Partie 5 Mâchefers d`Incinération d`Ordures Ménagères

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Partie 5 Mâchefers d`Incinération d`Ordures Ménagères
CHAPITRE 5 :
ÉTUDE DE LA BIODÉGRADATION DE LA
MATIÈRE ORGANIQUE DANS LES MIOM
Chapitre 5 : Etude de la biodégradation de la matière organique dans les MIOM
SOMMAIRE
1 Introduction .....................................................................................199
2 Matériels et méthode.......................................................................200
2.1 Contexte et objectifs de cette étude ............................................. 200
2.2 Protocole expérimental ................................................................. 201
2.2.1 Principe .......................................................................................... 201
2.2.2 Dispositif expérimental...................................................................... 202
2.3 Expérimentation ........................................................................... 203
2.3.1 Nature et origine des MIOM testés ...................................................... 203
2.3.2 Nature des expérimentations ............................................................. 204
2.3.3 Mode opératoire............................................................................... 204
3 Résultats et discussion ..................................................................206
3.1 Résultats du test ........................................................................... 206
3.1.1
3.1.2
3.1.3
3.1.4
Suivi du test .................................................................................... 206
Variation de la pression dans les jarres................................................ 206
Quantité d’oxygène consommée ......................................................... 209
Quantité de CO2 piégée dans la soude ................................................. 210
3.1.4.1 Dosage de la soude ............................................................... 210
3.1.4.2 Résultat du dosage ................................................................ 211
3.1.5 Estimation du pourcentage de matière organique consommée ................ 212
3.2 Synthèse ....................................................................................... 213
4 Conclusion.......................................................................................215
197
Chapitre 5 : Etude de la biodégradation de la matière organique dans les MIOM
198
Chapitre 5 : Etude de la biodégradation de la matière organique dans les MIOM
1 Introduction
Les mâchefers contiennent une fraction de matière organique plus ou moins
importante (de 1 à 5%) selon la nature des ordures ménagères et la technologie du
four utilisé. Le carbone organique est principalement présent sur le solide, à
hauteur de 94%, sous forme de lignine et de cellulose (Pavasars, 2001). Quilici
(2001) a analysé après extraction par fluide supercritique et extraction au soxhlet
les espèces organiques solubles (environ 6%) majoritaires et présentent au sein des
mâchefers, celles-ci sont : des paraffines, des acides carboxyliques, des phtalates,
des HAP et des stéroïdes.
La plupart des industriels et des scientifiques (Flehoc & al., 2000) s’entendent
pour affirmer que le CO2 atmosphérique (0,036% dans l’air) suffirait à réaliser la
réaction de carbonatation des MIOM. Cependant, l’hypothèse de libération du CO2
au sein du mâchefer par oxydation des imbrûlés en surface du tas et par
biodégradation aérobie de ces mêmes imbrûlés en profondeur n’est pas à écarter
(Pascual & al, 1994, Dugenest & al 1997). Peu d’études se sont intéressées aux
rôles des micro-organismes dans la maturation des mâchefers. Dugenest (1997)
précise tout de même que le milieu que représente la mâchefer rassemble des
conditions favorables au développement de bactéries : eau, température, matière
organique. La présence de métaux peut même favoriser préférentiellement la
croissance de certaines colonies de bactéries.
Dugenest & al. (1997) ont d’ailleurs montré que l’évolution de la matière
organique au cours des quatre premiers mois de maturation est principalement
régie par des mécanismes biotiques. Ceci a été révélé par un dégagement important
de CO2 au cours d’une maturation artificielle dans une enceinte close. Par la suite,
après analyse de la population bactérienne présente au sein du mâchefer et de la
matière organique résiduelle, ils ont montré que les micro-organismes ne
disposaient plus de substrat organique facilement dégradable et que la matière
organique
n’évoluait
quasiment
plus.
Cependant,
les
résultats
de
ces
expérimentations n’ont jamais été reliés directement à la possibilité de
carbonatation des MIOM à partir du CO2 libéré. Cela constitue le principal objectif
de nos expériences.
Pour déterminer l’origine du CO2 entrant en jeu dans la réaction de carbonatation
et ainsi mieux comprendre les mécanismes de cette réaction, des tests de
respiration ont été réalisés sur des mâchefers.
199
Chapitre 5 : Etude de la biodégradation de la matière organique dans les MIOM
2 Matériels et méthode
2.1
Contexte et objectifs de cette étude
Les résultats obtenus à partir de la maturation expérimentale des MIOM dans le
pilote 2 nous ont amené à nous poser des questions quant au rôle de la matière
organique contenue dans les MIOM sur la carbonatation de ces matériaux.
En effet, dans le chapitre 3 nous avons vu qu’à la fin de l’étude sur les MIOM A et
B, seul 1% de la quantité des mâchefers avait pu se carbonater au vu du volume
d’air ayant traversé les pilotes. De ce fait, nous n’avons pas noté d’évolution
significative des matériaux. Or, sur tas réel, il est souvent observé, au bout de trois
mois, une stabilisation des MIOM avec une baisse significative du pH et une
immobilisation des métaux lourds. Au vu de ces constatations et du volume de
dioxyde de carbone nécessaire pour une carbonatation maximale, nous pouvons
penser que la matière organique présente dans le matériau peut jouer un rôle
prépondérant dans le processus de carbonatation, par la formation de CO2 lors de
sa dégradation.
Pour répondre à cette interrogation, nous avons réalisé un test, inspiré d’une
méthode d’évaluation pour étudier la biodégradabilité de substances organiques
dans les sols et sédiments en conditions aérobies. Ce type de tests est utilisé pour
mesurer l’activité respiratoire aérobie sur échantillons solides disposés dans des
microcosmes d’incubation. Il doit donc pouvoir fournir des informations sur la
biodégradabilité intrinsèque à l’air de la matière organique contenue dans les
échantillons de mâchefers dont le taux d’humidité a été initialement déterminé et à
température constante.
Au travers de cette étude, notre intérêt n’est pas d’ordre biologique. Nous ne
souhaitions
pas
caractériser
les
micro-organismes
responsables
de
la
biodégradation de la matière organique.
Les objectifs se situent à plusieurs niveaux :
) Vérifier qu’il existe effectivement une activité bactérienne permettant la
dégradation de la matière organique
) Quantifier la production de dioxyde de carbone associée à cette
dégradation
) Démontrer que le dioxyde de carbone produit est susceptible de participer
à la carbonatation in situ du MIOM
) Observer le processus dans le cas d’un MIOM déjà carbonaté
) Comparer les processus sur les deux MIOM étudiés en fonction de leur
contexte physico-chimique
) Estimer les paramètres limitant dans le cas d’un scénario réel de
maturation des MIOM (pH, température…)
200
Chapitre 5 : Etude de la biodégradation de la matière organique dans les MIOM
2.2
Protocole expérimental
2.2.1 Principe
Le test est réalisé avec un appareil commercial OxiTop® OC 110.
Dans un récipient étanche (une jarre) est placé un échantillon de MIOM. Si cet
échantillon contient des micro-organismes, ils peuvent utiliser la matière
organique présente dans le MIOM pour leur métabolisme énergétique. Si tel est le
cas, il y aura consommation d’oxygène, d’où le terme de «respiration», et
libération de dioxyde de carbone.
Cet appareil est conçu pour suivre la baisse de pression consécutive à la
consommation d’oxygène en milieu clos.
Si l’on veut attribuer la dépression uniquement à la consommation d’oxygène, il y
a lieu de piéger le CO2 formé (mole à mole). Cela est réalisé par l’introduction
d’une quantité de soude (NaOH) dans le récipient qui permettra sa mise en
solution sous forme de carbonates, selon la réaction :
CO2 (gaz) + 2 NaOH (liq) → Na2CO3 (dissous) + H2O
A pH>9, le carbonate de sodium formé est entièrement soluble.
Il faut s’assurer que la quantité de soude est suffisante pour que la réaction avec le
CO2 soit rapide et complète. Le dosage chimique des carbonates, corrélé aux
consommations d’oxygène permettra de réaliser un bilan matière sur le carbone
organique dégradé.
Lien entre la variation de pression et la variation du nombre de moles de gaz:
(En considérant les gaz présents comme des gaz parfaits)
∆P =
∆n.R.T ∆m.R.T
=
V .MM
V
∆p = variation de pression, ∆n.= variation du nombre de mole, R = constante des
gaz parfaits, T = température en kelvin, V = volume, ∆m = variation de masse,
MM = masse molaire.
201
Chapitre 5 : Etude de la biodégradation de la matière organique dans les MIOM
Equation pour calculer la consommation d’oxygène
Hypothèse: Seul l’oxygène est consommé et tout le dioxyde de carbone formé est
piégé.
mgO2 / kg ( MS ) =
MM (O2 )
Vl
×
× ∆P
R.T
m( MS )
MS : Matière Sèche, MM(O2) : Masse Molaire oxygène, Vl : Volume de gaz
disponible dans le flacon, R : constante des gaz parfaits, T : température en
Kelvin, m(MS) : masse de matière sèche placée dans le flacon, ∆P : variation de
pression en mbar.
nO2 / kg (MS) = mg O2 / kg (MS) / MM (O2)
nO2 / kg (MS): nombre de moles d’oxygène consommé par kg de matière sèche
Volume de gaz disponible :
Vl = Vf – V(NaOH) – V(MS)
Vf: volume du flacon vide en L, V(NaOH) : volume occupé par la soude ainsi que le
récipient qui contient la soude , V(MS) : volume occupé par le MIOM (en tenant
compte de la porosité).
Par conséquent, à partir du dispositif expérimental et des relations ci-dessus, il est
possible d’estimer la consommation d’oxygène et donc la production de dioxyde
de carbone qui doit être identique en nombre de moles.
2.2.2 Dispositif expérimental
Le dispositif est représenté sur la Figure 1.
Une masse d’environ 100g de MIOM humide est placée dans une jarre en verre de
1L. Un bécher de 50 mL contenant de la soude est placé sur une nacelle à
l’intérieur de la jarre pour piéger le dioxyde de carbone produit. Le couvercle est
maintenu par 4 clips. Le manchon en caoutchouc est toujours présent mais
uniquement pour assurer l’étanchéité avec la tête OXITOP.
Les têtes OXITOP enregistrent les variations de pression pendant l’intervalle de
temps désiré. Les têtes OXITOP sont généralement programmées en mesure de
pression car cette fonction permet d’ouvrir les jarres en cours d’expérience pour
éviter que l’oxygène ne devienne limitant et/ou pour renouveler la soude.
202
Chapitre 5 : Etude de la biodégradation de la matière organique dans les MIOM
Les données sont ensuite collectées grâce à un système infrarouge sur l’appareil
OXITOP OC 110 puis transférées sur un fichier Excel.
Tête OXITOP
Clip
Couvercle
Manchon caoutchouc
Bécher contenant
la solution de soude
Nacelle
100 g échantillon
brut humide
Figure 1: Dispositif de maturation du mâchefer
2.3
Expérimentation
2.3.1 Nature et origine des MIOM testés
Le test de respiration a été réalisé sur les MIOM A et B initiaux et carbonatés
artificiellement dans le pilote 2 sous CO2 pur. Les MIOM ont été préalablement
conservés en condition anaérobie dans une chambre froide à 4°C afin de limiter
leur évolution.
Les caractéristiques physico-chimiques des deux matériaux sont détaillées dans le
chapitre 2.
L’hétérogénéité granulométrique des MIOM et leur taux d’humidité naturelle ont
été conservés pour se rapprocher le plus possible des conditions réelles.
203
Chapitre 5 : Etude de la biodégradation de la matière organique dans les MIOM
La teneur en eau et le pH naturels des MIOM A et B sont reportés dans le Tableau
1. Nous rappelons que les teneurs moyennes en carbone organique dans les MIOM
A et B sont respectivement de 1,1% et 1,2%.
Hr
pH
A initial
17,4%
11,3
A carbonaté
16%
9,7
B initial
24%
11,4
B carbonaté
22%
9,3
Tableau 1: Taux d’humidité et pH naturel des MIOM A et B
2.3.2 Nature des expérimentations
Afin de mieux comprendre les mécanismes de carbonatation tout en conservant
l’aspect comparatif, quatre séries d’expériences ont été réalisées, et ce pour les
deux mâchefers (Tableau 2).
La première et la deuxième série correspondent aux MIOM initiaux et carbonatés
artificiellement. Afin d’amplifier les réactions de biodégradation de la matière
organique, et au cas où la matière organique présente dans les matériaux serait peu
ou pas accessible, deux autres séries ont été ajoutées. La troisième et la quatrième
série correspondent également aux MIOM initiaux et carbonatés mais dans
lesquels du glucose a été ajouté en tant que nutriment pour les micro-organismes.
Par ailleurs, le test est également réalisé sur un témoin. Celui-ci est composé d’une
jarre sans échantillon de MIOM mais contenant une solution de soude. La quantité
et la concentration de la soude sont identiques à celles utilisées pour les quatre
séries d’expériences.
Cependant, au cours d’une étape de mise au point des tests, la concentration de
soude nécessaire s’est avérée être différente pour les MIOM initiaux et les MIOM
carbonatés. Par conséquent, deux témoins sont réalisés avec deux concentrations
de soude différentes.
Série 1: MIOM initial
Série 2: MIOM carbonaté
Série 3: MIOM initial + glucose
Série 4: MIOM carbonaté + glucose
MIOM A
A
AC
A + MO
AC + MO
MIOM B
B
BC
B + MO
BC + MO
Tableau 2: Identification des quatre séries d’expérimentation
2.3.3 Mode opératoire
Le test de respiration doit être réalisé dans des conditions proches de la réalité,
c’est-à-dire en milieu aérobie. Par conséquent, il faut toujours un volume d’air
suffisant afin que l’oxygène soit disponible pendant toute la durée du test. Par
204
Chapitre 5 : Etude de la biodégradation de la matière organique dans les MIOM
ailleurs, le contenant du MIOM doit être adapté à l’échantillon afin de s’assurer
d’une diffusion maximale de l’oxygène dans le MIOM.
Les jarres utilisées sont préalablement nettoyées à l’alcool puis à l’eau permutée.
Une masse d’échantillon de 100g de MIOM humide a été choisie. Les 100g sont
introduits dans les jarres. L’épaisseur du lit de MIOM placé dans la jarre est
d’environ 3 cm. Ainsi, on s’assure de la bonne diffusion de l’oxygène à l’intérieur
de l’échantillon.
Pour les séries 3 et 4, 2g de glucose en poudre (C6H12O6, 2H2O) sont ajoutés et
homogénéisés avec le MIOM.
Afin de piéger le CO2 formé, un bécher contenant 30ml de soude est introduit dans
chaque jarre.
Pour les deux séries avec le MIOM initial, la concentration de la soude est de
0,1M et pour celles avec le MIOM carbonaté la concentration de la soude est de
1M.
Les deux jarres témoin (sans MIOM) sont également expérimentées avec dans
l’une, de la soude à 0,1M et dans l’autre de la soude à 1M.
Au total, 12 jarres sont expérimentées : les deux témoins, les séries 1 et 2 sont
tripliquées et les séries 3 et 4 sont dupliquées.
L’ensemble des jarres est placé dans une enceinte thermostatée à 30°C où la
respiration est suivie sur une durée de 3 semaines.
En fin d’expérience, tous les béchers de soude sont récupérés pour analyse de la
quantité de CO2 piégé. La soude est alors titrée par l’acide chlorhydrique par
pHmétrie.
La dépression dans les jarres est suivie quotidiennement afin de s’assurer que la
quantité d’oxygène est toujours suffisante. Si tel n’est pas le cas, les jarres sont
ouvertes afin de renouveler l’air dans l’enceinte.
205
Chapitre 5 : Etude de la biodégradation de la matière organique dans les MIOM
3 Résultats et discussion
3.1
Résultats du test
3.1.1 Suivi du test
Le matériel utilisé permet de suivre la variation de pression (∆P) dans les jarres
qui est directement proportionnelle à la quantité d’oxygène consommé.
La pression initiale dans les jarres est la pression atmosphérique soit 1013 hPa. Par
conséquent, le pourcentage d’oxygène dans l’air étant de 20,9%, la pression
partielle de l’oxygène est de 210 hPa.
Le dioxyde de carbone étant piégé par la soude, la diminution de pression dans la
jarre ne peut être attribuée qu’à la disparition de l’oxygène. De ce fait, si la
pression diminue de 210 hPa, cela signifie qu’il n’y a plus d’oxygène dans la jarre.
Il est alors nécessaire d’ouvrir les jarres afin de renouveler l’air dès que la
diminution de pression se rapproche de cette valeur.
Le nombre de renouvellement d’air dans les jarres en fonction de la série
d’expérience est présenté dans le Tableau 3.
Série
A
AC
A+MO
AC+MO
Nombre d'ouvertures
2
2
3
2
Série
B
BC
B+MO
BC+MO
Nombre d'ouvertures
2
2
4
4
Tableau 3: Nombre de renouvellement de l’air dans les jarres en fonction de la série
d’expérience
3.1.2 Variation de la pression dans les jarres
Les mesures d’abaissement de pression dans les jarres en fonction du temps pour
les 4 séries d’expériences réalisées sont présentées sur la Figure 2 pour le MIOM
A et sur la Figure 3 pour le MIOM B.
206
Chapitre 5 : Etude de la biodégradation de la matière organique dans les MIOM
0
5000
10000
15000
20000
25000
30000
35000
0
-50
A
Variation de pression (hPa)
-100
AC
-150
-200
-250
-300
AC+MO
-350
-400
A+ MO
-450
Temps (min)
Figure 2: Courbes de variation de pression pour le MIOM A
0
5000
10000
15000
20000
25000
30000
35000
0
B
-100
BC
Variation de pression (hPa)
-200
-300
B+MO
-400
-500
-600
BC+MO
-700
-800
Temps (min)
Figure 3: Courbes de variation de pression pour le MIOM B
Les petits décrochements observés sur les courbes peuvent être dus à des
variations de température ponctuelles dans l’enceinte thermostatée lors des relevés
de pression ou lors de l’ouverture des jarres. Nous considérons que ces légères
variations n’ont pas d’incidences majeures sur les résultats.
207
Chapitre 5 : Etude de la biodégradation de la matière organique dans les MIOM
La Figure 4 présente les ∆P maximum atteintes à la fin du test de respiration pour
les quatre séries d’expériences. Les résultats présentés sont les valeurs médianes
des réplicats.
Pour rappel : série 1 : MIOM initiaux, série 2 : MIOM carbonatés, série 3 : MIOM
initiaux + glucose, série 4 : MIOM carbonatés + glucose
MIOM A
0
série 1
série 2
1
2
MIOM B
série 3
3
série 4
4
-100
Variation de pression (hPa)
-200
-300
-400
-500
-600
-700
-800
Nature du MIOM
Figure 4: Variations de pression atteintes à la fin du test pour les MIOM A et B
D’une manière générale, quelque soit la série d’expériences, nous observons une
diminution de la pression dans les jarres. Ces variations de pression montrent qu’il
y a bien une activité biologique au sein du mâchefer puisqu’il y a un abaissement
significatif de la pression, ce qui permet d’affirmer qu’il y a consommation
d’oxygène.
Pour les séries sans ajout de glucose, la diminution de pression semble être plus
marquée pour les MIOM carbonatés artificiellement : -116 hPa contre -75,5 hPa
pour le MIOM A et -79 hPa contre -55 hPa pour le MIOM B. Cet écart peut être
attribué à un effet de pH. En effet, le pH des MIOM initiaux est proche de 11 alors
que celui des MIOM carbonatés est proche de 9,5. Nous pouvons alors penser que
les conditions de pH du MIOM carbonaté sont plus favorables au développement
des micro-organismes, car elles sont plus proches de la neutralité. Nous notons
cependant que l’activité biologique est non négligeable à pH=11.
Pour les séries avec ajout de glucose, le même effet est observé pour le MIOM B
(713 hPa contre 393 hPa). En revanche, pour le MIOM A, nous observons l’effet
208
Chapitre 5 : Etude de la biodégradation de la matière organique dans les MIOM
inverse au bout des 3 semaines de test. Mais si l’on s’attarde sur les courbes
(Figure 2), nous voyons que la pente de la courbe pour AC+MO est quasi
constante tout au long de l’expérience alors que pour A+MO, la pente est très forte
au début du test puis elle diminue jusqu’à être inférieure à celle de AC+MO. Nous
pouvons alors penser que si l’expérience avait continué, le ∆P aurait été supérieure
au ∆P du MIOM initial. C’est par ailleurs, le phénomène que nous avions observé
lors d’un test préliminaire qui nous a permis de mettre au point les conditions
opératoires. Cet effet inverse peut être attribué au fait que les MIOM étaient
conservés en chambre froide. Il se peut que les micro-organismes aient eu un
temps d’acclimatation plus important avant de pouvoir se développer.
Maintenant, si l’on compare les résultats obtenus avec les MIOM seuls et les
MIOM avec ajout de glucose, nous voyons que le fait d’ajouter de la matière
organique augmente considérablement l’activité des micro-organismes et donc la
consommation d’oxygène. Cet effet peut s’expliquer par le fait que la matière
organique biodégradable est accessible plus facilement.
3.1.3 Quantité d’oxygène consommée
Afin de déterminer la quantité d’oxygène consommée, il est nécessaire de
connaître le volume d’O2 contenu dans la jarre. Comme nous l’avons vu dans le
paragraphe 2.2.1, le volume de gaz disponible Vl est déterminé par la relation :
Vl = Vf – V(NaOH) – V(MS)
Dans notre cas, le volume de la jarre vide est Vf = 960 ml.
Nous avons travaillé avec des échantillons de 100g de MIOM humide dont le
volume a été déterminé expérimentalement : V(MS) =53 ml.
Le volume de soude introduit est de 30 ml et le volume du porte bécher est estimé
à 10ml ; donc V(NaOH) est de 40 ml.
Le volume disponible à l’air est donc: Vl = 960 – 53 – 40 = 867 ml, ce qui, dans
les conditions de pression indiquées et à 30°C, correspond à un nombre de moles
d’oxygène de 7,4.10-3.
Le Figure 5 nous renseigne sur les quantités d’oxygène, en volume et en moles,
qui ont été consommées au cours des trois semaines pour les MIOM A et B. Ces
quantités d’oxygène ont été déterminées par corrélation avec les variations de
pression dans les jarres et la pression partielle initiale d’ O2 qui est de 210 hPa.
209
Chapitre 5 : Etude de la biodégradation de la matière organique dans les MIOM
MIOM
∆P (hPa)
A
-75,5
V O2
n O2
consommé
consommé
(ml)
2,9*10-3
65
4,5*10-3
101
MIOM
∆P (hPa)
B
-55
V O2
n O2
consommé
consommé
(ml)
2,1*10-3
48
3,1*10-3
68
AC
-116
BC
-79
A+MO
-397
344
1,5*10-2
B+MO
-297
257
1,1*10-2
AC+MO
-361,5
313
1,4*10-2
BC+MO
-713
618
2,8*10-2
Figure 5:oxygène consommé par les MIOM A et B
Ces données sont nécessaires pour effectuer la comparaison avec les quantités de
CO2 piégé dans la soude. En effet, pour une mole d’oxygène consommée, une
mole de dioxyde de carbone est formée. Par conséquent, nous connaissons la
quantité de CO2 formé. Ceci nous permettra par la suite de préciser si tout le CO2
produit a été piégé par la soude ou s’il a été auto-consommé par le mâchefer.
3.1.4 Quantité de CO2 piégée dans la soude
Au terme des 3 semaines de test, les solutions de soude contenues dans les béchers
sont transvasées dans des flacons clos. Celles-ci sont dosées le jour même afin
d’éviter une nouvelle carbonatation par le CO2 atmosphérique et ainsi éviter de
fausser les résultats.
3.1.4.1
Dosage de la soude
Le dosage acido-basique a été réalisé par pHmétrie. Les solutions de soude de
concentration 0,1 M sont titrées par de l’acide chlorhydrique 0,1M et 0,01M et les
solutions de soude de concentration 1M sont titrées par de l’acide chlorhydrique
1M et 0,1M. Les solutions de soude ont été dosées avec deux concentrations
d’acide différentes afin d’obtenir le maximum de précision près du point
d’équivalence.
La Figure 6 représente une courbe de dosage type.
Lors du dosage par l’acide chlorhydrique, nous avons les réactions suivantes :
OH- + H3O+ Æ 2 H2O
(1)
CO32- + H3O+ Æ HCO3- + H2O
(2)
HCO3 + H3O Æ CO2 aqueux + H2O
(3)
-
+
La première équivalence correspond à la neutralisation des OH- excédentaires et
aux ions carbonates: réactions (1) et (2).
La deuxième équivalence correspond à la neutralisation des ions hydrogénocarbonates: réaction (3).
210
Chapitre 5 : Etude de la biodégradation de la matière organique dans les MIOM
Par conséquent, le volume de HCl qui correspond au dosage de CO2 piégé sous
forme de carbonates est:
V= volume équivalent 2 – volume équivalent 1
Donc, n CO2 dissous = CHCl * V, avec CHCl : concentration de HCl
12
10
pH
8
6
CO32-
4
-
CO2 dissous
HCO3
2
Volume équivalent 1
Volume équivalent 2
0
0
5
10
15
20
25
30
35
40
Volume HCl (ml)
Figure 6: Courbe type de neutralisation de NaOH par HCl
3.1.4.2
Résultat du dosage
L’air est constitué de 0,036% de CO2. Dans les jarres de 1L, le volume d’air
disponible est de 867ml ce qui correspond à un volume de CO2 de 0,31ml soit
1,39.10-5 moles.
Par conséquent, si l’on tient compte du nombre d’ouverture des jarres, qui se
trouve être de 2 ou 4 suivant la série d’expérience réalisée, le nombre de mole de
CO2 atmosphérique piégeable par la soude est compris entre 2,78. 10-5 et 5,57.10-5
moles. Nous tiendrons compte de ces valeurs en tant que termes correctifs.
Le Tableau 4 nous renseigne sur les quantités de CO2 qui ont été piégées dans la
soude (CO2 formé et CO2 atmosphérique). Nous voyons que la quantité de CO2
piégée est bien supérieure à la quantité de CO2 présente dans l’atmosphère dans le
cas des essais avec les MIOM carbonatés, ce qui montre bien qu’il y a eu
production de CO2 à partir de la matière organique présente dans le MIOM ou
ajoutée artificiellement.
Les résultats montrent également que pour les deux MIOM initiaux sans ajout de
nutriment, le nombre de moles de dioxyde de carbone piégé est du même ordre de
grandeur que les quantités de CO2 introduites par l’air. Il est évident que le CO2
211
Chapitre 5 : Etude de la biodégradation de la matière organique dans les MIOM
produit par la dégradation de la matière organique a été fixé sur ces MIOM non
carbonatés.
nCO2 piégé par
NaOH
7,4*10-5
MIOM
A
B
nCO2 piégé par
NaOH
4,3*10-5
BC
1,2*10-2
MIOM
-3
AC
4,4*10
A+MO
2,4*10-4
B+MO
1,1*10-4
AC+MO
1,5*10-2
BC+MO
2,6*10-2
Tableau 4: quantité de CO2 formé et piégé par la soude
3.1.5 Estimation
du
consommée
pourcentage
de
matière
organique
Le Tableau 5 présente le pourcentage de carbone organique consommé dans le
MIOM d’après le rapport entre le CO2 formé et le CO2 libérable par le MIOM.
La quantité de CO2 libérable, pour les séries 1 et 2, est obtenue à partir de la teneur
en carbone organique présente, dans le MIOM sur matériau sec. Pour les séries 3
et 4, il faut également tenir compte des 2g de glucose de formule C6H12O6, 2H2O.
La quantité de CO2 réellement formée est égale à la quantité d’ O2 consommée.
MIOM
n CO2
formé
A
2,9*10-3
-3
n CO2
%nC
libérable par le
consommé
MIOM
7,6*10-2
3,9
-2
7,7*10
5,8
AC
4,5*10
A+MO
1,5*10-2
1,3*10-1
-2
-1
AC+MO
1,4*10
1,3*10
11,7
10,6
n CO2
%nC
libérable par le
consommé
MIOM
7,6*10-2
2,8
-2
7,7*10
4,0
MIOM
n CO2
formé
B
2,1*10-3
BC
3,1*10-3
B+MO
1,1*10-2
1,3*10-1
-2
-1
BC+MO
2,8*10
1,3*10
8,8
20,8
Tableau 5: pourcentage de matière organique consommée
Les résultats montrent qu’une fraction de la matière organique présente dans les
mâchefers est facilement biodégradable en conditions aérobies. En effet, en 3
semaines de test, 3 à 6% du carbone organique total sont dégradés par les microorganismes, pour les MIOM sans ajout de nutriment. En revanche, lors de l’ajout
de glucose, la matière organique consommée peut atteindre 20%. Cela montre que
l’accès à la matière organique contenue dans les MIOM est un facteur limitant
pour le développement des micro-organismes. Nous notons, cependant, que la
consommation en oxygène semble se poursuivre bien au-delà des 21 jours de test
puisque aucun palier n’a été atteint pour les quatre séries d’expérience.
Les résultats montrent également que le taux de matière organique consommé par
les MIOM carbonatés semble être supérieur à celui des MIOM initiaux. Nous
212
Chapitre 5 : Etude de la biodégradation de la matière organique dans les MIOM
pouvons expliquer cela par les conditions de pH des MIOM carbonatés (pH proche
de 9) qui sont plus favorables au développement des bactéries.
Une des conséquences de la carbonatation étant l’abaissement de pH, ce constat
nous amène alors à penser que l’oxydation de la matière organique par les microorganismes devrait s’accélérer au cours de la maturation puisque les conditions de
pH seront plus convenables pour le développement des bactéries.
3.2
Synthèse
La Figure 7 compare la quantité de CO2, calculée à partir de la consommation
d’O2, à la quantité de CO2 mesuré par dosage dans la soude (CO2 piégé moins CO2
atmosphérique).
CO2 mesuré
CO2 calculé
3,2E-02
1,4E-02
2,8E-02
1,2E-02
2,4E-02
Nombre de moles de CO2
Nombre de moles de CO2
CO2 mesuré
1,6E-02
1,0E-02
8,0E-03
6,0E-03
CO2 calculé
2,0E-02
1,6E-02
1,2E-02
8,0E-03
4,0E-03
2,0E-03
4,0E-03
0,0E+00
0,0E+00
A
AC
A+MO
AC+MO
B
BC
B+MO
BC+MO
Figure 7: CO2 calculé / CO2 mesuré
Les «bilans matière» comparatifs ci-dessus permettent une interprétation
relativement évidente.
-
Concernant les MIOM initiaux (A, B, A+MO et B+MO), les résultats sont très
nets. Tout le CO2 produit par la dégradation de la matière organique est consommé
par les mâchefers eux-mêmes. La quantité de dioxyde de carbone piégée par la
soude est infime et correspond quantitativement à celle provenant de l’air introduit
dans les jarres.
-
Pour les MIOM carbonatés (AC, AC+MO et BC+MO), le dioxyde de carbone
formé n’est pas retenu. Il est libéré dans la phase gazeuse, puis entièrement
transformé en carbonates dans la solution de soude. Ces trois expériences
montrent une très bonne cohérence dans les bilans matière : tout le CO2 provenant
de la matière organique se retrouve quantitativement dans la soude.
213
Chapitre 5 : Etude de la biodégradation de la matière organique dans les MIOM
-
Nous n’avons pas d’explication sur le comportement étonnant du MIOM B
carbonaté (BC). Dans ce dernier cas, il y a plus de CO2 dans la soude qu’il n’a pu
s’en former d’après la consommation d’oxygène, ce qui paraît aberrant.
Si l’on rapporte ces résultats à 1 kg de MIOM sec, l’autoproduction de CO2 est la
suivante, en 3 semaines et à 30°C :
MIOM A : environ 0,8L
MIOM B : environ 0,6L
Les écarts observés sur les résultats des deux mâchefers peuvent être attribués au
fait que les MIOM ont des pH et des taux d’humidité différents. Il se peut
également que la matière organique ne se présente pas sous la même forme dans
les deux MIOM et que la nature des micro-organismes puisse différer d’un MIOM
à l’autre. Le but de cette expérience n’étant pas la caractérisation des bactéries ou
de la matière organique, ces deux derniers points ne peuvent être vérifiés.
Maintenant, si l’on regarde les quantités de dioxyde de carbone libérable par les
deux MIOM, nous voyons qu’elles sont de l’ordre de 7,6.10-2 moles pour 100g de
MIOM humide. Par conséquent, 1kg de matériau sec est capable d’auto-produire
environ 20 litres de CO2 à partir de la matière organique résiduelle (environ 1%
dans nos échantillons).
Or, les résultats de carbonatation artificielle dans le pilote 2 ont montré que les
quantités maximales de CO2 que les MIOM pouvaient absorbés étaient de 8L pour
le MIOM A et 18L pour le MIOM B. Ceci montre que ces deux mâchefers
possèdent une quantité de matière organique suffisante pour permettre leur
auto-carbonatation, même en dehors de toute réaction avec le dioxyde de
carbone atmosphérique.
214
Chapitre 5 : Etude de la biodégradation de la matière organique dans les MIOM
4 Conclusion
Les résultats de cette étude de respiration des MIOM permettent de tirer les
conclusions suivantes :
) une activité bactérienne est bien présente au sein du mâchefer, ce qui
permet de dégrader la matière organique avec auto-production et autoconsommation du CO2 en isotherme à 30°C
) l’activité bactérienne permet de consommer environ 3% du carbone
organique présent en trois semaines
) la quantification du dioxyde de carbone piégé dans la soude permet de
montrer que la majeure partie du CO2 produit par le mâchefer participe à
sa carbonatation
) plus il y a de nutriment pour les micro-organismes, plus la production de
CO2 est importante
) la quantité de CO2 obtenue par biodégradation de la matière organique
présente naturellement au sein du mâchefer est largement suffisante pour
carbonaté tout le MIOM (il peut y avoir jusqu’à 3 fois le quantité
nécessaire)
Il n’y a pas de différences majeures entre les deux MIOM étudiés, dans les
conditions de nos expériences. Cela peut paraître normal, dans la mesure où leur
taux de carbone organique est sensiblement identique.
Le paramètre température n’a pas été étudié, mais il serait intéressant d’en suivre
l’influence sur l’activité des micro-organismes et sur leur développement au sein
du mâchefer. Cela permettrait d’évaluer les possibilités d’auto-carbonatation des
MIOM en conditions de stockage réel où la température peut dépasser 70°C
pendant les premiers mois de maturation.
Par ailleurs, le rôle du pH reste à préciser, car même si à des pH très basiques
(>11) l’activité bactérienne est toujours présente, celle-ci peut être amoindrie.
Enfin, il est probable que le taux d’humidité du MIOM et sa granulométrie soient
des facteurs limitants la biodisponibilité de la matière organique résiduelle.
Par conséquent, il semble évident que l’oxydation de la matière organique joue
un rôle majeur dans la carbonatation des MIOM et qu’une partie importante de
la source du CO2 intervenant dans le processus de maturation peut provenir du
CO2 organique généré par le mâchefer.
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Chapitre 5 : Etude de la biodégradation de la matière organique dans les MIOM
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