Samedi 13 novembre Ensemble intercontemporain

Transcription

Samedi 13 novembre Ensemble intercontemporain
Samedi 13 novembre
Ensemble intercontemporain | Peter Rundel | Dagmar Manzel
Dans le cadre du cycle Les musiciens de Brecht
Du 5 au 14 novembre
Vous avez la possibilité de consulter les notes de programme en ligne, 2 jours avant chaque concert,
à l’adresse suivante : www.citedelamusique.fr
13/11 EIC.indd 1
Ensemble intercontemporain | Peter Rundel | Dagmar Manzel | Samedi 13 novembre
Roch-Olivier Maistre,
Président du Conseil d’administration
Laurent Bayle,
Directeur général
05/11/10 17:19
Cycle Les musiciens de Brecht
Auteur de L’Esprit de l’utopie et du Principe espérance, le philosophe Ernst Bloch entendait dans la Chanson
du pirate de Polly dans L’Opéra de quat’ sous de Brecht et Weill l’un des moments clés de l’histoire de l’opéra, porteur
d’une vision capable de suspendre le cours fatal des événements dramatiques et historiques. Dans L’Art d’hériter (1935),
Bloch avait en efet souligné que, sous ses allures de « tube », ce song aichait une « mine de travers », et le philosophe
louait la voix contradictoire de Lotte Lenya, « suave, aiguë, légère, dangereuse, froide », idéale pour la iancée du pirate
qui chante la révolution en essuyant des verres.
Le chant et cette interprétation étaient si connus que, lorsque Bloch, fuyant l’Europe, émigra aux États-Unis, Adorno
écrivit à Benjamin le 28 août 1938 : « Bloch a débarqué. Possible que ce soit sur un bateau à huit voiles », allusion au refrain
de ce chant avec ce « huit-voiles aux cinquante canons » qui accoste et bombarde la ville avant de disparaître, emportant
la jeune ille loin de son hôtel miteux.
Certains textes de Brecht mis en musique sont devenus ainsi mondialement célèbres grâce à des interprètes qui les
reprennent en allemand ou en d’autres langues : Lys Gauty, Florelle, Marianne Oswald en français au début des années
1930, Teresa Stratas, Marianne Faithfull ou Milva (dans Io, Bertolt Brecht avec Giorgio Strehler, montré jadis à Paris),
sans parler des reprises par les musiciens de jazz. Mais en dehors de quelques morceaux célèbres, notre mémoire
s’est raréiée et commence seulement à renaître. Les compositeurs de Brecht sont peu (re)connus ou méconnus,
et cela tient d’une part aux conceptions musicales de Brecht, d’autre part à l’histoire du XXe siècle : les exils américains
et le retour en RDA ont pesé doublement sur la réception des œuvres des compositeurs inspirés par Brecht.
Le rapport de Brecht à la musique était complexe. L’auteur de Mahagonny considérait la musique comme un élément
essentiel du théâtre ; peu musicien lui-même, dépourvu de connaissances techniques et théoriques, il n’en formule
pas moins, pour chacune de ses pièces, des « remarques sur la musique », et entretient des relations durables avec les
compositeurs. Cependant, comme pour le personnage de Settembrini dans La Montagne magique (personnage dont,
selon Hanns Eisler, Brecht aurait pu être le modèle), la musique est « suspecte, irresponsable, indiférente » et provoque
des sentiments incontrôlables et irrationnels, c’est pourquoi il serait indispensable de l’allier à un élément producteur
d’un sens moins évasif.
Ces réserves face à la musique doivent être saisies comme des considérations esthétiques d’ordre général (et, par là,
peu originales), mais également dans l’époque où elles ont été formulées : Brecht réagit à l’institution du concert
comme expérience « culinaire », délectation gratuite ou échaufement des sens, à une esthétique postromantique,
à l’œuvre d’art total wagnérienne. Il a donc pour principes fondateurs à l’usage de la musique : réduction du volume
sonore, des moyens instrumentaux et de la durée, primauté de la mélodie et du rythme, alliance avec la parole ou
un contexte qui situe la musique par rapport à un sens, recours parfois parodique à des musiques connues, méiance
envers l’avant-garde musicale. Cela bride la musique, mais ne la rend pas grise ; au contraire, la musique contribue
aussi au plaisir et aux vertus pédagogiques du théâtre, art charnel et vocal.
Aiguiser la conscience et la raison
Weill, Dessau et Eisler, les trois principaux compositeurs ayant travaillé avec et pour Brecht – on laissera de côté
Hindemith, compositeur en 1929 de la seule pièce didactique, opéra dérivé de la pièce radiophonique Le Vol de
Lindbergh de Hindemith et Weill et succès scandaleux à Baden-Baden –, ont tous composé opéras, musiques de scène
et mélodies, mais ils incarnent des positions esthétiques et historiques diférentes.
2
13/11 EIC.indd 2
05/11/10 17:19
Kurt Weill (1900-1950), le plus célèbre des trois, accompagne Brecht durant la république de Weimar mais se sépare
de lui avant leur exil américain ; élève de Busoni, inspiré aussi par les revues de variétés de l’entre-deux-guerres,
il expérimente toutes les formes, du « petit » au « grand » Mahagonny, les chants et cantates à teneur politique comme
le Requiem berlinois.
Paul Dessau (1894-1979), un peu plus âgé que Brecht, lui survécut presque un quart de siècle ; élève de René Leibowitz
qui le forma au dodécaphonisme et admirait sa cantate Les Voix d’après Verlaine, il devint « plus brechtien que Brecht »
dans sa volonté de réduction des moyens. Auteur de musiques de scène (notamment Mère Courage et Le Cercle de craie
caucasien), il encourut avec Brecht les foudres du régime socialiste des débuts de la RDA avec les critiques de
« formalisme » lancées contre leur opéra La Condamnation de Lucullus. Auteur, après la mort de Brecht, d’un opéra
d’après Puntila, ouvert à la musique de l’Ouest, ami de Hans Werner Henze, grand pédagogue, il chercha constamment
à concilier ses convictions avec un refus de se plier à ce qu’il appelait le « mauvais goût des masses » que le régime
encourageait plutôt.
Hanns Eisler enin (1898-1962) fut le plus proche de Brecht humainement, politiquement et intellectuellement,
et l’on peut paraphraser à son sujet la caractérisation que Benjamin donna de Brecht : « un phénomène diicile à saisir
[qui] se refuse à utiliser “librement” ses grands talents ». Brillant élève de Schönberg qu’il taxa de « réactionnaire musical »,
sans oublier son enseignement, penseur intransigeant et subtil luttant contre la « bêtise en musique », Eisler veut que le
plaisir musical aiguise la conscience et la raison au lieu de les endormir. Des chants politiques entonnés par les milliers
d’ouvriers à l’opéra La Décision, de la musique de chambre et de ilm aux innombrables poèmes mis en musique,
il accompagne Brecht pendant plus de trente ans.
Et à la toute in du XXe siècle, Heiner Goebbels créait un « Matériau Eisler » (Eislermaterial) où, quasi postmoderne,
il prolongeait cette recherche constante chez Brecht et ses musiciens de la citation productrice et de combinaisons
entre les musiques et les textes.
Bernard Banoun
3
13/11 EIC.indd 3
05/11/10 17:19
DU VENDREDI 5 AU DIMANCHE 14 NOVEMBRE
VENDREDI 5 NOVEMBRE – 20H
MERCREDI 10 NOVEMBRE – 20H
DIMANCHE 14 NOVEMBRE – 16H30
Nada Strancar chante Brecht/Dessau
Kurt Weill
Vom Tod im Wald
Das Berliner Requiem
HK Gruber
Busking, concerto pour trompette
(création française)
Dialogues d’exilés
Nada Strancar, chant
François Martin, piano, direction
Jean-Luc Manca, accordéon
Guillaume Blaise, percussions
DIMANCHE 7 NOVEMBRE – 16H30
Kurt Weill
Suite panaméenne
Zu Potsdam unter den Eichen
Die Legende vom toten Soldaten
Bastille Music
Bertolt Brecht / Kurt Weill
Der Lindberghlug / Der Ozeanlug
Orchestre Philharmonique
de Radio France
Chœur de Radio France
HK Gruber, direction
Hakan Hardenberger, trompette
Denis Comtet, chef de chœur
Rainer Trost, ténor
Florian Boesch, baryton
Bertolt Brecht
Dialogues d’exilés (extraits)
Mauricio Kagel
Unguis incarnatus est
Rrrrrrr... / 5 jazz-Stücke
MM51
Le ranz des vaches
Klangwölfe
Solistes
de l’Ensemble intercontemporain
Jörn Cambreleng, conseiller artistique
et récitant, Vincent Németh, récitant
SAMEDI 13 NOVEMBRE – 20H
Die Kölner Akademie - Orchester
Damals und Heute
Michael Willens, direction
Paul Kaufmann, ténor
Christian Hilz, baryton
Stephan McLeod, basse
Paul Hindemith
Kammermusik op. 24 n° 1
Hanns Eisler
Kammer-Symphonie op. 69
Chansons et ballades sur des textes
de Bertolt Brecht
Kurt Weill
Kleine Dreigroschenmusik
Heiner Goebbels
Industry & Idleness
Ensemble intercontemporain
Peter Rundel, direction
Dagmar Manzel, voix
Alain Billard, clarinette basse
4
13/11 EIC.indd 4
05/11/10 17:19
SAMEDI 13 NOVEMBRE - 20H
Salle des concerts
Paul Hindemith
Kammermusik n° 1, op. 24 n° 1, avec Finale 1921
Hanns Eisler
Kammer-Symphonie op. 69
Lied von der belebenden Wirkung des Geldes
Mutter Beimlein
O Fallada, da du hangest! (arrangement : Manfred Grabs)
Lied der Nanna
Über den Selbstmord
Das « vielleicht » Lied
Kuppellied
entracte
Kurt Weill
Kleine Dreigroschenmusik [Petite musique de quat’ sous]
Heiner Goebbels
Industry and Idleness
Ensemble intercontemporain
Peter Rundel, direction
Dagmar Manzel, chanteuse
Alain Billard, clarinette basse
Nicolas Berteloot, Frédéric Prin, régie son
Coproduction Cité de la musique – Ensemble intercontemporain.
Ce concert est enregistré par France Musique.
Ce concert sera redifusé sur France Musique le 29 novembre à 12h35.
Fin du concert vers 22h15.
5
13/11 EIC.indd 5
05/11/10 17:19
Paul Hindemith (1895-1963)
Kammermusik n° 1, op. 24 n° 1, avec Finale 1921, pour douze instruments solistes
Très vite et déchaîné
Modérément vite mais très rythmé
Quatuor (lûte, clarinette, basson, glockenspiel)
Finale 1921
Composition : 1921.
Création : le 31 juillet 1922, Festival de Donaueschingen, sous la direction de Hermann Scherchen.
Dédicace : au prince Egon de Fürstenberg.
Efectif : lûte/lûte piccolo, clarinette en si bémol, basson, trompette en si bémol, percussion, piano, accordéon,
2 violons, alto, violoncelle, contrebasse.
Éditeur : Schott.
Durée : environ 15 minutes.
L’œuvre fut composée en 1921 et dédiée au prince Egon de Fürstenberg, directeur du Festival
de musique contemporaine de Donaueschingen qui fut inauguré cette année-là. La création
eut lieu pour l’ouverture du IIe Festival de Donaueschingen, le 31 juillet 1922, sous la direction
d’Hermann Scherchen.
La série des Kammermusiken [Musiques de chambre], qui inclut des concertos pour violon, viole
d’amour, violoncelle, piano et orgue, constitue l’un des principaux courants de la production
de Hindemith dans les années vingt. Mais cette première musique de chambre difère de celles
qui lui succédèrent et qui sont presque toutes des pièces concertantes aux traits néoclassiques
plus ou moins prononcés. L’Opus 24 n° 1 est plus proche des ballets dramatiques expressionnistes
du début des années vingt et un écho certain du Petrouchka de Stravinski renforce le caractère
chorégraphique des mouvements rapides. Dans le Finale 1921, Hindemith atteint pour la première
et dernière fois une sorte d’équivalent musical des commentaires sociaux implicites dans les
scènes de rue ou de cabaret polychromes peintes par Otto Dix et Georg Grosz pendant les années
d’inlation.
David Drew
6
13/11 EIC.indd 6
05/11/10 17:19
Hanns Eisler (1898-1962)
Kammer-Symphonie op. 69
Composition : 1940.
Efectif : lûte/ lûte piccolo, hautbois, clarinette en si bémol, basson, cor en fa, trompette en ut, trombone, percussion,
piano, Novachord, 2 violons, alto, violoncelle, contrebasse.
Éditeur : Verlag Neue Musik, Berlin.
Durée : environ 17 minutes.
Lied von der belebenden Wirkung des Geldes
Composition : 1934-1936.
Texte : Bertolt Brecht, extrait de Die Rundköpfe und die Spitzköpfe [Têtes rondes et têtes pointues].
Efectif : voix de femme, lûte, 2 clarinettes en si bémol, saxophone alto en mi bémol, saxophone ténor en si bémol,
2 trompettes en si bémol, trombone, percussion, banjo, piano, contrebasse.
Éditeur : Deutsche Verlag für Musik, Leipzig.
Durée : environ 4 minutes.
Mutter Beimlein
Composition : 1935.
Texte : Bertolt Brecht.
Efectif : voix de femme et clarinette basse.
Éditeur : Deutsche Verlag für Musik, Leipzig.
Durée : environ 2 minutes.
O Falladah, da du hangest!
(Arrangement Manfred Grabs)
Composition : 1932.
Texte : Bertolt Brecht.
Efectif : voix de femme, lûte, hautbois, clarinette en si bémol, basson, cor en fa, trompette en ut, caisse claire, piano,
contrebasse.
Éditeur : Deutsche Verlag für Musik, Leipzig.
Durée : environ 3 minutes.
7
13/11 EIC.indd 7
05/11/10 17:19
Lied der Nanna
Composition : 1934-1936.
Texte : Bertolt Brecht, extrait de Die Rundköpfe und die Spitzköpfe [Têtes rondes et têtes pointues].
Efectif : voix de femme, saxophone alto en mi bémol, saxophone ténor en si bémol, trompette en si bémol, percussion,
piano, banjo, contrebasse.
Éditeur : Deutsche Verlag für Musik, Leipzig.
Durée : environ 5 minutes.
Über den Selbstmord
Composition : 1939.
Texte : Bertolt Brecht, extrait de Der gute Mensch von Sezuan [La Bonne Âme du Se-Tchouan]
Efectif : voix de femme, quatuor à cordes (version originale : pour voix et piano).
Editeur : Deutsche Verlag für Musik, Leipzig.
Durée : environ 2 minutes.
Das « vielleicht » Lied
Composition : 1934-1936.
Texte : Bertolt Brecht, extrait de Die Rundköpfe und die Spitzköpfe [Têtes rondes et têtes pointues].
Efectif : voix de femme, lûte, clarinette en mi bémol, 2 clarinettes en si bémol, saxophone alto en mi bémol, saxophone
ténor en si bémol, 2 trompettes en si bémol, trombone, percussion, piano, contrebasse.
Editeur : Deutsche Verlag für Musik, Leipzig.
Durée : environ 2 minutes.
Kuppellied
Composition : 1934-1936.
Texte : Bertolt Brecht, extrait de Die Rundköpfe und die Spitzköpfe [Têtes rondes et têtes pointues].
Efectif : voix de femme, clarinette en mi bémol, 2 clarinettes en si bémol, saxophone alto en mi bémol, saxophone
ténor en si bémol, 2 trompettes en si bémol, trombone, percussion, piano, banjo, contrebasse.
Éditeur : Deutsche Verlag für Musik, Leipzig.
Durée : environ 5 minutes.
8
13/11 EIC.indd 8
05/11/10 17:19
Le musicien de Brecht : on peut oser cette airmation au sujet de Hanns Eisler qui, à partir
de 1929, mit Brecht en musique presque chaque année. La collaboration de l’écrivain avec
Paul Dessau, initiée en 1938, fut moins longue et moins intense. Celle avec Kurt Weill ne dura
véritablement que quatre années.
Partageant des idéaux communs, Brecht et Eisler concevaient l’art comme un moyen d’éveiller
la conscience politique des classes ouvrières et de les inciter à l’action. L’écrivain rappelle que le
mode de représentation « épique » ne renonce pas à « l’efet émotionnel » : ses émotions « évitent
comme source le subconscient et n’ont rien à voir avec la griserie ». De fait, les chants intercalés
entre les dialogues parlés refusent l’esthétique du divertissement et la séduction du lyrisme
postromantique. Ils sont nombreux à adopter un rythme de marche. En témoignent O Fallada,
da du hangest! et deux numéros de Die Rundköpfe und die Spitzköpfe [Têtes rondes et têtes pointues],
pièce écrite entre 1932 et 1936 : Lied der Nanna et Lied der Kupplerin. Quant à Das « vielleicht » Lied,
c’est une étrange marche à trois temps. Si le Lied von belebenden Wirkung des Geldes choisit le
balancement d’une valse lente ain de traduire le cynisme du texte, ses strophes se terminent sur
les scansions d’une marche rapide. Eisler évite pourtant le risque de l’uniformisation. Au moyen de
dissonances et d’harmonies imprévues, il maintient l’attention en éveil et souligne certains mots.
Par ailleurs, la régularité métrique est souvent perturbée par des changements de mesure ou de
tempo. La mélodie de Mutter Beimlein, entrecoupée de silences, transpose la claudication de la
mère à la jambe de bois.
Quand Hitler accède au pouvoir, Brecht et Eisler quittent l’Allemagne, séjournent dans plusieurs
pays d’Europe, puis s’installent aux États-Unis. Durant cette période, leur engagement politique
évolue dans une nouvelle direction. La métaphore de Têtes rondes et têtes pointues, créé à
Copenhague en 1936, permet une pluralité d’interprétations. Certes, la crise économique qui
frappe les fermiers rappelle les années noires de l’entre-deux-guerres ; le gouvernement, qui
attribue la responsabilité de la situation à une partie de la population, renvoie évidemment à
Hitler. Mais de façon plus générale, c’est la haine de l’autre et l’instrumentalisation de la pauvreté
qui sont ici dénoncées.
De plus en plus, l’horreur de la guerre, la nostalgie du pays natal et l’inadéquation à l’american
way of life dominent la critique sociale. Autant de thèmes présents dans le Hollywooder Liederbuch
(Livre des chants hollywoodiens, 1942-1943). Le recueil, sur des poèmes de divers auteurs, s’inscrit
dans l’héritage du lied germanique et s’éloigne de l’univers du cabaret berlinois qui marque
les musiques de scène. Il contient notamment Über den Selbstmord, dont la mélodie étirée est
murmurée sur de sombres accords. Jusqu’au terriiant sursaut qui accompagne le dernier mot,
quand on découvre que la misère conduit parfois au suicide.
Aux États-Unis, Eisler compose plusieurs musiques de ilm. Refusant les poncifs auxquels sacriient
la majorité des musiciens, il réléchit à la relation entre le son et l’image. Ses idées sont en fait
similaires à celles mises en œuvre dans le théâtre. Eisler déclare ainsi que « la musique peut
suivre de manière synchronisée l’action cinématographique » ou qu’elle « peut s’opposer à l’action
9
13/11 EIC.indd 9
05/11/10 17:19
cinématographique en une sorte de contrepoint ». Lors d’une conférence donnée en 1941, il illustre
ses propos avec des extraits de sa Kammer-Symphonie. Cette partition, susceptible d’être jouée
en concert, était à l’origine destinée à accompagner White Flood, un documentaire sur les régions
arctiques de William O. Field Jr et Sherman Pratt. Elle utilise la technique dodécaphonique,
imposant à Eisler de tenir compte de trois contraintes : le rapport du procédé « avec l’action
présentée à l’écran », « sa place dans la technique dodécaphonique autonome » et « sa position au sein
de la forme musicale, qui était indiquée et suggérée par les événements visibles à l’écran ». Toutefois,
bien qu’il puisse mener de telles expérimentations, Eisler reste étranger au mode de vie outreAtlantique. Accusé d’activités anti-américaines après la guerre, il décide, comme Brecht, de vivre
en République démocratique allemande. Les deux hommes allaient découvrir que la société dont
ils avaient rêvé n’était qu’utopie.
Hélène Cao
10
13/11 EIC.indd 10
05/11/10 17:19
Bertolt Brecht
Lied von belebenden der Wirkung des Geldes
Chanson des vertus roboratives de l’argent
Niedrig gilt das Geld auf dieser Erden
Und doch ist sie, wenn es mangelt, kalt
Und sie kann sehr gastlich werden
Plötzlich durch des Gelds Gewalt
Eben war noch alles voll Beschwerden
Jetzt ist alles golden überhaucht.
Was gefroren hat, das sonnt sich.
Jeder hat das, was er braucht!
Rosig färbt der Horizont sich.
Blicket hinan: der Schornstein raucht!
Ja, da schaut sich alles gleich ganz anders an…
Voller schlägt das Herz. Der Blick wird weiter.
Reichlich ist das Mahl. Flott sind die Kleider.
Und der Mann ist jetzt ein andrer Mann.
On méprise l’argent en ce monde.
Pourtant, sans argent, le monde est froid,
Tandis que, quand il abonde,
Soudain tout n’est plus que joie,
L’instant d’avant, c’était le chaos ;
Maintenant tout prend des tons vermeils,
Tel qui gelait prend le soleil,
Chacun a ce qui lui faut,
L’horizon soudain s’allume
Regardez donc : la soupe fume !
On découvre un autre monde, ou c’est tout comme,
Les cœurs sont légers, les regards brillants,
Les habits sont chics, les mets sont friands,
L’homme de naguère est un autre homme.
Ach sie gehen alle in die Irre
Die da glauben, daß am Geld nichts liegt.
Aus der Fruchtbarkeit wird Dürre
Wenn der gute Strom versiegt.
Jeder schreit nach was und nimmt es, wo er’s kriegt.
Eben war noch alles nicht so schwer.
Wer nicht grade Hunger hat, verträgt sich.
Jetzt ist alles herz – und liebeleer.
Vater, Mutter, Brüder: alles schlägt sich!
Sehet, der Schornstein, er raucht nicht mehr!
Überall dicke Luft, die uns gar nicht gefällt.
Alles voller Haß und voller Neider.
Keiner will mehr Pferd sein, jeder Reiter!
Und die Welt ist eine kalte Welt.
Ils ont bien tort, ceux qui s’imaginent
Que l’argent ne fait pas le bonheur.
Tout se dessèche et décline
Quand se tarit sa fraîcheur.
À l’instant encore on était radieux,
Voilà qu’on rouspète à qui mieux mieux,
Quand on a mangé, on peut s’entendre ;
Mais maintenant personne n’est tendre.
Pour un peu on tuerait père et mère !
C’est qu’il n’y a rien dans la soupière !
L’atmosphère est vraiment à couper au couteau,
Tout respire la haine et l’imposture.
Tous cavaliers, mais point de montures !
Et le monde est froid comme un tombeau.
So ist’s auch mit allem Guten und Großen
Es verkümmert rasch in dieser Welt
Denn mit leerem Magen und mit bloßen
Füßen ist man nicht auf Größe eingestellt.
Man will nicht das Gute, sondern Geld.
Und man ist von Kleinmut angehaucht.
Aber wenn der Gute etwas Gelt hat
Hat er, was er doch zum Gutsein braucht.
Wer sich schon auf Untat eingestellt hat
Blicke hinan: der Schornstein raucht!
Tout ce qui est grand et beau en ce monde,
Il faut bien le dire, est éphémère,
Comment, en mangeant des soupes claires,
Peut-on avoir des pensées profondes ?
On n’a que faire de la grandeur,
On est mesquin, on veut de l’argent !
Mais pour peu que l’homme bon soit à l’aise,
Ça suit pour que la bonté plaise.
Vous qui méditiez un mauvais coup,
Regardez donc : la soupe bout !
11
13/11 EIC.indd 11
05/11/10 17:19
Ja, da glaubt man wieder an das menschliche Geschlecht.
Edel sei der Mensch, gut und so weiter.
Die Gesinnung wächst. Sie war geschwächt.
Fester wird das Herz. Der Blick wird breiter.
Man erkennt, was Pferd ist und was Reiter.
Und so wird das Recht erst wieder Recht.
Vite, on se remet à croire à la nature humaine,
Le vrai, le bien, le beau et cætera.
On combattra les idées malsaines,
Les cœurs battront et le soleil luira
Là les cavaliers, ici les montures,
Car telle est la loi de la nature.
Traduit par Bernard Lortholary
Mutter Beimlein
Mère Beimlein
Mutter Beimlein hat ein Holzbein
Damit kann sie ganz gut gehn
Und mit ‘nem Schuh, und wenn wir brav sind
Dürfen wir das Holzbein sehn.
Mère Beimlein a jambe de bois
Et marche avec comme toi et moi
Y met un soulier et aux bons garçons
Elle laisse voir sa jambe de bois
In dem Bein, da ist ein Nagel
Dar an hängt sie den Hausschlüssel dran
Daß sie ihn, wenn sie vom Wirtshaus heimkommt
Auch im Dunkeln inden kann.
Sur cette jambe est un crochet
Où elle suspend la clé de chez elle
Qu’ainsi, retour du cabaret,
Même dans le noir elle peut trouver.
[Wenn Mutter Beimlein auf den Strich geht
Und sie bringt ‘nen Freier nach Haus
Dreht sie das Elektrische, bevor sie aufschließt
Auf dem Treppenabsatz aus.]*
[Quand Mère Beimlein a fait le trottoir
Et ramène un galant chez elle
Elle éteint l’électricité
Avant d’ouvrir, sur le palier.]
Traduction Gilbert Badia et Claude Duchet
*Les textes placés entre crochets ne sont pas repris par Hanns Eisler
O Fallada, da du hangest!
O Fallada, toi qui pends !
Ich zog meine Fuhre trotz meiner Schwäche.
Ich kam bis zur Frankfurter Allee.
Dort denke ich noch: o je!
Diese Schwäche! Wenn ich mich gehenlasse
Kann’s mir passieren, daß ich zusammenbreche…
Zehn Minuten später lagen nur noch meine Knochen
Auf der Straße –
Je tirais la charrette et malgré ma faiblesse
J’arrivai à la Frankfurter Allee.
Là je me dis : malheur !
Que faible me voilà ! Si je me laisse aller
Il se pourrait que je m’efondre.
Dix minutes plus tard il ne restait plus que des os
Sur la chaussée.
Kaum war da ich nämlich zusammengebrochen
(Der Kutscher lief zum Telefon)
Da stürzten sich aus den Häusern schon
Hungrige Menschen, um ein Pfund Fleisch zu erben
Je venais, en efet, juste de m’efondrer
(le charretier courait téléphoner)
que se précipitaient déjà hors des maisons
Des hommes afamés qui pour hériter d’une livre de viande
12
13/11 EIC.indd 12
05/11/10 17:19
Rissen mit Messern mir das Fleisch von den Knochen
De mes os arrachaient la viande avec des couteaux.
Und ich lebte überhaupt noch und war gar nicht fertig Et je vivais encore après tout, je n’avais pas du tout ini
Mit Sterben!
mon agonie.
Aber die kannte ich doch von früher, die Leute
Die brachten mir Säcke gegen die Fliegen doch
Schenkten mir altes Brot und ermahnten noch.
Meinen Kutscher sanft mit mir umzugehen!
Einst mir freundlich und mit mir so feindlich heute!
Plötzlich waren sie wie ausgewechselt!
Ach was war mit ihnen geschehen? –
Da fragte ich mich:
Was für eine Kälte
Muß über die Leute gekommen sein!
Wer schlägt da so auf sie ein, daß sie jetzt
So durch und durch erkaltet?
So helft ihnen doch und tut das Bälde –
Sonst passiert Euch etwas
Was Ihr nicht für möglich haltet!
Mais ces gens, je les connaissais pourtant auparavant !
Ils m’apportaient pourtant des sacs contre les taons
Me donnaient du vieux pain et même ils exhortaient
Mon charretier à me traiter avec douceur. Alors si
bienveillants avec moi et maintenant hostiles !
Ils étaient tout à coup comme changés ! Qu’est-ce qui
leur était arrivé ?
Et je me demandais : quelle froidure
Est venue sur ces gens ?
Qu’est-ce qui les pénètre ainsi
Que le froid les a pris de part en part ?
Mais aidez-les, quoi ! Et faites-le vite !
Sinon quelque chose va vous arriver que vous ne
croyez pas possible.
Traduction : Eugène Guillevic
Nannas Lied (Lied der Nanna)
Chanson de Nanna
Meine Herren, mit siebzehn Jahren
Kam ich auf den Liebesmarkt
Und ich habe viel erfahren.
Böses gab es viel,
Doch das war das Spiel.
Aber manches hab ich doch verargt.
(Schließlich bin ich ja auch ein Mensch.)
Gottseidank geht alles schnell vorüber
Auch die Liebe und der Kummer sogar.
Wo sind die Tränen von gestern abend?
Wo ist der Schnee vom vergangenen Jahr?
Au marché de l’amour, messieurs,
À seize ans je fus menée.
Et j’ai vite ouvert de grands yeux !
C’était dur, ma foi
Mais c’était la loi…
Tout n’est pas facile à pardonner.
(Je suis un être humain, après tout.)
Dieu merci, tout ça ne dure qu’un temps,
Même l’amour, et même le chagrin.
Où sont donc les larmes d’hier matin
Mais où sont les neiges d’antan ?
Freilich geht man mit den Jahren
Leichter auf den Liebesmarkt
Und umarmt sie dort in Scharen.
Aber das Gefühl
wird erstaunlich kühl
Wenn man damit allzuwenig kargt.
(Schließich geht ja jeder Vorrat zu Ende.)
À la longue, on s’accoutume
À ce marché à l’amour.
Sans grand mal, on les allume.
Mais les sentiments
Jetés à tous vents,
Deviennent de plus en plus froids de jour en jour.
(Aucune réserve n’est inépuisable, après tout.)
13
13/11 EIC.indd 13
05/11/10 17:19
Gottseidank geht alles schnell vorüber
Auch die Liebe und der Kummer sogar.
Wo sind die Tränen von gestern abend?
Wo ist der Schnee vom vergangenen Jahr?
Dieu merci, tout ça ne dure qu’un temps,
Même l’amour, et même le chagrin.
Où sont donc les larmes d’hier matin
Mais où sont les neiges d’antan ?
Und auch wenn man gut das Handeln
Lernte auf der Liebesmeß:
Lust in Leingeld zu verwandeln
wird doch niemals leicht.
Nun, es wird erreicht.
Doch man wird auch älter unterdes.
(Schließlich bleibt man ja nicht immer siebzehn.)
Gottseidank geht alles schnell vorüber
Auch die Liebe und der Kummer sogar.
Wo sind die Tränen von gestern abend?
Wo ist der Schnee vom vergangenen Jahr?
Quand, dans ce commerce,
On n’a plus rien à apprendre
L’agent ne pleut pas à verse.
Il faut le gagner,
Et sans rechigner…
On peut dire adieu à l’âge tendre.
(On n’a pas toujours seize ans, après tout).
Dieu merci, tout ça ne dure qu’un temps,
Même l’amour, et même le chagrin.
Où sont donc les larmes d’hier matin
Mais où sont les neiges d’antan ?
Traduction Bernard Lorthary
Über den Selbstmord
À propos du suicide
In diesem Lande und in dieser Zeit
Dürfte es trübe Abende nicht geben,
Auch hohe Brücken über die Flüsse.
Selbst die Stunde zwischen Nacht und Morgen
Und die ganze Winterzeit dazu, das ist gefährlich!
Denn angesichts des Elends
Genügt ein Weniges,
Werfen die Menschen in einem Augenblick
Ihr unerträgliches Leben fort.
Dans notre pays,
Il ne devrait pas y avoir de soirs tristes,
Ni de grands ponts sur les leuves.
Ni même l’heure entre nuit et matin
Et non plus tout l’hiver, c’est dangereux.
Car en face de la misère
Il suit d’un rien,
Et les hommes rejettent
Leur insupportable vie.
Traduction Jeanne Stern
Rundgesang der Pachtherren (Das « vielleicht » Lied)
Ronde de table des grands propriétaires
Vielleicht vergeh uns so der Rest der Jahre?
Vielleicht vergeh die Schatten, die uns störten?
Und die Gerüchte, die wir kürzlich hörten
Die inster waren, waren nicht das Wahre.
Vielleicht, daß sie uns noch einmal vergessen
So wie wir gern auch sie vergessen hätten.
Peut-être verrons-nous la in du siècle
Sans rien apercevoir qui nous inquiète ?
Peut-être est-il sauvé, notre vieux monde ?
La crise était peut-être peu profonde ?
Le spectre va peut-être disparaître,
Les cris se taire, si on les ignore ?
14
13/11 EIC.indd 14
05/11/10 17:19
Wir setzen uns vielleicht noch oft zum Essen.
Vielleicht, daß sie uns nicht verdammen, sondern
loben?
Vielleicht gibt uns die Nacht sogar das Licht her?
Vielleicht fällt Regen doch von unten nach oben!
Nous mangerons souvent ensemble encore
Et nous mourrons dans notre lit, peut-être.
Peut-être qu’ils crieront non pas « à mort ! » mais « bravo ! »
Quand sur leur dos nous mangerons la laine ?
La lune va peut-être rester toujours pleine,
Et la pluie pour toujours tomber de bas en haut ?
Traduction Bernard Lortholary
Lied der Kupplerin (Kuppellied)
Chanson d’entremetteuse
Ach, man sagt, des roten Mondes Anblick
Auf dem Wasser macht die Mädchen schwach
Und man spricht von eines Mannes Schönheit
Der ein Weib veriel. Daß ich nicht lach!
Wo ich Liebe sah und schwache Knie
War’s beim Anblick von – Marie.
Und das ist bemerkenswert:
Gute Mädchen lieben nie
Einen Herrn, der nichts verzehrt.
Doch sie können innig lieben
Wenn man ihnen was verehrt.
Und der Grund ist: Geld macht sinnlich
Wie uns die Erfahrung lehrt.
On prétend qu’un clair de lune sur l’eau
Et les bras d’un homme séduisant
Font tourner la tête aux jeunes illes…
Moi, je trouve ça très amusant.
Libre à vous de croire à ces merveilles,
Je crois à la sainte Oseille.
En efet, il est manifeste
Qu’en n’ofrant que des broutilles
On ne saurait plaire aux illes,
Mais pour peu qu’on ait un geste,
Il n’y aura pas plus gentilles.
L’argent les rend amoureuses,
Croyez-en l’entremetteuse.
Ach, was soll des roten Mondes Anblick
Auf dem Wasser, wenn der Zaster fehlt,
Und was soll da eines Mannes oder Weibes Schönheit
Wenn man knapp ist und es sich verhehlt.
Wo ich Liebe sah und schwache Knie
War’s beim Anblick von — Marie.
Und das ist bemerkenswert:
Wie soll er und wie soll sie
Sehnsuchtsvoll und unbeschwert
Auf den leeren Magen lieben?
Nein, mein Freund, das ist verkehrt.
Fraß macht warm und Geld macht sinnlich
Wie uns die Erfahrung lehrt.
On se moque bien du clair de lune,
Quand on est fauché comme les blés,
Soyez aussi beaux que vous voulez,
Que faire quand on n’a pas une thune ?
Libre à vous de croire à ces merveilles,
Moi, je crois à sainte Oseille.
Fiez-vous à mon expérience :
La femme est, tout comme l’homme,
Incapable de coniance
Et d’amour quand il ne reste
Rien à croquer, que la pomme.
L’argent fait les amoureuses,
Croyez-en l’entremetteuse.
Traduction Bernard Lortholary
© L’Arche Éditeur, Paris
15
13/11 EIC.indd 15
05/11/10 17:19
Kurt Weill (1900-1950)
Kleine Dreigroschenmusik (Petite musique de quat’ sous)
1. Ouverture
2. La complainte de Mackie Messer
3. Chanson « Au lieu de »
4. Ballade de la bonne vie
5. Chanson de Polly
5a. Tango-Ballade
6. Chanson des canons
7. Dreigroschen Finale
Composition de la suite : 1929.
Création : le 8 février 1929 à Berlin sous la direction d’Otto Klemperer.
Efectif : lûte, lûte/lûte piccolo, 2 clarinettes en si bémol, 2 bassons, saxophone alto en mi bémol, saxophone ténor
en si bémol/saxophone soprano en si bémol, 2 bassons, 2 trompettes en si bémol, trombone, tuba, percussion, piano,
banjo/guitare, bandonéon.
Éditeur : Universal Edition.
Durée : environ 21 minutes.
D’espoir de la Nouvelle Musique au début des années vingt, Kurt Weill avait endossé en 1928 le
statut de compositeur à succès. Des centaines de représentations de L’Opéra de quat’ sous, des
adaptations dans plusieurs langues, des arrangements innombrables des songs de la pièce, une
adaptation cinématographique et l’argent à la clé : rien ne it défaut au plus grand succès théâtral
des années vingt. En 1929, soucieux de créer une version instrumentale de l’œuvre destinée à
la salle de concert et de contrer la propagation d’arrangements douteux, Weill écrivit une suite
qui célèbre dans la concision et la nudité l’esthétique du pot-pourri. La plupart des thèmes
originaux s’y trouvent repris, parfois dans une coniguration nouvelle ; la rengaine du chanteur
de rue (Complainte de Mackie Messer) succède ainsi au Chant de l’inanité de l’efort humain, débité
par Peachum au troisième acte. Cette Kleine Dreigroschenmusik requiert un efectif important
d’instruments à vent et une maîtrise technique certaine. Le talent d’instrumentateur de Weill y
éclate au grand jour.
Pascal Huynh
16
13/11 EIC.indd 16
05/11/10 17:19
Heiner Goebbels (1952)
Industry and Idleness, pour ensemble
Composition : 1996-2002.
Création : 19 octobre 1996, au Festival de Donaueschingen, par le Radiokammerorchester Hiversum sous la direction
de Peter Eötvös.
Efectif : lûte, 2 hautbois, clarinette en si bémol, clarinette basse, basson, 2 cors en fa, 2 trompettes en ut, trombone,
2 percussions, synthétiseur, échantillonneur, bande, 2 violons, 2 altos, 2 violoncelles, contrebasse.
Éditeur : Ricordi, Munich.
Durée : environ 16 minutes.
Industry and Idleness reprend le titre d’une série d’estampes de 1747 du peintre et graveur anglais
William Hogarth.
J’ai découvert ces œuvres dans une monographie anglaise consacrée à l’artiste, High Art and
Low, dans le volume Kapital Popular Prints (II). Mais mon intérêt pour ces œuvres et pour leur
titre remonte à ma lecture des merveilleux Sudelbüchern [Aphorismes] de Lichtenberg et ses
Ausführliche Erklärungen der Hogarthischen Kupferstiche [Explication détaillée des gravures de
Hogarth]. Le qualiicatif « détaillée » est ici à prendre au pied de la lettre. Lichtenberg remarque
que Emsigkeit und Müßiggang (diligence et oisiveté) rendent plus justement le titre anglais.
Mais il craint que ces termes ne rebutent le public auquel ces œuvres se destinent en premier lieu
et il opte pour Fleiß und Faulheit (zèle et paresse).
Ce n’est sans doute pas un hasard si mes yeux ont été attirés par cette série, au moment même où
depuis longtemps déjà j’aurais dû me concentrer sur une œuvre pour Donaueschingen au lieu de
me livrer à toute sorte de considérations sur High Art and Low.
Plates et morales à première vue, ces gravures – « calculated for the use & Instruction of youth »
– opposent deux jeunes apprentis tisseurs : le travailleur, qui craint Dieu, et le paresseux,
qui s’adonne au jeu. Les douze gravures content à grands traits leurs histoires respectives et
montrent comment, pour inir, l’un devient oicier de la Couronne et l’autre est condamné au
gibet. Lichtenberg cependant attire l’attention de son lecteur sur une foule de détails drôles et
déconcertants qui ouvrent, aux côtés de la parabole simpliiée, tout un champ à la spéculation.
Ainsi, sur la première estampe, à même le sol, placés près des métiers à tisser, on trouve deux
exemplaires d’un opuscule, le Guide de l’apprenti : celui appartenant au paresseux est défraîchi
et en lambeaux, celui du travailleur propre et en parfait état. Voici une partie du commentaire
de Lichtenberg :
« Cependant on ne peut nier que ce dernier, aussi bon garçon qu’il s’eforce d’être, et qu’il soit vraiment,
eût pu trouver sans diiculté une meilleure place pour son manuel… que le sol de la chambre,
l’exposant ainsi aux pieds du tout-venant, aux hasards et même aux coups de balai expéditifs.
Tout cœur charitable se doit de faire cette observation, comme une aumône à ce Jean le Fainéant,
17
13/11 EIC.indd 17
05/11/10 17:19
ce malheureux sans espoir et en rien secourable. Ce sont moins les doigts de celui-ci froissant
paresseusement les pages que l’ardeur espiègle d’un chaton qui nous livre un compte rendu ravageur
du petit ouvrage. Et cette critique aurait pu tout aussi bien frapper l’autre exemplaire. »
L’œuvre musicale n’entretient aucune relation directe ou illustrative avec les gravures ; l’attitude
qui a présidé à leur conception (popular print) et la polarité Industry and Idleness en sont le
véritable mobile.
Heiner Goebbels, note de programme, Francfort, juillet 1996.
18
13/11 EIC.indd 18
05/11/10 17:19
Biographies des compositeurs
composition). Après que l’ensemble
Hanns Eisler
de son œuvre a été dénoncé comme
Autodidacte, puis élève de Schönberg
Paul Hindemith
exemplaire du « bolchevisme
à Vienne, et à Berlin à partir de
Né en 1895, Paul Hindemith a
culturel » par les nazis, le compositeur 1925, Hanns Eisler (né à Leipzig
commencé sa carrière à Francfort-sur- s’éloigne du Conservatoire de
en 1898, mort à Berlin-Est en 1962)
le-Main : après des études de violon et Berlin (1935), pour inalement
était un musicien politiquement
de composition au conservatoire de
démissionner de l’institution (1937).
engagé dont les œuvres, à caractère
la ville, il est nommé en 1915 premier
À la même époque, il livre son opus
critique marxiste, échappèrent
violon à l’Opéra. L’expérience de la
magnum, l’opéra Mathis der Maler,
très tôt aux salles de concert.
guerre provoque son engagement
créé en Suisse, et travaille à un vaste
Le théâtre, le cinéma l’attirèrent :
dans le camp de la « révolution
ouvrage théorique, Unterweisung
il put y faire valoir ses talents
musicale » et son opposition au
im Tonsatz, aujourd’hui encore un
évidents de « propagandiste »
romantisme déclinant : alto du
des piliers de tout curriculum de
(ses Massenlieder, ses cantates et
célèbre Quatuor Amar, il fait de cet
composition aux États-Unis. Son
balades sur des textes de Bertolt
ensemble qu’il a cofondé le parangon
émigration aux États-Unis, via la
Brecht, avec lequel il collabora
de la nouvelle musique allemande.
Turquie, se conclut par l’adoption de
longtemps, ses musiques de
Si le Festival de Donaueschingen
la citoyenneté américaine en 1946.
ilms). En 1933, Hanns Eisler
(puis de Baden-Baden), créé dans les
Bien que rapidement intégré outre-
quitta l’Allemagne nazie, voyagea
années immédiates d’après-guerre,
Atlantique dans le circuit académique à travers l’Europe, à Londres et
lui ofre un écrin de choix pour les
(il est directeur du département de
Copenhague, puis vécut aux États-
créations de ses œuvres (notamment
la musique à l’Université de Yale
Unis, à Hollywood, continuant à
du cycle de lieder Das Marienleben,
de 1940 à 1953, où il compose le
écrire (Deutsche Sinfonie, en 1937,
de ses Kammermusiken et de sa Suite
très didactique Ludus tonalis pour
Quatorze manières de décrire la pluie
1922 pour piano) et la défense du
piano), Paul Hindemith songe à
en 1940) et, surtout, à approfondir
courant de la Nouvelle Objectivité,
retourner dans l’Europe de ses
son expérience cinématographique
son rayon d’action ne se limite pas au
années de jeunesse et de maturité.
(le livre Composing for the Films,
seul militantisme esthétique réservé
En 1953, il s’installe en Suisse et
en collaboration avec Theodor
à l’« élite culturelle ». Il est au même
entame une ultime carrière comme
Adorno, en 1947). En 1948, il dut
moment partie prenante dans le
chef d’orchestre et compositeur
s’exiler à nouveau, à la suite de la
monde musical comme compositeur
(d’opéra, encore et toujours, avec
campagne anticommuniste de
d’opéras (Mörder, Hofnung der Frauen
Die Harmonie der Welt), souvent en
McCarthy, pour s’installer d’abord à
et Sancta Susanna, puis son chef-
porte-à-faux avec les pratiques de
Vienne puis, en 1952, à Berlin-Est,
d’œuvre « néoclassique » Cardillac
l’avant-garde musicale du moment,
où ses compositions « socialistes » lui
en 1926) et de nombreuses pièces
parfois décrié comme appartenant
valurent d’être comblé d’honneurs
pour le répertoire éducatif naissant,
à un temps révolu, mais toujours
(il fut notamment l’auteur de l’hymne
pédagogue (Schreker lui conie en
respecté pour l’intégrité de son
oiciel de la RDA). En dépit des
1927 une classe de composition
métier et l’authenticité de son
simpliications harmoniques de son
au Conservatoire de Berlin), ainsi
engagement. Il décède en 1963 dans
style volontairement prolétarien,
que catalyseur de recherches
la ville où il avait connu ses premiers
Hanns Eisler n’a jamais renié les
(il contribue à la redécouverte du
succès, Francfort-sur-le-Main.
techniques dodécaphoniques
répertoire préclassique et entame
souplement adaptées à son
des expériences sur les nouvelles
écriture suivant les besoins.
technologies appliquées à la
19
13/11 EIC.indd 19
05/11/10 17:19
Kurt Weill
d’œuvres et une réputation qui ne
pour grand orchestre commandée
Né en 1900, Kurt Weill commence
cesse de croître à mesure que sa
par l’Opéra de Francfort. En 1996,
sa carrière au début des années
musique est jouée de par le monde.
il compose, pour le Festival de
Donaueschingen, Industry and
1920, après une enfance très
musicale dans sa ville natale de
Heiner Goebbels
Idleness. Walden, pour grand
Dessau et quelques années de
Né en 1952, Heiner Goebbels vit
orchestre, est créé en 1998 lors de
formation complémentaire à Berlin.
depuis 1972 à Francfort-sur-le-Main.
la première tournée de l’Ensemble
En avril 1926, lorsqu’est joué son
Il a étudié la sociologie et la musique.
Modern Orchestra (direction Peter
premier opéra, Der Protagonist (sur un Tout en efectuant de nombreux
Eötvös). Au cours de ces 15 dernières
livret de Georg Kaiser), c’est déjà un
enregistrements et concerts avec
années, ses activités dans le domaine
compositeur d’œuvres orchestrales
le Sogenanntes Linksradikales
du théâtre musical, de la musique
bénéiciant d’une certaine notoriété
Blasorchester (1976-1981),
nouvelle ou du jazz l’ont conduit
en Allemagne. Il décide cependant
le Goebbels/Harth-Duo (1976-1988)
dans plus de 30 pays. Une dizaine
de se consacrer au théâtre musical.
et le trio art-rock Cassiber (1982-
de ses productions sont parues au
Les pièces qu’il crée alors avec Bertolt
1992), il compose de la musique de
disque. En 1993, il dirige à Paris sa
Brecht le rendent vite célèbre dans
scène (pour Hans Neuenfels, Claus
pièce de théâtre musical Ou bien
toute l’Europe. Il fuit le régime nazi
Peymann, Matthias Langhof et Ruth
le débarquement désastreux ; en
en mars 1933 et poursuit son travail
Berghaus, entre autres), des musiques 1995, à Francfort-sur-le-Main, Die
très proliique tout d’abord à Paris
de ilm (pour Helke Sander, Dubini…)
Wiederholung. En 1996, Schwarz auf
(1933-1935) puis aux États-Unis, où
et de ballet (pour le Ballet Frankfurt).
Weiss est créé au TAT de Francfort.
il résidera jusqu’à sa mort. Certaines
Au milieu des années quatre-vingt,
En 1997, il participe à la Documenta
lignes de force traversent toute sa
il commence à composer et à diriger
X de Kassel avec Landscape with a
production : un souci de justice
des pièces sonores, principalement
Man Being Killed by a Snake et crée
sociale, la volonté de collaborer
basées sur des textes de Heiner Müller Schliemann’s Scafolding à Athènes
avec des auteurs dramatiques et des
– Verkommenes Ufer, Die Befreiung des
et Volos. Sa pièce de théâtre musical
librettistes exigeants et la capacité
Prometheus, Wolokolamsker Chaussee,
Max Black, avec André Wilms, est
de s’adapter aux goûts du public,
Schliemanns Radio, Der Horatier/
créée en avril 1998 à Lausanne.
quels qu’ils soient. Ses ouvrages les
Roman Dogs/Chiens romains… Après
Avec l’Ensemble Modern, il rend
plus importants sont le Concerto pour
Der Mann im Fahrstuhl (1987), Die
hommage à Hanns Eisler avec
violon et vents (1925), L’Opéra de quat’
Befreiung des Prometheus (1991) et
Eislermaterial, créé à Munich en 1998.
sous (Bertolt Brecht, 1928), Grandeur
le concert pour un danseur Thränen
En 2000, Heiner Goebbels crée les
et Décadence de la ville de Mahagonny
des Vaterlandes, conçu avec Christof
installations sonores Timeios et Fin
(Brecht, 1930), Die Bürgschaft (Caspar
Nel et le Ballet Frankfurt (1986), il a
de soleil au Centre Pompidou à Paris,
Neher, 1932), Les Sept Péchés capitaux
créé, en collaboration avec Michael
la pièce Hashirigaki au Théâtre Vidy
(Brecht, 1933), Lady in the Dark (Moss
Simon, les pièces de théâtre musical
de Lausanne et le concert scénique
Hart et Ira Gershwin, 1941), Street
Newton’s Casino (1990) et Römische
… même soir avec Les Percussions
Scene (Elmer Rice et Langston Hughes, Hunde (1991) au TAT de Francfort.
de Strasbourg. Presque toutes les
1947), Lost in the Stars (Maxwell
Depuis 1988, Heiner Gobbels
pièces de théâtre musical de Heiner
Anderson, 1949). Il succombe à un
compose de la musique de chambre
Goebbels ont été jouées plus de 50
infarctus en 1950, alors qu’il travaille
pour l’Ensemble Modern (Red Run,
fois, en Europe aussi bien qu’aux
avec Anderson à une adaptation
Befreiung, La Jalousie) et l’Ensemble
États-Unis, au Japon, en Australie
musicale d’Huckleberry Finn. Il laisse
intercontemporain (Herakles 2). Suit,
et à Singapour. En 2002 est créé
derrière lui un imposant catalogue
en 1994, Surrogate Cities, une œuvre
son premier opéra, Landschaft mit
20
13/11 EIC.indd 20
05/11/10 17:19
entfernten Verwandten. En 2003,
Biographies des interprètes
From a Diary, pour orchestre, est
Barrie Kosky à la Komische Oper de
Berlin. Elle va également chanter
créé par l’Orchestre Philharmonique
Dagmar Manzel
Les Sept Péchés capitaux de Weill dans
de Berlin et Sir Simon Rattle, ses
Née à Berlin en 1958, diplômée
une nouvelle production à Cologne.
commanditaires. Les musiciens
de l’École d’Art Dramatique Ernst
Au cours de la saison 2004-2005,
consacrent 10 concerts à la musique
Busch de Berlin, Dagmar Manzel
elle a interprété au Deutsches Theater
de Heiner Goebbels. Sa dernière pièce appartient au cercle des actrices les
le rôle de Lucette dans la pièce de
de théâtre musical, Eraritjaritjaka, sur
plus célèbres de la scène allemande.
Georges Feydeau Un il à la patte.
des textes d’Elias Canetti, avec André
Elle s’est produite de 1980 à 1983 au
On a également pu la voir dans le
Wilms et le Quatuor Mondriaan,
Staatsschauspiel de Dresde, puis de
drame de Neil LaBute The Mercy
est créée en 2004 au Théâtre Vidy
1983 à 2001 au sein de l’Ensemble
Seat. Au cinéma et à la télévision,
de Lausanne. Heiner Goebbels
du Deutsches Theater de Berlin.
elle est apparue entre autres dans
a enseigné ou enseigne dans de
Depuis lors, elle poursuit une carrière
Schtonk! de Helmut Dietl et Die
nombreuses institutions : Institut für
indépendante au Deutsches Theater
Apothekerin de Rainer Kaufmann
Angewandte Theaterwissenschaft
et sur d’autres grandes scènes, ainsi
aux côtés de Katja Riemann. Ont
de l’Université de Giessen,
que sur les grands écrans et les
suivi Das Frankfurter Kreuz de
Musikhochschule de Karlsruhe…
télévisions. Passionnée de musique,
Romuald Karmakar et Crazy de Hans-
Dagmar Manzel a obtenu un grand
Christian Schmid. En 1997-1998,
succès avec son récital « Ich bin ein
elle participe à la trilogie Der Laden,
Wesen leichter Art », puis lors de
dont l’équipe d’interprètes a obtenu
son apparition dans le rôle-titre de
l’Adolf-Grimme-Preis. Dans la série
l’opérette d’Ofenbach La Grande-
Klemperer : Ein Leben in Deutschland,
Duchesse de Gérolstein au Deutsches
elle joue le rôle de la femme du
Theater. En outre, la chanteuse est
professeur juif Klemperer, ce qui lui
apparue dans La Périchole à Berlin
a valu le Deutsche Fernsehpreis en
et comme Rosalinde dans Die
2000. Dagmar Manzel a également
Fledermaus à Potsdam. Elle se produit
remporté nombre d’autres prix. Elle
aussi régulièrement sur la scène de
a ainsi été nommée « Actrice de
la Komische Oper de Berlin. Elle y a
l’année 2002 » par le jury des critiques
débuté en 2004-2005 dans le rôle
de la publication Theater heutei,
de Mrs. Lovett dans Sweeney Todd.
entre autres pour sa participation
Elle y est depuis retournée en tant
à la mise en scène réalisée par
que soliste pour le concert du Nouvel
Luc Perceval de la pièce Traum im
An 2007, puis au cours de cette saison Herbst de Jon Fosse au Münchner
2007-2008 dans le rôle de Lilli Vanessi/ Kammerspiele. Elle reçoit également
Katharina au sein de la nouvelle
l’Adolf-Grimme-Preis en 2004 pour
production de Kiss Me, Kate. Dès lors
son interprétation du rôle principal
cette production a été reprise à Berlin
de la série télévisée Leben wäre schön,
chaque saison, ainsi qu’à Cologne en
le Deutsche Fernsehpreis en 2006 et
2009-2010. À l’avenir, Dagmar Manzel
récemment en 2009 le Berliner Bär.
se produira dans Im Weissen Rössl
de Benatzky et elle fait également
partie des diférents projets avec
21
13/11 EIC.indd 21
05/11/10 17:19
Alain Billard
Il participe également activement aux scène comme Peter Konwitschny,
Titulaire du DESM du Conservatoire
actions éducatives de l’Ensemble en
Supérieur de Musique et de Danse
direction du jeune public et des futurs Carlus Padrissa (La Fura dels Baus) et
de Lyon dans la classe de Jacques
professionnels de la musique.
di Donato, Alain Billard est depuis
Philippe Arlaud, Reinhild Hofmann,
Joachim Schlömer. Dans le domaine
lyrique, il aborde aussi bien le
1995 membre de l’Ensemble
Peter Rundel
répertoire traditionnel (notamment
intercontemporain où il occupe le
Peter Rundel dirige des formations
Die Zauberlöte à la Deutsche Oper
poste de clarinette basse (jouant aussi orchestrales depuis plus de 20 ans
de Berlin ou Der König Kandaules,
clarinette, cor de basset et clarinette
après avoir exercé une brillante
Hansel and Gretel et Le nozze di Figaro
contrebasse). Membre fondateur
carrière de violoniste. En tant que
à la Volksoper de Vienne) que la
du Quintette à vent « Nocturne »,
directeur musical, il se distingue
musique contemporaine, avec des
avec lequel il obtient un premier
par la diversité des projets qu’il
œuvres telles que Donnerstag du
Prix de Musique de chambre au
mène avec de grands orchestres
cycle LICHT de Stockhausen, Massacre
Conservatoire de Lyon, le deuxième
européens. Il est régulièrement invité
de Wolfgang Mitterer, ainsi que la
Prix du Concours international de
à diriger l’Orchestre de la Radio
création des opéras d’Emmanuel
l’ARD de Munich et le Prix de Musique bavaroise, l’Orchestre Symphonique
Nunes, Das Märchen et La Douce. Né à
de Chambre d’Osaka (Japon),
et l’Orchestre de la Radio de Berlin
Friedrichshafen, en Allemagne, Peter
il crée aux côtés d’Odile Auboin
ainsi que l’Orchestre de la Radio de
Rundel a étudié le violon avec Igor
(alto) et Hidéki Nagano (piano) le
Stuttgart, l’Orchestre Symphonique
Ozim et Ramy Shevelov à Cologne,
Trio Modulations, auquel Marco
de la WDR de Cologne, les orchestres
Hanovre et New York, ainsi que la
Stroppa, Bruno Mantovani ou Philippe radiophoniques de Hambourg, de la
direction d’orchestre avec Michael
Schoeller ont déjà dédié de nouvelles
SWR de Baden-Baden, de Francfort,
Gielen et Peter Eötvös. Il a également
œuvres. Régulièrement invité comme
de la Sarre, de l’ORF de Vienne et
suivi une formation à la composition
soliste par des orchestres nationaux
de la RAI de Turin. Peter Rundel a
auprès de Jack Brimberg à New York.
et internationaux, il crée et enregistre
également été directeur artistique de
De 1984 à 1996, il a été violoniste
de nombreuses œuvres parmi
l’Orchestre Royal Philharmonique des
de l’Ensemble Modern, avec lequel
lesquelles Machine for Contacting the
Flandres (en association avec Philippe il demeure étroitement lié comme
Dead (2001) de Lisa Lim, Génération
Herreweghe de 1998 à 2001), de la
chef d’orchestre. Dans le domaine
(2002), triple concerto pour trois
Kammerakademie de Potsdam dès sa
de la musique contemporaine,
clarinettes de Jean-Louis Agobet,
création (1999-2001) ainsi que de la
il est associé de longue date
Mit Ausdruck (2003), concerto pour
Taschenoper de Vienne depuis 1999.
avec l’Ensemble Recherche,
clarinette basse et orchestre de Bruno En 2005, il a été nommé directeur
l’Ensemble Resonanz, l’Ensemble
Mantovani, Décombres de Raphael
Asko et le Klangforum Wien. Il est
artistique du Remix Ensemble de
Cendo (2007), Art of Metal I-II-III (2007- Porto. L’accueil que reçoit cette
également régulièrement invité par
2008) pour clarinette contrebasse,
formation à chacun de ses concerts
l’Ensemble intercontemporain et
ensemble et électronique de Yann
ainsi que la participation à de grands
musikFabrik. Peter Rundel a reçu
Robin, et le Quintette pour clarinette
festivals européens témoignent
de nombreuses récompenses pour
basse et quatuor à cordes de Alberto
de cette collaboration fructueuse.
ses enregistrements de musique du
Posadas (2010) avec le quatuor
Peter Rundel a dirigé des opéras à la
XXe siècle, dont le Preis der deutschen
Diotima. Soucieux d’élargir les
Bayerische Staatsoper (Munich), aux
Schallplattenkritik, qui l’a distingué
possibilités de ses instruments, Alain
Wiener Festwochen, à la Deutsche
à plusieurs reprises (Promoteo de
Billard collabore aux recherches de
Oper Berlin et au Festival de Bregenz,
Luigi Nono, EMI ; les Œuvres pour
l’Ircam et de la manufacture Selmer.
en collaborant avec des metteurs en
ensemble et orchestre de Hanspeter
22
13/11 EIC.indd 22
05/11/10 17:19
Kyburz, Kairos ; City Life de Steve
difusion, de transmission et de
Solistes de l’Ensemble
Reich, BMG), et récemment pour
création ixées dans les statuts de
intercontemporain participant
son enregistrement du Concerto
l’ensemble. Placés sous la direction
au concert :
pour piano de Beat Furrer avec
musicale de Susanna Mälkki,
l’Orchestre Symphonique de la WDR
ils collaborent, au côté des
Flûtes
et Nicolas Hodges. Il a également
compositeurs, à l’exploration des
Sophie Cherrier
reçu le Grand Prix du Disque (Jean
techniques instrumentales ainsi
Emmanuelle Ophèle
Barraqué, Œuvres complètes, jpc) et a
qu’à des projets associant musique,
été nominé pour un Grammy Award
danse, théâtre, cinéma, vidéo et
Hautbois
(Surrogate Cities de Heiner Goebbels,
arts plastiques. Chaque année,
Philippe Grauvogel
ECM). La présente saison le verra
l’ensemble commande et joue de
Didier Pateau
notamment à la Ruhrtriennale pour la nouvelles œuvres, qui viennent
création mondiale de l’opéra de Samir enrichir son répertoire et s’ajouter
Clarinettes
Odeh-Tamimi Leila und Madschnun ;
aux chefs-d’œuvre du XXe siècle. Les
Jérôme Comte
il fera également ses débuts avec
spectacles musicaux pour le jeune
Alain Damiens
l’Orchestre Philharmonique de
public, les activités de formation
Mayence (soliste : Isabelle Faust)
des jeunes instrumentistes, chefs
Clarinette basse
et avec l’Orchestre Philharmonique
d’orchestre et compositeurs ainsi
Alain Billard
d’Helsinki pour Musica Nova
que les nombreuses actions
(Requiem de Zimmermann). En avril
de sensibilisation des publics
Bassons
prochain, Peter Rundel dirigera
traduisent un engagement profond
Pascal Gallois
une production monumentale du
et internationalement reconnu au
Paul Riveaux
Sonntag de LICHT de Stockhausen
service de la transmission et de
à l’Opéra de Cologne, ainsi que des
l’éducation musicale. En résidence
Cors
représentations de l’Oresteia de Iannis à la Cité de la musique (Paris) depuis
Jens McManama
Xenakis avec le Remix Ensemble au
1995, l’Ensemble intercontemporain
Jean-Christophe Vervoitte
Festival de Vienne, et Blood on the
se produit et enregistre en France
Floor de Mark-Anthony Turnage à
et à l’étranger, où il est invité par de
Trompettes
l’Opéra Bastille. Il a célébré le 10e
grands festivals internationaux.
Antoine Curé
anniversaire de l’Ensemble Remix
Financé par le ministère de la Culture
Jean-Jacques Gaudon
avec un concert spécial à la Casa da
et de la Communication, l’Ensemble
Música de Porto en octobre 2010.
intercontemporain reçoit également
Trombone
le soutien de la Ville de Paris. Pour ses
Benny Sluchin
Ensemble intercontemporain
projets de création en 2010, l’Ensemble
Créé par Pierre Boulez en 1976 avec
intercontemporain bénéicie du soutien Tuba
l’appui de Michel Guy (alors secrétaire de la Fondation d’entreprise Hermès.
Arnaud Boukhitine
d’État à la Culture) et la collaboration
de Nicholas Snowman, l’Ensemble
Percussions
intercontemporain réunit 31 solistes
Michel Cerutti
partageant une même passion pour
Gilles Durot
la musique du XXe siècle à aujourd’hui.
Constitués en groupe permanent,
Piano
ils participent aux missions de
Hidéki Nagano
23
13/11 EIC.indd 23
05/11/10 17:19
Violons
Jeanne-Marie Conquer
Diégo Tosi
Altos
Odile Auboin
Christophe Desjardins
Violoncelle
Pierre Strauch
Contrebasse
Frédéric Stochl
Chef assistant
Oliver Hagen
Musiciens supplémentaires :
Saxophones
Vincent David
Erwan Fagant
Novachord
Géraldine Dutroncy
Banjo/guitare
Christelle Séry
Accordéon
Anthony Millet
Bandonéon
Juanjo Mosalini
Violoncelle
Yska Benzakoun
Concert enregistré par France Musique
24
13/11 EIC.indd 24
05/11/10 17:19
Et aussi…
> CONCERTS
DIMANCHE 10 AVRIL, 16H30
MERCREDI 5 JANVIER, 20H
Deux musiciens dans la guerre
Poème sans héros
Benjamin Britten
Suite n° 3
Hans Werner Henze
Serenade
Pascal Amoyel
Œuvre nouvelle
Henri Dutilleux
Strophe sur le nom de Sacher
Olivier Messiaen
Quatuor pour la in du Temps
Sonia Wieder-Atherton, violoncelle
Elisabeth Leonskaja, piano
Anna Akhmatova, voix
Dans le cadre du Domaine privé
Patti Smith, du 17 au 22 janvier à la
Cité de la musique et à la Salle Pleyel.
Emmanuelle Bertrand, violoncelle
Carolin Widmann, violon
Jérôme Ducros, piano
Sharon Kam, clarinette
Didier Sandre, récitant
En écho à ce concert, nous vous
proposons…
> Sur le site Internet
http://mediatheque.cite-musique.fr
… de consulter dans les « Dossiers
pédagogiques » :
Le IIIe Reich et la musique dans les
« Expositions du musée »
… de regarder un extrait vidéo dans
les « Concerts » :
Anna Schygulla chante Brecht et Weill,
enregistré en mars 2000
Les Américains – A Dream Ballad
Spectacle musical, visuel et
scénographique d’Hervé Tourgeron
et Catherine Verheslst
Concert-promenade au Musée
Les musiciens de Brecht
JUSQU’AU 16 JANVIER 2010
… d’écouter un extrait dans les
« Concerts » :
Kleine Dreigroschenmusik, Concerto
pour violon et orchestre, Mahagonny
Songspiel de Kurt Weill par l’Ensemble
intercontemporain et Accentus par Axe
21, enregistré en novembre 2004 • Der
Silbersee, ein Wintermärchen, Symphonie
n° 2, Die sieben Todsünden de Kurt Weill
par l’Orchestre Philharmonique de
Radio France, enregistrés en octobre
2004
Ensemble Skênê
Akié Kakéhi, mezzo-soprano
Geofrey Carey, acteur
Catherine Verhelst, piano et voix
Yun Peng Zao, violon
Naaman Sluchin, violon
Franck Chevalier, alto
Pierre Morlet, violoncelle
Lénine, Staline et la musique
Exposition temporaire au Musée
de la musique
(Les concerts sont accessibles dans leur
intégralité à la Médiathèque de la Cité de
la musique.)
MARDI 18 JANVIER, 20H
Patti Smith’s Reading
JEUDI 24 FÉVIER, 20H
> AUTOUR DES CONCERTS
DIMANCHE 14 NOVEMBRE
DE 14H30 À 17H30
> À la médiathèque
> SALLE PLEYEL
VENDREDI 12 NOVEMBRE, 20H
Helmut Lachenmann
Nun, pour lûte, trombone, orchestre
et voix d’hommes
Anton Bruckner
Symphonie n° 3 « Wagner »
… de lire :
De Berlin à Broadway de Kurt Weill •
Dialogues d’exilés, Fragments de Bertolt
Brecht
… d’écouter avec la partition :
Das Berliner requiem, Vom Tod im Wald
de Kurt Weill par l’Ensemble Musique
Oblique, La Chapelle Royale, Philippe
Herreweghe (direction)
SWR Sinfonierorchester
Baden-Baden und Freiburg
Sylvain Cambreling, direction
Imprimeur FOT | Imprimeur BAF | Licences no 1014849, 1013248, 1013252
Dmitri Chostakovitch
Sonate pour violoncelle et piano op. 40
Sonate pour piano n 2 op. 61
Romances sur des textes de poètes
japonais
De la poésie populaire juive
> La sélection de la Médiathèque
Éditeur : Hugues de Saint Simon | Rédacteur en chef : Pascal Huynh | Rédactrice : Véronique Brindeau | Relectrice : Angèle Leroy | Maquette : Elza Gibus | Stagiaire : Camille Girard
13/11 EIC.indd 25
05/11/10 17:19