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e-Bulletin du droit d’auteur Avril - juin 2006 DEVELOPPEMENTS JURIDIQUES JURISPRUDENCE HONG KONG Cour supérieure –Cour de première instance Violation en ligne—Protection de la vie privée Le 26 janvier 2006 la Cour supérieure de Hong Kong a rendu un jugement dans une affaire concernant la divulgation par des fournisseurs de services Internet (FSI) de renseignements personnels relatifs à des personnes présumées avoir violé des droits d’auteur sur Internet. Cette affaire révèle le fragile et délicat équilibre que le tribunal doit établir entre l’administration de la justice et la protection de la vie privée en ce qui concerne les renseignements personnels. Le tribunal, en émettant l’ordonnance de divulgation Norwich Pharmacal, a tranché en faveur des demandeurs—sept grands producteurs de musique—et a ordonné aux FSI de divulguer l’identité des 22 violateurs présumés. Traduction de la décision de la Cour supérieure, juge adjoint Poon de la Cour supérieure, en chambre-26 janvier 2006 (Traduction non officielle de l’UNESCO des extraits de la décision de la Cour supérieure) Cinepoly Records Co. Ltd . et al, v. Hong Kong Broadband et al., HCMP2487, 2005 (en anglais) Introduction Il s’agit d’une action entreprise par 7 grands producteurs de musique contre 4 FSI pour la divulgation des renseignements personnels concernant 22 violateurs présumés des droits d’auteur sur Internet, selon les principes de Norwich Pharmacal. Les renseignements personnels sont soumis aux dispositions relatives à la confidentialité contenues dans les licences des défendeurs. Les défendeurs ne peuvent les révéler sans enfreindre l’Ordonnance [de protection des renseignements personnels (vie privée)] et la licence. Le débat entre les parties soulève la question de savoir si celles-ci peuvent se prévaloir du recours Norwich Pharmacal lorsque l’information recherchée est de nature personnelle. Cette Original : anglais Auteur(s)°: CLT/ACE e-Bulletin du droit d’auteur Avril - juin 2006 action soulève également la question de savoir si l’ordonnance aura pour effet de contraindre les défendeurs à violer leur propre licence. Violation sur Internet La violation galopante des droits d’auteur sur Internet est rendue possible grâce à la communication « pair-à-pair » (P2P). Un abonné à un FSI enregistre la musique sur le disque dur de son ordinateur. S’il désire partager cette musique, il la télécharge et la met dans son dossier à partager (« shared folder ») du logiciel P2P. Le ficher du dossier à partager peut être recherché, retrouvé et téléchargé par d’autres ordinateurs utilisant le même logiciel. Le voile de l’anonymat A Hong Kong, le logiciel P2P le plus utilisé est le WinMX. En raison de la programmation particulière du logiciel, la véritable identité du violateur n’est pas visible. Mais en vérifiant et en comparant l’adresse de protocole Internet (Internet Protocol Address) à un moment ou durant une période déterminés avec les dossiers du FSI, l’identité de l’abonné peut être révélée. Les 22 Téléchargeurs Les 3, 7 et 10 novembre 2005, les demandeurs ont repéré 22 téléchargeurs de plusieurs fichiers musicaux qui utilisaient le logiciel WinMX, identifiés par leur adresse IP respective. Les principes de Norwich Pharmacal Les principes exigent la preuve des éléments essentiels suivants: (1) des activités délictuelles ou méfaits sérieux ont été commis. (2) le malfaiteur présumé est une personne que le demandeur croit de bonne foi enfreindre ses droits. (3) la partie innocente, contre laquelle la demande de divulgation est faite, est mêlée à ces activités, et favorise ainsi la perpétration ou continuation de celles-ci. Si le demandeur ne peut établir un de ces éléments, sa demande doit être rejetée. En plus de prouver ces éléments, le demandeur doit aussi démontrer qu’il est juste et convenable pour le tribunal d’exercer sa discrétion pour accorder la demande. Le 1er élément: violation du droit d’auteur par les 22 téléchargeurs L’enquête menée sur Internet a révélé d’importantes activités de violation. Chacun des 22 téléchargeurs avait téléchargé plus de 100 chansons. Certains avaient même dépassé 1000 chansons. Certaines des chansons téléchargées n’étaient même pas encore disponibles en CDs ou DVDs. Le premier élément est clairement établi. Le 2e élément: si les abonnés sont des violateurs Les adresses IP permettent d’identifier l’abonné au service Internet mais pas le véritable utilisateur du service au moment exact du téléchargement. Les demandeurs ne sont pas obligés de prouver que les abonnés sont les téléchargeurs. Il suffit de pouvoir présumer raisonnablement que les abonnés sont les malfaiteurs. -2- e-Bulletin du droit d’auteur Avril - juin 2006 Le 3e élément: la participation des défendeurs Tous les défendeurs, en fournissant le service Internet, sont impliqués de manière innocente dans le téléchargement des œuvres musicales en question. Administration de la justice et protection de la vie privée Je me penche maintenant sur la question de savoir si je devrais exercer ma discrétion pour accorder la demande de divulgation. (A) Le régime statutaire L’Ordonnance établit l’équilibre entre l’administration de la justice et la protection de la vie privée relative aux renseignements personnels en : (1) créant des exemptions à la protection de la vie privée relative aux renseignements personnels, confirmant ainsi que la protection n’est pas absolue et peut être écartée dans les cas opportuns ; (2) exigeant de la personne qui invoque l’exemption de satisfaire les conditions préalables pertinentes, permettant ainsi un examen minutieux de l’affaire. (B) Principe 3 et article 58(2) Ici, la protection qui nous intéresse est le Principe de protection des renseignements 3 à l’annexe 1 de l’Ordonnance (“Principe 3”). Il stipule que: “Les renseignements personnels ne peuvent, sans le consentement de la personne qui fait l’objet de la demande de renseignements, être utilisés à toute fin autre que : (a) le but pour lequel les renseignements seront utilisés au moment où ils sont recueillis ; ou (b) un but directement relié au but mentionné au paragraphe (a).” Les exemptions se trouvent à l’article 58(2) de l’Ordonnance. Afin d’invoquer l’article 58(2) avec succès, les demandeurs doivent satisfaire à deux exigences : (1) les renseignements demandés aux défendeurs servent à la prévention, l’empêchement ou la réparation de la conduite illégale ou sérieusement incorrecte par des personnes; et (2) l’application du principe 3 en relation avec une telle utilisation serait susceptible de porter préjudice à l’une ou l’autre des questions mentionnées au paragraphe (1). (C) La première exigence L’expression “conduite illégale ou sérieusement incorrecte” à l’article 58(1)(d) comprend la conduite délictuelle, y compris la violation de droit d’auteur. Les demandeurs désirent obtenir ces renseignements afin de mettre en œuvre leurs droits d’auteur, y compris l’entreprise d’actions en justice contre les violateurs présumés. De cette manière, les renseignements sont clairement utilisés dans le but de prévenir, d’empêcher ou de réparer la violation des œuvres musicales des demandeurs. -3- e-Bulletin du droit d’auteur Avril - juin 2006 (D) La deuxième exigence Les demandeurs doivent démontrer que l’application du principe 3 relativement à l’utilisation des renseignements dans le but de prévenir, empêcher ou réparer la violation des droits d’auteur serait susceptible de porter préjudice à une de ces questions. Devoir de confidentialité La condition spéciale 7 de la licence du 3e défendeur stipule que: “Le titulaire de la licence ne peut révéler l’information d’un client sauf avec le consentement de ce client, sauf pour la prévention ou la découverte d’un crime ou l’appréhension ou la poursuite de violateurs ou sauf dans les cas permis par la loi. ” C’est l’exception “sauf dans les cas permis par la loi” qui mérite notre attention. Le recours Norwich Pharmacal est un recours en équité. Le devoir de la partie innocente est imposé par l’équité, qui fait partie du droit de Hong Kong. Lorsque la partie innocente divulgue les renseignements, soit volontairement ou sur ordonnance du tribunal exerçant sa compétence en équité, la divulgation est autorisée (voire requise) par la loi. Il ne peut y avoir de violation de la condition spéciale 7 lorsque le 3e défendeur divulgue les renseignements suivant une ordonnance de la cour accordée selon les principes Norwich Pharmacal. Facteurs pertinents Je suis en mesure d’identifier les facteurs suivants qui suggèrent fortement que je devrais accorder la requête. Premièrement, il n’y a pas de source de renseignements pratique autre que les défendeurs. Deuxièmement, la facilité, la rapidité et l’échelle de la violation sur Internet sont alarmantes et sans précédent. Les demandeurs ont en effet besoin de ces renseignements afin d’entreprendre une action contre les 22 téléchargeurs, dont les violations ne sont que la pointe de l’iceberg. Troisièmement, le rejet de la requête donnerait une indication claire aux violateurs qu’ils peuvent enfreindre en toute impunité derrière le voile de l’anonymat que la technologie Internet procure. Quatrièmement, l’accord de la requête n’aura pas pour effet d’obliger les défendeurs à violer ni l’Ordonnance ni leur devoir de confidentialité découlant de leur licence. Cinquièmement, la portée des renseignements demandés n’est pas trop large. Il ne s’agit que de l’information essentielle dont les demandeurs ont besoin afin d’entreprendre d’autres actions contre les violateurs. Sixièmement, les renseignements ne peuvent être utilisés que dans le but d’appliquer les droits d’auteurs et les droits voisins des demandeurs contre les personnes identifiées dans l’ordonnance à être rendue. Ceux qui violent l’ordonnance sont passibles d’outrage au tribunal. Accord de la requête Dans ces circonstances, j’accorde la demande des demandeurs et rends une ordonnance selon les termes de l’Ordonnance jointe à ce jugement. -4- e-Bulletin du droit d’auteur Avril - juin 2006 Frais Une action Norwich Pharmacal n’est pas normalement une procédure contradictoire. Habituellement le demandeur paye les frais de la partie innocente, y compris les frais de divulgation de l’information. Je rendrai une ordonnance selon les termes de l’Ordonnance des frais pour tous les défendeurs. Un petit rappel Les utilisateurs d’Internet, comme tous les individus, doivent respecter la loi. Et la loi protège les droits tant des utilisateurs que des autres, y compris ceux des titulaires de droits d’auteur. La protection de la vie privée n’est jamais et ne peut être utilisée comme un bouclier leur permettant de commettre des fautes civiles en toute impunité. -5-