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ben arès
ne pas digérer
roman
LITTÉRATURE
ÉDITIONS DE LA DIFFÉRENCE
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Mort de la première.
Naissance de seconde peau.
Tout commence quand elle rôde. Tombe !
Sort hors de ses gonds ! Bascule à bras-le-corps !
Engendre l’accident, la rupture incontournable avec
le monde. Tout commence, s’ensuit, s’ensuivra au
pied de la lettre. D’aucun secours.
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Nul besoin qu’elle ne souffle en tempêtes. Nul
besoin qu’elle ne déclare. Qu’elle ne déboule.
Qu’elle ne déclame des caisses et des caisses à
décharges. Ouste redondances ! Anorexie ! Vaches
maigres ou vaches folles aux lustres boulimiques
des éclats ! Casse la baraque d’idéal ! Électrochoc !
Elle ira au plus court. Au plus bref de l’été des
moyens. De tout se moquera : c’est radical !
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Minute ! Lente est la chute. La chair est lente. La
vieille a du ressort sur le cheveu de la langue. Elle
n’avale pas sur-le-champ ! N’avale pas les temps
qui courent ! N’avale que sur ordonnance ! De son
propre chef ! Elle suit la voix de l’air, de l’esprit,
d’extrême urgence.
File et ressasse. Ressasse. Se voile la face pour
la dernière danse des illusions. Encaisse, se décarcasse, débourse. Des clous ! Ne jette pas précipitamment l’éponge. Des clous ! Lutte, refuse encore.
Des clous !
S’essouffle. Avant le réel cru, d’enfoncer le
coup. De passer le cap. Régresse avant l’inévitable,
la descente.
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Du direct ! Enfin la corne, le fond : nuit ! Au
diable l’abondance ! Est la nuit, chère nuit, le juste
cri. Sourdement ciselé. Fin de la lumière. Plus en
vie que dans la nuit. Au début l’été est. Soleil noir.
Dernières lueurs. En attendant Lilith, une silhouette
impalpable, des lucioles, des choux encore…
Nul Gaspard de l’oubli. Un vent innommable.
Un froid soufflant, sans visage. À ventre portant
crève, éventre celui qui l’emporte !
Brutalement, la matrice s’ouvre sur l’obscur. 10
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Progéniture mûre dans un berceau de sang,
lucide comme un phoque au foutre de l’âge, baise
sa mère esseulée, vidée de toute substance. Convulsion ! Chimère en manque de pals. Convulsion !
Mer d’orgasmes. Convulsion ! Embrasse, lèche,
suce, tète, bourre de spasme en spasme.
Tacite fornication, pacte ou contrat : la mère, être
abject, sordide, aux seins loqueteux, pendouillant
comme des égarés, ne jure que par la loi du cordon !
Du cordon, par le cordon, la progéniture vivra ! Du
cordon des aubaines, des reconnaissances et des audaces, demain dépendra ! Du cordon sans scrupules,
demain des grands privilèges dépendra. Aux secrets
des lèvres. Du cordon, par le cordon, la progéniture
et la mère à jamais liés seront.
Du bas de son silence, du bas de son absence, du
fort de cette alliance sans bornes dont la vie dans la
nuit à jamais dépend, la mère dans le sang, dans les
songes de sa progéniture disparaîtra. Sera.
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Ainsi la langue. Est. Sont les mots. Les mots
sont des matériaux. Sont des matériaux de construction assemblés scrupuleusement. L’essentiel est
là, intouchable, aveuglément s’échappe, ne laisse
pas de trace. Les mots ne sont que des matériaux à
l’ouvrage. À l’œuvre du silence en otage. Et puis
basta !
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DU MÊME AUTEUR aux éditions de la différence
Rien à perdre, poèmes, 2007.
© SNELA La Différence, 30, rue Ramponeau, 75020 Paris, 2008.
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