Efficacité de la corticothérapie dans le traitement adjuvant des
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Efficacité de la corticothérapie dans le traitement adjuvant des
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Neurochirurgie 53 (2007) 477–482 Article original Efficacité de la corticothérapie dans le traitement adjuvant des hématomes sous-duraux chroniques. Étude rétrospective sur 198 cas Effectiveness of adjuvant corticosteroid therapy for chronic subdural hematoma: A retrospective study of 198 cases G. Dran a,∗ , F. Berthier b , D. Fontaine c , D. Rasenrarijao c , P. Paquis c a Service de neurochirurgie, hôpital Gui-de-Chauliac, CHU de Montpellier, 80, avenue Augustin-Fliche, 34295 Montpellier cedex 5, France b Département d’information médicale, hôpital de Cimiez, CHU de Nice, 06000 Nice, France c Service de neurochirurgie, hôpital Pasteur, CHU de Nice, 06000 Nice, France Reçu le 7 août 2007 ; accepté le 26 septembre 2007 Abstract Background and purpose. – Adjuvant treatments can be proposed in addition to surgery for patients with chronic subdural hematoma (CSDH) in order to improve the postoperative outcome. According to the survey published in 2001 by the Neurosurgery French Society, 38% of French neurosurgeons use adjuvant corticosteroid therapy after surgery. Does this adjuvant corticosteroid therapy have an effect on the postoperative outcome of CSDH? Methods. – A retrospective trial was performed on patients who were surgically treated for CSDH between January 1998 and July 2002 in the Nice Department of Neurosurgery. Corticosteroid therapy was initiated just after surgery and maintained for one month. Part of the patients were not given corticosteroids enabling a comparison of two groups: “corticosteroid therapy” versus “no corticosteroid therapy”. Results. – One hundred and ninety-eight patients were included in the trial, 142 patients in the “corticosteroid therapy” group and 56 patients in the “no corticosteroid therapy” group. The difference in survival between the two groups was significant in favor of the group give corticosteroids. A multivariate analysis was carried out which confirmed the beneficial effect of the corticosteroid therapy on survival of the operated patients. Their risk of death was threefold less than those not given this treatment (p = 0.006). Conclusions. – This study highlighted a protective effect of postoperative corticosteroid therapy on patient survival. This effect persisted at multivariate analysis. However, due to skews inherent in retrospective studies, a multicentric prospective randomized trial is being prepared in our institution to confirm these results. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Résumé Introduction. – Certaines thérapeutiques sont associées au geste chirurgical dans le but d’améliorer les suites opératoires dans le traitement de l’hématome sous-dural chronique (HSDC). D’après l’enquête de la Société française de neurochirurgie publiée en 2001, 38 % des neurochirurgiens français utilisent une corticothérapie en association à leur geste chirurgical. Existe-t-il une efficacité de cette corticothérapie sur les suites opératoires des HSDC ? Matériels et méthodes. – Une étude rétrospective a été réalisée dans le service de neurochirurgie du CHU de Nice, sur les cas opérés entre janvier 1998 et juillet 2002. La corticothérapie était instituée immédiatement après l’intervention et maintenue pendant un mois. Une partie des patients n’a pas été traitée par corticothérapie, ce qui permit la comparaison des deux groupes. Résultats. – Cent quatre-vingt-dix-huit patients ont pu être inclus dans l’étude. Cent quarante-deux patients appartenaient au groupe « corticothérapie » et 56 patients au groupe « pas de corticothérapie ». La différence sur la survie entre les deux groupes était significative en faveur du groupe sous corticothérapie y compris après analyse multivariée. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (G. Dran). 0028-3770/$ – see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.neuchi.2007.09.146 478 G. Dran et al. / Neurochirurgie 53 (2007) 477–482 Conclusions. – Il a pu être mis en évidence un effet protecteur de la corticothérapie postopératoire sur la survie des patients. Cet effet persistait après analyse multivariée. Cependant, il s’agissait d’une approche rétrospective avec les biais que cela comporte. Afin de confirmer ces résultats, une étude multicentrique prospective randomisée est en cours d’institution. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Keywords: Chronic subdural hematoma; Corticosteroid therapy; Surgery; Adjuvant therapy Mots clés : Hématome sous-dural chronique ; Corticothérapie ; Chirurgie ; Traitement adjuvant 1. Introduction L’hématome sous-dural chronique (HSDC) est une pathologie très courante en neurochirurgie. Il est la conséquence d’une hémorragie d’origine veineuse dans l’espace sous-dural, le plus souvent suite à un traumatisme crânien mineur (Haines et al., 1993). Sa survenue est en étroite relation avec un âge avancé et/ou une coagulopathie (iatrogénique et/ou hépatique). Son traitement est le plus souvent chirurgical même si des cas de guérison ont été rapportés après traitement médical (Bender et Christoff, 1974 ; Suzuki et Takaku, 1970). Certaines thérapeutiques sont associées au geste chirurgical dans le but d’améliorer les suites opératoires. Parmi les plus fréquemment employées, nous notons la réexpansion ventriculaire par ponction lombaire, l’hyperhydratation postopératoire, le positionnement et la corticothérapie. L’efficacité de ces techniques est controversée, ce qui explique leur disparité d’utilisation suivant les écoles. D’après l’enquête de la Société française de neurochirurgie publiée en 2001 (Guenot, 2001), 38 % des neurochirurgiens français ayant participé à l’étude utilisent une corticothérapie en association à leur geste chirurgical. Étant donné l’état général souvent altéré des patients atteints d’HSDC et les effets secondaires parfois graves de la corticothérapie (infection, hypokaliémie, insuffisance cardiaque congestive, hémorragie digestive, état confuso-onirique. . .), la prescription d’un tel traitement doit être mûrement réfléchie. Existe-t-il une efficacité de la corticothérapie sur les suites opératoires des HSDC en comparaison avec la chirurgie seule ? C’est à cette question que nous avons essayé de répondre dans ce travail. 2. Matériel et méthodes Une étude rétrospective a été réalisée dans le service de neurochirurgie de l’hôpital Pasteur, au CHU de Nice, sur les dossiers de patients consécutifs opérés d’un HSDC entre janvier 1998 et juillet 2002. Les patients inclus dans l’étude ont tous été opérés dans le service, avec la technique du trou de trépan. La chronicité de l’hématome était définie par un aspect iso- ou hypodense sur la tomodensitométrie (TDM) cérébrale. Les hématomes de densité hétérogène (hypodense et hyperdense) ont également été inclus dans l’étude. L’indication opératoire était portée sur la présence d’un effet de masse à la TDM cérébrale. La technique du trou de trépan simple ou double contigus était celle utilisée dans le service. L’intervention était réalisée sous anesthésie locale et consistait en une ponction–évacuation de l’hématome suivi d’un lavage de la cavité sous-durale au sérum physiologique. Un drainage de l’espace sous-dural était laissé en place 48 heures, puis une TDM cérébrale de contrôle était effectuée et le drain était retiré si l’hématome était suffisamment évacué. Pendant cette période, les patients restaient alités et largement hydratés (environ deux litres/24 heures). La corticothérapie était instituée immédiatement après l’intervention par voie orale (prednisolone) ou en intraveineuse (méthylprednisolone) à une dose de 0,5 mg/kg par 24 heures. Cette posologie était maintenue pendant un mois puis, une fois le patient considéré guéri, une décroissance progressive était réalisée. Une partie des patients n’a pas été traitée par corticothérapie. Il s’agissait de patients présentant une contre-indication infectieuse, d’une part, et, d’autre part, de patients dont le chirurgien responsable ne souhaitait pas l’institution de ce traitement. En effet, l’efficacité de ce traitement n’étant pas démontrée, une divergence de prise en charge a été rencontrée à l’intérieur même de notre unité et certains chirurgiens ne prescrivaient pas de corticothérapie postopératoire. Cela a permit la constitution de deux groupes de patients : « corticothérapie » (C) versus « pas de corticothérapie » (NC), qui ont pu être comparés dans ce travail. Parmi les classifications utilisées pour grader l’état clinique des patients souffrant d’un HSDC, nous avons utilisé celle de Markwalder, décrite dans le Tableau 1. 2.1. Analyse statistique Les comparaisons ont été effectuées au moyen des tests de khi-2 pour les variables nominales et de t test pour les variables quantitatives. Les courbes de survie ont été estimées selon la méthode de Kaplan-Meier et comparées par un test du log-rank. Afin d’apprécier l’effet indépendant du traitement par corticoïdes sur la survie des patients, une analyse multivariée par modèle des risques proportionnels a été mise en œuvre. Le seuil de 5 % a été retenu pour déclarer les différences significatives. Tableau 1 Classification de Markwalder Table 1 Markwalder’s classification Grade 0 Grade 1 Grade 2 Grade 3 Grade 4 Pas de symptôme Symptômes modérés (céphalées) ou léger déficit (asymétrie de réflexes) Confusion ou désorientation temporospatiale avec déficit neurologique (hémiparésie) Stupeur mais réponse appropriée au stimulus douloureux ; signe focal sévère (hémiplégie) Coma sans réponse motrice à la stimulation douloureuse, décortication ou décérébration. G. Dran et al. / Neurochirurgie 53 (2007) 477–482 479 3. Résultats 3.1. Profil et évolution des patients opérés d’un HSDC Cent quatre-vingt-dix-huit patients ont pu être inclus dans l’étude dont 56 femmes (28 %) et 142 hommes (72 %), soit un sex-ratio (M/F) égal à 2,53. L’âge des patients variait entre 33 et 98 ans avec une moyenne d’âge de 75 ans (±13 ans). La répartition des patients en fonction de la classification de Markwalder mettait en évidence une nette prédominance de score 2. La notion de traumatisme crânien a pu être retrouvée à l’anamnèse chez 150 patients (75 %). Le délai moyen entre le traumatisme et le diagnostic d’HSDC était de 43 jours (±41 jours). Les antécédents médicaux les plus fréquemment retrouvés sont cardiovasculaires et 29,3 % des patients avaient un traitement au long cours par anticoagulants ou antiagrégants plaquettaires. Le délai moyen entre la TDM cérébrale permettant d’obtenir le diagnostic d’HSDC et l’intervention était de trois jours (±8,4 jours). L’ensemble des HSDC observés se répartissait équitablement entre l’hémisphère droit et l’hémisphère gauche avec 14,7 % d’hématomes bilatéraux. Le caractère hétérogène en densité scannographique était le plus fréquemment trouvé. Nous avons comptabilisé dix décès (5 %) pendant l’hospitalisation. Ce taux de mortalité précoce était proportionnel au score de Markwalder initial comme le montre la Fig. 1. L’évolution clinique postopératoire immédiate est donnée dans le Tableau 2. Sur la TDM cérébrale de contrôle réalisée à 48 heures de l’intervention, l’hématome et l’effet de masse résiduels ont été quantifiés. La disparition complète de l’hématome Fig. 2. Courbes de survie comparant le groupe des patients sous corticothérapie et celui sans corticothérapie en période postopératoire d’un hématome sousdural chronique. Fig. 2. Survival curves comparing patients under corticosteroid therapy and those without corticosteroid therapy in chronic subdural hematoma postoperative period. était définie par un retour à la paroi du cerveau, sans aucune asymétrie par rapport à l’hémisphère opposé. Cette situation n’a été rencontrée que dans 32 % des cas. Dans tous les autres cas (68 %) il persistait un élargissement de l’espace sous-dural et l’on parlait alors de diminution de volume de l’hématome. Une pneumencéphalie a été identifiée dans sept cas (3,5 %) et un empyème sous-dural est venu compliquer l’évolution dans trois cas (1,5 %). La durée moyenne d’hospitalisation était de dix jours (±8). La durée moyenne de suivi a été de 17,5 mois (±19 mois). Vingt-deux patients (11 %) ont été perdus de vue et 16 récidives (8 %) ont été recensées à long terme (au-delà d’un mois par rapport à la date de l’intervention). Au terme de la période de suivi, 37 décès ont pu être recensés dont la grande majorité était en rapport avec une défaillance de l’état général. 3.2. Mesure de l’effet des corticoïdes Fig. 1. Taux de décès précoces (dans le mois suivant l’intervention) en fonction du score de Markwalder préopératoire. Fig. 1. Early death rate (during the first postoperative month) according to preoperative Markwalder score. MW: Markwalder. Tableau 2 Évolution clinique postopératoire immédiate Table 2 Early clinical postoperative outcome Évaluation clinique Amélioration (%) Stationnaire (%) Aggravation (%) Conscience Moteur Langage 157 (80,5) 161 (82,5) 158 (81) 27 (13,8) 23 (11,8) 27 (13,8) 11 (5,6) 11 (5,6) 10 (5,1) Cent quarante-deux patients ont pu bénéficier d’un traitement par corticothérapie (groupe C) pendant une durée minimum de un mois. Cinquante-six patients n’ont pas reçu de traitement par corticothérapie (groupe NC) pour des raisons de contre-indication infectieuse ou par conviction du chirurgien responsable. On dénombrait 11 patients perdus de vue dans le groupe C (7,8 %) et 11 patients perdus de vue dans le groupe NC (19,6 %). Au total, la survie a pu être évaluée pour 131 patients dans le groupe C et pour 45 patients dans le groupe NC. Le taux de décès était de 13 % (17 patients) dans le groupe C versus 44 % (20 patients) dans le groupe NC (p < 0,0001). La survie a été estimée dans chaque groupe selon la méthode de KaplanMeier (Fig. 2). La différence sur la survie entre les deux groupes est significative en faveur du groupe C (p < 0,001) avec notamment un taux de décès de 5 % versus 34 % à six mois et de 9 % versus 38 % à un an. La comparaison des deux groupes sur les principaux facteurs confondants montrait qu’ils différaient sur deux items : « l’état de conscience postopératoire » et « l’effet de masse postopératoire » sur la TDM de contrôle (Tableau 3). 480 G. Dran et al. / Neurochirurgie 53 (2007) 477–482 Tableau 3 Comparaison des deux groupes sur les principaux facteurs confondants Table 3 Comparison of the two groups on main confounding factors Traitement par corticoïde opérés d’un HSDC puisque leur risque de décès est divisé par trois par rapport à ceux qui n’ont pas bénéficié de ce traitement (risque relatif = 0,35 ; IC 95 % = [0,17 ; 0,74] ; p = 0,006). p 4. Discussion Oui (n = 142) Non (n = 56) Hommes Âge moyen (écart-type) 99(70 %) 74, 0(13, 6) 43 (77 %) 77,4 (11,6) ns ns Markwalder 0–1 2 3–4 22 (16 %) 105 (74 %) 14 (10 %) 5 (9 %) 41 (75 %) 9 (16 %) ns ns ns Conscience postopératoire Améliorée Stationnaire Aggravée 123 (87 %) 17 (12 %) 2 (1 %) 34 (64 %) 10 (19 %) 9 (17 %) ns ns < 0,001 Effet de masse postopératoire sur scanner à 48 heures Disparition 42 (31 %) 25 (46 %) Diminution 83 (61 %) 20 (37 %) Inchangé 12 (9 %) 9 (17 %) ns 0,01 ns Antécédents Cardiovasculaire Respiratoire Diabète Accident vasculaire cérébral Éthylisme chronique Au moins un antécédenta ns ns ns ns ns ns 88 (62 %) 6 (4 %) 14 (10 %) 6 (4 %) 8 (6 %) 88 (62 %) 39 (70 %) 2 (4 %) 9 (16 %) 5 (9 %) 5 (9 %) 39 (70 %) ns : non significatif. a Cardiovasculaire, respiratoire, diabète, accident vasculaire cérébral, éthylisme chronique ou prise d’anticoagulant. Une analyse multivariée a été réalisée pour prendre en compte cette « non comparabilité » initiale. Les résultats de cette étude multivariée sont donnés dans le Tableau 4. Celle-ci confirme l’effet bénéfique de la corticothérapie sur la survie des patients Tableau 4 Facteurs associés au risque de décès des patients opérés d’un hématome sousdural chronique – analyse multivariée par modèle des risques proportionnels Table 4 Factors associated with risk of death – multivariate analysis with proportional risk model Risque pro portionnel de décès Prise de corticoïdes Non Oui Markwalder 0–1 2 3–4 1 0,35 0,253 IC 95 % p [0,17–0,74] 0,006 [0,03–2,02] 0,19 [1,18–6,65] 0,02 [0,84–5,36] 0,11 <,0,001 1 2,80 Effet de masse postopératoire Régressif Persistant 2,13 Conscience postopératoire Améliorée Stationnaire ou aggravée 3,7 [1,76–7,81] Âge 1,04 [0,996–1,09] 1 1 0,07 4.1. Efficacité de la corticothérapie Les courbes de survie comparant les deux groupes de patients (C/NC) mettent en évidence un pronostic de survie nettement meilleur chez les patients du groupe C. Ce résultat se confirme après analyse multivariée puisque celle-ci indique clairement que le fait de ne pas prendre de traitement par corticothérapie en période postopératoire d’un HSDC multiplie par 2,3 le risque de décès. En l’absence d’essai contrôlé randomisé, il est impossible d’affirmer la responsabilité des corticoïdes dans cette amélioration. Cependant, nos résultats sont en faveur de l’efficacité de la corticothérapie, notamment en raison de l’importante réduction de la mortalité après ajustement sur les principaux facteurs pronostiques lors de l’analyse multivariée. Nous n’avons pas retrouvé de travail similaire dans la littérature. En effet, parmi les nombreuses études sur l’HSDC, aucun auteur n’a jamais comparé les patients sous corticothérapie à ceux qui n’en avaient pas, bien que beaucoup signalent utiliser cette thérapeutique adjuvante. Notre travail est une étude rétrospective pouvant, par définition, comporter des biais cachés sur lesquels nous n’avons pu intervenir. Les biais de sélection ont été réduits en sélectionnant tous les patients opérés consécutivement pendant la période considérée avec très peu de critères d’exclusion. Le taux non négligeable de perdus de vue (11 patients (20 %) dans le groupe NC versus 11 patients (8 %) dans le groupe C) ne permet pas d’exclure un biais d’attrition. Cependant, si nous faisons l’hypothèse que tous les patients perdus de vue dans le groupe C sont décédés et que tous les patients perdus de vue dans le groupe NC ne sont pas décédés, la différence en faveur du groupe C reste significative. Le taux de décès serait alors de 36 % dans le groupe NC (20 patients sur 56) et de 20 % dans le groupe C (28 patients sur 142 ; p = 0,018). La comparaison de notre échantillon de population avec ceux des autres études sur les HSDC indique qu’ils sont comparables, aussi bien sur des critères démographiques que cliniques, iconographiques ou évolutifs (Tableau 5). Nous pouvons cependant noter que nos patients se caractérisaient par une proportion plus élevée de score de Markwalder 2 et une proportion plus faible de score 3 et 4, traduisant une moindre gravité (Ernestus et al., 1997 ; Kwon et al., 2000 ; Lee et al., 2004 ; Matsumoto et al., 1999 ; Rohde et al., 2002). Cela ne peut intervenir sur les résultats puisque nous avons pris en compte le score de Markwalder dans la comparaison des deux groupes. D’autres critères, tels que par exemple « la rapidité de récupération d’un déficit », auraient été intéressant à analyser mais sont trop subjectifs à apprécier sur une étude rétrospective. Le taux de mortalité étant un critère simple et objectif, dans un souci de simplification de l’étude et pour limiter au maximum les biais potentiels, nous avons limité notre analyse à ce dernier. G. Dran et al. / Neurochirurgie 53 (2007) 477–482 481 Tableau 5 Étude comparative de nos résultats avec les séries les plus récentes de la littérature anglo-saxonne Table 5 Comparative study between the most recently published series and ours Auteur Rohde Ernestus Matsumoto Année de publication Nombre de patients Moyenne d’âge (années) Sex-ratio (M/F) Classification utilisée MW/Bender 0 (%) MW/Bender 1(%) MW/Bender 2 (%) MW/Bender 3 (%) MW/Bender 4 (%) Traumatisme crânien (%) Anticoagulants/antiagrégants (%) 2001 376 64 1,8 Bender 0 14,6 43,6 22,6 19,1 1997 104 69 2 Markwalder 1999 121 77,1 1,3 Kwon 2000 145 59,3 2,5 68 5,7 Lee Notre étude 2003 172 69 1,6 Markwalder 0 30 40 22 8 66 20 2007 198 75 2,53 Markwalder 0,51 13,3 74,5 8,7 3 76 29,3 Antécédents (%) Cardiovasculaire Diabète Éthylisme chronique 40,4 11,5 14,4 51,5 11,6 6,6 14,9 13,4 Caractéristiques TDM Latéralisation gauche (%) Latéralisation droite (%) Hématome bilatéral (%) Hypodense (%) Isodense (%) Hétérogène (%) 35,6 46,1 18,3 38,4 39,5 22,1 41,6 43,6 14,7 20 18,7 61,2 13,8 40,7 22 Technique chirurgicale Burr-hole Craniotomie Drain laissé en place Lavage sous-dural oui non oui oui oui (90,4 %) oui (9,6 %) oui oui oui non oui oui oui oui oui oui oui non oui oui Évolution clinique postopératoire Mortalité précoce (< 1 mois) (%) Amélioration (%) Inchangé (%) Aggravé (%) Récidive (%) 13,3 68,9 14,9 2,9 8 66,3 24 7,7 4,1 8,3 5 4 5 80 14 6 8 Complications Empyème sous-dural (%) Pneumencéphalie (%) Durée moyenne d’hospitalisation (jours) Durée moyenne de suivi (mois) 2,1 1,1 14 1,5 3,5 10 17,5 MW : Markwalder. 5. Mode d’action des corticoïdes S’il y a bien une efficacité de la corticothérapie sur le devenir des patients opérés d’un HSDC, nous n’en connaissons pas le mécanisme d’action. On ne retrouve dans la littérature aucun consensus sur l’utilisation de la corticothérapie dans l’HSDC ou les raisons de son utilisation, ni sur la date à laquelle elle a commencé à être prescrite par les neurochirurgiens. Nous pouvons seulement dire que c’est dans les années 1960 que des auteurs comme Gannon, Ambrosetto et surtout Bender publient les premières observations de résolutions spontanées d’HSDC « aidées » par les corticoïdes (Ambrosetto, 1962 ; Bender et Christoff, 1974 ; Gannon et al., 1962). Cependant, aucun d’entre eux ne peut justifier avec certitude ses prescriptions sur le plan physiopathologique. Nous ne pouvons donc que proposer des hypothèses physiopathologiques sur le mode d’action de ce traitement, hypothèses qui se baseront elles-mêmes sur les hypothèses physiopathologiques de l’HSDC. La physiopathologie de l’HSDC n’est aujourd’hui toujours pas totalement élucidée mais l’explication la plus commu- 482 G. Dran et al. / Neurochirurgie 53 (2007) 477–482 nément admise est celle d’un saignement répété depuis la membrane externe de l’hématome (Ito et al., 1978 ; Weir, 1980). Il existe également un phénomène inflammatoire actif. Les macrocapillaires présents sur la membrane externe de l’hématome présentent les caractéristiques de vaisseaux rencontrés dans les tissus inflammatoires avec des capacités de saignement accrues (Yamashima et al., 1983 ; Yamamoto et Sato, 1966). L’hématome contient de grandes concentrations de cytokines vasoactives, médiateurs de l’inflammation et facteurs fibrinolytiques (Suzuki et al., 1999 ; Weigel et al., 2001 ; Fujisawa et al., 1995 ; Hirashima et al., 1994 ; Matsumori et Yoshioka, 1987 ; Nomura et al., 1994). C’est précisément sur cette composante inflammatoire que les corticoïdes pourraient avoir une action. En effet, les glucocorticoïdes (cortisol et dérivés de synthèse comme la prednisone, la prednisolone, la dexaméthasone, la bêtaméthasone) agissent par inhibition de la synthèse de facteurs proinflammatoires. Les glucocorticoïdes comme le cortisol ont également une action minéralocorticoïde discrète mais réelle, favorisant la rétention d’eau et de sodium et la fuite de potassium. Cette activité pourrait être invoquée pour expliquer une rétention d’eau au niveau cérébral qui favoriserait un retour rapide du parenchyme cérébral contre la paroi osseuse. Les glucocorticoïdes, lorsqu’ils sont prescrits sur une longue période, créent une rétention hydrique importante avec prise de poids, œdème généralisé, hypertension artérielle par hypervolémie. Il est donc logique de penser qu’ils peuvent également créer un œdème cérébral qui serait, cette fois, « bénéfique » au patient, dans le sens où il aiderait à la réexpansion cérébrale. Quoiqu’il en soit, il n’a jamais été prouvé que les glucocorticoïdes entraînent une rétention hydrique au niveau cérébral. Plusieurs études démontrent même l’absence d’action pharmacologique des glucocorticoïdes sur le contenu cérébral en eau. Ces études sont basées sur une analyse de la teneur en eau du parenchyme cérébral, mesurée en imagerie par résonance magnétique et concluent que les glucocorticoïdes n’influencent pas, in vivo, le contenu en eau de la substance blanche intracrânienne normale (Andersen, 1998 ; Bell, 1989 ; Bell et al., 1987). 6. Conclusion Ce travail est, à notre connaissance, le premier ayant cherché à mettre en évidence une efficacité de la corticothérapie postopératoire dans les HSDC. Il s’agissait d’une approche rétrospective, avec les biais que cela comporte, mais qui a cependant permit de conclure à des résultats intéressants. En effet, l’échantillon de population étant considérable et la durée de suivi assez longue pour cette pathologie, il a pu être mis en évidence un effet protecteur de la corticothérapie postopératoire sur la survie des patients. Cet effet persistait notamment après analyse multivariée. Le pronostic des patients opérés d’HSDC pourrait donc être amélioré par la prescription de corticoïdes mais seul un essai contrôlé randomisé pourrait confirmer l’efficacité de ce traitement. C’est la raison pour laquelle une étude prospective multicentrique et randomisé est en cours d’élaboration dans la région sud-est. Références Ambrosetto, C., 1962. Post-traumatic subdural hematoma. Further observations on nonsurgical treatment. Arch. Neurol. 6, 287–292. Andersen, C., 1998. The effect of glucocorticoids in the normal cerebral hemisphere of brain tumour patients. Acta Neurol. Scand. 98, 433–438. Bell, B.A., 1989. Measurement of changes in brain water in man by magnetic resonance imaging. Ann. R. Coll. Surg. Engl. 71, 375–380. Bell, B.A., Smith, M.A., Kean, D.M., McGhee, C.N., MacDonald, H.L., Miller, J.D., Barnett, G.H., Tocher, J.L., Douglas, R.H., Best, J.J., 1987. Brain water measured by magnetic resonance imaging. Correlation with direct estimation and changes after mannitol and dexamethasone. Lancet 1, 66–69. Bender, M.B., Christoff, N., 1974. Nonsurgical treatment of subdural hematomas. Arch. Neurol. 31, 73–79. Ernestus, R.I., Beldzinski, P., Lanfermann, H., Klug, N., 1997. Chronic subdural hematoma: surgical treatment and outcome in 104 patients. Surg. Neurol. 48, 220–225. Fujisawa, H., Ito, H., Kashiwagi, S., Nomura, S., Toyosawa, M., 1995. Kallikrein-kinin system in chronic subdural haematomas: its roles in vascular permeability and regulation of fibrinolysis and coagulation. J. Neurol. Neurosurg. Psychiatry 59, 388–394. Gannon, W.E., Cook, A.W., Browder, E.J., 1962. Resolving subdural collections. J. Neurosurg. 19, 865–869. Guenot, M., 2001. Chronic subdural hematoma. 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