La Pluralisation du Verbe Impersonnel Haber dans l`Espagnol des

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La Pluralisation du Verbe Impersonnel Haber dans l`Espagnol des
Western Papers in Linguistics / Cahiers linguistiques de
Western
Volume 1
Issue 2 Masterpieces: Master's Major Research Papers
and Proceedings of WISSLR 2015
Article 3
2015
La Pluralisation du Verbe Impersonnel Haber dans
l’Espagnol des Caraïbes et de l’Amérique Latine
Continentale
Angelica Hernandez Constantin
Western University, [email protected]
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Recommended Citation
Hernandez Constantin, Angelica (2015) "La Pluralisation du Verbe Impersonnel Haber dans l’Espagnol des Caraïbes et de l’Amérique
Latine Continentale," Western Papers in Linguistics / Cahiers linguistiques de Western: Vol. 1: Iss. 2, Article 3.
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La Pluralisation du Verbe Impersonnel Haber dans l’Espagnol des
Caraïbes et de l’Amérique Latine Continentale
Cover Page Footnote
Remerciements: Je veux remercier Dr. David Heap et Dr. Jeff Tennant pour me permettre d'utiliser des
données du corpus de la ville de Holguín pour ce projet, mais surtout pour me guider et me donner de
l'appuie durant mes études de maîtrise. En plus, je dois remercier ma famille et Chris pour me supporter
durant mes études et tous les moments difficiles.
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LA PLURALISATION DU VERBE IMPERSONNEL HABER
DANS L’ESPAGNOL DES CARAÏBES ET DE L’AMÉRIQUE
LATINE CONTINENTALE.
Angélica Hernández Constantin
University of Western Ontario
1.0 Introduction
Selon la grammaire prescriptive, les verbes impersonnels dans l’espagnol ne prennent pas de
sujet (Gómez Torrego 2003). Donc, dû au fait que la conjugaison des verbes s’accorde avec le
sujet, les verbes impersonnels ne peuvent se conjuguer qu’à la troisième personne du singulier.
Les verbes impersonnels, bien qu’ils ne prennent pas de sujet, sont fréquemment accompagnés
d’un SN complément d’objet direct.
Un exemple des verbes impersonnels en espagnol est le verbe existentiel haber qui peut
être traduit en français comme ‘il y a’ et qui exprime l’existence ou la présence de quelque chose.
Ce verbe ne prend pas de sujet parce qu’il est impersonnel, mais il est accompagné d’un SN
complément d’objet direct
(1)
Había
mucha-s
casa-s.
Il y a.imp beaucoup-PL maison-PL
‘Il y avait beaucoup de maisons.’
Cependant, bien que le verbe existentiel haber soit un verbe impersonnel, les locuteurs
natifs de la langue utilisent souvent des formes plurielles de ce verbe dans leur parole lorsque le
complément d’objet direct est pluriel
(2)
Habían
mucha-s casa-s.
Il y a.imp-PL plusieur-PL maison-PL
‘Il y avaient plusieurs maisons’
Dans les cas où on trouve ce verbe impersonnel pluralisé comme en (2) on dit que le SN
pluriel qui accompagne le verbe impersonnel provoque l’accord en nombre avec le verbe, et que
cet accord entre le verbe et le SN a comme résultat la conjugaison plurielle du verbe (Bentivoglio
et Sedano 1987, Claes 2014, Díaz-Campos 2003). Alors, le SN prend la fonction de sujet dans
ces cas bien qu’il soit en effet un complément d’objet direct.
Il est important noter que ces formes plurielles du verbe haber existent déjà dans la langue
et alors les locuteurs ne créent pas des nouvelles mots quand ils les utilisent pour des phrases
comme en (2) ci-dessus (Claes 2015). En Espagnol, on trouve ces conjugaisons avec le verbe
personnel, auxiliaire haber. Ce verbe auxiliaire qui a la même forme du verbe impersonnel haber
est utilisé pour former les temps composés en espagnol comme le présent parfait, le futur parfait
et le passé parfait. Car les formes plurielles du verbe existent déjà dans ce verbe auxiliaire, les
locuteurs de l’Espagnol ne doivent que les emprunter et les appliquer au verbe impersonnel pour
créer des phrases comme en (2). Cependant, ces conjugaisons plurielles sont agrammaticales
quand elles s’utilisent avec le verbe impersonnel haber et ces constructions sont stigmatisées par
la norme formative (Claes 2014a/b, Diaz-Campos 2003, Pacheco Carpio et al. 2013).
En dépit du fait que ces conjugaisons plurielles du verbe sont en général stigmatisées par
la norme prescriptive, leur utilisation est bien répandue dans les communautés hispanophones de
© 2015 Angélica Hernández Constantin
Western Papers in Linguistics / Cahiers linguistiques de Western
2
l’Amérique Latine continentale et des Caraïbes. En plus, des études contemporaines suggèrent
que leur utilisation serait en hausse (Aguilar 2005).
Ce phénomène, connu comme ‘la pluralisation du verbe haber’, a motivé plusieurs études dans
des différents pays et régions comme le Mexique, Venezuela, Cuba, Colombie, Chile, Porto Rico,
Costa Rica, et même l’Espagne. (Bentivoglio et Sedano 1987, Castillo-Treyes 2007, Claes
2014a/b, 2015, DeMello 1991, Díaz-Campos 2003, Gómez-Molina 2013).
Plusieurs études sur le sujet ont conclu que l’utilisation de ces formes plurielles du verbe
impersonnel haber représente un changement linguistique dans la langue où une forme personnel
du verbe existentiel haber surgit (Claes 2014a, Díaz-Campos 2003). En effet, quelques auteurs
suggèrent même que le phénomène est si répandu qu’il devrait devenir une forme acceptée
comme grammaticale par la Real Academia de la Lengua Española (Gómez Torrego 2003).
Cependant, toutes les études ne sont pas d’accord. On trouve aussi des arguments qui suggèrent
que la pluralisation du verbe haber est un phénomène qui représente de la variation stable dans la
langue (Claes 2014, Quintanilla-Aguilar 2009). Une étude de Quintanilla-Aguilar (2009)
explique que l’utilisation de ces formes plurielles des verbes impersonnels est fréquente dans
l’espagnol depuis le 17ème siècle.
Dans ce projet j’ai deux objectifs principaux. Le premier objectif est de déterminer si les
caractéristiques sociales et linguistiques de l’utilisation de ce phénomène ressemblent aux
caractéristiques d’un changement linguistique en progrès (Labov 2001) ou d’une variable stable
dans la langue (Labov 2001, Trudgill 1968). Pour cette première partie du travail, je me
concentre sur les variétés de l’espagnol des Caraïbes. Spécifiquement j’utilise des corpus de
quatre villes : La Havane, Cuba; Holguín, Cuba; San Juan, Porto Rico; et Caracas, Venezuela.
Dans la deuxième partie du projet je vise à déterminer si le phénomène de la pluralisation
de haber diffère entre les variétés de l’espagnol des Caraïbes et les variétés de l’Amérique Latine
continentale. Pour accomplir cet objectif je fais une comparaison entre les facteurs sociaux et
linguistiques qui conditionnent le phénomène dans les quatre villes des Caraïbes mentionnés
antérieurement, et les facteurs qui conditionnent le phénomène dans trois villes de l’Amérique
Latine continentale : Bogotá, Colombie; Lima, Perú; et La Paz, Bolivia. Cette comparaison
donnera une perspective plus générale du phénomène et les différences qui peuvent exister entre
les variétés de l’espagnol des Caraïbes et de l’Amérique Latine continentale.
1.1 Méthodologie
1.1.1 Les corpus utilisés
Pour la première partie de ce projet j’utilise des corpus qui représentent quatre villes des
Caraïbes: Un corpus composé de 41 entrevues de la ville d’Holguín, Cuba (Tennant et al. 2006),
un corpus composé de 29 entrevues de La Havane, Cuba (Gonzales Mafud et al. 2010), un corpus
de la ville de Caracas, Venezuela avec 38 entrevues et 48 locuteurs (Rosenblat et al. 1979), et un
corpus composé de 23 entrevues de la ville de San Juan, Porto Rico (Morales et Vaquero 1990).
Pour la deuxième partie de ce projet j’utilise trois corpus qui représentent les variétés de
l’espagnol de l’Amérique Latine continentale : Un corpus de Bogotá, Colombie composé de 70
locuteurs, (Instituto Caro y Cuervo 1986); un corpus de La Paz, Bolivia composé de 91 locuteurs
(Marrone 1992); et un corpus de Lima, Perú composé de 21 locuteurs (Caravedo 1989).
La longueur de chaque entrevue dans ces corpus est entre 30 minutes et une heure et
demie. Lorsqu’on considère les quatre corpus des Caraïbes ensemble pour la première partie du
projet on a 140 locuteurs, dont 71 sont des femmes et 69 sont des hommes. Pour la deuxième
partie du projet, lorsqu’on considère les trois villes de l’Amérique Latine continentale ensemble
on a 184 locuteurs, dont 83 sont des femmes et 101 sont des hommes. Je présente les détails de
l’information démographique des corpus dans la page suivante (Tableau 1).
3
Ville
Holguín
La Havane
San Juan
Caracas
Bogotá
La Paz
Lima
Sexe
Âge
Femmes
Hommes
Femmes
Hommes
Femmes
Hommes
Femmes
Hommes
Femmes
Hommes
Femmes
Hommes
Femmes
Hommes
(1735)
11
7
6
6
3
4
7
7
11
11
16
14
4
6
Niveau Éducationnel
(36-55)
(56+)
Bas
9
8
4
4
5
6
10
10
15
16
16
24
3
4
3
3
4
5
2
3
7
7
9
8
6
15
3
3
6
6
0
0
0
0
2
0
8
1
5
1
0
0
Moyen
10
6
0
0
0
0
0
0
12
3
19
12
3
0
Haut
7
6
14
15
10
13
22
24
15
31
14
40
7
13
Tableau 1. Détails de la distribution démographique (sexe, âge, et niveau éducationnel) des
sept corpus utilisés pour ce projet.
Les corpus des villes de La Havane, Caracas, San Juan, Bogotá, La Paz, et Lima, ont été
consultés en utilisant ‘El Corpus del Español’ (Davies 2002-) pour obtenir les données, ainsi que
les publications originales correspondantes (Caravedo 1989, Gonzales Mafud et al. 2010,
Instituto Caro y Cuervo 1986, Marrone 1992, Morales et Vaquero 1990, Rosenblat et al. 1979,)
pour consulter les informations démographiques et stylistiques des corpus. En plus, j’ai
l’occasion d’avoir accès direct aux transcriptions du corpus de la ville d’Holguín, Cuba (Tennant
et al. 2006) grâce à la collaboration des auteurs originaux du corpus. Après avoir extrait les
données de chaque corpus je les ai codées pour analyser quatre facteurs sociaux et quatre facteurs
linguistiques.
1.1.2 Les Facteurs Sociaux
Pour ce projet j’examine l’effet de quatre facteurs sociaux sur l’utilisation du phénomène
de la pluralisation du verbe haber : l’âge, le niveau socio-économique, le sexe des locuteurs, et on
examine aussi l’effet de la ville où les locuteurs habitent.
Pour l’âge je divise les locuteurs en trois groupes : première génération (17-35 ans),
deuxième génération (36-55 ans), et troisième génération (56+ ans). En plus, j’utilise le niveau
éducationnel pour représenter le niveau socio-économique des locuteurs (Pacheco Carpio et al.
2013).
Je divise les locuteurs en trois niveaux d’éducation formelle : un niveau bas, où les
locuteurs n’ont aucune éducation post-secondaire; Un niveau moyen où les locuteurs ont une
4
éducation pré-universitaire ou où ils ont commencé une éducation post-secondaire; Et un niveau
haut, où les locuteurs ont complété au moins cinq ans d’éducation universitaire. Il faut noter
maintenant qu’on trouve des locuteurs avec un niveau d’éducation formelle bas ou moyenne
seulement dans certains des corpus utilisés (Table 1). On trouve des locuteurs de niveau
éducationnel bas dans les corpus des villes d’Holguín, et Bogotá, et on trouve des locuteurs de
niveau éducationnel moyen dans les corpus des villes de Caracas, Bogotá, Lima et Holguín.
Cependant, dans les corpus des villes de La Havane, San Juan, et La Paz on trouve seulement des
locuteurs avec un niveau éducationnel haut.
Finalement, quelques études ont montré que l’utilisation de la pluralisation du verbe
haber peut varier d’une région à une autre (Díaz-Campos 2003, DeMello 1991). Alors, on tient
en compte aussi la ville d’origine des locuteurs comme un facteur sociaux dans notre analyse.
1.1.3 Les facteurs linguistiques
Dans ce projet je considère quatre facteurs linguistiques qui peuvent conditionner la
pluralisation : le temps et le mode du verbe, la position du SN en relation au verbe dans la phrase,
la distance entre le verbe et la tête du SN, et le trait [+ animé] de la tête du SN.
En premier j’analyse les modes et temps verbaux qui sont plus fréquemment utilisés avec
la pluralisation. Cinq catégories de formes verbales sont considérées au total: l’imparfait, le
conditionnel, le passé simple, le futur, et le subjonctif. Je signale ci-dessous les formes
spécifiques que je considère dans cette étude (Tableau 2).
Forme verbale
Forme singulière
Forme pluralisée
Imparfait
había
habían
Future simple
habrá
habrán
Passé simple
hubo
hubieron
Conditionnel
habría
habrían
Subjonctif (prs)
haya
hayan
Subjonctif (imp)
hubiera
hubieran
Tableau 2. Formes verbales inclus dans l’analyse des facteurs linguistiques.
Il est important de noter que la forme du présent de l’indicative hay ‘il y a’ n’est pas
communément pluralisée (Díaz-Campos 2003) et donc elle a été omise dans ce projet. En effet,
dans son article, Díaz-Campos (2003) note que la forme plurielle du présent de l’indicatif hayn
reportée par Montes (1982) dans son étude sur l’espagnol de La Colombie, n’a été jamais utilisée
dans les corpus de Santiago de Chile et de Caracas. J’ai aussi omis de l’analyse des formes
plurielles de la première personne du verbe haber, comme habemos ‘nous y avons’, habíamos
‘nous y avions’, hubimos ‘nous y avons eu’, habremos ‘nous y auront’, hubieramos ‘nous y
ayons’, et habríamos ‘nous y aurions’. Ces formes diffèrent des autres formes inclues dans ce
projet car dans ces formes l’objet direct du verbe inclut en effet le(s) locuteur(s) même(s). En
plus, en faisant une analyse préliminaire je n’ai pas trouvé une quantité significative de ces
formes dans les corpus utilisés. Il n’y avait que deux instances de la forme impersonnelle à
l’imparfait habíamos dans le corpus de San Juan, et je n’ai trouvé aucune instance de ces formes
dans les autres corpus, et donc je conclus qu’elles ne sont pas suffisamment répandues pour être
inclues dans cette analyse.
Pour la position du SN relative au verbe, je considère si le nom se trouve avant le verbe
ou après le verbe dans la phrase. L’espagnol est une langue où l’ordre de mots de base le moins
marqué est SVO (Gómez Molina 2013) et alors, si le SN est dans une position typiquement
5
associé avec le sujet de la phrase (antérieur au verbe), il semble plus probable que les locuteurs le
considèrent comme sujet. Cependant, si le SN est dans une position dans la phrase où on trouve
habituellement l’objet du verbe (suivant le verbe) il semble plus probable qu’il sera considéré
objet, et donc l’accord pluriel serait moins probable.
Je considère aussi si la tête du SN est immédiatement adjacente au verbe ou si elle est
séparée par un ou plusieurs mots. Le nom pluriel pourrait influencer la conjugaison du verbe
plus facilement s’il est adjacent au verbe.
Finalement, je tiens compte aussi du trait [+ animé] de la tête du SN. Plusieurs études ont
noté que le trait [+ humain] ou [+ animé] du SN favorise la pluralisation de haber (Bentivoglio et
Sedano 1987, D’Aquino Ruiz 2008, Díaz-Campos 2003). Comme dans la pluralisation du verbe
haber le SN qui accompagne le verbe prend la fonction du sujet, il est plus probable que le verbe
sera pluralisé si le nom dans le SN a des caractéristiques typiquement associés à un ‘sujet’. Par
exemple, il est plus probable qu’on considère le nom fille, qui a le trait [+ animé] et [+humain],
comme sujet que le nom ‘table’, qui a le trait [- animé] et [-humain]. Claes (2014a) suggère qu’il
serait plus approprié d’utiliser la caractérisation d’agent ou patient qui est plus fréquemment
associé avec la tête du SN. Il explique que bien que les noms conducteur et victime les deux ont
le trait [+humain] et [+ animé], il est plus probable qu’on considère le nom conducteur comme
sujet (fait l’action) et le nom victime comme objet (qui reçoit l’action). Cette problème serait
résolu lorsqu’on utilise la caractérisation d’agent ou patient au lieu des traits [+ humain] ou [+
animé]. Cependant, l’utilisation de cette caractérisation agent/patient du nom est problématique.
J’ai trouvé en essayant de suivre la méthodologie de Claes (2014) que la plupart des noms qui
sont [+ animés] ont la même possibilité d’être soit agent, soit patient et alors la caractérisation
devient subjective. Par exemple, le nom fille peut être considéré agent dans une phrase comme la
fille prend la poupée, mais il peut être patient également dans une autre phrase j’amène la fille à
l’école. Alors, la caractérisation ‘typique’ du nom est difficile à déterminer objectivement. En
plus, à cette caractérisation on doit ajouter quand même un autre code pour codifier les données
où le nom tête du SN n’est typiquement ni agent ni patient. Pour ces raisons, dans ce projet
j’utilise la caractérisation [+ animé] de la tête du SN qui est plus commune dans la littérature et
beaucoup plus objective.
1.1.4 Analyse statistique
Pour tous les corpus mentionnés j’ai identifié et extrait les phrases où on trouve le verbe
impersonnel existentiel haber accompagné par un SN au pluriel. C’est dans ces phrases où on a
un SN pluriel que les locuteurs ont le choix d’utiliser la forme singulière prescriptive du verbe,
ou la forme vernaculaire. Comme les formes plurielles du verbe haber sont le résultat d’un
accord en nombre entre le verbe et le SN pluriel, on ne considère pas les phrases où le verbe
existentiel haber est accompagné d’un SN singulier. Si le SN est au singulier on ne peut pas voir
si le locuteur a considéré le SN comme objet ou sujet parce que dans les deux cas il utilisera la
même forme singulière.
Dans la première partie du projet je me concentre sur les variétés de l’espagnol des
Caraïbes et donc j’utilise seulement les quatre corpus qui représentent la parole de cette région.
Pour déterminer lesquels facteurs sociaux (sexe, âge, et niveau éducationnel) et/ou linguistiques
(temps verbale, position du SN, trait [+ animé] du SN, présence/absence de modificateur du SN)
favorisent la pluralisation du verbe haber significativement aux Caraïbes, je fais une régression
linéaire en utilisant le logiciel Goldvarb 3.0 en groupant les données de toutes les quatre villes.
Dans la deuxième partie du projet je considère en premier les villes de l’Amérique Latine
continentale et fais une régression linéaire en groupant les données de ces trois villes. Puis, je fais
une comparaison entre les résultats des villes des Caraïbes et ceux des villes de l’Amérique
Latine continentale.
6
Finalement, j’utilise le test-z (pour comparer les proportions des populations dont les
données sont binaires) pour déterminer le niveau de signification dans les différences qu’on
trouve entre des groupes. En plus, je crée des graphiques en utilisant le logiciel MS Excel 2013.
1.1.5 Changement linguistique ou variation stable?
Un des buts principaux de ce projet est de déterminer si la distribution démographique du
phénomène démontre les caractéristiques d’un changement linguistique ou de la variation stable
dans la langue. Pour aborder cette question j’utilise les caractéristiques des changements
linguistiques suggérés par Labov (2001). Je compare principalement nos résultats contre trois
caractéristiques principales des changements linguistiques qui ont leur origine dans les niveaux
socio-économiques bas d’une population (Labov 2001) :
(1)
(2)
(3)
Dans un changement linguistique on espère que les locuteurs plus jeunes utilisent la
nouvelle variable (dans ce cas les formes plurielles du verbe haber) plus fréquemment que
la population plus âgée.
Les femmes d’une population ont tendance d’utiliser la nouvelle variable plus
fréquemment que les hommes.
La nouvelle variable sera utilisée plus fréquemment par les personnes dans les niveaux
socio-économiques moyens.
Claes (2014b) note aussi que les changements linguistiques qui proviennent des niveaux
socio-économiques bas peuvent devenir stigmatisés par les niveaux socio-économiques plus
hauts et par la norme prescriptive. Dans ce cas, les niveaux socio-économiques plus hauts
peuvent commencer un changement conscient pour arrêter la progression du changement. Dans
ces cas les femmes et les personnes plus jeunes utiliseront la variable stigmatisée moins
fréquemment.
Dû au niveau de stigmatisation par les locuteurs des niveaux socio-économiques hauts, je
considère que la pluralisation du verbe haber serait un changement qui a commencé dans les
niveaux socio-économiques plus bas (Claes 2014b). Alors, on prédit que les caractéristiques
démographiques de l’utilisation du phénomène suivent les trois caractéristiques ci-dessus si c’est
un changement linguistique. Cependant, si la pluralisation représente de la variation stable on
s’attend à ce que l’utilisation du phénomène ne varie que selon le niveau socio-économique des
locuteurs (Claes 2014b).
2.0 Revue de la littérature
2.1 Le verbe impersonnel haber
Les verbes impersonnels sont des verbes qui ne prennent jamais de sujet ni implicite, ni explicite
(Bentivoglio et Sedano 1989). Les verbes vraiment impersonnels sont bien marqués en espagnol,
cependant on voit des exemples de ce type de verbes lorsqu’on parle des évènements
météorologiques (4) ou existentiels comme le verbe haber (5).
(4)
Ayer llovió.
Hier plu.PST.
‘Hier, il a plu.’
(5)
Hay
una
Il y a.PRS une
carta
lettre
7
‘Il y a une lettre’
Ces verbes impersonnels n’ont donc jamais d’argument avec le cas nominatif. Les
arguments de ses verbes impersonnels peuvent être accusatifs (5) ou même absents (4). Le verbe
impersonnel haber est habituellement accompagné par un SN indéfini qui est considéré l’objet
direct du verbe. En effet, selon Gómez Molina (2013) le SN complément d’objet direct du verbe
peut être présent en trois formes : Une forme lexicale (nominale) où le SN est explicit dans la
phrase comme en (6); une forme où le SN complément d’objet direct est présent comme pronom
(7); et une forme implicite où le SN est absent mais implicite (8).
(6)
Hay chocolate.
Il y a chocolate
‘Il y a du chocolate’
(7)
Lo hay
ahí.
Le il y a là
‘Il y en a là’
(8)
Chocolate? Sí hay.
Chocolat oui il y a
‘Du chocolat? Oui il y en a’
Le seul SN qui accompagne le verbe porte le cas accusatif habituellement. Selon Bull
(1943) ce SN qui accompagne le verbe existentiel haber suit quelques normes. En premier, le SN
qui accompagne le verbe impersonnel haber est habituellement indéfini. Elle explique que cela
est dû au fait qu’antérieurement, le verbe haber était en concurrence contre le verbe estar (être
présent) car ces verbes les deux expriment la présence d’un objet. Maintenant, les deux verbes
sont différenciés par le fait que le verbe existentiel haber s’utilise avec les objets directs
indéfinis, et le verbe estar s’utilise avec les objets directs définis (Bull 1943).
Une autre caractéristique du verbe haber est qu’il est introduit par une phrase adverbiale
la plupart du temps. Le verbe s’utilise pour attirer l’attention vers un objet dans un certain
environnement, c’est-à-dire dans un certain temps et lieu. Alors, si le locuteur fait référence à un
objet au dehors de l’environnement immédiat (par exemple un objet dans le passé ou dans une
autre location), le verbe doit être accompagné par une phrase adverbiale qui spécifie où et quand
l’objet existe (Bull 1943). Selon Claes (2015), cette phrase adverbiale est presque obligatoire
avec le verbe impersonnel haber. Cependant, cette phrase adverbiale peut être omise si l’objet
auquel on fait référence est présent dans l’environnement immédiat, ou si l’environnement où et
quand l’objet est présent est déjà connu par les personnes dans la conversation.
Cette caractéristique du SN du verbe est lié, selon Gómez Molina (2013) qui discute les
origines du verbe, au fait que le verbe haber vient du verbe latin habere qui indiquait plutôt la
possession (lié à une lieu) de quelque chose comme on voit dans l’exemple historique de
l’espagnol d’Espagne donné dans son article et montré ici en (9).
(9)
Los que han
hambre y sed de justicia, que santa gloria hayan.
Les qui avoir.3PL faim et soif de justice, que sainte gloire avoir.3SG
‘Que ceux qui ont faim et soif de justice, ont la sainte gloire.’
Gómez Molina (2013) explique donc que le verbe moderne haber conserve encore des
caractéristiques de ce verbe transitif possessif habere, et pour cette raison le lieu où l’objet reste
important dans les expressions qui l’utilisent. Il me semble aussi important noter que dans cette
8
phrase en (9) le verbe possessif haber est conjugué au pluriel. Gómez Molina (2013) explique
que l’ancien verbe habere avait deux arguments, un argument nominatif qu’indiquait le
possesseur et un argument accusatif qu’indiquait l’objet possédé. Il était plus tard que dans
l’évolution du verbe, le verbe a perdu l’argument nominatif et est devenu impersonnel. On note
aussi qu’aujourd’hui le verbe haber n’exprime pas la possession, cet aspect du verbe s’exprime
aujourd’hui en utilisant le verbe tener.
2.2 La pluralisation du verbe haber
La pluralisation du verbe haber est un phénomène qui attire l’intérêt de plusieurs linguistes
aujourd’hui (Brown et Rivas 2012, Díaz-Campos 1994, Claes 2014a, Barrios 2004). Cependant,
ce phénomène n’est pas nouveau. En effet, une des premières études qui notent la pluralisation
comme un phénomène d’intérêt était celui de Kany (1945). Dans cet article Kany note la
présence des formes plurielles du verbe haber dans plusieurs œuvres littéraires de dix-sept
différents pays hispanophones. En plus, il y a des rapports dans la littérature d’utilisation des
formes plurielles du verbe impersonnel haber dès le 17ème siècle dans la parole, et dès le 18ème
siècle dans l’écriture (Fontanella de Weinberg 1992).
Le verbe existentiel haber, comme il est décrit dans l’introduction à ce projet, est un verbe
impersonnel existentiel qui peut être traduit en français comme ‘Il y a’, et il est parfois pluralisé
lorsque le SN complément d’objet direct est pluriel (10-12).
(10) Había
mucha-s
cosa-s
Il y a.imp-PL beaucoup-PL chose-PL
‘Il y avait beaucoup de choses.’
(11) Había-n
mucha-s
cosa-s
Il y a.imp-PL beaucoup-PL chose
‘Il y avait beaucoup de choses.’
(12) *
Había-n
una cosa
Il y a.imp-PL une chose
‘Il y avait une chose.’
On voit alors dans la phrase en (10) le verbe conjuguée de forme prescriptive (à la
troisième personne du singulier de l’imparfait), et on voit qu’en (11) dans sa forme vernaculaire,
il devient pluralisé dû au complément pluriel du verbe. Cependant, on note que la pluralisation
du verbe est agrammaticale lorsque le complément d’objet direct est singulier (12).
La pluralisation est aussi plus communément utilisé avec certaines formes verbales que
d’autres. En effet, la plupart des études quantitatives sur le sujet de la pluralisation ont trouvé que
l’imparfait est une des formes les plus souvent pluralisées, tant que le passé simple est la forme la
moins pluralisée à part le présent de l’indicatif (Bentivoglio et Sedano 1987, DeMello 1991,
Díaz-Campos 2003, 2004). Par exemple, dans son étude Díaz-Campos (2003) a trouvé que
l’imparfait et le présent parfait étaient les formes du verbe les plus souvent pluralisées en
Caracas, Venezuela.
Bello (1972) considère que ces différences sont dues à des raisonnes phonologiques. Il
explique que, par exemple, l’alternance entre la forme singulière de l’imparfait había ‘il y avait’
et la forme plurielle correspondante habían est plus facile à accepter que l’alternance entre la
forme singulière du passé simple hubo ‘il y a eu’ et la forme plurielle correspondante hubieron.
Notez que dans l’alternance du passé simple il faut ajouter une syllabe additionnelle au mot et le
9
changement est donc plus important et moins acceptable par les locuteurs natifs (Pacheco Carpio
et al. 2013). Cependant l’alternance entre les formes singulières et les formes plurielles des temps
comme l’imparfait, le conditionnel, ou le subjonctif, n’affecte pas la structure syllabique du mot
et donc est plus facile d’accepter.
Je note aussi que la forme plurielle du verbe au présent hayn a été mentionnée par Montes
(1992), Díaz-Campos (2003) et Claes (2014b), et elle est toujours la forme la moins utilisée par
les locuteurs. Par exemple, on vient de mentionner que Díaz-Campos (2003) n’a trouvé aucun
exemple dans les données des corpus de Chile et Venezuela. En plus, dans une étude de Claes
(2014b), bien qu’il ait trouvé des instances de hayn, il mentionne qu’elles sont très infréquentes.
En effet, il mentionne qu’incluant cette alternance entre hay et hayn dans son analyse baisse la
fréquence moyenne de pluralisation dans ses résultats significativement (Claes 2014b : 231).
Alors, on exclut le présent de l’indicatif de cette analyse.
Selon Freites-Barros (2004), le fait que les locuteurs utilisent le seul SN dans la phrase
comme sujet, (même s’il est l’objet direct du verbe), n’est pas difficile à comprendre. Il explique
qu’il est marqué d’avoir une phrase où le sujet (soit explicite, soit implicite) est complètement
absent en espagnol. Il est beaucoup plus commun d’avoir une phrase où l’objet direct est absent
(Claes 2014a). Alors, les locuteurs traitent le verbe de la façon la moins marquée : lorsqu’il n’y a
qu’un SN dans la phrase c’est le sujet.
Claes (2015) et Pacheco Carpio et al. (2013) soutient cette explication dans leur analyse
du phénomène où ils considèrent que les locuteurs, dans le cas de haber pluralisé, transforment la
forme impersonnelle du verbe qui est plus marquée en une forme personnelle moins marquée.
Pacheco Carpio et al. (2013) proposent que la forme de base de la phrase simple ‘sujet-verbe’
reste toujours dans l’esprit des locuteurs et donc, s’il n’y a qu’un SN dans une phrase, il doit être
le sujet et non pas l’objet direct.
Dans son étude, Claes (2014a) étudie le phénomène de la pluralisation du verbe haber
dans l’espagnol de la ville de San Juan, Porto Rico. Il explique la pluralisation en notant qu’on
trouve de nos jours, en effet, deux variantes de constructions possibles avec le verbe existentiel
haber : la variante prescriptive où le SN dans la phrase est interprété comme objet direct du verbe
<AdvP haber DO>; et la variation pluralisée (ou personnalisée) où le SN dans la phrase est
considéré le sujet du verbe <AdvP haber Suj> (Claes 2014a). Il considère aussi que ces deux
formes du verbe sont en concurrence pour la proéminence dans la langue.
Des études comme celle de Pacheco Carpio et al. (2013) signalent aussi cette concurrence
entre les deux variantes du verbe. Dans leur étude Pacheco Carpio et al. (2013) expliquent
qu’après avoir demandé à plusieurs étudiants universitaires de la ville de Caracas de choisir entre
la forme impersonnelle (sans accord entre le verbe et le SN) et personnelle (avec de l’accord
entre le verbe et le SN) du verbe dans un questionnaire, 47.2% des étudiants ont choisi la forme
impersonnelle comme la forme grammaticale, tant que 52.7% des étudiants ont choisi la forme
personnelle comme la forme grammaticale. Selon Pacheco Carpio et al. (2013) ces résultats
suggèrent que ces deux formes sont en concurrence même dans la parole des locuteurs avec un
haut niveau d’éducation formelle.
Dans une des premières études quantitatives publiée sur ce phénomène, Bentivoglio et
Sedano (1989) examinent les facteurs linguistiques qui conditionnent l’utilisation des formes
plurielles du verbe haber dans la ville de Caracas, Venezuela. Elles concentrent leur étude sur
l’effet que le trait [+ humain] du SN et la présence d’un modificateur du SN a sur la fréquence
d’utilisation des formes plurielles du verbe. Leur étude conclut que le trait [+ humain] du SN
favorise la pluralisation du verbe significativement. Plus tard, ces résultats ont été soutenus par
des études similaires qui ont aussi trouvé que le caractère [+ humain] ou [+ animé] du SN était un
facteur linguistique qui favorise la pluralisation (D’Aquino Ruiz 2008, Díaz-Campos 2003).
Rivas et Brown (2012) ont analysé le phénomène de point de vue de la sémantique du
nom du SN complément du verbe haber. Dans leur étude, Rivas et Brown (2012) ont trouvé en
conduisant un analyse de régression multiple sur les données de l’espagnol de Porto Rico, que la
10
distinction entre les noms à niveau étape et les noms à niveau individuel est un facteur significatif
dans l’utilisation de la pluralisation du verbe haber. Ils expliquent que les noms à niveau
individuel montrent persistance temporelle et individualité et démontrent donc plus de
caractéristiques de sujet. Alors, l’accord entre ces noms et le verbe haber est plus probable et la
pluralisation est favorisée. Cependant, les noms à niveau étape sont des noms, selon Rivas et
Brown (2012) qui ne sont pas stables dans le temps et donc qui sont moins semblables à des
sujets de la phrase. Alors, l’accord entre ces noms et le verbe est moins probable et la
pluralisation du verbe haber est défavorisée en comparaison aux noms individuels.
Dans une étude plus récente, Claes (2014a) étudie la pluralisation dans l’espagnol de la
ville de San Juan, Porto Rico, encore du point de vue de la sémantique du SN en suivant les
résultats de l’étude par Rivas et Brown (2012). Claes (2014a) propose que la sémantique du nom
du SN dans la phrase est un facteur important mais que la position du nom dans la ‘chaîne
d’action’ (Langacker 1991) est en effet un facteur plus approprié pour décrire comment le
caractère sémantique du nom conditionne la pluralisation du verbe. Comme j’avais mentionné
dans la section de la méthodologie, Claes considère que c’est le rôle d’agent ou de patient que le
nom du SN prend plus fréquemment dans la langue qui détermine si le SN est interprété par les
locuteurs comme objet ou sujet, et donc si la construction personnelle ou impersonnelle du verbe
haber s’utilise. La notion de la position du nom dans la ‘chaine d’action’ est similaire aux rôles
d’agent ou patient. Cette notion parle d’une ‘chaine’ dont la tête représente les noms qui
commencent une action, qui peuvent déclencher un événement (agents), et la queue représente les
noms qui reçoivent les actions plus communément (patients). Donc, Claes 2014a suggère que la
position d’un nom dans cette chaîne est un facteur plus approprié à considérer parce qu’il nous
donne une meilleure compréhension du rôle du nom dans la phrase.
La pluralisation du verbe haber a été notée dans la plupart des communautés
hispanophones. La pluralisation a été noté en Colombie, au Venezuela, au Mexique, à Cuba, à
Porto Rico, au Chile et même en Espagne. Cependant, la fréquence d’utilisation des formes
plurielles du verbe varie d’une communauté à une autre. Par exemple, une étude de Bello (1972)
montre que dans la ville de Santiago de Chile la pluralisation du verbe haber semble être la
norme, et non l’exception, lorsque le SN qui accompagne le verbe est pluriel. Par contre, une
autre étude de Díaz-Campos (1994) montre que dans la ville de Caracas le fréquence d’utilisation
de la pluralisation lorsque le verbe existentiel est accompagné d’un SN pluriel est de 54%, et
DeMello (1991) montre qu’à la ville de Buenos Aires la fréquence est de 4%. Alors, on voit que
l’utilisation de ce phénomène varie beaucoup dépendant de la ville consultée. Cependant, la
fréquence de la pluralisation dans une communauté varie aussi à cause d’autres facteurs comme
le niveau socioéconomique des locuteurs, le sexe et l’âge (Bentivoglio et Sedano 1989).
Dans son étude, Carrillo de Carle (1974) trouve que les locuteurs de San Juan, Porto Rico
utilisent la pluralisation 60% du temps. Cependant, lorsqu’on analyse les données de la même
ville incluant seulement les locuteurs de niveau socio-économique haut on trouve que la
pluralisation est utilisée seulement 21% du temps. Similairement, DeMello (1991) constate en
analysant les données des locuteurs de niveau socio-économique haut, que la population de
Bogotá, Colombie utilise la pluralisation 14% du temps, tant que Montes Giraldo (1982) signale
que la pluralisation représente la norme dans la parole des Colombiens en général. Alors, on voit
que la fréquence de pluralisation qu’on trouve dans une population peut être significativement
différente dépendant des locuteurs qu’on inclut dans l’analyse. Dans une même population la
pluralisation sera plus fréquente si on inclut des locuteurs de tous les niveaux socioéconomiques
que si on n’inclut que les locuteurs de niveau socioéconomique haut. Donc le niveau
socioéconomique semble être lié à la fréquence d’utilisation du phénomène de la pluralisation.
Le fait que la fréquence d’utilisation du phénomène a tendance à être plus haute dans les
niveaux socio-économiques plus bas suggère que la pluralisation est un phénomène qui a ses
origines dans ces niveaux (Fontanella de Weinberg 1987). Un autre élément qui montre que la
11
pluralisation du verbe haber est un phénomène qui provient des niveaux socio-économiques bas
est le degré de stigmatisation lié au phénomène.
La pluralisation du verbe haber est un phénomène stigmatisé fortement par la norme
pédagogique. En effet, dans leur article, Pacheco Carpio et al. (2013) concluent en disant qu’il
faudra bien ou permettre le changement de la langue et accepter cette nouvelle forme comme
grammaticale ou implémenter des mesures pour inverser la situation :
…o pensar en políticas lingüísticas que tiendan a revertir tal situación, mediante
programas educativos tanto a nivel formal (instituciones educativas) como informal
(medios masivos de comunicación), que de hecho de algún modo se ponen en práctica.
(2013 :52)
En effet, quelques linguistes comme Quintanilla-Aguilar (2009) expliquent que la
stigmatisation est un facteur qui empêche le progrès du changement linguistique, et que pour
cette raison la pluralisation du verbe haber reste et restera seulement de la variation linguistique
dans la langue. Quintanilla-Aguilar (2009) a conduit une étude dans une communauté d’El
Salvador et elle conclue en disant qu’elle n’a pas trouvé des indices d’un changement linguistique
en relation à la pluralisation du verbe haber, bien que la fréquence d’utilisation soit haute. Elle
considère que c’est un phénomène qui est conditionné par le niveau de stigmatisation et donc, le
niveau socioéconomique des locuteurs et le niveau de formalité de la conversation des locuteurs.
En plus, elle suggère que c’est surtout une tendance des langues romanes où la pluralisation des
verbes impersonnels n’est pas marquée dans le vernaculaire.
Cependant, cette opinion n’est l’opinion la plus répandue. La plupart d’études concluent
que la pluralisation du verbe haber est un changement linguistique dans la langue et qu’il est
« arbitraire » de le nier (Díaz-Campos 2003, Bentivoglio et Sedano 1989). En plus, les résultats
de D’Aquino Ruiz (2008) apportent du soutien à la notion que la pluralisation du verbe haber est
un changement linguistique car leurs résultats suggèrent que la fréquence d’utilisation des formes
plurielles du verbe, et le nombre de personnes qui utilisent la pluralisation est, en effet, en hausse
en dépit de la stigmatisation du phénomène. En plus, Salgado-Robles (2009) propose que la
forme personnalisée du verbe existentiel haber devrait devenir acceptée par la Real Academia
Española comme une forme prescriptive optionnelle parce que c’est un phénomène si répandu
dans le monde hispanophone qu’il est même prévalent dans les niveaux socioéconomiques hauts.
3.0 Résultats
Cette section est divisée en trois sous-sections. Dans la première section, je présente les résultats
que j’ai trouvés concernant les données des corpus des Caraïbes, la deuxième section traite des
résultats des villes de l’Amérique Latine continentale, alors que dans la troisième section on
considère les différences entre cette région et les Caraïbes.
Pour les tests-z on considère un niveau de signifiance de 5%. Alors, une différence est
significative lorsque P < 0.05. En plus, j’utilise l’acronyme ETM pour signifier l’erreur-type de
la moyenne pour les analyses qui utilisent des échantillons des populations dans cette section.
3.1 Les Caraïbes
Selon l’analyse de régression linéaire, seulement un facteur social, (le niveau éducationnel), et
deux facteurs linguistiques, (la forme du verbe et la position du SN), ont des effets significatifs
dans l’utilisation de la pluralisation de haber aux Caraïbes (Tableau 3).
12
Pluralisations
N
Proportion
Poids du facteur
Bas
Moyen
Haut
Étendue
Forme verbale
Conditionnel
Imparfait
Subjonctif
Futur simple
Passé simple
Étendue
Position du SN
15
5
84
25
9
259
0.60
0.56
0.32
0.766
0.714
0.464
30.2
2
85
8
2
7
5
203
26
8
51
0.40
0.42
0.31
0.25
0.14
0.630
0.599
0.485
0.456
0.169
46.100
Suivant
Précédent
Étendue
30
74
67
226
0.45
0.33
0.598
0.471
12.7
Niveau Éducationnel
Tableau 3. Résultats de l’analyse GoldVarb 3.0 montrant les facteurs qui ont un effet
significatif sur la pluralisation du verbe haber aux Caraïbes.
3.1.1 Facteurs Sociaux
L’analyse GoldVarb indique que le niveau éducationnel des locuteurs est un facteur
important dans l’utilisation de la pluralisation aux Caraïbes. Selon les résultats de la régression
linéaire, la pluralisation est favorisée par les locuteurs avec un niveau éducationnel bas ou
moyen, tant qu’un niveau éducationnel haut la défavorise (Tableau 3, Figure 3).
Fréquence d'utilisation de la
pluralisation de haber (%)
13
80
60
40
20
0
Haut
Moyen
Bas
Niveau Éducationnel
Frequénce d'utilisation de
la pluralisation de haber (%)
Figure 3. [+ ETM] Fréquence d’utilisation de la pluralisation de haber par
locuteurs
des Caraïbes
de niveaux
(aucune
post-significative
Un
test-z pour
la comparaison
de éducationnels
proportions nebas
révèle
pas éducation
de différence
secondaire,
N=25),
moyen
(moins
de
5
ans
d’éducation
post-secondaire,
N=9),
entre les locuteurs d’éducation moyenne et ceux d’éducation basse (P=0.818),
ou entre les
et
haut
(plus
de
cinq
ans
d’éducation
post-secondaire,
N=259).
locuteurs d’éducation moyen et ceux d’éducation haute (P=0.147). Cependant, on voit que les
locuteurs d’un niveau bas d’éducation utilisent la pluralisation de haber significativement plus
fréquemment que les locuteurs d’un niveau haut d’éducation (P<0.01). Je trouve aussi que
lorsqu’on regroupe et compare les locuteurs avec un niveau d’éducation bas ou moyen contre les
locuteurs d’un niveau haut d’éducation, le premier groupe utilise la pluralisation
significativement plus fréquemment que le deuxième (P<0.01).
Nos résultats suggèrent que les hommes des Caraïbes utilisent la pluralisation plus
fréquemment que les femmes, mais cette différence n’est pas significative (P=0.1074). En plus,
les locuteurs les plus jeunes (18-35) utilisent la pluralisation le plus fréquemment, suivis par les
locuteurs d’un âge moyen (36-55) et finalement ceux d’un âge plus avancé (56+). Cependant, il
n’y a pas des différences significatives entre les groupes d’âge (P=0.532).
Finalement, les résultats de la régression linéaire ont montré que la ville des locuteurs
n’était pas un facteur significatif pour la pluralisation. Cependant, en conduisant des tests-z pour
faire la comparaison entre les fréquences d’utilisation selon la ville des locuteurs, je note que la
pluralisation est utilisée significativement plus dans la ville de Holguín que dans la ville de La
Havane (P<0.05, Figure 4).
60
40
20
0
Caracas
La Havane
Holguín
San Juan
Villes
Figure 4. [+ ETM] Fréquence d’utilisation de la pluralisation de
haber par locuteurs des Caraïbes de la ville de Caracas (N=48), de La
Havane (N=29), de Holguín (N=40), et de San Juan (N=23)
14
Cependant, je note aussi que les différences d’utilisation du phénomène entre les autres
villes n’étaient pas significatives (Figure 4).
3.1.2 Facteurs linguistiques
Fréquence d'utilisation de la
pluralisation de haber (%)
Deux facteurs linguistiques sont importants dans l’utilisation du phénomène de la pluralisation
aux Caraïbes : la forme du verbe (temps/mode) qui est utilisé, et la position du SN en relation au
verbe dans la phrase.
Les résultats de l’analyse linéaire montrent que la pluralisation du verbe haber est
favorisée lorsque le verbe est au conditionnel ou à l’imparfait (Figure 5). Cependant l’utilisation
des formes plurielles est défavorisée lorsque le verbe est au subjonctif, au futur simple ou au
passé simple (Tableau 3).
40
30
20
10
0
Conditionnel Futur simple
Imparfait
Passé simple
Subjonctif
Forme verbale
Figure 5. [+ ETM] Fréquence d’utilisation de la pluralisation de haber chez les
locuteurs des Caraïbes selon les formes verbales : imparfait (N= 203), passé
simple (N= 51), subjonctif (N= 26), conditionnel (N= 5) et futur simple (N= 26).
En plus, on trouve que la pluralisation est favorisée et utilisée significativement plus
fréquemment (P<0.001) lorsque le SN dans la phrase suit le verbe. Si le SN précède le verbe la
pluralisation est défavorisée (Tableau 3). Les locuteurs des Caraïbes utilisent la pluralisation 33%
du temps si le SN précède le verbe, et 45% du temps si le SN suit le verbe (Figure 6).
15
SN suit
Figure 6. Fréquence d’utilisation de la
pluralisation du verbe haber chez les
locuteurs des Caraïbes lorsque le SN
suit (gris foncé, N= 67) et lorsque le SN
précède le verbe (gris clair, N= 226)
(P<0.001).
33%
SN précède
45%
Finalement, on n’a pas trouvé que les autres facteurs linguistiques étudiés, comme le trait
[+ animé] de la tête du SN, et la distance entre la tête du SN et le verbe, ont un effet significatif
sur la pluralisation dans l’espagnol des Caraïbes.
3.2 Les pays de l’Amérique Latine continentale
Mes résultats suggèrent que dans l’Amérique Latine continentale, trois facteurs sociaux, (le sexe,
le niveau éducationnel, et la ville des locuteurs), et deux facteurs linguistiques (la forme du verbe,
et le trait [+ animé] du SN), affectent l’utilisation de la pluralisation significativement. (Tableau
4).
Forme verbale
Subjonctif
Imparfait
Futur
Passé Simple
Étendue
Ville
Lima
La Paz
Bogotá
Étendue
Niveau Éducationnel
Moyen
Haut
Étendue
Sexe
Feminin
Masculin
Étendue
Pluralisations
N
Proportion
Poids du facteur
8
56
2
1
23
174
8
32
0.35
0.32
0.25
0.03
0.678
0.589
0.508
0.076
292.4
27
24
16
74
62
101
0.36
0.39
0.16
0.657
0.654
0.296
36.1
29
38
67
170
0.43
0.22
0.626
0.450
17.6
40
27
119
118
0.34
0.23
0.589
0.410
17.9
16
Trait [+ animé] du SN
[-animé]
53
157
0.34
0.580
[+animé]
14
80
0.18
0.347
Étendue
23.3
Tableau 4. Résultats de l’analyse GoldVarb 3.0 montrant les facteurs qui semblent
conditionner la pluralisation du verbe haber dans l’Amérique Latine continentale. Facteurs
significatifs: Forme verbale, niveau Éducationnel, trait [+ animé] du SN, et la ville des
locuteurs.
3.2.1 Facteurs sociaux
Fréquence d'utilisation de la
pluralisation de haber (%)
Le premier facteur social qui affecte la fréquence d’utilisation de la pluralisation de haber est la
ville du locuteur. Les résultats suggèrent que les locuteurs de la ville de Bogotá utilisent la
pluralisation significativement moins que les locuteurs des villes de Lima (P <0.001) et de La Paz
(P <0.001). Donc, tant que la pluralisation est favorisée dans les villes de Lima et de La Paz, la
ville de Bogotá la défavorise (Tableau 4, Figure 7).
50
40
30
20
10
0
Bogotá
Lima
La Paz
Ville
Figure 7. (+ ETM ) Fréquence d’utilisation de la pluralisation du
verbe haber dans trois villes de l’Amérique Latine continentale :
Bogotá (N= 101), Lima (N= 74), et La Paz (N= 62).
Le niveau éducationnel des locuteurs a un effet significatif sur la fréquence d’utilisation
de la pluralisation du verbe haber. Les résultats suggèrent que les locuteurs avec un niveau
éducationnel bas ou moyen utilisent la pluralisation significativement plus que les locuteurs avec
un niveau d’éducation haut (P<0.001). Cependant, il faut noter que dans les données de
l’Amérique Latine continentale on n’avait que trois instances d’utilisation du verbe haber
existentiel par des locuteurs de niveau éducationnel bas. Alors, je groupe les données des
locuteurs avec un niveau d’éducation bas avec ceux des locuteurs ave un niveau d’éducation
moyen (Tableau 4, Figure 8).
Fréquence d'utilisation de la
pluralisation de haber (%)
17
60
45
30
15
0
Haut
Moyen
Niveau Éducationnel
Figure 8. (+ ETM) Fréquence d’utilisation de la pluralisation de haber par
des locuteurs de l’Amérique Latine continentale de niveau éducationnel
haut (plus de cinq ans d’éducation post-secondaire, N= 170) et moyen/bas
(cinq ans d’éducation post-secondaire ou moins, N= 67).
Fréquence d'utilisation de la
pluralisation de haber (%)
Le dernier facteur social qui démontre une corrélation avec la fréquence de pluralisation
du verbe haber dans l’Amérique Latine continentale est le sexe des locuteurs. Nos résultats
suggèrent que dans les villes de cette région, les femmes utilisent la pluralisation
significativement plus que les hommes (Figure 9, P<0.001).
50
40
30
20
10
0
Hommes
Femmes
Sexe
Figure 9. (+ ETM) Fréquence d’utilisation de la pluralisation du verbe
haber par des hommes (N= 118) et des femmes (N= 119) de
l’Amérique Latine continentale.
Finalement on note que l’âge des locuteurs n’était pas un facteur significatif. Les
locuteurs des trois groupes d’âges semblent utiliser la pluralisation avec une fréquence semblable.
18
3.2.2 Facteurs linguistiques
Fréquence d'utilisation de la
pluralisation de haber (%)
Selon l’analyse de régression linéaire, la pluralisation est favorisée lorsqu’on utilise le verbe
haber au subjonctif (à l’imparfait et au présent), à l’imparfait ou au futur simple. On a trouvé
aussi que la fréquence d’utilisation de la pluralisation n’est pas significativement différente entre
ces formes des verbes. Cependant, la fréquence d’utilisation de la pluralisation est
significativement plus basse lorsque le verbe est au passé simple. La pluralisation du verbe haber
est défavorisée seulement lorsque le verbe est conjugué à ce temps verbal (Figure 10).
50
40
30
20
10
0
Futur Simple
Imparfait
Passé Simple
Subjonctif
Forme verbale
Figure 10. [+ ETM] Fréquence d’utilisation de la pluralisation de haber par
desnote
locuteurs
de dans
l’Amérique
Latine
continentaleLatine
selon continentale
les formes verbales
: qu’une
On
aussi que
les données
de l’Amérique
il n’y avait
Futur
simple
(N=
8),
imparfait
(N=
174),
passé
simple
(N=
32),
et
subjonctif
instance de haber existentiel au conditionnel. Cette instance était pluralisée mais quand même
elle avait(N=23).
était exclue de l’analyse. Cette exclusion était nécessaire pour l’analyse à régression
multiple.
L’autre facteur linguistique qui affecte la fréquence d’utilisation de la pluralisation
significativement et le trait [+ animé] de la tête du SN. Les résultats suggèrent que les locuteurs
utilisent la pluralisation significativement plus fréquemment (P<0.01) lorsque la tête de SN dans
la phrase est [- animé] que si elle est [+ animé] (Figure 11).
17.50%
[+ animé]
[- animé]
34.18%
Figure
11.
Fréquence
d’utilisation de la pluralisation
du verbe haber chez les
locuteurs
de
l’Amérique
Latine continentale lorsque la
tête du SN est [+animé] (gris
foncé, N= 80) et lorsque le SN
précède le verbe (gris clair,
N=157) (P<0.001).
3.3 Les Caraïbes et l’Amérique Latine continentale : Une comparaison
Les villes des Caraïbes ensemble utilisent la pluralisation de verbe haber plus fréquemment que
les villes de l’Amérique Latine continentale. Cependant, cette différence n’est pas significative
(Figure 12, P=0.078).
Fréquence d'utilisation de la
pluralisation de haber (%)
19
40
30
20
10
0
Caraïbes
Amérique Latine continentale
Région
Figure 12. (+ ETM )Fréquence d’utilisation de la pluralisation du verbe
haber dans la région des Caraïbes (N= 293) et de l’Amérique Latine
continentale (N= 240).
Fréquence d'utilisation de la
pluralisation de haber (%)
Selon l’analyse de régression linéaire de Goldvarb 3.0, le sexe des locuteurs n’était pas un
facteur significatif dans la pluralisation du verbe haber ni aux Caraïbes, ni dans l’Amérique
Latine continentale indépendamment. En effet, il n’y a pas de différence entre la fréquence
d’utilisation de la pluralisation entre les femmes aux Caraïbes et les femmes dans l’Amérique
Latine continentale. Cependant, on trouve que les hommes des Caraïbes utilisent la pluralisation
significativement plus que les hommes des villes de l’Amérique Latine continentale (Figure 13).
50
40
30
Caraïbes
20
Amérique Lat
10
0
Hommes
Femmes
Sexe
Figure 13. (+ ETM ) Fréquence d’utilisation de la pluralisation du verbe haber
chez les femmes et les hommes des Caraïbes (Nm= 159, Nf= 134) et dans
l’Amérique Latine continentale (Nm= 119, Nf= 121).
Un autre facteur important à mentionner lorsqu’on compare les deux régions c’est l’âge
des locuteurs. Dans le cas de l’utilisation de la pluralisation par les locuteurs selon l’âge, on ne
trouve pas de différences significatives. Cependant, tant qu’aux Caraïbes ce sont les jeunes (1535) qui utilisent la pluralisation le plus fréquemment (39.8%), et les locuteurs d’âge plus avancé
(60+) qui l’utilisent le moins (31.25%), dans l’Amérique Latine continentale on voit que la
tendance est complètement opposée et les locuteurs plus jeunes l’utilisent plus fréquemment
(23.6%) que les locuteurs plus âgées (34.2%)(Figure 14).
Fréquence d'utilisation de la
pluralisation de haber (%)
20
50
40
30
Caraïbes
20
Amérique Lat
10
0
15-35
36-55
56+
Âge des locuteurs
Figure 14. (+ ETM ) Fréquence d’utilisation de la pluralisation du verbe haber aux
Caraïbes et dans l’Amérique Latine continentale chez les locuteurs de trois âges
différents : locuteurs jeunes (15-35 ans, N= 72), d’âge moyenne (36-55 ans, N= 93),
et les plus âgées (56+ ans, N= 73).
Cependant, il faut noter qu’on voit une différence significative seulement entre les
locuteurs jeunes des deux populations (Figure 14, p<0.05).
4.0 Discussion des résultats
Selon les résultats, aux Caraïbes le seul facteur social qui a un effet significatif sur l’utilisation du
phénomène est le niveau d’éducation formelle atteint par le locuteur. Les résultats suggèrent que
ce sont les locuteurs avec un niveau d’éducation bas ou moyen qui utilisent les formes plurielles
du verbe haber le plus. Ce résultat confirme des résultats reportés dans des articles précédents
(Claes 2014b, D’Aquino Ruiz 2008, Díaz-Campos 2013). En effet dans son article Díaz-Campos
(2013) explique que la pluralisation du verbe haber est un phénomène utilisé surtout par les
niveaux socioéconomiques bas ou moyens parce qu’il est un phénomène qui surgit à partir de ces
niveaux. En plus, selon Labov (1973), un phénomène linguistique dont les locuteurs des niveaux
sociaux moyens et bas utilisent la ‘nouvelle’ variante le plus est un phénomène qui a surgit sous
le niveau de conscience des locuteurs et qui provient donc du vernaculaire. Ces variantes
linguistiques peuvent déclencher un changement linguistique et devenir une partie de la langue
formelle seulement si elles sont adoptées par des locuteurs de toutes les classes sociales.
Cependant, on voit dans les résultats de ce projet que les locuteurs avec un niveau éducationnel
haut défavorisent l’utilisation de la pluralisation du verbe haber aux Caraïbes, ainsi que dans
l’Amérique Latine continentale.
Les locuteurs de niveau socioéconomique haut dans ce projet utilisent les formes
plurielles du verbe (la forme personnelle du verbe) significativement moins que les autres classes
sociales. Je considère que cette tendance est due au fait que la pluralisation est un phénomène qui
est stigmatisée par la norme prescriptive (Quintanilla-Aguilar 2009), et alors les locuteurs qui ont
un niveau éducationnel haut éviteront l’utilisation de ces formes plurielles, spécialement dans une
entrevue. Il est donc aussi important de noter que les données utilisées pour ce projet ont été
extraits des corpus composés des entrevues conduites avec les locuteurs de chaque ville. Alors,
comme la pluralisation est stigmatisée par la norme prescriptive, les locuteurs, surtout les
locuteurs de niveaux socioéconomiques hauts, l’utiliseront moins fréquemment.
21
Lorsqu’on parle de la pluralisation du verbe haber il faut considérer le niveau de
stigmatisation associé au phénomène. En effet, outre la basse fréquence d’utilisation par les
locuteurs avec un niveau éducationnel haut, on voit d’autres indices de la stigmatisation du
phénomène dans les deux populations comme l’autocorrection. Dans les instances où les
locuteurs montrent de l’autocorrection, ils s’arrêtent après avoir utilisé ou lorsqu’ils sont en train
d’utiliser les formes plurielles du verbe impersonel haber, et ils changent la forme plurielle pour
la forme prescriptive du verbe au singulier ou ils changent la phrase pour s’exprimer d’une façon
différente et mieux acceptée. Voici un exemple ci-dessous :
(13) …donde había-m-[int] ,
éramos
veintipico
de-, de niño-s.
… où
il y avoir.IMP-PL,
être.1PL.PST vingt et des poussières [de-, d’] enfant-PL.
‘où il y avait, nous étions vingt et quelques poussières enfants.’
L’exemple en (9) montre comment un locuteur du corpus de Holguín commence à
utiliser la forme plurielle de la première personne du pluriel du verbe haber à l’imparfait,
habíamos ’nous y avions’, mais il s’arrête et change la phrase pour former une construction
mieux acceptée avec la conjugaison de la premier personne du pluriel à l’imparfait du verb ser
‘être’ : éramos ‘nous étions’. Ces autocorrections sont communes dans les corpus examinés,
surtout chez les locuteurs de niveau éducatif moyen, et sont un signe de la stigmatisation qui
entoure ce phénomène dans les communautés. Cependant, le niveau de stigmatisation associé aux
formes plurielles du verbe impersonnel haber varie entre les villes.
Dans leur étude, Pacheco Carpio et al. (2013) ont trouvé qu’en effet, la moitié des
locuteurs qu’ils ont consultés dans la ville de Caracas ont considéré que lorsque l’objet direct
dans la phrase est pluriel, il est plus approprié d’utiliser la variante plurielle du verbe haber que la
forme prescriptive singulière. Les auteurs de l’étude signalent que leur étude montre que la
pluralisation du verbe haber est devenu moins stigmatisée même par la classe sociale haute dans
cette ville et pour cette raison la fréquence d’utilisation est en hausse dans ce pays. Les résultats
de mon projet donnent de l’appui aux conclusions de leur étude car la fréquence d’utilisation de
la pluralisation par les locuteurs de Caracas est une des fréquences les plus hautes dans cette
étude.
En plus, on avait vu que la ville du locuteur est un facteur significatif dans l’utilisation du
phénomène dans l’Amérique Latine continentale. Les résultats signalent que lorsque la ville de
Bogotá défavorise la pluralisation, les villes de Lima et de La Paz le favorisent. Je considère que
ces différences peuvent être dues au niveau de la stigmatisation associé au phénomène dans
chacune de ces villes. Alors, le fait que la ville n’était pas un facteur significatif aux Caraïbes
peut signaler que le niveau de stigma est plus similaire à travers cette région. Cependant, pour
confirmer cette relation entre les effets du stigma sur la pluralisation, on aurait besoin de plus
d’information sur les attitudes des locuteurs de chaque ville vers la pluralisation du verbe haber.
Je suggère donc que dans des études futures un questionnaire soit donné aux participants pour
évaluer leurs attitudes vers l’utilisation du phénomène. Alors, bien que le niveau de
stigmatisation associé au phénomène soit un facteur important dans la fréquence d’utilisation du
phénomène de la pluralisation et la variation qu’on voit entre les communautés distinctes,
quelques facteurs linguistiques doivent aussi être considérés.
Un autre facteur qu’on a trouvé est significatif dans l’utilisation du phénomène aux
Caraïbes et dans l’Amérique Latine continentale est la forme verbale utilisée. On avait vu que
quelques formes verbales favorisent l’utilisation des formes plurielles du verbe plus que des
autres. Ce résultat est partagé avec les résultats de plusieurs études précédents comme celui de
(Bello 1972, D’Aquino Ruiz 2005, Díaz-Campos 1994, 2003). En plus, on avait vu aussi que
l’imparfait et le conditionnel sont les formes verbales qui favorisent la pluralisation le plus dans
aux Caraïbes et dans l’Amérique Latine continentale. Ce résultat n’est pas surprenant car
22
plusieurs études concluent que l’imparfait est le temps où la pluralisation est utilisée le plus
fréquemment (Claes 2014, D’Aquino Ruiz 2005, Díaz-Campos 2003). En plus, la forme qui
défavorise la pluralisation le plus fortement dans les données des deux régions est le passé
simple, ce qui est aussi ce que la plupart de ces études précédents ont trouvé (Bello 1972, DíazCampos 2003). Comme j’avais mentionné dans l’introduction, quelques auteurs considèrent que
les différences entre formes verbales seraient dues aux effets phonologiques (Bello 1972). Si la
pluralisation d’une forme verbale de haber cause un changement dans la structure interne du mot,
cette forme sera moins acceptée que si l’alternance entre la forme singulière et la forme plurielle
n’affecte pas la structure interne du mot. Mes résultats appuient cette conclusion partiellement.
On avait vu que les formes du passé simple du verbe comme hubieron sont les formes utilisées le
moins que ce soit aux Caraïbes ou en Amérique Latine continentale. En effet, ces formes verbales
sont les seules formes qui ne favorisent pas la pluralisation dans les villes de l’Amérique Latine
continentale. Alors, il est intéressant de noter aussi que ces formes plurielles ajoutent au moins
une syllabe de plus à la forme singulière prescriptive correspondante hubo. Alors, ce résultat
semble soutenir la théorie qui lie les formes plus et moins pluralisées à la phonologie.
Cependant, les résultats montrent aussi que aux Caraïbes, au delà du passé simple, les formes
plurielles du futur simple habrán et du subjonctif présent hayan et passé hubieran défavorisent la
pluralisation du verbe. Ces formes n’affectent pas la structure interne des formes prescriptives
correspondants habrá, haya et hubiera. Alors, lorsqu’on considère ces résultats on soutient la
notion des effets phonologiques sur la pluralisation partiellement. Bien que la structure interne
des mots puisse avoir un effet sur les formes qui sont pluralisées le plus fréquemment, je
considère qu’il doit avoir un autre facteur aussi.
Pour essayer de donner une explication au fait que les formes du futur simple et du
subjonctif ne favorisent pas la pluralisation dans les communautés des Caraïbes, je considère la
théorie de la préemption statistique (Claes 2015). Claes (2015) explique que les locuteurs auront
une tendance forte à utiliser des éléments linguistiques de façons innovatrices (dans des contextes
distinctes) s’ils ont vu l’élément linguistique en question utilisé dans des contextes variés
antérieurement. Alors, on dit qu’il sera plus probable que les locuteurs utiliseront les formes du
verbe qui sont plus communes dans la langue, et qui se trouvent déjà dans une plus grande variété
de constructions linguistiques, d’une façon nouvelle et innovatrice. Dans le cas du phénomène de
la pluralisation de haber, il faut en premier se souvenir que les formes plurielles du verbe
existaient déjà dans la langue. Ces formes plurielles du verbe haber existent et sont utilisées de
façon prescriptive lorsqu’on forme une phrase aux temps composées. Alors, on a déjà des formes
verbales connues et le nouveau contexte où le locuteur introduirait ces formes verbales serait la
phrase impersonnelle. Selon Claes (2015) les formes qui sont plus communes dans la langue, et
que donc, le locuteur a entendues dans une variété de contextes, seront utilisées dans le nouveau
contexte (phrase impersonnelle) plus fréquemment. Cette théorie pourrait expliquer pourquoi le
subjonctif et le futur simple ne sont pluralisés avec la même fréquence que les formes du verbe
haber plus communément utilisés dans la langue comme l’imparfait habían. En tenant ce facteur
de la préemption statistique en compte, c’est donc intéressant de noter qu’aux Caraïbes et en
Amérique Latine on voit la même hiérarchie d’utilisation des formes verbales. L’imparfait est
partout la forme la plus pluralisée, suivi par le conditionnel (dans les cas où il est présent), puis le
subjonctif présent et imparfait, et finalement le futur simple et le passé simple. En plus, ce n’est
pas seulement l’ordre qui est le même, mais aussi les fréquences pour chaque forme. Le fait que
l’ordre et les fréquences sont si similaires dans les deux régions suggère que lesquelles formes
sont pluralisées le plus n’est pas quelque chose de ‘sélectionné’ au hasard et que le facteur qui le
conditionne n’est pas spécifique à chaque communauté, mais plutôt à la langue même.
À part la forme verbale du verbe il y a, selon les résultats de ce projet, deux autres
facteurs linguistiques qui ont un effet significatif sur la pluralisation du verbe haber. Aux
Caraïbes, on voit que la position du SN en relation au verbe est un facteur significatif dans la
pluralisation. Lorsque le SN suit le verbe la pluralisation est favorisée, mais si le SN précède le
23
verbe elle défavorise ce phénomène. Ce résultat est contraire à ce que j’espérais. J’avais prédit
que la pluralisation serait plus probable lorsque le SN se trouve en une position habituellement
associée avec le sujet de la phrase, qui en espagnol dû à l’ordre de mots SVO, est avant le verbe.
Cependant, dans l’article de Gómez Molina (2013) il mentionne qu’en effet, en espagnol l’ordre
de mots commun pour les verbes existentiels est différent de l’ordre général. Selon Gómez
Molina (2013) pour ce type de verbes l’ordre de mots plus commun est VS, et donc il suggère
que la pluralisation pourrait être favorisée par cet ordre de mots. Les résultats de ce projet
soutiennent l’idée que le verbe haber est pluralisé lorsque le SN est en position de sujet, mais il
faut tenir en compte la position de sujet typique des verbes existentiels (VS) plutôt que la position
de sujet dans l’ordre général des mots dans l’espagnol (SVO) (Gómez Molina 2013).
La position du SN en relation au verbe n’est pas significative dans le corpus de
l’Amérique Latine continentale. Dans cette région c’est le trait [+ animé] qui est significatif. Le
trait [+ animé] du SN qui accompagne le verbe est un facteur significatif pour la pluralisation de
haber dans l’Amérique Latine continentale. Cependant, les résultats que j’ai trouvés sont
contraires aux résultats de la plupart des études (Bentivolgio et Sedano 1989, Claes 2014a,
D’Aquino Ruiz 2008). Dans ce projet, j’ai trouvé que dans l’Amérique Latine continentale
lorsque le SN a le trait [- animé] la pluralisation est favorisé, et lorsque le SN est [+ animé] elle
est défavorisé. Dans la plupart d’études précédentes, on voit que la pluralisation est plus
commune si le SN possède des caractéristiques de sujet (Bentivoglio et Sedano 1989, Claes
2014a). Alors, j’avais prédit que la pluralisation serait plus probable si le SN est [+ animé] et
donc est plus semblable à un nom sujet de phrase. Un nom qui est [- animé] ne peut pas, en
général, être complément de sujet d’une action et alors, il est moins possible que les locuteurs le
considèrent et l’utilisent comme sujet dans une phrase impersonnelle. Pourtant, je suggèrerais
utiliser une autre mesure du caractère de sujet du nom dans les études futures comme le trait [+
humain], ou la chaîne d’action suggéré par Claes (2015). Cependant, il faut se souvenir aussi du
fait que j’ai essayé d’utiliser la caractérisation de rôle des noms selon la méthodologie de Claes
sans améliorer les résultats. Alternativement, je propose que le fait que le SN ait des
caractéristiques de sujet ne soit pas un facteur principal dans le conditionnement de la
pluralisation du verbe haber. Cette proposition est soutenue par le fait que les résultats ne
trouvent pas ce facteur significatif aux Caraïbes. En plus, Díaz-Campos (1994) mentionne dans
son article qu’il a trouvé des exemples dans son corpus de l’espagnol de Venezuela où la
pluralisation s’utilise avec un pronom accusatif, ce qui va l’encontre de la théorie su sujet qui
suggère que les locuteurs pluralisent le verbe haber parce qu’ils considèrent que le SN qui
l’accompagne possède des caractéristiques de sujet. Donc, Díaz-Campos suggère en effet, que la
pluralisation est plus probable non seulement si le SN possède des caractéristiques de sujet mais
aussi lorsque le SN objet direct est le thème principal de la conversation.
Le sexe des locuteurs est un facteur social qui a un effet significatif sur la pluralisation du
verbe haber seulement dans l’Amérique Latine continentale. Dans cette région on voit que ce
sont les femmes qui utilisent la pluralisation significativement plus que les hommes. Selon
Trudgill (1968) les femmes d’une communauté utilisent une nouvelle variante plus fréquemment
que les hommes si la variante est en train de devenir un changement linguistique. C’est à cause
du fait que les femmes sont en générale plus sensibles aux innovations linguistiques que les
hommes et donc, adoptent les nouvelles variantes linguistiques plus rapidement (Labov 1973).
C’est aussi important de noter qu’en générale les femmes utilisent leur parole pour se situer dans
une certaine classe sociale et ont tendance à utiliser des variables plus prestigieuses. Alors, le fait
que les femmes utilisent la pluralisation significativement plus fréquemment que les hommes en
Amérique Latine continentale peut suggérer que le niveau de stigmatisation lié au phénomène est
en baisse, ce qui s’aligne aussi avec les résultats qu’on vient de mentionner, présentés par
Pacheco Carpio et al. (2013) où certains locuteurs de la ville de Caracas ont considéré les formes
plurielles comme plus acceptables que les formes singulières. Ce résultat, cependant, semble
contradictoire lorsqu’on le compare aux conclusions qu’on avait vu en relation à la fréquence
24
d’utilisation du phénomène dans les niveaux socioéconomiques hauts où la pluralisation n’est pas
favorisé. Mais il faut se souvenir que les résultats montrent aussi que la classe moyenne, qui
selon Labov (1973) est aussi la classe qui adopte les changements en premier, utilise la
pluralisation significativement plus que les autres classes. Alors, en effet nos résultats
commencent à soutenir l’idée que la pluralisation représente un changement linguistique dans
l’Amérique Latine continentale. Lorsqu’on analyse les données des Caraïbes, cependant, on ne
peut pas arriver à la même conclusion facilement.
Aux Caraïbes on voit que le sexe des locuteurs n’affecte pas la pluralisation
significativement. En plus, la tendance générale (non-significative statistiquement) montre une
tendance opposée à celle de l’Amérique Latine continentale où c’est en effet les hommes qui
utilisent la pluralisation plus que les femmes. Alors, cette tendance selon Trudgill (1968) signale
que la variable est effectivement stable dans la population. Ceci peut être dû au paradoxe décrit
par Labov (1973) où les femmes en général utilisent des formes vernaculaires innovatrices plus
que les hommes, mais elles ont tendance à être plus soigneuses avec leur parole et à utiliser plus
de formes qui sont considérées plus prestigieuses dans la communauté. Alors, il est possible que
ce résultat reflète encore, le niveau de stigmatisation du phénomène dans ces communautés.
En comparant les deux régions (les Caraïbes contre l’Amérique Latine continentale) on
trouve qu’il y a une différence significative entre l’utilisation du phénomène par les hommes des
deux régions. En effet, les hommes des Caraïbes utilisent la pluralisation du verbe haber
significativement plus que les hommes de l’Amérique Latine continentale. Au contraire, la
fréquence d’utilisation de la pluralisation est très similaire entre les femmes des deux régions.
Alors, il faut noter qu’une autre explication pour les différences qu’on trouve entre les deux
régions peut être due aux hommes inclus dans les corpus utilisés. Les corpus utilisés pour
analyser la pluralisation aux Caraïbes incluent plus locuteurs de niveau socioéconomique moyen
et bas que les corpus utilisés pour analyser la pluralisation dans l’Amérique Latine. Il est aussi
possible qu’il y a un effet des facteurs de confusion dans les résultats.
Finalement, il faut mentionner les différences générales entre la pluralisation aux Caraïbes
et la pluralisation dans l’Amérique Latine continentale. Nos résultats montrent que la
pluralisation est utilisé plus par les locuteurs des Caraïbes que par les locuteurs de l’Amérique
Latine continentale. Cependant, comme on vient de mentionner, c’est possible que ce résultat soit
aussi influencé par le fait qu’il y ait plus de locuteurs de niveau socioéconomique bas et moyen
dans ce corpus. Alors, pour déterminer l’effet des facteurs de confusion mentionnés j’ai fait des
analyses en incluant seulement les locuteurs de niveau socioéconomique haut ou moyen. Ces
analyses ont donné les mêmes résultats, et alors il semble que l’effet de confusion n’affecte pas
les résultats de ce projet significativement.
Les autres facteurs comme l’âge des locuteurs et la distance entre la tête du SN et le
verbe, n’étaient pas des facteurs significatifs en relation à la pluralisation de haber ni aux
Caraïbes, ni dans l’Amérique Latine continentale.
L’âge des locuteurs n’était pas un facteur significatif selon l’analyse de régression linéaire
conduit en Goldvarb. Cependant, il faut noter que lorsqu’on compare la distribution de la
fréquence d’utilisation de la pluralisation de haber selon l’âge des locuteurs des Caraïbes contre
celle des locuteurs du corpus de l’Amérique Latine continentale, on trouve qu’il y a une
différence significative entre la fréquence d’utilisation des locuteurs jeunes. Tant que les
locuteurs plus jeunes des Caraïbes sont le groupe qui utilise la pluralisation le plus, les locuteurs
plus jeunes de l’Amérique Latine l’utilisent le moins. Il est, donc, intéressant de noter cette
tendance opposée en se souvenant que les régions sont opposées aussi dans la fréquence
d’utilisation du phénomène selon les sexes. Ces tendances opposées peuvent être dues, comme
j’ai déjà dit, aux niveaux distinctes de stigmatisation du phénomène dans des régions, ou peutêtre qu’elles reflètent que le changement linguistique est dans des étapes différentes dans des
régions différents (DeMello 1991, Díaz-Campos 2003). Cependant, c’est une tendance qui devra
être explorée plus dans des études futures.
25
La distance entre la tête du SN et le verbe est le seul facteur linguistique qui n’a jamais
été significatif dans aucune de nos analyses. Dans une étude précédente de Bentivoglio et Sedano
(1989) ils ont exploré l’effet que des éléments additionnels dans le SN peuvent avoir sur la
fréquence de l’utilisation de la pluralisation de haber. Ils ont trouvé que la présence d’un élément
dans la phrase qui confirme la pluralité du nom favorise la pluralisation du verbe. Alors, lorsque
le SN inclut des modificateurs comme les adjectifs et les quantificateurs, la pluralisation est
favorisée. Alors, je suggère que ce n’est pas la distance entre la tête du SN et le verbe qui a un
effet sur la pluralisation toute seule, mais la fonction des mots qui les séparent. Cependant, il
faudra analyser cette prédiction dans des études futures.
5.0 Conclusion
La pluralisation du verbe haber est un phénomène bien répandu dans les communautés
hispanophones et qui a incité beaucoup de recherche (Bentivoglio et Sedano 1989, Claes 2014,
DeMello 1991, Díaz-Campos 2004, Freites Barros 2004, Gómez Molina 2013, Gómez Torrego
2003, Rivas et Brown 2012). La plupart des études réalisées sur ce phénomène concluent que ce
phénomène représente un changement linguistique en cours où on voit une forme personnelle du
verbe impersonnel haber qui surgit. Cependant, il y a quelques auteurs qui suggèrent que ce
phénomène, bien qu’il soit très répandu et présent dans presque tout le monde hispanophone,
représente de la variation stable dans la langue (Quintanilla-Aguilar 2009).
À travers ce projet, j’ai exploré l’utilisation du phénomène aux Caraïbes et dans une partie
de l’Amérique Latine continentale. Mes buts principaux étaient de déterminer les facteurs sociaux
et linguistiques qui conditionnent le phénomène dans ces régions, de voir les différences entre les
régions en relation au phénomène, et finalement d’aider à confirmer si la pluralisation du verbe
haber est un changement en progrès dans le monde hispanophone ou si c’est simplement une
variable stable dans la langue.
Mes résultats montrent plusieurs différences entre les deux régions et les facteurs sociaux
et linguistiques qui conditionnent la fréquence d’utilisation du phénomène. On avait vu que dans
les deux régions l’imparfait favorise la pluralisation, et le passé simple la défavorise. Cependant,
alors que dans l’Amérique Latine seulement le passé simple défavorise la pluralisation, aux
Caraïbes le futur simple et le subjonctif la défavorisent aussi. En plus, les facteurs linguistiques
qui favorisent la pluralisation diffèrent entre les régions aussi. Tant que les résultats montrent
qu’aux Caraïbes c’est la position du SN en relation au verbe qui influence la pluralisation, dans
l’Amérique Latine continentale c’était en effet le trait [+ animé] qui défavorise la pluralisation
significativement.
D’autre part, il y a aussi des similitudes entre les deux régions. Par exemple, le niveau
socioéconomique des locuteurs est un facteur qui affecte la fréquence de la pluralisation
significativement dans les deux régions. Un niveau d’éducation formelle plus bas favorise
l’utilisation des formes plurielles du verbe haber.
Les résultats de ce projet montrent que le phénomène de la pluralisation du verbe haber
semble suivre certaines caractéristiques du changement linguistique proposés par Labov. Aux
Caraïbes on voit que la classe moyenne et basse utilisent le phénomène le plus fréquemment, et
on voit qu’il n’y a pas des différences significatives entre l’utilisation du phénomène selon l’âge
ou le sexe des locuteurs. Alors, seulement les caractéristiques du premier facteur (niveau
socioéconomique) s’alignent avec les caractéristiques du changement linguistique qu’on
considère. Cependant, bien qu’il n’y ait pas de différences significatives entre l’âge et les sexes, il
y a une tendance générale où les locuteurs plus âgés et les femmes utilisent les formes plurielles
du verbe moins fréquemment. Alors, le fait que les jeunes utilisent les formes plurielles plus que
les personnes plus âgées suit les caractéristiques du changement linguistique, mais le fait que les
femmes utilisent la pluralisation moins que les hommes aux Caraïbes les contredit. Il est possible
26
que les femmes pluralisent le verbe moins que les hommes à cause de certain niveau de
stigmatisation dans la région. En générale, les femmes utilisent leur parole pour se situer dans des
classes sociales (Castillo-Treyes 2007), et elles éviteront utiliser une forme linguistique qui est
considérée incorrecte ou caractéristique des classes basses. On avait vu des éléments de preuve
additionnels de la stigmatisation dans le corpus, sous forme d’autocorrections par des locuteurs.
Alors, je considère qu’il peut être un facteur important dans l’utilisation de ce phénomène, et
dans l’avancement ou empêchement du changement linguistique.
D’autre part, dans l’Amérique Latine continentale, on voit que les locuteurs de niveau
socioéconomique moyen et les femmes utilisent la pluralisation plus fréquemment, mais on voit
qu’il n’y a pas de différence significative dans l’utilisation du phénomène selon l’âge des
locuteurs. Alors, on dit que les deux premiers facteurs suivent les caractéristiques du changement
linguistique, mais le troisième ne le suit pas. En effet pour cette population la tendance est que les
personnes plus âgées utilisent la pluralisation davantage. Ce résultat contredit les caractéristiques
du changement et pourrait signaler que ce phénomène est en variation stable dans la
communauté.
Je conclus alors que la pluralisation du verbe haber est un phénomène qui possède des
caractéristiques d’un changement linguistique mais qui est peut-être ralenti par le niveau de
stigmatisation auquel il est lié dans des régions spécifiques. Ceci explique la variabilité dans la
fréquence d’utilisation entre des villes et régions différentes. Alors, la pluralisation du verbe
haber est un phénomène qu’on dit pourrait représenter un changement dans la langue, mais cela
dépendra des attitudes des populations vers le phénomène. Si les classes hautes adoptent ces
formes plurielles du verbe, c’est-à-dire ils acceptent une forme personnelle du verbe existentiel, il
est bien probable que ces formes plurielles du verbe feront partie de la norme prescriptive de la
langue dans l’avenir. Cependant, si les classes hautes décident, comme il était suggéré dans
l’article de Pacheco Carpio et al. (2013), de créer des programmes pour éduquer le publique pour
qu’ils considèrent que le phénomène représenté ‘dégénération’ de la langue, il est possible que
cette forme personnelle reste de la variabilité dans la langue.
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