Le don d`organes au Québec - Journal du Barreau

Transcription

Le don d`organes au Québec - Journal du Barreau
Vol. 41 no 10
Octobre 2009
Le Journal
www.barreau.qc.ca/journal
Poste-publication canadienne : 40013642
Le don d’organes au Québec
État de la situation
Mélanie Beaudoin, avocate
3
5
Encadrement légal, consentement présumé, anonymat des donneurs et
des receveurs, trafic… Comment se porte le don d’organes au Québec ?
Peut-on se comparer à l’étranger ? Que doit-on améliorer ? Que reste-t-il
à faire ? État de la situation vu par le Journal du Barreau.
Me René Dussault, membre du conseil d’administration de QuébecTransplant et auteur de l’article Le don d’organes au Canada :
Loi sur l’équité
l’urgence d’agir 1, explique pour sa part que grâce aux avancées
salariale
technologiques et médicales, la transplantation n’est maintenant
plus considérée comme une opération de dernier recours, mais bien
Prendre le pli
comme une approche thérapeutique efficace, ce qui a pour effet
Si le Québec a connu une année record en 2008, c’est grâce, entre d’entraîner une plus forte demande pour des organes. En outre,
autres, à la générosité des Québécois et aux efforts de sensibilisation l’espérance de vie étant plus grande, de plus en plus de gens
De passage au Québec de Québec-Transplant, affirme le directeur général de
sont également susceptibles d’avoir besoin d’une greffe.
l’organisme, M. Louis Beaulieu, qui précise que le
Enfin, M. Beaulieu ajoute que les ressources dans le système
Me Dora Lucy Arias Québec comptait 19,4 donneurs décédés par
de santé, autant humaines que matérielles, sont
Giraldo appelle à la million d’habitants comparativement à 14,5
insuffisantes pour répondre aux
solidarité
au Canada. Les organes prélevés en cas
besoins qu’entraîne
de décès neurologique ou d'accident
un don d’organes.
cardiovasculaire sont les reins, le foie,
le cœur, les poumons et le pancréas.
L’année 2008 a été un record en termes de donneurs d’organes,
au Québec. Cent cinquante et un donneurs décédés ont permis
à 452 personnes de recevoir une transplantation. S’il s’agit d’une
augmentation de près de 8 % par rapport à l’année précédente, des
améliorations restent à faire. Le mot d’ordre : sensibilisation.
8 à 11
Dossier : Le don
d’organes au Québec
33 Justice
participative
et droit collaboratif
Vers une nouvelle
pratique du droit
Chez les donneurs vivants, le Québec
fait moins bonne figure. Les raisons qui
expliquent la situation selon M. Beaulieu
sont le manque de promotion et les
risques liés à l’intervention invasive
qu’est le don d’organes pour le donneur.
De plus, il n’y a pas de mesures compensatoires pour les pertes de salaires et
les dépenses engagées lors d’un don, comme
en Ontario, par exemple. « On ne parle
évidemment pas de compensation pour la
valeur intrinsèque du rein, ce qui créerait un
risque de commercialisation des organes »,
précise M. Beaulieu, qui soutient qu’il y a
encore trop de gens qui attendent pour une
greffe de rein. La dialyse est certes une
solution de rechange, mais la transplantation
d’un rein représente une économie nette
de 100 000 $ pour la société comparati vement aux coûts de la dialyse, dit-il.
« Un donneur peut donner jusqu’à huit organes.
On comprend aisément que si huit transplantations
doivent être effectuées, ce sont huit blocs
opératoires, huit équipes médicales et huit lits de
soins intensifs qui sont nécessaires… », explique
M. Beaulieu.
Insuffisance : les raisons
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Pour M. Beaulieu, il est clair que l’on
manque d’organes au Québec. Pourtant, des
analyses de donneurs potentiels ont été
effectuées par le Collège des médecins, et il a été démontré
que le volume de donneurs potentiels serait autour de
300 personnes sur l’ensemble de la population du Québec.
Un autre sondage réalisé l’an dernier par Québec-Transplant a
révélé que neuf personnes sur dix seraient favorables au don
d’organes, mais que seulement cinq personnes sur dix auraient
pris des dispositions pour faire connaître leurs volontés.
« D’où l’importance que le plus grand nombre de personnes
possible signifie leur consentement », soutient M. Beaulieu.
// SUITE PAGES 8, 9, 10 ET 11
Le don d’organes au Québec
État de la situation
SUITE DE LA PAGE
1
Améliorer la situation
Pour améliorer la situation, plus de sensibilisation doit
être faite, tant auprès du public en général qu’auprès
des professionnels de la santé. « Nous devons faire
connaître ce qu’est le don d’organes, nous attaquer à
certaines croyances, expliquer comment se passe un
prélèvement d’organes », précise M. Beaulieu, qui croit
qu’on doit également sensibiliser les jeunes des écoles
primaires, secondaires et collégiales, tout comme les
employés des entreprises.
Pour Me Dussault, l’amélioration de la situation passe
par l’organisation du système pour réduire le plus
possible les pertes de donneurs potentiels. Il faut donc
être en mesure d’identifier les situations de mort
cérébrale, faire des démarches systématiquement
auprès des familles grâce à du personnel compétent
pour discuter de la possibilité du don et, finalement,
accroître la formation dans les Facultés de médecine
sur les dons d’organes et la mort cérébrale.
Me Dussault soutient que tant que nous n’aurons pas
accompli cela, il sera inutile d’essayer de faire comme
certains pays européens où le consentement du don
d’organes est présumé à moins d’exprimer
explicitement le non-consentement. En effet, dans
certains pays comme la France, l’Espagne ou la
Belgique, il existe des lois où le consentement est
présumé. Cependant, sur 19 pays européens ayant
adopté une loi de consentement présumé, seuls quatre
pays l’appliquent rigoureusement, la profession
médicale étant mal à l’aise de ne pas recueillir le
consentement des familles, explique M e Dussault.
« Lorsque l’on adopte une loi de consentement
présumé, il est du devoir du gouvernement d’informer
toute la population qu’ils ont le droit de refuser. Il peut
être très difficile de gérer une telle situation, et cela
risque de créer une publicité négative autour du don
d’organes », croit M. Beaulieu. L’adoption du
consentement présumé ne devrait être utilisée, selon
lui, qu’en dernier recours.
Par ailleurs, les statistiques ne démontrent pas que le
seul fait d’adopter une loi de consentement présumé
augmente le nombre de donneurs. « Il n’y a pas un seul
facteur qui améliorera le don d’organes, c’est un
ensemble d’éléments », précise Me Dussault.
Encadrement juridique
Le Code civil du Québec encadre le don d’organes. « Le
CcQ nous place dans une situation un peu particulière,
puisqu’il n’y a pas de pénalité attachée au non-respect
de ses règles, contrairement à une loi pénale. Pour en
assurer le respect, il doit y avoir un débat entre les
parties devant les tribunaux », spécifie M e René
Dussault. Il ajoute que dans les autres provinces et
dans la plupart des pays, ce sont souvent des lois
ordinaires qui régissent la question du don d’organes,
auxquelles des amendes sont attachées.
Louis Beaulieu, directeur général de Québec-Transplant
La Loi sur la santé et les services sociaux s’applique
également. L’article 204 de cette loi commande aux
hôpitaux d’aviser Québec-Transplant lorsque la mort
d’un donneur potentiel est imminente, afin que
l’organisme puisse agir en temps opportun. Quant à la
Loi sur les coroners, elle établit la priorité au coroner
sur le don d’organes lorsque la cause du décès doit être
déterminée.
Il importe de mentionner également que l’article 82 du
Code de déontologie des médecins stipule qu’un
médecin qui doit procéder à une transplantation
d’organes ne peut participer à la confirmation du décès
de la personne sur laquelle les organes seront prélevés.
Cette disposition est essentielle pour la confiance du
public envers le système de don d’organes, croit
Me René Dussault.
Enfin, la Loi facilitant les dons d’organes, proposée
par M. William Cusano, ancien député provincial
libéral et greffé du cœur, a été adoptée en 2006 et,
selon M. Beaulieu et M e Dussault, il y aurait une
volonté politique d’aller de l’avant avec l’entrée en
vigueur de la loi très prochainement. La loi Cusano
permettrait aux gens d’exprimer leur consentement,
leur non-consentement ou leur indécision au sein d’un
registre et de revisiter leur décision aux quatre ans,
lors du renouvellement de leur carte d’assurancemaladie, explique M e Dussault, précisant que la loi
Cusano prévoit que le consentement donné doit être
respecté, conformément au CcQ. « Dans les faits, même
dans les pays où le consentement est présumé, le corps
médical est très hésitant à demander l’avis de la famille
du donneur potentiel. Entre ce qui est prévu dans la loi
et ce qui est vécu, il peut y avoir un écart, l’aspect
humain de la situation étant impossible à évacuer »,
conclut Me Dussault.
1
Administration publique du Canada, volume 50, No 2 (Été 2007),
pp 167-194.
M e René Dussault, membre du conseil d’administration de
Québec-Transplant et auteur de l’article Le don d’organes au
Canada : l’urgence d’agir
Un registre de donneurs
La Société canadienne du sang a inauguré, en
début d’année, un registre des donneurs vivants
jumelés par échange de bénéficiaires. « Prenons
l’exemple de M. X qui veut donner un rein
à Mme Y et de Mme Z qui désire donner un rein
à M. U, mais que ces couples soient
incompatibles. Si l’on met tous ces gens dans
le même registre, on pourrait éventuellement
les apparier : M. X donnant à M. U, alors que
M me Z donne à M me Y », explique M. Louis
Beaulieu, directeur général de QuébecTransplant. Le cercle des donneurs est ainsi
élargi et les dons sont facilités, tout en
s’assurant que la personne à qui le donneur
voulait donner reçoit un organe.
Dites-le !
Deux choix s’offrent aux Québécois pour
signifier leur consentement au don d’organes :
en signant l’endos de leur carte d’assurancemaladie ou par le registre des consentements de
la Chambre des notaires. Que ce soit de l’une
ou l’autre des façons, M e René Dussault
mentionne que le Code civil du Québec exige
que le consentement soit explicite. « Il est
également important de parler de son
consentement à sa famille et à ses proches, ce
qui facilite les choses si un prélèvement doit
être fait », dit-il.
Saviez-vous que…
il y a sept fois plus de chances de devoir
recourir à une transplantation que d’être
donneur d’organes.
un donneur d’organes décédé peut sauver
jusqu’à huit vies.
il n’y a pas d’âge pour donner ses organes.
Le plus vieux donneur de foie au Québec
avait 82 ans.
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Le Journal
Barreau du Québec
À qui appartenait mon cœur ?
Mélanie Beaudoin, avocate
La transplantation a eu lieu. Le receveur recouvre la forme, grâce à l’organe d’un étranger.
Que se passe-t-il lorsque la personne ayant reçu une transplantation désire connaître l’identité
de son généreux bienfaiteur ?
Au Québec, l’anonymat est la règle.
Les informations désignatives, tant
celles du receveur que du donneur,
ne sont pas divulguées, précise
Me Thérèse Leroux, présidente par
intérim du Comité d’éthique de
Québec-Transplant. Toutefois, de
façon systématique, Québec-Transplant
envoie une lettre de remerciement
à la famille du donneur, apportant
des précisions quant aux organes qui
ont été utilisés et le nombre de
personnes aidées. De plus, pour le
receveur, il existe la possibilité
d’écrire une lettre de remerciement
qui sera acheminée par QuébecTransplant à la famille du donneur,
si cette dernière a manifesté le désir
d’avoir un suivi.
« Dans le cadre de notre avis, on a tenté de faire ressortir la valeur fondamentale
qu’est la solidarité, derrière le geste que constitue le don d’organes.
Ce n’est pas nécessaire de savoir de qui il s’agit, puisque ce qui doit nous animer
dans cette situation, c’est le souci d’aider », spécifie Me Leroux. « Le principe de
justice peut évidemment justifier le fait que l’on veuille éviter les dons orientés et
donner une chance égale à tous les receveurs. Il peut aussi justifier que l’on veuille
protéger ceux qui par leur don contribuent au bien commun », ajoute le Comité
d’éthique de Québec-Transplant.
Ailleurs dans le monde
En prenant position, l’organisme a aussi observé la règle établie dans d’autres
juridictions. L’anonymat est la règle dans le reste du Canada. L’Organisation
mondiale de la santé et le Conseil de l’Europe préconisent également l’anonymat.
« La Grande-Bretagne était ouverte à l’idée de donner certaines informations, mais
compte tenu du mouvement européen, j’ai l’impression qu’ils vont devoir revoir
leurs façons de faire pour être au diapason des autres pays », croit Me Leroux.
Par ailleurs, la Suisse vient tout juste d’adopter une législation fédérative en matière
de don d’organes. La législation, qui vise aussi tous les autres aspects du don d’organes,
a consigné la règle de l’anonymat, signale M e Leroux. À part certains États
américains, c’est l’anonymat qui est la règle de base pour toutes les juridictions
consultées par Québec-Transplant. « On ne fait donc pas cavalier seul ! », dit-elle.
Revoir la règle ?
Certaines personnes aimeraient bien
connaître l’identité de leur donneur.
Certains ont même eu recours
aux médias pour tenter d’obtenir
des informations sur le donneur
ou le receveur. C’est ce qui a poussé
Québec-Transplant à demander à son
Comité d’éthique de faire le point sur
sa façon de procéder. « Nous nous
sommes posé plusieurs questions :
y a-t-il des renseignements supplé mentaires que l’on pourrait donner,
jusqu’où peut-on et doit-on aller ? »,
témoigne Me Leroux.
Anonymat et protection de la vie privée
À part les règles concernant le secret professionnel des membres de l’équipe
médicale, Me Leroux mentionne que les seules autres dispositions législatives qui
pourraient s’appliquer en matière d’anonymat sont les règles de protection de la vie
privée. Il faut sans doute ajouter que la confidentialité des renseignements
médicaux est un droit qui est universellement reconnu, le principe s’appliquant
même après le décès.
Me Thérèse Leroux, présidente par intérim du
Comité d’éthique de Québec-Transplant
À la suite de cette réflexion, le Comité d’éthique a préféré recommander
de maintenir la règle de l’anonymat. « Sur le plan psychologique, à la fois
pour la famille du donneur et pour le receveur, on considère que c’est mieux ainsi.
Certains verront peut-être cela comme du paternalisme, mais il ne faudrait pas, par
exemple, que la famille du donneur transpose ses espérances pour le donneur vers
le receveur, pour la seule raison qu’il utilise maintenant l’organe de la personne
aimée », indique M e Leroux. Comme le mentionne le Comité d’éthique
de Québec-Transplant, « les choses sont déjà assez compliquées psychologiquement
dans le don d’organes pour ne pas vouloir en rajouter par des échanges directs. »
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Barreau du Québec
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Le don d’organes au Québec
Trafic d’organes
Voir les limites du droit…
Mélanie Beaudoin, avocate
Le don d’organes. Un geste altruiste, gratuit. Il existe toutefois une face cachée et sombre
de ce don de vie. Le trafic d’organes est en constante mutation, et trouver des solutions
n’est pas une mince affaire.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que de 5 % à 10 % des Silence
transplantations de rein dans le monde résultent d’une commercialisation ou Par ailleurs, la Dre Jacob fait état de la difficulté d’obtenir des informations et de
d’une pratique non éthique. Par exemple, au Pakistan, deux tiers des 2 000 reins dresser un portrait des vendeurs et des receveurs. « D’abord, iI y a une telle honte
transplantés en 2006 auraient été reçus par des étrangers.
reliée à la vente ! Je n’ai jamais entendu un vendeur déclarer ouvertement “je suis
re
La commercialisation, dans les années 1950 et 1960, de la cyclosporine (médicament un vendeur” : ils se disent plutôt “donneurs” ». La D Jacob indique que toute
la
notion
du
don
est
valorisée,
alors
que
la
vente
est
considérée comme étant
re
antirejet), a contribué à l’émergence du trafic, selon la D Marie-Andrée Jacob,
taboue,
criminelle.
Sur
le
marché,
les
courtiers
d’organes
peuvent exiger de 4 000 $
juriste et professeure à l’École de droit et à l’Institut de recherche en droit, politique
re
et justice de Keele University, au Royaume-Uni. « Ce médicament a créé à plus de 80 000 $ pour un rein, souligne la D Jacob. Évidemment, cette somme ne
un élargissement des donneurs potentiels, car la cyclosporine agit sur le système sera pas remise au vendeur, seule une infime partie lui reviendra.
immunitaire pour permettre la transplantation d’organes chez des personnes qui ne La Dre Jacob mentionne que si elle n’a jamais eu connaissance de cas de trafics où
sont pas de la même famille », explique-t-elle.
les personnes sont tuées pour leurs organes, elle a lu des écrits de journalistes et
d’anthropologues, telle Nancy Scheper-Hughes, à cet effet. Toutefois, cette
Situation géographique
hypothèse est généralement présentée comme une rumeur ou une légende urbaine.
re
Pour la D Jacob, le marché change constamment : il est très opaque, informel
« Même si ce n’était pas vrai, il faut prendre au sérieux de telles rumeurs,
et en mouvance, de sorte qu’il est difficile de définir une région géographique plus
parce qu’elles révèlent une anxiété, une crainte auprès d’une certaine population
touchée. « Il y a dix ans, c’était le Brésil, puis l’Inde, il y a cinq ans. Il y a des gens
vulnérable par rapport à leur identité, leur vie et leur intégrité corporelle »,
avec un pouvoir d’achat dans tous les pays, de même qu’il y a des personnes
croit la Dre Jacob.
en situation précaire partout. J’ai vu des Israéliens qui allaient en Roumanie,
des Palestiniens qui allaient en Égypte. On m’a rapporté que des Montréalais vont Déclaration internationale
en Inde. C’est vraiment une question de pouvoir d’achat et non une stricte question Il y a quelques années, l’OMS avait demandé à ses états membres de protéger du
géopolitique », témoigne la Dre Jacob. On a d’ailleurs entendu parler dernièrement tourisme de transplantation et de la vente de leurs organes les personnes les plus
d’un cas de trafic d’organes aux États-Unis : un homme de Brooklyn négociait pauvres et les plus vulnérables. En 2008, plus de 150 représentants provenant du
la vente clandestine de reins achetés à des personnes vulnérables en Israël et monde entier se sont réunis. La Déclaration d’Istanbul contre le trafic d’organes
revendus à des patients américains, alors que le commerce d’organes est interdit et le tourisme de transplantation est donc une réponse à cette demande de l’OMS.
aux États-Unis et passible d’emprisonnement.
Elle émet des principes et pratiques afin de combattre la commercialisation des
Au Québec, la Dre Jacob rappelle une certaine controverse qu’il y a eu en 2005, organes et de protéger les donneurs d’organes. Elle demande aux pays de mettre en
à l’Hôpital Royal-Victoria, de Montréal. Un homme d’origine éthiopienne s’était place des programmes visant à diminuer la pénurie d’organes et à recourir à leur
présenté à l’hôpital pour une transplantation de rein avec son donneur de l’Inde, propre population afin de suppléer aux besoins d’organes.
trouvé sur Internet. L’Hôpital avait refusé de procéder à la greffe pour des raisons Cette déclaration n’est pas la première à se concentrer sur la question du trafic
éthiques, n’ayant pas la certitude qu’il n’y avait pas eu échange d’argent. Le patient d’organes, mais c’est celle qui aura eu le plus de signataires. « Il s’agit toutefois de
a intenté une poursuite contre l’établissement hospitalier, mais Québec-Transplant droit mou, il est donc impossible de faire respecter les principes que la déclaration
lui a trouvé un rein compatible avant que la cause ne soit entendue.
met de l’avant puisqu’il n’y a pas de sanctions prévues pour les contrevenants »,
re
Selon Québec-Transplant, il n’y aurait pas de cas de trafic d’organes au Québec spécifie la D Jacob. Pour la professeure de Keele University, la Déclaration est
intéressante,
notamment en ce qui concerne la notion d’honneur reliée au don
et au Canada. L’organisme est toutefois au fait que certains citoyens canadiens
et québécois se rendent à l’étranger pour recevoir une transplantation. « C’est une d’organes. « L’idée de donner une médaille ou un certificat au donneur est
pratique que nous déconseillons, d’une part parce qu’elle peut être préjudiciable intéressante, en ce qu’elle récompense l’héroïsme et l’altruisme du geste ».
quant à la qualité de l’organe transplanté si tous les tests ne sont pas faits, et d’autre La question du remboursement des dépenses vaut réflexion, également.
part parce que les conditions de légalité et d’exploitation de la personne humaine
peuvent ne pas être respectées », indique M. Louis Beaulieu, directeur général de
Québec-transplant.
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Le Journal
Barreau du Québec
Québec-Transplant est en accord avec la prise de position claire contre le trafic
d’organes et le tourisme de transplantation établie par la Déclaration d’Istanbul,
signale M. Beaulieu. De plus, l’aide et le soutien qui doivent être donnés aux pays
ayant moins les moyens de lutter contre cette situation sont aussi acceptables
pour l’organisme. Le Comité d’éthique de Québec-Transplant se penchera d’ailleurs
plus en détail cet automne sur cette Déclaration, notamment quant à la mise en
place des recommandations dans le contexte juridique québécois.
L’aspect juridique
Chercher des solutions
« Des solutions pour qui ? Avons-nous le sort des vendeurs en tête ou celui
des patients pressés d’en finir avec la dialyse ? », demande la D re Jacob.
Le discours est souvent axé sur la pénurie d’organes, mais rarement sur les
vendeurs, pense-t-elle. L’une des solutions pour enrayer le trafic d’organes, qui n’est
toutefois pas très populaire, est de diminuer le nombre de transplantations, selon
elle. « Les maladies rénales, par exemple, sont reliées au mode de vie et à
l’alimentation. Peut-être que de faire plus de prévention des maladies rénales
réduirait le nombre de patients en attente d’un rein et, de ce fait, l’offre
d’organes sur le marché noir. »
« Plus je fais mes recherches sur le sujet, plus je passe de temps
sur le terrain, plus je constate que de changer les lois ne
serait pas une panacée en matière de trafic d’organes »,
Encadrer le marché pourrait être une autre option à
mentionne la Dre Jacob. Elle pense même que nos lois,
envisager. Toutefois, juge la D re Jacob, de créer un
par la façon dont elles sont articulées et par les
système dirigé n’éliminerait peut-être pas
valeurs qu’elles véhiculent, contribuent à
nécessairement le marché noir. Il permettrait
encourager le trafic. Les concepts de liberté de
néanmoins de s’assurer que le vendeur bénéficie
commerce et de liberté de mouvement,
d’un suivi médical adéquat, ce qui est rarement
qui permettraient aux gens de subir des
le cas dans le contexte du trafic.
Il existe des sites, basés sur le principe des sites de
transplantations dans un autre pays,
Une autre avenue serait de réussir à
sont des exemples de valeurs qui ne peuvent
rencontres, qui font du « troc » d’organes. Ces sites font des
augmenter le nombre d’organes provenant
mettre un frein au trafic d’organes, selon la
« matchs » entre des donneurs et des receveurs. Bien qu’il soit
de donneurs décédés, réduisant ainsi la
Dre Jacob.
indiqué que le commerce est prohibé sur ces sites, il est
demande d’organes. Certains pays réussissent
Elle souligne également l’aspect du
à très bien faire fonctionner ce système,
difficile de savoir ce que les gens font une fois le contact
consentement, qu’elle voit comme la clé qui
notamment l’Espagne. « Ce n’est pas en
établi, selon la D re Marie-Andrée Jacob, juriste et
permet toutes sortes de traitements et
changeant la loi que l’Espagne a réussi, mais en
professeure à l’École de droit et à l’Institut de
d’opérations. « Si l’on pense au Code civil
investissant beaucoup de ressources humaines
recherche en droit, politique et justice de Keele
du Québec, le consentement doit être libre et
et matérielles dans les hôpitaux », explique
éclairé. Qu’est-ce que ça veut dire un consentement
la D re Jacob. Ce sont des pistes de solutions
University, au Royaume-Uni.
libre et éclairé si la personne est dans une situation
médicales, sociales et organisationnelles qui peuvent
économique vraiment précaire ? C’est ce qui se passe avec
toutefois être appuyées par une loi.
les vendeurs d’organes. On veut respecter la liberté, mais est-ce
que ces gens-là font un choix éclairé ? Ont-ils vraiment le choix ?
Les personnes qui vendent un organe ne le font pas pour faire un profit.
Elles le font souvent parce qu’elles sont dans une situation financière très
précaire », se questionne la Dre Jacob. « Je ne vois pas grand-chose dans nos Chartes
qui entrave le trafic d’organes », ajoute-t-elle. Au-delà des lois, c’est dans les
pratiques quotidiennes qu’il faut que les changements s’effectuent, croit la
Dre Jacob. « Avec une approche de terrain, les limites du droit sautent aux yeux !
Et, comme juriste, c’est crucial de s’en rendre compte. »
Un commerce en ligne ?
Attention !
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