : ou cueilleur ou chasseur. S’enraciner ou explorer. La logique ou le
jaillissement. Notre époque ne tente même pas de lui
infliger un tel assèchement. Pelletier peut édifier
autant de systèmes qu’il le souhaite et cultiver le
microscope bénédictin, débusquer les logiques sous
les masques et cocher les tests des protocoles, consacrer une vie au texte magistral et une autre aux rappels du quotidien. Cueilleur et chasseur. Professeur
et chercheur. Architecte de cathédrales et poseur de
briques. En découle une œuvre bellement irréductible à un seul entendement.
S
Non seulement Jean-Jacques Pelletier construit une
œuvre polyphonique, mais il la fonde sur une tension féconde entre stylisation et cueillette. Il survole, synthétise, systématise, mais il pratique
aussi la vérification, le détail, l’imprévu. D’une main, il tient la chronique
des chiens écrasés ; de l’autre, il rédige l’éditorial. Il comble là deux appétits rarement satisfaits par le même auteur: la quête de sens et le relevé des
faits. Il observe le papillon sans l’épingler mortellement.
Comme Pelletier aime que son œuvre lui soit « retournée avec commentaires», il ne s’étonnera pas si surgit un bémol. Amicus Platonis, répétait un
extraterrestre de mon enfance, sed major amicus veritatis. En langue 2010,
cela signifie que l’admiration que je voue à Jean-Jacques Pelletier depuis
des lunes n’induit pas la complaisance.
LE DIVERS SOUS LE CHAPITEAU
Ce Pelletier sidère. Il touche à tout. Avec un bonheur tenace. La nouvelle, l’hybride de miroir et de poésie, le roman, la gestion, la fresque, aucune audace ne lui
est interdite. Il aurait mauvaise grâce à ne pas gober toutes les tentations,
puisque aucune ne lui inflige de déception. Lui-même aime les humains auxquels déplaît l’unidimensionnel. Ainsi, l’exergue des Gestionnaires de
l’Apocalypse rend hommage au foisonnement des vies : « À Christian Moquin,
être multiple s’il en fut. La brièveté de son existence n’a eu d’égale que la richesse
de ses vies parallèles [je souligne]. » D’où aussi le relief que prend chez Pelletier
le syndrome de la personnalité multiple; son personnage de Hurt est à la fois une
mémoire et un tic tac en hibernation.
Chez une conscience moins alerte, ce besoin d’échapper au simplisme univoque conduirait au morcellement, peut-être à l’inintelligible. Inquiétude futile:
Pelletier multiplie les fringants egos, mais il les maintient sous un chapiteau
englobant. Cette tension — maître mot — donne à son œuvre sa tessiture
essentielle: chaque montée vers le systémique s’accompagne de vérifications au
ras du sol.
10 • lettres québécoises • automne 2010
profil
Ce Pelletier sidère. Il touche à tout. Avec un bonheur
tenace. La nouvelle, l’hybride de miroir et de poésie,
le roman, la gestion, la fresque, aucune audace
ne lui est interdite. Il aurait mauvaise grâce
à ne pas gober toutes les tentations, puisque
aucune ne lui inflige de déception.
LES ASSISES ET LA PÉDAGOGIE
Premier roman de Pelletier, L’Homme trafiqué paraît en 1987, onze ans
avant La Chair disparue, entame des Gestionnaires de l’Apocalypse. Déjà
agit la touche Pelletier, mais sans le découpage chronologique et multisource qui incarnera sa pédagogie. D’une part se mettent en place les
enjeux et les acteurs qui habiteront durablement son œuvre ; d’autre
part, la structure et le débit tiennent encore du roman classique : peu ou
pas de césures dans le récit, peu ou pas d’intrusions médiatiques.
L’affection de Pelletier pour les logiques déferlantes se limite à créer
quelques coalitions d’intérêt : Grand Conseil des 9 Cullinans, Centre,
Syndicat… Le créneau est sectoriel (diamant) ; derrière le rideau, la
logique tout terrain répète son rôle à voix basse.
La Femme trop tard (1994, réédition 2001) creuse les perspectives et la
pédagogie. L’enjeu s’élargit : du diamant, on passe à l’alimentation de la
planète. Des acteurs institutionnels envahissent un décor amplifié, à tel
point que s’amorce une collaboration entre l’Institut
animé par l’héritière du Rabbin et la poreuse
bureaucratie états-unienne du renseignement. Le
combat oppose madame F à « ceux d’en face ». La
panoplie des coups vicieux « s’enrichit » : infiltration, trafic des consciences, chantage, torture…
Avec Blunt - Les Treize derniers jours (1996), Pelletier
précipite le tempo. Son écriture fait songer au
tachisme : par petites touches apparemment isolées
les unes des autres, l’artiste induit une perception,
un sentiment, une vision. En outre, Pelletier compte
désormais sur Alire, une maison d’édition prête à
parier sur ce qu’Yves Beauchemin appellerait un
roman-baleine. Sans atteindre à la fragmentation
trépidante des romans en gestation, le récit livre
désormais la date, le lieu, l’heure de chaque
séquence. Les syncopes frappent plus vite, les
médias gueulent comme un chœur grec désinvolte et grossier, l’humour multiplie les bouches d’air.
L’ A M P L E U R D E S P E R S P E C T I V E S
Au cours de la décennie qui suit se déploie avec ampleur la fresque des
Gestionnaires de l’Apocalypse. Ampleur, dites-vous? Qu’on en juge. La Chair disparue : 656 pages ; L’Argent du monde : 1 216 pages ; Le Bien des autres : 1 458
pages ; La Faim de la Terre : 1 595 pages. Au total, 4 925 pages. Oui, romanbaleine.
Le poids du mastodonte va-t-il ralentir le débit? Pas du tout. Pour deux motifs:
l’addition de références éditoriales et l’atomisation du récit. Chaque chapitre
s’ouvre sur une citation puisée dans le credo théorique de tel carriériste, puis l’action reprend, morcelée, fiévreuse, glauque ou rigolote. Tous auteurs de doctrines
dérangeantes, Louis Art/ho, Leonidas Fogg, Joan Messenger et Guru Gizmo Gaïa
servent en tranches minces leurs essais à contenu social, économique, politique,
profil
LAURENT LAPLANTE
recomposer. Toujours d’accord avec l’arnaque, les gestionnaires exploitent cette
réclamation sans vraiment s’en soucier.
Les tomes suivants actionnent des engrenages autrement puissants. Dans
L’Argent du monde, Fogg établit ses leviers: achat des docilités, mobilisation des
volontés et des passions, écrasement des résistances. La visée ? Gérer à froid la
manipulation. Le Machiavel de La première décade de Tite-Live plus encore que
celui du Prince aurait fait siens les conseils de Fogg (et de Pelletier). Dans Le
Fascisme à visage humain, Joan Messenger jette ses passerelles entre tactique et
stratégie. L’objectif défini par Fogg, elle y court : consommation, famille, jeunesse, religion, médias (longuement valorisés), éducation, droit, marginalités,
tout est territoire à occuper. L’essai que profère Guru Gizmo Gaïa dans La Faim
de la Terre n’a plus qu’à conclure: la parousie désirée, c’est L’humanité émergente.
Émergente et infiniment sélective. Pouvait-on attendre autre chose des
Gestionnaires de l’Apocalypse ?
MANICHÉISME OU OSMOSE ?
JEAN-JACQUES PELLETIER
puis, le concret déferle, appliquant ou frustrant cet embryon d’éditorial. Tout se
passe comme si Machiavel, par ses conseils aux princes de l’ère moderne, révélait
au citoyen d’aujourd’hui le sens des événements. La netteté de l’essai décode la
stroboscopie du quotidien. En maintenant cette tension féconde entre système et
flux du réel, Pelletier satisfait à la fois sa propension à l’exposé systémique et son
don pour les histoires. Pendant 5000 pages, il alimente la confrontation entre les
menées des inquiétants gestionnaires et les résistances articulées tantôt par de
bonnes volontés individuelles, tantôt par les pouvoirs publics. En spectacle: la
lucidité du philosophe donnant un sens au chaos.
Ne nivelons pourtant pas. Les textes par lesquels les gestionnaires défendent
leur démesure varient d’un essayiste à l’autre. Dans La Chair disparue, Art/ho
fragmente son discours en quatre préambules et dix chapitres, comme s’il pressentait les réticences face à l’art organique. Joan Messenger sera aussi minutieuse: 14 éléments pour Le Bien des autres. Plus globaux, les exposés de Léonidas
Fogg et de Guru Gizmo Gaïa se bornent à quelques balises, six pour Fogg dans
L’Argent du monde et quatre pour Guru Gizmo Gaïa dans La Faim de la Terre. À
peu de chose près, Art/ho et Messenger adoptent le ton de responsables plus ou
moins proches de la haute direction, tandis que Fogg et Gizmo Gaïa tonnent
depuis le palier des conseils d’administration.
Pelletier décrit ainsi le changement survenu : «La Chair
disparue marque une étape décisive dans cet effort de
morcellement-intégration qui débouche sur une esthétique du collage — ou du montage. Dans ce roman, les
intrigues, les personnages et les types de discours se
multiplient, les médias sont beaucoup plus présents et le
personnage principal est atteint du syndrome de personnalité multiple. » (Écrire pour inquiéter et pour
construire, p. 167) Perception à nuancer. Oui, les médias
interviennent plus souvent, mais la presse écrite n’est
admise qu’à une minime figuration. Le plus souvent,
radio et télévision brillent (?) par leurs accents plébéiens
et leur vénalité.
S U R Q U AT R E F R O N T S
Apparentés par l’ambition planétaire et une pédagogie qui entrelace l’éditorial
et les histoires vécues, les quatre fronts ouverts par Les Gestionnaires de
l’Apocalypse demeurent distincts. Ils s’ouvrent selon un ordre qui témoigne de
la sensibilité de Pelletier au regard artistique. Dans La Chair disparue, Art/ho
revendique le corps comme matériau à démonter, à torturer, à désagréger, à
Pelletier n’est pas homme à cultiver le manichéisme simpliste. Pourtant, à
l’avant-scène pendant les premiers tomes des Gestionnaires de l’Apocalypse, le
combat entre le Consortium aux allures maléfiques et le sympathique Institut de
madame F engendrait ce risque de simplification. Du moins jusqu’à ce que
Pelletier infléchisse la relation entre l’Institut et « ceux d’en face ». Le rapprochement se dessine au terme du Bien
des autres et devient l’axe de l’ultime
assaut des Gestionnaires. Pelletier se
taille ainsi un champ de manœuvre
pour ses prochaines (n’en doutons
pas!) aventures littéraires. D’une part,
tel un coureur de relais, il transmet le
témoin à son premier véritable porteparole, l’extralucide écrivain Prose.
Pareil mandat contrevient au principe
de Pelletier: «Pour ma part, il n’y a pas
de personnage qui soit mon porteparole » (Écrire…, p. 210), mais cela,
c’était huit ans avant La Faim de la
Terre (2009). D’autre part, en rapprochant F et Fogg, Pelletier liquide l’espoir d’éradiquer un jour du cœur de
qui que ce soit les ambitions malsaines. Jamais les bons ne seront vides d’humanitude, toujours
renaîtront chez eux aussi les tentations de la démesure. Pelletier,
fidèle à son rôle de conteur d’histoires, échappe au manichéisme.
ÉCRIRE, ÉCRIRE ET ÉCRIRE
L’importance des Gestionnaires de l’Apocalypse ne saurait occulter le reste de la production de Pelletier. Trois romans et une
brassée de textes dans la revue Alibis méritent mieux qu’un
salut. Même si plusieurs genres littéraires sont sollicités, un
souci impose l’unité : le besoin d’écrire qui habite Pelletier.
L’homme à qui il poussait des bouches constitue une parabole
astucieusement filée : le personnage ne sera bien dans sa peau
que s’il libère l’expression. L’Assassiné de l’intérieur se fragmente en nouvelles,
mais on ne saurait s’y tromper : toutes renforcent l’emprise de l’écriture. Écrire
pour inquiéter et pour construire porte un titre qui dispense d’insister. La boucle
est ainsi bouclée sur le terrain de la fiction: l’homme veut écrire, il écrit, il dit ce
que l’écriture lui offre à lui et à sa société. Dont acte.
lettres québécoises • automne 2010 •
11
LAURENT LAPLANTE
profil
Plusieurs des textes que signe Pelletier dans Alibis donnent lieu à une autre
perception. Pelletier s’y soustrait, en effet, au souque-à-la-corde de sa fiction : la
ferveur systémique échappe au contrepoids de la fiction romanesque. « Pour
moi, disait pourtant Pelletier en 2002, la création d’histoires, l’expression d’un
point de vue personnel et l’élucidation du monde dans lequel je vis constituent
de plus en plus des aspects indissociables de l’acte d’écrire. » (Écrire…, p. 13)
L’éclipse du conteur au profit de l’essayiste dissocie les indissociables. Ces articles
orphelins de fiction méritent l’attention, mais ils obéissent à un seul pôle d’attraction. Plus rien ne leur interdit l’obésité. Ainsi, les trois textes qui décrivent le
Maigret de Simenon comportent un indigeste total de 592 références (189, 262
et 141). Même prolixité à propos de Holmes. Plus conforme à la tension Pelletier,
un face-à-face fictif entre les deux limiers aurait peut-être montré que Maigret
cherche le pourquoi du crime, et Holmes, le comment. Sans surprise, la magie
revit dès que Pelletier renoue avec l’inimitable tension du chercheur-cueilleur ;
en témoignent, toujours dans Alibis, «La radio du vrai monde», «Sang d’encre»,
« Changer le monde un mot à la fois »…
La polyvalence de Pelletier est telle que ce survol ne vaut que comme rapport
d’étape.
BIBLIOGRAPHIE
Pour rédiger cet article, j’ai lu ou relu la documentation suivante :
Livres (l’éditeur mentionné est le plus récent) :
L’homme trafiqué, Alire, 2000.
L’homme à qui il poussait des bouches, L’instant même, 1994.
La Femme trop tard, Alire, 2001.
Caisse de retraite et placements, Sciences et cultures, 1994.
Blunt - Les Treize derniers jours, Alire, 1996.
L’Assassiné de l’intérieur, L’instant même, 1997.
Écrire pour inquiéter et pour construire, Trois-Pistoles, 2002.
Les Gestionnaires de l’Apocalypse
1. La Chair disparue, Alire, 1998.
2. L’Argent du monde, Alire, 2001.
3. Le Bien des autres, Alire, 2003.
4. La Faim de la Terre, Alire, 2009.
Je n’ai pas lu en entier Gestion financière des caisses de retraite, Béliveau éditeur, 2008.
Articles. J’ai lu les articles suivants publiés dans Alibis :
« La réalité, c’est pire », hiver 2001-2002.
« Les Trois vies de Sherlock Holmes », printemps 2002.
« Les Trois vies de Sherlock Holmes (2) », été 2002.
« Les Trois vies de Sherlock Holmes (3) », automne 2002.
« Le Trafic d’êtres humains », printemps 2003.
« La Réalité-empire », été 2003.
« Maigret — L’Enquêteur au regard vide », automne 2003.
« Maigret (2) — Le Somnambule ruminant », hiver 2004.
« Maigret (3) — La méthode du somnambule ruminant », printemps 2004.
« Pour ébranler les naïvetés » — Propos de Jean-Jacques Pelletier recueillis par Christine
Fortier, été 2004.
« La radio-vérité — La radio du vrai monde », printemps 2005.
« Monstres, artistes, capitalistes… même combat ? », été 2006.
« De pire empire ! », hiver 2008.
« Sang d’encre » et « Changer le monde un mot à la fois », automne 2008.
« Enquête sur le polar (1). — L’épidémie polar », hiver 2009.
« Enquête sur le polar (2). — Le polar à l’ère du soupçon »
« Les Cathédrales de la mort », printemps 2009.
Divers articles fournis par l’auteur et en attente de publication.
12 • lettres québécoises • automne 2010
Littérature québécoise en France
JEAN-FRANÇOIS CARON
dossier
Littérature québécoise
en France :
un flirt infini
Entre la France et le Québec littéraires se joue le jeu d’une
relation de charme, un flirt qui dure depuis les balbutiements
de la littérature canadienne-française. Toujours en mode
séduction, la littérature québécoise cherche à se faire une
place au cœur même du territoire français. Attendra-t-elle
longtemps encore une réponse favorable du marché de
l’Hexagone ? Ira-t-elle voir ailleurs ?
etit retour sur l’histoire d’un flirt qui dure depuis toujours, et analyse de
l’état de cette relation encore aujourd’hui presque univoque, qui fait
acheter beaucoup de livres français au Québec, mais très peu de livres
québécois en France…
P
L E S P R E M I È R E S PA G E S
« Si nous parlions huron
ou iroquois, les travaux de
nos écrivains attireraient
l’attention du vieux
monde. »
Les premiers livres dits canadiens auxquels ont été exposés les lecteurs français avaient en fait été écrits par des
Français émigrés sur le nouveau continent. C’est le cas
d’Henri-Émile Chevalier, exilé forcé par Napoléon III
après le coup d’État de 1852, qui séjourna près de dix
ans à Montréal. Ce n’est qu’à son retour sur le sol de sa
patrie, en 1860, qu’il a publié une série de titres trouvant
leur décor dans les grands espaces du Nord canadien — dont Les Pieds-noirs,
qu’on l’accusera d’avoir plagié de Trappers of Hudson’s Bay, de Robinson.
L’intérêt du lecteur français se situe alors plutôt dans l’exotisme, ce à quoi ne
semblent pas pouvoir répondre les œuvres singées par des auteurs canadiens. Le
libraire et poète exilé en France, Octave Crémazie, déçu du statut accordé à la littérature québécoise en France, le dénoncera dans un débat épistolaire engagé
avec l’abbé Henri-Raymond Casgrain : « Si nous parlions huron ou iroquois, les
travaux de nos écrivains attireraient l’attention du vieux monde. » Ce à quoi
l’abbé Casgrain s’opposera, dans l’espoir qu’on reconnaisse une littérature canadienne-française indigène, originale. Une littérature nationale propre.
Casgrain n'aura pas gain de cause, car les Français retiendront surtout de ces
années le travail du Français Louis Hémon, dont l’expérience canadienne se
résume à un séjour de six mois à Péribonka, un petit village situé au nord du lac
Saint-Jean. Maria Chapdelaine, d’abord paru sous la forme d’un feuilleton publié
dans Le Temps, n’aura finalement été édité que de façon posthume, par Grasset.
D’autres livres seront ainsi publiés par des auteurs français venus séjourner
plus ou moins longuement sur nos quelques arpents de neige, dont Maurice
Constantin-Weyer, qui remportera le Goncourt en 1928 pour Un homme se
penche sur son passé, un roman d’aventures traitant de la vie dans l’Ouest canadien où il a séjourné entre 1904 et 1914.
Ce n’est qu’après la Première Guerre mondiale que le premier livre d’un auteur
véritablement canadien sera enfin édité en France: signé Robert de Roquebrune,
Les Habits rouges paraissait aux Éditions Monde Nouveau en 1923. Après lui,
viendront entre autres Les Engagés du Grand Portage de Léo-Paul Desrosiers, La
G A B R I E L L E R OY
Robe noire, de l’écrivain et journaliste baieriverain
Damase Potvin, puis Trente arpents (Ringuet) et Le
Survenant (Germaine Guèvremont).
Avant les années cinquante, la ligne éditoriale des maisons françaises privilégiera les secondes éditions, présupposant une similitude de goûts entre les lectorats canadien et français. Ainsi,
Flammarion reprendra Bonheur d’occasion de Gabrielle Roy deux ans après sa
parution en 1945 aux Éditions Pascal. Or, on prendra rapidement conscience que
les goûts français ne se calquent pas souvent sur ce qui allume les lecteurs de
l’Amérique française. Ainsi, la publication de Poussière sur la ville, d’André
Langevin, aura des résultats fort décevants lors de sa reprise sur le marché
français.
Devant l’évidente différence qui se dessinera entre les intérêts et les préoccupations des lecteurs des deux continents, les éditeurs français, pour la plupart,
tourneront la page sur les secondes éditions et prendront goût au risque, apprenant à mieux connaître le lecteur français type. On verra alors la publication,
entre autres, des Chambres de bois d’Anne Hébert et du Fou de l’île de Félix
Leclerc.
Toutefois, tous les éditeurs ne cesseront pas de rééditer des œuvres déjà parues
chez nous. Alors que Flammarion n’avait pas trouvé le succès escompté en proposant en deuxième édition les œuvres de Marie-Claire Blais, Grasset reprendra
habilement le flambeau, en commençant par Une saison dans la vie d’Emmanuel.
Alors que seulement 500 exemplaires du livre avaient trouvé preneur auprès des
Canadiens français, le roman de Blais devait remporter un plus grand succès en
France, allant jusqu’à être sélectionné pour le prix Femina, puis à remporter le
Médicis. « Ça ne changera pas l’esprit de mes œuvres, mais c’est très important
pour le cœur… », affirmera l’auteure à un journaliste de Radio-Canada après
avoir appris la nouvelle. C’était en 1968.
Le flair de Gallimard, de Flammarion et du Seuil, qui se risqueront dans la
publication d’inédits, permettra ensuite à plusieurs titres de trouver le succès,
lettres québécoises • automne 2010 •
13
Littérature québécoise en France
JEAN-FRANÇOIS CARON
dossier
qu’on pense à Salut Galarneau! de Jacques Godbout, ou encore à Kamouraska et
Les Fous de Bassan d’Anne Hébert, ainsi qu’à L’avalée des avalés de Réjean
Ducharme qui a ensuite connu un succès critique important.
Plus que jamais, les sensibilités des lectorats canadien et français s’éloignent. Un
état de fait qui s’avère encore le plus souvent aujourd’hui, malgré de rares succès se vérifiant des deux côtés de l’Atlantique – dont le phénomène de L’énigme
du retour, de Dany Laferrière, pour pointer l’évidence. De même, dans le créneau
de la littérature populaire, certains auteurs ont connu de très bons succès, entre
autres, Arlette Cousture et Marie Laberge. Et que dire de l’accueil accordé à la
série des Chevaliers d’Émeraude, d’Anne Robillard, qui s’est vendue à plus de un
million d’exemplaires… Des réussites ponctuelles qui montrent que la chose est
possible, mais toujours exceptionnelle.
LA VITRINE D’UNE LIBRAIRIE
Bien en selle à la Librairie du Québec à Paris (LQP) qu’elle dirige depuis 1999,
Isabelle Gagnon est aux premières loges pour évaluer la situation actuelle de la
littérature québécoise sur le territoire français. Fondée en 1995, la LQP est
aujourd’hui propriété de Hervé Foulon (Groupe Hurtubise), transaction qui a eu
lieu au détour du millénaire et qui aura permis au projet de survivre. Pas facile
de se faire une place sur le marché du livre parisien: le projet aurait pu se solder
par un échec.
Quand la librairie a été rachetée, il y avait beaucoup de dettes. On a
réussi à remonter la pente. Aujourd’hui, on est une librairie en santé,
mais c’est toujours assez fragile, le milieu du livre. C’est toujours compliqué.
Chaque semaine, la librairie reçoit un nouvel arrivage de volumes, qui doit traverser l’océan ballotté par la houle, dans la cale d’un navire, le transport aérien
étant devenu trop coûteux au cours des dernières années — situation attribuable entre autres à la crise économique qui a secoué le monde et qui touche
encore durement l’Europe.
ANNE HÉBERT
Même spécialisée dans la vente, la LQP ne se contente pas de simplement vendre
des produits culturels québécois. Elle a aussi pour objectif de faire vivre la littérature outre-mer. Elle est d’ailleurs subventionnée de l’ordre de 75000 $ par la
SODEC et le ministère des Relations internationales pour tenir des lancements
en sol français et pour alimenter sa vitrine Web (www.librairieduquebec.fr).
LES EMBÛCHES
Isabelle Gagnon n’entretient pas d’illusions quant aux possibilités, pour les éditeurs québécois, de se faire remarquer sur le marché français :
La France est un pays de livres. La littérature a une place très importante, ici. Il y a toujours eu beaucoup de livres publiés. Même pour
des petites maisons d’édition françaises qui sont en province, c’est
extrêmement difficile de se faire une place. C’est une question de taille,
mais surtout, de moyens. Pour vendre des livres en France, il faut en
faire la promotion, et pour la faire, ça coûte très, très cher. Au point où
les éditeurs québécois n’ont pas les moyens de se le payer.
Conséquence de ce déséquilibre des forces, on note une tendance lourde chez nos
éditeurs qui consiste à céder leurs droits sur les œuvres de leurs auteurs plutôt
que de tenter d’en assumer eux-mêmes l’édition européenne. Ce qui serait loin
de nuire aux auteurs, selon Gagnon :
L’auteur qui est rendu chez Denoël ou chez Grasset passe dans la grosse
machine, et du coup, il a droit à une bonne promotion de son œuvre.
ISABELLE GAGNON
14 • lettres québécoises • automne 2010
Si les efforts de promotion sont nécessaires pour faire connaître des œuvres littéraires en France, ce serait un impératif encore plus incontournable pour les
éditeurs québécois. Le marché français étant inondé par les œuvres produites à
Littérature québécoise en France
JEAN-FRANÇOIS CARON
dossier
Québec Édition trouve principalement son financement auprès du Conseil des
Arts du Canada, de la SODEC et de l’Association pour l’exportation du livre canadien, devenue depuis peu Livres Canada Books (www.livrescanadabooks.com)
dans le but avoué d’améliorer son référencement afin de faciliter son repérage sur
la Toile, question d’offrir aux éditeurs canadiens et à leurs auteurs une plus
grande place sur les marchés internationaux.
UN RÊVE RENAÎT
On voit se dessiner de bonnes nouvelles pour les institutions littéraires qui ont
déjà pignon sur rue à Paris. Le rêve d’une Maison Québec-Europe, suspendu en
2003 pour des raisons budgétaires par le gouvernement de Jean Charest, a refait
surface à l’automne 2009. Le projet impliquerait d’abord le déménagement de la
Bibliothèque Gaston-Miron à Paris, située dans les bureaux de la Délégation
générale du Québec à Paris et gérée depuis 2008 conjointement par Bibliothèque
et Archives nationales du Québec et le ministère des Relations internationales du
Québec, qui trouverait un milieu plus adéquat dans un local qu’elle partagerait
avec la Librairie du Québec à Paris.
GASTON MIRON
l’intérieur de ses frontières — plus de 600 nouveautés ont frappé au portillon
des libraires français et se sont empilées au coin des bureaux des journalistes
l’automne dernier —, mériter la reconnaissance du milieu devient particulièrement hasardeux.
En France, pour vendre des livres, il faut passer par les médias… Mais
on va privilégier les Français avant les Québécois, ce qui est un peu
logique. Les journalistes en France n’auront pas très envie de parler
d’une petite maison d’édition qu’ils ne connaissent pas et qui vient du
Québec.
LENTEMENT MAIS SÛREMENT
Outre la Librairie du Québec à Paris, principale porte d’entrée en France pour le
livre québécois, peu d’organismes permettent une mise en marché du livre
québécois. On voit bien quelques éditeurs qui ont développé leurs propres partenariats de distribution – qu’on pense à Boréal et Guy Saint-Jean éditeur, distribués par Volumen, ainsi qu’au Groupe Librex, qui se fraie un chemin avec
Interforum. Mais le phénomène est plutôt marginal.
Distribution du Nouveau Monde (DNM), très intimement liée à la Librairie du
Québec, répond aux besoins des bibliothèques de l’Europe qui lui font occasionnellement la commande de livres québécois. DNM assure aussi une présence pour les livres québécois dans différents salons du livre régionaux
français.
On note également une initiative de l’Association nationale des éditeurs de
livres du Québec (ANEL), Québec Édition (QÉ), dont l’objectif est de soutenir les
activités d’exportation des éditeurs. Ce comité de l’ANEL se présente dans les
foires et les salons du livre non seulement en Europe (la Foire du livre de
Francfort, le Salon du livre de Paris, la Foire du livre jeunesse de Bologne, le
Salon de Montreuil, etc.), mais aussi en divers pays ailleurs dans le monde (le
Salon international du livre et de l’édition de Casablanca, la Foire internationale
du livre de Guadalajara, etc.).
Ce mariage pourrait offrir une vitrine exceptionnelle à la littérature québécoise
en France: au même endroit se trouveraient le fonds documentaire québécois le
plus riche à l’étranger, celui de la Bibliothèque Gaston-Miron, qui contient
quelque 17 000 livres, 20 000 documents numérisés et 200 périodiques et l’important fonds de la Librairie du Québec à Paris, qui propose de son côté près de
12000 titres aux Français québécophiles, ainsi que des revues et des CD. Une collection qui alimente la fierté de la directrice de la LQP : « Au Québec, il n’y a pas
beaucoup de libraires qui ont autant de livres québécois que nous. On essaie
vraiment d’offrir le plus de titres possible. » Isabelle Gagnon n’a toutefois pas
voulu commenter le projet d’unification des deux organismes prétextant que,
« pour l’instant », elle n’avait « aucune information à communiquer à propos
de ce projet de déménagement ».
PERCÉES ET PERCEPTIONS
On prend souvent un raccourci en affirmant que les auteurs québécois des
années soixante ont voulu publier en France pour obtenir une plus grande crédibilité. Dans bien des cas, c’est effectivement ce qui leur est arrivé : les auteurs
sont revenus chez eux auréolés de succès, traînant dans leur petit bagage la
reconnaissance du lectorat français. Mais affirmer que c’était leur objectif, c’est
un peu court – rappelons que Marie-Claire Blais avait d’abord publié Une saison
dans la vie d’Emmanuel au Québec (il s’était alors vendu à environ 500 exemplaires) avant de tenter le coup chez nos cousins, où il était destiné à remporter
le prix Médicis. On oublie aussi qu’un certain Réjean Ducharme avait d’abord
tenté sa chance chez un éditeur québécois, qui avait refusé son manuscrit, avant
de voir L’Avalée des avalés publié chez Gallimard.
Ainsi, la crédibilité apportée aux auteurs québécois après la Révolution tranquille grâce à leur publication en sol français n’était pas nécessairement l’objectif
visé par leur démarche, mais plutôt le résultat d’un processus beaucoup plus
complexe. On ne peut toutefois pas reprocher aux auteurs de se montrer intéressés par le marché français, beaucoup plus vaste que le québécois. Or, l’écart
qui s’est accentué avec le temps entre les lectorats français et québécois ne leur
facilite pas la tâche. Malgré une langue et des racines communes, il s’agit de deux
mondes en de nombreux points différents.
U N P O N T S U R L’ AT L A N T I Q U E
Parmi les initiatives qui réussissent à faire le pont au-dessus de l’Atlantique, on
remarque de plus en plus le prix France-Québec, créé par l’Association FranceQuébec lors de son trentième anniversaire, en 1998. Trois œuvres publiées par
un éditeur québécois sont présélectionnées par un jury, puis proposées aux
lettres québécoises • automne 2010 •
15
dossier
Littérature québécoise en France
JEAN-FRANÇOIS CARON
LE FREIN DE LA LANGUE ?
Le sentiment populaire veut que le Québec et la France soient séparés par la gravité d’un accent. Certains en sont venus à croire que les difficultés vécues par nos
auteurs dans leur quête d’une reconnaissance sur le marché de l’Hexagone
pourraient être liées à des questions de langue. Pourtant, il semble que ce ne soit
pas souvent un facteur déterminant.
Marie-Christine Bernard explique :
Les gens que j’ai rencontrés [pendant ma tournée en France] avaient
été séduits par la langue de mon roman. Je pense que les lecteurs français apprécient une langue qui est propre à son auteur, point. Parce que,
si ma langue n’est pas joualisante, elle est tout de même fortement
agrémentée d’expressions locales, de tournures bien québécoises et de
certains « aménagements » qui me sont personnels.
Selon Isabelle Gagnon, l’hypothèse selon laquelle la langue pourrait être un
frein n’est pas concluante :
Il y a des auteurs qui ont réussi, je pense entre autres à Jean-François
Beauchemin, avec Le jour des corneilles, qui avait bien marché ici il y
a quelques années. Mais c’est sûr qu’il faut que ça touche l’universel, il
faut que ça sorte… Les jeunes auteurs au Québec le font de plus en
plus. C’est beaucoup moins fermé.
La lauréate du prix France-Québec abonde dans le même sens :
MARIE-CHRISTINE BERNARD
membres d’une soixantaine d’associations régionales regroupant près de 5 000
individus. Ce sont ces derniers qui ont pour mandat de désigner le lauréat.
Pour Marie-Christine Bernard, lauréate du prix France-Québec en 2009 pour son
roman intitulé Mademoiselle Personne (Éd. Hurtubise), c’est la perception même
que les gens entretiennent des auteurs et de la littérature qui est différente entre
le Québec et la France.
Sortis du besoin de nous définir et de nous reconnaître, nous abordons
des sujets qui touchent plus à l’universel, justement. Mais il ne faut
pas oublier que les Européens, incidemment les Français, s’ouvrent
eux aussi de plus en plus aux autres cultures francophones.
Cette tension vers l’universalité se vérifie non seulement dans le propos des
œuvres, mais aussi dans les objectifs des auteurs québécois : la France n’est
Tout juste arrivée d’une tournée où elle a arpenté différentes régions de la
France, traversant 2 300 kilomètres en 18 jours avant de recevoir son prix au
Salon du livre de Paris des mains de Patrick Poivre d’Arvor, elle se montrait étonnée de cette importante différence :
Le voyage en France m’a donné une autre perspective là-dessus. Être
écrivain y est considéré comme une vraie profession. Ce n’est pas qu’un
beau passe-temps. Je ne sais pas si c’est notre vieux complexe d’infériorité qui se joue dans cette méfiance envers les intellectuels, mais
quand tu dis que tu écris des livres, au Québec, on te demande ce qu’est
ton vrai métier…
Puisque de plus en plus d’auteurs voient leur œuvre publiée par des éditeurs
français plutôt que d’être importée sous l’étiquette québécoise, la France considère de moins en moins notre littérature comme étant étrangère. Dans le milieu,
la québécitude n’est plus un avantage, guère plus un inconvénient. Ce sont les
qualités intrinsèques d’une œuvre qui suscitent l’intérêt, le travail stylistique de
l’auteur qui importe.
Le plus souvent, les origines de l’auteur ne sont même plus mentionnées, ou
alors elles ne sont pas mises de l’avant dans les stratégies de promotion. Il faut
dire que le Québec n’est plus aussi exotique qu’il l’a déjà semblé pour les
Français.
GILLES PELLERIN
16 • lettres québécoises • automne 2010
Littérature québécoise en France
JEAN-FRANÇOIS CARON
plus toujours la première cible. Cette ouverture du Québec vers de nouveaux
marchés aura pris du temps, conséquence qu’on pourrait attribuer à son histoire.
Selon le nouvelliste Gilles Pellerin, qui a créé la maison d’édition L’instant même
et qui milite pour une décentralisation de la francophonie et le respect des particularismes régionaux, le marché international du livre a conservé des traces
évidentes d’un passé impérial :
On a un grand problème, par rapport aux pays qui ont eu des empires,
comme la Belgique, mais surtout la France en l’occurrence, qui contrôle
la quasi-totalité de l’édition franco-européenne. Ils ont de vieux
réseaux qui permettent de distribuer des livres à Tunis, à Dakar ou à
Pointe-à-Pitre… Ça fait partie de routes commerciales qui existent
depuis des siècles. Au Québec, quand on veut qu’un livre se rende
Pointe-à-Pitre, à moins de conclure une entente de gré à gré, la situation risque de nous amener à faire partir nos livres de Montréal, les
envoyer à Paris, et les faire revenir en Amérique. Alors, ils sont non
concurrentiels sur le plan économique dans les zones visées. On est un
peu paralysés.
À ce sujet, Pellerin voit d’un bon œil les initiatives visant l’édition numérique,
qui pourrait permettre de décloisonner les marchés :
Avec les possibilités offertes par l’édition numérique, c’est le temps de
dire [aux universités de l’étranger] que si vous n’avez jamais eu l’occasion, pour des questions économiques ou des questions d’exportation,
de mettre des livres québécois au programme, il y a de nombreuses plateformes électroniques qui vous permettraient maintenant d’avoir
accès à tous ces livres-là.
Triptyque
NOUVEAUTÉS
dossier
UNE PLUS GRANDE OUVERTURE
Au cours d’une entrevue accordée au journaliste français Patrick Poivre d’Arvor
dans le cadre d’un documentaire diffusé sur la chaîne culturelle Arte en septembre dernier, Dany Laferrière refusait de se faire attacher à un territoire. « Je
viens du pays de mon lecteur. Si mon lecteur est japonais, je deviens japonais »,
affirmait-il alors.
Cette préoccupation pour une littérature plus universelle est de plus en plus
répandue chez les auteurs québécois. « Les jeunes auteurs au Québec le font de
plus en plus, affirme Isabelle Gagnon, qui reste à l’affût des dernières nouveautés. C’est beaucoup moins fermé… Les romans du terroir, il n’y en a plus. » Du
terroir à la question nationale, puis vers l’ailleurs, la littérature québécoise s’épanouit en visant au cœur même de l’humanité.
Un autre phénomène s’observe: on veut que la portée du livre soit plus vaste.
Publier en France? Peut-être. Mais ce qu’on vise, c’est le monde. De plus en plus,
les jeunes auteurs se mettent à espérer que leurs livres soient traduits plutôt que
seulement exportés dans leur forme originale. Une éventualité qui se réalise pour
certains, à leur plus grand plaisir – par exemple, la récente traduction italienne de
Zombi blues, de Stanley Péan, fort satisfait de cette aventure. «Quelle étrange sensation que de tenir ce livre que j’ai écrit dans une autre vie ou presque… et de ne
pas pouvoir vraiment en lire le texte!» avouait-il sur son blogue (www.stanleypean.com) en arrivant à Milan, où l’on venait de le lui remettre.
Ainsi, non seulement la littérature québécoise elle-même tend à être plus universelle dans ses thèmes et ses préoccupations, mais elle cherche à se faire
connaître aussi plus largement de par le monde. Demain, la France. Aprèsdemain, la planète.
HIVER
2010
www.triptyque.qc.ca
tél. : 514.597.1666
PATRICK DOUCET
L UCIE J OUBERT
J ANIS L OCAS
CAMILLE A LLAIRE
Foucault et les extraterrestres
L’envers du landau
La maudite québécoise
Celle qui manque
essai, 105 p., 18 $
roman, 215 p., 22 $
nouvelles, 96 p., 18 $
roman, 104 p., 18 $
lettres québécoises • automne 2010 •
17
18 • lettres québécoises • automne 2010
roman
ANDRÉ BROCHU
IIII
Louis-Philippe Hébert, Buddha Airlines ou Comment je suis devenu un surhomme,
Montréal, Les Herbes rouges, 2009, 234 p., 18,95 $.
La vie comme
un manga
Essayons d’imaginer la vie différemment, c’est-à-dire accordée au siècle nouveau et au formidable imaginaire qui le
sous-tend.
est ce que fait Louis-Philippe Hébert dans son dernier livre. On sait
que l’auteur, qui a fondé jadis les Éditions Logiques et la première
maison d’édition de logiciels, a cessé de publier des ouvrages de littérature pendant plus de vingt-cinq ans. Or, il occupe de nouveau la scène de
l’écriture, multipliant depuis trois ans les recueils de poésie et de nouvelles, voire
les romans. Et Buddha Airlines montre que sa plume n’a rien perdu de son alacrité.
C’
plat. François le scandalise avec les histoires qu’il lui raconte. Et puis la mère, évidemment, qui fait de l’œil aux hommes depuis toujours. Elle se laissera facilement circonvenir par le mari de sa sœur. Et le père, avocat qui défend les érotomanes et qui l’est lui-même. Il meurt dans des circonstances troubles. On peut
ajouter le grand-père, qui gratifie François de relations cordiales et un peu plus.
Et puis le copain, O’Keefe, destinataire du récit de François et indéfectible ami
après avoir été quelque peu son tortionnaire. Enfin, un moine bouddhiste fort
énigmatique croisé à bord de l’avion qui ramène l’ado de New York après l’opération.
HISTOIRE D’HISTOIRES
François est un formidable inventeur d’histoires, qu’il se propose de mettre un
jour en bd (mangas) et qui exaltent ses pouvoirs très étendus. Car il est un surhomme, au moins en devenir, et il survit on ne peut mieux à l’écrasement de son
avion, de retour de New York. La fiction corrige allègrement la réalité, même si
celle-ci est d’emblée décrite avec un sens de l’observation réjouissant. Et dans un
style qui fait mouche à tout coup, tout en prenant appui sur une langue québécoise (standard?) passablement décontractée.
Le tout n’est pas qu’amusant, il nous projette dans un monde dont les valeurs
obéissent à une logique nouvelle. À cet égard, ce roman très réussi aide le lecteur
à se poser des questions inédites.
UN SURHOMME ET SES PROCHES
François Brodeur est un ado de notre
temps. Il a quatorze ans et sa vision des
êtres est on ne peut plus décapante. Le
mot d’ailleurs peut s’appliquer à l’action
très simple autour de laquelle s’organise
l’intrigue : affligé d’une propension
remarquable à l’éjaculation, il est escorté
par son beau-père vers une clinique new-
III 1/2
Michel Tremblay, La traversée des sentiments, Montréal,
Leméac/Actes Sud, 2009, 256 p., 25,95 $.
Le vide
délectable
En fin de cycle, Michel Tremblay se détend sous l’aile de la
nature — et nous plonge dans l’harmonieuse unité de tout.
e s d eu x pre m i e rs
romans de La diaspora des Desrosiers
nous proposaient des traversées bien concrètes, l’une du
pays, le Canada, qui se prête
aux diasporas en raison des
vastes espaces qui favorisent
l’essaimage des peuples, et
l’autre de la ville, Montréal, où
les cultures se côtoient sans se
confondre. Rhéauna, dite
Nana, qui deviendra la Grosse
Femme des Chroniques du
Plateau Mont-Royal, est une
toute jeune fille qui assume
plus ou moins le centre de la
narration, encore que sa mère,
M I C H E L T R E M B L AY
Maria, lui dispute cette position. Et puis, des personnages secondaires comme les sœurs de Maria, Titite et
Teena, tiennent beaucoup de place dans cette chronique. En fin de compte, le
L
yorkaise où un médecin juif va
le circoncire. Sur la base de
cette donnée narrative, un univers baroque prend forme. Le
roman est fait surtout de l’évocation de figures étonnantes,
dessinées à petits traits aigus
dans une lente résolution
d’énigme. La réalité se précise
LOUIS-PHILIPPE HÉBERT
peu à peu, de sorte que le code
herméneutique (dirait Roland
Barthes) l’emporte sur celui des actions. J’en ai déjà fait grief à Christian Mistral
(Léon, Coco et Mulligan), mais il s’agit peut-être d’une nouvelle et légitime tendance du roman…
Qui sont ces personnages? Le beau-père surtout, qui était d’abord l’oncle et qui
a vite conquis sa belle-sœur devenue veuve. Un homme relativement distingué et
lettres québécoises • automne 2010 •
19
roman
ANDRÉ BROCHU
centrement du roman traditionnel disparaît au
profit d’une co-présence de nombreux personnages, comme c’était d’ailleurs le cas dans La
grosse femme d’à côté est enceinte.
L’ É C L I P S E D E S C O N F L I T S
une plage de réconciliation absolue lorsque tout ce beau monde se retrouve en
vacances à Duhamel, en pleine nature, loin des tracas de la ville. Voilà un paradis
d’autant plus authentique qu’il est fait des choses quotidiennes, et qu’on s’y
révèle dans sa plus simple expression — par exemple, Simon, le mari de la cousine Rose qui accueille les citadins, se baigne nu pendant l’orage et apporte, à
Rhéauna, la révélation de la sexualité.
Cette chimie des personnages, qui tend à les
amalgamer, se manifeste symboliquement par
les noms redondants (j’en ai parlé déjà à propos
de La traversée de la ville): ici, on apprend que le
vrai nom de Teena est Ernestine et que le nom
de son frère aîné est Ernest, de même que celui
de son enfant illégitime. Quant à Titite, son vrai
nom est Reona, nom anglais, dont Maria a tiré
pour sa fille le nom français de Rhéauna. Et leur
cousine s’appelle Rose Desrosiers, du nom de la
sœur aînée de sa mère !… Curieusement, la diversité propre à l’univers de
Tremblay tend à se résoudre en une forte unité.
BONJOUR LES TRICOTEUSES
On comprend alors que La traversée des sentiments, après avoir fait état des éternels conflits familiaux (entre Maria et ses sœurs, Rhéauna et sa mère), ménage
Il n’importe: Tremblay est attachant, aussi bien dans le réalisme lumineux de ses
derniers romans que dans la fantaisiste exubérance des premiers.
III 1/2
d’ingéniosité mais mettait à rude épreuve la capacité de compréhension du lecteur.
Le deuxième Lascaux est beaucoup plus accessible, même s’il n’est pas dépourvu
de profondeur. Au lieu de combiner plusieurs genres littéraires (poésie, récit,
essai, théâtre…), l’auteur s’en tient au roman ou, si l’on préfère, à
l’autofiction, qui mêle véridiction et invention.
Normand de Bellefeuille, Un poker à Lascaux,
Montréal, Québec Amérique, 2010, 200 p., 19,95 $.
Retour
à la grotte
Il y a toujours une part de jeu dans les textes
de Normand de Bellefeuille. Mais voici que,
dans Un poker à Lascaux, le jeu s’humanise et
devient à la fois drôle et tragique.
e jeu suppose toujours la répétition, qui enlève à la
séquence produite son caractère naturel. On ne naît
pas, ni ne meurt deux fois, on
existe de façon constamment nouvelle.
Mais jouer aux cartes (au poker…)
implique des procédures inlassablement
répétées. Les quatre héroïnes du livre
s’entendent fort bien à cette occupation.
L
D ’ U N L A S C A U X L’ A U T R E
Au fait, on aimerait un peu plus d’action… Et l’on s’étonne que Tremblay ressuscite
les Tricoteuses et Josaphat-le-violon, dans un contexte très réaliste qui jure avec la
«magie» de ces figures fantasmagoriques. Sans doute s’agit-il de renforcer encore
l’unité d’une œuvre très étendue. On trouve aussi que Rhéauna-Nana est bien loin,
physiquement et psychologiquement, de la Grosse Femme qu’elle deviendra plus
tard (dans sa vie) ou qu’elle était plus tôt (dans l’œuvre).
Quatre femmes, c’est-à-dire la mère, les tantes et la grand-mère du
narrateur (Simon de Bellefeuille…), s’éprennent violemment et de
façon durable de cette grotte remarquable, Lascaux, qui devient la
référence majeure de leurs échanges. La chose étonne car ces
femmes proviennent d’un milieu très populaire, ce qui se traduit
par leur langage qui est du sous-Tremblay («Ca veut jusse dire
qu’le trafic est jammé, c’pourtant pas compliqué à catcher…»,
p. 14)! «Investir à ce point l’histoire et le territoire, même imaginaire, de Lascaux», pour ces femmes, revient à «retrouver [leur]
fierté et [leur] dignité» (p.81-82), même si elles restent attachées
à leur coutumière façon de vivre. En somme, elles découvrent
quelque chose comme cette mythique caverne de Platon, emblème
de la condition faite aux humains.
U N R O M A N FA M I L I A L
L’histoire de la fréquentation in absentia (la caverne étant fermée aux
visiteurs) que font ces femmes rejoint tout un ensemble d’épisodes vécus
par le narrateur, lequel participe pleinement au culte familial.
Malgré l’homogénéité du livre qui s’en tient au genre narratif, une
grande liberté préside à la présentation chronologique des différents
événements. On se promène d’évocations puisées dans l’enfance du
narrateur jusqu’à des épisodes très récents, en particulier ceux qui
concernent la maladie et la mort de Raphaëlle, la femme de sa vie. Les
scènes se succèdent de façon inopinée, comme si l’existence était un
espace aléatoire, parcourable à volonté. L’humour et l’émotion de Simon,
sa lucidité aiguë aussi face aux choses de la vie et de la culture, mènent
le jeu et rachètent le quotidien trivial, tout comme Lascaux rachète ces
pauvres, ces chères dames de leur petit enfer linguistique et social.
Malgré la mort, qui est au bout.
Dans Un poker à Lascaux, il y a d’abord la
reprise étonnante de Lascaux, du même
auteur, paru 25 ans plus tôt — voilà pour
le jeu. Les éléments narratifs sont substantiellement les mêmes, mais leur traitement est fort différent. Issue du formalisme, l’écriture du premier livre
procédait d’un ludisme fort intellectuel,
qui comportait beaucoup d’invention et
20 • lettres québécoises • automne 2010
C’est dire que si traversée des sentiments il y a, c’est sous forme de rapide survol,
même si Maria aboutit à l’énergique conclusion qu’elle doit rapatrier ses deux
enfants laissés en Saskatchewan sous la garde de ses vieux parents.
NORMAND DE BELLEFEUILLE
HUGUES CORRIVEAU
présentation
Jean-François Caron, Nos échoueries, Saint-Fulgence,
La Peuplade, 2010, 154 p., 19,95 $.
Retour au
pays natal
Voyager à rebours réserve parfois de bien étranges surprises. Au fil de la route qui nous guide vers le lieu d’origine,
on fait des rencontres et, une fois arrivé, on y retrouve des
traces rebelles comme on se perd autant qu’on ramène à soi
des pans du passé.
est une question de senti» (p. 19), écrit le narrateur quand
il s’agit de s’expliquer à lui-même, après la mort de ses
parents, son désir de revoir Sainte-Euphrasie, lieu de sa
naissance. Roman d’une pérégrination et d’un ancrage momentané, roman
du désir de lire le palimpseste du passé, roman d’une rencontre troublante
avec une fille du voyage. Tout à la fois réconciliation et déception, le pèlerinage met en jeu des sentiments toujours exacerbés, mais curieusement
éteints, dirait-on, comme si le village lui-même portait son poids d’inertie
sur les désirs eux-mêmes.
«C’
R E N C O N T R E FO RT U I T E
Une jeune femme fait de l’auto-stop. Le narrateur ne peut résister à interrompre sa course, au moment où «elle [lève] le pouce en fixant l’horizon, le
regard en crémation dans le four du ciel» (p. 18). On pourrait dire que ce
geste sera irrémédiable, source d’infinis questionnements et de remises en
question. Là où tranquillement le fil de la route se déroulait, voici qu’il s’interrompt
dans l’évidence stupéfiante d’un corps, d’une pensée, d’une féminité expressive.
Mais le roman est écrit pour une autre femme, pour l’abandonnée, et le narrateur
s’adresse à ce toi, à ce tu toujours présent en lui, déchirement vivace et tragique. Ne
vient-il pas de rompre avec sa bien-aimée? Lui qui ne pensait qu’à sa Marie,
échouée dans le Nord, Marie. Marie qui gravite autour du néant. Qu[’il]
avai[t] abandonnée aux marées. Marie qui ballotte, à gauche, à droite,
sous la pluie, accrochée à [son] cadre de porte qui flotte. Marie en
orage, Marie grêle, en bourrasque. Marie en trombe, qui s’élève, doigt de
mer accusant le ciel, remontrant. Répétant à tout vent. Tu n’aurais pas
dû partir. Pas sans moi. (p. 21)
Comment peut-il s’intéresser à cette autre femme inattendue, si libre, qui va où
le vent mène? Même s’il affirme «Il n’y a pas de naphtaline dans les tiroirs de ma
mémoire » (p. 29), le narrateur ne peut s’empêcher d’en faire surgir, bribe par
bribe, en un mélange lié au romantisme le plus franc, des instants de joie comme
de tristesse, balancé qu’il est entre une fidélité immanente et un désir concret.
Car celle qu’on surnommera la Farouche ne le laisse aucunement indifférent, dès
lors même qu’elle est montée à bord de la voiture ; et il s’en étonne, lui qui n’a
« pas respiré une femme depuis ce jour où [s] on départ a dégagé cette odeur
âcre de la quittance » (p. 80).
MAISON DU PÈRE ET DE LA MÈRE
Il emménage dans la maison abandonnée de son enfance. Il y séjournera de
façon précaire, à l’avenant, dans un sentiment bancal d’appartenance et de
JEAN-FRANÇOIS CARON
dépossession. Vient alors la faune du village,
vieux et jeunes, surtout ceux et celles du foyer
pour vieillards d’en face, ou ceux de l’hôtel. Ils
arrivent de partout, cohorte plus ou moins maléfique : c’est André, c’est Yves-Marie, c’est Pierre
Saint-Pierre ou sœur Marie-Madeleine-desEaux-Vives. Troublé qu’il est par des rêves ou
des cauchemars, comme ce jour où il avoue :
« Alors cette nuit, je fais un détour jusqu’à notre
lit parce que c’est comme si tu m’y avais amené. Comme si tu m’avais sorti des
remous du vide. Comme si tu m’avais dit que tu n’existais que pour me combler.
J’avais le regard en déroute, l’œil glissant sur son tapis d’ébriété. » (p. 126) Ce
squatteur dans la maison d’hier ressasse le mal du départ comme de l’arrêt,
déchiré qu’il est entre des pulsions contradictoires. Ce roman approfondit, chapitre après chapitre, cette tergiversation vitale d’un homme qui ne sait plus s’il
doit avancer dans sa propre vie ou stagner de regrets, d’amertumes et de souvenirs pesants.
COUPS DU SORT
Mais voilà. En ce pays lointain où germe l’illusion d’une tranquillité à jamais
acquise, le viol et l’incendie du diable viennent tempêter à l’heure endormie. On
s’illusionne de se penser à l’abri du destin en des lieux où l’abandon même
pourrait, croit-on, faire obstacle au malheur. On n’est pas loin d’un trouble plus
secret encore, enfoui au cœur du narrateur, celui d’une peur atavique et lancinante: la femme quittée ne cesse d’être présente; la nouvelle flamme va s’abîmer
sous des mains étrangères (n’y a-t-il pas ce « bruit de métal. Cri de fillette. Qui
meurt abruptement. Bruit de métal. Cri de fillette» (p. 52) qui hante la mémoire
et l’histoire des lieux ?) ; le giron du mouroir va flamber, emportant toute image
réconciliatrice d’une fin plus paisible. Le roman de Jean-François Caron pourrait
bien se tenir tout au bord de cette métaphore-là : double empreinte des corps
jeunes et vieux, porteurs des abysses fatals. Voilà un roman qui met en scène le
questionnement d’un homme qui se demande comment vivre sans regret, qui
s’interroge devant le va-et-vient que lui impose la vie. En dernière instance, la
véritable question est celle de savoir si le narrateur pourrait recommencer, revenir en arrière, pour mieux se relancer vers d’autres illusions.
lettres québécoises • automne 2010 •
21
roman
HUGUES CORRIVEAU
IIII
Jean-François Chassay, Sous pression,
Montréal, Boréal, 2010, 232 p., 25,95 $.
La tentation
de la fin
Chronique d’un suicide annoncé, Sous pression met en scène
un personnage qui, décidé à se trucider dans les vingt-quatre
heures, met son projet en suspens afin de convier neuf de ses
amis à le convaincre de rester en vie.
ais qui rencontre-t-il, au juste,
ce scientifique de quarantesept ans, lassé de tout, de luimême au premier chef? Une cohorte de
vilains petits canards qui ne savent pas
vraiment comment se dépatouiller avec
cet olibrius mal fichu auquel ils doivent
chanter les louanges de la vie vraie. Et on
M
sommes capables, toi aussi, tu peux bien dépasser tes propres limites sentimentales, professionnelles ou personnelles.» Belles raisons de vivre que celles-là!
FA I S C O M M E M O I !
En un tour de la métropole qu’il trouve laide à faire peur, le futur mort rencontre
d’abord Diane, dynamique sportive aérobic, qui l’encourage à soigner son corps
afin que la saine mécanique de son body lui assure une salvatrice rédemption.
Vient ensuite Éric, psychologue, qui farfouille dans ses mots et dans ses œufs. «Le
maître de Hank», vétérinaire spongieux, suggère l’achat d’un chien; Françoise,
physicienne comme lui, essaie de lui prouver que l’amour ne sauve de rien ;
Robert, au Jardin botanique, ne sait qu’imaginer la génétique pour expliquer
son comportement déviant; quant au cinéaste, obsédé par les souffrances et les
frustrations catholico-nationales, il essaie de le transformer en créateur et artiste;
Stéphane, détestant l’atmosphère du lieu du rendez-vous, gueule et le met à mal,
victime de sa colère ontologique; sa belle-sœur passe proche de l’endormir sous
le rouge tonitruant des viandes et des vins; Camille, le cuisinier de talent, lui parle
de sa passion invétérée pour les couteaux, comme si un emballement pour la collection s’offrait à lui telle une panacée. Mais l’ultime leçon, il la tire de lui-même,
de l’inexorable solitude à laquelle il est refoulé. Et le dernier rêve surgit des
images du corps comestible: se retrouver émincé comme un tartare cru, sous les
couteaux de Camille, assassiné.
U LT I M E R É U S S I T E
Ce roman formidable tient le pari de parler de la mort avec humour et de la vie en
termes assez mortifères. Ce roman «monologué» s’offre comme un miroir cruel
de notre propre réalité, mélangeant savoir et inculture, compassion et égoïsme.
III
Carole Massé, L’arrivée au monde, Montréal,
VLB éditeur, 2010, 80 p., 15,95 $.
se rendra vite compte qu’entonner l’hymne à la joie de
vivre n’est pas donné à tout le
monde. Lui, il parle peu, et le
romancier le décrit au il, personnage distancié de sa propre
histoire. Ceux qui disent je, ce
sont ceux et celles qui soliloquent, jacassent sur le chemin
J E A N - F R A N Ç O I S C H A S S AY
de la fin. Ils ont été appelés,
élus en quelque sorte, pour sauver la vie de l’atrabilaire mélancolique. Les vannes
ouvertes, ils ne trouvent rien de mieux que se raconter eux-mêmes, étaler leurs
déboires, leurs échecs et leurs doutes, ils n’ont d’autre solution qu’engueuler le
pauvre décati afin de l’empêcher de passer à l’acte.
Les triplets
prisonniers
Maman partie, papa devient un
geôlier monstrueux. Une sorte de
déréliction affective le rend inapte
devant son fils et ses deux filles
qu’il garde à vue, qui survivent
malgré tout dans l’attente de l’improbable retour de la mère.
LIAISONS DANGEREUSES
Mais l’humour dans tout cela vient du fait que Chassay crée volontairement un
malaise croissant, une sorte de découragement latent qui sourd de ce que les histoires, les unes aux autres ajoutées, sont rien moins que déprimantes. Qui aurait
les amis dont le pauvre mal fichu s’entoure trouverait mille raisons de se trucider
allegro. Et le grand intérêt de ce livre fabuleux et fascinant tient à cette quête de
positivisme toujours néantisé en quelque sorte par la pléthore de déboires, de
petites faillites, de mauvaises consciences que chacun accumule. Tous et toutes
disent au pauvre bougre qu’eux, malgré tout et contre tout, vivent. La grande
leçon venant de cette déprimante évidence proposée par les appelés: «Si nous en
22 • lettres québécoises • automne 2010
ucun lieu défini, un no man’s land
aux allures de manoir lugubre. Le
père nourrit les enfants de poissons crus et les prive de tendresse. Ils vont
nus et regardent la grande porte toujours
verrouillée avec l’indéfectible espoir d’une
délivrance. Et même les enfants entre eux
semblent dépourvus de sentiments amoureux. Coques maganées. C’est la dernière-née qui écrit, qui parle de Jade et de
José. Leur vie n’est qu’une station prolongée dans la durée létale. Ils souffrent et
A
roman
HUGUES CORRIVEAU
Beau roman
que celui-là.
Intense traversée des émotions folles et
déroutantes
qui disent la
force intrinsèque de l’être
humain […].
LA CARENCE
On ne peut pas ne pas penser au Grand cahier d’Agota Kristof, impossible non
plus de ne pas évoquer La petite fille qui aimait trop les allumettes de Gaétan
Soucy: même isolement, même attrait pour la ville lointaine et anonyme, cadavre
aussi, méchanceté et désespoir. Carole Massé a bien fait de ne pas restreindre son
désir de raconter cette histoire de jumeaux mal en point, de ne pas se laisser
museler parce que d’autres auteurs avaient visité les lieux avant elle. Elle a sa
propre manière de redonner vie à la souffrance morale. Son style est ici particulièrement achevé, allant franchement du côté de la poésie en vers libres, dans les
retranchements les plus aigus de l’indicible.
DÉSARROI
couvent en silence une vengeance inéluctable contre le
père. Elle viendra. Jade ne
pourra pas fuir, gardienne des
CAROLE MASSÉ
lieux à jamais, José aimera vainement une femme qui le laissera à son irrémédiable fin, la narratrice arrive à elle-même comme dernière destination, blanc univers restreint qui la clôt et la claustre.
II
Olga Duhamel-Noyer, Destin, Montréal,
Héliotrope, 2009, 162 p., 21,95 $.
Vivre
aux dépens
des autres
Olga met Olga en scène autour
d’amours clandestines et largement
arrosées. Olga aurait, semble-t-il, un
Destin, mais bien mal nous prend d’en
chercher l’exceptionnelle volupté.
Le roman, toutes désespérées qu’en soient les conclusions, offre singulièrement
prise au sens le plus fort de la survie, au besoin de se sortir du sordide. Si la mort
du père est le prix à payer pour qu’advienne au moins un petit espoir de recommencer leur vie, les triplets iront au front pour trouver la clé des songes et de
l’ailleurs. Beau roman que celui-là. Intense traversée des émotions folles et déroutantes qui disent la force intrinsèque de l’être humain quand tenaille au cœur un
irrépressible besoin d’accomplissement, quelle qu’en soit l’issue.
L’ A R T D E L A F U G U E
Soit! L’intérêt, ou la curiosité, pour mieux dire, est soutenue!
Comment ne pas accompagner ces tergiversations sans fin,
ces déplacements d’un pays à un autre, sans garder l’œil un peu
ouvert. Mais cela ne suffit pas à mes yeux à éviter de sombrer
trop souvent dans l’exotisme de pacotille, surtout dans les restanques, surtout dans une île déserte du fleuve Saint-Laurent
en face de Montréal, surtout quand on habite un appartement
déglingué sous le pont Jacques-Cartier. Trop c’est trop, dirait
l’autre. D’autant qu’on passe d’un club de danseurs nus à
quelque club de lesbiennes, d’autant qu’on se fait faire un
enfant comme par dépit, qu’on s’amourache un peu n’importe
comment, qu’on squatte pendant des années la vie des autres.
Mais qu’y a-t-il là de si effervescent qu’on ne sache plus très
bien si on va se noyer dans de l’eau de rose ou de boudin?
ÉMOTION ADOLESCENTE
Si Olga est troublée par les femmes, c’est qu’elle fut émue par
un baiser entre deux femmes dans un film de guerre qu’elle a
vu à Canterbury, quand elle avait 13 ans, en 1983. Le cœur en
e t’attire, tu m’attires, on s’attire: éternelle
chamade, la voici tourneboulée à vie. Et Sonny arrivera dans
histoire ! Qu’on soit entre filles, entre garson existence comme l’éclair tant attendu, sorte de Rudolfo
çons ou entre couples hétérosexuels, touValentino du temps du muet qui faisait se pâmer bellâtres et
jours la même chose! Et c’est de ça que joue Olga
belles beautés. Sonny, voguant d’un saphisme soft à des amours
Duhamel-Noyer, de cette propension à ne pouvoir
masculines sans y regarder de trop près, accouchera d’Hadrien,
se passer des autres, à n’être jamais autonome en
que l’amoureuse-narratrice un peu boniche dorlotera bien un
rien, l’insuffisance des sentiments en prime. Ce faux
peu beaucoup. Et voilà. Des allers et retours entre la France et le
roman (une autofiction qui cacherait mal sa nature
Québec nous transporteront souvent à travers «les eaux glacées
véritable?) tergiverse sans cesse, hésite, mimant le
du temps» (comme le dit, en une image cucul la praline, la
dilettantisme effréné des protagonistes, soumis aux
quatrième de couverture). Bien difficile de suivre un fil quelO LG A D U H A M E L - N OY E R
attraits fugaces, et parfois tristes, des corps et des
conque en ce récit, tellement hop! on est ici! et hop! on est làsentiments qui se croisent. Et pourtant, on traverse
bas! ballottés que nous sommes d’une amourette à une pasces histoires pleines de clichés, ces «poussoirs» et repoussoirs, avec une cersion, d’un devoir à un ennui lancinant, d’une quête à un abandon. Ça pourrait être
taine fascination, parce que la faune qui s’y débat n’est pas tout à fait habituelle.
extrêmement mauvais, or, c’est tout juste assez trépidant pour soulever notre
Mais est-ce suffisant pour faire un grand livre? Oh! Que non! Et sa nomination
appétit d’en savoir un peu plus sur les souffrances et soupirs de la dame au rêve
au Prix des libraires 2010 est tout simplement stupéfiante.
de pellicule.
J
lettres québécoises • automne 2010 •
23
roman
JEAN-FRANÇOIS CRÉPEAU
III 1/2
Claude est déchiré par le témoignage
des enfants autant que par l’absence
de vie affective. Il y a bien Myriam, une
Guinéenne faisant partie de l’équipe
qui rédige les décisions des juges, qu’il
aimerait mieux connaître, mais elle est
comme un oiseau blessé, effrayé par
la présence des hommes.
Gil Courtemanche, Le monde, le lézard et moi,
Montréal, Boréal, 2009, 232 p., 22,95 $.
« Je n’ai pas
raté ma vie,
je suis passé
à côté. »
L’ A R R O S E U R A R R O S É
La cause de Kabanga arrêtée pour
«vice de forme», Claude décide de se
rendre à Bunia pourchasser le tortionnaire. My r iam l’y accompag ne
jusqu’au jour où il se laisse à nouveau
envahir par sa soif de justice qui
l’oblige à défendre celui contre qui il a
accumulé de solides preuves d’un
crime ignoble envers des enfants.
Je me souviens de Gil Courtemanche en jeune
journaliste interviewant Marcel Dubé sur la rive
du Richelieu dans un documentaire consacré au
À travers une trame narrative serrée,
dramaturge. Puis, il a été des informations téléaux péripéties et aux rebondissements
semblables à un docudrame, Gil
visées avant de se mettre à l’écriture. En 2002,
GIL COURTEMANCHE
nous entraîne dans les
Courtemanche
il y a eu un premier roman, Un dimanche à la
coulisses de l’un des organismes dont la raison d’être, la justice pour les oubliés
piscine à Kigali, où il racontait le désarroi et l’impuissance de
de la terre, est indispensable en ce XXIe siècle. Mais la Cour pénale internatous devant le génocide rwandais.
tionale de La Haye est aussi une aventure humaine et, là où il y a de l’homme, il y
est dans une atmosphère
semblable que baigne Le
monde, le lézard et moi,
roman paru à l’automne 2009. Nous y
partageons quelques mois dans la vie de
Claude Tremblay, juriste à la Cour pénale
internationale de La Haye.
C’
Qu’est-ce qui pousse un jeune Québécois
à entrer dans ce cercle d’initiés veillant
sur la justice planétaire ? Fils unique,
Claude est un adolescent modèle, un élève
brillant, un sportif performant, mais aussi
un garçon sans cesse préoccupé des
autres. Il suffira d’un professeur de
philosophie au cégep pour qu’il s’engage
dans divers mouvements sociaux d’avantgarde et pour que le geste batte au même
rythme que ses pensées.
JUSTICE POUR TOUS
Claude se marie et ne parvient pas à mener simultanément sa vie amoureuse et
ses engagements sociaux. Devenu juriste, il a un contrat avec une ONG en
Côte-d’Ivoire où il doit garantir la distribution de milliers de doses d’un vaccin.
Or, exercer ses responsabilités en respectant la culture de ce pays lui est impossible et une erreur stratégique le force à quitter l’Afrique rapidement. À la
suite de cet échec, il est engagé à la Cour pénale internationale de La Haye car,
dit-il, « j’ai trente-cinq ans, je crois en la justice ». Son séjour aux Pays-Bas, « le
plus civilisé des pays barbares », l’amène à documenter le procès de Thomas
Kabanga accusé d’avoir utilisé le service d’enfants soldats pour mener à terme
ses projets meurtriers.
24 • lettres québécoises • automne 2010
a de l’hommerie. L’idéal de Claude finira par le perdre, n’étant pas lui-même
parvenu à créer l’équilibre entre sa passion de la justice et sa passion amoureuse.
IIII
Gil Courtemanche, Je ne veux pas mourir, Montréal,
Boréal, 2010, 232 p., 19,95 $.
« Quand on
est malade, vivre
est un travail. »
Publier deux romans en un peu moins d’un an, ce n’est pas
rien. D’autant plus que Le monde, le lézard et moi (Boréal,
2009), nous l’avons vu plus haut, est remarquable en ce qu’il
donne un justicier aux atrocités faites aux enfants soldats.
L’auteur y distingue aussi la raison du devoir accompli et la
passion amoureuse.
ette fois, Gil Courtemanche a choisi de raconter une histoire gravitant
autour de sa propre existence. Cela étonne d’abord, l’homme
Courtemanche ne semblant pas de ceux qui s’épanchent sur la place
publique. Mais une fois l’idée d’autofiction comprise — c’est-à-dire que l’objet de
la narration est tiré d’expériences personnelles, mais que la trame demeure une
fiction —, on se laisse prendre au bien écrit, au bien raconté et, surtout, à cette
C
roman
JEAN-FRANÇOIS CRÉPEAU
II 1/2
ombre qui plane sur une peine d’amour
et un cancer du larynx.
AUTOFICTION
L’écriture d’abord. Le roman est constitué d’une suite de plans-séquences alternant de l’amour en allé au développement de la maladie. Cela donne des
chapitres brefs, les plus courts étant semblables à des flashes inspirés par l’émotion du moment. Puis, il y a que les liens
entre le départ de l’amoureuse Violaine
et l’apparition ou le traitement du cancer
sont éminemment serrés.
Le narrateur obligé, c’est bel et bien Gil Courtemanche, l’homme à la moue
boudeuse. Du moins, l’image que l’écrivain a de lui-même ou qu’il perçoit dans
le regard des autres. Une mise à nu, diront certains. Possible, car la frontière
entre ce qui distingue l’auteur de son personnage n’est connue que de lui-même.
L’ A M O U R
L’écrivain-narrateur a rencontré Violaine, qu’il considère comme sa première et
dernière femme, quand elle est venue l’interviewer au moment de la parution
d’un livre précédent, vraisemblablement Un dimanche à la piscine à Kigali. Ce fut
un coup de foudre, puis la quête amoureuse s’est installée. De ce qu’il raconte de
sa vie de couple, nous retenons qu’il n’a pas entretenu le quotidien de sa relation
amoureuse, puisqu’il considérait Violaine comme une Pénélope du XXIe siècle
attendant béatement Ulysse.
Annie Cloutier, La chute du mur,
Montréal, Triptyque, 2010, 301 p., 23 $.
Chronique
du temps arrêté
Un premier roman jugé excellent crée une attente que le
second ne comble pas toujours. C’est, je crois comprendre,
l’expectation prudente qui guettait La chute du mur, le nouveau roman d’Annie Cloutier dont Ce qui s’endigue
(Triptyque, 2009) fut considéré comme « un premier roman
solide». Pour ma part, j’ai abordé La chute du mur l’esprit tout
dégagé, et ce fut bien ainsi.
a romancière nous invite à suivre
deux avenues narratives, l’une
menée par une voix hors champ,
l’autre par une narratrice dont l’identité
se précise au fur et à mesure que la trame
se déroule. Cette mécanique fonctionne
jusqu’à ce que les personnages se confondent et qu’il n’y ait plus qu’une seule et
même trame.
L
LA MORT
LIV ADOLESCENTE
Mais il y a une autre dimension à ce roman, et c’est l’apparition des premiers
symptômes d’un cancer du larynx. Confirmée par les examens médicaux, la
maladie va devenir la raison pour laquelle Gil C. va se battre. Il n’est pas question
pour lui de mourir tant qu’il n’a pas convaincu Violaine de rentrer à la maison. Si
cela n’advient pas, il livrera un combat au cancer tant que vivra sa vieille mère. Or,
malgré son état de santé et son statut d’homme seul, il se défend contre la maladie
sans grande conviction, continuant de fumer, de boire des ballons de rouge et de
flirter tantôt avec une barmaid qui l’écoute gémir, tantôt avec le personnel
féminin de l’hôpital où il est traité.
Le premier temps, c’est celui d’une fille
ANNIE CLOUTIER
unique habitant une banlieue cossue de la
capitale nationale. Liv, prénom emprunté à la comédienne fétiche de Bergman, traverse une adolescence dorée dont la langueur finit par l’ennuyer. Pour chasser sa
morosité, elle s’inscrit à un programme d’échanges qui va la mener en Allemagne,
le temps d’une année scolaire. La famille chez qui elle s’installe a un régime de vie
austère et elle s’ennuie plus que chez elle. Elle se lie alors d’amitié avec une consœur délurée qui l’entraîne dans une aventure dont Liv ne sortira pas intacte.
L I V A D U LT E
Rien d’étonnant alors que le roman n’ait pas une véritable fin heureuse, si Gil
C. est en rémission du cancer, mais ne tient pas plus à la vie qu’avant. Puis il sait
que Violaine ne reviendra pas. Alors il se tourne vers une amie libraire, le corps et
l’esprit devant exulter comme il faut boire ou manger.
Œ U V R E D E M AT U R I T É
Je ne veux pas mourir seul est une œuvre achevée. Sa trame et son écriture
témoignent de la maturité de l’écrivain. En prime, nous y notons de nombreuses
phrases dignes d’une anthologie, qui parsèment la narration et nourrissent notre
réflexion. La phrase servant de titre à cette chronique, «Quand on est malade,
vivre est un travail », est un exemple, comme ces autres : « Vivre pour ne pas
déranger les autres par notre mort. Vivre par politesse, par respect. Vivre comme
une occupation, un état et non pas une passion.»
Gil Courtemanche ne donne pas à lire une histoire hop! la vie, mais étame le
miroir de l’indifférence de vivre quand on n’a pas su retenir sa véritable raison
d’être, celle de la passion amoureuse.
Le deuxième temps de La chute du mur, c’est celui d’une traductrice installée à
New York avec sa fille Sabine. Mère et fille voient s’écrouler une des deux tours
victimes du 11 septembre 2001. Sabine aura peine à oublier cette scène apocalyptique. Mais pourquoi la mère et sa fille semblent-elles enfermées dans un
univers hyperprotégé? Petit à petit, ce qui semble d’abord mystérieux devient
limpide, leur histoire s’imbriquant à celle de Liv.
Annie Cloutier mène bien l’organisation de son projet d’écriture. Entre la chute du
mur de Berlin et celle des tours du WTC, la symbolique de ces événements s’intègre parfaitement aux épisodes de la vie de Liv, en 1989 et en 2001. Un bémol
cependant: le passage d’une adolescence dorée à la vie de jeune femme prudente
que Liv emprunte est trop soudain pour être totalement crédible.
Cela dit, La chute du mur représente bien les aléas auxquels est soumise la génération actuelle des trentenaires, qui n’a rien à envier à celle des baby-boomers. Cela
rappelle que du cocon familial à la mondialisation, il n’y a plus de véritable distance.
lettres québécoises • automne 2010 •
25
premier roman
MARIE-MICHÈLE GIGUÈRE
III 1/2
Guillaume Corbeil, Pleurer comme dans les films,
Montréal, Leméac, 2009, 152 p., 18,95 $.
L’enfance en
noir et blanc
Chroniques douces amères d’une enfance fantasque, ce premier roman de Guillaume Corbeil évoque les princesses
endormies comme les ogres terrifiants.
est un garçon que sa mère ne
destine à rien d’autre qu’à une
carrière de grand écrivain. Les
numéros de La grande revue des grands
écrivains, qu’elle achète chaque semaine,
font d’ailleurs office de livres de chevet
miroirs qui disent qui est la plus belle». Ils découvrent qu’Émile Ajar, le voisin,
leur dissimule quelque chose. Ils connaissent l’existence de la petite amie que leur
père essayait de leur cacher. Et quelque chose se brise en eux.
Belle et cruelle réflexion sur ce que l’on est et ce que l’on cherche à construire, sur les
faux-semblants, les subterfuges et les histoires trafiquées, on ment dans ce récit un
peu comme le font les petits, sans trop de préméditation, mais avec un sens aiguisé
du drame. Et en des mots parfois naïfs, parfois graves, toujours bien tournés, on nous
raconte comment naissent et meurent les illusions qui nourrissent la candeur.
«Les histoires, on ne les raconte pas pour soi, sinon on n’aurait qu’à se dire le titre
et il ne nous resterait plus qu’à rire si c’est une histoire drôle, ou à pleurer si c’est
une histoire triste», explique un jour le petit aspirant écrivain. Et cette histoireci, douce et impitoyable, on saura gré que quelqu’un l’ait écrite, car elle nous aura
offert un petit pincement au cœur.
C’
III
Hector Vigo, Belle-Bite le hobo, À la poursuite de Jonas 1,
Montréal, Les Éditions XYZ, 2010, 220 p., 23 $.
Des rats
et des hommes
Une mendiante quinquagénaire à l’esprit lubrique, un borgne
étourdi de vengeance, un chef de brigade épris de violence
après avoir vu l’horreur : Belle-Bite le hobo explore les basfonds de la ville et des sentiments humains.
GUILLAUME CORBEIL
dans la chambre de son fils
qui, bon joueur, s’efforce de
réaliser le rêve de sa mère
devenu sien, imitant les faits et
gestes de son voisin d’en haut,
Émile Ajar, retranscrivant des
romans, se pliant aux jeux de
sa mère qui tente de reproduire
en leur vie les péripéties et
anecdotes de celles des grands
auteurs dont ils s’abreuvent.
ans une ville de Québec fantasque et glauque, l’administration municipale lutte
avec difficulté contre les rats qui terrorisent les citoyens. Les hommes de la
brigade spécialement formée pour les
décimer meurent au combat dans les
égouts et les caves de la Basse-Ville
D
Pleurer comme dans les films, c’est aussi l’histoire de l’indéfectible affection de ce
garçon pour «la petite Jade», sa cousine aveugle pour qui le monde est «une
courtepointe de détails et de textures» et qui rêve de tours de magie. Pour elle, il
maquille la réalité et invente des châteaux imaginaires, loin d’un père qui ne jure
que par son métier de conducteur de grues et qui refuse de l’envoyer à l’école.
Un autobus scolaire, des jeux dans la baignoire, du bouillon de poulet pour les
jours de maladie et des globes souvenirs avec immeubles miniatures et neige:
tout dans ce roman a un parfum d’enfance. Pourtant, l’enfance n’a pas ici la
saveur sucrée des dessins animés de Walt Disney, mais bien l’arrière-goût des
contes de Perrault ou d’Anderson, où le loup l’emporte sur le Petit Chaperon
rouge, où la petite sirène ne connaît pas l’amour auprès de son prince et se
transforme en écume de mer. Ici, les enfants sont perméables aux névroses des
adultes. Ils découvrent que les monstres existent, même si l’«on serait porté à
croire qu’ils ont disparu en même temps que les haricots magiques [et] les
sous les morsures répugnantes
des rats. C’est le sort qu’aurait
aussi pu connaître Jonas, vagabond barbu, solitaire et avantageusement pourvu, si Bernie,
le Roi des rats, n’avait pas
consenti à lui laisser la vie
sauve.
HECTOR VIGO
26 • lettres québécoises • automne 2010
premier roman
MARIE-MICHÈLE GIGUÈRE
S’ensuit une extravagante succession de péripéties, elles-mêmes portées par des
prémisses singulières: Jonas est en vie dans les égouts, entretenu par les rats selon
les ordres de leur souverain qui le maintient captif en son royaume malodorant; poursuivi par une mendiante défraîchie qui rêve de son sexe, aperçu alors
qu’il se vidait la vessie sur un mur de briques délabrées ; pourchassé par un
ennemi borgne et revanchard dans des égouts pris d’assaut par la brigade qui
cherche à récupérer les corps de ses membres morts au combat.
certes surprenant. Comme dans une histoire pour enfants, rats et hommes sauront s’allier pour une cause commune malgré leur ancestrale haine mutuelle.
Comme dans les livres érotiques, l’auteur fera preuve d’un large et distrayant
vocabulaire pour dire crûment et avec un sourire en coin le naturel du corps
humain. Et comme dans les romans d’aventures ou les téléséries à intrigues, on
laissera un pan de l’intrigue en suspens pour en retrouver une autre avec le sens
dramatique qui s’impose.
Cette aventure brune et violente se construit autour de personnages rapidement
campés du côté des bons ou des méchants, qui laisseront toutefois entrevoir, au
fil des galeries d’égouts et des meurtres, des nuances d’humanité. Et si ce drame
habilement grotesque se joue en une unité de lieu et de temps, il partage aussi
avec les tragédies grecques quelque fierté sanguinaire, exposant à vif les élans
humains qui survivent quand tout s’écroule autour.
Si ce surprenant récit réussit à capter l’attention, c’est qu’il est porté par une
maîtrise des rouages du genre et que l’auteur joue des conventions avec un plaisir, comme si Daniel Pennac avait délaissé Belleville pour les «intestins de la ville»
de Québec. Par exemple, un second narrateur vient souvent commenter le premier — «Se pourrait-il que l’appétit de violence embellisse et que la gentillesse
enlaidisse? frissonne à son tour le narrateur.»
RÉFÉRENCES BIGARRÉES
De prime abord, on aurait pu éprouver pour cette étrange proposition romanesque une réserve certaine, un peu à l’image de ce qu’inspirent les rats qui
peuplent ce récit, mais l’amalgame est assez habilement construit pour que l’on
accepte de se laisser porter par cette insolite saga.
Malgré la violence, malgré les desseins qui se jouent en de dramatiques circonstances, on découvre ce roman avec un plaisir souvent ludique. L’objet littéraire est
III
Olivia Tapiero, Les murs, Montréal, VLB éditeur, 2009, 160 p., 24,95 $.
Un monstre
sous la peau
Lucide, elle voit la disparité entre sa condition et celles des autres malades: elle sait
que « l’Anorexique » souhaite « vivre en
mourant de faim », alors qu’elle maigrit
«pour éliminer [sa] vie, pas pour la supporter»; elle relève le contraste entre son
sort et celui de son amie «Cancer», «celle
qui se bat pour sa vie et celle qui, avec
arrogance, ose souhaiter la mort». Un tel
Troublant huis clos dans la tête d’une adolescente, ce roman,
qui a valu à son auteure le prix Robert-Cliche, dépeint avec
une précision clinique les pensées d’une jeune fille suicidaire.
es cicatrices sur tout le corps, un « tempérament suicidaire », mais
aussi une lucidité à glacer le sang, l’anti-héroïne des Murs, premier
roman d’Olivia Tapiero, une étudiante en littérature âgée de vingt ans,
a décidé d’en finir. On la découvre dans un hôpital qu’elle ne quittera que pour en
gagner un autre, mais les murs dont il est ici question ne sont pas ceux qui l’entourent en ces lieux froids et stériles, mais bien ceux qu’elle construit entre elle et
les autres, entre elle et la vie.
D
Des somnifères ingurgités par dizaines. Puis le réveil, la déception. Aucune trace
d’une envie de vivre, même ténue, ou d’un appel à l’aide refoulé chez la narratrice.
L’humanité en elle la rebute à un point tel qu’elle lui a donné le nom de Monstre:
«J’ai défini tout le naturel en moi comme étant monstrueux; le rire, l’affect, l’irrationnel; il est la part humaine de ma personne.» La rage adolescente et ses
envolées frondeuses côtoient ici une surprenante sagacité en un ensemble obsessif: «C’est absolument délicieux, j’ai affaibli mon cœur, l’organe le plus important,
l’organe poétique, métaphorique, il pompe faiblement, il est plus calme, plus
silencieux, comme si je lui avais injecté une faible dose de poison. Ça me rassure,
au moins j’ai réussi quelque chose de vrai, de concret, j’ai affecté un organe.»
L’ A R R O G A N C E D E S O U H A I T E R M O U R I R
La froideur dans laquelle se complaît et s’enferme la patiente aura peu de brèches.
Elle lutte, invariablement, contre chaque sursaut de sensibilité à l’égard des autres
— patients, parents, médecins. S’en punit même. Et ces autres qui l’entourent
sans pouvoir l’atteindre viennent révéler la souffrance de cette vie refusée.
O L I V I A TA P I E R O
pragmatisme froid dérange.
Extrême, sans nuances, il
demeure tristement plausible,
porté par une écriture à la
beauté froide, où les mots troublent sans émouvoir. Une écriture assurément maîtrisée,
simple et percutante, qui dissèque ce mal-être sans jamais
laisser entrevoir ses origines.
Tour de force que celui de construire un être crédible dans son extrême dégoût de
la vie. Toutefois, difficile de se laisser bouleverser par un personnage qui lutte
contre chaque parcelle d’humanité en lui. On l’observe plutôt, plein d’un effroi
plus intellectuel que physique, se faire saigner avec les ongles quand tous les
objets contondants lui ont été retirés, s’empêcher de manger malgré la faim qui
la tiraille, refuser l’aide des médecins et des psychologues malgré sa détresse.
Un roman sombre et fascinant qui révèle avant tout une plume qui, ici, grave en
nous cette image froide du désespoir.
lettres québécoises • automne 2010 •
27
polar
NORMAND CAZELAIS
IIII 1/2
Jean-Pierre Charland, Haute-Ville, Basse-Ville,
Montréal, Hurtubise, 2009, 600 p., 29,95 $.
Les non-dits
de la Haute
Qu’est-ce que la pulsion criminelle ? La justice est-elle la
même pour tous ? Et toutes ? Vaut-il toujours de connaître –
et de faire connaître – toute la vérité ?
n 1925, Renaud Daigle revient à
Québec au terme d’un séjour de
onze ans en Angleterre. Il y a étudié le droit à l’Université d’Oxford, tout particulièrement le droit constitutionnel, et a
servi comme officier pendant la Grande
Guer re où il a récolté blessures et
médailles. Héritier de quelques centaines
tée». À l’encontre d’Ellroy toutefois, qui plonge résolument dans le roman noir et
les tréfonds les plus sordides de l’âme humaine, Charland braque plutôt son œil
critique sur la société du temps et ses mœurs en soulignant de traits incisifs les
travers et préjugés des bien-pensants, qu’ils soient issus de la bourgeoisie ou du
clergé (qui en prend d’ailleurs pour son rhume…).
Déjà, La rose et l’Irlande m’avait appris que lire Jean-Pierre Charland est un plaisir. Cet auteur écrit intelligemment, sachant ménager ses effets. Bien documenté,
il développe son intrigue sans se perdre dans d’inutiles digressions et chemins de
traverse, sans chercher à éblouir le lecteur par des artifices de style ou de psychologie à cinq cennes. D’une page à l’autre, l’intérêt est soutenu. Ce qui n’empêche pas Charland de poser un regard acide sur les inégalités sociales et les
injustices qui en découlent; à cet égard, la tolérance que manifeste son héros
envers des marginaux (homosexuels et prostituées, par exemple) en fait un être
hors normes… plus ou moins crédible parfois.
Haute-Ville, Basse-Ville amalgame roman historique et roman policier. L’un et
l’autre sont réussis.
E
III 1/2
Maurice Gagnon, L’isle silencieuse,
Montréal, Fides, 2010, 272 p., 24,95 $.
Omerta
insulaire
de milliers de dollars, somme
considérable pour l’époque, cet
homme au début de la trentaine représente assurément
un « beau parti » pour les
familles de la Haute-Ville souc i e u s e s d e con c lu re d e s
alliances avantageuses pour
leur progéniture.
Célibataire, Daigle est un esprit
libre, réfractaire aux «codes de
comportement étriqués de la
communauté ambiante»; il se sent à l’étroit dans la ville qui l’a vu naître. On l’invite chez les notables, on lui présente des jeunes filles à marier, on le fait pénétrer
dans les cercles du pouvoir; on l’embrigade presque à son corps défendant dans
des campagnes électorales opposant libéraux et conservateurs. Il joue le jeu,
non sans un certain agacement.
JEAN-PIERRE CHARLAND
« Messieurs, disait Napoléon à ses généraux, n’oubliez pas
que l’Angleterre est une île. » Lui-même d’origine insulaire, il
savait ce que signifie cette réalité géographique.
l’automne de 1947, un enquêteur de la police provinciale
accepte de faire un arrêt sur la
route de ses vacances pour établir une
formalité : dresser le constat de décès
d’un noyé trouvé sur la batture d’une île
au large de Montmagny. Il constate vite
qu’il s’agit plutôt d’un meurtre déguisé
en accident… et que trouver un coupable
À
Au moment de son retour, le meurtre crapuleux d’une jeune vendeuse sans instruction, pas particulièrement jolie et issue d’un milieu difficile, fait la une des
journaux. En dépit des efforts du policier chargé de l’enquête (qui sera bientôt
interné à l’asile), le ou les auteurs du crime courent toujours et restent impunis;
la rumeur court que des fils de la Haute soient mêlés à ce forfait «révoltant» mais
protégés par le pouvoir en place. Les faits voudront que Renaud Daigle s’intéresse
activement à cette affaire.
Comme Le dahlia noir de James Ellroy, Haute-Ville, Basse-Ville s’inspire d’un
fait réel et, comme Ellroy, Jean-Pierre Charland livre sa propre «histoire inven-
28 • lettres québécoises • automne 2010
en ce milieu clos où pèsent les
conventions et les diktats religieux n’est pas de tout repos.
MAURICE GAGNON
Tout le monde se connaît à l’île
aux Grues et aussi à l’île aux
Oies qui lui est reliée par un
polar
NORMAND CAZELAIS
Maurice Gagnon a su construire une intrigue
originale qui se tient, servie par une écriture efficace.
Il en profite pour critiquer une société bien-pensante
et une Église qui a longtemps étouffé des âmes.
bras de terre. Une seule personne y possède le téléphone, mais les nouvelles passent rapidement de bouche à oreille entre insulaires… sans atteindre les intrus,
fussent-ils sur place pour résoudre un crime. Passionné de cinéma, Gilbert
Gauthier rêve de Casablanca au cours de son enquête et va croiser des personnages ambigus – y compris les fantômes de la mi-carême – dont l’existence
soulève plus de questions que de réponses.
Qui a pu tuer Pierre Duquet, jeune homme fantasque porté sur la bouteille? Et
pourquoi ? Aidé des conclusions du médecin légiste, Gilbert Gauthier démêle
les fils d’une trame qui n’est pas sans évoquer celle du Crime de l’Orient-Express.
Un à un, des secrets se révèlent. Les vieilles rivalités, les jalousies apparaissent.
Mais, malgré tensions et conflits latents, tout le monde est solidaire.
Maurice Gagnon a su construire une intrigue originale qui se tient, servie par
une écriture efficace. Il en profite pour critiquer une société bien-pensante et une
Église qui a longtemps étouffé des âmes. Quelques bémols : pourquoi le recours
à l’isle, cette graphie obsolète ? Pourquoi ne parler que d’une seule île alors qu’il
y en a deux en réalité ? Pourquoi cette page couverture qui renvoie, par le demisourire d’une jeune femme, à un jeu anodin ?
III
Jacques Rousseau, ROM Read Only Memory,
Montréal, Triptyque, coll. « L’épaulard », 2010, 214 p., 22 $.
Secrets
de jeunesse
ROM Read Only Memory me laisse de guingois. Jacques
Rousseau a concocté une intrigue singulière et dans l’ensemble bien écrite. Mais, tout au long, j’ai eu l’impression de
me faire servir un cours de psychologie.
e tout commence sur les chapeaux
de roue. Une professeure distinguée de l’Université de TroisRivières est trouvée assassinée dans une
L
Enfin, contrairement à ce que soutient le dernier paragraphe du roman, les oies
blanches ne partent pas à l’automne «vers le nord […] se reproduire avant de
revenir au printemps […] lors de leur voyage de retour vers les contrées du
sud». C’est exactement l’inverse qui se produit.
info capsule
Accord entre Leméac et Les Allusifs
Les Éditions Leméac ont conclu une entente de collaboration avec les Éditions
Les Allusifs. En fait, Leméac s’occupera de la production et de la diffusion.
Seront sous la gouverne de Leméac la fabrication des livres, les relations de
presse et la direction commerciale des Allusifs, maison dirigée par Brigitte
Bouchard. Par ailleurs, tout le secteur éditorial restera sous la responsabilité de
Mme Bouchard. Un poids de moins sur les épaules de la directrice: «J’avais
vraiment besoin d’un appel d’air. Le marché est de plus en plus difficile, et
Leméac m’offre une structure financière plus solide.»
Les Allusifs profitera sans doute de l’occasion pour tenter de développer
davantage le marché québécois. Car la maison a désormais des activités
plus nombreuses en France qu’ici. Cette association devrait permettre aux
Allusifs de maintenir ses deux pôles de développement et de compléter les
activités de Leméac.
Fondée en 2001, et réputée pour son choix éditorial et la qualité de son travail graphique, la maison d’édition Les Allusifs compte un peu moins d’une
centaine de titres à son catalogue; les droits d’un certain nombre d’entre eux
ont déjà été cédés à des collections de poche à grand rayonnement. Leméac
s’appuie pour sa part sur près de 2000 titres. Fondée en 1957 à Montréal,
Leméac partage une partie de son activité éditoriale avec son partenaire
français Actes Sud.
salle de bureautique adjacente
à son laboratoire, transformée
en l’équivalent d’une statue de
sel grâce à l’injection de silicone
dans ses veines. En raison d’un
JACQUES ROUSSEAU
conflit de travail à la Sûreté du
Québec, l’enquête échoit à la police municipale et plus particulièrement à Agathe de
Francheville, qui vient à peine d’obtenir son diplôme de l’Institut de police.
Bien sûr, ce qui paraît simple au début se complique: le directeur du département
et aussi amant de ladite victime n’est pas le meurtrier. Qui alors? Une collègue
jalouse, un ex-conjoint devenu une vedette locale, quelqu’un de la parenté? Au fil
des jours et des questions qu’elle pose, à l’aide également de sa mère (eh oui…),
cette policière féministe, dotée d’une chevelure rousse « flamboyante » qui ne
laisse personne indifférent et de qualités qui compensent son inexpérience,
apprendra que les réponses se trouvent peut-être dans la «mémoire morte» des
ordinateurs. Flanquée d’un collègue avare de mots et de paroles, Agathe de
Francheville résoudra le mystère. Il lui faudra, pour ce, écouter une autre mère
mettre au jour des souvenirs depuis longtemps enfouis.
Entre-temps, nous apprendrons bien des choses sur diverses approches en psychologie, notamment dans le domaine de l’enfance et sur le plan des expériences
menées chez les souris, même si nous aurions apprécié des personnages mieux
étoffés. Nous verrons que l’auteur, comme d’autres issus du monde universitaire, en profite pour régler quelques comptes avec ce milieu. Et nous connaîtrons
un happy end qu’Hollywood ne dédaignerait pas.
lettres québécoises • automne 2010 •
29
traduction
HÉLÈNE RIOUX
IIII
Margaret Laurence, Un oiseau dans la maison, traduit de l’anglais
par Christine Klein-Lataud, Québec, Alto/Nota bene, 2010, 286 p., 17,95 $.
Des nouvelles
entrelacées
Roman sous forme de nouvelles, Un oiseau dans la maison
raconte l’histoire de la famille MacLeod telle qu’elle est vue
par Vanessa, âgée de douze ans.
t ce n’est pas une histoire heureuse, loin de là. Mais, on le savait déjà,
celles de Margaret Laurence ne le sont jamais. Surtout quand elles font
partie du cycle de Manawaka. Elles sont remplies de « bruit et de
fureur», de frustrations et de rancœurs, de secrets étouffés. Un oiseau dans la
maison ne fait pas exception.
E
Une évocation
puissante et implacable.
Comme toujours.
dans une peau d’ours qu’il porte en
hiver. Et à cause de son tempérament
revêche, bien sûr. Il y a aussi la sœur de
Beth, Edna, qui, après avoir travaillé
comme sténodactylo à Winnipeg, a
perdu son emploi et a dû, à son corps
défendant, revenir vivre dans la «Maison de brique». Proche parente de plusieurs personnages féminins emblématiques de Margaret Laurence — la Rachel
d’Une divine plaisanterie, ou même l’inoubliable Hagar de L’ange de pierre —, elle
rue dans les brancards. Vanessa la décrit en train de fumer des cigarettes dans sa
chambre malgré l’interdit. On apprend aussi qu’elle a eu un amant à Winnipeg. Il
lui rendra d’ailleurs visite à Manawaka, un soir, une visite qui finit mal. L’oncle
Dan, enfin, frère aîné du grand-père, bohème, vaguement alcoolique et perpétuellement fauché, fait parfois irruption au milieu des agapes familiales.
N’oublions pas Titoiseau, le canari d’Agnès, qui donne en quelque sorte son titre
au livre — un autre, un moineau égaré, viendra plus tard. Voilà le portrait d’ensemble. À la fois morne et coloré. Terrifiant par moments.
Un petit frère, Roderick, voit bientôt le jour, la grand-mère meurt, suivie, contre
toute attente, par Ewen.
Puis, dans la nuit noire autour de moi, j’entendis un son. C’était ma
mère, elle pleurait. Pas fort du tout, mais du tréfonds d’elle-même. Je
m’assis dans mon lit. Tout semblait s’être arrêté, le temps, mon cœur,
mon sang lui-même. (p. 152)
Le livre commence par la description de la maison des grands-parents maternels,
où, avec sa mère et son père — quand il n’est pas retenu au chevet d’un de ses
patients —, Vanessa va souper tous les dimanches. Une corvée à laquelle il est
impossible de se soustraire.
Cette maison de Manawaka est celle qu’entre toutes je porte en moi.
Appelée « la vieille maison Connor » par les gens de la ville et « la
Maison de brique» par la famille, elle était laide comme les navets d’hiver entreposés dans sa cave à légumes. (p. 15)
Beth et les enfants emménagent alors, pour le meilleur et surtout pour le pire,
dans la «Maison de brique». Et la vie continuera, avec tout autant de bruit et de
fureur, de frustrations et de rancœurs, jusqu’au départ des uns et des autres, jusqu’à la mort de Timothy, l’Ours, la terreur.
Une évocation puissante et implacable. Comme toujours.
Cela nous donne une idée de l’ambiance.
III 1/2
L A FA M I L L E
Kim Echlin, Un jour, même les pierres parleront, traduit de l’anglais
par Sylvie Nicolas, Montréal, Québec Amérique, 2010, 248 p., 22,95 $.
Bien que le père, Ewen, soit médecin, la famille
vit plutôt pauvrement. Pas d’argent, par
exemple, pour acheter une robe à Vanessa,
même si celles qu’elle a lui arrivent «au nombril ». C’est la Crise, et les malades ne sont,
MARGARET LAURENCE
30 • lettres québécoises • automne 2010
L’amour
et la guerre
pour la plupart, pas en mesure
de payer pour leurs soins. Beth,
la mère, est fragile, effacée, un
peu dépressive. La grandmère, Agnès, est une femme
paisible, ferme et droite, un
« ange » ; Timothy, le grandpère, une terreur — dans sa
tête, Vanessa l’appelle le
« Grand Ours », à cause d’un
affreux manteau hirsute taillé
Anne Greeves a seize ans lorsque, à L’Air du temps, une
boîte de jazz montréalaise, elle fait la connaissance de Serey,
un étudiant cambodgien, également guitariste dans un groupe
qui s’appelle No exit. Au premier regard — comme dans les
romans —, ils tombent aussitôt sous le charme l’un de l’autre.
Envoûtés. Un jour, même les pierres parleront raconte la
déchirante histoire de leur amour.
rpheline de mère, morte dans un accident de voiture quand elle avait
deux ans, Anne vit avec son père, professeur à la Faculté de génie, spécialisé dans la conception de prothèses, un homme taciturne et timide
qui ne voit pas d’un très bon œil cette relation. Il trouve sa fille trop jeune pour
s’engager, craint pour son avenir — qu’elle abandonne ses études, fasse un mauvais mariage, rate sa vie. Mais Anne ne cède pas. Elle a appris de sa mère
O
traduction
HÉLÈNE RIOUX
III
… que ceux qu’on aime peuvent disparaître soudainement, inexplicablement. Et qu’après, il ne reste rien. (p. 21)
Contre la volonté de son père, elle emménage chez Serey.
L’ A B S E N C E
Un jour, les frontières du Cambodge sont
rouvertes, et Serey s’en va. Seul. «Je dois
retrouver ma famille », explique-t-il à
Anne. Sa famille dont il est sans nouvelles depuis quatre ans. « Je vais
t’écrire», promet-il.
Tecia Werbowski, Chambre 26, traduit de l’anglais
par Nicole et Émile Martel, Montréal, Les Allusifs, 2010, 88 p., 13,95 $.
Petit polar
Un homme est trouvé mort étranglé dans la baignoire de sa
chambre, la 26, à l’hôtel Saint André des Arts, à Paris. C’est un
jeune inspecteur, Patrick Vernier, qui est chargé de l’enquête.
l lui faut commencer par découvrir l’identité de la victime. Un sans-abri, semblet-il. Un sans-papiers. Mais il avait deux
chiens et c’est déjà une piste.
I
Mais les semaines et les mois
passent. Anne écrit lettre sur
lettre, mais ne reçoit jamais de
réponse — nous apprendrons
plus tard pourquoi. Elle s’installe dans l’ancien appartement de Serey, elle étudie les
langues, dont le khmer, évidemment, elle a des amants
éphémères — elle mentionne
KIM ECHLIN
un Haïtien qui la fait rire en lui
disant qu’il veut écrire un roman intitulé Comment faire l’amour avec un nègre
sans se fatiguer. Puis, une nuit, onze ans après le départ de Serey, elle allume la
télévision et reconnaît le visage de son amant dans un reportage sur le
Cambodge. Elle quitte aussitôt le pays pour aller le retrouver.
L E S R E T R O U VA I L L E S
Cela ne se fera pas sans peine. La deuxième partie du roman se déroule à Phnom
Penh, où Anne débarque et entreprend ses recherches. Quelques personnes l’aideront dans sa quête: Mau, un chauffeur de taxi qui la conduira dans tous les bars
et clubs de jazz de la ville, Sopheap, qui opère une cantine de nouilles, Will
Maracle, un Amérindien de Kahnawake qui travaille à exhumer les ossements des
victimes du régime de Pol Pot. Et un jour, elle retrouve Serey au Globe: appuyé au
bar, il écoute un air d’Oscar Peterson. L’amour reprend où il avait été laissé.
Reprend-il vraiment comme avant? Entre les deux épisodes, trop de blessures se
sont glissées.
Tu as dit que tu étais traducteur et je t’ai cru. Tu ne voulais pas parler de
ta famille. Je t’ai fait confiance. Je me raisonnais: la souffrance avait été
trop grande. Quand le téléphone sonnait, les seules intrusions dans ta
chambre, tu disais que tu notais des rendez-vous pour le travail et, bien
entendu, je te croyais. (p. 92)
Le reste de l’histoire est, comme il fallait s’y attendre, pathétique. Nous saurons ce
qui est arrivé à la famille de Serey, Anne mettra au monde un enfant mort, Serey
disparaîtra, Anne apprendra sa mort, elle voudra désespérément l’enterrer, mais
n’en aura pas le droit. Elle reviendra au pays, se mariera, aura des enfants, divorcera, enterrera son père. Et passera le reste de sa vie à se souvenir.
En suivant cette piste, l’enquêteur apprend que
l’homme assassiné s’appelait Josef Hlavaty, que
c’était un Tchèque inoffensif et courtois, à qui
l’on ne connaissait pas d’ennemis, et pas d’autre
amour que ses chiens qui le suivaient partout.
Les chiens en question, une vieille dame polonaise du nom de Maya Ney les a aussitôt pris
sous son aile. Cliente de l’hôtel
depuis nombre d’années, elle a
également l’air d’en savoir plus
qu’elle ne veut d’abord l’avouer
sur cet assassinat. N’est-ce pas
elle qui a convaincu le concierge de nuit de le laisser dormir dans la chambre 26 ?
Vernier l’interroge sans beaucoup de succès. Son supérieur,
Georges Laurier, aura plus de
chance après avoir invité Maya
dans un salon de thé. Nous
retournerons alors plusieurs
années en arrière, à Prague,
quand « l’odeur de la peur »
flottait, omniprésente, dans la
ville, et apprendrons la sombre
histoire de jalousie et de trahiTECIA WERBOWSKI
son qui s’y est déroulée. Et qui
a trouvé son dénouement tragique dans une chambre d’hôtel à Saint-Germaindes-Prés.
Le roman est très court, plus une novella qu’un roman, ce qui explique peut-être
que certains épisodes soient un peu flous, voire escamotés. On se demande, par
exemple, comment cet homme, un SDF, a pu se payer un voyage à Montréal avec
ses chiens. Surtout que ce séjour n’a absolument rien à voir avec la suite des
événements. S’agissait-il de brouiller les pistes?
Faisant alterner la narration de la première à la troisième personne, multipliant les
points de vue — assassin, enquêteurs, témoins —, Chambre 26 renouvelle en quelque
sorte le genre et permet au lecteur de passer quelques heures somme toute agréables.
Auteure de courts romans, de nouvelles et d’un essai, Tecia Werbowski est née en
Pologne et elle partage désormais son temps entre Montréal et Prague.
lettres québécoises • automne 2010 •
31
récit
Y V O N PA R É
III
Michel Faubert et Michel Hindenoch, Contes et complaintes.
Deux voix contemporaines, Boisbriand, Planète rebelle, 2009, 96 p., 21,95 $.
Le conte garde
sa place dans le
monde moderne
Pour apprécier Contes et complaintes de
Michel Faubert et Michel Hindenoch, il faut
écouter le CD qui accompagne le livre. Il
donne une couleur et une chaleur à ce
voyage au pays de la tradition et de la découverte.
enregistrement s’est fait en 2007, lors du festival
Les jours sont contés d’Estrie. Des contes bien sûr
et des complaintes que Michel Faubert rend toujours avec une justesse, une intensité qui lui est propre. Un
climat musical qui pousse la parole dans des univers connus
et étranges, familiers et déroutants.
L’
Parce que les deux Michel savent renouveler le genre dans une époque où tout se
bouscule. Voilà une fenêtre qui s’ouvre sur une parole qui garde sa couleur et son
sens, fait fi des intentions commerciales et publicitaires.
D É N O N C I AT I O N
Le conte, depuis que la parole est donnée à l’humain, a su montrer les torts et les
travers de la société, a permis la revanche du petit sur les grands. Il a aussi résolu
certains mystères de la vie et de la mort, de Dieu et de tous les démons qui ont
migré de la campagne vers la ville.
Les vrais conteurs savent respecter cette tradition tout en apportant une nuance qui
l’intègre dans une culture qui refuse tout ce qui n’est pas raisonnement et calcul.
Faubert et Hindenoch explorent des lieux qui s’interpellent. Parfois on dirait
que l’écho répond aux propos de l’un des Michel. Les voix s’harmonisent, nous
plongent dans des ambiances étranges où Dieu se déguise en quêteux, où un
prince serpent sème la terreur, où un chasseur se change en femme. L’imagination
ne connaît pas de limites. Voilà une parole qui retrouve tout son poids et sa
vérité.
RENCONTRE
Ce spectacle s’avère un moment unique avec des guides qui s’unissent parfois
pour nous envoûter dans une complainte. Et comme l’affirme Petronella van
Dijk dans sa préface, le conte est en quelque sorte le révélateur de la pensée, des
croyances et de la civilisation.
En effet, dès que l’on s’intéresse un tant soit peu à ce patrimoine dit
immatériel, on se rend compte à quel point ces récits divers ont été fondateurs des peuples, des cultures, de la pensée et à quel point, malgré
32 • lettres québécoises • automne 2010
M I C H E L FA U B E R T
nous et autant sans doute que l’histoire religieuse elle-même,
ils sont présents dans nos manières de penser actuelles, dans
nos manières d’être, dans nos symboles et nos abstractions,
tout comme dans nos réalités les plus crues. (p. 10)
Les conteurs ont bien changé dans cet univers de communications. Ils sont aussi
des musiciens et des gens de scène. Faubert et Hindenoch sont de cette race.
Un beau recueil, un disque à écouter et réécouter pour s’imprégner d’un monde
où il est possible de triompher en disant la vérité, d’être récompensé pour son
honnêteté.
III
Biz, Dérives, Montréal,
Leméac, 2010, 94 p., 11,95 $.
La dérive d’un
nouveau père
Biz est connu pour faire partie du groupe Loco Locass. Il présente ici, dans une première publication, un court récit qui
témoigne du désarroi d’un nouveau père.
Voilà, c’est fait, mon fils est né. Un accouchement comme tous les
autres : dans les cris, les pleurs et le sang. Une révolution, en somme.
Et pas vraiment tranquille… Mais une révolution à l’envers, qui
aboutirait à l’installation d’un roi dans une république jusque-là
plutôt pépère. Un petit tyran à l’ego hypertrophié dont les moindres
caprices doivent être immédiatement satisfaits, sous peine de hurlements stridents. (p. 7)
récit
Y V O N PA R É
ouaté avec les antidépresseurs qui empêchent de trop descendre et de ne pas trop
s’élever.
Je tentais d’avoir l’air détaché, mais je détestais cette consultation
publique, où tous mes problèmes étaient révélés par cette maudite médication. Professionnelle, elle me regardait sans juger, avec juste ce qu’il fallait de compassion. (p. 93)
Un sujet que peu d’hommes ont osé aborder. Interdit ou tabou? Biz le fait avec
justesse. C’est un peu raboteux comme écriture, mais combien vrai et signifiant.
II
André Carpentier, Extraits de cafés,
Montréal, Boréal, 2010, 344 p., 25,95 $.
BIZ
C’est un cliché de dire que l’arrivée d’un
enfant chambarde la vie du couple. Certains
ne s’en remettent jamais. Cette naissance
longtemps rêvée est le début d’un long cheminement qui mène à la rupture. Le
nouveau-né exige tout de la mère et du père.
Les parents ont l’impression d’être aspirés
par cette bouche dévoreuse qui demande
soins et nourriture. Les heures du jour et de
la nuit sont fragmentées, les horaires se
plient aux caprices du nouvel arrivant. La
merveilleuse aventure de la vie devient une
épreuve pour plusieurs, surtout de nos jours
où les enfants sont le centre du monde.
DÉGRINGOLADE
Biz perd ses habitudes qui étaient pourtant bien ancrées avant l’arrivée de son
fils. Il aime ce petit garçon, là n’est pas la question, mais se retrouve devant un
étranger quand il se regarde dans le miroir. Tout bascule. Les contacts avec les
amis et sa femme qu’il agresse verbalement. Devant l’inévitable qui se profile, le
couple décide de vivre une thérapie.
À bout de ressources, ma mie m’avait intimé: C’est la psy ou je décrisse.
Ça laisse peu de marge de manœuvre. On jouait carrément notre couple
et on le savait tous les deux. On s’y rendait toujours dans un silence
pesant et solennel. S’il fallait sombrer, ce serait avec la dignité des musiciens du Titanic, qui avaient persisté à jouer jusqu’aux derniers instants
du naufrage. (p. 47)
Un récit touchant qui déborde un peu sur la société et le monde politique. Le
privé reflète souvent le public. Il y a aussi tout au long de ce récit une allusion à la
figure du passeur qui incarne la mort.
Carpentier
explore la ville
par ses cafés
André Carpentier poursuit son exploration de Montréal à la
manière d’un géographe, multipliant les arrêts et les regards,
calepin en main.
près Ruelles, jours ouvrables, il
récidive avec Extraits de cafés où
il s’attarde dans ces établissements qui prolifèrent dans tous les quartiers de la ville. Ces lieux ont leurs réguliers, leurs visiteurs occasionnels, des
originaux qui attirent le regard selon les
heures.
A
Voilà, c’est ainsi, je crois, qu’à
mon totem de flâneries, j’ai
ajouté les cafés, avec leurs personnages et leurs faits quotidiens, qui forment l’armature de
ces pages. Je me croyais toujours
obsédé par le réseau des ruelles;
en fait, je nomadisais déjà d’un
café à l’autre, comme qui s’éprend d’un nouveau territoire, et rapiéçais
mes carnets à coups de notules, d’ajouts, de renvois. (p. 11)
Des endroits où il est possible de refaire le monde, de retrouver des connaissances
ou simplement de lire le journal en dégustant un espresso. Tout dépend de
l’heure et du lieu. La clientèle, près de l’Université du Québec à Montréal ou
dans le nord de la ville, n’est pas la même.
DES MONDES
Si cette image du navigateur qui s’enfonce dans un marais est un peu déroutante
au début, les dernières pages deviennent lumineuses. Le passeur maintenant
serait-il celui ou celle qui contrôle les médicaments? On bascule dans un mode
Ces lieux de retrouvailles, de reconnaissances, de réconciliations, d’amours qui
naissent ou s’effilochent au hasard d’un courant d’air ou d’un rayon de soleil sur
lettres québécoises • automne 2010 •
33
Y V O N PA R É
récit
un coin de terrasse, fascinent. Chaque café a son petit quelque chose, un décor qui
crée une ambiance, des arômes singuliers.
Il y a dans l’aura des cafés, c’est-à-dire dans la constellation des traces
humaines qui y sont associées, une chose singulière et enviable qui est la
lenteur. Je veux dire cette disponibilité fluide qui est le fait de celui qui se
donne le temps de regarder, d’écouter, de rêver, de maintenir ce que
Pierre Sansot appelle un ennui de qualité. (p. 48)
Regards échangés, sourires, dialogues qui s’engagent ou qui tombent dans l’oreille
du solitaire.
Dans un café qui baigne dans une ondée de sueurs chaudes, je m’installe
sur une banquette latérale où je ne gênerai personne, les joueurs de
dominos, les lecteurs de journaux, les ressasseurs de passé, les brasseurs
de politique. J’aime ces angles d’où l’on peut tout voir d’un café, dans son
ensemble comme dans ses détails, grignoter les schizos, se taquiner les
serveuses, entrer les désenchantés, déguerpir les pressés… (p. 76)
SUCCESSIONS
Carpentier y retrouve des visages chaque jour. On s’y confie, on comble la solitude,
on tente d’attirer l’attention quand on s’y glisse à l’heure de l’apéro. Le café
connaît des marées, des reflux, des poussées fascinantes à observer et à décrypter.
Dommage que Carpentier
n’identifie jamais ces endroits.
Nous apprenons parfois que
nous sommes près de l’Université du Québec à Montréal ou
dans tel quartier. Il lui arrive
aussi de se faire la dent sur un
écrivain ou un poète sans le
nommer. Cette méchanceté
anonyme est un peu agaçante.
Bien sûr, nous sommes tous
des inconnus dans ces
endroits. Mais quand on choisit de s’y attarder et d’écrire, il
faut le courage de dire ce qui
doit être dit.
Cette comédienne,
qui, juste à commander un Perrier,
prend l’allure d’une
ANDRÉ CARPENTIER
starlette qui s’ébroue
les aigrettes. Elle paraît scruter tout un chacun à tour de rôle, mais en
réalité, elle ne fait que vérifier si on ne la regarde pas. On dirait qu’elle ne
paraît pas assez tranquille avec elle-même pour avoir ne serait-ce qu’un
peu de curiosité pour les autres. (p. 191)
67DCC:B:CIEDJGFJ6IG:()
CJBŽGDHE6G6CCŽ:IG6CHEDGI>C8AJH
I6G>;
an
ans
ans
GŽ<JA>:G
ŽIG6C<:G
(+ taxes)
(sauf É.-U. )
(64+ taxes)
(sauf É.-U. )
(92+ taxes)
nom
adresse
code poal
téléphone
télécopieur
courriel
veuillez m’abonner à partir du numéro
Et il y a ces débuts de fragments qui jouent du «que» n’importe comment. «Un
de ces jours que je mets trois secondes… Un jour que je suis disparu des…»
Cette fréquence du «que» a fini par gâcher ma lecture. Pas parce qu’on est au café
qu’on relâche la garde. Carpentier nous a habitués à mieux.
Peut-être qu’il aurait fallu élaguer, resserrer et surtout s’attarder pour découvrir
des hommes et des femmes qui vivent l’amour, la maladie, la vieillesse et la peur.
Nous n’y parvenons jamais!
34 • lettres québécoises • automne 2010
67DCC:B:CI
Euaire
8E , Outremont (F8) =KK
nouvelle
S É B A S T I E N L AV O I E
III
Camille Allaire, Celle qui manque,
Montréal, Triptyque, 2010, 96 p., 18 $.
Fragments
d’existences
doucereuses
En exergue de la première nouvelle, la nouvelle éponyme,
cette phrase de Camille Claudel qui rend bien l’esprit de ce
recueil : « Il y a toujours quelque chose d’absent qui me
tourmente. »
es vingt-cinq nouvelles du recueil
forment une courtepointe presque
toute tissée d’humeur grise allant
du renoncement de soi («Entre tes lèvres et
les miennes») au sentiment de dépossession («Une chaleur sur mon ombre») ou
d’abandon (« Celle qui manque »). Les
L
par le grand-père. Abandonnée enceinte, s’entend, et dès lors atteinte d’un déni
qui l’emportera dans une quête éperdue du père indigne qui la mènera à sa
recherche à travers l’Univers, c’est-à-dire l’Occident. L’événement aura des répercussions sur deux générations:
Mon grand-père est parti en déchirant le cœur de ma grand-mère. Je sais
qu’à la limite, rien de tout cela ne me regarde, mais je ne peux m’empêcher de me sentir concernée, parce que j’aurais voulu une vraie grandmère, pas une grand-mère amère, mais une qui donne des bonbons,
chante des chansons, une qui a mangé trop de gâteaux et dont les seins
ballottent, fatigués, quand elle ouvre les bras. (p. 85)
Replions-nous sur notre nombril. Moi aussi, j’ai eu une grand-mère chiche d’ellemême, et je n’ai grandi, foin de nuances, qu’à travers des fictions où la grandmaman-gâteau était une incontournable… Force est de constater qu’il y a trop de
Saintes et pas assez de Putains chez nos grands-mamans imaginaires.
Remercions l’écrivaine de cet apport à l’imaginaire collectif.
Je ne peux aussi que saluer l’avant-dernière nouvelle, «Deux ou trois livres», qui
raconte l’histoire d’un Montréalais qui s’enfuit de sa ville, de sa femme et de son
rôle de père. Une chose le retient, ses bibliothèques, qui le clouent sur place,
finit-il par comprendre. Il ne peut se résoudre à vendre ses livres, est sûr de ne
pouvoir les emporter avec lui, ne sait à qui les donner… Puis il comprend et
claque la porte de son nouvel ancien appartement en ne laissant rien derrière lui
sinon ses livres.
On ne peut disposer d’une bibliothèque et être libre. J’en ai toujours été
convaincu.
III
Dany Tremblay, Tous les chemins mènent à l’ombre,
Montréal, La grenouille bleue, 2010, 140 p., 22,95 $.
phrases y sont très
dépouillées, quitte à
manquer parfois de
limpidité. Ou peut-être
dame Allaire me penset-elle plus intelligent
que je ne le suis vraiment ; elle use (mais
n’abuse pas) de l’ellipse
et de la fable allégorique. Dès lors, on a
CAMILLE ALLAIRE
beau jeu, comme lecteur paresseux, de soutenir que les évocations sont trop ou pas assez appuyées. Sans doute
devrais-je me borner à dire que je n’ai pas réussi à m’approprier quelques univers.
Le ton général est à la fois détaché et empathique. D’abord légèrement brinquebalant, puis de plus en plus efficace au fur et à mesure que l’on tourne les pages.
Touchant, souvent; valant le détour, parfois, mais jamais insignifiant.
Sous les poncifs
ridicules, la plage
« Des récits formellement sobres, mais d’une extravagance vivifiante, un auteur (sic) qui écrit avec la calme
assurance du marin qui murmure ses confidences à la
buvette à matelot… »
e n’est pas moi qui le dis, mais l’«argumentaire» fourni par l’éditeur,
«argumentaire» qui tient lieu ici de communiqué. Pour quiconque veut
bien rendre compte de ce livre, l’affaire est doublement choquante.
D’abord, c’est nous prendre pour des demeurés que de nous balancer une bullshit
si pompeuse. Ensuite, ces quelques petites phrases m’ont mis dans de très mauvaises dispositions et ont porté ombrage à un livre qui a pourtant plus d’un
mérite. Note à l’éditeur que je découvre: pourriez-vous rendre vos arguments
dans une prose digne des récits que vous présentez, s’il vous plaît?
C
S OYO N S C O N C R E T S
Je retiens les deux dernières nouvelles, «Deux ou trois livres» et «La tristesse qui
nous sépare», atypiques parce que beaucoup plus longues que les autres avec respectivement cinq et dix pages. La dernière est à l’avenant du recueil. Elle présente
trois générations de femmes, toutes marquées par l’abandon de la grand-mère
Il s’agit d’un recueil de courtes nouvelles circulaires présenté en six parties, les
quatre premières sous des thèmes qui ne sont pas nommés mais qu’on devine
très vite être l’aliénation, le viol, les crimes violents et le suicide. L’avant-dernière
nouvelle fait figure de synthèse et la dernière est une uchronie traitée à la manière
d’une légende. La plume flirte négligemment avec le commun, probablement
lettres québécoises • automne 2010 •
35
nouvelle
S É B A S T I E N L AV O I E
consciente qu’elle n’a pas à prouver qu’elle
s’en démarque. Elle est discrète, aussi, peutêtre parce que la phrase se sait assise sur
une construction solide et qu’elle connaît la
vacuité relative de l’esbroufe langagière. Les
textes savent aussi changer de couleur sans
jurer avec l’ensemble.
Puis vient le viol, en deuxième
partie. Dans la première nouvelle, le viol d’une inconnue.
Évidemment, me suis-je dit,
cela confirmait à mes yeux le
côté dérisoire de ces récits et
fantasmes communs à toutes
ces auteures grises qui pullulent. Je poursuivis ma lecture
presque malgré moi et malgré
l’«argumentaire».
Ce qui est dommage, c’est qu’on comprend
vite cette idée des thèmes et que ceux-ci
viennent brûler les chutes des récits, chutes
pourtant très bien amenées et parfois essentielles à certaines histoires. Dès la deuxième
nouvelle, dans la quatrième partie, «BlackOut», je n’attendais que les suicides.
D E L’ A G A C E M E N T
A U R AV I S S E M E N T
Je suis entré dans la première partie en réprimant aussi un sentiment d’agacement envers le premier thème abordé. Je me retrouve trop souvent, avec la littérature des femmes, dans un univers de petites chattes blessées qui lèchent encore
et encore leurs plaies…
II 1/2
Michèle Bourgon et Vincent Théberge (dir.), 30 – Trente — XXX,
Gatineau, Vents d’Ouest, 2009, 140 p., 23,95 $.
Délirer avec les
Outaouaisiens
À l’occasion du trentième anniversaire de l’Association
des auteures et auteurs de l’Outaouais, vingt-quatre
d’entre eux sont réunis sous le thème 30.
association compte quelque 120 membres «titulaires» et plusieurs dizaines de membres «associés». Les premiers ont déjà publié
au moins un titre, les seconds y aspirent et ce sont souvent eux, minoritaires, qui se tirent le plus mal de l’exercice. Vingt-quatre auteurs, c’est vingtquatre pieds de nez à toute tentative de généralisation. Disons simplement que les
auteurs qui ont touché au drame n’ont pas toujours su le faire sans gros sabots,
alors que les quelques rieurs ont su me mettre entièrement de leur bord.
L’
STÉPHANE ALBERT BOULAIS,
CELUI QUI MOURUT ET LE VIEUX RÉAC
Pourquoi diantre n’ai-je jamais entendu ce nom-là avant? Ce qu’il nous livre ici
m’a donné envie de me garrocher chez mon libraire. Cette nouvelle, («“Lui”»), est
le seul conte du recueil, un conte mystique, profondément chrétien par le fond,
mais où le Malin n’est pas.
«Aux confins du nord de l’Outaouais» (p. 59), à l’Halloween, un étranger «bizarrement habillé, curieusement coiffé, droit comme une sentinelle» (p. 59) traverse
un village, grimpe sur le palier d’une église luthérienne et s’y fige avec «dans ses
mains un navet traversé d’un long cierge allumé» (p. 59). Chaque jour, il revient,
36 • lettres québécoises • automne 2010
C’est à la première nouvelle sur
le suicide, «Par deux fois», que
j’ai rendu les armes et que j’ai
commencé à aborder l’auteure
comme une écrivaine, que j’ai
été vraiment touché. C’est au
D A N Y T R E M B L AY
moment de la chute que j’ai
vécu une petite mort. J’ai eu
beau, par la suite, avoir un mouvement d’humeur contre «Parenthèse», je l’ai finalement mis sur le compte d’un comportement masculin postcoïtal tout à fait
normal. Tout compte fait, j’ai aimé mes aventures avec Dany Tremblay.
se déshabillant deçà, delà. «Au rythme où il va, il
sera complètement nu à Noël!» (p. 62) Ce texte a
certaines des qualités qui me font tant aimer Fred
Pellerin. J’ai aimé la truculence de la narration,
compris quelques-unes des 95 thèses de Luther, et
j’ai particulièrement apprécié l’excellence de l’auteur dans le maniement de la comparaison ainsi
que sa manière de faire image:
Ce sourire fut si inquiétant que même les nuages
qu’avait sculptés autrefois le Signore Gargantini dans
la mandorle de la Vierge se réfléchirent tout ballonnés dans les grands yeux bleus du célébrant qui, dès
lors, proféra des paroles comme vent d’amont. (p.65)
Claude Bolduc m’a aussi amusé avec «Les joyeux
compagnons… de Word », l’histoire d’un auteur
qui voit la date de tombée de la première nouvelle qu’on lui avait jamais commandée arriver à grands pas et qui doit se débrouiller avec un déversement de
clones du Compagnon de Word après que celui-ci eut interdit à l’auteur d’écrire
Il mourut en guise de conclusion à un paragraphe…
Et, finalement, je constate que le monde de la littérature québécoise manque
d’auteurs purs, de cette race qui charrie les vraies valeurs et qui est capable d’assumer pleinement une vision réactionnaire. Un nouveau champion se dresse à
l’horizon, Gaston Therrien, qui sait dire les vraies affaires («Un souvenir du bon
vieux temps!»):
[…] l’arrivée du rasoir électrique, et son usage à grande échelle, contribuèrent à l’élimination de ce joyau de pacification qu’était la «strappe»;
ce qui, en retour, favorisa l’émergence de la Révolution tranquille et
nous propulsa dans le libertinage et l’abandon de nos valeurs fondamentales. (p. 74)
À quoi, en effet, sert de mettre le doigt sur le bobo quand on peut mettre la
main sur ce qui cause le bobo?
nouvelle
MICHEL LORD
II 1/2
Josée Bilodeau, Incertitudes, Montréal,
Québec Amérique, 2010, 133 p., 16,95 $.
Un regard
trouble sur
l’instable
Dans son premier recueil, Josée Bilodeau a l’art de jouer
avec les impondérables de la vie, surtout celle de femmes.
Dans cet imaginaire ondoyant, rien n’est assuré, tout bouge,
disparaît, réapparaît et souvent s’effondre.
es lieux de passage (gare,
train), de repos (chambres) et
de diver tissement visuel
(cinéma) servent de décor à ces étranges
parcours existentiels. « Le dernier
wagon» en est un bel exemple. La narratrice est en voyage en Suisse avec son
amant et ses enfants (à lui). Heureuse,
aux contours flous: «mon amant, comme poisson, ondule jusqu’à moi dans les
vagues des couvertures […] Il est d’humeur et de taille variables.» (p.67) À la fin,
elle s’évanouit dans un marché puis se liquéfie: «Je me répands, souterraine, jusqu’à la mer océane, où une huître m’avale.» (p. 72)
C’est l’attente absurde qui est représentée dans « Clichés de gare », qui met en
discours une narratrice ayant rendez-vous cette fois dans une gare de Paris
avec un ancien amant qu’elle n’a pas revu depuis des années. Elle s’inquiète de
son retard, perd sa valise, puis l’homme ne venant jamais, elle prend bizarrement
le train où elle retrouve sa valise devant elle sur un banc et demande à sa voisine
(son double ?) où elle va et se fait répondre : « À la maison, bien sûr. » (p. 84)
Curieux.
Une autre histoire de dépression clôt le recueil avec « L’arbre mort », où une
femme s’enfonce dans la solitude, les larmes et la tristesse, pendant qu’une de ses
plantes, un arbre, se régénère et envahit toute la maison. Un jour, elle se couche
sur le plancher, là où on la retrouve presque brûlée par le froid hivernal.
Même si la répétition du motif de l’effondrement confine au procédé, c’est tout de
même avec doigté que Josée Bilodeau fignole ces nouvelles fondées sur une réalité aux assises instables, à l’image du monde contemporain.
D
I 1/2
Claude Vallières, J’attendais que tu oses un geste,
Gatineau, Vents d’Ouest, coll. « Rafales », 2009, 147 p., 18,95 $.
« Je me dis
intérieurement»
Membre du groupe La Bande Magnétik, le chanteur Claude
Vallières publie des nouvelles depuis 2005. Son deuxième
recueil m’a souvent laissé songeur, tant on y remarque des
incohérences et des passages à l’écriture douteuse.
sa vie va bientôt basculer dans
l’étrange. Elle se sent tout à
coup angoissée, se retrouve
brusquement devant presque
rien, que des rails. Elle
s’écroule. Depuis elle n’attend
que la nuit « pour pouvoir
enfin poursuivre ce cauchemar, à la recherche d’une
JOSÉE BILODEAU
issue» (p. 92). Ultimement, elle
se réfugie dans le rêve: «Je […] m’abandonne au délice de ce songe, souhaite ne
plus me réveiller.» (p. 94) Mystérieux. Dans «Lorsqu’une porte se ferme, ouvrezen une autre» (parue dans XYZ la revue de la nouvelle en 2008), sur un ton légèrement plus drolatique, une autre femme déprimée va au cinéma pour se distraire
et y rencontre un très bel homme avec qui elle se livre à des attouchements,
mais finit par se rendre compte qu’elle est seule et qu’elle n’embrasse qu’une
vadrouille. Étrange.
Ce regard incertain qui prend des ombres — ou même le néant — pour la réalité est exploité dans presque chaque nouvelle. «Dans la chambre andalouse», un
texte aux accents poétiques, oniriques, la narratrice, qui dit devenir «sorcière»
(p. 67), va à la corrida et trouve que le torero ressemble à son amant, un amant
e premier texte, «Décalage», illustre le cas d’un homme pour qui tout va
mal. Se jugeant trop sage jusqu’à ce jour, il décide de «saouler le quotidien à grands coups d’imprévus», et, du même coup, de ne faire de sa vie
« qu’un élan retenu » (p. 15). Bizarre ! Pourquoi « retenu » ? Puis, il décrit une
situation qui ressemble à une visite au bordel, mais, en fait, il est avec une
«hôtesse de l’air» (p. 17), en voyage vers La Réunion… On a vu plus fou dans le
dérèglement des sens. «Dédale (Huile et techniques mixtes)» est mieux tournée,
mais non sans défauts. Un homme rend visite à une amie qui se meurt du cancer
à l’hôpital et qui lui demande, elle, une simple amie, de la faire jouir une dernière
fois. Certains passages sont moins jouissifs: «je me dis intérieurement» (p. 24),
«c’est de ça dont tu voulais me parler?» (p. 32)
L
Dans «Plus tard, peut-être», le narrateur écrit à une femme aimée des choses
comme ceci: «J’ai avancé vers toi, les paumes ouvertes sur le désir en cueillant
sous ta chemise les fruits inconnus à ma bouche […] Dans la houle de tes
hanches, je gaspillais quelques salives.» (p. 43) Éloquent… «La presque Garbo»
est plus astucieuse par la superposition d’une double figure. Un homme a de la
difficulté à se lever le jour de ses cinquante ans. Une femme se maquille et va dans
un centre commercial. Les deux se détestent. À la fin, on croit comprendre que les
deux ne font qu’un, que l’homme est un transsexuel qui disparaît «en silence
dans le corps de la femme» (p. 88).
lettres québécoises • automne 2010 •
37
nouvelle
MICHEL LORD
I
« Comme un livre de Jacques Poulin »
est au contraire remplie de ces bons sentiments dont on sait ce que Gide en dit.
Le narrateur, un préposé aux bénéficiaires dans un centre hospitalier, aime
donner de l’affection aux vieux dont il a
la responsabilité. Sa logique est simple,
Claude Forand, R. I. P. Histoires mourantes,
Ottawa, David, 2009, 159 p., 18,95 $.
Mieux vaut
mourir
On se demande parfois comment on fait pour passer au travers d’un livre. L’obligation professionnelle, sans doute.
Toujours est-il que le deuxième recueil de Claude Forand
contient des invraisemblances, du genre de celles qui tuent le
bonheur de lire. Surtout une nouvelle criminelle.
C L A U D E VA L L I È R E S
voire simpliste, mais charmante: «Je sais que je peux le
faire puisque je lis les romans
de Jacques Poulin. Dans ses
romans, je trouve la tendresse
et la douceur dont j’ai besoin
pour mon travail.» (p. 110) On
se prend à rêver de l’influence
de la littérature sur le monde.
«À cause de la beauté» est une nouvelle «politique», contenant une séquence fort
bizarre. Le narrateur arrive dans une île où il « passe le plus clair de [s] on
temps» (p. 116), bien qu’il parle d’entrée de jeu de «longue absence» (p. 113). Il
y va pour se détendre, car il souffre. Un nouveau voisin le dérange. Un jour, il va
le voir et, au lieu de lui parler, il lui fait lire une longue lettre dans laquelle il l’accuse d’être responsable de ses maux : il a été victime d’une bombe posée en
1969 par l’homme en question, un felquiste. Il aimerait le tuer, mais lui dit qu’il est
chanceux, car il ne veut pas souiller la beauté de l’île où ils se trouvent. Le motif
de la beauté clôt le recueil avec « Bête sauvage », où un homme apprenant la
mort de son beau-frère Jean-Guy se remémore quelques beaux instants vécus
avec lui dans la forêt qu’il aimait tant. Il en tire une morale fort simple: «Il faut
vivre à mort et s’émerveiller de la trace que laissent les bêtes sauvages comme
Jean-Guy quand elles passent dans nos vies.» (p. 146)
L’écriture incertaine du début du recueil se tasse un peu vers la fin, laissant
espérer des jours meilleurs.
info capsule
Le Salon du livre de l’Outaouais respire…
Le Salon du livre de l’Outaouais, qui vivait des temps difficiles depuis quelques
années, connaîtra un nouveau départ. En effet, le Salon du livre de l’Outaouais
vient de signer une entente de trois ans avec le Palais des congrès après des
mois d’incertitude quant à sa survie. C’est le maire de Gatineau qui a pris la
décision de s’impliquer dans le dossier et de signer une entente à long terme
assurant ainsi un financement stable au salon. La Ville de Gatineau se portera
garante du Salon du livre de l’Outaouais. Le maire a même indiqué que la Ville
augmenterait le budget de fonctionnement du SLO. C’est donc un nouveau
départ pour cet organisme qui en a profité aussi pour élire l’auteure Andrée
Poulin présidente du salon, qui succède ainsi à Mme Estelle Desfossés. La
communauté littéraire se réjouit de cette bonne nouvelle.
C
omme le titre l’indique, les histoires sont bel et bien «mourantes», elles
agonisent dans leur matière même et m’ont mis à l’agonie. Je me contenterai de donner quelques exemples.
Dans «Un tueur sentimental», un tueur à gages éprouve soudain de la sympathie
pour ses victimes et les contacte pour leur demander de s’amender sinon il les
tuera. Plus sentimental que ça, tu meurs. Nous sommes loin de Patricia Highsmith.
«On fait quoi avec le cadavre?» est une autre histoire qui ne tient pas debout.
Deux hommes volent une Mercedes et la vendent immédiatement à un client qui les
rappelle pour leur dire qu’il y a un cadavre dans le coffre arrière. De nouveau en
possession de la voiture volée, ils s’arrangent pour savoir à qui elle appartient et ils
entrent en contact avec le mafioso en question. Brillant! L’un des deux est assassiné
quelques jours plus tard. Dans «Les cinq étapes du chagrin», décidément, ça ne
s’améliore pas. Un homme, très éprouvé
par la mort de son jeune fils, ne veut voir
personne, mais laisse deux évangélistes lui
parler du Très-Haut. Ces derniers sont en
fait de petits escrocs qui finissent par le
voler. Mais, aussi invraisemblable que cela
puisse paraître, ils reviennent comme si de
rien n’était, acceptent l’invitation de
l’homme à boire un café dans lequel le père
éprouvé met une forte dose de somnifères.
Puis il les enchaîne dans la cave et finit par
laisser son chien les tuer.
On se demande bien pourquoi Forand a
repris « L’étrange maison de la veuve
Boilard» parue dans son recueil précédent.
Il s’agit d’une nouvelle à chute avec effets
«fantastiques» qui se dégonflent à mesure.
«La mort est pleine de surprises» est aussi un peu ridicule. Un homme, ayant
peur qu’il n’y ait personne à ses funérailles, fait de généreux dons à son ex-femme,
à un ex-ami et à sa mère pour s’assurer de leur présence. Puis il feint d’être mort
pour voir si ça marche. À la fin, on referme le couvercle de la tombe sur lui… Le
goût de refermer le livre n’est pas loin. On espère toujours naïvement que ça va
s’améliorer, mais non. Ça sombre de plus en plus dans l’insensé, comme dans
«Sur le pont des suicides», où un homme va sur un pont pour se suicider et y rencontre trois autres suicidaires (un attroupement!) à qui il demande de se confier
pour savoir lequel a la vie la plus atroce et devrait se suicider en premier.
Au secours!
38 • lettres québécoises • automne 2010
GEORGETTE LEBLANC
JEAN-PAUL DAOUST
AMÉDÉ
DOMINIC LANGLOIS
MENER DU TRAIN
CARNETS DE MONCTON
Scènes de la vie ordinaire
PERCE-NEIGE
PERCE-NEIGE
CARNETS DE MONCTON
JEANPAUL DAOUST
PRIX 14,95 $
ISBN 9782922992588
AMÉDÉ
GEORGETTE LEBLANC
PRIX 14,95 $
ISBN 9782922992557
PERCE-NEIGE
MENER DU TRAIN
DOMINIC LANGLOIS
PRIX 14,95 $
ISBN 9782922992564
Les Éditions Perce-Neige, 140 rue Botsford, bureau 22, Moncton N.-B. • http://perceneige.recf.ca • [email protected]
Téléphone : 506-383-4446 • Télécopieur : 506-857-2064
DISTRIBUTION PROLOGUE
lettres québécoises • automne 2010 •
39
poésie
HUGUES CORRIVEAU
III
Les mots des autres deviennent des amertumes
Alors on finit dans un Disneyland encore plus synthétique
On pense que la fête très Louis XIV commence
Alors qu’elle finit
Quand vous n’avez plus le guts de vivre
Ne pensez surtout pas que les mots le feront à votre place (p. 33)
Jean-Paul Daoust, Carnets de Moncton. Scènes de la vie ordinaire,
Moncton, Perce-Neige, 2010, 66 p., 14,95 $.
Vadrouilleur
urbain
Trois mois d’hiver à Moncton, autant dire trois mois d’errance
sentimentale et nostalgique dans une ville au bout de la tranquillité pour quelqu’un qui n’aime rien tant que les rencontres
festives et les débordements.
n 1996, Jean-Paul Daoust
nous avait donné son très
beau 111 Wooster Street (VLB
éditeur), après un séjour de six mois à
New York. On le savait donc capable de
tenir un journal poétique de haut
niveau au fil des rencontres et des
moments d’espérance. Cette fois, il
revient à ce métier du journal presque
quotidien, mais dans un contexte fort
E
J E A N - PA U L D A O U S T
Ce recueil met en jeu un poète qui, devant ses propres mots, les craint et les polit
pour que d’eux exultent la vie crue et l’effervescence des sentiments troublés.
II
Frans Ben Callado, Faire confiance à un animal, postface de Jean-Paul Daoust,
dessins d’Arnaud Soly, Montréal, Poètes de brousse, 2010, 104 p., 15 $.
Les trous de la
terre chez Frans
Ben Callado
L’art d’aller dans les entournures d’une complexité qui s’égare
un tantinet est poussé assez loin dans les textes de Callado.
Peu s’en faut qu’on ne distingue pas bien l’avancée du propos.
différent. Aux prises avec sa
propre solitude, il va passer
cette parenthèse temporelle
avec la figure à la fois tutélaire
et fantomatique de Gérald
L e bla n c , s on « t i - f r è re »
(comme se plaisait à l’appeler
le poète décédé). Cela donne
les plus belles pages, le plus
beau moment de cette œuvre
q u i d é r i ve , q u i s’ e s s a i e
constamment au jeu de la
vérité la plus exacte, mêlant
bonheur et angoisse.
omme toujours, chez les Poètes
de brousse, le livre est laid, fidèle
en cela à l’esthétique obstinée
de la maison. Les esquisses qui parsèment les textes de Faire confiance à un
animal n’y remédient pas non plus.
Retenons aussi les navrantes dédicaces
C
LE CŒUR EN ÉMOI
Entre la solitude de sa chambre, les promenades sur le boulevard, les arrêts
inévitables aux bars qui l’interpellent, Jean-Paul Daoust nous convie à ce parcours
tremblé qui met l’âme à bout de souffle, les mots au bord des confidences alarmées, pleines de larmes justement, tant la confrontation à soi-même ou à l’absence creuse la conscience:
À vivre avec les mots on risque de trop les aimer
On se les greffe au cœur
En pensant qu’ils nous donneront le leur
On va même jusqu’à se les enrouler autour du cou¸
Comme des boas affectueux
40 • lettres québécoises • automne 2010
du recueil qui feraient fuir le
plus acharné amateur de poésie, dont celle-ci : « aux nombreux sosies banlieusards de
Zac Étron [sic] (parce que j’ai
les goûts d’une petite sotte de
Laval).» Quant à la poésie de
M. Callado, dès les textes iniFRANS BEN CALLADO
tiaux, on y décèle l’influence du
courant des « listes » qui sévit dans la production hyper-actuelle. Le premier
accumule les compléments à «Nous allons naître de…» (p. 13-14), le second à
«Nous naissons de…» (p. 15-16), sans compter le «C’est dangereux de…» (p. 37).
poésie
HUGUES CORRIVEAU
On a craint que ça n’en finisse pas mais, ailleurs, on va du côté d’une «surréalisation» des images: «L’argile en jonction crépusculaire se déchire immonde, rompt
la boue.»
rais ce que j’eusse dû écrire si j’avais écouté ma religieuse bien-aimée. Avec l’auteur, je dévalerais les pentes enneigées des douces montagnes québécoises, me
dis-je! Des heures de plaisir! Hélas! Mes espoirs furent trompés.
CHERCHER SON CHEMIN
MÉTIER : « GROGNASSON »
Bon, je me dis que je comprends mal le projet, je me replonge au cœur du poétique: «Dans le Nord obscène, autant on fait traire toute la mélancolie hors de la
goutte de sang estampée sur le toit du Japon, autant on dévie de la romance vile
et espiègle de Marco Polo […]» (p. 23); autant dire que je reste pantois de perplexité. J’ai eu beau lire et relire la postface admirative que signe Jean-Paul
Daoust, rien à faire, je me retrouve baba comme devant. Voyons ceci: «Perce et
parais; parlement de pores. Austère, parle-moi des palestres, des lieux à échine.
Par le musc enfin la reconnaissance. Ne miroite pas. Le prix se paie mal. Toujours.
Et par l’asphyxie la plus belle (ton entrecôte est succulente lorsque tu sautes les
barbelés).» (p. 45) Malgré tout, je ne dis pas que c’est sans qualité, loin de là. On
reconnaît indéniablement une recherche très poussée du côté de la langue et de
ses effets, mais ce qu’il y a à comprendre à la lettre des textes, je n’en suis pas certain.
Or, nous sommes plutôt devant une suite de
textes de genre: soit une suite de conseils pour
attaquer, ou se défendre, ou provoquer en toutes
circonstances, soit une description d’un événement particulier qui tombe plutôt sur les nerfs,
soit un «mode d’emploi». C’est très souvent
ludique et réjouissant mais, surtout, obsessionnel. Le jeu est simple: il suffit de retenir un mot,
D E S É C L AT S D E V O I X
Soit, il faut «mutiner plutôt, se munir de futur» (p. 38), ou encore saisir que
«tous [s] es efforts sont des machines fabuleuses» (p. 50), mais je ne sais trop
quoi faire quand le poète me confie: «seul l’espace me fustige clamant l’accalmie
de mes membres, la fainéantise de mes organes» (p. 48) ou qu’il veut me traduire
«les sourires pariétaux du pergélisol» (p. 22). Si on doit donner raison à Jean-Paul
Daoust quand il dit que «[…] le poète jouit. La luxure des mots gicle» («Les
fleurs de Caïn», p. 98), encore faut-il être capable d’accompagner cette jouissance. Quant à moi, j’ai dû attendre la seconde moitié du recueil pour me laisser
saisir, car «c’est aussi une voix qui nous exhorte de graviter: “Ne meurs surtout
pas.” » (p. 52) Les trois dernières parties, « Renforts », « L’antenne de l’humanité» et «Langues maternelles», valent à elles seules le recueil. L’auteur y atteint
la densité propre aux textes qui comptent.
II
Pierre Demers, La bénédiction des skidoos. Poèmes enragés,
Trois-Pistoles, Éditions Trois-Pistoles, 2010, 80 p., 17,95 $.
« Chialer
pour chialer »
Avoir les nerfs à vif, et pouvoir rouspéter un bon coup : voilà
le programme de ce recueil inclassable et acide. Voilà une
voix qui s’élève pour hurler dans le désert. Même le jour où
les « skidoosmen » sont réunis pour la bénédiction du curé.
n courte introduction, une anecdote: au cours de ma scolarité de doctorat à l’Université Laval, je suivais un atelier d’écriture en compagnie,
entre autres, d’une «consœur sœur». Comme elle détestait ce que j’écrivais, un soir elle m’invectiva de la sorte: «Au moins, si vous alliez vous promener
en “skidoo” dans la forêt, vous écririez des poèmes plus incarnés.» Je ne tins pas
compte de la suggestion. Or, voici que les Éditions Trois-Pistoles publient (pour
moi seul, j’en étais certain), La bénédiction des skidoos du poète Pierre Demers.
Imaginez un peu. J’ai cru pouvoir enfin tenir mon livre de référence; enfin, je sau-
E
comme le premier du recueil, à
savoir «roches», et laisser son
imagination faire le nécessaire
pour multiplier les jeux et les
usages suscités par un objet
quelconque. Comptez sur l’auteur pour vous donner les
conseils indispensables à leur
utilisation ou aux comportements recommandés dans une
situation spécifique. Les textes
PIERRE DEMERS
sont parfois écrits à l’infinitif et
accumulent alors le procédé propre aux dépliants explicatifs qui accompagnent tout
achat d’un nouvel appareil nécessitant telle ou telle recommandation préalable à
son bon fonctionnement, ou même tout comportement indispensable dans une
situation donnée. Par exemple, face au «Vide» dégagé par des importuns, l’auteur
nous susurre: «Plus capable de les souffrir. Plus capable de les entendre parler de
tout et de rien n’importe comment. […] Sentir le désir profond monter de les
engueuler comme de la viande avariée. […] À me donner l’envie spontanée de
régurgiter mes deux toasts du matin au beurre d’arachide. Tirer la chasse d’eau
pour les voir disparaître tous dans le tourbillon des os usés.» (p. 13)
LA LANGUE DANS LE VINAIGRE
En si bon chemin, l’auteur s’autorise quelques petits jeux de mots guillerets. Par
exemple, dans «Rouler», il s’impatiente du bruit que fait une Harley, et nous
confie son « […] goût de la pousser à terre juste pour voir la fraise du gros
motard moutarde fulminer en sortant en trombe de son bar-salon. Rager. […]
Pomper comme un porc gonflé aux côtes levées.» (p. 14) Je me désopile à qui
mieux mieux. Et ainsi de suite avec «Le flo», l’«Eau potable», les «Rapaces» ou
le « Major ». Le procédé étant toujours le même, on feuillette, on glane ou on
glande, c’est selon. Mais chose certaine, on a droit à l’impatience forcenée de l’auteur au bord de la crise de nerfs: «Faire le pari des chiens. […] Japper contre tout,
contre rien. Faire de son passage un lancinant aboiement. Pour signaler que la
terre ne tourne pas à la bonne vitesse. […] Attraper la rage des chiens qui veulent
mordre. Japper contre la grande noirceur, le sommeil destructeur, les âmes bienpensantes. Appeler le désordre, japper pour qu’il s’installe enfin. Déchiqueter
les niches. Avaler toutes les laisses.» («Japper», p. 50) Poésie cela? Je n’en suis pas
certain. Jouissif, assez souvent. Goguenard. Et libérateur.
lettres québécoises • automne 2010 •
41
poésie
RACHEL LECLERC
IIIII
réserve d’indulgence — inutile
réserve — face à un éventuel
trébuchement. L’abrupt, c’est la
répétition générale que s’offre
le poète devant l’idée de sa
propre mort.
Fernand Ouellette, L’abrupt, tomes I et II, Montréal, l’Hexagone,
coll. « L’appel des mots », 2009, 205 et 207 p., 24,95 $ chacun.
« Le nombre
sacré du large »
Comme un testament poétique, L’abrupt nous livre, en deux
forts volumes, toutes les coordonnées d’une Voie lumineuse
dont Fernand Ouellette sent, souhaite et appréhende peutêtre l’imminence. La dernière falaise, pourrait-on appeler
cette somme dont les quatre cents pages d’abandon et de
lucidité ont été écrites, transcrites en une année à peine.
ier soir, devant le téléviseur, j’étais happée par la
musique d’André Mathieu enfin arrachée au marais
de l’indifférence nationale par Alain Lefèvre, me trouvant fascinée par les mains de l’interprète, broyée par les notes
du 4e concerto. À l’aube, j’ai repensé à ce compositeur né
quelques mois avant le poète et me suit dit qu’une force essentielle lui a fait défaut, un solide espoir, un
espoir aveugle. Il aurait eu cette foi, cet
appui, cette balise, il était peut-être sauvé.
H
Or il faut en passer par le natal,
par l’origine, et Ouellette n’esquive pas la tâche de désempierrer sa propre préhistoire. Le
premier volume se fait le plus
sombre des deux, si cela se peut.
C’ e st qu’ on e st e n core à
s’ébrouer pour se dégager de
l’expérience terrestre, qu’elle soit
individuelle ou collective, et de
FERNAND OUELLETTE
toutes les épreuves, de toutes les
images aimées ou haïes, de tous les visages tenus ou perdus. Puis
il y a l’élan final, la beauté du silence qui va bientôt nous saisir, qui
est aussi le silence dans lequel sont abandonnés les témoins parce
que tout est dit, tout est traversé du chagrin à la confiance, de la
confiance à la foi, de la foi à l’éblouissement (plutôt que l’illumination). Cet éblouissement, on le retrouve dans le second tome,
étrangement le plus concret des deux, car on y est engagé dans le
mouvement, dans l’accélération et l’entropie, dans la transformation. On traverse des nuées, des paysages, on aperçoit des oiseaux.
Quelque part il est dit qu’on atteint le plateau. Bientôt on s’y trouvera, «à contre-Dieu» (p.181, tome II).
Qui saurait déchiffrer, qui pourrait sonder
le mystère dans le cœur de l’immense
poète qu’est Fernand Ouellette — lequel a
bien dû croiser Mathieu un jour ?
Inaccessible pour la plupart d’entre nous, la
vraie foi ne peut que faire envie, surtout
quand on a parlé ne serait-ce qu’un instant avec cet octogénaire qui porte en lui
quelque chose d’inusable, de juvénile et qui
semble bien être le seul à croire venue
l’heure de la grande montée.
Certains poètes transforment en or tout ce
qu’ils touchent avec une aisance, une grâce d’enfant. On voudrait pouvoir citer la
plupart de ces vers qui entrent dans la vie par une majuscule dont on ne songe
même pas à interroger la pertinence tant elle semble aller de soi.
À peine en équilibre, visant
Le sommet d’une solitude que nul
Ne sait escalader
(…) Je laisse les formes et les sons
M’entamer, me rougir. (p. 55, tome I)
UNE POÉSIE SOLAIRE
C’est peut-être une posture de l’effroi qui sert de prémices à ce livre et qui donnera lieu, au fil des pages, à une telle fluidité, à une telle qualité poétique. Mais, à
l’envers de l’effroi, il y a une joie toute solaire, il y a aussi la verticalité (d’où le
titre), non plus la verticalité comme pulsion de vie, mais comme force d’attraction
vers le haut, comme anti-gravité. Rendu à un certain niveau dans l’ascension, on
écrit avec aisance, en battant doucement des ailes, sans faux pas mais avec une
42 • lettres québécoises • automne 2010
Le grand art et la force de Fernand Ouellette pourraient bien
résider dans cette seule idée qu’il a tenue à bout de cœur, ce
vœu cristallisé dans la métaphore de l’escarpement, d’une
interminable paroi où s’agripper, mot après mot, page après
page, pour voir enfin ce en quoi il a cru aveuglément et pour y
prendre demeure.
IIII
Margaret Atwood, La porte, traduction de Louise Desjardins,
Québec, Le lézard amoureux, 2009, 152 p., 18,95 $.
Du roman
dans le poème
Retirez du cerveau de Margaret Atwood, romancière de
Toronto mondialement célébrée, le fantastique qu’elle cultive
si bien dans ses histoires, et il en restera des vers d’un pragmatisme halluciné, inquiétant et efficace, avec un doigt d’ironie allongée d’humanisme.
oilà une poésie qui gravite à des années-lumière du maniérisme hésitant des débutants, de la métaphore échevelée et des transpositions
ambiguës ou narcissiques. Il faudrait relire le traité de Fontanier pour
comprendre à quelles figures de rhétorique carbure l’auteure de La servante
V
poésie
RACHEL LECLERC
écarlate et du Tueur aveugle dans ce livre admirablement traduit par
Louise Desjardins.
mité, si habituelle aux poètes. Très vite, on
est happé par l’étrangeté, l’atmosphère de
ces narrations débouchant souvent sur une
sombre intériorité, tout empathique et
jamais cynique. Que Margaret Atwood prête
seulement son attention au criquet ou à
l’ours, elle pénètre dans notre tête à petits
pas furtifs et déterminés. On voit alors,
comme on l’a vu dans ses romans, à quel
point elle possède le don de mettre le feu à
la broussaille de notre existence convenable
et convenue. Le dernier texte, qui donne son
titre au livre, ramasse en trois pages une
vie entière, avec l’ultime porte qui se
referme sur votre stupeur d’avoir déjà passé
le Seuil.
C’est bel et bien un recueil, cette collection de longs poèmes unifiés par
un ton et un style propres à une certaine poésie canadienne-anglaise,
laquelle excelle souvent dans l’art du vers narratif. Que l’auteure raconte
le quotidien des habitants d’une maison de poupée, qu’elle rédige une
épitaphe pour le chat Blackie — une bête assoiffée de justice —, qu’elle
décrive les suées d’angoisse du dernier homme raisonnable siégeant au
sénat romain alors que Caligula cède au caprice de nommer son propre
cheval sénateur, qu’elle fasse dire
à l’oracle qu’il est devenu trop
épuisant de transformer les calories en mots, qu’elle donne la
parole aux naufragés d’un paquebot — rappelant par là le très
beau Naufrage du Titanic de
l’ A l l e m a n d Ha n s Ma g nu s
Enzensberger —, on ne peut
qu’apprécier.
On voudra relire cette poésie d’une grande
romancière comme la chronique douceamère de nos destins étriqués, aussi comme
un hommage à la grandeur et à la vanité de nos rêves, relire notamment l’un de
ces longs textes bavards comme elle sait en produire, «Le hibou et le minou,
quelques années plus tard», car il contient lui aussi les braises tranquilles, rougeoyantes, de nos cœurs d’artistes et d’écrivains.
M A R G A R E T AT W O O D
Pourtant, les premières pages
laissent pantois un lecteur parti
à la recherche d’une autre inti-
III
Étienne Lalonde, Histoires naturelles, Montréal,
Les Herbes rouges, 2010, 72 p., 14,95 $.
Apparitions
Dans une maison délabrée non loin de la mer, là-bas dans un
Nord innommé, un jeune homme marche à l’intérieur de luimême, à petits pas dans la poussière et les toiles d’araignée
de sa naissance.
ivre grave que celui-ci, chargé d’ellipses et de sous-entendus. Normal,
puisque le personnage ne sait pas
où regarder ni lequel de ses fantômes questionner. Il veut, exige de revenir sur le
drame de ses origines, car il voudrait vivre
sans le poids de la souffrance de ceux qui
l’ont précédé. Et l’homme aura besoin de se
mettre en état de faiblesse. «Je suis ce qui
crie famine, une proie faite pour la peau.»
(p. 13) On n’entre pas au cœur de soi, tout
près de ce qui nous a mis au monde, sans
lever le voile sur la fragilité: avant l’équilibre et la maturité de l’homme écrivant, il
y a eu le petit garçon avec son mal-être et
sa difficulté à grandir, et puis cette lettre mystérieuse que le père ne veut pas
expliquer, lui qui se contente de caresser «les cheveux comme on brosse le trait
d’une dernière nature morte» (p. 59).
L
Or rien n’est plus générateur d’angoisse pour l’enfant qu’une absence de réponse.
Si chacun comprenait cela, les psychanalystes tomberaient en faillite. On pourrait
presque dire que le livre tourne
autour de cette donnée, un
ancien refus de révéler. Et aussi
de celle qui veut qu’un adulte
n’est parfois qu’un enfant coupable qui a grandi. Mais il y a
ici et là une belle sollicitude,
toute filiale: «Tu es mort, des
outils plein la voix.» (p. 57)
Q U I E S T PA R T I ?
Qui, de la mère, du père, du
grand-père, a fait défaut ? Qui
est la victime ? Qui persécute ?
On ne sait pas bien, mais
parions que, tour à tour, chacun fait défection un jour ou
l’autre. C’est peut-être le prinÉTIENNE LALONDE
cipal reproche qu’adresse le
« narrateur » à ce petit groupe de fantômes et ce qui le justifie de trancher
dans la chair du souvenir. « Je pense que je vis les bienfaits de mon meurtre. »
(p. 29)
Le plus réussi de l’ensemble est l’atmosphère, souvent à deux pas de l’épouvante pour peu qu’on veuille entrer dans le mystère du livre. Et aussi le paysage
qu’on arrive à imaginer parce qu’il ne nous est donné qu’à dose minimale. Cela se
passe à des centaines de kilomètres du bitume, et l’on sent l’air, le lac, la baie, on
sent le bois de la demeure, tout l’ensablement qu’elle a dû subir.
Mais, surtout, ces spectres à l’intérieur, ces visions… Il ne faut pas lire ce livre,
comme je le fais, avant d’aller passer quelques semaines dans une maison en bardeaux, isolée au fond d’une vallée. «Une forme s’est mise à courir derrière moi.
Une forme indistincte, à demi vêtue, plus pâle que le reste. » (p. 41) On s’en
reparle dans quelques mois. Si je reviens.
lettres québécoises • automne 2010 •
43
poésie
J A C Q U E S PA Q U I N
III 1/2
Carole David, Manuel de poétique à l’intention des jeunes filles,
Montréal, Les Herbes rouges, 2010, 75 p., 14,95 $.
« Le dragon
de soi »
Le dernier titre de Carole David rappelle
par sa formulation les manuels qui étaient à
l’usage des jeunes filles et qui servaient à
prémunir la génération des années soixante
des dangers d’une sexualité trop précoce.
avid retourne comme un gant les visées de ces
petits ouvrages en invitant ses lectrices (mais
aussi ses lecteurs) à admirer ses icônes. Oui,
des icônes, c’est bien le mot
qu’elle utilise pour coiffer le
titre d’une des sections du
recueil, tout comme « Les
pieuses domestiques » ou
«Trois jours de pèlerinage». On
ne doit donc pas s’étonner de
ces résonances religieuses, car
David a déjà publié des nouvel le s qu i r a conte nt des
Histoires saintes (Herbes
rouges). Et elle affichait autrefois un nom qui dévoile son italianité : Carole Fioramore. Ce
sont des icônes féminines qui
ornent les frontons de chacun
des poèmes, et la poète leur
rend hommage à sa façon, ce
qui est peut-être aussi une
C A R O L E D AV I D
manière de se mesurer bien
humblement à elles: sainte Lucie, Mary Shelley, Maria Goretti, Jean Seberg, Emily
Dickinson. La liste serait trop longue à énumérer. Pour chacune, une forme de définition, de petites étiquettes, certaines très fantaisistes. Unica Zürn est «maîtresse
des anagrammes», Louisa May Alcott, «déesse de la fiction domestique», Amelia
Rosselli, «libellule et aphasique». Pour chacune d’elles, la poète a prélevé de leur
œuvre une petite citation. Puis vient le poème, qui peut se lire comme une forme
de lecture, d’appropriation de l’univers de cette icône. Que le lecteur connaisse ou
non les noms alignés au fil des pages n’a que peu d’importance, car il conviendra
que ce qu’il lit, ce qu’il veut lire avant tout, c’est du David. Voici son Shelley:
D
Dans sa cuisine, Mary a arraché des têtes,
recousu des ailes, rapiécé des membres,
des chaussettes en cuisinant le rosbif.
Elle a créé un monstre fracturé, objet menaçant
à la recherche d’une âme et d’un cercueil;
il est apparu par une chaude journée d’été
devant le barbecue, les instruments à la main […] (p. 15)
44 • lettres québécoises • automne 2010
Les textes les plus étranges, mais, à mon avis, les
plus réussis sont les « kitchen songs », petites narrations qui sortent de l’ordinaire […].
L’assemblage des objets familiers et du fantastique dans cette scène mi-bucolique
mi-loufoque est bien de la palette de David, reconnaissable entre toutes. Sa poésie mélange le kitsch et le sublime. La poète maintient son lecteur
dans l’entre-deux, comme dans la section «Études» où elle déstabilise sa classe d’étudiants en trafiquant un bout de vers de Paul-Marie
Lapointe «Kimono de fleurs blanches» pour forger à son tour une
«bouche truite rouge» (p. 51). Les poèmes sont souvent des leçons de
poésie. Les textes les plus étranges, mais, à mon avis, les plus réussis
sont les « kitchen songs », petites narrations qui sortent de l’ordinaire et qui décrivent en quelques touches un univers où l’incertitude,
celle du locuteur surtout, se donne comme une règle de vie. « La
commode, la coiffeuse, la cage, sont mes seuls repères dans cette histoire de la poésie», écrit-elle. «J’insiste sur ce qui est faux pour faire
à ma tête.» (p. 66) Il faut lire aussi le magnifique poème qui ouvre le
recueil, qui parle de la lecture publique:
quand je suis assise, je pense, j’écris, je rature; quand je me lève, je
tremble, toussote, m’emballe
parce qu’entre ma voix écrite et ma voix réelle,
il y a le dragon de soi.
La couverture est joliment illustrée d’une enluminure qui représente «Christine
de Pisan écrivant dans sa chambre». Bel autoportrait ressemblant de la poète en
femme érudite du Moyen Âge, considérée aujourd’hui comme une féministe
avant la lettre.
III
Serge Murphy, La vie quotidienne est éternelle,
Montréal, l’Hexagone, 2010, 88 p., 16,95 $.
La mesure du
menu quotidien
S’il en est à son premier recueil, Serge Murphy n’est pas un
inconnu pour autant, puisqu’il a obtenu le prestigieux prix
Ozias-Leduc pour l’ensemble de son œuvre artistique.
n pourrait croire que l’intitulé du recueil est une réponse à la plainte
lancée par Jules Laforgue: «Ah! que la Vie quotidienne…» Et pour
cause, car l’univers dont nous fait part Murphy est fait d’un inventaire
de choses, de gestes qui associent le quotidien au banal. Rien de plus répétitif, de
plus prévisible que le quotidien. Et le recueil se garde bien de le magnifier comme
on a pu le voir dans certains recueils où l’espace privé du sujet dévoilait tout autre
chose que le banal. Le parcours de Murphy prend une tout autre direction. Chez
lui, c’est l’accumulation de petits faits, de gestes anodins, d’un fragment de vie qui
finit par créer, peut-être inspiré en cela par ses installations composées d’objets
hétéroclites. J’ai écrit «inventaire»: effectivement le poète a une lubie, il compte,
tout et tout le temps. À Marseille, il donne le compte exact des mouettes qu’il
aperçoit, il fait de même avec une rangée de voitures garées dans une rue de
Montréal, il «arpente les secondes/l’une après l’autre» (p.19). Il aime l’ordre, c’est
O
poésie
J A C Q U E S PA Q U I N
la mesure du quotidien, mais il se
considère en contrepartie comme un
«mol inventeur du désordre» (p. 31).
On l’a déjà, avec raison, associé à la
poésie de Gilles Cyr qui pratique lui
L’émotion, l’épanchement sont exclus de ces poèmes sans titre qui composent une
trame décousue, mais à la tonalité constante. N’ayant ni l’esprit du collectionneur
ni celui de l’herboriste, le poète ne dit que ce qu’il trouve, sans maquiller la réalité. Si celle-ci le «happe» (p. 85), elle n’entraîne pas d’effet autre que du factuel.
Le lecteur est laissé à sa liberté, on ne lui indiquera nul fil, nulle thématique, rien
qui puisse dénaturer le simple fait de recueillir des bouts de quotidien. Les
« choses vues » sont « choses à voir » (p. 62). Serge Murphy ne cherche pas la
poésie, cette question n’a pas de sens pour lui, je pense, il saisit les objets de son
entourage et les dispose sur le papier. Mais parfois, il s’offre le plaisir d’un petit
bricolage:
au s s i l a s a i s i e d e p e t i t s
moments, de déplacements
sans but et sans motifs apparents, qui finissent par prendre
sens dans un paysage toujours
ch a n ge a nt , qu e l e p o è te
arpente avec minutie. Mais le
pari est risqué, il ne faut pas
SERGE MURPHY
que ça crée du sens, justement,
et accepter que les choses en elles-mêmes ne valent pas (nécessairement) pour
leur attrait : « Je montre/une vie/sans apprêt/livrée aux secondes » (p. 12).
II 1/2
Jean-Marc La Frenière, Un feu me hante, illustrations de Lino,
Trois-Rivières, Le Sabord, coll. « Excentriq », 2009, 96 p., 24,95 $.
Entre le rêve
et le dépit
je creuse un trou
à la fourchette
plante la branche
dépose l’oiseau
son chant est le mien
dans la forêt souveraine (p. 37)
Le regard de l’artiste n’est pas absent dans ce premier recueil où la peinture, le tracé
sont présents, mais sans être auréolés d’aucune signification supérieure; ils sont le
produit d’un geste comme un autre. Seule exception, une concession peut-être,
qu’on devine à la fin du recueil, où le poète affirme (ou reconnaît?) que «tout se lie
dans l’œuvre ultime» (p.84). Je ne crois pas que Murphy adopterait la suite du vers
de Laforgue: «Et, du plus vrai qu’on se souvienne — Comme on fut piètre et sans
génie…» Et on lui donne parfaitement raison. Malgré une ou deux bavures, qui
font tache dans un recueil aussi minimaliste (répétition de «escorte» et «apprêter»), La vie quotidienne est éternelle invite à une belle flânerie.
d’avoir été enfant» (p. 68). On peut s’en
moquer, mais puisque cette posture est
assumée pleinement, on songe soudain
à Prévert et alors on finit par emboîter
le pas, on envoie au diable les clichés.
D’autre part, cela ne lui suffit pas, au
poète, le voilà qui se fait sentencieux, lui
qui pourtant dit se tenir à distance des
Comme le suggère son recueil, Un feu me hante, Jean-Marc
La Frenière a « [d]e l’émotion à revendre ». Et le moins qu’on
puisse dire, c’est que le poète a du bagout.
a centaine de pages de prose, engoncée dans une typographie un peu
rebutante, représente un défi de taille pour qui est habitué à une écriture
plus aérée. Mais malgré cette masse textuelle, on peut aisément repérer
des thèmes récurrents. D’abord, le poète aime bien parler de lui, il a un petit côté
narcissique — mais quel poète ne l’est pas, me direz-vous —, qui révèle une
personnalité quelque peu misanthrope. «Écrire est mon dernier refuge contre la
perdition » (p. 23), lance celui qui dit « marcher toujours du côté des parias »
(p. 59). Il a des lettres, ce poète, c’est un grand lecteur, mais ses propos rappellent
aussi sa filiation avec ceux qu’on a appelés les poètes du pays. On croirait entendre
l’agonique Miron et sa pauvreté anthropos à certains tournants de phrase, ou la
complainte de Gérald Godin à qui La Frenière dédicace l’un de ses poèmes. L’échec
du référendum de 1980 a laissé de brûlantes cicatrices: «J’habite un pays qui ne
veut pas de lui et se refuse à naître.» (p. 80) Le recueil se partage entre deux
registres. D’une part, une «écriture légère», naïve même, qui, aux yeux du locuteur,
fait écran à la déroute générale. Bien qu’il en ait conscience, le poète se soucie peu
de paraître mièvre à quelques occasions puisque, confie-t-il, «je n’ai jamais guéri
L
«vérités hautaines» (p. 101), le
voilà maintenant accroupi
comme un vieil enfant boudeur
qui chantonne la rengaine du
bon vieux temps, la nostalgie
de la maison natale, son aversion pour la vie urbaine. Les
illustrations de Lino valent le
coup d’œil, de même que les
segments de phrases peintes en
JEAN-MARC LA FRENIÈRE
rouge qui percent la monotonie de ces textes qui n’évitent
pas toujours le ressassement. Le poète a beau ne pas parler seul quand il marche
dans les rues, on peut s’interroger: est-il bien notre contemporain, celui qui s’entoure de «mille fantômes» et de «dieux déchus» (p. 124)?
lettres québécoises • automne 2010 •
45
essai
CLAUDINE POTVIN
IIII
position sur la politique et la
société sont rares […] Prendre
position suppose reconnaître
publiquement des solidarités,
suppose aussi un savoir et un
souci de la chose publique. »
(p. 88) D’où la nécessité d’explorer, d’où ce qu’elle nomme
les marginaux littéraires et le
fait que «[l]eurs textes s’adressent à l’imagination et contribuent à accroître le chant des
possibles » (p. 89), d’où la
démarche de certaines femmes
qui font l’histoire et le corps
politique.
France Théoret, Écrits au noir, Montréal,
Remue-ménage, 2009, 168 p., 21,95 $.
Œuvre au noir :
noir comme l’encre, noir
comme du charbon
L’écriture de France Théoret passe par la
parole sans compromis, les savoirs féministes, les vibrantes prises de position
culturelles, la pensée politique, l’action, le
langage et le littéraire.
FRANCE THÉORET
L’ É C R I T U R E A V A N T T O U T
ans son dernier ouvrage intitulé Écrits au
noir, France Théoret s’engage à la fois sur la
piste de l’art et de la littérature et sur celle de
la mémoire passée et présente de l’écriture. L’auteure y
pense le langage en termes d’un «projet d’une esthétique et d’un art à la recherche du délire littéraire qui
invente quelque chose au féminin» (p.9). Dans Écrits au
noir, elle affiche quatre volets qui se développent autour
du parti pris d’écriture, du féminisme, de la scène
sociale et politique, enfin du littéraire.
Écrits au noir constitue une forme de manifeste. Ce livre, rafraîchissant
à plus d’un titre, ramène sur le tapis la parole d’une intellectuelle qui se
déclare une écrivaine politisée, connue pour ses positions, sa force et
son travail de réflexion. De plus, ce livre débouche sur la pensée critique
de toute une génération d’écrivaines et de philosophes axée sur des
formes de métissage, une esthétique et une éthique de la littérature.
Dans ce contexte, imaginer le retour à la liberté individuelle, au réel et
à la solidarité des femmes, à l’exercice de l’autonomie, signifie revenir
aux sources d’une toile noire et blanche, voire d’un «refus global».
D
IIII
F E M M E , Q U É B É C O I S E , É C R I VA I N E
En premier lieu, Théoret signe un parti pris qui repense le texte à ras du corps et
nous entretient de l’émergence d’un sujet féminin situé en dehors de la langue
patriarcale. Suivent alors une série de notes sur des textes antérieurs qui renvoient
précisément au travail de la langue et de la représentation, et au concept d’engagement politique. Les allusions aux romans, aux études littéraires, à la poésie permettent à celle qui écrit et qui lit de s’interroger «sur le double point de vue, d’où
[elle] parle et d’où [elle] écri[t]» (p. 25). Par ailleurs, un commentaire fort intéressant sur L’Homme qui peignait Staline nous ramène à l’art comme asservissement et comme outil de domination, au fantasme du vainqueur. Écrire, c’est lire
et fixer son regard sur le mot, et dans ce cas sur la pratique stalinienne de l’art.
L’ É D U C AT I O N D E S F I L L E S
«Le féminisme est une œuvre au noir, secrète et en progrès», affirme France
Théoret, et elle ajoute que « [d]es livres de femmes transmettent un langage
fondé sur la complexité des signes» (p. 49). Celle-ci fait un survol de moments
historiques, de lieux, de noms, et ouvre un débat sur la féminisation de la langue
et de la phrase, débat articulé dans le cadre d’une référence aux mouvements littéraire et féministe.
TOUT EST POLITIQUE ?
ÉMOTION OU PRISE DE POSITION
France Théoret parle avec justesse d’un savoir-vivre politique, désir d’insérer la
pensée politique dans le vécu et d’affirmer son discours comme un apprentissage
et une connaissance de ce qui s’entend, se parle et témoigne de la présence de
l’autre car « [l]’ignorance en politique est grande. Si tel n’était pas le cas, les
femmes écriraient davantage et elles auraient de l’influence. Leurs prises de
46 • lettres québécoises • automne 2010
Lucie Hotte et Guy Poirier (dir.), Habiter la distance.
Études en marge de La distance habitée, Sudbury,
Prise de parole, coll. « Agora », 2009, 191 p., 23,95 $.
Sur la piste de
François Paré
Un peu à la manière des protagonistes de Volkswagen Blues,
huit chercheurs s’engagent sur
la piste du dernier ouvrage de
François Paré, La distance habitée, afin de retrouver la route
des cultures et des littératures
minoritaires.
ans un premier temps, Lucie
Hotte et Guy Poirier revisitent les
r é f l ex i ons de Par é su r l e s
«petites» littératures, la langue, le déplacement, la mémoire, les frontières culturelles, la distance, l’espace, et sollicitent des
collaborations basées sur la pensée de Paré, plus particulièrement La distance
D
essai
CLAUDINE POTVIN
« La distance est bel et bien le lieu d’une
domiciliation du fils éperdu. C’est bien là que ça
parle parmi, dans, à travers, et malgré nous. »
habitée. Cet ouvrage de François Paré servira donc ici de point de départ aux différentes études qui constituent la collection. Ainsi, perçus comme incontournables, les travaux critiques de Paré donnent lieu à une analyse littéraire inscrite
dans la lignée de son livre Les littératures de l’exiguïté.
qui se penche sur l’écriture «bi-langue» dans des romans de l’Ouest canadien,
alors que Guy Poirier traite de la francophonie en Colombie-Britannique. Les
directeurs de Habiter la distance, Hotte et Poirier, soulignent dans leur introduction que les textes qui suivent se centrent sur l’espace et la résistance comme
l’indiquent les articles sur la science-fiction (Sophie Beaulé), la distance chez
Michel Ouellette (Lucie Hotte), la filiation identitaire et la mémoire du Canada
français (Jean Morency), les «identités flottantes» chez Daniel Poliquin (Kathleen
Kellet-Betsos). Bref, ces études montrent que «[h]abiter la distance, c’est aussi
regarder de plus près, et pour lui-même, l’espace existant entre des entités aisément discernables et distinguables» (p. 36).
D E L’ A C A D I E À L’ O N TA R I O ,
D U FA R W E S T A U PA C I F I Q U E
U N E P O S T FA C E À T I T R E D ’ I N T R O D U C T I O N
Selon Catherine Leclerc, Paré s’interroge «sur les structures d’accommodement
propres aux cultures de l’exiguïté, tout en refusant d’en faire des signes de capitulation» (quatrième de couverture). Leclerc s’intéresse en ce sens à la question
de la langue, au français et à l’anglais et à la place qu’occupe le chiac dans
quelques œuvres acadiennes. Pratiques diglossiques reprises dans l’article de
Johanne Melançon sur la chanson franco-ontarienne et dans celui de Pamela Sing
Paré reprend brièvement les concepts de diaspora et d’itinéraire, le sujet minorisé
aux prises avec un sentiment de perte et un désir d’espace, et termine par ces
mots auxquels les analyses font écho: «La distance est bel et bien le lieu d’une
domiciliation du fils éperdu. C’est bien là que ça parle parmi, dans, à travers, et
malgré nous. C’est là qu’il faut continuer à chercher, dans l’éloignement des premiers gestes.» (p. 189)
IIII
de visibilité» de l’aventure intellectuelle,
subjective, du paysage et de la manière
unique de Garneau à la limite de l’inconscient, à la voyance, au champ du
visible et aux espaces de Giguère.
L’auteur de L’École du regard souligne
que ce qui intéresse Giguère dans la
transparence du geste artistique (poésie
et arts visuels confondus) « repose
notamment sur la possibilité de donner
corps aux images du “pays perdu” que
constitue l’inconscient» (p. 245). En troisième lieu, Antoine Boisclair s’attarde à
l’esthétique et à la poétique de Robert
Melançon, auteur de Peinture aveugle,
chez qui «tout pourrait être peint, et le
seul fait de le dire suffit» (p. 387). Bien
que, dans le cas de ce dernier, l’écriture ne s’accompagne pas d’une pratique de la
peinture fondée sur une expérience personnelle, Melançon n’en a pas moins
intégré le lexique pictural dans sa poésie, considérant que «la poésie est une
peinture – une “peinture aveugle”». Histoire de la correspondance contemporaine entre la peinture la littérature, L’École du regard porte un regard judicieux
sur la poésie et l’art visuel, véritable éducation sur le sujet, un regard neuf sur une
dimension en grande partie ignorée par la critique.
Antoine Boisclair, L’École du regard. Poésie et peinture
chez Saint-Denys Garneau, Roland Giguère et Robert Melançon,
Montréal, Fides, coll. « Nouvelles études québécoises », 2009, 432 p., 29,95 $.
Le visuel
et le textuel
Quand le poète se fait peintre, le regard se transforme en
langage et le mot devient l’image qui se glisse entre les lignes.
ans L’École du regard, Antoine Boisclair offre non seulement un ouvrage
d’une grande érudition et d’une forte rigueur, mais il renouvelle également l’étude des arts visuels à la lumière de la poésie québécoise
moderne. Dans ce contexte, le critique réapprend à voir la lumière de la toile et du
poème, reformulant «l’éducation esthétique». Boisclair s’attarde donc au dialogue
entre l’écriture et la peinture tout en amorçant sa propre conversation avec l’artiste, le peintre et l’écrivain.
D
« UN PINCEAU QUI PENSE »
En quatrième de couverture, nous lisons que «[e] n commentant des tableaux ou
des dessins, en les interrogeant dans le cadre de poèmes, d’essais ou de chroniques d’art, les poètes ont développé de nouvelles sensibilités…». Ce livre propose donc d’examiner de quelle façon la peinture a agi comme une «école du
regard » chez certains auteurs québécois, soit Garneau, Giguère, Melançon et
quelques autres (Gauvreau, Ouellette, Brault, Hénault, Grandbois, etc.). La
contemplation d’une toile débouche nécessairement sur la lecture du mouvement
artistique et du signifiant pictural, méditation sur la forme, la couleur et la représentation abstraite ou figurative.
DE GARNEAU À MELANÇON
L’École du regard se divise en trois parties que l’auteur décrit comme «apprendre
à voir», «donner à voir», «faire voir», catégories qui correspondent à des «modes
infocapsule
De Marque à l’honneur
Le créateur de la plateforme de distribution de livres numériques québécois, un
projet réalisé avec le concours de l’Association nationale des éditeurs de livres
(ANEL), a reçu l’Octas d’excellence pour sa réalisation. Cet agrégateur permet à
tout utilisateur d’Internet de se procurer les livres québécois qui l’intéressent où
qu’il soit dans le monde. La plateforme développée par De Marque semble si performante qu’elle a été adoptée en France par Gallimard, De Martinière et
Flammarion. Ici, au Québec, Daniel Desjardins de la maison Ulysse est enchanté:
«Bravo à De Marque grâce à qui nous avons vendu des guides Ulysse numériques dans 22 pays, de l’Algérie à Singapour en passant par le Québec, la France
et la Nouvelle-Calédonie!»par le Québec, la France et la Nouvelle-Calédonie!»
lettres québécoises • automne 2010 •
47
essai
JEAN-FRANÇOIS CRÉPEAU
IIIII
Madeleine Ouellette-Michalska, Imaginaire sans frontières.
Les lieux de l’écriture, l’écriture des lieux, Montréal, Les Éditions XYZ,
coll. « Documents », 2010, 216 p., 22 $.
Fiction et réalité :
même combat ?
Lorsque la fiction m’ennuie, j’ouvre un recueil de poésie ou les
pages d’un essai, certain d’y trouver beauté et passion.
Imaginaire sans frontières : les lieux de l’écriture, l’écriture des
lieux, de Madeleine Ouellette-Michalska, m’est parvenu un de
ces jours, m’apportant la plénitude du cœur et de l’esprit.
a grande dame de la littérature québécoise y
explore les sentiers qu’emprunte l’écriture pour
arriver à son plein épanouissement, ce qu’elle
nomme « les lieux de l’écriture ». Elle aborde ensuite
l’influence que les lieux où l’écrivain s’arrête exercent
sur son œuvre.
L
L’ I N S O N D A B L E R O U T E
D E L’ É C R I T U R E
Elle se demande d’abord qu’est-ce qu’écrire, pourquoi et
quel genre privilégier: «On écrit pour se nommer, se
connaître, se construire…, pour abolir les frontières
du temps et de l’espace, pour jeter des ponts entre le
provisoire et le durable, la possession et la perte, la
jouissance et le désespoir…» Elle explique aussi ce qui
l’a conduite à diversifier ses modes d’expression :
« Opposer les genres littéraires entre eux perpétue d’anciennes querelles qui
entretiennent d’inutiles confusions entre la critique littéraire et le jugement de
valeur… Quel que soit le genre littéraire pratiqué, écrire c’est d’abord faire
silence en soi et prêter oreille à ce qui ne s’entend que dans un certain recueillement.»
Elle rappelle que l’écriture exige la solitude et «oblige à aller au plus près de soi,
au cœur de ses limites, de ses peurs, de ses manques». C’est aussi un acte de
mémoire, la sienne comme celle de la collectivité que les écrivains dérangent parfois.
«De la cyberculture au cellu-roman» rappelle qu’en une quinzaine d’années les
nouvelles technologies ont métamorphosé nos rapports au message littéraire,
mais tous ne peuvent être écrivains ou éditeurs. De plus, la diffusion erratique des
œuvres sur le Web affaiblit la production des plus petits pays, les nations dominatrices n’ayant que faire de ces tiers-mondes culturels.
MADELEINE OUELLETTE-MICHALSKA
voit forcée d’endosser la livrée des minorités de service.» Il y a pire,
sinon plus pervers: «On peut se demander à qui serait préjudiciable la
connaissance du français dans un territoire, issu de l’ancien régime
français d’Amérique, qui a résisté à la double assimilation britannique
et américaine. Dans ce pays ouvert à l’immigration et aux droits de la
personne, aurait-on tort de vouloir préserver, par des mesures légales
et pacifiques, une langue, une culture, des institutions que des siècles de
résistance ont sauvées de l’anéantissement?»
Dans «Méconnaissance du monde arabe», elle brosse un tableau où
apparaît nettement le rôle primordial que cette société a joué avant que
l’Occident et les pays d’Europe ne la fassent taire. L’essayiste fait comprendre le jugement trop rapide que plusieurs portent en confondant
monde arabe, religion de l’Islam et islamisation des zones publiques.
Imaginaire sans frontières est, à mon avis, un des essais marquants de
l’œuvre de cette écrivaine. Elle y a consigné ses observations, ses analyses et fait la synthèse de plusieurs de ses opinions. En toile de fond, les
couleurs de la vie d’une femme du XXIe siècle qui assume ses expériences existentielles. En considérant tout de ce livre, je suis certain d’être témoin d’un
ensemble de mouvements d’une pensée qui reflète une sagesse chèrement
acquise et qui éclôt maintenant sous la forme d’une grande sérénité.
infocapsule
Josée Bonneville, nouvelle directrice
littéraire aux Éditions XYZ
Les Éditions XYZ annonçaient, il y a quelque temps, la nomination de Mme Josée
Bonneville au poste de directrice littéraire de la maison d’édition. Déjà présente
au sein de l’entreprise en tant qu’adjointe au directeur André Vanasse de septembre 2007 à décembre 2009, Mme Bonneville prend les rênes éditoriales tout
en conservant la direction de la collection «Romanichels Plus». André Vanasse
quant à lui garde des liens avec les Éditions XYZ à titre de conseiller littéraire.
L À O Ù V A L’ É C R I V A I N E
La seconde partie d’Imaginaire sans frontières nous guide dans les contrées qu’a
visitées ou habitées l’auteure. Ainsi, elle a découvert, dans «Saint-Malo et le goût
de l’origine», la cité d’où est venu René Hoûallet, son ancêtre, et y a puisé l’essence
de sa propre existence. Dans «Les dessous des accommodements raisonnables»,
elle résume ce que sont pour elle les compromis: «Le multiculturalisme, credo de
l’effacement identitaire, est l’auberge espagnole où la culture du pays d’accueil se
48 • lettres québécoises • automne 2010
Collaboratrice aux revues Arcade, de 1984 à 1991, et Lettres québécoises, de
2005 à 2009, Josée Bonneville a aussi tenu, de 2007 à 2009, des chroniques littéraires à l’émission «Arts et lettres», sur les ondes de Radio Ville-Marie,
ainsi que sur le Web, à «France-Québec-tv», en 2009. Elle a publié plusieurs
ouvrages, seule ou en collaboration. Elle est membre de l’Union des écrivaines et des écrivains québécois.
essai
JEAN-FRANÇOIS CRÉPEAU
III 1/2
Victor-Lévy Beaulieu, La Reine-Nègre et autres textes vaguement polémiques,
Notre-Dame-des-Neiges, Trois-Pistoles, 2010, 450 p., 29,95 $.
De quelques textes
vaguement
polémiques
Les idées de gauche n’ayant plus vraiment cours
chez nous, dès qu’un tribun défend un tel point de
vue, on n’écoute plus son opinion. Cela n’est pas
une attitude frileuse, mais de la couardise. Pas
étonnant alors que La Reine-Nègre et autres
textes vaguement polémiques, le plus récent
recueil de textes d’opinion, de chroniques et de
causeries de Victor-Lévy Beaulieu, soit resté
presque sans écho.
ue ce soit dans des médias nationaux ou la presse parallèle, VLB s’exprime sur la place publique depuis plus de quarante ans. Il a ainsi rassemblé sous forme de livre des textes traitant de société, de politique et
de culture, et dont il a voulu assurer la pérennité. Ainsi sont parus Entre la sainteté et le terrorisme (1984), Chroniques polissonnes d’un téléphage enragé (1986)
et Chroniques du pays malaisé, 1970-1979 (1996).
V I CTO R- L É V Y B E AU L I E U
lettre de Josée Blanchette (Le Devoir, 28 novembre 2008)
suivie de la réponse de VLB.
Je crois que tous ceux qui ne craignent pas le choc des
idées et détestent la langue de bois auront plaisir à lire ce
recueil, un exercice qui se fait lentement, en appréciant
pleinement aussi bien la franchise que la dérive du grand
Beaulieu.
Q
Il a emprunté le titre de ce nouvel essai à un texte d’opinion, paru en mai 2008
dans L’aut’journal, qui a soulevé les passions. S’en est alors suivie une dérive
verbale faisant oublier que la locution vilipendée fait référence à l’engagement
d’individus par-devers une minorité dont ils sont les guignols.
P E N S É E S O C I É TA L E
Ce dernier des miscellanées propose des chroniques politiques dans lesquelles
VLB exprime sans ambages son point de vue sur des événements de l’actualité et
ceux qui font la nouvelle. Le sens et la portée de ses proses corrosives ainsi rassemblées vont au delà de la colère du moment, car les textes dégagent une réelle
pensée sociale et politique. Celle-ci se retrouve aussi dans les billets traitant de la
télé québécoise dont la qualité régresse comme peau de chagrin depuis qu’elle est
régie par l’applaudimètre. Quant aux nombreuses chroniques littéraires, elles
rappellent que Beaulieu est un lecteur boulimique dont la critique de la littérature
et de ceux qui la font est éclairée.
III
Gaston Miron, L’avenir dégagé. Entretiens 1959-1993,
Montréal, l’Hexagone, 2010, 432 p., 29,95 $.
Gaston Miron :
l’homme qui parle
Depuis son décès en décembre 1996, Marie-Andrée
Beaudet et Pierre Nepveu ont effectué du « rapaillage » dans
l’œuvre de Gaston Miron. Ils ont ainsi publié l’édition définitive de L’homme rapaillé, Poèmes épars et Un long chemin.
Proses 1953-1996. Quant à l’homme de parole que fut
Miron, on le retrouve maintenant dans L’avenir dégagé.
Entretiens 1959-1993.
En outre, il fait bon relire l’adresse qu’il a faite à Michel Chartrand à l’occasion de
ses quatre-vingt-dix ans, ainsi que l’hommage rendu à la mémoire de Marc
Veilleux, son ami imprimeur.
es rencontres médiatiques et ces entretiens me semblent représentatifs
d’une part importante du riche patrimoine que le poète a laissé en héritage, c’est-à-dire son verbe. En effet, on lui a souvent reproché de s’épivarder sur la place publique au lieu d’écrire. J’ai été de ceux qui ne comprenaient
pas bien sa démarche, mais j’ai fini par comprendre la raison profonde de ce comportement: le combat intérieur que se livraient constamment le poète et l’homme
d’action qu’était Miron.
Enfin, trois textes de chroniqueurs s’adressant à VLB complètent l’ouvrage :
«L’Irlande trop tôt», une entrevue réalisée par Lise Gauvin et Robert Laplante en
1981; «La spirale Victor-Lévy Beaulieu», une entrevue de Francine Bordeleau
(Lettres québécoises, no 105, printemps 2002) ; et « Souveraine solitude », une
Dans l’entretien qu’il accorde à Jean Larose en 1990, il résume clairement sa
position: «… le temps que je passais à écrire, je me sentais coupable de ne pas
être sur le front de lutte.» L’échange entre Larose et Miron me semble d’ailleurs
un des entretiens les plus significatifs du recueil, laissant l’impression que le
HOMMAGES À DES MAÎTRES
C
lettres québécoises • automne 2010 •
49
essai
JEAN-FRANÇOIS CRÉPEAU
Si l’homme d’action s’intéresse
à la justice sociale et à l’indépendance du Québec, il se préoccupe également du rôle de
l’éditeur dans la chaîne du livre.
Pour s’en convaincre, l’entretien
entre Miron et Réjean Beaudoin
est d’un intérêt particulier, rappelant ce qui a poussé Miron à
créer la collection «Rétrospective» à l’Hexagone.
D’autres entretiens
sont également
remarquables,
qui nous apprennent
que le poète n’est
pas seulement celui
qui s’astreint à
l’écriture, mais aussi
celui qui intègre
son art à sa vie
quotidienne.
Il faut s’arrêter sur la rencontre
avec Jean Royer, tout en se rappelant Gaston Miron sur parole.
Un portait et sept entretiens (BQ,
2007) qui regroupe les principaux échanges entre les deux amis.
poète est arrivé à un moment de sa
carrière, de sa vie, où une forme de
sérénité s’installait.
GASTON MIRON
D’autres entretiens sont également remarquables, qui
nous apprennent que le poète n’est pas seulement celui qui s’astreint à l’écriture,
mais aussi celui qui intègre son art à sa vie quotidienne. Je pense ici aux entrevues
qu’il accorde à Michel Roy et à Pierre Paquette.
J’insiste sur «Malmener la langue», un entretien intimiste
entre Lise Gauvin et Miron, qui, ensemble, portèrent dans
ses grosseurs un livre important: Écrivains contemporains
du Québec. Anthologie (l’Hexagone, Typo, 1998).
En refermant ce recueil, je me suis mis à espérer que l’équipe Beaudet-Nepveu
ressuscite le documentaire d’André Gladu, Les outils du poète (1994), car on y voit
et entend Miron dire l’essentiel de son cheminement de sa voix tonitruante.
Annie Lafleur
Handkerchief
Une écriture qui «participe du caractère
profondément irrésolu de la poésie, ne cesse
d'en témoigner, de l'illustrer.»
Jonathan Lamy, Spirale
La porte
poèmes de Margaret Atwood,
dans une superbe traduction
de Louise Desjardins
« Rares sont les auteurs qui parviennent à
tisser une poésie à la fois intemporelle et
profondément ancrée dans leur époque. »
Tristan Malavoy-Racine, Voir
50 • lettres québécoises • automne 2010
François Charron
La difficulté d’apparaître
« Même le plus grand amour n'échappe pas à
la séparation de la mort »
RENALD BÉRUBÉ
littérature et sport
IIII
Todd Denault, Jacques Plante. L’homme qui a changé la face du hockey,
traduit de l’anglais par Serge Rivest, avec la collaboration
de Claude Papineau et Guy Rivest, préface de Jean Béliveau,
Montréal, L’Homme, 2009, 448 p., 34,95 $.
De la tuque,
du masque
et du CH
Parcours menant d’une épigraphe à la quatrième de couverture. L’épigraphe: «Il y a plein
de bons gardiens ; il y a même bon nombre de
grands gardiens. Mais il n’y a pas beaucoup de
gardiens essentiels. Jacques Plante a été un
gardien essentiel. » (Ken Dryden) Extrait de la
quatrième : « Jacques Plante était […] talentueux, téméraire, mystérieux et complexe. »
e voulant pas raconter d’histoire, ce qui revient à dire qu’il tient à souligner depuis quel point de vue il va raconter, Todd Denault avouera
d’abord que Jacques Plante fut un héros de son enfance, un membre
«essentiel» de «son» CH qui remporta la coupe Stanley pendant cinq années
d’affilée, de 1956 à 1960. Il rappellera ensuite que, pourtant, Jacques Plante avait
des détracteurs, même chez des partisans du Canadien. Genre: «Il peut bien
remporter le Vézina du meilleur gardien de l’année avec les défenseurs qu’il a
devant lui.»
N
Rappel 2: un adage veut que Montréal soit un «cimetière de gardiens de buts»,
de Bill Durnan à Patrick Roy (oh, Carey Price), tous ayant subi des huées malgré
les trophées remportés. Ajouter la phrase suivante, qui joue de l’euphémisme:
Jacques Plante n’était pas du genre à ne pas se faire remarquer. Sens du spectacle
et de la controverse, ça le connaissait. Admettons donc d’emblée que l’histoire, les
circonstances et sa personnalité faisaient de lui une grosse cible, facile à atteindre,
mais pas facile à abattre. Que non.
D U C L U B D E L’ U S I N E A U C H
À quinze ans, le jeune résidant de Shawinigan, né en 1929, « gardait les buts
pour des équipes de trois catégories […]: midget, juvénile et junior» (p. 28) et
pour le club de l’usine où travaillait son père. «À 50 cents par match à condition
de ne pas le dire aux autres joueurs.» (p. 29) Les Leafs et les Canadiens se disputeront bientôt ses services, belle bagarre entre le gros ego des Leafs, Connie
Smythe, et Frank Selke des Canadiens que venait de «sacrifier» Connie S. pour
cause de trop grande efficacité, ce qui ombrageait Monsieur Leaf.
Vite embauché par le Canadien, Selke va construire la formidable équipe des
années cinquante. C’est le «17 août 1949» (p. 53) que Plante s’engage avec le CH
après avoir brillé avec les Citadelles de Québec et avoir affronté un jeune centre de
Victoriaville qui deviendra son coéquipier à Québec puis à Montréal, Jean
Béliveau. Disons, alors, que Plante joue dans la LNH, ce qui prendra plus de
temps qu’on ne croit, qu’il a atteint son… but.
L’homme n’était pas sans défauts ;
un ego de forte taille, proche de ses sous,
solitaire, etc. Il détonnait, pour tout dire.
Il tiendra sa vie personnelle,
non exempte de drames
(dépression de sa première épouse,
suicide d’un de ses deux fils),
à l’abri des potins.
Notons donc quelques innovations et audaces de
Jacques Plante, ce qui permet d’écrire qu’il fut «téméraire, mystérieux et complexe», le «talentueux» étant
acquis. Il fut d’abord le gardien qui portait une tuque
(il avait joué «au frette») qu’il tricotait lui-même (un
plus vieux de famille, on sait ben…), est-ce possible?
Belle «une»: allait-il porter une tuque dans un aréna?
Le folklore, ancêtre du people, a ses droits. Bon.
Jacques Plante n’hésitait pas à quitter ses filets, à rediriger vers un coéquipier des rondelles rôdant dans les
parages de sa cage: danger invraisemblable, il laissait
son but sans protection. «Non, j’agis comme un défenseur de plus, je remets l’attaque plus vite en marche.»
Demandez à Martin Brodeur, aujourd’hui, si Plante avait raison contre tous ou à
peu près.
DES FILETS INÉGAUX ?
Quand Plante, qui disputait année après année le Vézina à Glenn Hall du Chicago,
sèmera la controverse sinon la consternation dans la LNH en 1963 en déclarant
que les filets, à Chicago et dans deux autres villes, n’étaient pas de hauteur réglementaire, que seuls ceux de Montréal, Toronto et Detroit l’étaient (la ligue comptait six clubs alors), l’état-major de la LNH devra étudier le bien-fondé de l’assertion (p. 17-20). Et donner raison à Plante: «C’est simple, la barre transversale
du filet était, dans mon dos, de deux pouces plus basse à Chicago qu’à Montréal»
— c’est qu’elle était placée entre les deux poteaux des buts plutôt qu’au sommet
de ceux-ci.
Jacques Plante: une institution dans l’Institution, le gardien qui imposa le port du
masque (p. 193 sq.), qui fut non seulement «un étudiant de notre sport» (p. 346),
mais le «maître [qui] enseignait tout en jouant» (p. 407), selon Dickie Moore, ce
qui explique son influence sur Bernard Parent ou Vladimir Tretiak ; ce qui
explique que les médias s’arrachaient ses services comme analyste.
IL DÉTONNAIT
L’homme n’était pas sans défauts; un ego de forte taille, proche de ses sous, solitaire, etc. Il détonnait, pour tout dire. Il tiendra sa vie personnelle, non exempte de
drames (dépression de sa première épouse, suicide d’un de ses deux fils), à l’abri
des potins. Le grand Jean B., capitaine du CH et ici préfacier, le comprendra
mieux que personne. Il verra à prendre part aux funérailles de Plante décédé
(1986) en Suisse et à organiser ici une cérémonie en son honneur.
Une biographie menée selon les règles de l’art, passionnante et intelligente, avec
notes abondantes, pertinentes et bibliographie. Détail: en page 388, il faudrait lire
Dave plutôt que Ken Dryden.
lettres québécoises • automne 2010 •
51
littérature et sport
RENALD BÉRUBÉ
III
Bob Sirois, Le Québec mis en échec. La discrimination envers les Québécois
dans la LNH, Montréal, L’Homme, 2009, 288 p., 22,95 $.
Une autre
mise en
échec
joueurs par année (soit 105
joueurs au total)» (p. 84). Cela
donne le ton, on devine combien de Québécois sont sélectionnés par le club qui arrive
au dernier rang.
On s’en doutait depuis longtemps, les statistiques de cet ouvrage ne laissent aucun
doute : dans la LNH (NHL ?) comme dans
le Canada selon le British North American
Act (BNAA), le Québec n’a la partie ni
belle ni facile.
Sirois sait de quoi il parle: il a
évolué dans la NHL entre 1974
et 1980 d’une part, il a été
agent de joueurs et a patiemment accumulé ses statistiques
d’autre part. Celles-ci sont
aussi claires qu’acérées : les
hockeyeurs québécois sont des
handicapés de naissance géolinguistique. On regrette seulement que Sirois ne fasse pas
BOB SIROIS
lui-même parler davantage ses
chiffres, laissant beaucoup à
ceux-ci le soin du message. Il n’empêche: pour qui sait lire, ces
chiffres parlent.
es Canadiens de Montréal, entre 1970 et 2009,
arrivent en tête «en ce qui concerne le nombre de
Québécois francophones […] repêchés, avec 2,63
Détails: José Théodore n’a certes pas remporté le trophée Vézina
en 1991-1992 (p. 183) et il aurait sans doute fallu mentionner le
nom de Jean-Guy Morissette dans le tableau 4.10 (p. 205).
L
II 1/2
Alain Usereau, L’époque glorieuse des Expos,
Montréal, Les Éditeurs réunis, 2009, 344 p., 24,95 $.
Quand Expos et
Zamours étaient
synonymes
Coup de foudre : les Expos furent nos
Amours dès la création de Jonesville au parc
Jarry. Nous les aimions comme New York
aima ses Mets originels : ils n’étaient pas forts,
mais chaleureux et sympathiques, attachants.
Puis ils grandirent et devinrent pleins de promesses, costauds même, ils s’installèrent dans
le Stade olympique. Mais de promesse non
tenue en désenchantement puis en rupture…
lle a été brève, l’histoire des Expos de Montréal
(1969-2004). Pourtant, ce club fut, à divers moments, plus populaire
que les Canadiens, ben oui. Ses finances étaient un exemple pour le
baseball majeur; le présent et l’avenir, vu les succès dans la sélection des jeunes
joueurs, semblaient d’un blindage absolu. Et les amateurs étaient au rendezvous, qui pourrait souhaiter davantage?
E
52 • lettres québécoises • automne 2010
Alain Usereau raconte dix années (1976-1984) de la vie des Expos, années qui
mènent de la médiocrité reléguée dans l’ombre par les Jeux olympiques de
Montréal (1976) jusqu’à la démission du premier D.G. des Expos, John McHale,
et à l’échange qui cède Gary Carter aux Mets de New York (1984). Entre ces deux
dates, les Expos auront engendré tous les rêves et (presque) toutes les déceptions.
Ils auront sélectionné des athlètes de très grand talent, en auront «brûlé» certains
pour cause d’arrivée trop hâtive dans les Majeures (Balor Moore), en auront
développé plusieurs (Parrish, Carter, Valentine, Dawson, Rodgers, etc.) dont certains se seront eux-mêmes «brûlés» pour cause de dope (ah, Ellis Valentine).
L’ É C H E C ,
ENTRE MARKETING ET DIRECTION
Le livre d’Usereau fait ressortir ceci, qui explique en grande
partie pourquoi les Expos n’ont pas tenu leurs promesses: la
machine marketing des Zamours avait beaucoup et bien vite fait
rêver, sans penser aux conséquences des revers possibles; surtout, le tandem composé de John McHale et de Jim Fanning, son
assistant, plein de bonnes intentions, ne fut ni bon lecteur de
l’évolution du baseball ni connaisseur du milieu où évoluaient
les Expos. Les échanges de Rusty Staub (1972) et de Larry
Parrish (1982) témoignent d’une mauvaise évaluation de l’attitude des amateurs et du rôle de ces joueurs au sein de l’équipe.
Le marketing, à la fin, a nui aux Expos; quand la quatrième de
couverture de ce livre affirme que « L’époque glorieuse des
Expos se présente comme la référence absolue de l’équipe
qui…», on se dit que la pub n’en finit pas de se mimer. Car
L’époque glorieuse et ses résumés de matchs d’époque «couverts» par Usereau est
souvent d’une lecture fastidieuse ; par ailleurs, les « Sources » accompagnant
l’ouvrage ne sont pas d’usage commode. Sans oublier que l’assertion de la quatrième pâlit à la lecture du premier tome (1969-1984) de l’ouvrage de Jacques
Doucet et Marc Robitaille, Il était une fois les Expos (Hurtubise, 2009).
DANS LA MÉMOIRE DE QUÉBEC
Les fossoyeurs
André Lamontagne
N O U V E AUT É
roman
160 p. / 20,95 $
Un journaliste établi à Vancouver profite d’un séjour à
Québec pour faire des recherches, à la demande d’une
amie, sur le passé de son aïeul chinois. Il découvrira un
visage méconnu de sa ville natale : celui des sépultures
de la communauté chinoise, celui d’un tunnel inachevé
et des marginaux qui s’y retrouvent et celui des tragiques
incendies, nombreux, qui ont stigmatisé la vieille capitale.
Zirval design
En librairie le 25 août
Mise en pages • Livres • Revues • Journaux
www.lesfossoyeurs.ca
N O U V E AUT É
essai
Appartenances
Jean-Louis Major
Dans le présent ouvrage, Jean-Louis
Major revoit avec brio et une ironie
constante, amicale ou féroce, mais
avec style toujours, son cheminement
dans les hauts lieux de la littérature.
Il nous livre, à l’appui de ses
expériences, des réflexions sévères et
souvent mordantes sur « l’institution
littéraire » : universitaires, critiques
et journalistes, libraires, sans oublier
même les éditeurs.
LIBRE
306 p. / 22,95 $
[email protected] • 1.450.292.0637
En librairie le 1er septembre
E D I T I O NS DAV I D . C O M
lettres québécoises • automne 2010 •
53
FR ANÇOIS CLOUTIER
des images, des mots
IIII
Daniel Rondeau, J’écris parce que je chante mal, Québec, Septentrion,
coll. « Hamac-carnets », 2010, 210 p., 19,95 $.
Quand
le virtuel
devient papier
Le Petit Robert 2009 définit le blog (la terminaison « ue » s’est
ajoutée au Québec) ainsi : « Site Internet animé par un individu ou une communauté qui s’exprime régulièrement dans
un journal, des billets. »
Pedro», deux des plus longs récits du
recueil. Le premier est un ouvrier
russe qui sable des planchers, le
second est un fou qui souffre de l’être.
L’auteur tombe un peu dans le maniérisme dans ces récits, en particulier
es blogues foisonnent sur la Toile depuis quelques années déjà. Les
sujets y sont variés et parfois surprenants. Le blogue littéraire tient une
place de choix dans la blogosphère (nom donné à cet univers virtuel).
Critiques, discussions et créations s’y retrouvent. Tout un chacun peut s’improviser blogueur, certains ne sont que de passage, d’autres expérimentent la forme,
tandis que quelques-uns y écrivent avec rigueur et style. Le dernier cas de figure
représente bien l’univers de Daniel Rondeau, auteur du recueil de textes J’écris
parce que je chante mal (www.danielrondeau.com).
L
dans des passages comme
celui-ci, tiré de «Don Pedro»:
«Pierrot. C’est son nom. Pas à
la mode. À contretemps. C’est
un nom bémol, qui sonne un
peu plus petit. Jamais tout à
fait à la hauteur, jamais la note
juste. Un nom qui n’évoque
rien d’intelligent. Un plomb au
DANIEL RONDEAU
bout d’une ligne, un pois dans
une tête, une ancre à bateau. Une ancre avec deux pieds de chaîne. Deux pieds
idiots, inutiles, car il navigue en eaux profondes, en eaux creuses. Pierrot. »
(p. 147) À force de trop en mettre, la coupe déborde.
Publiés dans «Hamac-carnets», collection spécialisée dans la publication d’écrits
provenant de la blogosphère québécoise, qui nous a déjà donné les deux tomes
des Chroniques d’une mère indigne et ceux de Un taxi la nuit, les récits de Daniel
Rondeau sauront émouvoir et faire sourire les lecteurs, amateurs ou non de ces
écrits de la Toile.
C’est dans les récits les plus courts que l’écriture de Daniel Rondeau s’avère la plus
efficace. Ces nouvelles vont d’ailleurs à l’essentiel, l’économie de style de l’auteur
laisse davantage place à l’émotion. Certains textes sont douloureusement beaux,
comme «Fast Food» qui, en quelques lignes, fait le portrait peu flatteur d’une fille
en quête d’attention lors d’une soirée bien arrosée dans un bar.
UN UNIVERS SENSIBLE ET MASCULIN
Soulignons que le recueil contient aussi quelques «pensées», soit une phrasechoc occupant une mince partie d’une page blanche, qui cherchent à déstabiliser
le lecteur, à le faire rire et à le faire réfléchir, comme le démontre celle-ci: «La foi
a cette curieuse propension à nous quitter pour les mêmes raisons qu’elle vient
à nous, comme beaucoup de femmes que j’ai connues.» (p. 97) Le blogue de l’auteur contient bon nombre de ce genre de petits bijoux.
Alors que son blogue se promène du quotidien du prof de français à celui de
papa, du billet à saveur politique à la «pensée du jour», le recueil s’en tient principalement aux nouvelles littéraires. Les récits tournent souvent autour d’un
narrateur principal, qui traverse péniblement une peine d’amour, et qui renaîtra
complètement à l’arrivée de son enfant.
Même dans ses passages les plus autobiographiques, l’auteur nous raconte une
histoire, on sent dans cette écriture le romancier qui prend une distance par
rapport à sa réalité. Ce sont d’ailleurs ces récits qui sont le plus réussis. En étant
témoin et acteur de ses histoires, Rondeau se les approprie avec une économie de
moyens stylistiques. Les nouvelles qui mettent à l’avant-plan le personnage
d’Ariane, l’ex-copine que le narrateur a tant aimée, en sont le meilleur exemple.
Il écrira à son sujet, dans la nouvelle « L’antichambre » : « Elle dit “définitivement”, alors que son énoncé n’a rien de définitif et possède un joli accent de la
Beauce qu’elle traîne en tout temps, sauf quand elle parle à des Européens ou à
des gays.» (p. 50)
LA PENSÉE ASSASSINE
On croise aussi un lot de personnages esseulés dans ce recueil, dont le mal de
vivre semble être le seul lien qui les unisse. Certains sont attachants (Ti-Gus, entre
autres, un sourd-muet qui connaît une fin tragique), d’autres par contre ne réussissent pas vraiment à nous émouvoir. Pensons ici à « Mstislav » ou à « Don
54 • lettres québécoises • automne 2010
Bref, la lecture de ce recueil confirme que la littérature a sa place dans la blogosphère et qu’une fois extirpée de celle-ci, elle peut se trouver une place «réelle».
Un espace
publicitaire dans
lettres québécoises ?
C o n t a c t e z M I C H È L E VA NA S S E
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mvanasse@lett resqueb ecoises.qc.ca
FR ANÇOIS CLOUTIER
des images, des mots
IIII
Stéphane Dompierre et Pascal Girard, Jeunauteur, Tome 2, Gloire et crachats,
Montréal, Québec Amérique, coll. « Code Bar », 2010, 144 p., 12,95 $.
Le bonheur
d’écrire
La bédé humoristique québécoise, qui fut très populaire à
une certaine époque, entre autres grâce à des revues
comme Croc ou Safarir, connaît depuis quelques années un
deuxième souffle.
téphane Dompierre, dont le
roman Un petit pas pour
l’homme a connu un grand
succès en 2005, récidive à la scénarisation de Jeunauteur, Tome 2,
Gloire et crachats, une bande dessinée humoristique illustrant les
affres du quotidien d’un auteur qui
publie son premier roman. Les
dessins sont réalisés par Pascal
S
UNE PLANCHE, UN GAG
On rit beaucoup dans Jeunauteur, Tome 2, Gloire et crachats. Les auteurs reprennent là où ils avaient laissé au tome I, soit la publication du roman du personnage
principal. La difficile gestation de l’œuvre passée, notre Jeunauteur apprivoise
maintenant la mise en marché de son roman, de la quatrième de couverture
aux entrevues avec des journalistes. L’humour est parfois un peu gras, à la limite
scatologique, mais il n’enlève rien au charme de l’œuvre.
Le lecteur rira à haute voix à certains passages, notamment ceux où le personnage
collectionne les amis Facebook, ce grand réseau social virtuel, sans savoir qui ils
sont réellement. Les séances de dédicaces dans un salon du livre amusent tout
autant, entre autres quand le personnage est incapable de saisir le nom d’une lectrice en quête d’une signature.
Les dernières planches de l’album laissent cependant présager un certain épuisement de leur matière première, la création littéraire. Souhaitons qu’ils arrivent
à trouver d’autres idées de scénarios mettant en vedette le même personnage,
sans tomber dans le piège de la répétition.
L I T T É R AT U R E E T N O U V E A U X M É D I A S
PA S C A L G I R A R D
STÉPHANE DOMPIERRE
Girard, lui-même auteur accompli de bon
nombre de bédés. Les auteurs réussissent
encore une fois leur mission première : amuser le lecteur.
La forme minimaliste de l’album rappelle certains strips américains publiés
quotidiennement dans les journaux. Chaque planche comporte quatre cases,
avec une chute à la fin. Le dessin est simple, mais efficace. Pascal Girard
campe les décors avec un ou deux objets, et les traits de visage du personnage,
même s’ils ne sont pas nombreux, lui permettent d’ajouter à l’humour d’un
scénario déjà bien étoffé. Le dessinateur joue beaucoup avec la répétition de
cases dans une même planche, créant ainsi un rythme propice à ce genre de
bédés.
L’importance que prend la Toile dans le paysage médiatique ne cesse de grimper. Les puristes de la littérature pourront hurler à la trahison, que l’écran
cathodique ne remplacera jamais le papier, l’arrivée d’Internet a démocratisé le
monde en général, celui de l’information et des arts en particulier. Certains
auteurs utilisent cet outil de façon surprenante. C’est le cas de Jean-Simon
Desrochers et Patrick Dion, deux auteurs ayant conçu des bandes-annonces
pour annoncer leur roman. Le premier, avec son roman La canicule des pauvres,
livre une bande-annonce qui est en fait une succession d’images présentant les
divers personnages et l’intrigue du livre, sur fond de musique techno
(http://jsdrblog.blogspot.com). La bande-annonce de Fol allié,
roman de Patrick Dion, est beaucoup plus élaborée
(http://www.youtube.com/watch?v=ZTuFCV7z7gM). Cette
production se veut plus près du court-métrage ou de la bandeannonce traditionnelle utilisée au cinéma. Des comédiens
jouent certains passages du roman, de nombreuses séquences,
tournées à l’intérieur comme à l’extérieur, se succèdent au son
d’une guitare déchirante et d’un narrateur livrant quelques
états d’âme.
Reste à voir si ce nouveau genre de promotion réussira à frapper
l’imaginaire de lecteurs potentiels. Le mélange des genres peut
parfois s’avérer complexe. La bande-annonce deviendra-t-elle
un complément à la littérature? Pouvons-nous espérer lire un
chapitre de roman et regarder ensuite le chapitre suivant? Les
possibilités de la Toile sont énormes.
ROMAN EN LIGNE
Nous ne pouvons passer sous silence l’expérimentation de Louis
Émond, romancier et fondateur des Éditions le Scripte, qui a mis
en ligne un roman complet, L’aide-mémoire. Le récit, disponible
en format PDF ou EPUB, format privilégié par le livre électronique, a réussi à
trouver un certain public. En effet, le nombre de téléchargements a dépassé les
ventes totales des deux premiers romans de l’auteur.
Avec l’explosion des ventes de livres électroniques, il ne serait pas surprenant que
d’autres auteurs tentent leur chance avec de pareilles expérimentations. Il reste à
voir si la qualité de ces écrits pourra se comparer à ce que peuvent offrir les éditeurs actuels.
lettres québécoises • automne 2010 •
55
les revues en revue
CARLOS BERGERON
Exit • revue de poésie
no 58, « Poésie catalane : les voix ne dorment jamais »,
Montréal, Gaz Moutarde, 2010, 96 p., 10 $.
Rappelons-nous d’abord qu’Exit, revue de poésie, est un
«espace de création et de liberté»: c’est exactement l’esprit
dans lequel baigne ce numéro. Il y a cette présentation de
Stéphane Despatie, le directeur, qui salue de façon bien sentie
la mémoire de Bruno Roy. Comment aurait-il pu en être
autrement quand on sait que le grand Bruno a placé la poésie
au cœur de son univers littéraire et en a été le chantre qui
doutait de son talent comme Miron, l’homme rapaillé? L’un et l’autre avaient compris que le don de la poésie ne valait rien s’il ne se perpétuait pas dans le travail des
vers comme le font le peintre ou le sculpteur afin qu’un jour l’œuvre soit achevée.
Cet Exit donne aussi à lire des suites poétiques de cinq écrivains, plusieurs appartenant à la nouvelle génération, tels Francis Catalano et Simon Boulerice. Cristina
Montescu propose «Des soleils dans les arbres», un poème en douze strophes où
elle écrit, entre autres: «Le sens de la vie est tombé / sous la table / parmi les
miettes du petit-déjeuner». Simon Boulerice écrit également un seul poème fait de
trente-trois strophes de longueur variable; l’image qui me semble ici les résumer
toutes est la suivante: «je suis jeune / je suis né de l’avant-dernière pluie / j’ai parfois vu neiger / j’ai vécu dans des igloos / à chacune de mes récréations».
Outre ces primeurs poétiques, Exit, sous la direction de Francis Catalano, propose
un minirecueil de poètes catalans intitulé «Poésie catalane: les voix ne dorment
jamais». Les huit écrivains ainsi réunis nous font entrer de plain-pied dans cet univers sociopolitique dont le territoire est reconnu par l’Espagne. Les vers qu’on y lit
ne sont pas sans rappeler une période de notre propre poésie, quand le rêve d’une
nation autonome et reconnue servait de toile de fond à la majorité de la poésie qui
s’écrivait chez nous.
Spirale
no 231, « Hélène Cixous, ou la fiction du rêver vrai »,
mars-avril 2010, 66 p., 9,25 $.
Campeau. Elle rappelle ainsi l’importance de cet art, victime comme d’autres de
l’arrivée du numérique, rappelant qu’il va bien au delà du simple fait d’appuyer sur
le déclencheur d’un appareil photo, la dimension artistique de l’image étant beaucoup plus exigeante.
Virages • la revue de la nouvelle en Ontario français
no 52, « Thème libre », Toronto, L’Interligne, été 2010,
104 p., 7 $.
J’ai toujours beaucoup de respect et d’admiration pour
les éditeurs de revues dont l’objectif est de publier des
œuvres de création, poésies et nouvelles, rarement autre
chose. Même lorsqu’ils balisent un numéro en imposant un thème, j’imagine aisément l’immensité de la
tâche lorsque sonne l’heure de choisir dans la masse
informe d’œuvres reçues. Alors, quand le sujet est libre,
ce doit être une véritable avalanche. C’est ce que semble avoir vécu Marguerite
Andersen, directrice de Virages, la nouvelle en revue en Ontario français, lors de la
préparation de ce numéro. Soixante-cinq textes proposés, c’est beaucoup de lecture
et des choix parfois déchirants puisque, parmi ces appelés, il fallait retenir quinze
candidats. Des thèmes semblent se dégager de l’ensemble — enfance, inceste,
jalousie fraternelle, etc. —, mais cela n’est pas évident à la première lecture. Un autre
facteur, important, déjoue le pronostic d’unité: les nouvellistes, femmes et hommes,
ne sont pas de même niveau. J’ai apprécié les deux textes écrits par des élèves du
secondaire, sous la direction de leur enseignante; si ce sont là des travaux scolaires
réussis — écrire à quatre mains demande des habiletés de partage que les adolescents sont à acquérir —, cela n’en fait pas pour autant des nouvelles du calibre de la
revue. En outre, j’ai aimé retrouver la nouvellière Suzanne Myre dans «Bête à mort»,
un texte plein d’humour et d’ironie; cela m’a rappelé que l’écrivaine a publié un premier roman, Dans sa bulle (Marchand de feuilles, 2010), qu’on comparera sans nul
doute à ses si nombreuses nouvelles. Surtout, n’hésitez pas à parcourir ce numéro de
Virages, vous y trouverez quelques coquilles non réclamées.
Voix et images
« De l’anthologie »
Le dossier de ce numéro de Spirale est consacré à
l’œuvre récente d’Hélène Cixous, et le portfolio, au
travail photographique de Michel Campeau et de sa
série intitulée Chambres noires, 2005-2009. Est-il
nécessaire de rappeler qui est Hélène Cixous? Née à
Oran en Algérie, elle est une féministe française.
Professeure, écrivaine, poète, auteure dramatique,
philosophe, critique littéraire et rhétoricienne, elle s’est fait connaître en France
comme essayiste avec L’Exil de James Joyce ou L’art du remplacement (Grasset,
1968). L’année suivante, elle publie Dedans (Grasset, 1969), roman autobiographique qui a obtenu le prix Médicis. C’est l’une des porteuses de l’idée d’«écriture
féminine». Le dossier qui nous est proposé est composé de textes écrits par Ginette
Michaud, Elsa Laflamme et Sarah-Anaïs Crevier Goulet.
En introduction, Ginette Michaud précise l’objectif: «L’œuvre de Cixous pour
laquelle [Jacques] Derrida a voulu réinventer, ressourcer les vieux mots de “puissance” et de “génie” (Genèses, généalogies, genres et le génie, Galilée, 2003) a de fait
connu une croissance extraordinaire depuis cette dernière décennie […] confirmant l’inépuisable énergie de l’écrivain qui tient une part essentielle à son indéfectible croyance de la grandeur de la littérature, dans quelque chose de cette
étrange chose appelée littérature et qui est, pour le dire d’un mot, l’événement de la
lettre “qui fait venir, advenir, arriver”.»
À voir et à comprendre également: «Photogénie du laboratorium», le portfolio dans
lequel Céline Mayrand met en perspective des travaux du photographe Michel
56 • lettres québécoises • automne 2010
vol. XXXV, no 2 (104), hiver 2010, 160 p., 19 $.
«Au Québec, les chercheurs s’interrogent depuis plusieurs décennies déjà sur la production et les modes
de circulation des discours de l’histoire et de la critique littéraires, notamment à travers le manuel
d’histoire littéraire, où se côtoient discours critique et
discours historique, mais aussi des extraits de textes
littéraires. On se serait donc peut-être attendu à ce
qu’une proche cousine, l’anthologie littéraire, surtout
celle à vocation pédagogique, attire elle aussi l’intérêt des chercheurs. Toutefois,
alors que l’anthologie considérée comme genre et comme pratique a fait l’objet de
nombreuses études, sous forme de monographies, d’ouvrages collectifs, de numéros et d’articles de revues savantes, pour ce qui concerne les littératures britannique, canadienne-anglaise et américaine (pour ne nommer que celles-là), elle n’a
pas suscité autant d’enthousiasme, semble-t-il, chez ceux et celles qui s’intéressent
aux littératures francophones. Certes, bon nombre d’anthologistes québécois ont
commenté les buts ostensibles et l’apport souhaité de leur projet, de même que
leur méthode et les contraintes ayant motivé leurs choix (de textes, d’auteurs,
d’époques, de genre, d’ordre de présentation, de format, d’appareil…). Peu d’entre
eux cependant tiennent un discours proprement critique sur leur pratique.
Le dossier “De l’anthologie” vise non pas à expliquer cette pénurie relative, mais plutôt à démontrer l’intérêt de l’anthologie comme objet de réflexion et comme composante importante du champ littéraire québécois.»
MARQUIS
À P O S I T I O N N E R PA R E U X
AT T E N T I O N
G A R D E R L E FO L I O
lettres québécoises • automne 2010 •
57
S É B A S T I E N L AV O I E
événement
Ils se
multiplient
Ils reviennent chaque automne depuis neuf ans,
avec toujours les mêmes intentions monstrueuses et ce slogan provocateur : Tout ce qui
n’est pas donné est perdu.
ait-on assez bien ce qu’est l’événement les Donneurs et sait-on assez qu’il est
en train de se répandre? Les Donneurs, c’est d’abord un événement annuel
qui se déroule à Joliette, à l’automne. L’événement a été mis sur pied par
Jean Pierre Girard et le CEL, le Collectif d’écrivains de Lanaudière. Il a pour but de
«contribuer à modifier la perception de l’écriture et de la littérature en établissant
des points de passage entre celle-ci et la vie de tous les jours. Happening, performance, accident et entraide, tout à la fois, les foyers d’écriture publique permettent
des rapprochements audacieux, des rencontres inattendues, et, surtout, une démythification du geste d’écriture1.»
Pendant un week-end, Joliette est tout croche.
S
OUI OUI, TOUT CROCHE
Tout croche en ce sens que rien, dans la démarche des
Donneurs, ne semble aller de soi. Ni l’association des
écrivains avec les marchands, qui leur permettent non
seulement de venir s’installer dans leurs commerces
mais aussi de tapisser leurs devantures de citations littéraires, ni cette démythification de l’écrivain placé en
position de vulnérabilité, réduit à être le camarade d’écriture du badaud, badaud lui aussi tout croche parce qu’il
ne sait plus recevoir (au dire de M. Girard).
premier mandat «de favoriser la visibilité des écrivains et des écrivaines de la
région à l’intérieur des frontières de Lanaudière, et à l’extérieur de celles-ci3 »,
mais sont aussi recrutés des auteurs des autres régions et parfois des représentants de toute la francophonie. Bien que, avec les Donneurs, tout soit gratuit,
tous sont toutefois rétribués. Mal, bien sûr, mais, au moins, «ça paie l’essence…».
VIVEZ DANS LE VRAI MONDE,
MAUDITS ANARCHISTES !
Cela étant, il est facile d’imaginer la tête des subventionneurs quand le sieur Girard débarque auprès de leur organisme afin de leur demander une contribution. La
démarche des Donneurs a beau être des plus pertinentes,
la logique bureaucratique est tout de même soumise aux
impératifs marchands et ce sont ceux-ci qui orientent les
questions des subventionneurs: Combien de personnes
vont bénéficier de l’initiative? Les besoins étant illimités
et les ressources, limitées, ne croyez-vous pas qu’il vaudrait mieux consacrer ces sommes à des événements à
caractère grand public?
«Je n’enseigne au cégep qu’à mi-temps afin de pouvoir
écrire plus, car je suis d’abord un écrivain, mais ce projet
est si important à mes yeux, ce don est si important, que
je me retrouve à travailler sur les Donneurs deux jours par
Concrètement. Les écrivains s’installent (avec
semaine…», me dit avec une pointe de lassitude un monun ordinateur portable, une tablette à écrire,
sieur Girard qui rêve de recevoir le plein montant
un silex et une plaque de granit, qu’importe) et
demandé aux gouvernements afin de pouvoir payer un
JEAN PIERRE GIRARD
reçoivent une personne pour une séance d’écriemployé qui le libérera d’une partie du fardeau qu’il porte
ture qui pourra durer dix, quinze, soixante minutes. (Déjà, à nouveau,
depuis déjà un long moment. Et puis d’ailleurs, rappelle-t-il, question nombre:
forme bouleversée: les écrivains ne sont pas les vedettes médiatiques qui
avec le sentier des 400 citations en vitrine, c’est plus de 100000 personnes qui
signent une dédicace en quarante secondes: ce sont des hommes, des
sont en contact avec la littérature, qu’ils rencontrent un écrivain ou pas.
femmes qui vont essayer avec le lecteur, qui vont se tromper ou réussir,
GENÈSE
ou rester muets pendant dix minutes devant la page.) En ce sens, et
c’est unilatéralement réjouissant, c’est parfois le fait de ne pas écrire
L’aventure a débuté à une époque où le Conseil des arts et des lettres du Québec
qui aidera l’autre dans sa relation à l’écriture, en dégommant cette
distribuait des enveloppes par région. M. Girard a conséquemment réalisé que
petite merde qui peut tous nous coller à la peau et qui nous fait croire
Lanaudière était la seule région à ne pas présenter de projets. Il a alors concocté
qu’écrire est un tour de vélo, qu’il s’agit de pédaler, que la maîtrise du
celui-ci, et à son image (me suis-je laissé préciser).
langage, à elle seule, ouvre la porte de la pertinence: autre mythe solide
à déboulonner. (Quand ce n’est pas l’écrivain lui-même, habitué et
Le premier événement extérieur auquel ont participé les Donneurs s’est déroulé
jouisseur dans son rôle de pontife, de «créateur», qu’on déboulonne. Les
en 1994, au Salon du livre de Québec. «On a été un peu le hit du Salon», se félicite
fats ne font d’ailleurs pas d’écriture publique, tiens donc2 ?)
encore M. Girard. Drôle de paradoxe, tout de même, puisqu’il a conçu les
Difficile, donc, pour certains auteurs de se sortir de la logique du salon du livre:
Donneurs en grande partie en réaction aux salons du livre. «Je suis stupéfait. J’ai
« À leur première année de participation, me dira M. Girard, certains débarfait beaucoup de salons du livre, ici et à l’étranger, et je trouve très inquiétante
quent avec leurs livres, qu’ils mettent sur leur table… S’ils reviennent avec des
l’uniformisation de cette formule qui est la même partout.»
exemplaires les années subséquentes, ce sera pour les offrir au commerçant.»
Chaque année, quelques dizaines d’auteurs sont mobilisés (selon les années, de
Ce qui ne l’empêche pas de souhaiter que celle des Donneurs soit reprise, ici et
16 à 76 écrivains ont été invités). Plusieurs sont de la région, le CEL ayant pour
partout dans le monde. De fait, l’idée a été adaptée quelques fois: à Saguenay, en
58 • lettres québécoises • automne 2010
événement
S É B A S T I E N L AV O I E
croisière sur le fleuve du même nom; aux Ailleurs
Poétiques de Charleville-Mézière, ville natale de
Rimbaud; à Barcelone; à Magog; à Liège… Depuis
quelque temps, l’événement se greffe à d’autres
manifestations. Pour ma part, j’ai participé aux
Donneurs — en tant que badaud — au cinéma
Parallèle, à Montréal, le 18 mai dernier, lors de la
présentation d’un documentaire de Lucie Lambert,
Aimer, Finir.
portaient sur les cinq qualités primordiales d’un
écrivain (selon M. Girard): la bonté, le don, la compassion, la dignité et l’intégrité. Cette année, pour la
dixième édition, on change de paradigmes avec une
conférence sur la volupté.
Dans la boîte à fantaisies du sieur Girard se trouve
aussi l’idée d’un défilé de mode et d’écrivains. Il
imagine, par exemple, Dany Laferrière en train de
parader devant la galerie pendant que Jean-Paul
Daoust commente tout autant l’œuvre du romancier japonais que son costume de suède blanc
crème…
C’est après la projection qu’Élaine Turgeon, au
comptoir du Café Méliès, a reçu ma demande d’un
mot doux. Elle m’a d’abord interrogé délicatement,
sans insister après que j’ai refusé de répondre à l’une
de ses questions («Pourquoi tu l’aimes?», à laquelle
je réponds déjà assez souvent à la maison, merci).
Elle m’a ensuite demandé de me retirer et j’ai
attendu, j’ai attendu. C’est finalement les deux
écrivains, Turgeon et Girard, qui se sont entraidés
pour rédiger la lettre à ma dulcinée.
Entre-temps, la destinataire de ma lettre s’est décidée à aller voir le Belge Jack Keguenne, en résidence
à Montréal, afin de me rendre la pareille. Ce qui fut
expédié. Le résultat de nos deux démarches, c’est
deux pages manuscrites, de jolis textes qui n’auraient pu être écrits pour personne d’autre que pour
leur destinataire. Je n’ai pas flairé l’odeur de ma
JEAN PIERRE
douce à la lecture de sa lettre. Par contre, dans le rôle
de l’expéditeur, j’ai trouvé intéressant d’entendre l’écho déformé de ma propre
voix. L’opération donne un bon aperçu de l’acte de création. On sent bien la chimie opérer pour la simple et bonne raison qu’on est un élément de ce processus
chimique. Après tout, ex nihilo nihil, in nihilum posse reverti4.
Soulignons, en terminant, que tout un chacun est
invité à reprendre ce concept dans sa communauté.
À la seule condition de répandre aussi le slogan de
l’événement: Tout ce qui n’est pas donné est perdu. Ne
nous reste plus qu’à souhaiter aux Donneurs un
déluge de subventions afin qu’ils puissent nous
contaminer autant que possible. On en a bien
besoin.
1. http://www.lesdonneurs.ca/ecribel07jpg.htm
2. ibid.
3. http://www.lesdonneurs.ca/cel.htm
4. Rien ne vient de rien, ni ne retourne à rien.
5. http://www.lesdonneurs.ca/ecribel07jpg.htm
GIRARD
L I T T É R AT U R E Q U É B É C O I S E
D E S E N FA N T S , D E S V I E U X
E T D E S FO U S B R AQ U E S
Dame Turgeon est aussi celle qui est chargée de faire entrer les Donneurs à
l’école, de me dire ce soir-là M. Girard. Ce volet du projet ne s’est pas encore
concrétisé, bien que des incursions ont eu lieu au fil des ans. Les Donneurs, c’est
encore beaucoup de bonnes idées qui n’ont pas pris leur envol. C’est une «action
tentaculaire », d’imager M. Girard afin de bien montrer que la démarche des
Donneurs tient tout à la fois de la création littéraire, de la campagne d’alphabétisation, qu’elle peut être instrumentalisée par le monde de l’éducation et qu’elle
trouve même un sens dans le vaste monde de la santé et des services sociaux.
Gérontologue, M. Girard voudrait que les Donneurs se rendent dans les résidences pour personnes âgées. Des démarches ont aussi été entreprises avec
l’institut Philippe-Pinel, démarches qui ont fortement intéressé les médecins de
l’institut, au dire de l’initiateur du projet.
Ce projet consiste à offrir à une clientèle hospitalisée à l’intérieur d’une
unité de soins de courte durée de psychiatrie les services et l’assistance,
sur une base régulière, d’un écrivain professionnel déjà familiarisé à une
relation d’aide de ce type. […] Nous croyons que chaque individu se
verrait offrir […] une occasion de passer à la parole, et peut-être de clarifier le chaos de sa propre pensée, avec le soutien conjoint d’un psychiatre et d’un écrivain5.
[email protected]
www.voixetimages.uqam.ca
La revue Voix et Images publie trois numéros par année qui comprennent des analyses
approfondies et variées sur la production ancienne et contemporaine, des textes inédits
et des entrevues avec des écrivains du Québec ainsi que des chroniques sur l’actualité.
Chaque numéro de Voix et Images comprend trois rubriques principales : un dossier,
des études et des chroniques.
DOSSIER « LOUISE DUPRÉ », vol. XXXIV, n o 2 (101), hiver 2008
Le sujet féminin : de l’intime à la mémoire ¶ JANET M. PATERSON et NATHALIE WATTEYNE
Entretien avec Louise Dupré ¶ JANET M. PATERSON
Inédit. La porte fermée ¶ LOUISE DUPRÉ
De la maturité à l’accomplissement. La trajectoire poétique de Louise Dupré ¶
ANDRÉ BROCHU
Fenêtre sur corps. L’esthétique du recueillement dans la poésie de Louise Dupré ¶
DENISE BRASSARD
Narration, temps et espace dans les romans de Louise Dupré ¶ JAAP LINTVELT
Dans les moindres détails. La fiction de Louise Dupré ¶ SANDRINA JOSEPH
Tout comme elle. L’intime et le non-dit ¶ NATHALIE WATTEYNE
Bibliographie de Louise Dupré ¶ MÉLANIE BEAUCHEMIN et NATHALIE WATTEYNE
ABONNEMENT
(INCLUANT LES TAXES ET/OU LES FRAIS DE PORT ET DE MANUTENTION)
Q U É B E C / C A NA DA
1 AN (3 NUMÉROS) : étudiant 29 $
individu 45 $
institution 90 $
ÉTRANGER
1 AN (3 NUMÉROS) : étudiant 35 $
individu 55 $
institution 95 $
Lors de l’événement annuel, à Joliette, les Donneurs organisent une conférence
avec des intervenants provenant de tous les milieux. Les cinq premiers thèmes
lettres québécoises • automne 2010 •
59
COUPES FÉDÉRALES
Les revues
culturelles en péril
Depuis la série de coupes amorcées en 2008, le gouvernement Harper continue
de saborder des programmes essentiels à la survie des organismes culturels.
C’est maintenant au tour du ministère du Patrimoine canadien de priver la
majorité des revues culturelles québécoises d’une aide à l’édition, en remplaçant le Fonds du Canada pour les magazines (FCM) par le Fonds du Canada
pour les périodiques (FCP). Ce qui devait être une refonte de programmes
s’est conclu, dans les faits, par une mutation idéologique inacceptable.
Désormais, Patrimoine canadien ne se souciera plus des publications à petit
tirage; il soutiendra « l’industrie du magazine ».
La Société de développement des périodiques culturels québécois (SODEP)
dénonce vivement les critères d’admissibilité du nouveau FCP. Parmi ses 44
membres, lesquels publient les plus importantes revues culturelles de langue
française au pays, 75 % sont exclus du programme « Aide aux éditeurs », tout
simplement parce qu’ils vendent moins de 5000 exemplaires par année, peu
importe leur périodicité, leur mandat ou la qualité de leur contenu.
Le budget du FCP, en vigueur depuis le 1er avril, s’élève à 75,5 millions de dollars,
dont 72 millions sont consacrés à l’aide aux éditeurs. Les magazines canadiens à
grand et moyen tirage, qui comptent sur des revenus publicitaires substantiels,
peuvent recevoir jusqu’à 1,5 million par année. Mais rien, ou presque, pour les
revues à petit tirage, ces revues qui diffusent notre littérature, commentent nos
productions théâtrales ou analysent notre cinéma. Pour aider les 44 membres de
la SODEP réunis, il suffisait pourtant d’un budget de 800 000 $, soit près de la
moitié d’une subvention accordée à un grand magazine! Et que dire de l’argent
que les éditeurs de revues culturelles retournent néanmoins au gouvernement,
par la TPS payée sur les coûts de production de leur revue, celle perçue sur les
ventes de numéros, des abonnements et leurs impôts?
La pérennité et la diversité des revues culturelles seront mises en péril par les
décisions de Patrimoine canadien. Quand des revues culturelles disparaissent, ce sont des espaces de réflexion qui disparaissent avec elles, un patrimoine
écrit qui meurt. Elles servent souvent de tremplin aux futurs journalistes et
écrivains qui y font leurs premières armes. Permettre à ces revues de subsister,
c’est créer les conditions d’émergence de la relève.
Patrimoine canadien souhaite-t-il vraiment préserver notre culture ou cherchet-il à bâillonner nos écrivains et penseurs? Que l’argent du patrimoine revienne
au patrimoine et que les publications de qualité reçoivent leur juste part.
La SODEP et ses membres demandent à tous ceux et celles qui tiennent à la
survie des revues d’art, de littérature, de théâtre, de cinéma, d’histoire et
d’idées, de faire circuler cette lettre pour protester contre la décision inique de
Patrimoine canadien.
POUR SIGNER LA PÉTITION :
http://www.sodep.qc.ca/DerniereHeureDetails.aspx?ID=64
LA LITTÉRATURE QUÉBÉCOISE VOUS PASSIONNE ?
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lettres québécoises
Entrevues, portraits d’auteurs, critiques
et comptes rendus de romans, de recueils
de nouvelles et de poésie, d’essais et plus !
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60 • lettres québécoises • automne 2010
nous ont quittés
Marcel Bélanger
1943-2010
L’écrivain Marcel Bélanger est décédé le 11 mai 2010
à l’âge de 66 ans. Il a également été connu sous le
nom de plume Kraxi.
Marcel Bélanger a occupé, jusqu’aux débuts des
années quatre-vingt, plusieurs postes d’homme de
lettres, comme il se plaisait ironiquement à le dire.
Directeur de revues littéraires, fondateur d’une maison d’édition, il a aussi travaillé à la radio FM de
Radio-Canada et a été professeur à l’Université
Laval, à Québec, où il a mis sur pied un programme
de création littéraire. Après de nombreux voyages
aux connotations initiatiques, il avait choisi de se
consacrer uniquement à l’écriture dans un petit village de Lanaudière.
Madeleine Ferron
1922-2010
La femme de lettres Madeleine Ferron est morte le
27 février, à Québec, à l’âge de 87 ans. Elle souffrait
de la maladie d’Alzheimer. Épouse de l’avocat
Robert Cliche, Madeleine Ferron était la sœur de
l’écrivain Jacques Ferron et de la peintre Marcelle
Ferron, tous trois aujourd’hui décédés. Elle a été
faite Chevalier de l’Ordre national du Québec en
1992 et a reçu de nombreux prix littéraires, dont
celui du journal La Presse, celui de la Ville de
Montréal et le prix France-Québec.
Née le 24 juillet 1922, à Louiseville, elle a été auditrice libre à l’Université de Montréal et à l’Université
Laval. Avec son mari Robert Cliche, elle a écrit un
essai ethnographique, Quand le peuple fait la loi, en
1972, et Les Beaucerons, ces insoumis, en 1974.
L’écrivaine a publié, en 1966, un premier recueil de
contes, Cœur de sucre. En 1971 paraît son premier
roman, La fin des loups-garous, et son deuxième
roman, Le baron écarlate. En 1977, elle publie Le
chemin des dames et, en 1981, Histoires édifiantes,
deux recueils de nouvelles. En 1982, elle écrit un
roman historique, Sur le chemin Craig, portant sur le
chemin créé au début du XIXe siècle à l’instigation
du gouverneur James Henry Craig et qui devait
relier la ville de Québec aux États-Unis afin de favoriser la colonisation des Cantons-de-l’Est. Elle rédige
de nombreux articles pour des revues, magazines et
journaux.
Madeleine Ferron était engagée dans la vie culturelle
et sociale du Québec. En 1979, elle est nommée présidente de la fondation Robert-Cliche pour la protection du patrimoine des Beaucerons.
Pierre Hébert
1927-2010
La ville de Québec vient de perdre un de ses plus fervents amateurs de théâtre en la personne de Pierre
Hébert. Fils du critique littéraire Maurice Hébert et
petit-fils du sculpteur Louis-Philippe Hébert à qui
l’on doit la statuaire du Parlement, il était le frère
d’Anne Hébert et le cousin de Saint-Denys Garneau.
Il était également le dernier descendant de la lignée
info capsule
Prix du Canada :
nouveau départ
Plusieurs se souviennent du cafouillage à propos du Prix du Canada doté
d’une bourse de 25 millions de dollars. Ce prix, qui avait vraiment l’air
improvisé, devait être remis à des personnalités internationales, comme si le
Canada pouvait se permettre de jouer les mécènes alors que Stephen Harper,
pendant la même période, coupait dans les programmes de subventions
pour de raisons qui personne n’a jamais vraiment comprises sinon que ces
programmes n’étaient pas efficaces. Efficaces pour qui ? On ne l’a jamais su,
bien que plusieurs – Lettres québécoises en tête – trouvaient que les programmes en question avaient leur raison d’être. Ironie du sort, pendant
qu’on coupait 45 millions des sommes allouées aux tournées internatio-
de Louis Hébert, le premier colon de NouvelleFrance.
On se souvient surtout de lui parce qu’il a fondé et
dirigé deux troupes de théâtre d’avant-garde dans
la ville de Québec durant les années cinquante ;
la plus connue, le Théâtre de la Basoche, s’était
installée dans le sous-sol de l’église SaintDominique et comptait Gilles Vigneault dans ses
rangs.
C’est là que, de 1955 à 1960 et dans bien des cas
pour la première fois en Amérique du Nord, l’on
présenta L’alouette de Jean Anouilh, Fin de partie de
Beckett, La leçon de Ionesco, tout comme La cerisaie
de Tchekhov et des pièces de Jean Tardieu.
Clément Moisan
1933-2010
Clément Moisan est décédé à la Maison MichelSarrazin, le lundi 12 avril 2010 ; il était âgé de 76
ans. Chercheur reconnu internationalement, professeur émérite de l’Université Laval et docteur en littérature de l’Université la Sorbonne, il demeurait à
Québec.
Auteur de nombreuses publications, Clément
Moisan a signé une dizaine d’essais parus aux Éditions Hurtubise, à l’Hexagone, aux Presses universitaires de France ainsi que chez Nota bene. Il était
membre de l’Académie des lettres et sciences
humaines de la Société royale du Canada depuis
1980, membre honoraire du Centre de recherche
interuniversitaire sur la littérature et la culture québécoises et conseiller scientifique au Fonds québécois de recherche sur la société et la culture. Son
dernier essai, Kerouac. L’écriture comme errance, où
l’auteur fait redécouvrir l’œuvre de Kerouac sous
un nouvel angle, a été publié chez Hurtubise au
printemps 2010.
nales, on proposait d’injecter 25 millions pour faire venir et récompenser des
artistes internationaux !
Quoi qu’il en soit, devant le tollé de la presse qui jugeait que cette initiative
sentait la pure improvisation, le ministre de la Culture James Moore avait fait
marche arrière. Rétrogradé à l’état de projet, le prix refait surface. Cette foisci, l’administration du prix (toujours de 25 millions) a été confiée au Conseil
des Arts du Canada (CAC).
Bonne décision, diront certains, sauf qu’on peut s’inquiéter du fait que, parmi les
membres du groupe d’experts chargés d’élaborer des recommandations et de
proposer des paramètres, se trouve nul autre que Tony Gagliano, président du
festival torontois Luminato, celui-là même qui avait «monté» ce prix. Souhaitons
que Simon Brault (Culture Montréal et membre du CAC) et Joseph Rotman
(président du CAC) sauront freiner les ardeurs de M. Gagliano.
lettres québécoises • automne 2010 •
61
informations express
JAC Q U E S , M I C H E L
Carnets de la Beauce
avec des tableaux de Gaétane Boucher,
Martine Chassé, Marylène Faucher,
Guylaine Jacques et Julie Morin
Montréal, Les Heures bleues, coll. « Carnets »,
2010, 128 p., 29,95 $.
« Coda » propose des textes en provenance du
Québec, du Canada et du reste du monde.
Les livres parus à ce jour dans «Coda» sont les suivants : Nikolski de Nicolas Dickner, Un jardin de
papier de Thomas Wharton, Les carnets de Douglas
de Christine Eddie, Parfum de poussière de Rawi
Hage, Du bon usage des étoiles de Dominique Fortier
et les quatre titres du Cycle de Manawaka de
Margaret Laurence.
Alto, collection
« On a tous
les jours 5 ans »
Dans le cadre des célébrations entourant son cinquième anniversaire, Alto a lancé la collection «On a
tous les jours 5 ans», constituée de cinq inédits, afin
de remercier les lecteurs, libraires et autres amis des
Bien des gens ont entendu parler de la Beauce et
s’en sont fait une certaine idée. Les Carnets de la
Beauce, par ses nombreux tableaux et ses textes,
présentent un bon aperçu des caractéristiques de
ce pays haut en couleur. Cinq peintres de la région
— Gaétane Boucher, Martine Chassé, Marylène
Faucher, Guylaine Jacques et Julie Morin — conjuguent leurs talents pour illustrer l’essence même de
la Beauce. Des photographies d’époque, des textes
informatifs et des haïkus écrits par Michel Jacques
complètent ce treizième ouvrage de la collection.
Les scènes champêtres et urbaines telles que la
rivière Chaudière et ses débordements, les maisons
de campagne, les érablières et les Beaucerons au
travail sont autant d’éléments évoqués dans le livre.
C’est un beau voyage dans dix-sept villes et villages
qui permettra de mieux connaître la Beauce et de
succomber à son charme.
Alto, collection « Coda »
livres de leur fidélité au fil des ans. Depuis le 2 juin
dernier, un exemplaire de l’un de ces livres à tirage
limité est offert gratuitement dans les librairies du
Québec à l’achat de n’importe quel titre publié chez
Alto. Les cinq auteurs de la maison qui ont généreusement accepté d’écrire un texte pour l’occasion
sont Nicolas Dickner (DaNse Contact – CuisiN3
familial – TV Satellite), Christine Eddie (Le cœur de
la crevette), Martine Desjardins (Grotto), Max
Férandon (La roue et autres descentes) et Serge
Lamothe (Projet Perfecto). Tous les titres de la collection «On a tous les jours 5 ans» sont aussi offerts
en format numérique et téléchargeables gratuitement en ligne, entre autres sur les sites www.livresquebecois.com et www.jelis.ca.
62 • lettres québécoises • automne 2010
Enfin, François Watier traite d’un sujet d’actualité
dans Stéroïdes pour comprendre le réchauffement climatique. Le livre fournit la dose de connaissances
nécessaires pour répondre aux interrogations auxquelles la science a des réponses. On y apprend si le
réchauffement climatique est scientifiquement
prouvé, si ses conséquences sont une fatalité et
même pourquoi il menace les ours polaires.
« KompaK » : une nouvelle
collection chez XYZ
Amérik Média,
collection « Stéroïdes
pour comprendre »
Amérik Média a lancé une nouvelle collection d’essais, «Stéroïdes pour comprendre». Faisant le pari
qu’aucun sujet n’est trop complexe pour être expliqué simplement, cette collection offre des concentrés permettant d’aborder une question sans grand
effort.
C’est en avril 2007 que les Éditions Alto ont lancé
une collection de livres dans un format alternatif,
une présentation revue et un prix abordable: Coda.
Plus grandes qu’un livre compact ou un livre de
poche, mais légèrement plus petites que la plupart
des formats réguliers, les œuvres publiées dans cette
collection permettent de donner une véritable
«seconde vie» à des œuvres reconnues. La collection
Stéroïdes pour comprendre les OGM est le second
titre paru. Selon Valérie Levée, l’auteure, les OGM ne
sont pas toujours où on le croit. Quelque 99 % des
plantes génétiquement modifiées commercialisées
sont du coton, du soja, du colza et du maïs. Encore
absents de l’alimentation, les animaux transgéniques font peu de bruit. Ils sont pourtant légion
dans les laboratoires de recherche, où ils servent de
modèles d’étude. Plus petites et discrètes, les bactéries transgéniques servent quant à elles à fabriquer
l’insuline depuis les années quatre-vingt.
Le premier ouvrage paru s’intitule Stéroïdes pour
comprendre la philosophie. Écrit par Normand
Baillargeon, l’essai constitue une initiation aux
grands systèmes philosophiques. L’auteur y montre
à quel point, que ce soit en matière de politique,
d’art ou d’éthique, les débats qui font aujourd’hui
rage prennent leur source dans la philosophie. La
dose de philosophie concentrée proposée dans ce
livre est tout sauf superflue.
Les Éditions XYZ ont lancé, en avril dernier, la collection «KompaK». Prenant la forme d’une pochette
de disque compact, cette «irrévérencieuse» collection présentera des novellas traitant de sujets non
conventionnels, populaires et littéraires, centrés sur
un récit intense ou une intrigue dynamique.
«KompaK» propose une littérature qui sort des sentiers battus sans être un lieu d’écriture expérimentale. Cette collection ne cherche pas le scandale mais
la surprise, le rire, l’étonnement, l’audace. L’auteur
Jean-Pierre April agira en tant que directeur de collection.
L’herbe est meilleure à Lemieux est le premier titre
paru, il a été écrit par Jean-Pierre April. Dire que
informations express
l’action de ce récit se passe à l’époque du peace and
love, des Beatles et des années soixante serait un
mensonge. Ce temps merveilleux où l’on croyait
refaire le monde en faisant l’amour est bien révolu.
Pourtant, la bande des quatre (Marie-Hélène,
Geneviève, Phil et Ti-Bill, le narrateur) savait que
Julie, le Volkswagen Camper, rendrait l’âme incessamment. Cela arrivera à Lemieux, un bled si plat
que les mouches s’y endorment, même en été.
L’herbe est-elle meilleure à Lemieux? Oui, diront en
chœur les membres de la bande des quatre, qui s’y
établiront en achetant une maison grâce à mille et
un subterfuges, pas toujours très catholiques.
Cependant, personne ne sait pourquoi l’herbe y est
si bonne. Les quatre membres le devraient pourtant, mais ils sont trop occupés à fumer comme des
défoncés pour se poser des questions. On voit là que
le peace and love a été remplacé par piastre and bof.
Dates des prochains
salons du livre
au Québec
Le deuxième titre paru s’intitule Le seul défaut de la
neige et il est signé François Barcelo. On y retrouve
Yannick, vingt-deux ans, célibataire, préposé au
déneigement à Saint-Christophe-de-Bougainville. Il
reçoit un appel de sa tante Estelle, une belle femme
à son goût. L’auto d’Estelle est prise dans la neige
près du dépotoir. Yannick part à son secours au
volant de son tracteur. Sur place, il découvre un
cadavre. Se débarrasser d’un cadavre, passe encore,
mais un cadavre en appelle un autre. Yannick, pas si
bête qu’on pouvait le croire, redouble d’ingéniosité
pour plaire à sa tante en se débarrassant des
cadavres qu’elle sème dans son sillage. Voici des
rebondissements et des scènes colorées comme
Barcelo sait si bien en susciter.
Montréal
17 au 22 novembre 2010
514 845 2365
Saguenay-Lac Saint-Jean
30 septembre au 3 octobre 2010
418-542 7294
Estrie • 14 au 17 octobre 2010
819 563 0744
Rimouski • 4 au 7 novembre 2010
418 723 7456
Outaouais • 24 au 27 février 2011
819 775 4873
Trois-Rivières • 24 au 27 mars 2011
819 376 5308
Québec • 13 au 17avril 2011
418 692 0010
Côte-Nord • 5 au 8 mai 2011
418 968 4636
lettres québécoises • automne 2010 •
63
livres en format poche
A L A R I E , D O NA L D
Écrire comme on
joue du piano
Paroisse Notre-Dame-des-Neiges,
Trois-Pistoles, coll. « Écrire », 2010,
128 p., 19,95 $.
Cet essai doit se trouver dans toutes
les bibliothèques, publiques ou privées. Il est, à ce jour, la référence la
plus complète sur notre patrimoine
littéraire. Suivre pas à pas une telle
évolution exige qu’au delà des faits
répertoriés les auteurs posent des
jugements éditoriaux. Or, le trio d’auteurs a fait preuve de grande rigueur
intellectuelle et posé des jugements
éclairés en retenant les événements
marquants et les écrivains aux
œuvres significatives, tant à l’époque
de leur publication qu’aujourd’hui.
resté quotidien, des airs traditionnels
et des chansons de travail aux succès
internationaux des auteurs-compositeurs et interprètes de maintenant,
ceci sans exclure les volets plus commerciaux.
FORTIER, DOMINIQUE
Du bon usage
des étoiles
Québec, Alto, coll. « Coda », 2010,
445 p., 17,95 $.
B O UC H A R D , H E RV É
Mailloux, histoire
de novembre à juin,
réédition en poche
Le Quartanier, coll. « Ovni »,
2010, 168 p., 13 $.
La participation de Donald Alarie à
la collection «Écrire» est menée avec
un grand sérieux. L’essai permet de
voir et de comprendre, jusque dans
les détails du quotidien, le meilleur et
le pire, si tant est, du métier d’écrivain. Il est, me semble-t-il, le seul de
sa confrérie qui raconte sans ambages
ses rapports avec ses éditeurs, ce qui
est d’un grand intérêt pour ceux qui
sont dans l’urgence de publier. Le
passage éponyme est sans aucun
doute celui qui reflète le mieux l’atmosphère de plénitude qui se dégage
du livre.
B I R O N, M I C H E L , É L I S A B E T H NA R D O U T - L A FA R G E
ET FRANÇOIS DUMONT
Histoire de la
littérature québécoise
Montréal, Boréal, coll. « Boréal
compact », 2010, 688 p., 19,95 $.
D’abord parues à L’effet pourpre en
2002, les aventures du jeune Mailloux
sont portées par un sens du désastre
qui transforme l’existence en angoisse
et en jeux vilains. Tout se déroule
selon le désordre d’une mémoire où
s’entrelacent épisodes funestes ou
joyeux, dans un Jonquière où tout
passe et coule avec les flots et les flots.
Ce monde inouï, mais presque familier dans son étrangeté même,
Mailloux sait le rendre par la grâce
d’une écriture fiévreuse et physique,
toute traversée de mélancolie, de fantasmes et de mort.
BROSSARD, NICOLE
Le désert mauve
Montréal, Typo, 2010, 304 p.,
14,95 $.
Considéré comme l’un des plus
importants de la littérature québécoise, ce premier roman postmoderne
64 • lettres québécoises • automne 2010
est un incontournable pour quiconque souhaite plonger dans un univers de création. Un univers porté
dans ce roman par le personnage de
Maude Laures qui s’attelle, un jour, à
la traduction du récit de Laure
Angstelle. Cette histoire, qui l’a littéralement éblouie, raconte le destin
d’une jeune fille qui décide de tout
quitter et de partir à la découverte du
désert de l’Arizona. Dans un style élégant et surprenant, la romancière propose une réflexion sur l’art d’écrire et
de traduire.
Mai 1845, les navires Terror et Erebus
partent à la conquête du mythique
passage du Nord-Ouest. Commence
alors un voyage au cœur de la nuit
polaire et vers les profondeurs de
l’être, dont Francis Crozier, commandant du Terror, rend compte dans son
journal. Inspiré de la dernière expédition de Franklin, Du bon usage des
étoiles brosse un tableau foisonnant
des lubies de la société victorienne,
dans un patchwork qui mêle avec
bonheur le roman au journal, l’histoire, la poésie, le théâtre, le récit
d’aventures, le traité scientifique et la
recette d’un plum-pudding réussi.
D E S U R M O N T,
J A S M I N, C L A U D E
JEAN-NICOLAS
La corde au cou
La poésie vocale et
la chanson québécoise
Québec, L’instant même, coll.
« Connaître », 2010, 168 p., 15 $.
Cet essai a d’évidentes qualités pédagogiques. Il propose des outils d’analyse et une médiagraphie qui tient
compte de la nature complexe du
sujet et des moyens et circonstances
par lesquels on y a accès (disques,
livres, sites Internet, festivals). Il est
le vade-mecum d’un art ancestral
Montréal, Pierre Tisseyre, coll.
« Littérature québécoise », 2010,
194 p., 10,95 $.
Ce roman de Jasmin est un classique
de la littérature québécoise; lors de sa
parution, l’ouvrage a reçu le Prix du
Cercle du livre de France. L’édition du
roman proposée par les Éditions
Pierre Tisseyre et ERPI participe
d’une volonté de rayonnement de la
littérature par la diffusion des classiques auprès des jeunes. L’intégration
livres en format poche
Sept ans après les sordides événements qui ont secoué Saint-Clovis,
Francis est de retour dans son patelin.
Il a reçu son congé de l’institution
psychiatrique, il est prêt à réintégrer
la société. En plus des fantômes de
son enfance meurtrie, il devra affronter ses anciens tortionnaires. Mais
Francis n’est plus — ne sera jamais
plus — le souffre-douleur de quiconque. Or, quand un premier étudiant est assassiné, puis un deuxième,
les soupçons se portent aussitôt sur
Francis… qui sait pertinemment que
l’horreur ne fait que (re) commencer.
de l’œuvre à une collection à large diffusion dans le milieu scolaire et des
études postsecondaires offre également au livre une vitrine exceptionnelle qui interpellera une nouvelle
génération de lecteurs.
fabulatrice de premier rang. Son récit,
alerte et souriant, évoque des scènes
cocasses et tragiques du roman familial, au cœur des éphémérides de
Cacouna et de Montréal. Sans fard,
avec ce qu’il faut d’humour pour avaler quelques couleuvres, elle refait le
parcours de sa vie avec sa mère, sa
«plus-que-mère», la «parfaite», devenue toute sa référence, sa bible.
d’Anthony Phelps fait refleurir les
grands sortilèges de l’enfance et ce
goût pour l’aventure qui transporte
avec fine malice le réel aux antipodes
du réalisme.
P O T V I N, C H A N TA L E
Le pensionnaire
Chicoutimi, JCL, coll. « Romanvérité », 2010, 186 p., 14,95 $.
PHELPS, ANTHONY
Et moi je suis une île
Montréal, Bibliothèque québécoise,
2010, 80 p., 8,95 $.
NOËL, FRANCINE
La femme de ma vie
Montréal, Bibliothèque québécoise,
2010, 192 p., 9,95 $.
LÉVE SQUE, FRANÇOIS
Les visages
de la vengeance
Au début du XXe siècle, une loi oblige
les enfants autochtones à fréquenter
des pensionnats dirigés conjointement par le fédéral et par l’Église.
Cette volonté d’assimilation cause des
débordements qui auront des conséquences tragiques sur plus de 150000
jeunes. Les rescapés encore vivants
parlent peu de leur triste expérience.
À partir de témoignages et de documents patiemment recueillis, l’auteure a façonné un personnage fictif
qui, très jeune, est enlevé de force à sa
famille et envoyé dans un pensionnat
où il se retrouvera à la merci des autorités.
Québec, Alire, 2010, 320 p., 14,95 $.
Quand la romancière, plusieurs
années après le décès de sa mère,
entreprend de remonter le cours de
son enfance, une surprise l’attend :
son œuvre se situe dans le droit fil de
la parole de sa mère, Jeanne Pelletier,
info capsule
Suzanne Richard, nouvelle directrice
générale des Éditions L’Interligne
Directrice intérimaire depuis 2009, Mme Suzanne Richard prend officiellement la direction de cette maison d’édition dont les bureaux sont situés à
Ottawa. Titulaire d’un baccalauréat en arts visuels de l’Université du Québec
en Outaouais (UQO), Suzanne Richard a oeuvré aux communications dans
les centres d’artistes et d’exposition de la région de 1998 à 2003.
Entrée au service des Éditions L‘Interligne en 2003, d’abord comme agente
en communication puis à titre de responsable des communications, elle a été
membre du comité de rédaction de la revue Liaison de 2003 à 2007. Depuis
2007, elle est aussi directrice de la collection de livres d’art «Synapses» des
Éditions L’Interligne.
Qu’arrive-t-il à l’île de Montréal
quand elle se détache de ses amarres
et remonte le fleuve Saint-Laurent,
s’engage sur la mer, pique vers le sud
et rend visite, entre autres îles, à celle
d’Haït i, le temps d’une fin de
semaine ? Qu’arrive-t-il quand Moly
le petit poisson rouge saute de son
bocal et s’enfuit, lorsqu’une roue se
détache de la voiture et prend le
large ? La narration enchantée
FRANCE THÉORET :
rétractation de Lettres québécoises
Dans la chronique de « La revue des revues » (Été 2010, p. 56) signée par
Carlos Bergeron, il s’est glissé un commentaire au sujet du texte de France
Théoret (« Pourquoi je dirai oui une troisième fois à un prochain référendum national. ») que la rédaction juge inapproprié et injustifié.
M. Bergeron écrit: «La finale qui détonne, et dont le propos presque antisémite nous laisse sans mots, mérite d’être citée: ‘‘Si les Québécois de souche
donnent un appui massif, plébiscitent le oui, notre force d’attraction aura une
influence irréversible sur l’ensemble de la population québécoise’’. »
La rédaction de Lettres québécoises veut offrir ses excuses à Mme Théoret, car
il est clair que la phrase incriminée ne contient ni propos ni allusions antisémites pas plus du reste que cette même phrase pourrait avoir une connotation raciste.
La rédaction
lettres québécoises • automne 2010 •
65
dits et faits
L’ASSOCIATION DES LIBRAIRES : 40 ANS
Créée en 1969, l’Association des libraires
du Québec est un acteur majeur dans l’industrie du livre. Elle a pour mission de
contribuer au développement professionnel des libraires et à l’essor économique
de la librairie comme lieu essentiel de diffusion de la culture. Pour souligner cet
anniversaire, un recueil de textes inédits,
Ma librairie indépendante — auquel JeanFrançois Beauchemin, Pascal Blanchet,
Nicolas Dickner, Robert Lalonde, Stanley
Péan, Jean-Jacques Pelletier, Marie Hélène
Poitras et Michel Tremblay ont accepté de
participer —, sera lancé.
NORMAND DE BELLEFEUILLE
QUITTE QUÉBEC AMÉRIQUE
Normand de Bellefeuille, l’un
des plus prestigieux directeurs littéraires au Québec — en plus
d’être un superbe écrivain —, a
annoncé au printemps dernier
qu’il prenait sa retraite du monde
de l’édition. C’est un peu dommage, car Normand de Bellefeuille
a vraiment été un éditeur marquant en faisant entrer la poésie
chez Québec Amérique et en choisissant des auteurs qui se sont
imposés avec éclat sur la scène littéraire.
Prix du Gouverneur général en
2000 pour La marche de l’aveugle sans son chien, Normand de Bellefeuille
se consacrera à son écriture tout en restant attentif à tout ce qui se passe
dans le monde des lettres, lui qui se réjouit de la venue de jeunes éditeurs
qui marquent un temps nouveau dans notre paysage littéraire.
FICHTRE ! FERME SES PORTES
La bande dessinée – qui semble connaître un regain au Québec depuis plusieurs années — aurait dû permettre à la librairie Fichtre!, située rue De
Bienville à Montréal, de connaître un essor mérité. Ce n’est malheureusement pas le cas, le propriétaire Yves Millet ayant dû déclarer forfait et fermer ses portes il y a quelques mois. Dommage, car cette librairie, qui était
devenue un must pour les bédéistes, était vraiment un carrefour où se
retrouvaient les amateurs de bulles tout autant que les jeunes bédéistes qui
se servaient de la librairie pour faire la vente de leurs autopublications. En
somme, Fichtre! agissait comme on le faisait autrefois. Ainsi faisaient la
librairie Crémazie au XIXe siècle ou encore Deom dans les années cinquante. Une perte à n’en pas douter.
66 • lettres québécoises • automne 2010
LE DEVOIR : FORTE PROGRESSION
Le Devoir a affiché la plus forte
progression au pays pour la
période de six mois qui s’est terminée au 3 mars de cette année. Alors que les journaux et périodiques affichent en général des pertes depuis quelques années, Le Devoir, lui, progresse de 1,4 % en semaine et de 8,3 % durant le week-end.
Les ventes de La Presse et du Soleil (propriétés de Gesca de Power
Corporation) ont diminué, mais ce n’est pas le cas des journaux régionaux tels La Tribune de Serbrooke, Le Nouvelliste de Trois-Rivières et Le
Droit d’Ottawa qui connaissent tous trois de légères hausses.
Il faut se réjouir de cette nouvelle concernant Le Devoir dont le cahier du livre
en week-end est fort bien documenté. Beaucoup mieux que celui de La Presse.
QUÉBEC EN TOUTES LETTRES
Résultat d’un échange entre Paris («Paris
en toutes lettres») et la ville de Québec,
«Québec en toutes lettres» proposera
au grand public une programmation
d’activités placée sous le signe de la curiosité et de l’inusité. Le choix de Jorge Luis
Borges, cette année, semble surprenant
de prime abord, mais les organisateurs
trouvent en lui un auteur non seulement
majeur, mais dont l’influence est
immense. Par exemple, elle s’est fait sentir
autant dans Le nom de la rose d’Umberto
Eco que dans Donjons et dragons.
L’événement se déroulera du 14 au 24 octobre 2010. C’est Gilles Pellerin,
auteur et éditeur de grande réputation, qui en assurera la direction artistique.
À ce jour, le festival a reçu plus de cinquante projets liés au thème choisi.
CANAL SAVOIR :
AUTEURS EN VEDETTE
L’animatrice Aline Apostolska recevra
treize écrivains québécois aux « Midis
littéraires de la Grande Bibliothèque»,
rencontres qui seront diffusées au Canal
Savoir en mai, juin et juillet. La liste est
fort intéressante parce qu’elle met en
vedette des auteurs qui travaillent dans
plusieurs genres. Ce sont Catherine
Mav r ikak is (roman), Stéphane
Bourguignon (télé), Gilles Tibo (auteur-illustrateur), Évelyne de la Chenelière
(théâtre), Hélène Dorion (poésie), Jacques Godbout (roman, cinéma), India
Desjardins (roman ados), Robert Lalonde (roman, acteur), Nicole Brossard
(poète), Michel Tremblay (roman, théâtre), Neil Bissoondath (roman angloquébécois), Andrée Laberge (roman) et Gaétan Soucy (roman).
prix et distinctions
PRIX LITTÉRAIRE
LE DROIT
L’écrivaine Sylvie-Maria Filion, originaire de Pontiac, a reçu le Prix littéraire du journal Le Droit 2009 pour
son recueil La nébuleuse du Celte
(Vermillon, coll. « Parole vivante »).
Dans ce livre, une jeune femme
souffre — elle aime un homme qui
s’en est allé sur un autre continent.
Un petit crabe tombe amoureux d’elle
et vit lui aussi un amour malheureux.
Au fil d’échanges colorés entre ces
deux personnages sont traversées différentes situations : aimer, ne pas
aimer, ne pas être aimé, amour-tendresse-bonté, amour-désir…
PRIX HUGUETTE-PARENT
aujourd’hui, de Lyon à la Gaspésie. Le
prix littéraire France-Québec a été créé
en 1998 à l’occasion du 30e anniversaire de l’Association France-Québec.
Il a pour objectif de favoriser la diffusion et la connaissance en France de
romans publiés au Québec. Il est
accompagné d’une bourse de 5000 $.
PRIX RTL-LIRE AU SALON
DU LIVRE DE PARIS
Sauvageau, les Prix de création littéraire — Ville de Québec et Salon
international du livre de Québec.
Sylvain Hotte a été récompensé pour
son roman jeunesse Panache (Les
Intouchables) et Jean Lemieux a
obtenu la distinction grâce à son
roman policier Le mort du chemin des
Arsène (La courte échelle). Les prix
soulignent l’excellence et le talent
d’auteurs de la région de Québec. Les
lauréats reçoivent chacun une bourse
de 5000 $.
2010 : ANNÉE
DANY LAFERRIÈRE
neurs du «Canada Reads», l’équivalent du « Combat des livres » au
Canada anglais. Le roman se voit
consacré œuvre de fiction canadienne
incontournable. C’est l’auteur et commentateur culturel Michel Vézina qui
a défendu le Dickner avec passion.
PRIX LITTÉRAIRES
RADIO-CANADA 2009
Le prix Huguette-Parent a été est
remis à Nicole V. Champeau pour
Pointe Maligne. L’infiniment oubliée
(Vermillon). Cet ouvrage met en
situation le fleuve Saint-Laurent dans
sa partie ontarienne, à partir du lac
Saint-François en remontant vers
Cornwall (Pointe Maligne) jusqu’aux
Mille-Îles. L’auteure nous invite à la
suivre dans son périple d’où se
dégage, à travers les écrits, les cartes,
les siècles et les personnes, une poésie
de l’histoire. Elle ravive le souvenir de
sites engloutis depuis la construction
de la Voie maritime du Saint-Laurent
et l’aménagement des rapides du
Long Sault.
CANADA READS
Au terme de cinq jours de débats animés, le roman de Nicolas Dickner,
Nikolski (Alto), traduit par Lazer
Lederhendler, a remporté les hon-
Les six lauréats francophones 2009
sont les suivants: catégorie «Récit»:
premier prix : Flo de Stéphane
Bigras (Saint-Colomban) ; second
prix : Au fond de Sylvie Mayrand
(Saint-Blaise-sur-R ichelieu).
Catégorie « Poésie » : premier prix :
était une bête de Laurence Ouellet
Tremblay (Montréal) ; second prix :
24/7 de Mathieu Croisetière (TroisRivières). Catégorie «Nouvelle»: premier prix: Magnum opus de Philippe
Chartier (Montréal) ; second prix :
Un hombre solo de Jérémie LeducLeblanc (Montréal).
PRIX FRANCE-QUÉBEC
L’écrivaine québécoise Kim Thuy,
dont nous évoquions la rentrée littéraire remarquée en début d’année, a
reçu le prix RTL-Lire au Salon du livre
de Paris pour son roman Ru (Libre
Expression). Ce prix lui a été décerné
par 100 lecteurs sélectionnés par 20
libraires, qui l’ont choisie parmi les
cinq finalistes proposés par les rédactions de la télévision RTL et du magazine Lire.
Au cours des dernières années, ce
prix, qui existe depuis 1975, a été
remis notamment à Anna Gavalda
et à Olivier Adam. C’est la première
fois qu’il est remis à un auteur québécois.
LA VILLE DE QUÉBEC
CÉLÈBRE SES ÉCRIVAINS
Après le Médicis et le Grand Prix du
livre de Montréal, on a remis à Dany
Laferrière la Médaille d’honneur de
l’Assemblée nationale du Québec. De
plus, le Prix de la personnalité internationale de l’année, attribué par le
Centre d’études et de recherches
internationales de l’Université de
Montréal (CÉRIUM) et l’émission
Une heure sur terre (Radio-Canada),
lui a été décerné. Enfin, pour l’instant
du moins, il a remporté le Prix des
libraires du Québec 2010, catégorie
« roman québécois », pour L’énigme
du retour (Boréal, 2009); ce prix est
accompagné d’un montant de 2000 $
et d’une œuvre de l’artiste LouisGeorges L’Écuyer. L’Association internationale des études québécoises
(AIEQ) lui offre la possibilité de faire
une tournée de promotion dans l’un
des pays étrangers où elle a des
membres.
PRIX BÉNINOIS
Le prix France-Québec a été remis à
Paris, le 24 mars, à Marie-Christine
Bernard, pour son recueil de nouvelles Sombre peuple (Hurtubise). Ces
nouvelles traitent de la marginalité à
différentes époques, du Moyen Âge à
Sylvain Hotte et Jean Lemieux
ont reçu des mains de la conseillère
municipale Julie Lemieux et du président du Salon du livre, Philippe
Claudine Bertrand a remporté,
pour l’ensemble de sa carrière, le
Grand Prix du Salon international
des poètes francophones 2010 remis
à l’occasion de la 4e édition du Salon
lettres québécoises • automne 2010 •
67
prix et distinctions
Prix de la relève, décerné par un
comité de lecture formé de lecteurs
choisis par Archambault, pour son
premier roman Ilû: l’homme venu de
nulle part (VLB éditeur).
BOURSE GABRIELLE-ROY
2010
le prix a été remis par les Écrivains
francophones d’Amérique et le Centre
Aude d’études sur la nouvelle
(CAEN).
PRIX DE LITTÉRATURE
GÉRALD-GODIN
au prix France-Québec et, à deux
occasions, au Prix du Gouverneur
général, Mme Saucier est membre de
l’Union des écrivaines et des écrivains
québécois. Elle a aussi été consultante
en communication pour divers organismes et associations de la région.
PRIX JASMIN
international des poètes francophones du Bénin.
PRIX BÉDÉLYS
Les honneurs s’abattent en rafale sur
la série Paul de Michel Rabagliati.
Le bédéiste a vu son travail une nouvelle fois salué par le milieu de la
bande dessinée qui lui a décerné un
doublé: le prix Bédélys d’or et le prix
Bédélys Québec cuvée 2009. Remis
annuellement, ces prix célèbrent les
meilleures bandes dessinées francophones vendues ou produites au
Québec.
L’écrivaine Andrée A. Michaud, lauréate du prix Ringuet pour Mirror
Lake et du Prix du Gouverneur général
pour Le ravissement, a reçu la bourse
d’écriture Gabrielle-Roy 2010. Cela lui
permettra une retraite créatrice à la
résidence d’été de Gabrielle Roy à
Petite-Rivière-Saint-François pendant
deux mois. Andrée A. Michaud succède ainsi à Madeleine Monette, Élise
Turcotte, Monique LaRue, Roland
Giguère, Suzanne Jacob, Gilles Cyr,
Monique Proulx, Yvon Rivard et
Diane-Monique Daviau.
Patrick Boulanger s’est vu décerner
le Prix de littérature Gérald-Godin
pour son roman Selon Mathieu paru
aux Éditions Triptyque. Ce prix fait
partie des Grands Prix culturels remis
par la Ville de Trois-Rivières aux
artistes qui se sont démarqués par
leur œuvre ou leur implication dans
le paysage culturel, artistique et patrimonial de la ville.
PRIX À LA CRÉATION
ARTISTIQUE DU CALQ
PRIX ADRIENNECHOQUETTE
PRIX ARCHAMBAULT
PRIX ÉMILE-NELLIGAN
Les auteurs Isa-Belle Granger et
Pierre Barthe ont reçu le Prix du
public et le Prix de la relève des 10e
Grands Prix littéraires Archambault.
Isa-Belle Granger a recueilli le plus
grand nombre de votes du public
pour son roman Les 7 filles d’Avalon
(Éditions Michel Quintin), aux
accents historiques et fantastiques.
Pour sa part, Pierre Barthe a reçu le
68 • lettres québécoises • automne 2010
« Notre collaborateur Naïm Kattan
vient de se voir décerner le prix Jasmin
d’argent dans la ville d’Agen en France.
Ce prix de la francophonie, placé sous
la présidence de Patrick Poivre d’Arvor,
lui a été remis en mai dernier. Dans son
discours, le journaliste Poivre d’Arvor a
fait état de l’œuvre de Naïm Kattan, et
le poète Salah Stétié a lu un poème
composé en son honneur. Le maire
d’Agen, Dionis du Séjour, en a profité
pour rappeler l’importance du Québec
au sein de la francophonie et de la place
qu’y occupe Naïm Kattan.»
Le Devoir
Le prix Adrienne-Choquette de la
nouvelle a été attribué à Stéphanie
Kaufmann pour son recueil intitulé
Ici et là (L’instant même) à l’occasion
du Salon international du livre de
Québec. Doté d’une bourse de 1000 $,
Jocelyne Saucier, lauréate du Prix à la
création artistique du CALQ pour la
région de l’Abitibi-Témiscamingue,
prix accompagné d’une bourse de
5000$, et Stéphan La Roche, directeur
de la Danse, de la Musique et de
l’Action territoriale au CALQ, lors de la
remise du prix. L’auteure de La vie
comme une image (XYZ), Les héritiers
de la mine (XYZ) et Jeanne sur les
routes (XYZ) a reçu son prix le 19 avril
dernier à Rouyn-Noranda. Finaliste
Le jury du prix Émile-Nelligan a
décerné son prix pour l’année 2009 à
François Turcot pour son recueil
intitulé Cette maison n’est pas la
mienne (La Peuplade). «D’une sensibilité singulière et d’une belle fermeté
d’écriture, Cette maison n’est pas la
mienne donne à entendre un ton neuf
dans la poésie québécoise actuelle»,
souligne le jury présidé par Pierre
Nepveu et composé également de
Nicole Brossard et d’Élise Turcotte.
Les deux autres finalistes étaient
Geneviève Blais pour Le manège a
lieu (Poètes de brousse) et François
Guerrette pour Les oiseaux parlent au
passé (Poètes de brousse).
livres reçus
ROMAN
Alarie, Donald, Thomas est de retour, Montréal, XYZ, coll.
« Romanichels », 2010, 128 p., 20 $.
Arseneau Basque, Joseph Gaétan, Le PDG, Saint-Pie, JKA,
2010, 392 p., 25,95 $.
Beaulieu, Lison, Les noces de l’agneau, Notre-Dame-desNeiges, Trois-Pistoles, 2010, 216 p., 24,95 $.
Beaulieu, Natasha, Le deuxième gant, Québec, Alire, coll.
« GF », 2010, 548 p., 29,95 $.
Beausoleil, Jean-Marc, Utopie taxi, Montréal, Triptyque,
2010, 200 p., 19 $.
Bellavance, Dominic, Toi et moi, it’s complicated, Montréal,
Coups de tête, 2010, 128 p., 14,95 $.
Benlabed, Salah, Ô combien de marins, combien de capitaines, Montréal, Pleine lune, coll. « Plume », 2010, 192 p.,
22,95 $.
Berrubey, Isabelle, Les seigneurs de Mornepierre, Montréal,
VLB éditeur, coll. « Roman », 2010, 856 p., 32,95 $.
Blais, Marie-Claire, Mai au bal des prédateurs, Montréal,
Boréal, 2010, 330 p., 27,95 $.
Boivin, Henri-B., Le naufrage de l’Audacieuse, Varennes, AdA,
coll. « Romans et inspiration », 2009, 200 p., 14,95 $.
Bouraoui, Hédi, Les aléas d’une odyssée, Ottawa, Vermillon,
coll. « Romans », 2009, 392 p., 25 $.
Caron, Jean-François, Nos échoueries, Saint-Fulgence, La
Peuplade, 2010, 154 p., 19,95 $.
Caron, Pierre, Letendre et les âmes mortes, Montréal, Fides,
2010, 352 p., 24,95 $.
Cassa, Alessandro, Le chant des fées, Tome 2, Un dernier
opéra, Laval, Guy Saint-Jean éditeur, 2010, 244 p., 24,95 $.
Castéran, Nicole, Les saisons du destin. Une année en
Nouvelle-France, Montréal, Libre Expression, 2010, 248 p.,
24,95 $.
Catellier, Maxime, Le corps de la Deneuve, Montréal, Coups
de tête, 2010, 120 p., 14,95 $.
Charland, Jean-Pierre, Les folles années, Tome 1, Les héritiers, Montréal, Hurtubise, 2010, 560 p., 29,95 $.
Courtemanche, Gil, Je ne veux pas mourir seul, Montréal,
Boréal, 2010, 168 p., 19,95 $.
Couturier, Gracia, Chacal, mon frère, Ottawa, David, coll.
« Voix narratives », 2010, 270 p., 22,95 $.
D’Auteuil, Sylvain, Mystique blues, Montréal, Québec
Amérique, coll. « Tous continents », 2010, 456 p., 26,95 $.
David, Michel, Un bonheur si fragile, Tome 2, Le drame,
Montréal, Hurtubise, coll. « Roman historique », 2010, 512 p.,
29,95 $.
Denys, Marie-Claude, Un certain 3 juillet avec Champlain,
Gatineau, Vents d’Ouest, coll. « Azimuts », 2010, 196 p., 21,95 $.
Désilets, Luc, Les quatre saisons. Didier, Laval, Guy SaintJean éditeur, 2010, 184 p., 19,95 $.
Dion, Patrick, Fol allié, Montréal, La grenouille bleue, 2010,
216 p., 22,95 $.
Dupuy, Marie-Bernadette, Les ravages de la passion,
Chicoutimi, JCL, 2010, 638 p., 26,95 $.
Dutremble, Lucy-France, La rue Royale, Tome 2, Au fil de la
vie, Saint-Pie, JKA, 2010, 372 p., 24,95 $.
Echlin, Kim, Un jour, même les pierres parleront, traduit de
l’anglais par Sylvie Nicolas, Montréal, Québec Amérique, coll.
« Tous continents », 2010, 256 p., 22,95 $.
Fortier, Denis, La disparition du mercure, Montréal, Stanké,
2010, 175 p., 22,95 $.
Fortier, Dominique, Les larmes de saint Laurent, Québec,
Alto, 2010, 344 p., 24,95 $.
Gag non-Thibaudeau, Mar the, Bonheurs dérobés,
Chicoutimi, JCL, 2010, 232 p., 14,95 $.
Gagnon-Thibaudeau, Marthe, Le bal de coton, Chicoutimi,
JCL, 2010, 440 p., 15,95 $.
Gallant, Mavis, Rencontres fortuites, traduit de l’anglais par
Geneviève Letarte et Alison Strayer, Montréal, Les Allusifs,
2009, 368 p., 24,95 $.
Greif, Hans-Jürgen, M., Québec, L’instant même, 2010, 200 p.,
24 $.
Humphreys, Helen, Conventry, traduit de l’anglais par Louis
Tremblay et André Gagnon, Montréal, Hurtubise, 2010, 240 p.,
19,95 $.
Huston, Nanc y, Inf rarouge, Arles/Montréal, Actes
Sud/Leméac, 2010, 320 p., 32,95 $.
Kaye, Véronique-Marie, Eulalie la cigogne, Gatineau, Vents
d’Ouest, coll. « Azimuts », 2010, 152 p., 18,95 $.
Lacasse, Lise, Pour qui tu te prends, ma fille ?, Montréal, Du
Marais, 2010, 308 p., 28 $.
Lachance, Micheline, Les filles tombées, Tome 2, Les fantômes
de mon père, Montréal, Québec Amérique, coll. « Tous continents », 2010, 408 p., 27,95 $.
Lafond, Jérôme, Brigitte des Colères, Montréal, Marchand de
feuilles, 2010, 224 p., 19,95 $.
Lalancette, Stéphane, Errata, Saint-Pie, JKA, 2010, 240 p.,
20,95 $.
Lamontagne, Yves, La cinquantaine en Provence, Montréal,
Québec Amérique, coll. « Tous continents », 2010, 184 p.,
18,95 $.
Langlois, Michel, La force de vivre, Tome 2, Les combats de
Nicolas et Bernadette, Montréal, Hurtubise, coll. « Roman historique », 2010, 484 p., 27,95 $.
Lapierre, Frédéric, La fin de la peur, Montréal, Compte d’auteur ([email protected]), 2010, 140 p., 20 $.
Lavoie, Marie-René, La petite et le vieux, Montréal, XYZ,
coll. « Romanichels », 2010, 238 p., 24 $.
Lewycka, Marina, Deux caravanes, Québec, Alto, 2010, 456 p.,
29,95 $.
Locas, Janis, La maudite Québécoise. Roman nationaliste,
Montréal, Triptyque, 2010, 220 p., 22 $.
Lord, Jean-Claude, Parfaitement imparfait, accompagné d’un
DVD, Montréal, Libre Expression, 2010, 240 p., 24,95 $.
Major, Ginette, Napoléon, Tome 1, L’exil en Amérique,
Montréal, VLB éditeur, coll. « Roman », 2010, 334 p., 29,95 $.
Michaels, Anne, Le tombeau d’hiver, traduit de l’anglais par
Dominique Fortier, Québec, Alto, 2010, 432 p., 27,95 $.
Monfils, Nadine, Les fantômes de Mont-Tremblant, Montréal,
Québec Amérique, coll. « QS compact », 2010, 240 p., 14,95 $.
Mouton, Guy, Confidences en trompe-l’œil, Montréal, Québec
Amérique, coll. « Première impression », 2010, 312 p., 19,95 $.
Myre, Suzanne, Dans sa bulle, Montréal, Marchand de
feuilles, 2010, 416 p., 27,95 $.
Nantel, Dominique, L’humain de trop, Montréal, Coups de
tête, 2010, 104 p., 14,95 $.
Ouellette, Michel, Fractures du dimanche, Sudbury, Prise de
parole, 2010,150 p., 16,95 $.
Painchaud, Sophie-Julie, Racines du faubourg, Tome 1,
L’envol, Laval, Guy Saint-Jean éditeur, 2010, 368 p., 24,95 $.
Pelletier, Jean-Jacques, Les Gestionnaires de l’Apocalypse,
Tome1, La chair disparue, réédition en grand format, Québec,
Alire, 2010, 494 p., 29,95 $.
Perron, Jean, Le convoi des nuages, Ottawa, L’Interligne, coll.
« Vertiges », 2010, 160 p., 18,95.
Picout, Mélanie, Loana, Saint-Pie, JKA, 2010, 496 p., 29,95 $.
Pigeon, Daniel, Chutes libres, Montréal, XYZ, coll.
« Romanichels », 2010, 160 p., 22 $.
Poirier, Philippe Jean, Jos, Montréal, Marchand de feuilles,
2010, 222 p., 19,95 $.
Pothier, Johanne, 1779. Tome 2, Trois bêtes à sept têtes,
Longueuil, de la Bagnole, coll. « Parking », 2010, 330 p.,
24,95 $.
Régnier, Michel, Les galets de Hualien, Montréal, Fides, 2010,
200 p., 22,95 $.
Segura, Mauricio, Eucalyptus, Montréal, Boréal, 2010, 176 p.,
21,95 $.
Théoret, France, La femme du stalinien, Montréal, Pleine
lune, coll. « Plume », 2010, 156 p., 21,95 $.
Thúy, Kim, Ru, Montréal, Libre Expression, 2009, 152 p.,
19,95 $.
Tremblay, Alain Ulysse, Big Will, Montréal, Coups de tête,
2010, 154 p., 16,95 $.
Tremblay-D’Essiambre, Louise, Mémoires d’un quartier,
tome V, Adrien, Laval, Guy Saint-Jean éditeur, 2010, 320 p.,
24,95 $.
Vadeboncœur, François, Maria De Colores, Montréal, La grenouille bleue, 2010, 92 p., 22,95 $.
Vaillancourt, Isabel, Dans les pas de Caïn, Gatineau, Vents
d’Ouest, coll. « Azimuts », 2010, 176 p., 19,95 $.
Verdier, Vic, L’appartement du clown, Montréal, XYZ, 2010,
330 p., 26 $.
Werbowski, Tecia, Chambre 26, traduit de l’anglais par Nicole
et Émile Martel, Montréal, Les Allusifs, 2010, 80 p., 13,95 $.
Werbowski, Tecia, Entre espoir et nostalgie, traduit de l’anglais par Nicole et Émile Martel, Montréal, Les Allusifs, 2009,
120 p., 16,95 $.
Yaccarini, Antoine, Magouille au Manoir, Montréal, VLB éditeur, coll. « Roman », 2010, 400 p., 28,95 $.
NOUVELLES
Allaire, Camille, Celle qui manque, Montréal, Triptyque, 2010,
96 p., 18 $.
Bernard, Marie Christine, Sombre peuple, Montréal,
Hurtubise, coll. « AmÉrica », 2010, 200 p., 19,95 $.
Gruda, Agnès, Onze petites trahisons, Montréal, Boréal, 2010,
296 p., 24,95 $.
Lepage, Françoise, Soudain l’étrangeté, Ottawa, David, coll.
« Voix narratives », 2010, 132 p., 18,95 $.
Thibault, Vincent, Les mémoires du docteur Wilkinson,
Montréal, Pleine lune, 2010, 138 p., 20,95 $.
CONTES/RÉCITS
Allard, Jacques (dir.), Histoires de livres, Montréal, Hurtubise,
2010, 248 p., 19,95 $.
Biz, Dérives, Montréal, Leméac, 2010, 94 p., 11,95 $.
Bureau, Luc, Il faut me prendre aux maux, Québec, L’instant
même, 2010, 180 p., 22 $.
Fortin, Arlette, Clara Tremblay chesseldéenne, Longueuil, de
la Bagnole, coll. « Parking », 2010, 150 p., 16,95 $.
Mc Murray, Line, Sacacomie, Montréal, Québec Amérique,
coll. « Mains libres », 2010, 328 p., 27,95 $.
Ouimet, Raymond, Crimes, mystères et passions oubliées,
Gatineau, Vents d’Ouest, coll. « Asticou », 2010, 264 p., 24,95 $.
Raimbault, Alain, Inventaire du Sud, Québec, L’instant même,
2010, 120 p., 18 $.
Renaud, Thérèse, L’horizon déployé. Récit d’une quête,
Montréal, Fides, 2010, 180 p., 24,95 $.
Poésie
Belleau, Janick, D’âmes et d’ailes/Of souls and wings, Laval,
Éditions du tanka francophone, 2010, 160 p., 20 $.
Blanchet, Michel, L’heure mauve, Ottawa, David, coll. « Voix
intérieures », 2010, 76 p., 17,95 $.
Caccia, Fulvio, Italie et autres voyages, avec des œuvres de
François Morelli, Montréal/Paris, Le Noroît/Bruno Doucey,
2010, 88 p., 19,95 $.
Callado, Frans Ben, Faire confiance à un animal, Montréal,
Poètes de brousse, 2010, 104 p., 15 $.
Charlebois, Jean, S’interrompre à tout coup au beau milieu
d’une phrase, Montréal, Les Heures bleues, 2010, 110 p.,
19,95 $.
Christensen, Andrée et Jacques Flamand, Géologie de l’intime, Ottawa, Vermillon, coll. « Rameau du ciel », 2010, 88 p.,
14 $.
Claer, José, Squatteur d’imaginaire, Ottawa, L’Interligne, coll.
« Fugues/Paroles », 2010, 88 p., 12,95 $.
Cloutier, Guy, Ces bois qui pleurent, Montréal, Le Noroît, coll.
« Lieu dit », 2010, 64 p., 20,95 $.
Daoust, Jean-Paul, Carnets de Moncton. Scènes de la vie ordinaire, Moncton, Perce-Neige, coll. « Poésie », 2010, 66 p.,
14,95 $.
David, Carole, Manuel de poétique à l’intention des jeunes
filles, Montréal, Les Herbes rouges, 2010, 84 p., 14,95 $.
Demers, Pierre, La bénédiction des skidoos, Notre-Damedes-Neiges, Trois-Pistoles, 2010, 108 p., 18,95 $.
Fave, Nathalie, Un jour derrière l’horizon, Ottawa, L’Interligne,
coll. « Fugues/Paroles », 2010, 144 p., 13,95 $.
Fréchette, Jean-Marc, Hyacinthe et Apollôn, Montréal, Le
Noroît, 2010, 128 p., 19,95 $.
Garneau, Michel, Les chevaux approximatifs. Un hommage
aux formes, Montréal, l’Hexagone, 2010, 336 p., 29,95 $.
Germain, Christine, Soirs menteurs, accompagné sur CD de
musiques originales de Martin Tétreault, Montréal, Planète
rebelle, coll. « Poésie », 2010, 54 p., 21,95 $.
Labrie, Pierre, Mémoires analogues, Notre-Dame-des-Neiges,
Trois-Pistoles, 2010, 108 p., 18,95 $.
Lacombe, Gilles, Les figures résiduelles, Ottawa, L’Interligne,
coll. « Fugues/Paroles », 2010, 152 p., 14,95 $.
Lalonde, Étienne, Histoires naturelles, Montréal, Les Herbes
rouges, 2010, 78 p., 14,95 $.
Lamarre, Suzanne, À pieds joints dans la flaque, Ottawa,
David, coll. « Voix intérieures Haïkus », 2010, 80 p., 12,95 $.
Langlois, Dominique, Mener du train, Moncton, Perce-Neige,
coll. « Poésie », 2010, 56 p., 14,95 $.
lettres québécoises • automne 2010 •
69
livres reçus
Latif-Ghattas, Mona, Miniatures sidérales, avec des œuvres de
Teymour Toutounji, Montréal, Le Noroît, 2010, 64 p., 23,95 $.
Leblanc, Carmen, Fragments de ciel, Ottawa, David, coll. «Voix
intérieures Haïkus », 2010, 72 p., 12,95 $.
Leblanc, Georgette, Amédé, Moncton, Perce-Neige, coll.
« Poésie », 2010, 88 p., 14,95 $.
Létourneau, Michel, Les marges du désert, Montréal,
Triptyque, 2010, 65 p., 15 $.
Longchamps, Renaud, Visions, Notre-Dame-des-Neiges, TroisPistoles, 2010, 96 p., 18,95 $.
Ltaif, Nadine, Ce que vous ne lirez pas, Montréal, Le Noroît,
2010, 104 p., 18,95 $.
Malenfant, Paul Chanel, Tombeaux, Montréal, l’Hexagone,
coll. « Écritures », 2010, 112 p., 17,95 $.
Melançon, Robert, Peinture aveugle, édition revue, Montréal,
Le Noroît, 2010, 68 p., 15,95 $.
Neveu, Chantal, Coït, Saint-Fulgence, La Peuplade, 2010, 96 p.,
19,95 $.
Orcel, Makenzy, À l’aube des traversées et autres poèmes,
Montréal, Mémoire d’encrier, coll. « Poésie », 2010, 120 p., 15 $.
Poliquin, Laurent, Orpailleur de bisous, Ottawa, L’Interligne,
coll. « Fugues/Paroles », 2010, 80 p., 12,95 $.
Quinn, Judy, Six heures vingt, Montréal, Le Noroît, 2010, 66 p.,
15,95 $.
Rancourt, Jacques, Veilleur sans sommeil, choix de poèmes
1974-2008, Montréal/Paris, Le Noroît, coll. « Ovale »/Le temps
des cerises, 2010, 208 p., 19,95 $.
Ringuet, Chantal, Le sang des ruines, Prix littéraire JacquesPoirier 2009, Gatineau, Coopérative des Écrits des Hautes
Terres, coll. « Cimes », 2010, 112 p., n.d.
Rioux, François, Soleils suspendus, Montréal, Le Quartanier,
coll. « Série QR », 2010, 104 p., 17,95 $.
Simon, Patrick (dir.), Anthologie du tanka francophone, Laval,
Éditions du tanka francophone, 2010, 124 p., 20 $.
Soucy, Erika, Cochonner le plancher quand la terre est rouge,
Notre-Dame-des-Neiges, Trois-Pistoles, 2010, 80 p., 17,95 $.
Soudeyns, Maurice, Temporel, Saint-Mathias-sur-Richelieu,
SGE, 2009, 64 p., 15,95 $.
Sylvestre, Robert, Carnet de Miserabilis le Qibis (2001-2009),
Montréal, Triptyque, 2010, 64 p., 15 $.
Turcotte, Élise, Ce qu’elle voit, Montréal, Le Noroît, 2010, 64 p.,
15,95 $.
T H É ÂT R E
Bisson Rodriguez, Martine, Comédies et plaisir, Ottawa,
L’Interligne, coll. « Cavales », 2010, 128 p., 11,95 $.
ESSAIS,
ÉTUDES LITTÉRAIRES
Aird, Robert, Histoire politique du comique au Québec,
Montréal, VLB éditeur, coll. « Études québécoises », 2010,
300 p., 29,95 $.
Alarie, Donald, Comme on joue du piano, Notre-Dame-desNeiges, Trois-Pistoles, coll. « Écrire », 2010, 128 p., 19,95 $.
Almeida, Lilian Pestre de, Aimé Césaire. Une saison en Haïti,
Montréal, Mémoire d’encrier, coll. « Essai », 2010, 240 p.,
24,50 $.
Anctil, Pierre, Fais ce que dois. 60 éditoriaux pour comprendre
Le Devoir sous Henri Bourassa (1910-1932), Québec,
Septentrion, 2010, 392 p., 34,95 $.
Baillargeon, Normand, Stéroïdes pour comprendre la philosophie, Montréal, Amérik média, coll. « Stéroïdes pour comprendre », 2010, 280 p., 15,95 $.
Beaulieu, Victor-Lévy, La Reine-Nègre et autres textes vaguement polémiques, Notre-Dame-des-Neiges, Trois-Pistoles,
2010, 450 p., 29,95 $.
Caccia, Fulvio (dir.), La transculture et ViceVersa, Montréal,
Triptyque, 2010, 185 p., 26 $.
Corten, André et Vanessa Molina, Images incandescentes.
Amérique latine. Violence et expression politique de la souffrance, Québec, Nota bene, coll. « Essais critiques », 2010,
212 p., 26,95 $.
Désy, Jean, L’esprit du Nord. Propos sur l’autochtonie québécoise, le nomadisme et la nordicité, Montréal, XYZ, coll.
« Étoiles variables », 2010, 225 p., 21 $.
Gauvin, Lise (dir.), Les littératures de langue française à
l’heure de la mondialisation, Montréal, Hurtubise, coll.
« Constantes », 2010, 192 p., 19,95 $.
70 • lettres québécoises • automne 2010
Harvey, Valérie, Passion Japon, Québec, Septentrion, coll.
« Hamac-carnets », 2010, 190 p., 19,95 $.
Julien, Jacques, Archiver l’anarchie. Le capital de 1969,
Montréal, Triptyque, 2010, 150 p., 22 $.
Leblanc, Carmen, France Martineau et Yves Frenette (dir.),
Vues sur les Français d’ici, Québec, Presses de l’Université
Laval, coll. « Les voies du français », 2010, 286 p., 39,95 $.
Levée, Valérie, Stéroïdes pour comprendre les OGM, Montréal,
Amérik média, coll. « Stéroïdes pour comprendre », 2010,
192 p., 14,95 $.
Meney, Florence, Se réinventer. Visage de la vitalité humaine,
Montréal, Québec Amérique, coll. « Dossiers et documents »,
2010, 208 p., 19,95 $.
Minelle, Christina, La nouvelle québécoise, 1980-1995.
Portions d’univers, fragments de récits, Québec, L’instant
même, 2010, 240 p., 29,95 $.
Miron, Gaston, L’avenir dégagé. Entretiens 1959-1993,
Montréal, l’Hexagone, 2010, 432 p., 29,95 $.
Moisan, Clément, Kerouac. L’écriture comme errance,
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Nadeau, Jean-François, Adrien Arcand, führer canadien,
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Ouellette-Michalska, Madeleine, Imaginaire sans frontières.
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Potvin, Carole, Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir. Deux
solitudes et un duo, Québec, Nota bene, 2010, 170 p., 23,95 $.
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Watier, François, Stéroïdes pour comprendre le réchauffement
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CHRONIQUES
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Jack, Joe, L’aveugle aux mille destins, Montréal, Mémoire d’encrier, coll. « Chronique », 2010, 160 p., 19,50 $.
Laferrière, Dany, Tout bouge autour de moi, Montréal,
Mémoire d’encrier, coll. « Chronique », 2010, 160 p., 19 $.
ENTRETIENS
Brezault, Éloïse, Afrique. Paroles d’écrivains, Montréal,
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Bandes dessinées et autres littératures
Dompierre, Stéphane et Pascal Girard, Jeunauteur, Tome
2, Gloire et crachats, Montréal, Québec Amérique, coll. « Code
Bar », 2010, 144 p., 12,95 $.
BIOGRAPHIES
Desjardins, Sergine, Robertine Barry, Tome 1, La femme nouvelle, Notre-Dame-des-Neiges, Trois-Pistoles, 2010, 450 p.,
26,95 $.
Nicholson, Georges, André Mathieu, Montréal, Québec
Amérique, coll. « Biographie », 2010, 600 p., 29,95 $.
BEAUX LIVRES
Jacques, Michel, Carnets de la Beauce, avec des tableaux de
Gaétane Boucher, Martine Chassé, Marylène Faucher,
Guylaine Jacques et Julie Morin, Montréal, Les Heures bleues,
coll. « Carnets », 2010, 128 p., 29,95 $.
LIVRES DE POCHE
Acquelin, José, L’Inconscient du soleil précédé de Chien d’azur,
Montréal, Les Herbes rouges, coll. « Territoires », 2010, 192 p.,
11,95 $.
April, Jean-Pierre, L’herbe est meilleure à Lemieux, Montréal,
XYZ, coll. « KompaK », 2010, 142 p., 14,95 $.
Barcelo, François, Le seul défaut de la neige, Montréal, XYZ,
coll. « KompaK », 2010, 146 p., 14,95 $.
Biron, Michel, Élisabeth Nardout-Lafarge et François
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coll. « Boréal compact », 2010, 688 p., 19,95 $.
Bouchard, Hervé, Mailloux, histoire de novembre à juin, réédition en poche, Montréal, Le Quartanier, coll. « Ovni », 2010,
168 p., 13 $.
Brossard, Nicole, Le désert mauve, Montréal, Typo, 2010,
304 p., 14,95 $.
Caron, Pierre, Émilienne, Tome 3, La naissance d’une nation,
Montréal, Bibliothèque québécoise, 2010, 528 p., 14,95 $.
David, Michel, À l’ombre du clocher, Tome 1, Les années folles,
Montréal, Hurtubise, coll. « Format compact », 2010, 576 p.,
16,95 $.
De Surmont, Jean-Nicolas, La poésie vocale et la chanson québécoise, Québec, L’instant même, coll. «Connaître», 2010, 168 p.,
15 $.
Fortier, Dominique, Du bon usage des étoiles, Québec, Alto,
coll. « Coda », 2010, 445 p., 17,95 $.
Hage, Rawi, Parfum de poussière, traduit de l’anglais par Sophie
Voillot, Québec, Alto, coll. « Coda », 2010, 360 p., 17,95 $.
Jasmin, Claude, La corde au cou, Montréal, Pierre Tisseyre,
coll. « Littérature québécoise », 2010, 194 p., 10,95 $.
Laurence, Margaret, Un oiseau dans la maison. Le cycle de
Manawaka, traduit de l’anglais par Christine Klein-Lataud,
Québec, Alto, coll. « Coda », en collaboration avec Nota bene,
2010, 296 p., 17,95 $.
Lévesque, François, Les visages de la vengeance, Québec, Alire,
2010, 320 p., 14,95 $.
Noël, Francine, La femme de ma vie, Montréal, Bibliothèque
québécoise, 2010, 192 p., 9,95 $.
Phelps, Anthony, Et moi je suis une île, Montréal, Bibliothèque
québécoise, 2010, 80 p., 8,95 $.
Potvin, Chantale, Le pensionnaire, Chicoutimi, JCL, coll.
« Roman-vérité », 2010, 186 p., 14,95 $.
Wright, Eric, La dernière main. Une enquête de Charlie Salter,
traduit de l’anglais par Isabelle Collombat, Québec, Alire, coll.
« Polar », 2010, 352 p., 14,95 $.
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« Oui, Non, Peut-être », Trois-Rivières, hiver 2010, 64 p., 9,95 $.
Cahiers Charlevoix, études franco-ontariennes, no 8, Ottawa,
La Société Charlevoix/Les presses de l’Université d’Ottawa,
2010, 254 p., 29,95 $.
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hiver 2009-2010, 174 p., 12 $.
Estuaire, no 140, « Genres, styles. Comme », 2010, 120 p., 10 $.
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représentations de la sexualité au Québec », vol. 12, no 2, 2009,
274 p., 20 $.
Mœbius, no 124, « Amérindiens », Montréal, automne 2009,
166 p., 10 $.
Nuit blanche, no 118, « Le projet de Victor-Lévy Beaulieu :
ambitieux, risqué, terrible », Québec, avril, mai, juin 2010,
8,95 $.
Ovni magazine, littérature, art, cinéma, bd, no 04, printemps
2010, 72 p., 12 $.
Québec français, no 157, « Sport et littérature », Sainte-Foy,
printemps 2010, 112 p., 7,95 $.
Solaris, Science-fiction et fantastique, no 174, vol. 35, no 4,
Québec, printemps 2010, 160 p., 10 $.
Spirale, no 231, « Hélène Cixous, ou la fiction du rêver vrai »,
mars-avril 2010, 66 p., 9,25 $.
Virage, la nouvelle en revue, no 51, «Le tiroir secret», Toronto,
L’Interligne, printemps 2010, 104 p., 7 $.
Virage, la nouvelle en revue, no 52, « Thème libre », Toronto,
L’Interligne, été 2010, 104 p., 7 $.
Voix et images, « De l’anthologie », vol. XXXV, no 2 (104), hiver
2010, 160 p., 19 $.
XYZ. la revue de la nouvelle, « Anthologie : les meilleures
d’XYZ depuis un quart de siècle », no 101, printemps 2010,
102 p., 10 $.
XYZ. la revue de la nouvelle, « Char : l’automobile comme
objet de fiction », no 102, été 2010, 102 p., 10 $.
lettres québécoises • automne 2010 •
71
index
INDEX DES AUTEURS
INDEX DES PHOTOGRAPHES
Alarie, Donald, Écrire comme on joue du piano, p. 64 • Allaire, Camille, Celle qui
manque, p. 35 • Alto, p. 62 • Amérik Média, p. 62 • Atwood, Margaret, La porte,
p. 42 • Beaulieu, Victor-Lévy, La Reine-Nègre et autres textes vaguement polémiques, p. 49 • Bellefeuille, Normand de, Un poker à Lascaux, p. 20 • Ben
Callado, Frans, Faire confiance à un animal, p. 40 • Bilodeau, Josée, Incertitudes,
p.37 • Biron, Michel, Élisabeth Nardout-Lafarge et François Dumont, Histoire
de la littérature québécoise, p. 64 • Biz, Dérives, p. 32 • Boisclair, Antoine, L’École
du regard. Poésie et peinture chez Saint-Denys Garneau, • Roland Giguère et Robert
Melançon, p. 47 • Bouchard, Hervé, Mailloux, histoire de novembre à juin, p. 64 •
Bourgon, Michèle et Vincent Théberge, 30 – Trente — XXX, p. 36 • Brossard,
Nicole, Le désert mauve, p. 64 • Caron, Jean-François, Nos échoueries, p. 21 •
Carpentier, André, Extraits de café, p. 33 • Charland, Jean-Pierre, Haute-Ville,
Basse-Ville, p. 28 • Chassay, Jean-François, Sous pression, p. 22 • Cloutier, Annie,
La chute du mur, p. 25 • Corbeil, Guillaume, Pleurer comme dans les films, p. 26
• Courtemanche, Gil, Je ne veux pas mourir, p. 24 • Courtemanche, Gil, Le
monde, le lézard et moi, p. 24 • Daoust, Jean-Paul, Carnets de Moncton. Scènes de
la vie ordinaire, p. 40 • David, Carole, Manuel de poétique à l’intention des jeunes
filles, p. 44 • Demers, Pierre, La bénédiction des skidoos. Poèmes enragés, p. 41 •
Denault, Todd, Jacques Plante. L’homme qui a changé la face du hockey, p. 51 • De
Surmont, Jean-Nicolas, La poésie vocale et la chanson québécoise, p. 64 •
Dompierre, Stéphane et Pascal Girard, Jeunauteur, tome II, Gloire et crachats,
p. 55 • Duhamel-Noyer, Olga, Destin, p. 23 • Echlin, Kim, Un jour, même les
pierres parleront, p. 30 • Exit, p. 56 • Faubert, Michel et Michel Hindenoch,
Contes et complaintes. Deux voix contemporaines, p. 32 • Forand, Claude, R. I.
P. Histoires mourantes, p. 38 • Fortier, Dominique, Du bon usage des étoiles, p. 64
• Gagnon, Maurice, L’Isle silencieuse, p. 28 • Hébert, Louis-Philippe, Buddha
Airlines, ou Comment je suis devenu un surhomme, p. 19 • Hotte, Lucie et Guy
Poirier (dir.), Habiter la distance. Études en marge de La distance habitée, p. 46 •
Jasmin, Claude, La corde au cou, p. 64 • KompaK, p. 62 • La Frenière, JeanMarc, Un feu me hante, p. 45 • Lalonde, Étienne, Histoires naturelles, p. 43 •
Laurence, Margaret, Un oiseau dans la maison, p. 30 • Les Donneurs, p. 58 •
Lévesque, François, Les visages de la vengeance, p. 65 • Massé, Carole, L’arrivée
au monde, p. 22 • Michel, Jacques, Carnets de la Beauce, p. 62 • Miron, Gaston,
L’avenir dégagé. Entretiens 1959-1993, p. 49 • Murphy, Serge, La vie quotidienne
est éternelle, p. 44 • Noël, Francine, La femme de ma vie, p. 65 • Ouellette,
Fernand, L’Abrupt, p. 42 • Ouellette-Michalska, Madeleine, Imaginaire sans
frontières. Des lieux de l’écriture, l’écriture des lieux, p.48 • Pelletier, Jean-Jacques,
p. 5 • Phelps, Anthony, Et moi je suis une île, p. 65 • Potvin, Chantale, Le pensionnaire, p. 65 • Rondeau, Daniel, J’écris parce que je chante mal, p. 54 •
Rousseau, Jacques, ROM Read Only Memory, p. 29 • Sirois, Bob, Le Québec mis
en échec. La discrimination envers les Québécois dans la LNH, p. 52 • Spirale, p. 56
• Tapiero, Olivia, Les murs, p. 27 • Théoret, France, Écrits au noir, p. 46 •
Tremblay, Dany, Tous les chemins mènent à l’ombre, p. 35 • Tremblay, Michel, La
traversée des sentiments, p. 19 • Usereau, Alain, L’époque glorieuse des Expos, p. 52
• Vallières, Claude, J’attendais que tu oses un geste, p. 37 • Vigo, Hector, À la
poursuite de Jonas 1, Belle-Bite le hobo, p. 26 • Virages, p. 56 • Voix et images, p. 56
• Werbowski, Tecia, Chambre 26, p. 31
Apostolska, Aline, Martine Doyon, p. 66 • Bellefeuille, Normand de, Martine
Doyon, p. 20, 66 • Ben Callado, Frans, Joachim Raginel, p. 40 • Bernard, MarieChristine, Martine Doyon, p. 16, 67 • Bertrand, Claudine, Josée Lambert, p. 68
• Bilodeau, Josée, Martine Doyon, p. 37 • Biz, Chafiik, p. 2, 33 • Caron, JeanFrançois, Nicolas Longpré, p. 2, 21 • Carpentier, André, Martine Doyon, p. 34
• Champeau, Nicole V., Thomas Champeau, p. 67 • Charland, Jean-Pierre,
Martine Doyon, p. 2, 28 • Chassay, Jean-François, Martine Doyon, p. 22 •
Cloutier, Annie, Sophie Grenier, p. 25 • Corbeil, Guillaume, Jean-Marie Lanlo,
p. 26 • Courtemanche, Gil, Dominique Thibodeau, p. 2, 24 • Daoust, Jean-Paul,
Robert Houle, p. 40 • David, Carole, Martine Doyon, p. 44 • Dickner, Nicolas,
Idra Labrie, p. 67 • Dompierre, Stéphane, Martine Doyon, p. 55 • DuhamelNoyer, Olga, Marie-Reine Mattera, p. 23 • Echlin, Kim, Janet Bailey, p. 31 •
Faubert, Michel, Georges Dutil, p. 32 • Gagnon, Maurice, Pilar Macias, p. 28 •
Girard, Jean Pierre, Marie Doucet, p. 58; Ysabelle Forest, p. 59 • Girard, Pascal,
Martine Doyon, p. 55 • Granger, Isa-Belle, Jean René, p. 68 • Hébert, LouisPhilippe, Christian Hébert, p. 19 • Kaufmann, Stéphanie, Alexandre Parent,
p. 68 • Laferrière, Dany, Éléonor Le Gresley, p. 67 • Lalonde, Étienne, Vincent
Lafrance, p. 43 • Laurence, Margaret, Ashi Crippen, p. 30 • Lemieux, Jean,
Céline Lalonde, p. 67 • Michaud, Andrée A., Martine Doyon, p. 68 • Miron,
Gaston, Josée Lambert, p. 15, 50 • Ouellette-Michalska, Madeleine, Alexis
K. Laflamme, p. 2, 48, 72 • Pellerin, Gilles, Idra Labrie, p. 16, 66 • Pelletier,
Jean-Jacques, Alexis K. Laflamme, page couverture, 1, 5, 8, 11 • Rabagliati,
Michel, Jacques Grenier, p. 68 • Rondeau, Daniel, Dominique Lafond, p. 54 •
Sirois, Bob, Oliver Hanigan, p. 2, 52 • Tapiero, Olivia, Oliver Hanigan, p. 1, 27 •
Thuy, Kim, Benoît Levac, p. 67 • Tremblay, Dany, La grenouille bleue, p. 36 •
Tremblay, Michel, Joshua Kessler, p. 19 • Vallières, Claude, Pierrette Lessard,
p. 38 • Vigo, Hector, Alexandra Rouleau, p. 26 • Werbowski, Tecia, Marie-Reine
Materra, p. 31
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72 • lettres québécoises • automne 2010
lettres québécoises
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LE PROCHAIN NUMÉRO :
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MADELEINE
no 140
OUELLETTE-MICHALSKA