Perspectives dans l`hôtellerie- restauration
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Perspectives dans l`hôtellerie- restauration
Publications du syndicat Unia, no 4 Perspectives dans l’hôtellerierestauration Objectifs et propositions d’Unia Préface L’hôtellerie-restauration profite depuis 2005 des retombées de la bonne conjoncture économique: nuitées et chiffres d’affaires sont en constante progression. Elle reste toutefois affectée par des problèmes structurels et figure parmi les branches qui offrent les conditions de travail les plus précaires bien que d’importants progrès salariaux aient été réalisés au cours de ce millénaire. Dans cette brochure, Unia se demande pourquoi il en est ainsi. La première partie porte sur le développement économique de la branche et la grande valeur qu’elle représente, notamment pour les régions touristiques de notre pays, sur la structure de la branche et des entreprises, en majorité de petits établissements, et le marché du travail qui sont examinés dans le détail ainsi que sur la politique sectorielle des associations patronales. Cette analyse livre des approches montrant que l’hôtellerie-restauration n’exploite pas une partie de son potentiel pour offrir de bonnes conditions de travail et pour surmonter les problèmes structurels. Dans la deuxième partie consacrée aux perspectives, Unia définit les objectifs pour la branche et formule des propositions sur la manière de s’y prendre pour les atteindre et pour utiliser les potentiels. Dans la branche, tout le monde s’accorde à dire que le personnel est son principal atout. Les propositions d’Unia visent à ce que cet atout soit mis en valeur. Comptant près de 10 000 membres dans l’hôtellerie et la restauration, le syndicat Unia est solidement implanté dans la branche. Il est signataire de la convention collective nationale de travail de l’hôtellerie-restauration et à ce titre, contribue à façonner le développement de la branche, en luttant pour de meilleures conditions de travail. Avec ses quelques 200 000 membres dans différents secteurs économiques, Unia est le plus grand syndicat de Suisse. Disposant d’un large réseau d’environ 90 secrétariats dans toute la Suisse, il est proche des préoccupations du personnel et des établissements de l’hôtellerie-restauration. Andreas Rieger, coprésident Unia Mauro Moretto, responsable Unia de la branche hôtellerie-restauration Impressum Editeur: Syndicat Unia | Rédaction: Mauro Moretto | Mise en page: Simone Rolli | Impression: Unia, Berne | Tirage: 700 Exemplaires | A commander à: Syndicat Unia, Secteur tertiaire, Case postale 272, CH-3000 Berne 15, [email protected], T +41 31 350 21 11 | Berne, Mai 2008 4 Table des matières Bases 6 1. Importance de l’hôtellerie-restauration 6 2. Structure de la branche et de ses établissements 13 3. Marché du travail de l’hôtellerie-restauration 3.1 Nombre d’employé-e-s 3.2 Composition du personnel 3.3 Fluctuation et chômage 3.4 Conditions de travail 21 21 24 32 35 4. Les associations patronales et leurs champs d’activités 44 Les perspectives: objectifs et propositions d’Unia Objectif n° 1: de bonnes places de travail pour 200 000 salariés Revalorisation du travail et augmentation des salaires Prévisibilité des horaires Retraite anticipée, congé maternité et congé parental Sécurité accrue et meilleure protection de la santé au travail Absence de discriminations Renforcement des contrôles et des sanctions Objectif n° 2: un service de qualité pour la clientèle et plus de rendement pour les entreprises Du personnel qualifié Des gérants d’établissements professionnels et compétents Une branche attrayante, pour son personnel comme pour la clientèle Bon rapport entre la qualité, les prix et les salaires Amélioration du rendement et de la rentabilité Objectif n° 3: aides étatiques axées sur le développement durable plutôt que sur le maintien de structures désuètes Dépassement du manque d’innovation et des défauts qualitatifs Aides étatiques axées sur la durabilité Conclusion 54 54 57 61 62 5 Bases 1. Importance de l’hôtellerierestauration L’hôtellerie-restauration compte parmi les branches traditionnelles de l’économie suisse. Elle emploie près de 220 000 personnes, ce qui en fait le sixième pourvoyeur d’emplois du pays. A travers ses liens avec le tourisme, elle participe à l’essor des transports, de la construction et de nombreuses autres branches. Il est vrai que depuis 1970, le pourcentage de personnes occupées dans l’hôtellerie-restauration diminue au profit de la formation, de la culture, de la santé et de l’administration publique. Mais les effectifs ont augmenté en chiffres absolus. La branche offre par ailleurs des débouchés au personnel peu qualifié, aux jeunes et aux personnes débutant dans la vie professionnelle, jouant ainsi un rôle macro-économique de premier plan. Rôle plus important aux Grisons qu’à Zurich L’hôtellerie-restauration est particulièrement développée dans plusieurs cantons. Zurich arrive en tête en nombre d’emplois dans la branche, suivi de Berne et Vaud. Les Grisons sont toutefois le canton où elle pèse le plus lourd (plus de 15% de la population active). L’hôtellerie-restauration est également très importante en Valais, où sa quote-part de l’emploi est quasiment double de la moyenne nationale (6,0%). Sur le plan local, elle est tout aussi développée dans les régions touristiques des cantons de Berne (Oberland) et Vaud (Montreux) – grâce à la contribution de l’hôtellerie. Alors que sur le plan suisse, 2% des personnes actives travaillent dans ce sous-secteur, elles sont plus de 10% à le faire dans les Grisons et 6% en Valais. Par ailleurs, 3,6% des salarié-e-s suisses travaillent dans un restaurant ou un bar, la majorité des cantons se situant dans une fourchette de 3 à 5%. Seul le Valais affiche une quote-part plus élevée (6%). 6 Part à la totalité de l’emploi par canton en 2005 Canton Genève Valais Vaud Berne Fribourg Jura Neuchâtel Soleure Argovie Bâle-Campagne Bâle-Ville Zurich Appenzell Rh.Ext. Appenzell Rh. Int. Glaris Grisons Saint-Gall Schaffhouse Thurgovie Lucerne Nidwald Obwald Schwyz Uri Zoug Tessin Total Emplois dans l’hôt.-restauration 14’791 14’146 (3e) 16’977 (2e) 30’019 5’793 1’404 3’354 5’225 10’618 4’017 7’957 (1er) 38’269 1’130 704 994 14’141 11’086 1’692 4’767 9’498 1’370 1’493 4’094 1’482 2’727 13’053 220’801 Part en% 6.0 (3e) 11.7 5.8 6.3 5.8 4.6 4.2 4.8 4.3 3.5 5.2 5.2 5.7 (2e) 12.8 6.0 (1er) 15.5 4.9 4.8 4.9 5.6 7.8 10.6 7.5 10.7 3.9 8.0 6.0 Source: OFS, Recensement des entreprises de 2005, portrait de branche: hôtellerie et restauration 7 Bases L’hôtellerie-restauration réalise au total un chiffre d’affaires annuel de 22 milliards de francs. De ce montant, 16 milliards proviennent de la restauration et 6 milliards de l’hôtellerie. Les touristes indigènes ou étrangers génèrent quasiment la moitié de ce chiffre d’affaires. En 2006, les touristes étrangers ont même réservé 57% de toutes les nuitées à l’hôtel. Ces chiffres font de l’hôtellerie-restauration une des principales branches exportatrices du pays, avec l’industrie des métaux et des machines, la chimie et l’industrie horlogère. Les frais de personnel se montent à 9 milliards de francs. Dans la restauration, les salaires (y c. celui de l’entrepreneur) avoisinent 45% du chiffre d’affaires. Selon les calculs de l’Office fédéral de la statistique (OFS) et de l’Institut BAK Basel Economics, l’hôtellerie-restauration a généré en 2005, avec une valeur ajoutée brute de 10,6 milliards de francs, 2,3% du produit intérieur brut (PIB) de la Suisse1. Son importance est certes moindre dans les grandes villes que dans les régions touristiques. En revanche, la création de valeur est la plus élevée dans les centres urbains. A partir des années 1990, l’hôtellerie-restauration a davantage stagné que l’économie dans son ensemble. Entre 1994 et 2005, la valeur ajoutée brute n’a évolué positivement dans la branche qu’en 1998, 2000, 2001 et 2005. Valeur ajoutée brute dans l’hôtellerie-restauration et produit intérieur brut, de 1994 à 2005* 6% 4% 2% PIB*** VAB H-R** 0% -2% -4% -6% -8% - 10 % 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 p. 2005 p. Source: OFS, Comptes nationaux; *Variation par rapport à l’année précédente en %, aux prix de l’année précédente; **Valeur ajoutée brute dans l’hôtellerie-restauration; ***Produit intérieur brut aux prix du marché 1 Voir: Kaspar Weber (BAK Basel Economics, expert notamment de la recherche en tourisme), L’hôtellerie et la restauration suisses: une branche en mutation, La Vie économique, 1/2-2007. 8 Ceci explique une diminution de sa part à la création de valeur totale. De multiples raisons concourent à expliquer ce phénomène. Les ménages suisses ont restreint leurs dépenses dans les hôtels et les restaurants alors que le tourisme en provenance de l’étranger a connu une baisse, ce qui a mené à une mauvaise exploitation ainsi qu’à une situation insatisfaisante sur le plan du rendement des entreprises. La contribution de l’hôtellerie-restauration au PIB correspond aux deux cinquièmes de sa quote-part de la population active. Il faut dire que la productivité du travail y est inférieure à la moyenne nationale. L’hôtellerie-restauration, offrant des services aux personnes, est une branche à fort coefficient de main-d’œuvre. Selon BAK Basel Economics, la productivité horaire y est de 27 francs, contre 65 francs dans l’économie en général. Les calculs effectués pour les 20 dernières années indiquent toutefois que d’autres conditions-cadres (p. ex. une bonne politique de branche) auraient permis une évolution plus favorable. Roland Aeppli écrit dans son étude que de 1985 à 1992, la productivité du travail dans l’hôtellerie-restauration avait connu une croissance en pour-cent nettement supérieure à l’économie en général et qu’ensuite, un retournement de tendance s’est produit à partir de 19942. L’évolution de la productivité du travail depuis 1994 n’a été positive que pendant quelques années. De 1994 à 2005, elle a même diminué en moyenne de 1,5% par an, alors qu’elle progressait de 1,2% par an dans l’économie en général. Evolution de la productivité du travail de 1994 à 2005 (Var. par rapport à l’année précédente en%) 6% 4% 2% Ensemble de l’économie Hôtellerierestauration 0% -2% -4% -6% -8% 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 p. 2005 p. Source: OFS, Productivité du travail = Création de valeur brute aux prix de l’année précédente; Equivalents plein temps selon les comptes nationaux 2 Roland Aeppli, Volkswirtschaftliche Analyse der Probleme des Arbeitsmarktes im schweizerischen Gastgewerbe, Studie der Konjunkturforschungsstelle der ETH Zürich im Auftrag des seco, 2001, p. 116 s. 9 Bases L’hôtellerie-restauration suisse a commencé à corriger certaines de ses faiblesses. L’optimisation de ses structures a permis des gains d’efficacité et de productivité. Exemple: alors qu’en 1990 un hôtel comptait en moyenne 40 lits, en 2005 on en était à pratiquement 50. Des établissements de la catégorie de luxe en particulier ont subi une rénovation complète ces dernières années. Mais d’autres types d’hôtels ont profité du fait que les banques se sont de nouveau montrées prêtes à soutenir le financement de projets innovateurs. La branche a regagné de cette façon une partie du terrain perdu. D’autres mesures proposées en 2001 par Roland Aeppli ont été ponctuellement introduites. Ainsi les petits établissements collaborent davantage et veillent à éviter les doublons au niveau de leurs achats, du recrutement ainsi que de l’administration du personnel, du marketing, des systèmes de réservation et de la comptabilité. La Suisse en tête des comparaisons internationales Sur le plan mondial, le tourisme appartient aux branches connaissant le plus rapide essor. Il en résulte des répercussions positives sur l’embauche. Dans l’Europe des 25, l’emploi lié au tourisme a bénéficié de 2000 à 2004 d’un taux de croissance moyen de 2% par an, soit plus du double de l’économie en général3. En Suisse, la tendance était inverse, l’emploi diminuant dans la branche. Selon le rapport d’Eurostat, en 2004 la part de l’emploi dans l’hôtellerie-restauration dans l’ensemble de l’économie était de 3,8%4 en Suisse, soit un peu moins que dans l’UE-25 (4%). La Suisse emploie proportionnellement davantage de personnes dans l’hôtellerie-restauration que ses grands voisins l’Allemagne et la France, mais moins que l’Italie et l’Autriche. L’Espagne, paradis du tourisme, arrive en tête avec une part de l’emploi de 6,7%. Part de l’emploi dans l’hôtellerie-restauration dans l’ensemble de l’économie en 2004 8% 6% 4% 2% 0% UE-25 Suisse All. France Italie Autriche Espagne Source: Eurostat 3 Eurostat, Hausse constante de l’emploi dans le secteur des hôtels et restaurants de l’UE élargie, Statistiques en bref, 32/2005. 4 L’auteur ne s’explique pas comment Eurostat a calculé cette valeur. Le recensement des entreprises 2005 (OFS) indique une quote-part de 6%, et la statistique de l’emploi (OFS) 5,7% pour 2005 et pour 2006. La plus récente statistique de l’emploi affiche même une part de l’emploi de 5,8%, plaçant la Suisse à égalité avec l’Autriche. 10 Depuis les années 1990, la Suisse n’a guère profité de l’essor mondial du tourisme. Les nuitées ont même chuté dans la première moitié des années 1990. Au cours des 25 dernières années, la valeur ajoutée réelle de l’hôtellerie-restauration a diminué en Suisse de 0,5% par an, alors qu’en Europe de l’Ouest elle augmentait de 1,3% par an. Depuis 2005 toutefois, la tendance est à nouveau positive. Dans ces conditions, la Suisse reste une destination de vacances attrayante, tant pour la clientèle des pays traditionnellement touristiques que pour celle des nouveaux marchés que sont la Russie, la Chine et d’autres pays d’Asie. Trois des dix destinations les plus prisées de l’arc alpin sont en Suisse. En outre, les prévisions sont favorables, notamment pour les hôtels 4 ou 5 étoiles. Dans les Alpes autrichiennes, la clientèle d’un hôtel 3 étoiles paie quasiment un tiers en moins qu’en Suisse, les Alpes italiennes étant encore un cinquième meilleur marché que notre pays. C’est ce que montrent les recherches effectuées par BAK Basel Economics. La cherté des services de l’hôtellerie-restauration a certainement pénalisé la Suisse face à la concurrence dans les années de crise. Le coût des prestations préalables et le coût du travail, plus élevés que dans les pays voisins, sont souvent invoqués pour expliquer ce recul. Or quiconque mentionne les coûts élevés du travail comme un handicap doit également prendre en compte les facteurs qui y sont liés, comme les déductions sociales. En effet, les charges sont nettement plus élevées en Allemagne, en France ou en Autriche (près de 42%, contre 31% en Suisse). Une récente enquête du World Economic Forum (WEF) parvient à la conclusion qu’en Suisse, le niveau des prix dans l’hôtellerie-restauration est largement contrebalancé par une série de facteurs très bien notés, comme l’intégration dans les flux touristiques internationaux, les normes de sécurité élevées, les excellents indicateurs en matière de santé et d’hygiène, la législation environnementale axée sur la durabilité, les qualifications du personnel ainsi que les infrastructures routières et ferroviaires.5 Ces facteurs ont été compilés pour former un classement de la compétitivité touristique des divers pays. Ainsi la Suisse se classe en tête des 124 pays comparés. L’indice des prix publié sur le portail de réservation www.hotels.com relativise d’ailleurs le niveau des prix. La Suisse arrive certes en deuxième position, derrière la GrandeBretagne, ex aequo avec le Danemark. Mais le reste de l’Europe s’aligne très rapidement. L’année dernière seulement, les prix ont augmenté de plus de 27% en moyenne en France et en Scandinavie. Avec un prix moyen de 228 francs, une chambre d’hôtel helvétique coûtait encore 17% de plus que la moyenne européenne. Autre signe infaillible de la qualité de la place touristique suisse, les principales chaînes internationales actives dans l’hôtellerie et la restauration ont renforcé leur présence au cours des dernières années. Une comparaison entre pays montre que la productivité horaire dans l’hôtellerie-restauration suisse est nettement moindre qu’en Espagne et en Autriche, mais légèrement meilleure qu’en Allemagne6. 5 Voir: NZZ, 2 mars 2007, p. 29. 6 Données publiées par Kaspar Weber dans La Vie économique. 11 Bases L’hôtellerie-restauration – un prestataire de services aux personnes L’hôtellerie-restauration est un prestataire traditionnel de services aux personnes, qui travaille en contact direct avec sa clientèle. Le dynamisme de la branche du tourisme n’explique qu’en partie l’extension de son champ d’activité et celle du volume de travail à effectuer. Comme toujours plus de femmes sont professionnellement actives et comme en outre la mobilité augmente, un nombre croissant de repas sont consommés à l’extérieur, et donc le chiffre d’affaires de la branche augmente. L’hôtellerie-restauration est en concurrence avec le commerce de détail pour la préparation et la vente des repas que, jusque-là, les femmes servaient à la table familiale, ce qui représentait de longues heures de tâches domestiques non rémunérées. L’acquisition de ces nouvelles parts de marché est réjouissante pour la branche. Or en qualité de prestataire de services aux personnes, l’hôtellerie-restauration présente aussi des facettes moins roses. D’autres prestataires de services aux personnes, comme le personnel soignant, sont dans le même cas: n Financièrement parlant, les services de la branche sont sous-évalués par rapport à d’autres services ou produits. Les consommateurs paient un prix moindre et les personnes fournissant les prestations obtiennent de bas salaires. n En effet, les critères de productivité habituellement utilisés pour mesurer la valeur d’un produit ou d’un travail ne s’appliquent que ponctuellement à l’hôtellerie-restauration. n Une majorité de femmes et de migrant-e-s s’acquittent de ces travaux. Or les comparaisons interprofessionnelles montrent que là où les femmes et les migrant-e-s sont surreprésenté-e-s – comme dans les services aux personnes en général, et dans l’hôtellerierestauration en particulier – les salaires sont nettement plus bas. Cela ne signifie naturellement pas que les femmes et les migrant-e-s fassent un travail de moindre valeur. Il s’agit d’une forme de discrimination qui s’est construite historiquement et qui n’a pu être corrigée jusqu’ici. n Beaucoup de services aux personnes aujourd’hui payés incombaient jadis aux femmes. Il s’agissait tantôt de tâches domestiques non rémunérées, tantôt d’activités caritatives (p. ex. soins aux malades ou éducation des enfants dispensés par les bonnes sœurs). Ces activités étaient par conséquent placées sous le signe du service et du dévouement au prochain, ce qui a encore des répercussions aujourd’hui. Dans cette branche, des employeurs/euses, la clientèle ou des patients traitent ces prestataires de services comme dans pratiquement nulle autre branche ou oserait se le permettre – comme s’ils étaient toujours à leur service et tenus de se plier à la volonté des autres. 12 2. Structure de la branche et de ses établissements L’évolution dans l’hôtellerie-restauration est marquée par des tendances multiples et en partie contradictoires, en Suisse comme ailleurs. La branche est dans une phase de rationalisation et de hausse de la productivité, et obtient avec moins de personnel des résultats – produits et services – toujours meilleurs. Difficultés des établissements du milieu de gamme Les restaurants emploient toujours plus de produits apprêtés industriellement, qui ne demandent qu’une brève préparation avant la consommation finale. La palette des aliments prêts à servir (convenience food) s’étend des produits de base préparés – comme les légumes – aux plats prêts à manger. Les chaînes de restauration rapide (fast food), dont les produits sont standardisés sur le plan international afin d’avoir partout le même goût, sont l’expression la plus frappante de cette évolution. L’antithèse du fast food et du convenience food est le mouvement international du slow food, apparu en Italie en 1989, dont les variantes nationales séduisent des milieux toujours plus larges. Le modèle sous-jacent au slow food prend le contre-pied de l’uniformisation et fait des repas une expérience sociale plaisante. Le slow food est sensible à la diversité des écosystèmes et à leur protection, s’engage pour la préservation et la valorisation des aliments et sauvegarde les traditions gastronomiques régionales. A mi-chemin se situent des expériences gastronomiques diverses, comme la cuisine multiculturelle. Tout en recourant souvent aussi à des aliments prêts à servir, cette dernière prétend offrir aux clients quelque chose de particulier. Dans le cas de l’hôtellerie, les chaînes internationales sont à la pointe de la rationalisation. La standardisation joue partout un rôle central: construction de nouveaux hôtels ou rénovation du parc hôtelier, offre de prestations, processus de travail. D’où une baisse des coûts généraux et des frais de personnel. D’un autre côté, toujours plus d’établissements visent à faire du séjour hôtelier une expérience totale pour leurs hôtes. Tel est notamment le cas du courant wellness, qui incite toujours plus d’établissements à investir dans de coûteux équipements. 13 Bases Qu’impliquent ces développements pour les interactions entre prestataires et consommateurs/trices de prestations de l’hôtellerie-restauration? Thomas Rudolph et Kalle Becker ont fait le point dans leur contribution au Reflet économique de la branche 2006 de Gastrosuisse7. Ils relèvent que dans le domaine de la restauration, les établissements situés dans le segment de prix moyens perdent du terrain depuis plusieurs années. L’affluence diminue faute d’une offre profilée et se distinguant soit par sa créativité, soit par un bon rapport qualité/prix. Cette tendance est renforcée par la polarisation des revenus: «En Suisse comme dans la plupart des pays occidentaux, les revenus disponibles sont répartis de manière très inégale. Les 25% des ménages suisses les plus pauvres disposent de 10% seulement du revenu total, contre 45% pour les 25% les plus riches. En 2005, la part des consommateurs n’ayant ni le temps ni l’argent pour se nourrir différemment – donc à la fois «time poor» et «money poor» a augmenté de 17,7% par rapport à la précédente enquête remontant à 2003. En chiffres absolus, 13,3% des sondés font partie de ce segment, ce qui correspond à 980 000 personnes en extrapolant ce chiffre à la population suisse.» Les offres avantageuses, comme en proposent les stands de vente des grandes enseignes ou les Take Aways, rencontrent un succès croissant. A l’opposé, les établissements traditionnels ne renouvelant pas leur offre font figure de perdants. A l’opposé de cette évolution figure la cuisine fine. Sa clientèle, à la recherche de produits de qualité et sains, apprêtés de manière créative, attache de l’importance à la beauté du décor tout en étant disposée à payer un prix en rapport avec une telle offre. «Dans la gastronomie, le cadre joue un rôle important. Du personnel bien formé et aimable peut également contribuer à la satisfaction de la clientèle et à la constitution d’un noyau de clientèle fidèle.»8 Ou: «Ce qui fait la valeur d’un hôtel n’apparaît pas dans son bilan : le personnel… La qualité des services fournis à la clientèle est tributaire de celle du personnel.»9 Tous les acteurs ou observateurs de la branche s’accordent à dire que le personnel est un facteur-clé de succès pour l’hôtellerie-restauration… 7 Thomas Rudolph und Kalle Becker, Wird der Schweizer Foodmarkt zum Discount-Markt?, in: Branchenspiegel 2006 Gastrosuisse, p. 2 s (trad. libre). Thomas Rudolph est titulaire de la chaire Gottlieb-Duttweiler de commerce international et directeur de l’Institut de marketing et de commerce de l’Université de Saint-Gall. Kalle Becker est collaborateur scientifique du même institut. 8 Source: voir note précédente. 9 De: UBS outlook Hôtellerie, Thèses et pistes de réflexion sur les moyens d’assurer durablement sa rentabilité, Zürich, mai 2007, p. 10. 14 5600 Hôtels 5400 Un établissement pour 250 habitants On recense dans l’hôtellerie-restauration quelque 5200 30 000 établissements, soit un pour 250 habitant-e-s. Selon les relevés de l’Office fédéral 5000 de la statistique, leur nombre total a augmenté de 4% ces quinze dernières années, principalement entre 1995 et 1998. Une appro4800 che différenciée entre, d’une part, les segments restaurants/bars et, d’autre part, les hôtels 4600 indique une évolution contrastée. Si le nombre de restaurants et de bars a continué d’augmenter après 1998, le nombre total d’hôtels4400 est en1995 baisse. Sur le plan suisse, près de 1000 1998 2001 2005 établissements ont fermé leurs portes depuis 1990. Nombre d’établissements de 1995 à 2005 5600 Hôtels 22 000 5400 21 500 5200 21 000 5000 20 500 4800 20 000 4600 19 500 Restaurants et bars 19 000 4400 1995 1998 2001 2005 1995 1998 2001 2005 Source: OFS, Recensement des entreprises Les chiffres publiés annuellement par Creditreform montrent que dans le segment de la resRestaurants etaugmente. bars tauration, le nombre total d’établissements En effet, beaucoup de cantons ont 21 500 supprimé ou libéralisé la clause du besoin, et n’exigent plus l’obtention d’une patente de res21 000 tauration. Les chiffres montrent également l’instabilité de la branche, où les fermetures et 20 les500 faillites sont en hausse constante. Le taux de fluctuation élevé, plus encore que l’augmentation 20 000 du nombre d’établissements, est toutefois la principale raison de l’instabilité de la bran10 che. 19 500Chaque année, une entreprise sur quatre change de direction . 22 000 19 000 1995 1998 2001 2005 10 Reflet économique de la branche 2007 de Gastrosuisse, p. 8. L’Office fédéral de la statistique donne, à première vue, une autre vision du taux de survie enregistré par les entreprises créés entre 2000 et 2004. L’hôtellerie-restauration s’en sort en moyenne plutôt bien: en 2005, 88,3% des nouveaux établissements de l’hôtellerie-restauration ont survécu à la 1ère année (en comparaison avec l’ensemble de l’économie : 81,7% ; indiqué ensuite entre parenthèses) ; 81,4% (71%) la deuxième année ; 76,1% (64,9%) la troisième année ; 73,6% (60,3%) la quatrième année et 59,4% (49,2%) la cinquième année. Mais il faut fortement relativiser ces chiffres, étant donné que les changements de gérance pour un local donné ne sont pas pris en compte, alors que ce facteur contribue largement à l’instabilité de la branche. 15 Bases Prédominance des restaurants et des hôtels La restauration avec service à table et les hôtels représentent 51% et 25% de la branche. Même si ces quotes-parts n’ont guère changé au cours des dernières années, l’hôtellerie-restauration a fait preuve d’un réel dynamisme, dans ses divers segments ainsi que de manière globale. Ainsi dans la restauration avec service à table, la palette des formes d’établissements et des spécialisations est-elle très variée et en constante évolution. Répartition par segment dans la branche autres Catering/Livraison à domicile Fast Food/Take away/Syst. de restauration Tea Rooms/Cafés-Rest. 3% 3% 3% 5% Bars/Boîtes de nuit 25 % Hôtellerie 10 % 51 % Restauration avec service à table Source: Reflet économique de la branche 2006 de Gastrosuisse11 11 Par souci de lisibilité, les chiffres sont repris du Reflet économique de la branche 2006. En effet, l’édition de 2007 présente des chiffres basés sur des comptages multiples des établissements recensés. 16 Les micro-entreprises sont de loin les plus nombreuses L’hôtellerie-restauration est une branche de PME où les micro-entreprises dominent. Quelque 37% des entreprises emploient de 0 à 3 collaborateurs/trices, et près des deux cinquièmes en occupent de 4 à 9. Seul un quart des établissements compte plus de 10 employé-es, et la part des établissements de plus de 50 salarié-e-s tombe à 2%. Répartition selon la taille de l’entreprise > 50 coll. aucun coll. 20–49 coll. 7% 2%5% 10–19 coll. 15 % 32 % 4–9 coll. 1–3 coll. 39 % Source: Reflet économique de la branche 2007 de Gastrosuisse 17 Bases Selon le recensement des entreprises de 2005 publié par l’Office fédéral de la statistique, 46% des employé-e-s de la branche travaillent dans une entreprise comptant au max. 9 équivalents plein temps (EPT), 29% dans une entreprise de 10 à 49 EPT, 15% dans une entreprise de 50 à 249 EPT et 10% dans une entreprise de 250 EPT ou davantage. On voit encore dans le recensement des entreprises de 2005 que l’hôtellerie se distingue, par rapport à 2001, par «une part plus faible de micro-entreprises et la tendance à une taille moyenne plus élevée. C’est l’aboutissement des restructurations et des concentrations réalisées ces dernières années en vue de diminuer les coûts d’exploitation et de main-d’œuvre dans le milieu hôtelier.»12 Le Reflet économique de la branche de Gastrosuisse corrobore cette tendance. Dans son édition de 2006, on peut lire que 40% de toutes les entreprises occupent de zéro à trois personnes. Dans l’édition de 2007, ce chiffre tombe à 37%. Migros et Mc Donald’s en tête Les mêmes noms reviennent depuis des années dans le classement des entreprises réalisant le chiffre d’affaires le plus élevé de l’hôtellerie-restauration helvétique. Migros et Coop, les deux géants du commerce de détail, se taillent la part du lion, avec leurs restaurants self-service et leurs offres à l’emporter (take-away). Leurs parts de marché ont même augmenté ces dernières années, selon la tendance décrite au chapitre précédent. L’enseigne McDonald’s figure au deuxième rang en termes de chiffre d’affaires, mais occupe de loin le plus grand nombre d’employé-e-s dans la branche (6500). Les établissements de restauration collective (restaurants du personnel, etc.) bénéficient d’une place traditionnellement importante. Ils s’étendent toujours plus pour couvrir plusieurs segments de l’hôtellerie-restauration. Ainsi ZFV-Unternehmungen a élargi son activité de base, soit la restauration collective, à l’hôtellerie et à la restauration de luxe. De même, SV Group a mis un pied dans l’hôtellerie en ouvrant en franchise, en automne 2006, un hôtel Marriott à Zurich. Outre des restaurants du personnel, Compass Group gère la marque Caffé Ritazza. Quant à DSR, numéro 3 de la restauration collective de Suisse, son activité se concentre en Suisse romande. Le groupe Mövenpick est actif dans les segments de la gastronomie de marque, de la gastronomie avec service à table et de l’hôtellerie. Après plusieurs années où son chiffre d’affaire a continuellement baissé, le groupe a redressé la barre en 2006. La restauration avec service à table fait exception et continue de causer d’importants soucis au groupe. Parmi les entreprises principalement actives dans la restauration avec service à table, le groupe Bindella, exploitant plusieurs marques (Ristorante Bindella, Santa Lucia, Spaghetti Factory, etc.) occupe une position de leader. Les autres groupes importants, avec en 2006 12 Portrait de branche. Hôtellerie et restauration, Recensement des entreprises 2005, OFS, avril 2007, p. 7 18 un chiffre d’affaires compris entre 30 et 78 millions, sont: Candrian Catering, qui possède la plupart des établissements de la gare de Zurich; Sam’s & Han Holding SA, ayant son siège à Wollerau (marques: Nelson Pub, Sam’s Pizza Land, Han Mongolian Barbecue, etc.); Gastrag à Bâle (marques: Papa Joe’s, Hotel California, Mister Wong, Mr. Pickwick Pub, etc.); Gamag Management SA (13 établissements) et Astoria Betrieb SA (12) à Lucerne; Kramer Gastronomie (15), Fred Tschanz Management SA (12) et FBM Gastro Management SA (10) à Zurich. Ces exemples illustrent la tendance de la branche à regrouper les établissements et/ou les concepts de marque dans le cadre d’un groupe. Parmi les enseignes ayant le plus fort chiffre d’affaires de la branche figurent aussi des chaînes de cafés, à commencer par Caffé Spettacolo de Valora SA et Starbucks Coffee. Il est difficile d’établir un hit-parade des sociétés réalisant le plus fort chiffre d’affaires dans l’hôtellerie. Le groupe français Accor, fort de 34 établissements en Suisse, réalise sans doute un chiffre d’affaires conséquent mais ne publie pas ses résultats pour notre pays. Cette multinationale, qui passe pour être la chaîne ayant la plus forte croissance en Europe, s’apprête à consolider massivement sa position en Suisse également. Outre des hôtels, Accor exploite des casinos et emploie actuellement près de 1000 personnes en Suisse. Les hôtels Best Western, autoproclamés la plus grande organisation hôtelière au monde, ont également une forte présence en Suisse (plus de 60 hôtels 3 ou 4 étoiles). Or ces établissements ne sont pas la propriété du même groupe, leur union ayant essentiellement une finalité de marketing. Le label Swiss Deluxe Hotels, qui réunit 36 hôtels haut de gamme, est une autre alliance à visée commerciale. Par ailleurs, des groupes internationaux connus ont renforcé leur présence en Suisse ces dernières années. Sont particulièrement bien représentées, dans les villes surtout, les chaînes Hilton (6 hôtels), Intercontinental (6), le groupe Rezidor (6 hôtels, notamment sous la marque Radisson SAS), NH (4), Starwood (4 hôtels Sheraton), Swissôtel/Raffles (4 hôtels), Marriott (3 dans l’agglomération zurichoise), Kempinski (3) et Steigenberger (3). Dans le segment de l’hôtellerie de luxe, il convient de citer pour leur chiffre d’affaires Grand Hotels Bad Ragaz et le groupe Victoria Jungfrau (Victoria Jungfrau Grand Hotel, Palace de Lucerne, Eden au Lac à Zurich et désormais aussi le Bellevue Palace à Berne). Ces établissements font également partie de Swiss Deluxe Hotels. Une mention particulière est due à l’entreprise elvetino, active dans la restauration ferroviaire et l’accompagnement des trains de nuit. Elle réalise avec ses 750 employé-e-s un chiffre d’affaires de l’ordre de 70 millions de francs. Elvetino a toutefois un statut à part dans l’hôtellerie-restauration, en faisant partie à 100% des CFF. 19 Bases Classement par chiffre d’affaires réalisé en Suisse en 2006 ou 2005 Entreprise Restauration Migros McDonald’s Suisse Holding SV Suisse Autogrill Suisse Compass Group (Suisse) Groupe Coop Accor Suisse Mövenpick DSR Caffé Spettacolo/Valora SA ZFV Unternehmungen Manor Bindella Grand Hotels Bad Ragaz Candrian Catering AG Principal secteur d’activité Siège Restauration commerciale Zurich Restauration de marque Crissier Restauration collective Dübendorf Restauration de marque Zurich Restauration collective Kloten Restauration commerciale Bâle Hôtellerie Paris Rest. de marque, hôtellerie Adliswil Restauration collective Morges Concepts de cafés Muttenz Restauration coll., hôtellerie Zurich Restauration commerciale Bâle Restauration de marque Zurich Hôtellerie Bad Ragaz Restauration de marque, traiteurZurich Affaires 685 533 383 294 260 238 ? 192 153 150 136 130 100 91 78 Source: Reflet économique de la branche 2007 de Gastrosuisse (notamment) 20 Etabli. 203 144 295 34 293 182 34 40 212 55 100 53 30 36 Employés 3’500 6’500 4’486 2’200 2’200 1’460 env. 1’000 1165 1’174 580 1’500 840 800 665 650 3. Marché du travail de l’hôtellerie-restauration L’hôtellerie-restauration compte pratiquement 30’000 entreprises et emploie près de 220’000 personnes13. La proportion de femmes et de migrant-e-s y est particulièrement élevée et dépasse d’un quart celle de l’ensemble des branches économiques. Plus d’un tiers des employé-e-s travaillent à temps partiel – dans plus de trois quarts des cas il s’agit de femmes. Enfin, 8000 personnes ont un contrat d’apprentissage. 3.1 Nombre d’employé-e-s Le nombre de personnes employées dans l’hôtellerie-restauration a chuté de 8% depuis 1991. Le nombre d’équivalents plein temps, servant à mesurer le volume d’emploi, a connu une baisse plus forte encore, de 13%. Mais le recul de l’emploi a été moindre car le travail à temps partiel a connu une très forte hausse. En effet, sa part au volume total de l’emploi dans l’hôtellerie-restauration est aujourd’hui de 34% (1991: 24%). La baisse d’effectifs a été particulièrement marquée en 2003, où près de 10’000 équivalents plein temps ont disparu. L’évolution de l’emploi s’est toutefois stabilisée depuis 2004. Toutefois les postes à temps partiel ont fortement augmenté aux dépens de ceux à plein temps, si bien qu’au bout du compte les équivalents plein temps ont à nouveau légèrement diminué. En 2007, la situation économique favorable a aussi exercé une influence positive sur l’emploi dans l’hôtellerie-restauration. 13 Dans la statistique de l’emploi de l’OFS, la notion d’emploi se base sur les postes de travail occupés (à partir de six heures hebdomadaires). A ce nombre viennent s’ajouter 25’000 à 30’000 personnes recensées dans la statistique de la population active occupée (OFS), laquelle inclut également les personnes ayant un très faible taux d’activité (dès une heure hebdomadaire). En outre, la statistique de l’emploi n’attribue pas à l’hôtellerierestauration une partie du personnel de la restauration commerciale (classé sous le commerce de détail) ainsi que des cuisines/restaurants des hôpitaux ou d’autres institutions de droit public – près de 10’000 personnes sont concernées. Il s’ensuit qu’en Suisse, plus de 250’000 personnes ont un travail dans l’hôtellerie-restauration. Mais pour faciliter les comparaisons, la présente étude s’appuie sur les données de la statistique de l’emploi, à laquelle se réfèrent la plupart des publications et des chiffres utilisés jusqu’ici. 21 Bases Nombre d’emplois, temps partiels et équivalents plein temps en milliers, 1991 à 2007 250 200 Emplois EPT* Temps partiel 150 100 50 0 91/III Sources: 95/III 99/III 02/III 03/III 04/III 05/III 06/III 07/III OFS, Statistique de l’emploi; *Equivalents plein temps Les femmes forment près de 60% du personnel de l’hôtellerie-restauration. Elles effectuent plus de 50% du volume de travail et sont surreprésentées dans le travail à temps partiel, où elles sont représentées à plus de 80%. Il est vrai que ces dernières années, les hommes ont été proportionnellement toujours plus nombreux à travailler à temps partiel, l’augmentation étant la plus élevée pour les postes à moins de 50%. Par ailleurs, le pourcentage de femmes travaillant dans l’hôtellerie-restauration est spécialement élevé dans les cantons ruraux où, de façon générale, les femmes sont moins nombreuses à exercer une activité lucrative. Part des femmes dans l’emploi en% 90 % 80 % Emplois 70 % Plein temps Temps partiel I* 60 % Temps partiel II** 50 % EPT*** 40 % 1995/III 2007/III Source: OFS, Statistique de l’emploi; *50-89% **< 50%; ***% Equivalents plein temps 22 Tandis que le nombre d’hôtels diminuait, l’emploi baissait dans ce segment (de plus de 10% par rapport à 2001). Ce recul concerne toute la Suisse, les pertes ayant été particulièrement sévères dans les cantons d’Argovie, Zurich, Saint-Gall et Lucerne. Genève fait exception parmi les cantons offrant un pourcentage élevé d’emplois dans l’hôtellerie, en affichant une légère hausse. Emplois dans les restaurants/bars et hôtels, par canton, en 2001 et 2005* Canton Genève Valais Vaud Berne Fribourg Jura Neuchâtel Soleure Argovie Bâle-Campagne Bâle-Ville Zurich Appenzell Rh. Ext. Appenzell Rh. Int. Glaris Grisons Saint-Gall Schaffhouse Thurgovie Lucerne Nidwald Obwald Schwyz Uri Zoug Tessin Total Restaurant et Bars** 2001/III 2005/III 8.8 9.0 7.1 7.1 10.3 10.5 17.2 16.9 3.9 4.0 0.8 0.8 2.5 2.5 4.1 3.7 7.8 7.6 3.3 3.0 4.6 4.5 25.9 25.9 0.8 0.7 0.2 0.3 0.7 0.6 4.5 4.3 7.5 7.0 1.4 1.3 3.3 3.2 5.6 5.5 0.6 0.6 0.6 0.5 2.5 2.5 Hôtels*** 2001/III 4.1 7.2 5.8 11.6 1.6 0.5 0.7 1.3 2.7 0.8 1.6 8.1 0.5 0.5 0.5 10.2 3.7 0.3 1.4 4.4 1.1 1.0 1.7 2005/III 4.2 6.4 5.1 10.7 1.4 0.5 0.7 1.1 2.2 0.7 1.6 7.0 0.4 0.4 0.4 9.1 3.2 0.3 1.4 3.7 0.8 0.9 1.5 0.7 2.0 0.7 1.9 0.7 0.6 0.7 0.5 7.6 134.3 7.5 132.4 5.5 78.1 4.9 69.7 Source: OFS, Recensement des entreprises; *en milliers; **Noga 55.30A + 55.40A; ***Noga 55.11A + 55.12A 23 Bases 3.2 Composition du personnel Beaucoup de jeunes migrant-e-s travaillent dans l’hôtellerie-restauration, dont toujours plus d’allemands. L’hôtellerie-restauration est une branche jeune: 60% de sa main-d’œuvre a moins de 40 ans, contre 51% pour l’ensemble de l’économie. A l’opposé, moins d’un cinquième du personnel est âgé de 50 ans ou plus, contre plus d’un quart pour l’ensemble de l’économie. Structure d’âge dans l’hôtellerie-restauration et dans l’ensemble de l’économie en 2000 Ensemble de l’économie 5% 24% 23% 27% 19% 2% Hôtellerie-restauration 18% 21% 30% 24% 6% 1% 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 15–19 20–29 30–39 40–49 50–64 > 65 100% Source: Recensement fédéral 2000, pourcentage des classes d’âge; L’hôtellerie-restauration est, surtout grâce aux migrant-e-s, une branche jeune: 71% des migrant-e-s qui y sont actifs ont de 20 à 39 ans, 8% seulement ayant 50 ans ou davantage. En comparaison, 63% de tous les migrant-e-s sont âgés de 20 à 39 ans, 12% ayant 50 ans ou plus. Ainsi les migrant-e-s occupés dans l’hôtellerie-restauration sont spécialement jeunes. Dans les groupes d’âge où ils sont particulièrement nombreux, soit les 25 à 39 ans, ils sont proportionnellement surreprésentés par rapport à l’ensemble de l’économie. Dans cette branche en effet, les migrant-e-s se concentrent de manière significative sur les groupes d’âge dominants, où la probabilité est forte de recruter des personnes qui ne travailleront qu’un nombre limité de saisons dans l’hôtellerie. La comparaison établie au sein des employé-e-s de nationalité suisse ne révèle aucune différence entre l’économie dans son ensemble et l’hôtellerie-restauration, en ce qui concerne les groupes d’âge dominants (30 à 44 ans chez les hommes, 35 à 49 ans parmi les femmes). C’est la part plus élevée des suisses âgés de moins de 24 ans travaillant dans l’hôtellerie-restauration qui tire vers le bas la moyenne d’âge par rapport à l’économie dans son ensemble. Le fait que les suissesses soient particulièrement nombreuses dans les groupes d’âge de 35 à 49 ans tient sans doute à ce que beaucoup retravaillent après une pause familiale. C’est sans doute encore plus le cas dans l’hôtellerie-restauration, où le pourcentage de suissesses est moindre que dans l’économie en général en ce qui concerne la tranche de 25 à 34 ans, où intervient généralement la pause due à la maternité. 24 Structure d’âge selon le sexe et l’origine, année 2000 Classes d’âge Hommes Suisses EE HR 5 9 7 10 9 10 12 12 13 13 12 12 11 10 11 10 10 8 5 4 1 1 1 0 100 100 15–19 20–24 25–29 30–34 35–39 40–44 45–49 50–54 55–59 60–64 65–69 70> Total Migrants EE HR 4 3 9 10 12 16 15 20 16 17 13 12 10 8 8 6 6 4 4 2 0 0 0 0 100 100 Femmes Suissesses EE HR 5 8 9 11 10 9 12 11 13 13 13 13 12 12 11 11 9 8 4 3 1 1 1 0 100 100 Migrantes EE HR 5 4 11 14 16 19 18 21 16 17 12 11 9 7 7 5 5 2 2 1 0 0 0 0 100 100 Source: Recensement fédéral 2000, pourcentages EE = ensemble de l’économie, HR = hôtellerie-restauration Ces dernières années, les migrant-e-s ont constamment effectué plus de la moitié du volume total de travail, ce qui constitue une exception dans l’économie suisse. Même dans le cas des ménages privés ou dans l’industrie de la construction, où les migrant-e-s apportent aussi une contribution majeure, le pourcentage est inférieur à 40%. Répartition du volume du travail (en millions d’heures) 500 400 207 236 228 188 182 188 189 198 205 205 208 212 209 2001 2002 2003 2004 2005 300 200 233 184 180 1995 1998 Suisses-ses Migrant-e-s 100 0 1991 Source: OFS Statistique du volume du travail 25 Bases En 2001, la plupart des migrant-e-s employé-e-s dans l’hôtellerie-restauration provenaient du Portugal, d’Italie, de France et d’ex-Yougoslavie. Les femmes étaient majoritaires parmi les migrant-e-s (52%). Elles étaient toutefois minoritaires dans le cas de l’Italie, de la France et de la Turquie, dont près de la moitié des migrant-e-s étaient déjà établi-e-s en Suisse (permis C). Le pourcentage de personnes établies était particulièrement élevé parmi les espagnols (88%), signe que ces dernières années peu d’Espagnols sont venus en Suisse pour y travailler dans l’hôtellerie-restauration. Près de 30% de la main-d’œuvre avait une autorisation de séjour à l’année (B), ce pourcentage relativement élevé s’expliquant par la surreprésentation des ressortissants d’ex-Yougoslavie et de Turquie. Un-e migrant-e sur dix avait un permis saisonnier (A), abrogé entre-temps et remplacé par le statut de résident de courte durée. Le pourcentage de frontaliers/ères provenant de France, d’Allemagne et d’Autriche était relativement élevé, les frontaliers/ères dominant même parmi la main-d’œuvre française. La statistique de l’emploi de l’OFS, qui recense tous les trois mois le nombre de frontaliers/ères, montre que depuis 2001 leur effectif oscille constamment entre 11 000 et 12 000. Le gros des frontaliers/ères travaillent à Genève (de 3000 à 4000), au Tessin (légèrement plus de 2000) et à Bâle-Ville (près de 2000). Provenance des migrants de l’hôtellerie-restauration en 200114 Provenance Portugal Italie France Ex-Yougoslavie Allemagne Espagne Turquie Autriche Autres Total Total Total 18’211 15’064 11’568 11’482 8’274 4’186 3’887 3’560 29’904 15106’136 En% 17 14 11 11 8 4 4 3 28 100 Pourcentage Femmes Hommes 58% 42% 42% 58% 43% 57% 59% 41% 55% 45% 51% 49% 43% 57% 60% 40% 54% 46% 52% 48% Catégorie de séjour en% B C A 14% 63% 23% 7% 62% 9% 12% 24% 10% 41% 59% 0% 23% 31% 26% 6% 88% 5% 40% 59% 0% 19% 45% 19% G 0.24% 22% 54% 0.05% 21% 1% 0.41% 18% 29% 11% 49% 10% Source: ODM Statistique des étrangers 14 Depuis l’entrée en vigueur de la libre circulation des personnes, l’Office fédéral des migrations (ODM) ne tient plus de statistique générale des migrants (résidants et nouvelle main-d’œuvre immigrée) par pays d’origine. La plus récente statistique de ce type remonte à 2001 (avec les derniers permis saisonniers A). L’ODM tient désormais la statistique sur l’immigration (voir tableau suivant). 15 Selon la statistique de l’emploi de l’OFS, l’hôtellerie-restauration offrait au total 231’000 emplois en 2001. Même s’il n’est pas possible de comparer directement les chiffres de l’OFS et ceux de l’ODM, étant donné que les critères pour la collecte des données diffèrent, la statistique de l’emploi fournit un point de comparaison. On peut ainsi considérer que le pourcentage de migrant-e-s dans la branche avoisinait alors 45%. 26 L’hôtellerie occupe proportionnellement plus de migrant-e-s (près de 60%) que la restauration (nettement plus de 40%). Ils/elles sont particulièrement nombreux dans les cantons où le taux de féminisation dans l’hôtellerie-restauration est moins élevé. Le fait qu’en 2001, une part importante des migrant-e-s venant d’Allemagne avaient un permis A ou B ou étaient frontaliers atteste de la forte augmentation de la main-d’œuvre allemande dans l’hôtellerie-restauration. La statistique de l’immigration confirme cette tendance. En 2006, l’Allemagne a dépassé le Portugal comme premier pays d’origine du personnel étranger employé dans la branche. L’Italie, la France et l’Autriche suivent loin derrière. Par ailleurs, toujours moins d’espagnols souhaitent travailler dans l’hôtellerie-restauration suisse. Autre constat, l’ouverture des frontières aux ressortissants d’Europe centrale ou orientale se répercute d’ores et déjà sur l’immigration. La Slovaquie a dépassé l’Espagne comme pays d’origine de la main-d’œuvre. La Hongrie, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, la Belgique et bientôt la Pologne fournissent autant de main-d’œuvre que l’Espagne. Enfin, le quasi verrouillage des frontières suisses aux ressortissants de pays n’appartenant pas à l’UE en quête d’un emploi produit l’effet qui était à craindre. Les statistiques récentes de l’immigration montrent que parmi le personnel récemment embauché dans l’hôtellerie-restauration, les personnes originaires d’ex-Yougoslavie ou de Turquie sont toujours plus rares. La tendance est encore plus marquée pour les ressortissants de pays extra-européens. 27 Bases Immigration et emploi dans l’hôtellerie-restauration en 2006 Allemagne Portugal Italie France Autriche Slovaquie Espagne Hongrie Grande-Bretagne Pays-Bas Belgique Pologne Total UE-27 Europe entière Autres continents Total Pop. résidante permanente de nationalité étrangère16 1941 1664 593 722 267 97 75 37 44 50 32 28 5678 5966 592 6558 Pop. résidante non permanente de nationalité étrangère17 7462 7293 2783 2531 1367 398 231 260 250 231 219 174 23772 23818 322 24410 Total 9403 8957 3376 3253 1634 495 306 297 294 281 251 202 29450 29784 914 30698 Source: Registre central des étrangers RCE 16 Sont comptés dans la population résidante permanente de nationalité étrangère les résidents de courte durée qui travaillent plus de douze mois en Suisse, les personnes séjournant en Suisse ainsi que celles qui y sont établies. 17 Sont comptés dans la population résidante non permanente de nationalité étrangère les résident-e-s de courte durée qui travaillent de 5 à 12 mois en Suisse et celles et ceux qui le font jusqu’à 4 mois. Le tableau n’indique pas les musiciens/ennes et les danseurs/euses, qui ont leur propre statut au sein de la population résidante non permanente de nationalité étrangère. Quiconque appartient à la population non résidante est enregistré chaque année dans cette statistique au moment de son immigration, même s’il/elle a déjà travaillé l’année précédente en Suisse. 28 Une branche attrayante pour les indépendant-e-s Il y a dans l’hôtellerie-restauration un nombre particulièrement élevé d’indépendant-e-s et de collaborateurs/trices membres d’une même famille. En revanche les directeurs, le personnel dirigeant, les cadres moyens ou inférieurs y sont sous-représentés. Quant aux employé-e-s et aux apprenti-e-s, ils/elles se situent dans la moyenne du secteur des services en général. Cette structure reflète la structure de la branche, formée de micro-entreprises. Personnes actives occupées, selon la situation dans la profession, en 2000 Situation dans la profession Services Indépendant-e-s 9,5% Collaborateurs/trices appartenant à la famille de l’employeur/euse 1,8% Directeurs, employés occu¬pant une fonction dirigeante 6,1% Cadres moyens et inférieurs 16,7% Employé-e-s, travailleur-euse-s 56,1% Apprenti-e-s 4,8% Pas d’indication 5,0% Total 100% Hôtellerie-rest. 14,5% 4,0% 2,4% 10,6% 56,4% 4,6% 7,5% 100% Source: Recensement fédéral 2000 Une branche présentant un faible niveau de formation L’hôtellerie-restauration affiche le plus faible niveau moyen de formation de toutes les branches économiques (résultat du recensement fédéral). En effet, 37% des employé-e-s de l’hôtellerie-restauration n’ont effectué aucune formation professionnelle ou n’ont été scolarisés que jusqu’au degré secondaire I, près des deux cinquièmes ayant effectué un apprentissage professionnel. Si l’on y ajoute les salarié-e-s au bénéfice d’un diplôme, d’une maturité ou d’un brevet pédagogique, on voit que la moitié exactement des employé-e-s ont achevé une formation au niveau secondaire II. Seuls 13% ont un titre du niveau secondaire III, dont près de la moitié ont achevé une formation professionnelle supérieure ou universitaire dans le domaine de l’hôtellerie-restauration. La part des titulaires d’une formation professionnelle supérieure ou universitaire est ainsi nettement moins élevée que dans d’autres banches. L’étude d’Aeppli18, qui fait autorité, montre, sur la base des chiffres de l’ESPA 1999, que les femmes et les hommes travaillant dans l’hôtellerie-restauration ne possèdent pas le même bagage. Ainsi, près de la moitié des femmes n’ont aucune qualification au-delà du degré secondaire I, alors que les hommes sont deux fois moins nombreux dans ce cas. 18 Roland Aeppli, Volkswirtschaftliche Analyse der Probleme des Arbeitsmarktes im schweizerischen Gastgewerbe, Studie der Konjunkturforschungsstelle der ETH Zürich im Auftrag des seco, seco Publikation Standortförderung n° 4, juillet 2001. 29 Bases Formation la plus élevée achevée Université HES Ecole supérieure Formation prof. et techn. supérieure 2% 1% 3% 7% Séminaire pédagogique 1% 37% Ecole de maturité Ecole du degré diplôme Apprentissage aucune formation prof. 6% 4% 39% Source: Recensement fédéral 2000 L’apprentissage professionnel est la filière de formation la plus représentée dans l’hôtellerie-restauration. Près de 15% des entreprises forment au total quelque 8000 apprentis. Ce nombre est une extrapolation faite à partir du nombre de certificats de fin d’apprentissage délivrés par année (plus de 3000 toutes ces dernières années), déduction faite des apprentissages interrompus (le taux d’abandon dans l’hôtellerie-restauration, soit près d’un contrat sur trois, étant supérieur à la moyenne). En 2006, la branche a affiché une hausse de 3% du nombre de places d’apprentissage par rapport à l’année précédente. Autre fait réjouissant, le nombre de CFC a augmenté en 2006 (+8%). Plus de la moitié des apprenti-e-s de l’hôtellerie-restauration effectuent une formation de trois ans comme cuisinier/ère. L’année dernière a constitué le pic de la décennie, avec plus de 3800 contrats d’apprentissage (+38% par rapport à 1996). Le paysage de la formation de base a changé en 2005: les nouvelles formations de trois ans de spécialiste en restauration et de spécialiste en hôtellerie ont remplacé les anciennes formations de deux ans de sommelier-ère ou d’assistant-e d’hôtel. Ces formations ont connu au passage une revalorisation. Quant à la formation d’assistant-e en restauration et hôtellerie, elle disparaît. Autre nouveauté, les formations d’employé-e en cuisine, d’employé-e de restauration et d’employée en hôtellerie mènent toutes trois à l’attestation fédérale de formation professionnelle. Ces offres sont adaptées aux jeunes faibles sur le plan scolaire. 30 Nombre de certificats de fin d'apprentissage de 1996 à 2006 4000 44 63 249 3500 88 233 320 483 396 831 813 268 256 307 789 3000 455 917 454 2500 725 Employés en hôtellerie*** 618 2000 Employés en restauration*** 2120 2165 2138 2132 Employés en cuisine*** Assistants** 1882 Spécialistes en hôtellerie* 1711 1500 Spécialistes en restauration* Cuisiniers* 1000 500 0 1996 1998 2000 2002 2004 2006 Source: Hotel & Gastro Formation *Certificat fédéral de capacité (CFC) ** Assistants en restauration et hôtellerie *** Attestation fédérale de formation professionnelle (AFP) Les apprentissages professionnels dans l’hôtellerie-restauration sont dans une large mesure neutres sur le plan du sexe. En effet, ils sont accessibles tant aux femmes qu’aux hommes, comme le montrent les recensements fédéraux de la dernière décennie. Si par tradition davantage d’hommes se forment à la cuisine et davantage de femmes dans le service et l’économie familiale ou l’accueil, la part des femmes est en constante augmentation dans les dernières volées de cuisiniers avec CFC. Beaucoup de personnes s’étant formées dans l’hôtellerie-restauration trouvent dans cette branche un tremplin vers d’autres métiers présentant un profil d’exigences similaire. Inversement, l’hôtellerie-restauration emploie beaucoup de personnes ayant achevé leur formation professionnelle dans une autre filière. Les métiers de cette branche conduisent particulièrement souvent au statut d’indépendant-e, ce qui contribue à leur attrait. Une exploitation spéciale du recensement fédéral19 montre que les hommes de 22 à 24 ans ayant achevé une formation dans les cuisines sont près de 30% par an à changer de profes19 Eidg. Volkszählung 2000, Der Übergang von der Ausbildung in den Beruf, Die Bedeutung von Qualifikation, Generation und Geschlecht, Spezialauswertung von Regula Julia Leemann und Andrea Keck, Neuchâtel 2005. 31 Bases sion, le pourcentage avoisinant 40% chez les femmes. Une partie de ces personnes restent fidèles à leur branche et optent pour le service. Les hommes ayant quitté la branche deviennent le plus souvent vendeurs, employés du commerce de détail, magasiniers ou chauffeurs; quant aux femmes, elles deviennent vendeuses, employées du commerce de détail, de commerce ou de bureau. Les femmes ont été plus nombreuses à suivre la trajectoire inverse: 2000 d’entre elles ayant effectué une formation de fleuriste, couturière, coiffeuse, peintre/tapissière, boulangère, pâtissière ou confiseuse ont notamment opté pour l’hôtellerie-restauration entre 22 et 24 ans. Quant aux hommes, ce sont principalement des représentants de métiers apparentés, comme boulanger, pâtissier ou confiseur qui ont opté pour un emploi dans l’hôtellerie-restauration. Ces mouvements se reflètent aussi dans le nombre élevé de personnes issues d’un autre secteur. Seuls 19% des gérants ont appris le métier, contre 27% du personnel de service et 51% du personnel de cuisine (ESPA 2004). 3.3 Fluctuation et chômage L’hôtellerie-restauration se caractérise par des fluctuations particulièrement élevées. n Près d’un cinquième des employé-e-s travaillent moins de six mois dans la même entreprise, alors que le pourcentage correspondant n’est que de 7% pour l’ensemble de l’économie. n Près de deux cinquièmes passent de six mois à deux ans dans la même entreprise (contre 25% dans l’ensemble de l’économie). n Seuls deux cinquièmes des employé-e-s restent plus de deux ans. Selon les chiffres publiés par GastroSocial20, seul un quart des employés travaille plus de deux ans dans le même établissement. n La durée moyenne d’activité dans la même entreprise est de neuf mois. n Les fluctuations élevées ne se limitent pas au personnel non qualifié, et les changements d’employeur ne se font pas toujours dans la même branche. Un tiers de la relève formée pour la cuisine ou le service quitte la profession en cours d’apprentissage ou peu après avoir obtenu son CFC. Quatre ans après l’apprentissage, un-e cuisinier/ère sur deux a déjà quitté la branche. 20 Principale caisse de compensation et assurance sociale dans l’hôtellerie-restauration, avec plus de 20 000 entreprises affiliées. 32 De mauvaises conditions de travail poussent souvent à changer d’emploi. D’un côté, l’hôtellerie-restauration attire des personnes n’ayant pas encore trouvé leur voie professionnelle ou cherchant à retravailler. De l’autre, les conditions de travail souvent insatisfaisantes et pénibles font que les personnes possédant une solide formation et de l’expérience professionnelle, et donc relativement bien intégrées dans le marché du travail, passent dans d’autres branches. Une étude de Fred Henneberger et Alfonso Souza-Poza, de l’Institut de recherche sur le travail et le droit du travail de l’Université de Saint-Gall, a montré que de toutes les branches, l’hôtellerie-restauration est celle qui compte le plus fort pourcentage de personnes cherchant un autre travail par «insatisfaction de leurs conditions de travail» ou «désir de changement».21 Dans l’hôtellerie-restauration, seul un changement d’emploi sur trois est dû à un licenciement, chiffre bas en comparaison des autres branches. Ces observations ont pu être faites simultanément grâce au taux de fluctuation particulièrement élevé dans l’hôtellerie-restauration – selon Henneberger et Sousa-Poza, il dépasse de près d’un tiers celui de la construction, deuxième branche sur ce plan. L’hôtellerie-restauration est la branche connaissant le plus fort taux de chômage.22 Au cours des quinze dernières années, le chômage y a été en moyenne 2,5 fois plus élevé que pour l’ensemble de l’économie. Comme le montre le graphique ci-dessous, ses courbes de taux de chômage suivent dans une large mesure la courbe du marché du travail en général. Ce résultat n’est guère surprenant, car l’hôtellerie-restauration dépend fortement de la conjoncture générale. Les deux courbes figurant les valeurs mensuelles minimales et maximales montrent le caractère saisonnier marqué de la branche, dans les régions touristiques en particulier. Les minima apparaissent généralement à la période juillet/août, et les maxima de novembre à janvier. Dans l’hôtellerie-restauration, la différence entre le taux minimum et le taux maximum de chômage avoisine en moyenne 3 points. Les divers segments de la branche ne sont pas pareillement exposés au chômage. Le taux de chômage est nettement plus élevé dans le cas des restaurants et des bars que pour l’hôtellerie, la différence étant de l’ordre de 5 points. L’hôtellerie-restauration connaît par ailleurs un socle de chômage particulièrement élevé par rapport au marché du travail. 21 Fred Henneberger, Alfonso Sousa-Poza, Arbeitsplatzstabilität und Arbeitsplatzwechsel in der Schweiz, Berne, 2007, p. 83 s. 22 Le taux serait encore plus élevé si l’on se référait au nombre de demandeur-euse-s d’emploi plutôt qu’aux chômeur-euse-s enregistré-e-s. Les demandeur-euse-s d’emploi comprennent en effet, outre les personnes enregistrées au chômage, les personnes en gain intermédiaire, en programme d’occupation, en reconversion professionnelle ou en formation continue. 33 Bases Taux de chômage de 1991 à 2007 (en%) 18 % 16 % 14 % 12 % 10 % 8% 6% 4% 2% 0% HR max.** HR min.* Toutes les branches 1991 1995 1997 1999 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 Source: SECO, Statistique du marché du travail (chômeurs enregistrés) * Valeur mensuelle minimale **Valeur mensuelle maximale Trois grands facteurs expliquent le taux de chômage élevé de l’hôtellerie-restauration23: n les fortes fluctuations que connaît la branche. Elles tiennent au caractère saisonnier de l’activité, aux nombreux changements de direction, à la dureté des conditions de travail et aux possibilités limitées de mutations internes; n la part élevée des travailleurs/euses n’ayant suivi aucune formation professionnelle, insuffisamment qualifiés et dont les connaissances linguistiques laissent à désirer; n la perméabilité de l’hôtellerie-restauration. La branche offre une occupation à beaucoup de personnes n’ayant ni connaissances spécifiques, ni réelles chances de trouver un emploi ailleurs. Elles perdent davantage leur travail et figurent alors dans les statistiques comme demandeurs/euses d’emploi dans l’hôtellerie-restauration. Près d’un quart des chômeurs/euses de l’hôtellerie-restauration ont moins d’un an d’expérience de la branche. Il s’agit souvent de personnes issues d’autres branches ou ayant peu d’expérience du marché du travail. Les groupes suivants sont particulièrement souvent au chômage parmi le personnel de l’hôtellerie-restauration: n migrant-e-s: à la fin de juin 2004, ils représentaient 61,9% des chômeur-euse-s ayant travaillé en dernier lieu dans l’hôtellerie-restauration24; n personnes de plus de 40 ans: le taux de chômage de ce groupe d’âge est près de trois fois plus élevé dans l’hôtellerie-restauration que dans l’économie en général; n les femmes ont un taux de chômage légèrement plus élevé que les hommes, ce qui est conforme à la situation d’ensemble du marché du travail. 23 Un bon aperçu du problème figure dans l’étude: Arbeitsmarktbeobachtung Ostschweiz, Aargau und Zug (AMOSA), Der Arbeitsmarkt im Gastgewerbe, Zurich, novembre 2005. 24 Office fédéral de la statistique, La population étrangère en Suisse - Edition 2005, Neuchâtel 2005, p. 58. 34 3.4 Conditions de travail Working poor: salarié mais pauvre L’hôtellerie-restauration est traditionnellement une branche à bas salaires. En outre, elle oblige à travailler le soir, la nuit et en fin de semaine, ainsi qu’à effectuer des horaires irréguliers. Pour toutes ces raisons, la branche a eu de très bonne heure une CCT définissant les salaires minimaux et la durée du travail, l’une des premières de Suisse à avoir été déclarée de force obligatoire. En 2003, 17,8% des employé-e-s de l’hôtellerie-restauration devaient être considéré-e-s comme working poors selon les directives de la CSIAS,25 autrement dit, ils/elles étaient pauvres tout en ayant un travail rémunéré. C’est ce que montrent les chiffres de l’Office fédéral de la statistique, basés sur les données de l’enquête sur la population suisse. La situation semble s’être quelque peu améliorée selon les derniers chiffres de l’ESPA, puisqu’en 2005, 10,5% du personnel de la branche se situait en-dessous du seuil de pauvreté. Or cette valeur demeure 2,5 fois plus élevée que le taux général de working poors. De tous les domaines économiques, seuls les services aux personnes font moins bien. Les working poors présentent un risque élevé de dépendance de l’aide sociale, et beaucoup ne parviennent à joindre les deux bouts qu’avec l’aide des services sociaux.26 Les salaires de l’hôtellerie-restauration ont évolué défavorablement par rapport à l’ensemble de l’économie, principalement entre 1974 et 1999, comme le montre l’étude réalisée par Roland Aeppli27. Alors que les salaires affichaient une hausse annuelle moyenne de 0,6% en valeur réelle, dans l’hôtellerie-restauration ils diminuaient de 0,1% par an en valeur réelle. Durant cette période, les salaires ont perdu en pouvoir d’achat presque 18% par rapport à ceux de l’économie privée. Selon l’indice des salaires réels, cette évolution défavorable s’est poursuivie dans les années 2000 et 2001, où la branche a perdu à nouveau à chaque fois 0,6% de son pouvoir d’achat par rapport à l’ensemble de l’économie. 25 Dans les statistiques, le seuil de pauvreté (loyer + prime de base d’assurance-maladie + besoins de base + Fr. 100.– par membre du ménage de seize ans révolus) s’élève à Fr. 2200.– pour les ménages d’une personne, à Fr. 3800.– pour les familles monoparentales avec deux enfants de moins de 16 ans, et à Fr. 4600.– pour les couples avec deux enfants (moyennes nationales). 26 Il n’existe guère jusqu’ici d’exploitations statistiques du nombre de bénéficiaires de l’aide sociale dans la branche de l’hôtellerie-restauration. Une publication du canton de Berne («Quelques résultats issus de la statistique sur l’aide sociale 2004») livre toutefois de précieux indices montrant qu’une partie importante des bénéficiaires de l’aide sociale sont des working poors, travaillant principalement dans des branches comme l’hôtellerie-restauration: «L’hôtellerie, la restauration et le commerce de détail se caractérisent par des salaires bas… En 2004, 28% des bénéficiaires de l’aide sociale dans le canton de Berne avaient un emploi», p. 3. Sans mentionner de chiffres concrets, la Statistique suisse de l’aide sociale (éd.: OFS, mai 2006) souligne également le risque élevé que court le personnel de l’hôtellerie-restauration, a fortiori les migrant-e-s, de dépendre de l’aide sociale. 27 Aeppli se fonde sur l’enquête d’octobre (LOK) sur les salaires et les traitements, qui jusqu’en 1993 a servi de base à la statistique officielle de l’évolution des salaires, et sur les données du service de centralisation des statistiques de l’assurance-accidents (SSAA), qui sert depuis lors de base pour l’indice de l’évolution des salaires. 35 Bases La campagne de l’USS «Pas de salaire au-dessous de 3000 francs», menée au début de ce millénaire et au succès de laquelle la Unia a beaucoup contribué, a porté ses fruits. Les salaires en vigueur dans l’hôtellerie-restauration ont progressé davantage que la moyenne, en 2002 et 2003 notamment, et l’écart s’est atténué. En 2004, le salaire moyen dans l’hôtellerie-restauration, calculé à partir de l’enquête sur la structure des salaires, était de CHF 3825.– brut, soit encore 30,5% de moins que la valeur nationale pour toutes les branches du secteur privé. Lohnrückstand des Gastgewerbes zur Privatwirtschaftet 1998–2006 (in Prozent) Ecart de salaire entre l'hôtellerie-restauration le secteur privé 1998-2006 33% 32% 31% 30% 1998 2000 2002 2004 2006 Source: OFS, Enquêtes sur la structure des salaires 1998 à 2006, salaires médians à tous les niveaux de qualification Depuis 2004, l’évolution salariale a été aussi insatisfaisante que pour l’économie en général. Les salaires minimaux ont progressé de 4,5% dans l’hôtellerie-restauration au cours des quatre dernières années. Selon l’indice des salaires de l’OFS, l’évolution des salaires effectifs a même été négative en 2005/2006. En 2005, les salaires ont stagné en valeur réelle par rapport à 2004 (ensemble de l’économie: -0,2%), avant de baisser en 2006 de 0,8% en valeur réelle par rapport à 2005 (ensemble de l’économie: +0,1%). Les chiffres de l’enquête sur la structure des salaires 2006 montrent également que l’hôtellerie-restauration n’a pas fait de progrès par rapport au reste de l’économie privée, mais qu’elle est même en léger recule. Les exploitations des dernières enquêtes sur la structure des salaires livrent des conclusions intéressantes, qui permettent d’aller plus loin. L’un des principaux résultats de la campagne salariale de l’USS est que le salaire minimum du personnel non qualifié a grimpé de 28,6% en trois ans (de 2001 à 2003). Grâce à cette progression, le salaire minimum se rapproche depuis 2002 des salaires effectivement payés. Alors qu’à la fin des années 1990 la différence entre le salaire minimum et le salaire médian au sens de l’enquête sur la structure des salaires de l’OFS atteignait encore 23,3% pour les activités simples et répétitives, elle n’était plus que de 9,6% en 2002. Ainsi les salaires effectifs ont évolué depuis 2002 au même rythme que le salaire minimum, l’augmentation des salaires minimaux se répercutant directement sur les salaires effectifs. 36 C’est la vigoureuse croissance des années 2001 à 2003 qui a permis aux salaires de l’hôtellerie-restauration de se rapprocher des salaires du secteur privé en général à ce niveau de qualification. Entre 2000 et 2004, la différence des salaires médians a diminué de pratiquement un quart, passant de 23% à 17,8%. En 2006, elle est de nouveau légèrement remontée à 18%. Comparaison entre les salaires effectifs pour des activités simples et répétitives et le salaire minimum de la CCNT pour du travail non qualifié 3600 Fr. 3400 Fr. 3200 Fr. 3000 Fr. 2800 Fr. 2600 Fr. 2400 Fr. 2200 Fr. Salaire médian HR Salaire min. CCNT 1998 2000 2002 2004 2006 Sources: OFS, Enquêtes sur la structure des salaires 1998 à 2006, salaires médians pour des activités simples et répétitives. Convention collective nationale de travail pour les hôtels, restaurants et cafés, salaire minimum pour des travaux non qualifiés (art. 1, ch. 1) Le salaire minimum du personnel qualifié a connu jusqu’en 2003 une augmentation certes substantielle, mais moins forte que pour la main-d’œuvre non qualifiée. Il a progressé de 12,5% entre 2001 et 2003. Là encore, le salaire minimum s’est rapproché des salaires effectifs. La différence avec le salaire médian pour les activités exigeant des connaissances professionnelles spécialisées s’est amenuisée de plus du quart entre 2000 et 2002, passant de 17% à 12,1%. Grâce à cette convergence, les salaires minimaux ont tiré vers le haut les salaires effectifs entre 2002 et 2004. En effet, tant le salaire minimum que le salaire médian ont augmenté de 5%. Autrement dit, le salaire médian des activités exigeant des connaissances professionnelles spécialisées a augmenté plus vite dans l’hôtellerie-restauration que dans le reste du secteur privé (+5% contre +1,4%), si bien qu’en deux ans l’écart salarial s’est réduit de 2,5 points dans cette catégorie, passant de 27,4% à 24,9%. Il est possible que, dès 2002, la nouvelle réglementation de la catégorie de salaire minimum pour les employé-e-s possédant un CFC et nouvellement sept ans (au lieu de 10 ans auparavant) de pratique professionnelle (CFC compris) ait influencé cette évolution, en ce sens que les exigences définies pour le nouveau salaire minimum ont provoqué plus rapidement une hausse directe du salaire effectif de ces personnes. L’effet positif a cependant été de courte durée: vu que la catégorie de salaire minimum nouvellement définie avec 7 ans de pratique professionnelle n’a pas pu s’imposer, les parties signataires de la CCNT se sont mises d’accord pour en revenir à l’exigence de 10 ans de pratique professionnelle et d’introduire en plus une nouvelle catégorie de salaire minimal avec 7 ans de pratique professionnelle à un plus bas niveau de salaire. 37 Bases De manière générale, le salaire médian de l’hôtellerie-restauration a connu, entre 2004 et 2006, un développement négatif pour les activités exigeant des connaissances professionnelles spécialisées. Il est même redescendu en dessous de la valeur de 2004. Comparaison des salaires effectifs pour les activités exigeant des connaissances professionnelles spécialisées et du salaire minimum avec CFC selon la CCNT 4400 Fr. 4200 Fr. 4000 Fr. 3800 Fr. 3600 Fr. 3400 Fr. 3200 Fr. 3000 Fr. Salaire min. CCNT** Salaire médian HR Salaire min. CCNT* 1998 2000 2002 2004 2006 Sources: OFS, Enquêtes sur la structure des salaires 1998 à 2006, salaires médians pour des activités simples et répétitives. Convention collective nationale de travail pour les hôtels, restaurants et cafés, salaire minimum pour les employés *avec un apprentissage ou ** avec formation professionnelle et 10 ans de pratique jusqu’en 2001, resp. 7 ans de pratique professionnelle de 2002 à mi-2005, resp. 10 ans de pratique professionnelle dès mi – 2005. Les écarts salariaux entre femmes et hommes sont moins marqués dans l’hôtellerie-restauration que dans l’ensemble du secteur privé. En 2006, la différence était de 8% dans l’hôtellerie-restauration, soit deux cinquièmes de la valeur affichée par l’économie en général. La raison tient essentiellement à la surreprésentation des femmes et des migrants, qui fait pression sur les salaires – les chercheurs parlent à ce propos de double ségrégation. En effet, de nombreux employés effectuent des activités simples et répétitives. Or dans cette catégorie où l’hôtellerie-restauration emploie surtout des femmes et des migrant-e-s, les écarts salariaux sont étonnamment faibles. En revanche, la différence de salaire est déjà nettement plus importante, à savoir de 7,1% (2006) dans la catégorie d’activités exigeant des connaissances professionnelles spécialisées, où les employé-e-s de nationalité suisse sont surreprésentés. Les femmes travaillant dans l’hôtellerie-restauration ont bénéficié entre 2002 et 2004 d’un rattrapage salarial par rapport à l’économie en général. Le retard salarial a diminué de plus d’un cinquième, passant à 7,7%. 38 Salaires effectifs des femmes et des hommes de 2002 à 2006 Branche Hôtellerie-rest. Année 2002 2004 2006 Economie privée 2002 2004 2006 Activités simples et répétitives femmes hommes Diff. 3302 3333 0,9% 3466 3514 1,4% 3513 3611 2,7% 3820 4557 16,2% 3893 4588 15,1% 4019 4732 15,1% Connaissance prof. spécialisées femmes hommes Diff. 3648 4013 9,1% 3846 4186 8,1% 3833 4127 7,1% 4743 5493 13,7% 4870 5550 12,3% 4952 5608 11,7% Source: OFS, Enquêtes sur la structure des salaires 2002 et 2006 Les écarts salariaux entre femmes et hommes se creusent fortement dans l’hôtellerierestauration, en fonction du niveau de qualification. Dans le cas des «activités simples et répétitives», la différence n’est que de 2,7%, donc spécialement faible par rapport à d’autres branches. En revanche, elle est de 7,1% dans le cas des activités exigeant des «connaissances professionnelles spécialisées». Elle grimpe même à 12,9% dans la catégorie des «travaux les plus exigeants et tâches les plus difficiles». La région où les salaires effectifs sont le plus bas est le Tessin, Zurich offrant les meilleurs salaires. La comparaison des salaires médians révèle selon la catégorie de fonctions un écart salarial maximal de 10 à 14%. Mais comme une région («Valais – lac Léman») comprend des cantons aussi différents d’un point de vue socio-économique que le Valais, rural et touristique, et le canton-ville de Genève, les valeurs calculées pour le salaire médian n’ont qu’une portée limitée. Il est permis de supposer que les salaires genevois se rapprochent de ceux de Zurich. Salaires effectifs en place dans les grandes régions en 2006 Niveau national Tessin Suisse orientale Suisse centrale Valais/ Lac Léman Espace Mittelland Nord-Ouest Zurich Tous Fr. 3902 Fr. 3569 Fr. 3733 Act. simples et répétit. Fr. 3560 Fr. 3294 Fr. 3456 Prof. spécialisées Fr. 3972 Fr. 3710 Fr. 3756 Fr. 3850 Fr. 3850 Fr. 3498 Fr. 3500 Fr. 3888 Fr. 4098 Fr. 3921 Fr. 3987 Fr. 4123 Fr. 3593 Fr. 3683 Fr. 3817 Fr. 3910 Fr. 3977 Fr. 4127 Source: OFS, Enquête sur la structure des salaires 2006 39 Bases Travail dans l’hôtellerie-restauration: horaires irréguliers et peu commodes Les horaires de travail – travail du soir, de nuit ou de fin de semaine, irrégulier ou cumul de longues journées – représentent un autre fardeau important et connu depuis longtemps pour le personnel de l’hôtellerie-restauration. Cette branche est l’une des rares à n’accorder aucune majoration, en dehors du modique supplément de temps de 10% imposé par la loi en cas de travail de nuit ou en fin de semaine. Alors que selon les relevés de l’ESPA concernant l’ensemble de l’économie, près de deux tiers des personnes occupées travaillent seulement du lundi au vendredi et trois quarts d’entre elles uniquement pendant la journée, cette proportion tombe à un quart et un tiers dans l’hôtellerie-restauration. Il n’est donc guère surprenant que les employés justifient fréquemment leur démission par les bas salaires ou par le travail de nuit. Selon la statistique de l’OFS sur la durée de travail habituelle dans les entreprises, en 2006 le personnel de la branche a travaillé à peu près une demi-heure de plus que celui de l’économie dans son ensemble, soit 42,1 au lieu de 41,7 heures. En 1998 la différence était encore d’une heure (42,9 au lieu de 41,9 heures). Or ces chiffres sont tout relatifs, car il est fréquent que des entreprises n’enregistrent pas (correctement) la durée du travail, si bien que de nombreuses heures supplémentaires sont perdues pour les employée-s et ne figurent dans aucune statistique. La précarité des conditions de travail dans l’hôtellerie-restauration est aussi due au travail sur appel. Sont notamment concernés les employé-e-s exerçant leur activité principale dans la branche, mais pas de ceux qui, en tant qu’auxiliaires, n’exercent leur activité qu’à titre accessoire. Le travail sur appel ne concerne donc pas que les auxiliaires, comme le prétendent souvent les employeurs. En 2004, une équipe de chercheurs de l’Institut du travail et du droit du travail de l’Université de Saint-Gall a montré dans une étude empirique que l’hôtellerie-restauration appartient, avec la santé et le commerce de détail, aux branches où l’on travaille le plus souvent sur appel28. Alors qu’en 2002, 5,4% des personnes actives dans l’économie travaillaient sur appel dans le cadre de leur activité principale, la proportion était au moins deux fois plus élevée dans l’hôtellerie-restauration. En l’occurrence, c’était bien plus souvent le cas du personnel de service (12,4%) que du personnel de cuisine (8,2%). Dans l’hôtellerie-restauration comme dans l’économie en général, le travail sur appel touche surtout les femmes. Même s’il n’est pas possible de prouver statistiquement ces allégations, le personnel de la branche et les syndicalistes estiment qu’il a augmenté ces dernières années. D’une part, toujours plus de contrats de travail ne garantissent pas le volume d’heures ou indiquent une fourchette étendue. 28 Fred Henneberger, Alfonso Sousa-Poza, Alexandre Ziegler, Eine empirische Analyse der Arbeit auf Abruf in der Schweiz, Studie im Auftrag der Aufsichtskommission für den Ausgleichsfonds der Arbeitslosenversicherung, 2004. 40 D’autre part, les patrons réagissent à la fluctuation de la demande en réduisant leur personnel fixe, ils font appel à leurs employé-e-s à la dernière minute ou les renvoient à la maison. Un air vicié et de lourdes charges à porter L’hôtellerie-restauration laisse à désirer sur le plan de la sécurité au travail et de la protection de la santé. La fumée passive, à laquelle les employé-e-s de la branche sont particulièrement exposés, a donné matière à un vaste débat de société. De même, la tendance à boire trop d’alcool et à ne pas manger sainement est très répandue dans la profession. A la dernière conférence de branche de l’hôtellerie-restauration d’Unia, qui portait essentiellement sur la sécurité au travail et la protection de la santé, les délégué-e-s ont désigné le stress comme facteur le plus pénible, suivi de l’air vicié, des horaires de travail et des charges lourdes à porter. Il n’est guère étonnant que l’hôtellerie-restauration soit mal classée dans la statistique de l’invalidité, comme le montre une étude consacrée à l’invalidité par branche ou activité29. A l’instar des ouvriers de la construction, les employés des restaurants et des hôtels risquent particulièrement de devenir invalides suite à un accident de travail. Les professions de l’hôtellerierestauration comptent le plus grand nombre de nouveaux bénéficiaires de rentes AI, après les métiers de l’industrie et de l’artisanat liés à la production. Les enquêtes menées dans d’autres pays européens aboutissent aux mêmes conclusions. Les résultats obtenus ont un impact direct sur l’espérance de vie. Une étude suédoise constate expressément que les employé-e-s de l’hôtellerie-restauration ont une espérance de vie moins longue. Une CCNT trop peu respectée Le non-respect de la CCNT, de la législation sur le travail et des dispositions en matière d’assurances sociales constituent depuis de longues années une pomme de discorde. Le syndicat Unia obtient souvent après coup des versements de milliers, voire de dizaines de milliers de francs. La plupart des plaintes traitées par les tribunaux des prud’hommes émanent de l’hôtellerie-restauration. Or seule une minorité des personnes escroquées s’adresse aux tribunaux: n Les sondages représentatifs de l’organe de contrôle de la CCNT, qui portent chaque année sur près de 2000 établissements, montrent que la moitié des établissements ne respectent pas la CCNT sur des points essentiels (enregistrement du temps de travail et salaires minimaux). n La législation sur le travail n’est guère mieux respectée. Le patronat pense souvent que la loi sur le travail ne s’applique pas à l’hôtellerie-restauration. Il impose donc des dérogations, sous prétexte que la réglementation actuelle n’est pas adaptée à la branche. n Des établissements de l’hôtellerie-restauration dupent régulièrement leur personnel, en 29 Blöchlinger, Staehelin & Partner, Invalidität nach Branchen und Tätigkeiten, Projekt Nr. C04_05 zuhanden des Bundesamtes für Sozialversicherung, Bâle 2004. 41 Bases n ne le déclarant pas correctement aux assurances sociales ou en ne s’acquittant pas des cotisations aux assurances sociales obligatoires30. En cas de réclamation des salaires impayés ou des cotisations dues aux assurances sociales, les plaintes débouchent souvent sur la faillite de l’établissement fautif. L’extension massive des contrôles et des instruments de contrôle, obtenue en 2005 par les syndicats après plusieurs années de campagne et sous la pression de la votation imminente sur la libre circulation des personnes et les mesures d’accompagnement, a été un réel succès. Les résultats ont beau être insuffisants et la CCNT ne pas être mieux respectée, il s’agit d’une première étape importante, qui servira de base à l’amélioration durable des conditions de travail. Les contrôles ont également un effet immédiat: les brebis galeuses sont toujours plus souvent démasquées, et davantage de travailleurs escroqués obtiennent leur dû. Segments de la branche échappant à la CCNT La CCNT pour les hôtels, restaurants et cafés, à laquelle sont soumis plus de 200 000 personnes, est la plus grande CCT étendue de Suisse. Etant donné le nombre de personnes actives dans l’hôtellerie-restauration, il pourrait y avoir encore plusieurs dizaines de milliers d’assujettis, si le Conseil fédéral n’avait pas exclu du champ d’application, dans la déclaration de force obligatoire, des segments importants de l’hôtellerie-restauration: n «Les établissements de restauration dont les locaux sont en relation avec des entreprises de vente de détail, qui ont, en règle générale, le même horaire et les mêmes conditions de travail que ces dernières»31 sont exclus. Sont notamment concernés les grands établissements et le personnel de la restauration commerciale: Migros, Coop et Manor – à eux seuls, ces trois géants emploient plus de 6000 personnes et réalisent plus d’un milliard de chiffre d’affaires dans la restauration. D’autres grandes surfaces comptent des restaurants et des stands à l’emporter qui ne sont pas soumis à la CCNT. Dans le cas de Migros et Coop, ces personnes sont soumises à la convention collective d’entreprise qui est comparativement au moins équivalente à la CCNT de la branche. En revanche, le personnel de restauration de chaînes qui, comme Manor, refusent de conclure une CCT ne bénéficie d’aucune protection conventionnelle. Les tea rooms rattachés à une boulangerie ou pâtisserie et ayant les mêmes heures d’ouver- 30 Ce phénomène se retrouve dans d’autres domaines: déductions excessives des frais de logement et de repas sur place, impôts à la source perçus mais non versés, etc. 31 Arrêté du Conseil fédéral du 19 novembre 1998 étendant le champ d’application de la convention collective nationale de travail pour les hôtels, restaurants et cafés, art. 2, ch. 2. 42 n n n ture ne sont pas non plus soumis à la CCNT pour les hôtels, restaurants et cafés. Leur personnel est certes soumis à la CCT de la boulangerie, mais elle est moins bonne que la CCNT. Ne sont pas non plus soumis les «cantines et restaurants du personnel réservés au personnel de l’entreprise». Les conditions de travail du personnel concerné sont généralement réglées au niveau de l’entreprise. Ces employés peuvent y gagner, étant donné que le niveau de salaire et les conditions de travail sont souvent meilleurs que dans l’hôtellerie-restauration. Les conditions en vigueur dans les cuisines et restaurants des hôpitaux sont sans aucun doute supérieures à la moyenne. Pour qu’il y ait assujettissement à la CCNT, il faut encore vendre «des mets ou des boissons à consommer sur place». La plupart des stands de produits à l’emporter (take away) ne sont donc pas soumis à la CCNT. Cela a des conséquences négatives sur le personnel, qui a tendance à travailler à des conditions moins bonnes que celles de la CCNT. Les livreurs de pizzas font exception, suite à un arrêté du Conseil fédéral qui les soumet désormais à la CCNT. L’entreprise elvetino, filiale des CFF, est un cas à part. Elle relève de la loi sur le travail, étant active dans le secteur des transports publics. Unia et le SEV ont conclu avec sa direction la convention collective d’entreprise offrant des conditions de travail tantôt apparentées à la CCNT pour les hôtels, restaurants et cafés (salaires notamment), tantôt à celles des CFF (durée du travail, etc.). Les conditions de travail restent toutefois précaires, en raison du recul du chiffre d’affaires et des restructurations permanentes. Les grandes surfaces, les cantines et les restaurants du personnel sont particulièrement attrayants pour les employé-e-s de l’hôtellerie-restauration – surtout s’ils ont une famille – dans la mesure où il ne faut généralement y travailler ni le soir, ni le dimanche. 43 Bases 4. Les associations patronales et leurs champs d’activités Les principales associations patronales suisses signataires de la convention collective nationale de travail sont GastroSuisse, hotelleriesuisse et la Swiss Catering Association (SCA). Le Schweizer Cafetier Verband joue également un rôle important. Associations patronales GastroSuisse – ancienne Fédération suisse des cafetiers, restaurateurs et hôteliers – est l’association patronale de la branche qui compte le plus de membres. Elle a connu une croissance continue de ses effectifs au cours des dernières années et comptait à la fin de 2006 près de 21 000 membres (contre 20 000 à la fin de 2001). Son taux d’organisation est supérieur à 80%. «Les prestations encore étendues et renforcées de GastroSuisse et les nombreux avantages financiers, en particulier aussi ceux de GastroSocial, ont dans une large mesure contribué à cette croissance.»32 Les offres de services professionnels, comme Gastroconsult (fiduciaire) ou GastroSocial (caisse de compensation AVS et caisse de pension) sont des atouts majeurs et un argument de poids en faveur d’une adhésion. Ainsi, plus de 20 000 établissements décomptent à travers GastroSocial leurs prestations AVS et plus de 19 000 font de même pour leurs cotisations de prévoyance professionnelle («9 établissements sur 10 de la gastronomie sont affiliés chez nous»33). Le taux de cotisation unique imposé par la CCNT encourage à s’affilier à la caisse de pension GastroSocial, qui est plus à même que d’autres caisses, grâce à sa taille critique, de compenser les risques liés à un pourcentage élevé d’assurés âgés. L’appartenance à GastroSuisse est indispensable pour pouvoir s’affilier à GastroSocial. En matière de formation et de perfectionnement aussi, les membres ont accès à des offres intéressantes: les sections de GastroSuisse, GastroProfessional et les écoles hôtelières que l’association faîtière possède à Genève et Zurich proposent des filières de formation et des cours. 32 Citation tirée du rapport annuel 2005 de Gastrosuisse, p. 10. 33 Voir: www.gastrosocial.ch. Par ailleurs, la SWICA est partenaire de GastroSocial pour l’assurance d’indemnités journalières en cas de maladie et les assurances maladie et accidents. 44 hotelleriesuisse – anciennement Société suisse des hôteliers, SSH – est l’association faîtière des établissements d’hébergement. A la fin de 2006, elle comptait 3350 membres, dont 2200 hôtels, soit un taux d’organisation de près de 40%. Les établissements affiliés ont toutefois généré plus de 80% de toutes les nuitées. Leur nombre a constamment baissé ces dernières années – à la fin 2002, les membres étaient encore 2400 – reflet des nombreuses fermetures d’établissements. Selon hotelleriesuisse, la part des nuitées enregistrées par ses membres est toutefois restée constante. La société poursuit sept tâches clés34: 1) classification des hôtels, 2) défense des intérêts politiques, 3) développement de la CCNT, 4) offres liées à la profession et à la formation, 5) service de conseils, 6) édition d’un journal spécialisé, 7) offres dans le domaine des assurances sociales, via Hotela (rôle analogue à celui de GastroSocial décrit ci-dessus). Les domaines d’activité recoupent pour l’essentiel ceux de GastroSuisse. A ceci près qu’hotelleriesuisse défend âprement sa classification par étoiles des hôtels, d’abord contre les prétentions paritaires à la codécision de GastroSuisse, puis contre la classification concurrente lancée par cette association. Une partie des entreprises actives dans la restauration et dans l’hôtellerie font partie à la fois de GastroSuisse et d’hotelleriesuisse. La SCA réunit les quatre grandes entreprises de restauration collective – soit SV Group, Compass Group Suisse, DSR et ZFV Unternehmungen – qui toutes figurent dans le classement suisse des sociétés réalisant le plus fort chiffre d’affaires de la branche. Lesdites entreprises réalisent sur le plan suisse, selon les propres dires de la SCA (Suisse Catering Association), un chiffre d’affaires de 900 millions de francs et emploient 9100 collaborateurs/trices. La SCA s’engage dans quatre domaines: 1) participation aux négociations des contrats de travail dans la gastronomie et la restauration, 2) participation à la définition de la loi pour l’hôtellerie, 3) promotion de la formation de base et de la formation continue, 4) promotion de l’image générale de la restauration collective. En outre la SCA, qui a pris le relais de l’Association des restaurations de collectivités et établissements sans alcool (AGAB), représente le Schweizer Cafetier-Verband au sein de la CCNT. Dans le domaine de la formation et du perfectionnement, les associations patronales proposent des offres communes avec Hotel & Gastro Union. Les partenaires sociaux ont ainsi fondé l’institution Hotel & Gastro formation35. Cette organisation de référence des associations professionnelles, lors des examens d’apprentissage notamment, organise des cours et possède ses propres centres de formation à Weggis et Lonay. 34 Citation tirée du rapport annuel 2005 d’hotelleriesuisse, p. 2. 35 GastroSuisse, hotelleriesuisse et Hotel & Gastro Union ont le statut d’associations responsables, la SCA et le Cafetier-Verband ayant le statut d’associations membres. 45 Bases Les restaurateurs marquent de leur empreinte la politique de branche Jusque dans les années 1980, l’hôtellerie-restauration était une branche très réglementée. Cantons et communes contingentaient les autorisations d’exploitation, qu’ils délivraient eux-mêmes. Ils édictaient aussi les dispositions concernant la gestion, les heures d’ouverture, etc. Enfin, les pouvoirs publics soutenaient la branche par des subventions généreuses. Les restaurateurs, organisés dans l’Union patronale et l’USAM, font traditionnellement partie de l’aile conservatrice du PRD, PDC et de l’UDC. Ces dernières années, un nombre croissant de restaurateurs s’est identifié à la politique de l’UDC qui marque de son empreinte ces organisations et la politique en général. Les hôteliers sont eux aussi fédérés au sein de l’Union patronale et de l’USAM. En outre, ils sont affiliés à l’association faîtière Economiesuisse. De la réglementation de l’accès au marché à sa libéralisation totale Le PRD et l’UDC ont longtemps soutenu la forme traditionnelle de réglementation de branche. Il fallait disposer d’une patente de restaurateur pour gérer un établissement, et la clause du besoin rendait toute nouvelle ouverture impossible. La réglementation de la branche et les liens de copinage ainsi tissés ont conféré du pouvoir aux partis. Le PRD et l’UDC ont ensuite cédé aux sirènes du néolibéralisme, imposant une déréglementation dans de nombreux cantons. L’UDC surtout a tenté de séduire les restaurateurs, en leur promettant que «les meilleurs gagneraient». Or l’euphorie voyant dans la libéralisation un acquis majeur pour la branche s’est dissipée dans les milieux de l’hôtellerie-restauration, à commencer par GastroSuisse. Même si de nombreux lobbyistes répètent encore à chaque occasion que les libéralisations sont une bénédiction, on les entend également dire qu’«il y a 10’000 établissements de trop» ou qu’«une densité d’un établissement pour 250 habitants est beaucoup trop élevée». Ainsi la confiance de Klaus Künzli, président de GastroSuisse et député PRD au Grand Conseil bernois, dans les lois du marché vacille quand il dit: «Si le marché fonctionnait réellement, nous assisterions à une baisse du nombre d’établissements. Or c’est tout le contraire: malgré les faillites et l’érosion depuis des années du chiffre d’affaires de la restauration, le nombre d’établissements ne cesse d’augmenter.»36 Les représentants des associations faîtières ont multiplié ce genre de déclarations lors des révisions, à l’échelon tant fédéral que cantonal, de la législation concernant le marché intérieur. Car dans la pratique, un fossé était rapidement apparu entre les professions de foi en faveur des libéralisations et les intérêts politiques concrets. C’est ainsi qu’en décembre 2005, GastroSuisse s’est imposé contre le Conseil fédéral qui voulait éliminer de la loi sur le marché intérieur toutes les barrières intercantonales à l’accès au marché. GastroSuisse a su convaincre à la dernière minute la majo36 D’après une interview parue le 30 novembre 2005 dans la NZZ: «Eine «Extrawurst» für das Gastgewerbe? Gastrosuisse hat Vorbehalte beim Binnermarktgesetz». 46 rité des parlementaires d’inscrire dans la loi sur les denrées alimentaires une formation minimum obligatoire pour les restaurateurs. «Ce résultat n’a été possible que grâce à l’engagement persévérant et infatigable du conseil, de l’équipe de direction et des nombreux représentants dans les cantons. La présence tôt le matin devant les portes du Palais fédéral et ensuite à la tribune de la salle du Conseil national a fait une très forte impression.»37 Unia est résolument favorable à la mise en place d’une formation digne de ce nom. Une telle formation, obéissant à des normes clairement définies, serait indispensable pour avoir le droit de tenir un établissement. Malheureusement les interventions patronales ne recherchent pas toujours ce qui profiterait à la branche et à la santé des clients, poursuivant par exemple des intérêts particuliers – notamment en prenant la défense, dans 18 cantons, des examens dans la restauration organisés par l’association faîtière de la branche. La révision de la loi sur l’aménagement du territoire (LAT) ne s’est pas déroulée comme l’aurait voulu GastroSuisse. Cet acteur avait tenté en vain de se défendre contre la concurrence peu appréciée des domaines agricoles proposant des repas à la ferme (Besenbeizen), en parlant d’inégalité de traitement. La LAT a néanmoins intégré ce nouveau débouché pour les paysans. Logique de demande de subventions versus logique du marché Les associations patronales vantent les mérites du marché, dont le fonctionnement ne devrait subir aucune intervention externe. Or cette logique de marché brandie avec force se révèle rapidement être superficielle. L’hôtellerie-restauration est tout aussi avide du soutien financier de l’Etat, sous forme de subventions directes ou indirectes (voir encadré). Sa lutte pour bénéficier d’un taux de TVA réduit reste d’actualité. L’hôtellerie profitera jusqu’à la fin de 2010 du taux spécial de 3,6%. Au cours des dernières années en effet, hotelleriesuisse a mené un lobbying actif pour sa reconduction. Dans le débat actuel sur la révision du régime de TVA, l’association se bat avec détermination pour le maintien du taux spécial, ou sinon pour l’introduction d’un taux unique aussi bas que possible. Depuis des années GastroSuisse lutte également pour l’obtention d’un taux réduit. L’argument selon lequel la branche serait pénalisée vis-à-vis de la restauration commerciale n’est jusqu’à présent pas passé. Cette dernière est imposée, lors de la vente de mets à l’emporter, au taux réduit de 2,4% en vigueur pour les denrées alimentaires. Or GastroSuisse exige aussi désormais de bénéficier d’un taux d’imposition réduit ou d’obtenir pour la restauration un taux unique aussi bas que possible. 37 Rapport annuel 2005 de GastroSuisse, p. 3. 47 Bases La promotion de l’image de la Suisse est un exemple où les subventions sont très appréciées. Les employeurs n’ont aucune objection à ce que l’Etat dépense chaque année 46 millions de francs pour la promotion du tourisme. Au contraire, si on les écoutait il faudrait augmenter encore ces subventions pour les prochaines années. Bien entendu, ce sont les mêmes milieux qui prônent des économies et exigent à la fois moins d’impôts et moins d’Etat. Les subventions coulent à flots L’hôtellerie-restauration fait partie des branches qui, en Suisse, bénéficient largement des deniers publics. Les instruments directs ou indirects de subventionnement sont les suivants: n Crédit hôtelier: En vertu de la loi fédérale sur l’encouragement du secteur de l’hébergement, la Société suisse de crédit hôtelier accorde des prêts sans intérêt d’un montant total de 100 millions de francs destinés au financement de projets d’investissements (de 2003 à 2007) (voir le message du 20 septembre 2002 relatif à l’amélioration de la structure et de la qualité de l’offre dans le domaine du tourisme suisse). n InnoTour: Conformément à l’arrêté fédéral encourageant l’innovation et la coopération dans le domaine du tourisme, 25 millions de francs sont à disposition pour les années 2003 à 2007 (voir le message du 20 septembre 2002. Le Conseil fédéral propose un crédit d’engagement de 21 millions de francs pour les années 2008 à 2011). n Suisse Tourisme: Dans le cadre de la promotion économique, Suisse Tourisme dispose pour les années 2005 à 2007 de 138 millions de francs de crédits fédéraux destinés à encourager la demande touristique de vacances en Suisse. Le Conseil fédéral propose au Parlement d’allouer 186 millions de francs pour la période 2008 à 2011. n Initiative de qualification: 10 millions de francs, limités aux années 2003 à 2007 ont été prévus pour l’intégration des personnes sans formation au marché du travail du secteur touristique et pour la spécialisation des personnes venant d’autres horizons professionnels (voir message du 20 septembre 2002). n Taux spécial de TVA pour l’hôtellerie: selon des sources internes au SECO, le taux spécial de TVA de 3,6% prolongé jusqu’à la fin de 2010 (le taux normal étant de 7,6%) constitue un cadeau fiscal de 150 millions de francs par an accordé à l’hôtellerie. n Instruments de promotion de la politique régionale: les aides à l’investissement pour les régions de montage (basées sur la Loi sur l’aide aux investissements dans les régions de montagne LIM) en font partie ainsi que les programmes d’impulsion visant au soutien du changement structurel de l’économie des régions campagnardes (Regio Plus) qui profitent surtout aux projets touristiques. n Subventions tant cantonales que communales: à cela s’ajoutent, dans les régions touristiques notamment, d’importantes subventions accordées par le canton et les communes. 48 n n Aide sociale: L’aide sociale est une importante source indirecte de subventions. Selon l’OFS, un-e employé-e sur 10 de l’hôtellerie-restauration vit en dessous du seuil de pauvreté et constitue un bénéficiaire potentiel de l’aide sociale. Allocations de l’assurance-chômage: dans des cantons comme le Tessin ou les Grisons – où l’activité de la branche est restée saisonnière – l’assurance-chômage intervient régulièrement en versant des allocations au personnel embauché à la saison. Les instruments de subventionnement ne suivent pas un plan cohérent de développement de la branche. Ainsi InnoTour et l’initiative de qualification ont beau viser par principe des effets durables, les moyens financiers alloués sont marginaux par rapport au volume total des subventions. Quant aux subventions allouées par exemple via le taux spécial de TVA, l’aide sociale ou l’assurance-chômage, elles soutiennent la logique du marché mais contribuent beaucoup au maintien des structures en place. Attrait de l’Est Les associations patronales demandent une «politique du marché du travail libérale». Que faut-il entendre par là? D’une part, elles souhaitent démanteler les réglementations comme la CCNT ou la loi sur le travail et limiter les contrôles des prescriptions restantes. D’autre part, elles veulent utiliser la marge de manœuvre ainsi gagnée pour recruter du personnel dans l’UE. A titre d’exemple: n Lors des négociations liées à la CCNT, le patronat a cherché à abolir ou restreindre les catégories de salaires minimaux en vigueur pour le personnel qualifié possédant de l’expérience professionnelle – les syndicats ont, jusqu’à présent, toutefois pu stopper la majorité de ces tentatives. Il freine par tous les moyens possibles l’évolution salariale (relèvement des salaires minimaux, introduction de nouvelles catégories de salaires, p. ex. pour la main-d’œuvre non qualifiée possédant une longue expérience professionnelle). Au cours des dernières années, l’Office fédéral de conciliation a dû fixer à plusieurs reprises les nouveaux salaires minimaux, parce que les employeurs n’étaient même pas prêts à compenser le renchérissement et que malgré l’excellente conjoncture, ils refusaient toute hausse des salaires réels. n Lors des débats relatifs à la loi sur le travail, les employeurs ont su se faire entendre du Conseil fédéral et des autorités cantonales, dans le but d’affaiblir la protection accordée aux jeunes travailleurs. L’abaissement de l’âge de protection des jeunes travailleurs à 18 ans était une priorité des restaurateurs et des hôteliers. Les autorités se sont montrées très obligeantes avec eux dans la réglementation sur le travail de nuit et du dimanche. n En ce qui concerne l’exécution des lois, les syndicats doivent batailler ferme pour obtenir des employeurs tout contrôle supplémentaire. Car beaucoup d’employeurs continuent à préférer l’absence de règles, qui leur laisse les coudées franches, à un système établissant que chacun puisse lutter à armes égales. Toutefois, suite aux mauvais résultats des contrôles successifs de la CCNT menés sous forme d’échantillons représentatifs – plus de la moi- 49 Bases n n tié des établissements contrôlés violant la CCNT – des voix toujours plus nombreuses parmi les employeurs ont réclamé une meilleure exécution pour éviter les distorsions de la concurrence. Est-ce le début d’un changement d’attitude? Il y a lieu de l’espérer. Beaucoup d’employeurs ont du mal à mettre en œuvre les dispositions concernant la sécurité au travail et la protection de la santé. Le débat actuel sur la protection contre la fumée passive est ici symptomatique. La majorité des employeurs ont longtemps ignoré la disposition de la loi sur le travail qui les oblige (faiblement il est vrai) à protéger les travailleurs/euses contre la fumée passive. Quand plusieurs cantons ont proscrit la fumée et qu’il a fallu inscrire dans la loi sur le travail un régime de protection efficace contre la fumée passive, GastroSuisse – qui avait systématiquement combattu les interventions sur le plan tant cantonal que fédéral – a soudain pris le taureau par les cornes. Cette association a même élaboré sa propre proposition de loi visant à étendre l’interdiction de fumée à toute la branche, jusqu’aux entreprises strictement familiales – en réservant la possibilité de prévoir des dérogations. Il est rare de constater des progrès dans la mise en œuvre de la solution de branche spécifique à la sécurité au travail et à la protection de la santé. Les prescriptions relatives à l’hygiène font même régulièrement les gros titres, car les contrôleurs découvrent à tout moment des brebis galeuses. C’est ce qui a récemment poussé GastroSuisse à s’engager avec succès, lors de la révision de la loi sur le marché intérieur, pour l’introduction d’une formation obligatoire sur le plan de l’hygiène. Au lieu d’améliorer les conditions de travail pour rendre la branche plus attrayante sur le marché suisse du travail, beaucoup d’employeurs prônent la déréglementation et espèrent pouvoir recruter dans l’UE de la main-d’œuvre docile et bon marché. Le passage suivant, extrait d’une lettre d’information d’hotelleriesuisse parue le 1er avril 2006 à l’occasion de l’entrée en vigueur des dispositions concernant la libre circulation des personnes en dit long: «Les analyses montrent que l’hôtellerie et la restauration, à l’instar du commerce et de la santé, présenteront encore à l’avenir la plus forte demande de main d’œuvre en provenance des nouveaux pays de l’UE. Cela confirme que de manière générale, il existe encore et toujours une forte demande de main d’oeuvre étrangère dans l’hôtellerie et la restauration…». La branche recrute d’ores et déjà du personnel en Allemagne de l’Est, par voie d’annonces, de stands et d’agents locaux, comme le montrent les statistiques sur l’immigration. Moins de plaintes relatives aux charges salariales… L’argument qui revient souvent pour expliquer la rentabilitée insuffisante est le «niveau surfait des coûts et des prix». Les employeurs pensent aussi que la place économique souffre d’un handicap par rapport aux destinations touristiques proches. Ils accusent généralement la cherté des produits agricoles, des investissements et de l’énergie, ainsi que les salaires 50 trop élevés. Récemment ils ont recentré leur argumentation sur l’«îlot de cherté» helvétique et ont déclaré la guerre aux produits trop coûteux. On trouve ainsi, parmi les priorités de l’agenda politique d’hotelleriesuisse, la conclusion d’un accord de libre échange avec l’UE sur les produits agricoles et les denrées alimentaires. Cette association patronale exige en outre l’autorisation des importations parallèles et l’introduction du principe du Cassis de Dijon. Elle estime à près de 500 millions le potentiel d’économies que comportent ces mesures. Les coûts salariaux «élevés» continuent naturellement d’être dénoncés mais sont toujours plus rarement et plus mollement avancés comme argument. Les employeurs ne peuvent en effet nier plus longtemps que le niveau des salaires et des prix des pays voisins se rapproche toujours davantage des salaires suisses dans l’hôtellerie-restauration, et que les experts reconnaissent que la Suisse est une destination touristique très compétitive. …et des modèles novateurs pour la formation et les investissements La politique de formation et d’innovation des associations patronales a une influence décisive sur les perspectives d’avenir de la branche. En matière de politique de formation, les employeurs agissent à différents niveaux, notamment la formation initiale, la formation supérieure et celle des cadres ou des gérants d’exploitation. Ces modèles positifs sont à mettre en parallèle avec des aspects problématiques: n Fait positif, l’offre et la demande de places d’apprentissage sont en progression dans la formation de base. Ajoutons que des projets ponctuels visent à promouvoir la maturité professionnelle dans l’hôtellerie-restauration. Hotelleriesuisse soutient les entreprises dont les apprenti-e-s préparent une maturité professionnelle I, en leur versant 1000 francs par apprenti-e. Or les conditions de formation exigent une surveillance constante, l’expérience montrant que les dispositions sur la protection de la jeunesse ne sont pas toujours respectées. Les revendications politiques des employeurs, telle une «meilleure orientation de la formation professionnelle par rapport aux besoins de la branche et de l’économie»38, éveillent le soupçon. La prudence s’impose face à la nouvelle formation de deux ans avec attestation fédérale. Elle ne doit en aucun cas servir au recrutement d’une main-d’œuvre bon marché. 38 Voir le programme politique d’hotelleriesuisse pour les années 2007 à 2011. 51 Bases n n Les offres de formation pour le personnel sans formation professionnelle mais désireux d’apprendre restent insuffisantes. La filière «Progresso», soutenue financièrement par les contributions aux frais d’exécution de la CCNT et par InnoTour n’est qu’une goutte d’eau dans la mer. Elle a attiré jusqu’ici au maximum 200 participants par année, chiffre à comparer avec les 80 000 employé-e-s sans formation professionnelle de base. Beaucoup d’écoles professionnelles, dépendant parfois d’associations de la branche, ont une réputation qui dépasse le plus souvent les frontières. L’Ecole hôtelière de Lausanne (EHL), comparable à une HES, offre une filière de formation reconnue sur le plan suisse. Sur le plan de la formation du personnel dirigeant et des gérants d’établissements, les efforts sont réels pour combler l’important déficit. Par exemple, hotelleriesuisse a mis en place, avec l’offre d’«AKAD Business» destinée au personnel dirigeant avec certificat fédéral de capacité, des éléments de formation modulaire spécifiques à l’hôtellerie. Or la situation reste insatisfaisante. Les formations continues et les examens cantonaux de restaurateurs – là où ils restent nécessaires pour gérer un établissement – sont superficiels et préparent mal les futurs gérants et responsables aux tâches qui les attendent. Les associations patronales, les autorités et les institutions politiques sont unanimes: le besoin d’innovation est réel dans l’hôtellerie-restauration suisse. Ce constat s’exprime symboliquement dans le prix de l’innovation «Milestone. Prix du tourisme suisse» décerné par hotelleriesuisse, le SECO et la Fédération suisse du tourisme (FST) et dans les aides financières versées par le programme de promotion de l’innovation «InnoTour» du SECO. D’autres éléments positifs sont à signaler, comme la promotion du tourisme toutes saisons, les investissements dans les rénovations d’hôtels et les équipements de wellness, le développement du tourisme culturel et la mise au point de nouveaux concepts culinaires. Par ailleurs, des modèles novateurs ont été présentés dans une publication d’hotelleriesuisse intitulée «Se détacher du segment moyen – Diverses stratégies pour les hôtels suisses» (février 2007). Partant du constat que «La majorité des hôtels est positionnée dans le segment moyen où de gros efforts sont nécessaires pour se démarquer de la concurrence», des exemples concrets décrivent différentes variantes de stratégies pouvant être combinées au cas par cas: n «Cheap & Chic» est une offre alliant design, ambiance et avantages supplémentaires, à des prix alléchants. En cas de succès, elle promet un meilleur chiffre d’affaires par collaborateur/trice et un meilleur taux d’occupation, pour des frais d’investissement par lit plus faibles. 52 n n n n n Valeur ajoutée à travers la collaboration: A Grächen (Valais), des hôtels familiaux indépendants avaient un taux d’occupation et une rentabilité insuffisants. Ces établissements ont donc conclu une coopération fructueuse et travaillent étroitement ensemble pour leurs achats, les assurances, les ventes et le marketing, la comptabilité financière, la planification des investissements et celle des finances, ce qui génère d’importantes économies de coûts. Certains établissements souhaitent prochainement proposer une offre centralisée (p. ex. wellness). Affiliation à l’hôtellerie de marque d’après l’exemple d’Accor. Le premier groupe hôtelier d’Europe propose aux hôtels existants de s’affilier à l’hôtellerie de marque et de bénéficier ainsi de prestations communes: analyse du marché, marketing, réservations, finances, personnel. D’autres groupes hôteliers font de même. Upgrading: Une stratégie de qualité – basée sur des investissements dans l’infrastructure – vise au développement d’offres plus lucratives. Automatisation, downgrading: Cette stratégie vise à réduire les coûts et à accroître la marge bénéficiaire, en renonçant aux offres dont le client ne paie pas la contrepartie. Il en résulte des économies sur le plan du personnel et des infrastructures. Intégration verticale: Les services et produits proposés ici se situent en dehors de l’offre hôtelière traditionnelle. La «stratégie Orange» de GastroSuisse vise à adapter l’offre aux nouveaux besoins des clients. Les menus du jour, la succession classique petit-déjeuner, repas de midi et repas du soir ou encore la combinaison entrée, plat principal et dessert répondent de moins en moins aux attentes de la clientèle. GastroSuisse recommande donc à ses membres de moduler leur offre (food-moduling) pour tenir compte des préférences individuelles du consommateur ayant une «mentalité à choix multiple». Le client doit pouvoir composer librement ses repas, à partir d’une offre formée de nombreux éléments individuels. Or les efforts d’innovation sont souvent court-circuités par des intérêts particuliers. Ainsi, les stations touristiques de Haute-Engadine aiment mieux faire chacune leur propre marketing que se profiler ensemble comme région. De même la vieille querelle, incompréhensible pour les non-spécialistes, qui oppose hotelleriesuisse à GastroSuisse sur la classification des hôtels, ne favorise guère l’innovation. 53 Les perspectives – objectifs et propositions d’Unia Objectif n° 1: une bonne place de travail pour 200 000 salariés Cela signifie que : n n n n La restauration et l’hôtellerie doivent offrir 200 000 bonnes places de travail, avec des salaires adaptés aux exigences de la branche. Une partie des employés bénéficient de perspectives durables dans la branche. Les autres – les jeunes notamment – qui sont à la recherche d’une occupation temporaire y trouvent un tremplin pour accéder à d’autres branches. Deux tiers des emplois doivent être occupés par du personnel qualifié et un tiers par du personnel sans formation (reconnue). Les entreprises doivent offrir des possibilités de développement (quotidien professionnel, formation) au personnel sans formation souhaitant travailler à long terme dans la branche. Il faut impérativement veiller à ce que les accords existants comme la Convention collective nationale de travail ainsi que les régulations à venir soient appliquées dans les faits. Que faut-il pour atteindre le but des «bonnes places de travail» ? Revalorisation du travail et augmentation des salaires Problèmes Propositions d’Unia Les salaires en place dans l’hôtellerie-restauration Le travail doit être revalorisé et le niveau de salaire majoré figurent tout en bas de l’échelle nationale par étapes, jusqu’à ce que le personnel sans formation des salaires. Le personnel qualifié et expérimenté quitte l’hôtellerie-restauration à cause des bas salaires. 54 gagne au moins CHF 3500.– bruts par mois, avec un 13e salaire en plus et que le personnel qualifié et expérimenté gagne 4000.– bruts par mois, avec un 13e salaire en plus. Il faut tenir dûment compte des qualifications et de l’expérience professionnelle, et les récompenser en prévoyant des catégories de salaire contraignantes. Les travailleur-euse-s expérimenté-e-s qui effectuent un travail qualifié mais ne possèdent pas de diplôme reconnu doivent se contenter du salaire absolument minimal. Beaucoup de gérants d’établissements rabaissent toujours plus leur personnel au rang de simples exécutants et de facteur de coûts. Prévisibilité des horaires Problèmes Du personnel qualifié et expérimenté quitte l’hôtellerie-restauration à cause des horaires de travail (irréguliers, durant la nuit, les week-ends). Le travail sur appel est en augmentation. Les diplomes acquis à l’étranger doivent être reconnus et la formation continue doit avoir une influence sur les salaires. Il faut introduire des catégories salariales qui garantissent un salaire correct également aux collaborateurs/trices qui ne disposent pas de certificats professionnels fédéraux mais qui effectuent un travail qualifié grâce à une longue expérience professionnelle. Outre un salaire en rapport avec leur travail ou suffisant pour couvrir leurs besoins, les collaborateurs/trices veulent surtout de la reconnaissance, de l’estime et un traitement respectueux. Propositions d’Unia Les horaires doivent être aménagés pour rendre une vie privée possible. Ceci nécessite une saisie correcte et systématique des heures de travail effectuées, le respect des heures de repos prescrites et une planification du travail faite de bonne heure et dans le respect des individus. Halte aux faux auxiliaires! Les contrats de travail auxiliaire doivent se limiter aux personnes travaillant effectivement comme auxiliaires. Elles doivent être libres d’accepter ou de refuser les demandes de l’employeur, qui n’auront rien d’obligatoire. Pour tous les autres rapports de travail, il faut prévoir un nombre moyen d’heures hebdomadaires, avec la garantie d’un revenu mensuel régulier. 55 Les perspectives – objectifs et propositions d’Unia Retraite anticipée, congé maternité et congé parental Problèmes Propositions d’Unia Le personnel de l’hôtellerie-restauration court un Il faut lui offrir la possibilité de prendre une retraite anticipée risque accru d’invalidité et meurt en moyenne plus sans diminution de la rente dès 62 ans au plus tard. jeune que dans d’autres branches. Le travail dans l’hôtellerie-restauration est peu Le congé maternité et le congé parental doivent être compatible avec la garde d’enfants en bas âge. rallongés pour former un congé maternité payé de 16 semaines (à 100% du salaire), avec en plus 10 semaines (à 80%) et pouvoir être pris par l’un ou l’autre des parents. Il faut encore prévoir des horaires compatibles avec la vie familiale. Autrement dit, les mères d’enfants de moins de 3 ans doivent être dispensées de travailler le soir et la nuit. Sécurité accrue et meilleure protection de la santé au travail Problème Proposition d’Unia La charge de travail et le stress augmentent et Des mesures s’imposent pour accroître la sécurité au travail rendent de nombreux collaborateurs/trices et améliorer la protection de la santé. La mise à l’invalidité malades ou durablement incapables de travailler. des employés les moins performants doit cesser. La branche doit leur offrir des possibilités d’emploi adéquates, dans un cadre de travail sain. Absence de discriminations Problèmes Les femmes et les migrant-e-s ont la vie dure. Propositions d’Unia Des mesures de qualification et de formation avec impact Les collaborateurs/trices de plus de 40 ans sont sur le salaire doivent corriger de façon ciblée les discriminations liées au salaire et aux chances de promotion. Les entreprises doivent à nouveau plus miser sur des de plus en plus souvent remplacés. collaborateurs/trices expérimenté-e-s. Atteindre l’âge de la retraite doit devenir une réelle perspective dans cette branche. 56 Renforcement des contrôles et des sanctions Problème Les entreprises qui violent les dispositions de la CCNT n’ont pas grand-chose à craindre aujourd’hui. L’exécution de la CCNT est exclusivement nationale. Proposition d’Unia Les contrôles et sanctions doivent être massivement renforcés, pour que la CCNT, la loi sur le travail, les dispositions des assurances sociales et les autres prescriptions (fiscalité, hygiène, etc.) finissent par être correctement appliquées. Les partenaires sociaux de la CCNT doivent ancrer dans les régions leurs activités communes dans la politique de branche, ainsi que l’exécution. Objectif n° 2: un service de qualité pour la clientèle et un meilleur rendement pour les entreprises Cela signifie que : n n L’hôtellerie-restauration crée les conditions nécessaires pour offrir durablement à sa clientèle un service de qualité, en misant sur un meilleur niveau de qualification et le professionnalisme accru du personnel et des gérants, et sur un moindre taux de fluctuation du personnel. Les services de l’hôtellerie-restauration sont utilisés par une clientèle plus nombreuse. Le rendement des entreprises croitra ainsi. 57 Les perspectives – objectifs et propositions d’Unia Que faut-il pour de meilleurs services ? Du personnel qualifié Problèmes Une bonne partie du personnel de l’hôtellerierestauration possède une formation très lacunaire. Le contenu et la forme des cours sont souvent difficiles à comprendre pour le personnel non qualifié ou issu d’autres branches. Propositions d’Unia Une offensive de qualification doit être lancée. Il faut imposer le droit du personnel à se perfectionner et à obtenir la décharge de travail correspondante. Les horaires de travail seront aménagés pour permettre la fréquentation des cours. Une offensive pour la formation doit être lancée. Les migrants seront préparés et recevront un soutien linguistique en vue de leur participation aux cours. D’où des chances de carrière pour eux et une baisse du taux de fluctuation. Des gérants d’établissements professionnels et compétents Problèmes Propositions d’Unia Les cadres et les gérants d’établissements n’ont Les preuves de qualification et de compétences doivent être souvent ni le savoir ni le professionnalisme rendues obligatoires. Quiconque souhaite ouvrir ou nécessaires. reprendre une entreprise et engager du personnel doit avoir réussi un nombre minimum de modules de base reconnus par l’OFFT, ou une formation équivalente. La conduite du personnel et la gestion des coûts doivent faire partie intégrante de la formation. Peu après l’ouverture de leur établissement, Les prescriptions doivent être durablement mises en œuvre: n Quiconque ouvre ou reprend une entreprise doit pouvoir beaucoup de gérants oublient les conditions et les dispositions relatives à la gestion d’entreprise. garantir le paiement des salaires pendant au moins deux mois, et verser la somme nécessaire sur un compte bloqué. n Il faut régulièrement actualiser les connaissances concernant les conditions et les dispositions de gestion d’entreprise. n Les dispositions juridiques concernant les assurances sociales, les impôts, l’hygiène, le contrôle des denrées alimentaires doivent être strictement appliquées. Quiconque les enfreint perdra tous les avantages accordés par l’Etat. 58 Une branche attrayante, pour son personnel comme pour la clientèle Problèmes Propositions d’Unia Le taux de fluctuation élevé du personnel constitue L’hôtellerie-restauration doit cultiver et développer son une lourde hypothèque. image locale, étroitement liée au pays et aux gens. Les collaborateurs/trices sont sa carte de visite. Trop de bons éléments ne croient pas à leur avenir Les collaborateurs/trices travaillant durablement en Suisse professionnel dans l’hôtellerie-restauration. doivent obtenir des perspectives à plus long terme dans la branche. Il faut fortement accroître le pourcentage de ces personnes. Or cela nécessite des hausses substantielles de salaire et de meilleures conditions de travail. La branche ne sera attrayante pour la clientèle que dans la mesure où elle l’est pour sa main-d’œuvre. Bon rapport entre la qualité, les prix et les salaires Problèmes Propositions d’Unia La mode du «Plus radin, plus malin» Il y a suffisamment de clients qui ne sont pas avares quand l’offre et les prestations sont bonnes. Il faut toutefois du personnel qualifié et motivé, et des conditions de travail équitables. L’offre existante est encore trop uniforme et L’offre dans l’hôtellerie-restauration s’étoffe et se diversifie interchangeable à souhait. toujours plus: fast food, take away, food moduling, cuisine multiculturelle, jusqu’à la cuisine fine pour gourmets, ou du «cheap & chic» à l’hôtellerie de luxe, en passant par l’hébergement confortable à 3 ou 4 étoiles. Or chaque offre a son prix. Jérémiades au sujet des prix élevés. En comparaison internationale, les prix tendent à s’uniformiser. L’hôtellerie-restauration suisse est très compétitive. 59 Les perspectives – objectifs et propositions d’Unia Amélioration des rendements et de la rentabilité Problèmes Propositions auxquelles Unia adhère Fixation sur une structure des coûts basse. «Une autre façon de procéder, qui donne souvent de meilleurs résultats, consiste à rendre son offre plus attrayante afin d’inciter ses clients à rester plus longtemps et à faire preuvre d’une propension à dépenser plus grande.» De: UBS outlook Hotellerie, Thèses et pistes de réflexion sur les moyens d’assurer durablement sa rentabilité, Zurich, mai 2007, p. 18. La fausse stratégie misant sur la main-d’œuvre «Si la branche parvient à recruter aussi du personnel bon marché (indigène) plus qualifié, en versant des salaires plus élevés, une amélioration substantielle de la qualité et une hausse de productivité correspondante sont à prévoir. La compétitivité s’améliorera et, en dernier lieu, la rentabilité aussi.» D’après Roland Aeppli, «Volkswirtschaftliche Analyse der Probleme des Arbeitsmarktes im schweizerischen Gastgewerbe», étude sur mandat du SECO, 2001, p. 109. 60 Objectif n° 3: aides étatiques axées sur le développement durable plutôt que sur le maintien de structures désuètes Cela signifie que : n n La part d’entreprises stables et novatrices, misant sur la qualité, doit augmenter. L’Etat soutient ces entreprises de manière ciblée, et pas celles qui se restructurent en permanence et multiplient les infractions aux dispositions en vigueur. Que faut-il pour cela ? Dépassement du manque d’innovation et des défauts qualitatifs Problèmes Propositions d’Unia Beaucoup d’entreprises répondent de moins en Il faut davantage miser sur la qualité de l’accueil et moins aux attentes de leur clientèle et n’investisl’innovation, et se doter des moyens nécessaires. sent pas suffisamment dans leur renouvellement. Beaucoup d’établissements traditionnels ne se sont pas (suffisamment) adaptés à l’évolution des habitudes et des attentes des consommateurs. Ils sont hésitants face à l’innovation, et leur offre trouve toujours moins d’écho auprès de la clientèle. Ces entreprises manquent d’argent pour effectuer les investissements en souffrance. Quant au «marché», il n’exerce pas la sélection. Beaucoup d’entreprises sont en constante La branche doit globalement se stabiliser. Les créations restructuration. hâtives, suivies d’une faillite rapide, doivent diminuer, et les changements à la tête des établissements devenir moins fréquents. 61 Les perspectives – objectifs et propositions d’Unia Aides étatiques axées sur la durabilité Problèmes Beaucoup d’entreprises cherchent à s’en sortir en économisant sur leurs charges en personnel et en lésinant sur la qualité des prestations. La politique contradictoire de l’Etat aggrave les problèmes structurels au lieu de les régler. Les subventions étatiques sont les plus élevées dans les régions LIM où le salaire minimal, déjà bas, peut encore être diminué de 10%. Propositions d’Unia Les restaurateurs et les hôteliers qui misent sur des offres et une qualité novatrices et voient dans leurs employés un facteur-clé de succès doivent être soutenus. Une aide étatique digne de ce nom s’efforcera d’améliorer la qualité, en évitant de prendre des mesures inadéquates qui ne feraient que prolonger les problèmes structurels: n Les entreprises qui forment des collaborateurs/trices et/ou les encouragent à se perfectionner doivent bénéficier d’aides étatiques ciblées sur ce travail de qualification. n Des instruments promotionnels, telle l’initiative de qualification et les mesures soutenant les efforts d’innovation, doivent être développés. n Les institutions étatiques veilleront à ordonner la fermeture des entreprises qui enfreignent régulièrement la CCNT et les lois. Les gérants coupables se verront retirer leur patente – nécessaire à l’exploitation d’un établissement. Conclusion L’hôtellerie-restauration suisse n’aura un avenir riant que si elle exploite pleinement son important potentiel, à l’aide d’une stratégie de développement durable de la qualité. Concrètement, les entreprises doivent: n garantir à leur personnel la sécurité de l’emploi et des conditions de vie dignes; n miser sur la qualité de leurs services et viser à une amélioration au niveau des rendements ainsi qu’à une rentabilité accrue; n pouvoir compter sur les institutions étatiques, qui soutiendront à l’aide d’instruments adéquats leurs efforts de développement durable (qualité, emploi). 62 Publications du syndicat Unia: No 1 Lutter avec Unia! 33 raisons de s’unir pour former le syndicat du troisième millénaire No 2 Concept pour les arts & métiers : Quelle est l’importance des arts & métiers dans l’économie suisse et comment renforcer ce secteur No 3 Commentaire de la convention collective dans l’industrie des machines, des équipements électriques et des métaux No 4 Perspectives dans l’hôtellerie-restauration; Objectifs et propositions d’Unia Unia Secrétariat central Weltpoststrasse 20 CH-3000 Berne 15 T +41 31 350 21 11 [email protected] www.unia.ch 06.2008/2021.01.FR.A5