Spécial Education Prioritaire
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Spécial Education Prioritaire
Spécial Education Prioritaire Une même ambition, un même métier. Dans ce numéro : Echos des académies : Dijon Grenoble 2 et 3 Lyon 10 propositions du SNES 4 C’est un fait : l’exercice en ZEP est source de tensions, de stress et de fatigue plus qu’ailleurs. Ainsi, quand Vincent Peillon lance en début d’année devant les collègues d’un lycée ZEP de Marseille : « Vous ne faites pas le même métier », on serait tentés d’y voir enfin reconnue la difficulté spécifique de notre travail. A y regarder de plus près, ce discours compassionnel déclenche pourtant comme un malaise… Pas le même métier ? Différence de degré, différence de nature, différence de conditions de travail, oui. Mais différence de nature ? Le fait que le ministre ait employé le terme de « métier » est tout sauf anodin. Ce qui définit un métier n’est pas sa plus ou moins grande difficulté, la plus ou moins grande souffrance qu’il engendre et les variations accidentelles liées au poste de travail. Ce qui définit un métier, ce sont des savoirs, des méthodes, des gestes professionnels. Ce sont des objectifs et des ambitions, définis pour nous par la nation dans le cadre d’une politique éducative garante de l’intérêt général et de l’égalité. C’est aussi un cadre légal, un statut pour nous, avec des obligations et des garanties. C’est la possibilité de changer de poste et d’évoluer dans ce métier. C’est tout cela, et les éléments partagés d’une histoire et d’une culture qui fondent une identité professionnelle. En centre-ville, en zone rurale, en ZEP, en collège, en lycée, en BTS, en classes préparatoires, nous faisons le même métier, le cœur de notre mission est de transmettre des connaissances et des méthodes dans une discipline que nous maîtrisons à des élèves réunis en classe, en nous efforçant de lutter contre les déterminismes sociaux, et de conduire chacun au-delà de ses limites. Puissent ces assises de l’éducation prioritaire se fonder sur l’expérience acquise au plus près des réalités sociales par les professeurs, les CPE, les COPSY, les personnels de vie scolaire qui ne souhaitent pas qu’on redéfinisse leur métier mais qui, bien au contraire, souhaitent que leurs soient donnés les moyens de l’exercer correctement, au service d’une ambition qu’ils n’ont jamais abandonnée : l’égalité. Corine BAFFERT (Grenoble), Pascal MEUNIER (Dijon) Benoit TESTE (Lyon) Secrétaires académiques Dijon Echos des académies Dans l'académie de Dijon, le diagnostic présenté dans les réunions, qui induit les réponses institutionnelles que le ministère voudrait voir retenues, a été fortement critiqué sur plusieurs points : la minimisation du rôle joué par les effectifs des classes, l’indemnisation actuelle en RSS n’est pas juste mais insuffisante, rien n’est dit de la rémunération à la tête du client en ECLAIR, ce n’est pas de l’accompagnement au travail en équipe dont on a besoin mais de temps ce qui doit se traduire par une réduction du temps de service devant les élèves. Les points revendiqués pendant les débats (bien courts !) sont difficiles à résumer. Notons par exemple la question de la formation initiale et continue qui est insuffisante, éloignée de la recherche, peu adaptée à la réalité de l’enseignement et le nombre insuffisant de personnels qualifiés dans tous les métiers de l’éducation nationale. Sur la carte de l’éducation prioritaire, les ECLAIR et les postes spécifiques ont été condamnés, l’inquiétude est grande de voir certaines écoles et des collèges sortir des RSS et perdre ainsi le peu de moyens supplémentaires qu’ils ont. Les assises inter-régionales ne sont pas représentatives des personnels qui travaillent en zone d’éducation prioritaire avec une sur-représentation des chefs d’établissements et des inspecteurs du 1er degré. Echos des établissements : Tonnerre : L’éducation prioritaire ne doit pas déroger aux règles en matière de statut : refus des postes à profil avec recrutement par les chefs d’établissement, refus des super-profs. Les contenus doivent être identiques que l’on soit en zone d’éducation prioritaire ou pas et l’objectif doit être l’acquisition des programmes pour tous (et non d’un socle dont on ne sait d’ailleurs plus ce qu’il est). La réduction du temps de travail des personnels doit permettre le travail en commun, enseignants et non enseignants. Les faibles effectifs et les dédoublements doivent permettre, avec une formation continue de qualité (notamment avec des enseignants chercheurs), d’assurer des cours sereins et un meilleur travail réel des élèves en classe. Les échanges de service entre 1er et 2nd degré ne sont que des gadgets nouveaux dont l’objectif caché est de casser l’unité du second degré, et de regrouper les disciplines. Par contre il faut développer les actions de formation continue sur le temps de travail entre les enseignants des écoles et du collège, du collège et du lycée, en travaillant sur les contenus et les pratiques pédagogiques. Echos des établissements : Migennes : Mieux accueillir les élèves allophones Le livret scolaire du 1er degré est illisible et incompréhensible pour les parents Contraindre à la mixité sociale en revoyant la carte scolaire Sur le temps de service, organiser des rencontres entre les enseignants du 1 er et du 2nd degré Grenoble Alors que les informations de la part de l’administration ont été très tardives (le SNES a dû rappeler à la DSDEN de l’Ardèche la tenue de cette concertation…), les personnels n’ont vu dans ces demi-journées qu’une étape dans la mobilisation syndicale sur la politique de l’éducation prioritaire dans l’académie de Grenoble, à la suite du stage syndical FSU qui avait réuni en mai les représentants de tous les établissements de l’éducation prioritaire de l’agglomération grenobloise et plus de soixante collègues de l’académie. Ces demi-journées ont alors été l’occasion de faire partager nos revendications et de mener des discussions riches avec le premier degré pour faire le bilan d’une éducation prioritaire malmenée et souffrant d’une baisse continue des moyens. Echos des établissements : Collège Gérard Philipe, Fontaine (38) Nous nous permettons de vous faire part de nos réflexions et de nos réactions concernant la concertation des personnels, organisée au collège Jules Vallès, à propos des Assises des RRS. Nos constats ont été les suivants : Un manque de temps de préparation en amont pour nous permettre de mener une réflexion satisfaisante Un « diagnostic » erroné sur de nombreux points (…) Il aurait donc été bienséant que les institutions mettent en place les conditions favorables pour nous permettre de mener à bien des échanges fructueux et utilisables aux Assises nationales sur ce qui semble toucher à notre « devenir » ; or tel n’a pas été le cas. (…) Nous sommes donc ressortis d’une telle réunion avec un sentiment tout à fait désagréable et partagé par tous d’un manque total de confiance dans les enseignants, d’une non reconnaissance voire d’une méconnaissance de notre travail sur le terrain, d’une volonté manifeste de nous enjoindre à ne pas penser mais à entériner ce qui avait été pensé pour nous, donc de nous réduire à notre devoir de réserve et de silence dans une concertation qui n’était qu’un simulacre puisque tout avait déjà l’air d’être décidé à un niveau « censé nous dépasser ».. Echos des établissements : Collège Fernand Léger, Saint-Martin d’Hères (38) A quelles conditions l’école peut-elle assurer le bien-être des élèves et des personnels ? Trouver des moyens pour avoir le soutien des parents. Il manque un espace de parole : Ex : des assistants sociaux, des psychologues dans les établissements pour les familles qui en ont besoin ; des échanges de pratique, un temps de concertation Moins d’élèves par classe. Préjugés de la société sur les enseignants, mauvaises images véhiculées par les médias. Plus de cohérence autour de l’élève, de sa famille et de liaison école/collège. Les enseignants se sentent démunis et submergés face à la multiplication des tâches, des rôles et des missions. Salaire des professeurs. Quels usages des moyens vous paraissent devoir être privilégiés dans votre cas pour permettre en particulier de développer les perspectives pédagogiques et éducatives identifiées dans la partie 1 ? Des personnels (de santé, assistante sociale, RASED, COP, psychologue scolaire) à temps plein dans les établissements. Des enseignants à temps plein surnuméraires à chaque niveau. Abonder les moyens pour l’éducation prioritaire. Heures de co-intervention. Rattacher prioritairement les remplaçants aux établissements de l’EP. Réduction conséquente et respectée scrupuleusement dans le temps du nombre d’élèves par classe. L’attente de nos collègues est forte et la déception est déjà grande devant si peu de place faite aux personnels dans ces assises inter académiques à Lyon. Le SNES-FSU de Grenoble continuera à mobiliser les personnels pour une véritable refondation de l’éducation prioritaire en janvier 2014, alors que le ministre fera ses premières annonces et que les collègues verront concrètement si la situation s’améliore dans leur établissement ! Lyon Dans l'académie de Lyon les demi-journées banalisées, si elles ont permis des échanges intéressants sur les difficultés inhérentes aux conditions de travail dans l'éducation prioritaire, ont aussi été l'occasion d'une forme de "lobbying" des chefs d'établissement et des IEN. En effet, trop souvent, les collègues ont été dessaisis du choix des questions à traiter et les questions de pilotage des établissements et des réseaux ont fait l'objet d'un verrouillage certain de la part de la hiérarchie. Et encore, quand ce verrouillage n'a pas été aussi effectué dès la plénière sur le rapport de la MAP et les inévitables réserves des collègues sur certains éléments, notamment la soi-disant inefficacité des baisses d'effectifs par classe ! Globalement, ce qui remonte des collègues comme priorités c'est justement l'urgence de baisser les effectifs par classe et la nécessité de mettre en place un réel travail en équipe, en aménageant le temps de travail en conséquence. De plus, dans une période où la volonté affichée est de favoriser les échanges de service entre premier et second degré (et on se rend bien compte de l'avantage financier qui existe à faire intervenir des PE en collège....), on s'aperçoit que, pour les personnels, la liaison école/collège se construit par des stages de formation communs et par du temps de concertation et non par des profs des écoles qui enseigneraient en collège et des certifiés en école primaire... Echos des assises : Collège Victor Grignard 69 (RRS) Le rapport de la MAP est présenté de manière parcellaire et orientée vers des propositions ressemblant fortement au label ECLAIR. Les collègues, eux, ont beaucoup de propositions : baisse des effectifs par classe (25 en primaire, 20 dans le secondaire), temps de concertation, équipe pluri-professionnelle complète et à temps plein, mais aussi sur le recrutement et la formation des chefs d'établissement avec la nécessité d'inspections régulières et d'avoir des chefs motivés pour l'éducation prioritaire. Echos des assises : Collège Henri Barbusse 69 (ECLAIR) Les collègues mettent en avant plusieurs points : baisse des effectifs par classe (un seuil de 24 de la maternelle au collège) nécessité d'un temps de concertation rémunéré un arrêt de la politique de contractualisation un encadrement socio-médical plus important des personnels associés au choix du contenu des formations de réseau Assises de l’Education Prioritaire : 10 propositions du SNES 1 Abaisser les effectifs par classe : des seuils de 20 élèves ! Les études, notamment celles menées par Piketty, montrent qu’une forte baisse des effectifs par classe a un impact important sur la réussite des élèves, notamment pour les plus défavorisés. Les baisses d’effectifs déjà faites n’ont pourtant jamais atteint ce seuil… 3 2 Aménager du temps pour le travail en équipe, Renforcer les équipes pluriprofessionnelles : pas un établissement sans une infirmière, une assistante sociale et au moins 2 CPE à plein temps ! en donnant, dans un premier temps, une heure de décharge à tous les professeurs dès la rentrée 2014 et une 2e heure pour les profs principaux. 4 5 Stabiliser les équipes, en améliorant les conditions de travail, en améliorant la formation continue et en redonnant la main aux équipes sur le projet pédagogique de l’établissement. Il faut aussi abandonner le mouvement ECLAIR qui a un peu plus précarisé les équipes en laissant un nombre imRenforcer leur portant de postes vacants. cohésion, en partageant à parts égales la prime ECLAIR entre tous les collègues dès 2013, en la refondant dès 2014 en une NBI sensible revalorisée et étendue à tous les établissements de l'éducation prioritaire. 6 Améliorer le fonctionnement des établissements en le rendant plus démocratique, en revenant sur les fonctions et missions qui distinguent un petit nombre au détriment de tous et brisent les solidarités d'équipe et en améliorant la formation des chefs d’établissements pour éviter les dérives managériales que nous constatons dans de trop nombreux établissements. 7 Plus de mixité sociale, en revoyant la carte scolaire et la politique de la ville pour déghettoïser certains quartiers et certains établissements et en arrêtant de financer l’enseignement privé qui est une cause majeure de la paupérisation de certains établissements. C’est aussi autant de moyens qui pourront être réinjectés dans l’éducation prioritaire. 9 Réinscrire dans le droit commun 8 Relancer l’aide aux associations laïques et gratuites, aux autres services publics, en concertation avec les collectivités territoriales et les autres ministères, pour retisser du lien social dans les quartiers aujourd'hui abandonnés par la collectivité. l'éducation prioritaire en lui fixant pour objectif un égal accès aux poursuites d'étude au-delà du collège, de démocratiser l’accès aux qualifications et de rompre avec la logique des ECLAIR qui fixe pour objectif un socle minimaliste dans ces établissements et les programmes pour les autres. 10 Donner du poids à la parole des personnels, en invitant un délégué par établissement, désigné par l’équipe, aux assises inter-académiques de l’éducation prioritaire le 27 novembre à Lyon. Il est hors de question que cette concertation se résume aux seuls inspecteurs et chefs d’établissements !