Est Républicain 1954 édition de Toul
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Est Républicain 1954 édition de Toul
Est Républicain 1954 édition de Toul Constructeurs de péniche depuis près d’un demi-‐siècle Les frères Jules et Charles Mourlon ne songent pas encore à la retraite … en 1908, Charles et Jules Mourlon quittent leur patron pour s’établir à leur compte et travailler en association. C’est l’époque des péniches en bois. En 1910, les deux frères n’hésitent pas à abandonner cette fabrication pour se tourner vers la construction de péniches métalliques. Ils sentent bien que l’avenir est dans l’acier… Une entreprise familiale En 1920, ils installèrent le bassin actuel dans les pâtis communaux en bordure du canal, où ils ont accès (pour les sorties des péniches) par une porte pratiquée dans la rive. Depuis 1948, l’association des deux frères a été transformée en société à responsabilité limitée, par l’incorporation dans l’entreprise des deux fils de Jules, Maurice et Roger et des deux fils de Charles, Marcel et Robert. C’est maintenant une véritable industrie familiale à la quelle sept ouvriers apportent l’appoint de main d’œuvre nécessaire. Deux catégories de péniches sont mises en chantier : celles qui sont tractées et les automoteurs. Il est curieux de savoir que pour une péniche tractée de 45 tonnes d’acier sont utilisées, tôles laminées et profilées ; 10 tonnes supplémentaires sont nécessaires pour une péniche automoteur. La construction d’une péniche comporte plusieurs stades. Le montage On procède tout d’abord à l’assemblage du fond, sur lequel sont ensuite fixées les bordées ou flancs puis le dessus est mis en place. C’est vite dit, mais il faut, pour construire une péniche automoteur, environ cinq mois. Les tôles qui forment les coques sont rivées ou soudées. Les parties droites sont rivées alors que l’arrière du bateau, par exemple, avec le « tunnel » est soudé. L’appartement De là on accède par une petite porte à la cuisine, pièce conçue dans l’esprit le plus moderne. Série de placards, évier et un emplacement est réservé pour la cuisinière. Bien des ménagères bourgeoises envieraient cette cuisine qui malgré sa surface réduite n’en comporte pas moins les commodités dont rêve la femme au foyer. Il faut remonter au poste de pilotage pour entrer par une autre porte dans la salle à manger : pièce assez spacieuse où dix personnes à table doivent facilement tenir. Deux portes dans la salle à manger donnent accès à deux petites chambres qui comportent un lit et une buanderie qui est souvent transformée en salle de bains. Des chiffres La cale ou ventre de la péniche n’offre pas d’intérêt particulier si ce n’est qu’elle peut recevoir 385 tonnes de frêt au maximum. Ceci dans les canaux larges et profonds. Dans notre région il faut se contenter d’un tirant d’eau de 1m 80 ce qui donne un tonnage de 257 tonnes. La couverture de la cale est assurée par des éléments métalliques en tôle nervurée de 2mm qu’on nomme écoutilles. Disons tout de suite puisque nous sommes dans les chiffres que le fond de la péniche est fait en tôle d’acier de 6mm, les bordées en 5 mm et le pont ou plat-‐bord en 6 mm. La péniche a pour dimension : 35 m 80 de longueur, 5 m 05 de largeur, hauteur tirant d’air 3 m 50, dans le creux soit au milieu du bateau 2 m 60. La propulsion du bateau est assurée par un moteur d’une puissance qui varie entre 80 et 120 chevaux. La visite de la cale arrière où se trouve le moteur est intéressante : le bloc du moteur est impressionnant. De chaque côté se trouvent les réservoirs de carburant, puis aussi un petit compresseur et une pompe. Une installation annexe au moteur permet la production d’électricité nécessaire pour la lumière et les appareils. Une batterie de 24 volts est d’ailleurs là en réserve en cas de panne du moteur ou pendant un arrêt prolongé. A l’avant garde du progrès Un petit moteur Bernard actionne une génératrice qui produit le courant nécessaire à l’installation électrique et à la recharge de la batterie. Tout est prévu pour éviter qu’un jour les « gars de la marine » soient dans « l’embarras ». La dernière technique a conduit à l’étude de la propulsion du bateau à vide, car à ce moment l’hélice ne plonge pas assez dans l’eau et la vitesse est faible. Pour éviter une perte de temps, on remplissait la cale d’une certaine quantité d’eau afin de faire du poids. Le démontage du plancher de la cale était alors indispensable, puis, au moment du chargement, on procédait à l’évacuation de l’eau, on remontait le plancher, etc. Gros travail, perte de temps importante. L’adaptation d’un « tunnel » enveloppant l’hélice supprime toutes ces opérations, puisqu’il permet une navigation normale. En effet, ce tunnel forme un peu turbine, car l’hélice dans sa rotation, aspire l’eau, la projette dans la demi-‐coquille et se trouve donc compétemment immergé ; le but est atteint et la propulsion normale. Les frères Mourlon nous indiquent que grâce à cette technique les mariniers gagnent un temps précieux. L’atelier-‐hangar La visite terminée, nous faisons le tour de l’atelier-‐hangar qui forme en réalité deux ateliers puisqu’on y trouve toutes les machines pour le travail du bois d’une part : dégauchisseuse, mortaiseuse, toupie, etc. et d’autre part, les machines pour le travail du métal : perceuse radiales, cisaille, poinçonneuse, meules, etc. Toutes ces installations et les réalisations qui en découlent sont l’œuvre des frères Mourlon qui, partis de rien, ont réussi, grâce à un travail acharné, à monter une entreprise qui, par la qualité de ses constructions, a acquis une renommée qui dépasse le cadre régional. Sur leur lancée, les fils sauront continuer l’œuvre des anciens. Mais il ne saurait être question de retraite : l’œil vif, quelquefois malicieux, les frères Jules et Charles Mourlon restent solides et seront fidèles au poste de longues années encore. Nous leur souhaitons bien vivement.