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Se prendre au sérieux ? Documents A – Clément Marot, « Petite épître au roi » (écrite en 1519), Œuvres poétiques. B – Victor Hugo, « Bon conseil aux amants », Toute la lyre, 1873. C – Charles Cros, « Le hareng saur », Le Coffret de santal, 1873. D – Max Jacob, « Genre biographique », Le Cornet à dés, 1917. E – Raymond Queneau, L’Art poétique, Œuvres complètes, 1989. m Identifiez pour chacun des poèmes un élément essentiel du comique. Après avoir répondu à cette question, les candidats devront traiter au choix un des trois sujets nos 6, 7 ou 8. Document A 5 10 15 Petite épître au roi En m’ébattant je fais rondeaux1 en rime, Et en rimant bien souvent je m’enrime2 ; Bref, c’est pitié d’entre nous rimailleurs, Car vous trouvez assez de rimes ailleurs, Et quand vous plaît, mieux que moi rimassez, Des biens avez et de la rime assez. Mais moi, à tout ma rime et ma rimaille, Je ne soutiens (dont je suis marri)3 maille4. Or ce, me dit (un jour), quelque rimart : « Viens ça, Marot, trouves-tu en rime art Qui serve aux gens, toi qui as rimassé ? – Oui vraiment (réponds-je) Henry Macé ; Car vois-tu bien, la personne rimante, Qui au jardin de son sens la rime ente5, Si elle n’a des biens en rimoyant, Elle prendra plaisir en rime oyant ; ©HATIER 20 25 Et m’est d’avis que, si je ne rimois6, Mon pauvre corps ne serait nourri mois Ni demi-jour. Car la moindre rimette, C’est le plaisir où faut que mon ris mette. » Si vous supplie qu’à ce jeune rimeur Fassiez avoir un jour par sa rime heur7, Afin qu’on die, en prose ou en rimant : « Ce rimailleur, qui s’allait enrimant, Tant rimassa, rima et rimonna, Qu’il a connu quel bien par rime on a. » Clément Marot, Œuvres poétiques. 1. Poème à forme fixe très apprécié à la fin du Moyen Âge. 2. Je m’enrhume. 3. Malheureux. 4. Je ne soutiens maille = je ne tire pas un sou. 5. Greffe. 6. Rimais. 7. Bonheur. Document B 5 10 15 20 Bon conseil aux amants L’amour fut de tout temps un bien rude Ananké1 ; Si l’on ne veut pas être à la porte flanqué, Dès qu’on aime une belle, on s’observe, on se scrute ; On met le naturel de côté ; bête brute, On se fait ange ; on est le nain Micromégas2 ; Surtout on ne fait point chez elle de dégâts, On se tait, on attend, jamais on ne s’ennuie, On trouve bon le givre, et la bise et la pluie, On doit dire : J’ai chaud ! quand même on est transi. Un coup de dent de trop vous perd. Oyez3 ceci : Un brave ogre des bois, natif de Moscovie, Était fort amoureux d’une fée, et l’envie Qu’il avait d’épouser cette dame s’accrut Au point de rendre fou ce pauvre cœur tout brut. L’ogre, un beau jour d’hiver, peigne sa peau velue, Se présente au palais de la fée, et salue, Et s’annonce à l’huissier comme prince Ogrouski. La fée avait un fils, on ne sait pas de qui. Elle était ce jour-là sortie, et, quant au mioche, Bel enfant blond nourri de crème et de brioche, ©HATIER 25 30 35 Don fait par quelque Ulysse à cette Calypso4, Il était sous la porte et jouait au cerceau. On laissa l’ogre et lui tout seuls dans l’antichambre. Comment passer le temps quand il neige en décembre, Et que l’on n’a personne avec qui dire un mot ? L’ogre se mit alors à croquer le marmot5. C’est très simple ; pourtant c’est aller un peu vite, Même lorsqu’on est ogre et qu’on est Moscovite, Que de gober ainsi les mioches du prochain. Le bâillement d’un ogre est frère de la faim. Quand la dame rentra, plus d’enfant. On s’informe ; La fée avise l’ogre avec sa bouche énorme : – As-tu vu, cria-t-elle, un bel enfant que j’ai ? Le bon ogre naïf lui dit : « Je l’ai mangé. » Or, c’était maladroit. Vous qui cherchez à plaire, Ne mangez pas l’enfant dont vous aimez la mère. Victor Hugo, Toute la lyre, 1873. 1. Destin, fatalité. 2. Personnage d’un conte de Voltaire. 3. Écoutez. 4. Nymphe qui accueillit et aima Ulysse dans l’Odyssée. 5. « Croquer le marmot » est une expression proverbiale qui signifie : attendre longtemps en s’ennuyant. Document C Le hareng saur Il était un grand mur blanc – nu, nu, nu, Contre le mur une échelle – haute, haute, haute, Et, par terre, un hareng saur – sec, sec, sec. 5 Il vient, tenant dans ses mains – sales, sales, sales, Un marteau lourd, un grand clou – pointu, pointu, pointu, Un peloton de ficelle – gros, gros, gros. Alors il monte à l’échelle – haute, haute, haute, Et plante le clou pointu – toc, toc, toc, Tout en haut du grand mur blanc – nu, nu, nu. 10 Il laisse aller le marteau – qui tombe, qui tombe, qui tombe, Attache au clou la ficelle – longue, longue, longue, Et, au bout, le hareng saur – sec, sec, sec. ©HATIER 15 Il redescend de l’échelle – haute, haute, haute, L’emporte avec le marteau – lourd, lourd, lourd, Et puis, il s’en va ailleurs – loin, loin, loin. Et, depuis, le hareng saur – sec, sec, sec, Au bout de cette ficelle – longue, longue, longue, Très lentement se balance – toujours, toujours, toujours. 20 J’ai composé cette histoire – simple, simple, simple, Pour mettre en fureur les gens – graves, graves, graves, Et amuser les enfants – petits, petits, petits. Charles Cros, Le Coffret de santal, 1873. Document D 5 10 Genre biographique Déjà, à l’âge de trois ans, l’auteur de ces lignes était remarquable : il avait fait le portrait de sa concierge en passeboule1, couleur terre-cuite, au moment où celle-ci, les yeux pleins de larmes, plumait un poulet. Le poulet projetait un cou platonique2. Or, ce n’était ce passe-boule, qu’un passe-temps. En somme, il est remarquable qu’il n’ait pas été remarqué : remarquable, mais non regrettable, car s’il avait été remarqué, il ne serait pas devenu remarquable ; il aurait été arrêté dans sa carrière, ce qui eût été regrettable. Il est remarquable qu’il eût été regretté et regrettable qu’il eût été remarqué. Le poulet du passe-boule était une oie. Max Jacob, Le Cornet à dés, 1917. 1. Jeu qui consiste à lancer une boule à travers la bouche ouverte d’une tête en bois. 2. Sans réaction. Document E 5 Ce soir, Si j’écrivais un poème pour la postérité ? fichtre la belle idée ©HATIER je me sens sûr de moi j’y vas et à la postérité j’y dis merde et remerde et reremerde drôlement feintée la postérité qui attendait son poème 10 ah mais Raymond Queneau, L’Art poétique, Œuvres complètes, 1989. LES CLÉS DU SUJET ■ Comprendre la question • Il s’agit de trouver un procédé comique, une source du comique (qu’est-ce qui fait sourire ou rire à la lecture de ces poèmes ?). • D’ordinaire, il est conseillé de procéder par synthèse, c’est-à-dire de répondre en conjuguant les éléments significatifs de tous les poèmes (voir guide méthodologique). Mais la formulation « pour chacun des poèmes » vous indique que vous pouvez traiter les textes l’un après l’autre. • La formule « un élément essentiel » vous indique qu’il y a peut-être plusieurs sources de comique dans chaque texte, mais que vous devez en choisir une, la plus importante (pas de détail accessoire). ■ Chercher des idées • Vous devez récapituler les différents comiques, que vous connaissez (comique de mots, de situation, de caractère…), puis, à partir de cette liste, trouver ce qui fait sourire dans chaque texte. • Ne vous bornez pas à identifier le procédé comique ; donnez des exemples précis tirés de chaque poème. Pour réussir les questions : voir guide méthodologique. Le comique : voir lexique des notions. ©HATIER