CoMMent la sIerra leone a-t-elle MIs en plaCe des soIns de santé

Transcription

CoMMent la sIerra leone a-t-elle MIs en plaCe des soIns de santé
Un exposé de l’ILM:
Comment la
Sierra Leone
a-t-elle mis
en place des
soins de santé
gratuits?
Photo de couverture:
Des Femmes et leurs bébés à Freetown, capitale de la Sierra Leone,
le premier jour de la gratuité des soins.
Photo © Dominic Chavez
Graphisme par Silvia Lopez Chavez
Imprimé en USA
Septembre 2011
Un exposé de l’ILM:
Comment la
Sierra Leone
a-t-elle mis
en place des
soins de santé
gratuits?
Ceci est le premier texte d’une série qui
traitera des mécanismes internes des
ministères de la santé. Dans cet exposé de
l’ILM, nous jetons un regard en profondeur
sur les moments clés durant lesquels une
nation déchirée par la guerre a commencé
un programme de gratuité des soins pour
les femmes enceintes, les mères allaitantes
et les enfants âgés de moins de cinq ans.
Par John Donnelly
Comment la Sierra Leone
a-t-elle mis en place des soins
de santé gratuits?
Nous sommes en octobre 2009. Lors d’un dîner de groupe dans le cadre des Journées européennes du
développement à Stockholm, Suède, Mary Robinson, ancienne présidente de la République d’Irlande,
se tourne vers son voisin de table. Il s’agit du président de la Sierra Leone, M. Ernest Bai Koroma. Tout
au long de ce dîner, les conversations des convives abondent au sujet de la crise financière mondiale
émergente et de son effet sur l’aide aux pays tels que la Sierra Leone, mais Robinson a autre chose
en tête. La Sierra Leone est l’un des cinq pays soutenus par un programme qu’elle a aidé à fonder,
appelé l’Initiative du leadership ministériel pour la santé dans le monde (ILM), et elle souhaite parler du
système de santé de ce pays.
Elle demande à Koroma s’il a établi son objectif prioritaire.
“La santé maternelle, répond-il sans hésitation. Il confie ensuite un secret à Robinson. Il lui révèle qu’il est sur le
point de mettre en marche un plan de gratuité des soins pour les femmes enceintes, les mères allaitantes et tous les
enfants âgés de moins de cinq ans.”
“Vraiment? réplique Robinson, réjouie de cette nouvelle inattendue. “Rencontrez-vous beaucoup de résistance? ”
Koroma éclate de rire. “Oh oui, absolument”, répond-il. “Toute la communauté des donateurs me dit que c’est une
chose impossible. Mais je suis le président, et il faut que cela se concrétise.”
Un mois plus tard, en novembre 2009, Koroma annonce, non sans aplomb, lors d’une conférence de donateurs
à Londres qu’il lancera un plan de gratuité des soins dans cinq mois seulement, le 27 avril 2010, date du 49e
anniversaire de l’indépendance de ce pays vis-à-vis de la Grande-Bretagne.
Aujourd’hui, un an et deux mois plus tard, les premiers résultats sont connus: le plan de gratuité des soins sierraléonais a considérablement augmenté les services pour les mères, et plus encore pour les enfants. Le nombre
d’enfants traités contre le paludisme, par exemple, a plus ou moins triplé par rapport à l’année précédente, un
élément frappant illustrant à quel point le manque d’argent s’avérait être un obstacle aux soins de santé. Il n’est
toujours pas certain que le programme ait pu réduire le taux de décès maternels pendant l’accouchement, une
motivation clé pour cette initiative.
Comment cela a-t-il pu se produire dans un pays dont le dispositif de santé était à peine fonctionnel après plus de
dix ans d’une guerre civile brutale? Plusieurs observateurs étrangers – parmi les 25 personnes interviewées pour
ce texte au nom de l’ILM – ont indiqué que l’initiative de ce pays était mieux organisée, avec un plus haut degré de
coopération de la part du gouvernement, des donateurs et des partenaires au développement, que pratiquement
toute autre initiative.
Cet exposé, basé sur ces interviews ainsi que sur deux voyages en Sierra Leone pour un reportage avant et pendant
le lancement de l’initiative, examine un nombre de facteurs essentiels et de moments critiques qui ont joué un rôle
dans le succès ultime de la Sierra Leone. Pour certains experts qui ont observé le lancement d’initiatives de gratuité
des soins de santé dans plusieurs pays d’Afrique et d’Asie, le cas de la Sierra Leone est un modèle exemplaire,
particulièrement quand on tient compte de sa position au bas de l’échelle mondiale en matière d’indicateurs de santé.
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1 L’Initiative du leadership ministériel pour la santé dans le monde (ILM) a ensuite été intégrée à l’Aspen Global Health and Development,
un programme hérité de Realizing Rights: The Ethical Globalization Initiative [Initiative pour la mondialisation de l’éthique].
Un exposé de l’ILM: Comment la Sierra Leone a-t-elle mis en place des soins de santé gratuits?
Les dirigeants ont ‘galvanisé’
le système de santé
“Ce qui s’est produit en Sierra Leone est époustouflant”, explique Rob Yates, économiste de la santé
principal au Ministère britannique du Développement international (DFID), un mois après le lancement
du projet. Yates a conseillé plusieurs gouvernements africains pour le lancement d’initiatives de gratuité
de soins de santé. “En cinq mois, ils ont pu mettre en œuvre une réforme méthodique du système de
santé en Sierra Leone”, explique-t-il. “Ils ont bénéficié d’un leadership qui a galvanisé tout le système.
Nous n’avons pas encore bien saisi l’importance de ce qu’ils ont accompli. La planification était
plus approfondie que toute autre qu’il m’a été possible d’observer. D’autres gouvernements peuvent
apprendre beaucoup de la Sierra Leone.”
En Sierra Leone, le facteur essentiel, selon les personnes interrogées, était le président: il a placé la directive sur
les soins de santé en tête de sa liste de priorités. La volonté politique a conduit le processus. Robinson l’exprime
directement: “Pour des initiatives de grande ampleur, comme celle-ci, la volonté présidentielle doit être présente, et
la communauté des donateurs doit être prête à mieux la soutenir. Si la volonté politique existe, comme c’était le cas
en Sierra Leone, les donateurs devront accepter de suivre, comme ils l’ont fait en Sierra Leone. ’’
Mais d’autres facteurs étaient également cruciaux:
* Le Ministère de la Santé et de l’Hygiène, qui était en charge de la mise en œuvre de l’initiative, a eu la chance
d’avoir des leaders clés exerçant des fonctions techniques, tels que le chef des services médicaux, le directeur des
services de santé de la reproduction et le responsable des ressources humaines. Ils ont accepté de prendre des
responsabilités supplémentaires à une époque où le ministère se trouvait sans ministre.
* Toutes les parties concernées —du gouvernement aux donateurs en passant par les partenaires au
développement— ont fonctionné sous une structure organisationnelle qui les a forcés à travailler ensemble et à
partager les responsabilités. À partir de janvier 2010, des représentants du Ministère de la Santé et de l’Hygiène
et des communautés de donateurs ont exercé des fonctions dans un de six comités et travaillé sous l’autorité d’un
groupe de pilotage, fournissant l’effort d’une organisation globale qui avait des tâches clairement définies ainsi que
des dates de livraison et d’achèvement des travaux.
* Les difficultés principales ont été confrontées de plein fouet. Parmi celles-ci, des salaires extrêmement bas, un
registre du personnel hypertrophié par des travailleurs fantômes, le besoin d’engager des centaines de nouveaux
travailleurs afin de répondre à la demande attendue, et le cauchemar logistique de se procurer et distribuer
d’énormes quantités de médicaments essentiels dans des délais serrés.
*Le gouvernement s’est engagé à verser des sommes d’argent substantielles pour financer l’initiative de gratuité
des soins de santé. Seulement un mois avant le lancement de l’initiative, les travailleurs de la santé étant en grève,
le gouvernement a promis d’utiliser ses propres fonds pour payer les augmentations de salaires. Cette action n’est
pas passée inaperçue auprès des donateurs, et elle a ultérieurement déclenché l’attribution de plus de fonds de
donateurs pour l’initiative de gratuité des soins de santé.
*Le gouvernement et ses partenaires au développement étaient tenus de respecter une date limite qui avait été
annoncée publiquement, ce qui a continué à faire monter la pression pour accomplir les tâches. Certaines des
personnes concernées ont indiqué que sans délais fermes (coïncidant avec le 49e anniversaire de l’indépendance du
pays), le processus aurait pu facilement prendre des mois de plus, ou même ne jamais arriver à terme.
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Toile de fond
La Sierra Leone fut dévastée par une guerre civile
qui commença en 1991 et dura 11 ans. Cette
guerre fit des dizaines de milliers de victimes et
déplaça deux millions de personnes (près d’un tiers
de la population). La signature brutale distinctive
des combattants était de trancher les mains et les
pieds de milliers d’individus, laissant ainsi un groupe
important de la population mutilé pour la vie.
Le taux d’alphabétisation était faible (35 pour cent), celui de la fécondité était élevé (cinq enfants par femme, le
21e taux le plus élevé au monde) et 42 pour cent de la population était âgée de moins de 14 ans. Le système de
santé, comme tous les systèmes publics, était en ruine. L’une des réalités les plus honteuses au sujet de la Sierra
Leone —particulièrement aux yeux du président Koroma— était qu’elle avait un taux de décès maternel pendant
l’accouchement parmi les plus élevés au monde. Après sa victoire aux élections présidentielles de 2007, Koroma,
qui avait longtemps été cadre dans le secteur des assurances, met la santé en tête de sa liste de choses à améliorer. Il
se concentre d’abord sur la revitalisation du commerce et de l’économie.
Malgré l’attention portée à la santé par le président, des groupes étrangers importants continuent leurs analyses
critiques de la condition du dispositif de soins de santé. Le 21 septembre 2009, Amnesty International publie un
rapport intitulé “Out of Reach: The Cost of Maternal Health in Sierra Leone” [Hors de portée: le coût de la santé
maternelle en Sierra Leone], qui attire l’attention internationale sur le fait qu’une femme sur huit meurt pendant la
grossesse ou l’accouchement. L’association qualifie la situation d’ “urgence en matière de droits humains ”
Au sein du Ministère de la Santé et de l’Hygiène, cette attention est malvenue, et, selon beaucoup, injuste. Ils ont le
sentiment que le ministère fait des efforts considérables afin de rendre les conditions moins dangereuses pour les
femmes. Cependant, certains donateurs à Freetown pensent que le rapport a joué un rôle dans l’accélération de la
planification de la gratuité des soins de santé.
Le président Koroma indique qu’il a déjà décidé de prendre des mesures spectaculaires, et il cite les mêmes
statistiques afin de rallier du soutien pour son plan.
“J’ai hérité d’un secteur de la santé où la pagaille régnait, avec des indicateurs de santé horribles, où une femme sur
dix mourrait pendant l’accouchement et un enfant sur dix décédait avant l’âge de cinq ans”, révèle Koroma dans
une interview qu’il accorde après le lancement de l’initiative. “Nos hôpitaux ne sont pas adéquatement équipés,
et cela fait dix ans que nous ne sommes pas au niveau en ce qui concerne les indicateurs de santé et l’indice de
développement humain.”
En effet, il constate des problèmes partout. “Il existait un manque de motivation, l’infrastructure sanitaire était
loin d’être conforme aux normes, et la plupart des contrats de construction n’avaient pas été menés à terme. J’ai
décidé qu’il fallait faire quelque chose à ce sujet. Si nous voulons pouvoir sauver cette nation, si nous voulons bâtir
une nation en bonne santé, si nous voulons des enfants avec un bel avenir et des familles heureuses, il faut une
transformation radicale.”
Où commencer? Koroma pose souvent plusieurs versions de cette question soit par des voies de communication
ouvertes, soit en coulisse, faisant venir des personnes clés du ministère à des réunions, mais aussi lors de rencontres
privées avec des personnes n’appartenant pas au gouvernement, notamment des représentants de donateurs clés.
Il décide finalement d’adopter un plan en deux étapes: d’abord annoncer un plan stratégique de santé en Sierra
Leone, puis annoncer l’initiative de gratuité des soins lors de la conférence des donateurs à Londres.
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En haut: De petite mains parées de bracelets aux couleurs vives reposent sans énergie à l’hôpital pour enfants Ola During pendant
un examen médical réalisé gratuitement pour les petits âgés de moins de cinq ans. Photo © Dominic Chavez.
Un exposé de l’ILM: Comment la Sierra Leone a-t-elle mis en place des soins de santé gratuits?
Un problème fondamental
au sein du ministère
Avant que quoi que ce soit ne puisse se produire, Koroma doit mettre ses affaires en ordre. Au début
de l’année 2010, la Commission anti-corruption du pays mène une enquête sur son ministre de la
santé, Sheiku Tejan Koroma (aucun lien de parenté avec le président), qui aurait, selon les allégations,
influencé un marché public en faveur d’un ami. Le ministre Koroma, qui a travaillé comme ingénieur aux
États-Unis pendant de nombreuses années, annonce presque impulsivement en août 2009, lors d’une
réunion avec les donateurs, qu’il est sur le point de commencer un plan de gratuité des soins.
“Adressons-nous aux stations de radiodiffusion,” dit-il alors aux bailleurs, assis au bord de son siège lors d’une
réunion au Ministère de la Santé et de l’Hygiène. “Répandons la nouvelle dans tout le pays selon laquelle quiconque
accouchera à la maison sera envoyé en prison. Je sais que tout le monde cessera alors de le faire! On m’a demandé
s’il y avait besoin de voter une loi pour cela, et j’ai répondu que ce n’était pas nécessaire.
On se contentera de leur faire peur. Ça marchera.”
Bien que cette remarque amuse quelques-uns parmi eux, les représentants des donateurs sont extrêmement
sceptiques et beaucoup expriment discrètement ce sentiment une fois la réunion terminée. Pendant les quelques
semaines qui suivent, l’idée de Monsieur Koroma tombe à l’eau. Geert Cappelaere, représentant de l’UNICEF
dans le pays à l’époque, dit qu’il apprécie l’initiative du ministre, mais que plus de réflexion et de planification sont
nécessaires.
“Les soins de santé gratuits n’existent pas. Quelqu’un va devoir payer”, explique Cappelaere, qui habite alors en
Sierra Leone depuis plus de quatre ans et a parlé fréquemment avec le Président Koroma du besoin de réformer
le secteur de la santé. “Cela représentera un grand pas en avant quand le pays offrira des soins gratuits. Mais je
suis vraiment de l’avis qu’un peu de prudence est essentiel. Si vous annoncez cela, et que les médicaments et le
personnel nécessaires ne sont pas disponibles, cela sera encore plus décourageant pour la population. Les gens se
sentiront rapidement trahis.”
Cappelaere passe brièvement en revue les faiblesses du système. Il dit que le ministère a extrêmement besoin
d’un leadership plus robuste; les dirigeants n’ont pas établi de priorités et semblent incapables de distinguer les
problèmes mineurs des problèmes importants. Sa critique porte également sur les donateurs, et il précise qu’ils ont
besoin de mieux travailler avec le ministère, et de ne pas rendre le travail de ce dernier plus difficile.
“Plutôt que d’agir de façon coordonnée, nous
nous adressons au ministère individuellement,
pour une chose ou une autre”, explique-t-il.
“Les partenaires donateurs devraient parler
en unisson et laisser les membres du
ministère faire leur travail.”
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Un mois d’importance
cruciale
En novembre 2009, plusieurs événements se déroulent en succession rapide: la police arrête le ministre
de la santé, qui est inculpé de trois chefs d’accusation pour lesquels il plaide non coupable; le président
Koroma nomme son vice-président, Samuel Sam-Sumana, responsable intérimaire du ministère de la
santé; à Freetown, capitale de la Sierra Leone, les fonctionnaires ministériels dévoilent le nouveau plan
stratégique de santé, un cadre dans lequel l’initiative de gratuité des soins aura sa place; et pendant la
troisième semaine de novembre, le président annonce l’initiative de gratuité des soins.
Le président détourne les projecteurs publics des questions internes et se concentre sur l’accès des femmes et des
enfants aux soins de santé. “Nous avions le devoir de faire quelque chose pour les enfants, les mères et les femmes
enceintes”, déclare-t-il.
Le président Koroma sait que son annonce à Londres mettra tout en branle. “Il nous fallait prendre un engagement
envers ce projet”, explique-t-il. “Il fallait l’annoncer internationalement et faire quelque chose pour capturer
l’attention des donateurs et des Sierra-léonais.”
Les bureaux du Ministère de la Santé et de l’Hygiène sont établis au quatrième étage du Youyi Building, un
bâtiment mal éclairé et poussiéreux à la bordure du centre urbain de Freetown. Le changement s’y produit
lentement. Et cela est vrai même immédiatement après l’annonce du président. Beaucoup de membres du ministère
et quelques donateurs sont surpris, et seuls quelques-uns parmi eux commencent à s’atteler à la tâche.
Mais après le jour de l’an, le rythme s’accélère et un sentiment d’urgence remplit les bureaux, car la date limite
de Londres s’approche, indique Faye Melly, conseillère technique affectée au ministère par l’Africa Governance
Initiative, un effort commencé par l’ancien premier ministre britannique, Tony Blair. Elle précise qu’une chose
entraîne alors tout le processus: une structure organisationnelle de comités qui s’attaquent à certains éléments du travail.
“En août 2009, après que le ministre a annoncé qu’il voulait commencer un programme de gratuité des soins, nous
avons établi divers comités, mais pas grand-chose ne s’est produit”, dit-elle. “En octobre, nous avons eu un atelier
auquel tout le monde a été invité à participer – des membres du ministère et des donateurs. Les comités ont été
essentiels. Grâce à eux, beaucoup de personnes ont été en mesure de travailler ensemble pour atteindre les mêmes
objectifs, avec un groupe de pilotage dirigé par un cadre du gouvernement.”
Elle dit qu’en janvier 2010 les comités se sont assemblés de nouveau et le travail a commencé pour de bon. Chacun
des six groupes surveille une activité différente: ressources humaines; médicaments et logistique; finances; suivi et
évaluation; infrastructure et communications. Chaque comité a comme coprésidents un représentant du ministère
et une personne issue de la communauté des donateurs. Ils se réunissent une fois par semaine et la présence aux
réunions, dès le début, est élevée.
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Un exposé de l’ILM: Comment la Sierra Leone a-t-elle mis en place des soins de santé gratuits?
“Je pense qu’il était vraiment important qu’un des coprésidents soit membre de la communauté des donateurs”,
nous confie Melly. “La présence d’un donateur a donné aux employés du ministère le sentiment qu’ils n’étaient plus
les seuls à faire tout le travail. Les réunions ont ajouté également une ambiance de transparence à l’ensemble du
processus. Avant cela, ce qui m’avait frappé c’était la façon dont certains donateurs avaient leur propre réunion et
discussion entre eux, puis venaient demander au ministère pourquoi le travail n’avait pas été fait. Mais maintenant,
il y a le sentiment que cinq choses précises doivent être accomplies, et il s’agit plus d’une activité commune, et nous
devons nous soutenir les uns les autres pour y arriver.”
“Les gens ne se faisaient pas de cadeaux lors de ces réunions. Personne ne pouvait se cacher. Ils disaient qu’ils
avaient fait tout leur possible et que maintenant ils avaient besoin d’aide. Et ils se tournaient vers une autre
personne et leur demandaient de l’aide”, ajoute-t-elle.
Susan Mshana, responsable de l’équipe de développement humain et conseillère hygiéniste pour le Département
britannique pour le développement international (DFID), pense elle aussi que le travail des comités a joué un rôle
déterminant dans la planification du déploiement. “Nous avons pu diviser le processus en petits éléments gérables:,
précise-t-elle. “Prenez l’exemple du groupe des ressources humaines ; il s’est réuni toutes les semaines, à créé
une sorte de structure de gouvernance au sein de laquelle travailler, et, à partir de cela, a produit un cadre pour le
développement.”
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Du jamais vu: les partenaires
appuient unanimement un plan
Mshana continue: “Pour la première fois tous les partenaires —pas uniquement les bailleurs de
fonds et les Nations Unies, mais également les ONG [organisations non gouvernementales], et
les prestataires de service— se sont ralliés autour d’un plan solide. Et ils s’étaient engagés à être
opérationnels le 27 avril pour cette initiative, comme le président l’avait dit. Cela a été l’élément
clé: la date a en fait galvanisé les gens. Vous aviez des sous-groupes co-présidés par une ONG
internationale et le Ministère de la Santé et de l’Hygiène, et vous aviez des ONG travaillant avec le
Ministère de la Santé sur un plan gouvernemental – ce n’est pas souvent que cela se produit.”
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En haut: Le Dr Kisito S Daoh, chef des services médicaux au Ministère de la Santé et de l’Hygiène en Sierra Leone, écoute les
préoccupations de ses collègues lors d’une réunion du personnel à Freetown, Sierra Leone. Photo © Dominic Chavez.
Un exposé de l’ILM: Comment la Sierra Leone a-t-elle mis en place des soins de santé gratuits?
Au ministère, sous l’autorité du président et du vice-président, plusieurs leaders clés guident le processus. Parmi
eux, deux se distinguent: Kisito S Daoh, qui est alors chef des services médicaux en intérim, et Samuel A. S.
Kargbo, directeur de la santé de la reproduction et de l’enfant.
Pour le Président Koroma, ces deux dirigeants deviennent essentiels à son plan. “Le chef des services médicaux
(Dr Daoh) et le Dr Kargbo étaient une sorte d’encyclopédie du ministère”, dit-il. “Ils étaient aussi très, très
responsables dans leur approche de ce problème. Ils pouvaient agir rapidement sur le terrain, et j’ai vu qu’ils avaient
en eux un style de leadership idéal pour le reste des membres du ministère. C’étaient des gestionnaires pratiques qui
sortaient de leurs bureaux et allaient prendre eux-mêmes les choses en main. Ils motivaient tout le monde. C’était
exactement ce dont j’avais besoin.”
Le bureau de Daoh, en l’absence d’un ministre, devient le centre des activités. Il s’enferme dans des salles de
réunion toute la journée, jouant le rôle de diplomate de la santé pour les visiteurs, internes ou externes au ministère,
qui forment une longue ligne d’attente.
“Il savait toujours très bien ce qu’il voulait faire, mais il n’a jamais adopté un style direct et autoritaire. Il était
conciliant, chaleureux et amical. Il demandait, ‘Pensez-vous qu’il serait possible de faire cela?’ au lieu de ‘Et
pourquoi n’avez-vous pas encore fait cela?’, explique Melly qui, avec Mohamed Massaquoi, avait les fonctions de
conseillère principale au service de Daoh pendant cette période.
“Ce qui m’a frappé, c’est qu’il avait la même attitude avec les donateurs qu’avec le personnel”, explique Melly.
“Il n’était pas partial. Toujours d’un naturel doux, amical, pas du tout agressif. Il cultivait délibérément cette image.”
“Il était conscient de l’influence politique de ceux qui entraient dans son bureau, dit-elle, et il s’adaptait en
conséquence. Je me souviens que parfois il était frustré, mais c’est lui qui m’a appris comment faire les choses, et à
quel point il devait être respectueux”, souligne Melly.
De l’autre côté du couloir, Kargbo, connu de tous sous le surnom SAS à cause des initiales de ses trois prénoms,
offre un contraste frappant. Plus de dix ans plus jeune que Daoh, Kargbo est plus impatient et excitable. Parfois,
l’atmosphère chaotique le contrarie, et il élève la voix et ponctue ses messages tonitruants d’un éclat de rire.
Kargbo adopte aussi le rôle de porte-parole du ministère pour la gratuité des soins de santé. Il devient rapidement
très adepte à son travail. “Un consultant est venu me voir après une interview et m’a demandé, ‘SAS, êtes-vous un
évangéliste?”
Alors que Daoh préside souvent les réunions du Comité de pilotage dirigeant l’initiative de gratuité des soins, au
commencement Kargbo a des difficultés à trouver sa place dans le système des comités. Il finit par devenir membre
du comité d’infrastructure et commence à diriger l’effort visant à assurer que tous les hôpitaux et toutes les
cliniques disposent d’installations pour les soins obstétriques de base.
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La découverte des
“travailleurs fantômes”
L’une de ses premières missions est de purger le registre du personnel des travailleurs fantômes et
de renforcer les effectifs. Anthony Sandi, directeur des ressources humaines au ministère de la santé,
surveille le processus du début à la fin. Un rapport de pays datant de 2007 établit que la Sierra Leone
dispose de 67 agents de santé et de 225 infirmiers pour une population de plus de 5,5 millions
d’habitants; avec une telle population, selon les indicateurs de l’OMS, le pays aurait besoin d’au moins
300 médecins et 600 infirmiers. De plus, les médecins sont payés 200 USD par mois et les infirmiers
100 USD par mois —un salaire si bas qu’il est devenu coutume en Sierra Leone de faire payer les
patients pour des services fournis dans des hôpitaux ou des cliniques, même quand il est clairement
annoncé que ces services sont gratuits.
Sandi reconnaît qu’en se lançant dans la planification de l’initiative de gratuité des soins de santé, “il s’est très
souvent senti nerveux”. Mais Sandi, qui pendant longtemps a connu le manque de soutien du ministère, que ce
soit pour la dotation en personnel ou l’approvisionnement en fournitures de base, reçoit finalement de l’aide pour
faire son travail. Un consultant de Booz & Company réalise une analyse approfondie du registre du personnel
qui compte alors plus de 7,000 travailleurs, ce qui comprend tous les employés, même ceux qui travaillent dans
des postes sanitaires isolés à travers le pays. L’analyse révèle la présence de plus de 850 travailleurs fantômes,
essentiellement des retraités recevant toujours leurs salaires, si dérisoires soient-ils. Ces personnes sont alors retirées
du registre du personnel, ce qui permet au ministère d’engager 1,000 nouveaux travailleurs.
Mais le processus est difficile à mettre en œuvre. Un rapport d’enquête préparé par un autre consultant externe,
Tim Heywood, dont la mission de sept semaines est financée par Concern Worldwide, identifie une situation dont
Sandi et d’autres sont bien conscients: l’ajout d’un employé au registre du personnel du ministère peut prendre des
mois. La bureaucratie, particulièrement dans les divers ministères de Freetown, immobilise toutes les embauches.
Mais le Ministère de la Santé et de l’Hygiène ne dispose pas de mois, ou même de semaines, pour le faire. Sandi,
avec l’aide de Heywood et d’autres spécialistes, établit un processus d’embauche accéléré. Il s’avère que la plupart
des nouvelles recrues travaillent déjà comme bénévoles dans les hôpitaux ou cliniques de district. Sandi établit
un nouveau processus selon lequel il est possible d’être engagé par le gouvernement en un jour au lieu d’avoir à
attendre une approbation pendant des mois, et il conféra également l’autorité d’embaucher à certaines personnes
dans les districts, accélérant ainsi davantage le processus.
Pour Heywood, un expert du pays de Galles en ressources humaines et gestion du lieu de travail, la partie la plus
importante de sa mission est de comprendre les priorités de Sandi puis de trouver des moyens de l’appuyer. “Mon
travail était d’être à ses côtés et de lui fournir l’aide dont il avait besoin”, raconte Heywood.
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Un exposé de l’ILM: Comment la Sierra Leone a-t-elle mis en place des soins de santé gratuits?
Nouvelles d’une grève des
travailleurs de la santé
Mais pendant la deuxième journée de travail d’Heywood, l’existence même de l’initiative est
soudainement remise en question: les travailleurs de la santé du pays se mettent en grève et
revendiquent de meilleurs salaires et avantages sociaux moins de six semaines avant le début prévu
de l’initiative, et la situation devient vite plus qu’un problème ordinaire de ressources humaines.
Très rapidement, la grève finit par atteindre le Président Koroma.
Dès le départ, les négociations sont difficiles. Le gouvernement a toujours prévu d’augmenter considérablement
les salaires des travailleurs de la santé. Mais il n’est pas clair qui va payer pour cela. Après plus de dix jours de
négociations n’aboutissant pas, le président Koroma autorise finalement le Ministère des Finances à utiliser
des fonds public pour financer cette augmentation des salaires. Le gouvernement offre plusieurs niveaux
d’augmentations, doublant ou triplant parfois les salaires.
Kargbo, responsable des services de santé de la reproduction, est présent à la réunion durant laquelle le ministre
des finances annonce que le gouvernement va financer les augmentations de salaire. “Les donateurs étaient attentifs
à ce qui se passait”, explique Kargbo. “Je pense que quand le ministre des finances a dit qu’il libérerait les fonds
pour les travailleurs de la santé, j’ai été soudainement rempli d’espoir. Nous n’avions la promesse de personne en ce
qui concerne l’augmentation des salaires. Mais en voyant le gouvernement intervenir, ça a changé les choses pour
moi. Finalement il y avait une lueur d’espoir.”
Il pense que les donateurs ont vécu ce moment de la même façon. “Cela a indiqué une prise en charge par le
gouvernement, un engagement de sa part”, indique Kargbo. “Si ce message était venu de l’un des partenaires, il y
aurait eu des doutes dans l’esprit des gens. Leur première question aurait été, ‘Et quand les fonds seront épuisés,
qui va continuer le financement?’ Mais la déclaration est venue du gouvernement et la question ne s’est pas posée.”
Cette action du gouvernement qui s’engage à accorder des augmentations de salaires a une série de conséquences
positives: les donateurs, constatant l’engagement du gouvernement, augmentent leur financement. Le DFID
montre l’exemple, en promettant 16 millions USD sur une période de cinq ans, et 8 millions USD pour les
médicaments et fournitures au cours de la première année.
La grève – et la question de savoir qui financerait les salaires – ne constituent pas la seule crise potentielle. On se
demande également si les médicaments nécessaires arriveront à temps en Sierra Leone. L’UNICEF, qui distribue
des médicaments à travers les pays en développement, était en charge de l’approvisionnement et de la distribution.
Pendant des semaines, le gouvernement et ses partenaires attendent que les livraisons arrivent à bon port. La
majorité de celles-ci arrivent deux semaines avant le lancement, ce qui soulage grandement les planificateurs, et la
distribution commence immédiatement dans tout le pays. “Si elles n’étaient pas arrivées, cela nous aurait causé de
gros ennuis”, confie Mshana, qui travaille pour le DFID. “Mais elles étaient bien là, et nous les avons distribuées
immédiatement. Nous ne savions pas à quels niveaux de consommation et de demande nous attendre, mais nous
savions que nous avions besoin de beaucoup plus de fournitures que nous n’en avions.”
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La dernière
ligne droite
Les jours précédant le lancement, les équipes intensifient leur travail. Kargbo, porte-parole principal pour
ce lancement, commence à parler dans le cadre d’émissions de radio et à tenir des conférences de
presse. Des cadres importants du ministère se voient assigner des districts qu’ils doivent visiter quelques
jours avant le lancement.
À Freetown, au ministère, Daoh est comme un général sur le terrain, et tous les jours, les gens font la queue devant
son bureau pour lui parler. La veille du lancement, observé pendant un de ses rares moments libres, il n’a pas l’air
d’aller bien.
“Hypertension”, explique-t-il en riant. “Et en plus de cela, de la fièvre!”
“Je reçois des appels des districts maintenant. Il faut clairement faire passer le message que tous les médicaments
que nous leur envoyons ne doivent être utilisés que pour les femmes enceintes ou les enfants qui sont malades”,
confie-t-il. “Nous avons peur qu’ils ne donnent les médicaments aux personnes en bonne santé.”
Dans le bureau d’en face, Kargbo examine des rapports provenant de toutes les régions du pays, et il participe à des
interviews à la radio. Son message s’attaque aux problèmes auxquels Daoh est confronté: il répète sans cesse que
seuls les enfants et les mères malades doivent venir recevoir les soins.
Mais tout en parlant à son pays du lancement
de l’initiative de gratuité des soins, il pense
bien au-delà de cette échéance. “La cérémonie
n’est qu’une cérémonie”, explique-t-il, “C’est la
mise en œuvre à suivre qui m’inquiète.”
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Un exposé de l’ILM: Comment la Sierra Leone a-t-elle mis en place des soins de santé gratuits?
Le jour du lancement:
de longues files, des
traitements, la naissance
de bébés
Le 27 avril 2010, dès l’aube, des mères et leurs jeunes enfants commencent à former des files
d’attente à l’entrée des hôpitaux et des cliniques dans toute la Sierra Leone. Ils ont hâte de recevoir
l’attention médicale à laquelle ils n’ont jamais pu accéder jusqu’alors.
A l’hôpital pour enfants Ola During de Freetown, le président Koroma explique à la foule en anglais et en Krio,
une forme de créole à base d’anglais, que les femmes enceintes, les mères allaitantes et les enfants âgés de moins de
cinq ans, n’auront plus à payer pour les soins de santé offerts dans des établissements publics. Quand il exprime ces
idées en créole, la foule crie de joie.
Ernest Bai Koroma, président de la Sierra Leone, serre les mains des femmes qui attendent devant l’hôpital pour enfants Ola During
afin de profiter du programme de gratuité des soins récemment lancé. Photo © Dominic Chavez.
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“Pendant de nombreuses années, beaucoup trop de femmes enceintes, de mères allaitantes et d’enfants âgés de
moins de cinq ans ont souffert et sont morts tout simplement parce qu’ils n’avaient pas les moyens de payer les
consultations, les médicaments ou les services”, lance Koroma. “Aujourd’hui nous prenons la mesure la plus
importante ayant jamais été prise pour mettre fin à cette situation peu enviable.”
Son vice-président, Sam-Sumana, commence son intervention en demandant un moment de silence. “Ce moment
est en l’honneur de tous ceux en Sierra Leone qui sont morts prématurément, toutes les mères et les bébés qui sont
décédés inutilement à cause de mauvais soins de santé”, dit-il. “Que leurs âmes reposent en paix.”
Quelques minutes avant que le président s’adresse à la foule, une femme de 30 ans appelée Marie Smart, accouche
d’un garçon par césarienne dans une salle d’opération située à 15 mètres seulement de l’endroit où Koroma
intervient. La mère et l’enfant sont tous deux en bonne santé. Elle explique plus tard qu’elle l’appellera Sallieu, en
l’honneur de son propre père. Quand on lui demande ce qu’elle pense de la gratuité des soins, elle s’exclame, “Dieu
merci!”.
Sa nièce, Ramatu Fofanah, âgée de 22 ans explique qu’il aurait été difficile pour Smart de payer les frais d’hôpitaux
pour l’accouchement. “C’est une chose très importante que le gouvernement a faite”, nous confie Fofanah. “Les
gens sont trop pauvres ici. Nous connaissons des femmes qui sont mortes en accouchant à la maison. Une de
nos voisines a perdu son bébé avant de perdre la vie quand elle a accouché à la maison. Avec ces soins médicaux
gratuits, tant de vies seront sauvées.”
Le mois précédant l’initiative de gratuité des soins, en moyenne 170 000 enfants reçoivent mensuellement des soins
médicaux dans des établissements hospitaliers sierra-léonais. Les mois qui suivent le lancement de l’initiative, ce
nombre dépasse les 340 000, soit le double.
“Il s’agit d’une indication évidente qu’il y avait des obstacles considérables empêchant d’accéder aux soins de
santé”, explique Mshana, du DFID. “Nous constatons que le nombre d’enfants traités contre le paludisme a triplé.
C’est plutôt remarquable, stupéfiant même.”
L’effort pour mettre en place la gratuité des soins de santé en Sierra Leone ne fut ni facile, ni simple, et les
fonctionnaires ministériels reconnaissent volontiers avoir pris de mauvaises décisions à certains moments. Pour
réussir cet exploit, un grand nombre de personnes ont travaillé de longues heures pendant des mois afin d’atteindre
un but commun en lequel ils croyaient tous. Le président Koroma, qui explore maintenant les possibilités
d’expansion de l’accès aux soins de santé par le biais de l’assurance maladie, explique qu’il avait été essentiel de
croire en la mission.
“Il est impossible de réparer un système
délabré en six mois”, explique Mshana. “Mais
nous avons réussi à lancer cette initiative
avec succès. Il a fallu sortir des sentiers
battus, avoir beaucoup d’idées différentes
et mettre la main à la pâte.”
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Un exposé de l’ILM: Comment la Sierra Leone a-t-elle mis en place des soins de santé gratuits?
“Ce n’était pas un
scénario de statu quo”
Melly, qui travaille pour l’Africa Governance Initiative, raconte qu’un moment mémorable s’est produit
quelques semaines avant le lancement lorsqu’elle a observé le Président Koroma pendant une visite de
site à Makeni, une communauté située à environ deux heures de voiture au nord de Freetown. Daoh
avait suggéré au président de faire une visite de trois jours dans chaque hôpital de district à travers le
pays pour contrôler les progrès.
Le président était furieux après sa visite de Makeni, raconte Melly. “Il a eu le sentiment que le travail n’était pas
une priorité pour les gens malgré le fait que le jour fatidique du lancement de la gratuité des soins serait bientôt
là” explique-t-elle. “Il s’est vraiment mis en colère et a dit que des gens risquaient leur emploi. C’était un peu
terrifiant.”
Le rythme s’accélère à Makeni et ailleurs. Les gens gardent leurs emplois. Le Président Koroma indique plus tard
qu’il avait eu besoin d’être dur.
“Vous devez convaincre les gens de vous suivre”, explique-t-il. “Quand vous avez une date limite, le 27 avril en
l’occurrence, vous devez vous assurer que la construction est terminée, que les équipements ont été commandés.
Étant un homme pratique, j’ai décidé de motiver les travailleurs. Après tout, c’était sérieux ce que nous faisions,
il ne s’agissait pas d’un projet de routine, où quelqu’un fait une déclaration et les choses se déroulent au même
rythme. Nous avions établi une date limite et nous devions la respecter. Cela était très significatif. Et ce que j’ai
constaté pendant ce voyage et d’autres voyages, c’est que tout le monde était entièrement engagé. J’étais très
encouragé par la sincérité des efforts.”
Il n’est pas le seul à être encouragé par les résultats. Les travailleurs de la santé, qui gagnent maintenant un salaire
décent, ont aussi exprimé leur admiration pour ce vaste effort, bien qu’ils aient du mal à répondre à la demande.
Par exemple, le premier jour de l’initiative de gratuité des soins, la pharmacie de l’hôpital pour enfants Ola During
s’est trouvée à cours d’antibiotiques, entre autres choses. Malgré cela, Matthew Barnes, un technicien en pharmacie,
s’est émerveillé de la file de gens qui l’attendaient et a dit, “C’est une journée incroyable: toutes ces personnes sont
en train de recevoir des soins, beaucoup d’entre eux pour la première fois.”
Au bureau des inscriptions, qui a inscrit 56 enfants la veille du lancement, Rachel Edwina Leigh, travailleuse de la
santé, remplit un formulaire pour le 295e enfant à 16h00 le premier jour de soins gratuits. C’est le triple du nombre
normal de patients, mais elle ne se plaint pas.
“Nous resterons”, affirme-t-elle,
“jusqu’à ce que nous ayons aidé le dernier patient”
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John Donnelly, un consultant senior pour l’ILM, est un journaliste spécialisé
dans les questions de santé mondiale. Son reportage a été sponsorisé par
l’Initiative du leadership ministériel pour la santé dans le monde, qui fait
partie de l’Aspen Global Health and Development établi à l’Aspen Institute
à Washington. L’ILM soutient les priorités de cinq ministères de la santé en
Afrique et en Asie, notamment en Sierra Leone.
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À propos de l’ILM
L’Initiative du leadership ministériel pour la santé
dans le monde (ILM) collabore avec les ministères
de la santé en Éthiopie, au Mali, au Népal, au
Sénégal et en Sierra Leone pour promouvoir la
prise en charge par les pays et le leadership dans
trois domaines étroitement liés: le financement de
la santé en vue d’un système de soins de santé
durable et accessible par tous; l’alignement des
donateurs pour assurer que ceux-ci travaillent
ensemble afin de soutenir les priorités nationales;
et la santé de la reproduction, étant donné que la
santé des femmes est essentielle à la constitution
de communautés et de nations saines et stables.
L’ILM, un programme de l’Aspen Global Health
and Development, à l’Aspen Institute, travaille
en partenariat avec le Results for Development
Institute. L’ILM est financé par la Bill & Melinda
Gates Foundation et la David and Lucile Packard
Foundation.
One Dupont Circle N.W. Suite 700
Washington, D.C. 20036-1133
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