Histoire de l`ART II
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Histoire de l`ART II
Section Année : : MART 1 2008/2009 Histoire de l’ART II 1.2. Le portrait et l’art de s’embellir de la Renaissance à la fin du XIX e siècle Le visage est une de symbole. Mais pour l’homme lui-même, il est souvent un lieu problématique, ambigu. Certaines sociétés érigent des tabous envers tout portrait. Relation problématique avec le temps qui passe et laisse ses traces sur un visage éminemment vulnérable. Vieillir, pour beaucoup d’occidentaux, c’est perdre peu à peu son visage Le sentiment du visage est l’objet d’une construction culturelle, il est déterminé par le statut socialement accordé à la personne. L’ART DE S’EMBELLIR AU MOYEN AGE Dévaluation de la corporéité en faveur de la Beauté spirituelle. Le maquillage revient en force par l’Orient grâce aux croisades. En Occident un interdit religieux pèse sur le corps, sur les fards. À Byzance on se farde outrageusement. En France, après une période de saleté et de crasse, les croisés vont rapporter des produits de l’Arabie ou de l’Égypte que les femmes vont utiliser et renouer ainsi avec une pratique du fard. Le modèle du Moyen Âge est un modèle qui se veut naturel. On ne veut pas avouer qu’on est fardé. L’idéal de beauté féminin est celui d’une jeune fille avec des yeux couleur fleur de lin, de toutes petites lèvres minces, un petit nez droit, un très grand front. Il faut avoir des sourcils très fins et blonds ou une absence de sourcils et l’entre-œil ou l’entre-sourcils très beau et très désirable. Le front est élargi puisque la jeune femme doit s’épiler jusqu’au milieu du crâne avec des préparations comme de la chaux vive ou de la fiente d’oiseau, destinées à brûler le poil. Le visage est blanc, passé à la céruse, et très légèrement teinté de rose sur les joues et sur la bouche. JEAN FOUQUET, La Vierge et l'Enfant entourés d'anges vers 1452-1455, diptyque de Melun, volet droit), Agnès Sorel, la favorite de Charles VII, figure une Vierge à l’Enfant étonnamment sexy dans le tableau de Jean Fouquet, Vierge entourée d'anges rouges et bleus LA BEAUTE MAGIQUE ENTRE XVE ET XVIE SIECLE : ENTRE INVENTION ET IMITATION DE LA NATURE La perspective est découverte en Italie. De nouvelles techniques picturales sont diffusées dans les Flandres. Le concept de la Beauté prend une double orientation qui nous paraît aujourd’hui contradictoire : La Beauté est entendue soit comme imitation de la nature selon les règles scientifiquement prouvées, soit comme contemplation d’un degré de perfection surnaturelle, non perceptible par la vue car non entièrement réalisé dans le monde sublunaire. La connaissance du monde visible devient le moyen d’appréhender une réalité suprasensible ordonnée selon des règles logiques et cohérentes. L’artiste est donc à la fois – et sans que cela paraisse contradictoire – créateur de nouveauté et imitateur de la nature. Léonard affirme avec clarté, que l’imitation est, l’une part, étude et inventivité restant fidèle à la nature car elle recrée l’intégration de chaque figure avec l’élément naturel, d’autre part, activité nécessitant une innovation technique (par exemple, le célèbre sfumato de Léonard, qui rend énigmatique la Beauté des visages féminins LEONARD DE VINCI, Ginevra de’ Benci, recto, vers 1475 Certains auteurs suggèrent que tableau est une commande de Bernardo Bembo, ambassadeur vénitien à Florence entre 1475 et 1476 : sa passion pour la belle Ginevra est attestée par des vers de Cristoforo Landino et Alessandro Braccesi Ces portraits féminins restent au visage de profil, dépourvu de ce rapport direct avec l’observateur . CORPS DÉCRIT, CORPS HIÉRARCHISÉ Depuis le milieu du 15e, la beauté a brusquement gagné en on insistance et en immédiateté. I y a une manière nouvelle de restituer la présence charnelle, le jeu avec les masses physiques, la couleur, l’épaisseur des formes et des arrondis. La beauté est rentrée dans la modernité avec le brusque réalisme des formes prises par les corps peints dans la Toscane du 15 e. Il y a une hiérarchie du visible et du corps donné dans le quotidien : le privilège donné aux parties hautes. TITIEN, La Bella, 1536 Personnage sans nom, mais beauté parfaite, cette f est peinte pour cette raison même, elle conduisant le duc d’Urbino à acquérir le tableau pour admirer une « Beauté idéale ». Le duc ignore jusqu’au nom de cette femme qu’il désigne par celui de « dame à la robe bleue », mais il avoue éprouver une jouissance nouvelle devant cette beauté retenue « pour son seul intérêt » . RAPHAEL, Portrait de Femme (La Donna velata), 1513 Toujours spéculations autour portraits de femmes, car sa vie est peu connu. Vasari prétend qu’il s’agit de la bien-aimée de l’artiste avec laquelle il aurait partagé ses dernières années. Le voile qui lui couvre la tête la désigne co épouse et mère : geste de main posé sur le coeur, épouse fidèle. L’artiste a recours à la pose de la Joconde. RAPHAEL, Portrait de jeune femme (La Fornarina), 1518-1519 Fornarina : terme populaire à connotation négative employé pour désigner amante. Il existe une abondante littérature florissait autour du personnage ambigu de la courtisane. Le charme sensuel apparaît dans des nombreux tableaux de l’époque, des femmes au sein nu ou encore plus dévêtues. La Beauté acquiert ainsi une haute valeur symbolique, qui s’oppose à la conception de la Beauté comme proportion et harmonie. La Beauté divine se diffuse dans la créature humaine mais aussi dans la nature. ALBRECHT DÜRER, Autoportrait ou Portrait de l'artiste tenant un chardon, 1493 Ce portrait de l'artiste a été réalisé par Dürer alors qu'il avait vingt-deux ansC’est l'un des tous premiers autoportraits indépendants de la peinture occidentale. Dürer choisit sa propre image comme sujet unique. Depuis la fin du Moyen Age en effet, les peintres avaient pris l'habitude de se représenter dans leurs oeuvres. Ils étaient alors facilement reconnaissables à leur façon de regarder directement le spectateur. La composition, portrait en buste vu de trois quarts sur un fond sombre, s'inscrit parfaitement dans la tradition picturale de l'époque. La minutie quasi métallique des détails comme les piquants du chardon rappelle sa formation première d'orfèvre. Cet autoportrait, mêlant fierté d'artiste et humilité humaine, dévoile le nouveau statut social auquel aspiraient désormais les peintres. RAPHAEL, Portrait de Bindo Altoviti, vers 1514 BA (1491-1557), riche banquier vivant à Rome mais d’origine florentine était un homme cultivé d’un goût artistique très sur valait l’estime de Michel-Ange .La position de dos donne l’impression qu’il se retourne à l’improviste vers le spectateur et crée une sensation de proximité physique et psychologique. Raphael cherche à animer ses portraits de l’intérieur. LEONARD DE VINCI, Portrait de Lisa Gherardini, dit Monna Lisa, la Gioconda 1503-06 Il s'agirait du portrait de Lisa Gherardini, épouse de Francesco del Giocondo, marchand d’étoffes florentin, dont le nom féminisé lui valut le "surnom" de Gioconda, francisé en "Joconde". L'histoire de La Joconde demeure obscure : ni l'identité du modèle, ni la commande du portrait, ni le temps pendant lequel Léonard y travailla, voire le conserva, ni encore les circonstances de son entrée dans la collection royale française ne sont des faits clairement établis. Deux événements de la vie conjugale pourraient avoir suscité la réalisation de ce portrait : l'acquisition d'une maison personnelle en 1503 et la naissance d'un second filsLe léger voile sombre qui couvre la chevelure, parfois tenu pour un signe de deuil, est en fait d'un usage assez commun et le signe d'une conduite vertueuse. Aucun portrait italien antérieur à celui de la Joconde ne montre le modèle aussi largement cadré, dans toute l'ampleur du mi-corps, intégrant bras et mains sans que l'un ou l'autre se heurte au cadre, campé à une échelle réelle de manière aussi naturelle. Le sourire du modèle est son "attribut" : une transcription de l'idée de bonheur. contenue dans le mot "gioconda". Léonard en a fait le motif essentiel de son portrait. LE TRIOMPHE DU HAUT La beauté sociale, celle des espaces quotidiens, obéit au XVIe siècle à des normes pressantes qui commandent l’apparence. Le critère du découvert et du caché : l’existence des zones avilies et des zones ennoblies ; membres honorables et membres dépréciés. Selon les traités de beauté, il faut se tenir qu’aux parties découvertes. Les robes du 16 e s’échappent quasiment à l’horizontale. Le bas peut même être objet de luxe pour mieux effacer la forme physique. Le buste, visage et mains sont les lieux appelant l’esthétique physique. Les parties supérieures sont en proximité avec la nature des anges, elles s’imposent par leur emplacement, dont l’éminence permet à mieux les contempler. Il s’agit d’une anatomie orientée, déclinée du noble au moins noble, du délicat au grossier. Modèle formel «émerge de ce regard focalisé : image traditionnelle pour le visage, censée mêler dans un ovale la couleur « de la rose et du lis » ; image plus marquante pour le buste, censé maintenir dans une « hotte » des lignes fortement amincies vers le bas : « L’ensemble de la poitrine a la forme d’une poire renversée mais un peu comprimée dont le cône est étroit et rond à sa section inférieure. LE TITIEN, Laura Dianti, vers 1523 LE TITIEN, La Femme au miroir, 1512-1515 Un chef-d'oeuvre du classicisme chromatique de la jeunesse de Titien. L'harmonie de la composition et des couleurs exalte la beauté de la femme. Titien donne ici le prototype de l'idéal féminin caractéristique de la peinture vénitienne. Encore proche de son maître Giorgione, par l'utilisation des artifices du rebord au premier plan et du miroir, il s'en éloigne par sa palette riche en couleurs vives et par le jeu subtil des effets de clair-obscur. Cette oeuvre de jeunesse révèle l'intérêt de Titien pour les portraits de femmes dont il peignit les charmes à plusieurs reprises entre 1510 et 1520. Le visage incliné, les yeux bleus, la carnation claire, les épaules nues, les cheveux blonds, ondulés et détachés sont autant de détails qui fixent l'idéal féminin à Venise au début du XVIe siècle. LA BEAUTE EMUE ET INDIVIDUALISEE AU 17 E ET 18 E SIECLES La beauté baroque suit le modèle italien importé en France par Catherine de Médicis. La chevelure alors doit être blonde ou vénitienne, quitte à se décolorer les cheveux avec un produit appelé bionda avant de les laisser sécher au soleil. Le teint doit être blanc et mat, et les dents sont frottées avec un mélange de poudre de corail rouge, de sang de dragon, de tartre, de vin blanc, d’os de seiche, de noyau de pêche et de annelle. À Venise, la partie visible de la poitrine est maquillée de blanc au-dessus des profonds décolletés. La Nature et la culture prennent tour à tour le dessus au cours de l’histoire. Baudelaire écrit dans son célèbre Eloge du maquillage : « La femme est bien dans son droit, et même elle applique une sorte de devoir en s’appliquant à paraître magique et surnaturelle. Il faut qu’elle étonne, qu’elle charme. Idole, elle doit se dorer pour être adorée. VERMEER, La Jeune fille à la perle, 1666 Il s’agit d’une tronie, un genre pictural très répandu : une voie moyenne entre le portrait en costume et le tableau d’histoire. Ce sont des modèles vêtus de costumes exotiques et antiquisants, les utilisant pour figurer des personnages bibliques ou historiques.La jeune fille au turban relève de ce type. Elle est surnommé « la Monna Lisa hollandaise ». La pose et l’expression montrent un sens d’immédiateté extraordinaire. La Beauté individualisée : chaque visage est différent, insiste Lavater au 18e. Les règles s’ouvrent à la subjectivité. JEAN-HONORÉ FRAGONARD, Marie-Madeleine Guimard, vers 1769 Il s’agit probablement de la danseuse Mari -Madeleine Guimard (1743-1816). Elle donne l’impression de virevolter tout en prenant appui sur un entablement. Le portrait s’inscrit dans la série dite "Figures de fantaisie", au nombre de quatorze connues à ce jour, dont on ignore le ou les commanditaires. Il s’agit de portraits en général à mi-corps -, derrière un entablement de pierre, souvent en costume dit à l’espagnole, évoquant le monde du théâtre, avec, parfois, posés devant eux des objets symboliques pas toujours faciles à interpréter. Ils sont brossées d’une touche très rapide, associant des coloris chers aux peintres du Nord comme le vert, le brun, l’ocre et le rouge rehaussé de blanc crème se situent dans la lignée de Rembrandt et de Frans Hals. Le maquillage au XVIIIe Le fard marche toujours en relation avec le rapport avec la nature et la technologie : avancées technologiques vont favoriser l’utilisation de nouveaux produits. A la Révolution française : rupture, déjà amorcée à la cour chez certaines femmes, et notamment chez Marie-Antoinette, qui vient d’Autriche et qui n’a pas l’habitude du fard : obligée de se farder à la cour de France. Et, à son arrivée, elle ne veut pas se farder, car elle avait un visage assez pâle, c’était une blonde cendrée. Elle arrive dans une cour où l’on se maquille outrageusement avec de la céruse et du rouge à joues. C’est la période de floraison du rouge, au point, comme l’a décrit une Anglaise en visite à la cour de France, que la cour ressemble à des moutons nouvellement écorchés. Elle finit par s’y mettre mais elle apporte tout de même un air de naturalité venu d’Autriche. Au 18 e siècle déjà on aime particulièrement les produits naturels. À cette époque on ne se lave pas beaucoup, mais on se met énormément de produits sur le visage. On vend déjà des coffrets merveilleux et les adjectifs pour décrire leur contenu sont tous : « magiques », « merveilleux ». En ce siècle, époque de communion avec la nature, c’est le jardin à l’anglaise qui triomphe. On commence à se promener, à marcher dans la nature et à la lumière du jour, les fards blancs et rouges deviennent ridicules : ils s’écaillent par plaques, ils coulent… et on assiste à la décomposition journalière des visages. FRANCISCO DE GOYA, La comtesse del Carpio, marquise de La Solana, 1794-1795 L'oeuvre fut peinte peu avant la mort du modèle.. Elle porte la traditionnelle robe noire à basquine découvrant ses pieds chaussés d'escarpins brodés. L'étonnante fleur dans ses cheveux, formée de grosses coques de ruban rose pâle, semble une concession à la mode du temps. Ce portrait envoûtant doive une partie de ses qualités à la mutuelle compassion entre le peintre et son modèle. Ces deux êtres familiers de la souffrance se comprennent : Goya doit admirer le courage de cette jeune femme de trente-huit ans qui, se sachant perdue, se redresse avec fierté et regarde l'artiste avec estime. La figure séduit malgré ses traits ingrats : le visage fiévreux, marqué par la maladie, est mangé par de grands yeux noirs, graves et bienveillants. L'extrême simplicité de la mise en page, le fonds gris uni évoquent les portraits de Vélasquez. Le dépouillement met en valeur l'élégance du modèle. Une étude psychologique sans concession, un dialogue du portrait avec le spectateur. LE XIXE SIECLE : LA BEAUTE ROMANTIQUE méditatif, porté au rêve : le visage le serait aussi par un travail particulier • correction du teint, blancheur recherchée, mieux acceptées au déb. 19e • société démocratisée : doit permettre à chacun de mieux se disposer lui-même • diffusion des périodiques de mode croit sous la restauration et la Monarchie de Juillet. Journal La Mode entre 1836 et 1848 : il existerait une « beauté volontaire » et « une b involontaire » • notion de la coquetterie, appel démocratique à la transformation de soi : « toute femme est responsable de sa beauté • l’idéal ne sera plus une donnée, mais une conquête. Il pourrait même être « créé ». Le maquillage Le pourtour de l’œil est plus élaboré qu’auparavant, finement prolongé quelquefois par un « trait de fard à l’antimoine ». Les matières sont plus nombreuses, les outils cités plus diversifiés. Cette beauté faite de recherche, de méditation et d’apprêt achèverait pour Baudelaire la « beauté moderne qui peut surgir à travers le channe factice de l’artifice et de la mode ». Elle serait même une caractéristique centrale de la modernité contraignant chacun « à s’inventer lui-même ». La consommation de cosmétiques et de fards croît avec le siècle. Les catalogues de parfumeurs reflètent cette très lente ascension. Absence chez les jeunes filles encore, auxquelles tous les témoignages imposent l’eau « comme le meilleur des cosmétiques ». Ce qui provoque au passage ces usages toujours répétés, toujours dénoncés : « Les jeunes filles de notre époque mangent parfois des choses comme de la craie, de l’ardoise et du thé moulu pour se rendre le teint clair. » Le fard devient maquillage : il ne porte plus seulement sur les couleurs et le teint, il porte sur les formes, les traits. Architecture savante, il combine couches et niveaux : blanc et laiteux d’abord pour « préparer la toile », dénommé plus tard fond de teint, la poudre rose ensuite « forçant ou modérant les couleurs » ; ensuite qq lignes au pinceau « légèrement trempé » pour accommoder les traits JEAN-AUGUSTE-DOMINIQUE INGRES, Mademoiselle Caroline Rivière, 1806 Ce portrait d'enfant ainsi que celui de ses parents démontrent l'intime parenté d'Ingres avec Raphaël et les Florentins, à la veille de son départ pour l'Italie. Une lèvre charnue, et des accessoires comme un boa d'hermine et des gants longs, sont évocateurs de la volupté d'une femme. La pose de la jeune fille évoque les portraits de Raphaël, un "dieu" pour Ingres. INGRES, Madame de Sennones, 1814 Ingres parvenait à rendre particulièrement dynamique le traitement de ses figures grâce aux positions subtilement dissymétriques qu’il donnait à ses modèles : contrapposto, légère plongée du regard ; jeu subtil des mains gantées, baguées ou nues. Il développe une passion pour description psychologique de ses modèles : « Dans une tête, la première chose à faire pour l’artiste, c’est de faire parler les yeux. » JEAN-BAPTISTE CAMILLE COROT, Marie-Louise-Laure Sennegon, 1831 L’un des sept enfants de la soeur de Corot. Cette oeuvre traduit son admiration pour de Sebastian de Piombo en raison de l’absence du décor. La technique néo-classique rappelle Ingres et David. JEAN-BAPTISTE CAMILLE COROT, Claire Sennegon 1837 Ce portrait témoigne de l’influence de la peinture romantique pour le traitement de la lumière et de celle du portrait néo-classique, pour le traitement du visage. JEAN-BAPTISTE CAMILLE COROT, La Femme à la perle, vers 1868 - 1870 ? Ce tableau est une transposition, toute personnelle, de La Joconde. On a pris autrefois pour une perle la petite feuille qui se détache sur le front de la jeune fille. Le titre, inexpliqué, fait surgir dans la mémoire le portrait d'une autre jeune femme, celle de Jan Vermeer. Même énigme sur le modèle, même regard, même interrogation sur le costume. Chez Vermeer, le turban bleu et jaune aurait fait partie des "costumes turcs" de La Jeune Fille au turban. Chez Corot, le costume est inspiré des costumes des paysannes italiennes ou grecques. La coiffure des cheveux, l'ovale du visage, le costume, la gamme des couleurs nous entraînent vers Raphaël. On peut ne pas rester insensible au fait que, jusqu'au début du XIXe siècle, La Joconde n'attira guère l'attention, mais qu'à partir de 1830, dans la mouvance romantique, naît l'intérêt qui est à l'origine du mythe actuel. LA RELIGION DE LA BEAUTE XIXe SIECLE Les grands thèmes de la sensibilité décadente tournent tous autour de l’idée d’une Beauté née de l’altération des puissances naturelles. Les esthètes anglais et français lancent une redécouverte de la Renaissance vue comme réserve inépuisée des rêves cruels et doucement malades : dans les visages léonardiens ou botticelliens, on cherche la physionomie imprécise de l’androgyne, de l’homme-femme à la Beauté innaturelle et indéfinissable, dont on va retrouver les premiers exemplaires dans l’art de la Renaissance. . Les Beautés des peintures des symbolistes sont des beautés rêvées, idéalisées, dont on ne peut saisir le charme que si elle est référée à un modèle artificiel, à son aïeule idéale dans un tableau, un livre, une légende.