les revues de votre jeunesse

Transcription

les revues de votre jeunesse
Magazine Racines, le temps de vivre près de chez vous
Dossier réalisé par
Yvelise Richard
Les revues de
votre jeunesse
LesCœurs
clubs
vaillants
Dans les années 1920, les
patronages regroupent beaucoup d'enfants catholiques de milieux populaires.
Face à la difficulté de créer un mouvement de coordination nationale, un
journal Cœurs vaillants voit le jour
pour les garçons en 1928 et il devient
national en 1929.
1931 : premier rassemblement de
lecteurs au Trocadéro à Paris. Rapidement un chant commun voit le jour,
ainsi que des insignes, des uniformes :
le dynamisme des lecteurs pousse à
l'organisation d'un mouvement national.
1936 : création officielle du mouvement Cœurs Vaillants sous l'impulsion des pères Gaston Courtois et
Jean Pihan, avec pour objectif de former de vrais militants d'action catholique.
1937 : création du journal Âmes
vaillantes et extension du mouvement,
désormais “Cœurs vaillants et âmes
vaillantes”(CVAV) auprès des filles.
(Source : l’Action catholique des
enfants (ACE) de Vendée)
Que lisiez-vous en votre jeune temps ?
Des livres bien sûr ! Mais aussi, certainement, quelques
illustrés pour la jeunesse, appréciés des enfants et
des adolescents, des villes ou de la campagne.
F
ripounet, Bayard, Spirou, Le
Journal de Mickey, Lisette ou
La Semaine de Suzette…
Autant de noms de revues qui ont
bercé les générations des enfants de
la Guerre ou les baby-boomers. Les
jeunes lecteurs y trouvaient des récits,
des jeux, des bandes dessinées, des
reportages et des pages dites pédagogiques ou éducatives. Pourtant,
publier un journal pour les jeunes à
la sortie de la dernière guerre, ce
n'était pas gagné ! Pénurie de papier
et réduction de pagination, engagement passé marqué en faveur du
régime de Vichy pour certaines revues,
lenteur des autorisations de publication, cette presse a éprouvé de nombreuses difficultés pour reparaître
après ces années d'Occupation. Entre
1945 et 1949, on assiste à la renaissance de titres créés avant 1939.
RACINES
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Face à Vaillant (successeur du
Jeune Patriote d'obédience communiste), qui parait en juillet 1946,
Cœurs Vaillants (d'inspiration catholique) ressort en mai de la même
année. Cette similitude de noms fit
bien du bruit dans le monde de la
presse d'alors ! Autre notion franchement affichée, le lectorat visé : ainsi
si Fripounet et Marisette s'adressent
“aux petits gars et aux petites filles de
France”, Bernadette est “l'illustré
catholique des fillettes” et Cœurs vaillants ou Bayard, des magazines destinés aux garçons de France. Nés
avant-guerrre, des clubs Cœurs vaillants et Âmes vaillantes rassembleront des lecteurs et lectrices du milieu
rural (lire encadré ci-contre).
La loi sur la presse enfantine du 16
juillet 1949 contraint les publications
à “satisfaire à quelques modalités”
mai 2007
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Magazine Racines, le temps de vivre près de chez vous
Les illustrations de Maurice de la Pintière
(énoncées dans son deuxième article) :
elles ne doivent comporter aucune illustration, récit, chronique, rubrique ou insertion présentant sous un jour favorable le
banditisme, le mensonge, le vol, la
paresse, la lâcheté, la haine, la débauche.
Ainsi que tous les actes qualifiés de crimes
ou délits ou de nature à démoraliser l'enfance ou la jeunesse. C'est la presse des
comics américains (faite de “strips”,
bandes dessinées déjà publiées aux
États-Unis et traduites en français) qui
est ouvertement visée. Revenus avec les
libérateurs, ces journaux de lecture facile
(Tarzan, Le journal de Mickey…), sont
remplis d'images et d'histoires de supers
héros. Moins chers et très populaires,
ils concurrencent les journaux en place,
des catholiques Maison de la Bonne
Presse (Bernadette) et Fleurus (Cœurs
vaillants) ou de ceux, laïcs, de la Ligue
de l'enseignement (Francs-Jeux).
Pour aller plus loin :
• Histoire de la presse des jeunes et des
journaux d'enfants (1768-1988), d'Alain
Fourment,. Aux éditions Éole (1988).
• Un siècle de fiction pour les 8 à 15 ans
(1901-2000), à travers les romans, les
contes, les albums et les publications pour
la jeunesse, de Raymond Perrin. Aux éditions
de l'Harmattan (2003).
trateur de journaux d’enfants, marquant ainsi des
générations de lectrices et
de lecteurs. Maurice de la
Pintière dessine dans La
Semaine de Suzette, Fripounet, Cœurs Vaillants,
Bernadette (lire l’encadré
en page 44), Pierrot, L’Intrépide, Hurrah, Âmes
vaillantes… L’artiste illustre aussi des ouvrages scolaires, des livres d’histoire
et de géographie, et même
le roman Croc Blanc.
Connu pour ses
tapisseries, Maurice
de la Pintère a été
dessinateur pour ces
magazines dans
l’après-guerre.
Dominique Michonneau
(1) À lire : Un chemin de déporté,
1945, des ténèbres à la lumière,
Maurice de la Pintière, édité par le Centre
vendéen de Recherches historiques.
170 pages illustrées. 35 €. En librairie ou
au 02 51 47 74 49 (2,50 € de port).
Retrouvailles émouvantes
“Quand j'avais dix ans
(j'en ai aujourd'hui 61), ma
grand-mère pour mon Noël m'abonna
à Fripounet et Marisette, une revue que
j'allais chercher à l'école des sœurs.
C'étaient elles qui étaient chargées de
faire la distribution. Quelle grande joie
ce jour-là ! Car je la lisais dans les
moindres détails et même plusieurs
fois. Je faisais tous les jeux.
Je revois encore : Sylvain et Sylvette
que j'adorais. Il y a moins de quinze
jours, je recherchais pour mon petitfils, mon vieux plumier avec ses porteplume, crayon d'ardoise, éponge, etc.
(il apprenait à l'école “les anciens
outils”, si l'on peut dire ainsi, dont
nous nous servions à l'école). Figurez-vous que j'ai ainsi retrouvé Fripounet et Marisette qui, à l'époque,
étaient des personnages à découper
avec leurs vêtements (un dans chaque
revue). Cela avait duré pas mal de
temps et j'attendais, impatiente de
savoir quel vêtement il y aurait à découper la prochaine fois. Comme les pou-
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pées étaient
assez rares,
tout
du
moins pour
moi, je me
suis amusée
tant de fois à
habiller mon
cher Fripounet et ma
chère Marisette, que je
dois vous
avouer que
j'avais
la
“Mon cher Fripounet, ma
larme à l'œil
chère Marisette…“
lorsque
j'ai
retrouvé ces petits bonhommes en
papier avec leurs vêtements. Que de
bons souvenirs ! Il ne me reste aucune
revue car depuis mes parents ont tout
jeté, mais je me souviens qu'elles
étaient toutes classées, attachées par
années, dans un coin du grenier.”
Éliane Berger
(Mareuil-sur-Lay-Dissais)
mai 2007
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(Photo : D. Michonneau)
M
aurice de la Pintière,
peintre-cartonnier (né en
1920 à Vouvant, décédé
le 15 novembre 2006) s’est rendu
célèbre grâce à ses belles tapisseries d'art (notre photo). Mais curieusement, il n’avait pas pensé au
départ de sa carrière marcher un
jour sur les pas de son collègue
Lurçat(1). Admis à l’École nationale
des Beaux-Arts à Paris, en 1940, il
y distribue des tracts pour la Résistance et caricature l’occupant nazi.
En 1943, il est arrêté et déporté.
Quand il revient des camps de la
mort, en avril 1945, l’artiste
témoigne de l’horreur avec 35
lavis. En 1946, il renoue avec la
caricature à Paris, et devient illus-
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Fripounet, la récompense dominicale
(du Bocage)
(Collection Geneviève Voisin)
Monique
1947, à l’issue d’une réunion des
Âmes Vaillantes, les jeunes filles du groupe de
Saint-Sauveur (île d’Yeu) : avec bérets et insignes.
"F
ripounet et Marisette, Sylvain,
Sylvette, les héros principaux
de notre journal ! Nous les attendions avec impatience chaque
semaine, mes frères et moi. À
l'école, nous avions des équipes
"Âmes Vaillantes". Pendant quelques
temps, la Sœur nous passait le journal Âmes vaillantes.
Puis vient Fripounet qui correspondait mieux, je crois, à nous
jeunes enfants de la campagne,
ainsi qu'à nos frères.
Toutefois, le moment de l'abonnement était crucial. Bien que papa
le lisait très souvent et aimait nous
faire plaisir! En ce temps-là, c'était
un peu de l'argent inutile, nous
étions déjà six enfants à la maison.
Une année, nous avions même
partagé l'abonnement avec des
copines de l'école. Le dimanche, il
fallait garder les vaches. Mais
récompense, celui qui était de
garde avait Fripounet, alors tout
allait bien ! Soixante ans après, je
me souviens encore de certaines
histoires.
Plus tard, pour mes jeunes frères
et sœurs, une marque de chocolat
offrait un abonnement pour un certain nombre de points. Bien sûr,
nous en avons profité.
Pour mes enfants il n'y avait plus
de Fripounet. Ils eurent Okapi.
Maintenant, chacun de mes petitsenfants a son journal favori que je
leur offre pour Noël.
Ah ! j'oubliais : nous avions
appelé une de nos vaches Nestorine. Et pour les 50 ans de Fripounet, j'avais acheté un album édité
à cette occasion.”
Destinées aux jeunes filles du milieu rural, la
revue Âmes Vaillantes participait à leur éducation.
Une lectrice de Bernadette
“Étant née en
1930, je ne recevais pas
7 et 8e page : feuilletons.
10e page : la page des aînés.
Fripounet et Marisette,
11e : Bernadette initie aux
Cœur vaillants, Âmes vailœuvres catholiques missionlantes. Par contre, mes frères
naires.
plus jeunes les avaient.
12 e page : Bernadette
Deuxième de onze enfants,
apprend ménage, bassej’avais, avec ma sœur, la
cour, couture, jardinage, cuir e v u e Bernadette. Son
sine, conserves et tricots…
contenu se répartissait ainsi :
13 e page : le courrier de
e
2 page : une fable et
Bernadette, feuilleton
(encore un).
semaine religieuse.
Une dessinée
Bernadette avait vingt
3e page : un petit feuilleton.
par Maurice de
la Pintière.
pages très très intéressantes.
4e page : les excursions de
On apprenait tout de la vie
Bernadette.
5e page : dans tous les temps sous et nous l'attendions avec impatience.
Pour moi, cela reste un bon souvenir.”
tous les cieux.
Marie-Thérèse Gibaud
6e page : la galère édifiante de Ber(Foussais-Payré)
nadette.
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