Samedi 12 novembre Alexei Lubimov A le xe i Lu b im o v | Sam ed i
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Samedi 12 novembre Alexei Lubimov A le xe i Lu b im o v | Sam ed i
Roch-Olivier Maistre, Président du Conseil d’administration Laurent Bayle, Directeur général Dans le cadre du cycle La mélancolie Du 8 au 13 novembre Vous avez la possibilité de consulter les notes de programme en ligne, 2 jours avant chaque concert, à l’adresse suivante : www.citedelamusique.fr Alexei Lubimov | Samedi 12 novembre Samedi 12 novembre Alexei Lubimov Cycle La mélancolie « Soleil noir » de Nerval, « bile noire» d’Hippocrate, « oiseau d’ébène » d’Edgar Poe, la ténébreuse mélancolie enveloppe celui qu’elle atteint « d’un jour noir plus triste que les nuits » (Baudelaire). Si l’Église médiévale la condamna, Aristote et Kant l’associèrent au génie et à la création. Considérée comme un remède à la mélancolie, la musique en est en même temps la voix. Carl Philipp Emanuel Bach, dans son trio Sanguineus & Melancholicus (ca 1751), se situe dans la perspective de la théorie humorale. Préigurant La Malinconia de Beethoven, sa partition est fondée sur deux caractères, Melancholicus, Allegretto en do mineur, et Sanguineus, Presto en mi bémol majeur, qui, selon l’auteur, « se disputent […] jusqu’à la in du deuxième mouvement », où « le Mélancolique cède ». Longtemps après la disqualiication scientiique de la théorie des humeurs, cette dernière a conservé la puissance des écrits fondateurs : c’est cette place que Pascal Dusapin lui assigne dans sa Melancholia (1991), « opératorio » qui donne à ces textes anciens un caractère sacral. La mélancolie retrouve tout son prix dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Des mythes et des dieux, venus du Nord, tendent à remplacer la mythologie gréco-latine. Ossian, légendaire barde et guerrier irlandais du IIIe siècle, est célébré dans toute l’Europe comme le nouvel Homère et mis en musique par Schubert. Carl Philipp Emanuel Bach cultive une écriture introspective, lieu du Phantasieren, l’improvisation au clavier. Dans les décennies suivantes, cette instabilité, marquant également le début de la Sonate « La Tempête » de Beethoven, incarnera l’inquiétude du héros romantique. Ainsi, celui-ci proclame, dans La Belle Meunière de Schubert, que le cœur de sa bienaimée lui appartient (Mein!, n° 11) : mais l’expression de son triomphe est afaiblie par d’incessantes modulations. À l’opposé de cette agitation, la pétriication du discours exprime un autre aspect de la mélancolie romantique ; ainsi en est-il dans le dernier lied de La Belle Meunière ou dans le thème du mouvement lent du quatuor La Jeune Fille et la Mort, emprunté au lied éponyme. Ainsi gelé, le lux musical exprime le caractère illusoire des élans humains, comme le font les vanités dans la peinture. Proche parente de la mélancolie, la nostalgie, à l’origine le mal du pays, est un trait dominant du romantisme allemand. Le Quintette op. 34 de Brahms, dans ses tournures populaires et ses archaïsmes, est imprégné de la nostalgie du Vaterland, une terre à la fois originelle et idéale. L’homme habité par la nostalgie, comme les voyageurs des tableaux de Caspar David Friedrich, est livré à la solitude, que dépeint le lied de Schubert Der Wanderer ; cette quête, qui est aussi celle de soi, aboutit au sentiment d’échec et de malédiction : « Là où tu n’es pas est le bonheur », conclut le lied. À ce « nulle part » fera écho le « nevermore » scandé par le corbeau d’Edgar Poe. À la in de Requiem Canticles, Stravinski fait sonner un carillon, écho de la Russie de sa jeunesse. Si la mélancolie inspire dans cette œuvre au musicien, alors très âgé, une sorte d’inventaire de ses souvenirs et de ses diférents styles, elle pousse aussi certains compositeurs, dans son expression exacerbée, le mal de vivre, à explorer de nouveaux territoires. Ainsi, dans la Vallée d’Obermann de Liszt, la soufrance imprime à l’œuvre sa forme et son langage. Anne Rousselin Du MARDI 8 Au DIMANCHE 13 NOVEMBRE MARDI 8 NOVEMBRE – 20H SALLE PLEYEL Franz Schubert La Belle Meunière Matthias Goerne, baryton Christophe Eschenbach, piano MERCREDI 9 NOVEMBRE – 15H JEUDI 10 NOVEMBRE – 10H ET 14H30 SPECTACLE JEUNE PUBLIC JEUDI 10 NOVEMBRE – 20H SAMEDI 12 NOVEMBRE – 20H Franz Schubert Quatuor à cordes n° 14 « La Jeune Fille et la Mort » Edgar Allan Poe Le Corbeau Johannes Brahms Quintette pour piano et cordes op. 34 Jan Ladislav Dussek La Mort de Marie-Antoinette Ludwig van Beethoven Sonate n° 17 « La Tempête » Louis-Joseph-Ferdinand Hérold Sonate en ut mineur « L’Amante disperato » Franz Schubert Wanderer-Fantasie Quatuor Ludwig François-René Duchâble, piano Alain Carré, récitant Alexei Lubimov, fac-similé du piano Érard 1802, piano Brodmann 1814 (collection Musée de la musique) Merci Facteur ! De et par Richard Graille Poèmes Jules Mougin (1912-2010) Mise en scène et décor Hubert Jégat MERCREDI 9 NOVEMBRE – 20H Hèctor Parra Caressant l’horizon (commande de Mécénat Musical Société Générale, création) Maurizio Kagel In der Matratzengruft VENDREDI 11 NOVEMBRE – 20H SAMEDI 12 NOVEMBRE – 20H Le Sanguin et le Mélancolique Carl Philipp Emanuel Bach L’Adieu à mon clavier Silbermann Wq 66 Fantaisie sur la mort de Socrate Sonate Wq 124 Trio Wq 93 Trio sonate Wq 145 Fantaisie sur le monologue d’Hamlet Wq 63 / 6 Sonate « Sanguineus et Melancholicus » Igor Stravinski Requiem Canticles John Cage Seventy Four Pascal Dusapin La Melancholia SWR Sinfonieorchester Baden-Baden und Freiburg SWR Vokalensemble Stuttgart Ensemble intercontemporain Stradivaria / Ensemble baroque de Nantes Ilan Volkov, direction Emilio Pomarico, direction Helena Rasker, contralto Daniel Cuiller, violon, alto Markus Brutscher, ténor Rudolf Rosen, baryton Anne Chevallerau, violon Petra Hofmann, soprano Jacques-Antoine Bresch, lûte Ce concert est précédé d’un avant-concert à 19h. Emmanuel Jacques, violoncelle Tim Mead, contre-ténor Alexander Yudenkov, ténor Jocelyne Cuiller, clavicorde, clavecin Jean-Henry Hemsch 1761 (collection Musée de la musique) Peter Harvey, baryton DIMANCHE 13 NOVEMBRE – DE 14H30 À 17H CONCERT-PROMENADE SAMEDI 12 NOVEMBRE – 15H Mélancolie Franz Schubert Impromptu D 899 / 1 Sonate pour piano D 894 Sonate pour piano D 960 Andreas Staier, fac-similé de piano Conrad Graf 1826 SAMEDI 12 NOVEMBRE – 20H Amphithéâtre Jan Ladislav Dussek La Mort de Marie-Antoinette** Ludwig van Beethoven Sonate n° 17 « La Tempête »* entracte Louis-Joseph-Ferdinand Hérold Sonate en ut mineur « L’Amante disperato »* Franz Schubert Wanderer-Fantasie** Alexei Lubimov, fac-similé du piano Érard 1802*, piano Brodmann 1814** (collection Musée de la musique) Philippe Catoire, récitant Enregistré par France Musique, ce concert sera difusé en direct sur www.citedelamusiquelive.tv. Il y restera disponible pendant 4 mois. Avec le soutien du Palazzetto Bru Zane – Centre de musique romantique française. Le fac-similé du piano Érard 1802 a été réalisé grâce au soutien de la Fondation d’entreprise Hermès. Fin du concert à 21h35. 5 Jan Ladislav Dussek (1760-1812) La Mort de Marie-Antoinette « Tableau de la situation de Marie-Antoinette, reyne de France, depuis son emprisonnement jusqu’au dernier moment de sa vie, rendu par une musique allégorique composée par Jean-Louis Dussek » 1. La Reine est emprisonnée 2. Elle réléchit sur sa grandeur passée 3. La Reine est séparée de ses enfants 4. Les derniers adieux 5. La sentence de mort est prononcée contre elle 6. La résignation 7. La situation pendant la nuit qui précéda le jour de l’exécution 8. Les gardes qui doivent l’escorter à la place de l’exécution arrivent 9. Ils entrent dans la prison 10. Elle entend le tumulte d’une multitude furieuse 11. La Reine invoque le Tout-Puissant au moment où elle doit mourir 12. La guillotine tombe 13. Apothéose Publication : 1793. Durée : environ 12 minutes. Musique à programme et à titres naïfs, tel est l’efet que produit au premier abord cet hommage de Dussek à une souveraine qu’il a personnellement connue, et dont la mort relevait pour lui d’une actualité toute récente et choquante. Vers trente ans le compositeur, dont la carrière était déjà bien remplie et remarquée, a été très bien reçu à la cour, puis il a dû fuir à Londres en 1789 ; il ne se montrera de nouveau à Paris que dix-huit ans plus tard. Marie-Antoinette, qui a mal ini parce qu’en vingt ans elle a accumulé les bévues et les entêtements contre l’histoire, possédait une qualité qu’il faudra toujours lui reconnaître : un goût esthétique très sûr. En musique, elle choisissait l’émotion et le préromantisme ; elle a imposé Gluck et, à défaut de connaître l’œuvre de Haydn ou Mozart, elle a pleinement ressenti le potentiel de Dussek. Si l’on supprimait les sous-titres un peu à la Érik Satie de cet ouvrage, ses treize séquences ne dépareraient pas une sonate du jeune Beethoven. Plusieurs séquences se montrent d’une majesté aussi naturelle que dynamique. La « grandeur passée », avec ses triolets, évoque plutôt le rococo versaillais à tout jamais enfui… La séparation d’avec les enfants est le passage le plus passionnément éperdu, rempli de ièvre, tout comme la dernière nuit. La résignation ouvre une sorte d’arietta à trois temps lents et réléchis. un mouvement perpétuel très orageux dépeint la multitude, à laquelle s’oppose la prière, calme et digne, de la Reine au 6 Tout-Puissant. La guillotine tombe sur un accord et un glissando de do majeur qui tranchent brusquement avec le ton précédent ; puis l’apothéose est un inale enlevé aux accents de fête et de fanfare… un style musical que la Révolution mettra pour longtemps à la mode ! Isabelle Werck Ludwig van Beethoven (1770-1827) Sonate n° 17 en ré mineur op. 31 n° 2 « La Tempête » Largo – Allegro Adagio Allegretto Composition : printemps-été 1802. Dédicace : à la comtesse de Browne. Cette dédicace n’apparaît qu’en 1805, lors de la troisième édition chez Cappi à Vienne. Première édition : 1803, Hans Georg Nägeli, Zurich, dans la collection « Répertoire des clavecinistes ». Largement fautive, celle-ci sera suivie d’autres éditions en 1805 chez Simrock à Bonn et Cappi à Vienne. Durée : environ 22 minutes. Les trois Sonates op. 31, contemporaines des trois Sonates pour violon et piano op. 30, marquent chez Beethoven une nouvelle étape dans l’exploitation du genre de la sonate. Les deux Sonates op. 27 (1800-1801) expérimentaient des modèles formels originaux : mouvements enchaînés et apparentés dans leur thématique pour l’Opus 27 n° 1, « Sonata quasi una fantasia », organisation particulière de l’Opus 27 n° 2, la Sonate « Clair de lune », qui s’ouvre par un mouvement lent. Beethoven retrouve avec la Sonate op. 28 (1801) et les trois Sonates op. 31 une architecture générale plus classique, moins ouverte en apparence sur le romantisme. Mais il s’attache dans ces œuvres à développer une tension dès les premières mesures, génératrice de développements explosifs et d’une écriture pianistique nouvelle, exploitant les potentialités toujours croissantes du pianoforte. Dans cet ensemble, la Sonate op. 31 n° 2 occupe une place particulière : c’est la seule écrite en mode mineur, et de surcroît l’unique sonate du compositeur composée dans la tonalité de ré mineur, qui renvoie à la dimension tragique du Concerto en ré mineur de Mozart et de Don Giovanni. Par ailleurs, le compositeur y déploie une intense subjectivité, notamment en insérant dans le premier mouvement un poignant récitatif, qui annonce celui de la Sonate op. 110. On est tenté d’y associer la tragédie personnelle que Beethoven vit à cette époque, durant laquelle sa surdité progresse inexorablement, s’imposant peu à peu comme un handicap majeur. C’est à l’automne 1802 qu’il rédige le « testament de Heiligenstadt », lettre destinée à ses frères, qui relate ses soufrances, la tentation du suicide et la décision inale de vivre pour l’art. À l’angoisse qui habite le compositeur se joint probablement, au printemps ou à l’été 1802, époque présumée de sa rupture avec la jeune comtesse Giulietta Guicciardi, le désespoir amoureux. « Lisez La Tempête 7 de Shakespeare ! », aurait prescrit Beethoven à son secrétaire Schindler, qui l’interrogeait sur le sens de l’œuvre. Cette injonction, qui concerne d’ailleurs bien plus la scène initiale que l’ensemble de la pièce, aurait valu à la sonate son surnom « La Tempête », qui ne s’est pas imposé dans les éditions. L’extraordinaire début concentre dans un même élan deux formes antagonistes de musique qui instaurent deux types de temps : le mystérieux accord initial arpégé (largo), qui fait entendre la dominante du ton de ré mineur, sous une forme afaiblie, renvoie au temps libre de l’improvisation, l’un des domaines de prédilection de Beethoven. Le discours se poursuit dans un second tempo, allegro, que l’on peut qualiier de giusto (strict), dans un caractère haletant. Ce dispositif se reproduit de façon analogue à partir d’un nouvel arpège largo qui précède une phrase allegro plus développée, aboutissant à une cadence dans le ton principal. Cette imbrication de deux types d’action musicale, le phantasieren et le komponieren, comme matériau principal et initial d’un mouvement est tout à fait novatrice et confère à ce début l’ambiguïté d’un prologue. La suite fait apparaître d’autres décalages entre le caractère des diférentes phrases et leur fonction au sein de la forme sonate. Ainsi, le thème tourmenté qui intervient après ce début instaure la tonique et une certaine stabilité. Mais il s’agit en fait d’une transition modulante (le pont de la forme sonate) qui conduit à un second thème en la mineur. Celui-ci, étroitement apparenté au premier, semble en équilibre instable sur la dominante, et donc peu perceptible en tant que tel. Le développement voit réapparaître les arpèges largo dans des tons de plus en plus éloignés ; il exploite également les potentialités du pont. une transition méditative ramène progressivement le temps libre de l’improvisation et ouvre la voie à la réexposition, enrichie de deux phrases en récitatif, nimbées de pédale, et d’un détour dans le ton éloigné de fa dièse mineur, qui rappelle le développement. Dans tout ce mouvement, la tension générée par la disparité des tempi au sein du premier thème est compensée par l’unité thématique entre les deux groupes de l’exposition, un discours économe et cohérent qui donne un sens aux événements les plus étranges (comme l’apparition du ton de fa dièse mineur) : démarche profondément classique, héritée des conceptions de Haydn. L’Adagio en si bémol majeur adopte le plan d’une forme sonate sans développement. D’une grande intensité d’expression, il déploie une écriture véritablement orchestrale dans l’opposition de ses motifs et de ses registres. La transition vers la dominante s’efectue avec l’accompagnement d’une pédale évoquant un roulement de timbale, qui peut rappeler l’atmosphère militaire et révolutionnaire du mouvement lent de la Sonate op. 26. Adoptant la simplicité d’un hymne, le second thème est étroitement apparenté au premier sur le plan du rythme. La reprise de l’exposition est enveloppée d’arpèges en triples croches, issus du tambourinement de la timbale. Le inale est un mouvement perpétuel, pas trop rapide (allegretto), aux tournures d’inspiration populaire, répétées jusqu’à l’obsession. Il s’organise en une dense forme sonate dans laquelle ces éléments populaires sont développés et dramatisés. une certaine monochromie thématique eface un peu les contours du second thème (en la mineur), aux accents légèrement tziganes. Le développement est aventureux sur le plan tonal et conduit en si bémol mineur, tonalité reprise dans la réexposition. À la in, un arpège piano, sombrant dans le grave, résonne comme un écho mystérieux du début de l’œuvre. Anne Rousselin 8 Louis-Joseph-Ferdinand Hérold (1791-1833) Sonate pour piano op. 5 n° 2 « L’Amante disperato » L’amante disperato La consolation (Pastorale) Composition : 1812. Durée : environ 15 minutes. Composées en 1812, les deux Sonates op. 5 de Ferdinand Hérold furent publiées in 1813 par l’éditeur Lemoine. Entre-temps, le musicien avait remporté le Prix de Rome et s’était établi à la Villa Médicis. Hérold dédia ces partitions à son ami Charles Chaulieu, qui étudia avec lui dans les classes d’Adam (piano) et de Catel (harmonie) au Conservatoire. La deuxième sonate de l’Opus 5 est dite « L’Amante disperato » (« L’amant désespéré »), d’après l’indication portée en tête de son premier mouvement. Son second mouvement, une pastorale, lui répond par l’indication « La consolation ». Le diptyque a donc un statut ambigu, musique pure secrètement soutenue par un élément programmatique, celui-ci étant aussi une suggestion expressive à l’adresse de l’exécutant. Cela dit bien le statut complexe de la musique instrumentale à l’heure où Beethoven compose une symphonie elle aussi « pastorale » (1808) répondant à un court programme. Signalons l’origine probable de l’inspiration d’Hérold : une sonate du Tchèque Dussek déjà intitulée L’Amante disperato (1786). Le premier mouvement s’ouvre par des pages sombres et théâtrales. un chant apaisé émerge, suivi d’un épisode d’essence harmonique, qui fait place aux éléments initiaux. Le chant apaisé fait son retour dans un ton inattendu. un « Finale » animé, puis « encore plus vite », se conclut par des accords majestueux – entrecoupés de réminiscences douloureuses du début. La mélodie gracieuse du second mouvement justiie son titre de « Pastorale » et son ambition consolatrice. une section « Minore » apparaît, à la mélodie instable, dans son rythme et ses évolutions tonales. Après une accalmie, c’est le retour de la mélodie gracieuse… pour un court instant : des arpèges referment la pièce « perdendosi » (« en se perdant »). Nicolas Southon 9 Franz Schubert (1797-1828) Wanderer-Fantasie en ut majeur D 760 Allegro con fuoco ma non troppo Adagio Presto Allegro Composition : novembre 1822. Première édition : février 1823 (Cappi et Diabelli). Durée : environ 21 minutes. Composée pour Emmanuel von Liebenberg, un riche amateur viennois élève de Hummel, la Fantaisie en ut majeur devait ofrir au commanditaire l’occasion de mettre en valeur tout l’éclat de son jeu. Schubert compose une œuvre délibérément virtuose, certainement la plus volontairement démonstrative de toute sa production pianistique. D’après les témoignages de ses amis, la partition dépassait largement le niveau pianistique personnel du compositeur qui se montrait incapable de surmonter les exigences du morceau de bravoure inal : « Comme Schubert jouait un jour la Fantaisie op. 15 dans un cercle d’amis, il resta en panne dans le dernier mouvement ; il sauta alors à bas de son siège en s’écriant : “C’est au diable de jouer cela !” » (Léopold Kupelwieser). Ce n’est qu’à la in du XIXe siècle que le lien fut établi entre le thème de l’Adagio à variations et le lied Der Wanderer D 493 de 1816. Jusqu’à cette période, l’œuvre était simplement identiiée comme Fantaisie. Du point de vue de la structure, la partition se présente comme une sonate très libre dont les quatre mouvements, au parcours tonal très original (ut majeur, ut dièse mineur, la bémol, ut majeur), sont enchaînés. Cette volonté de continuité entre les diférents mouvements est renforcée par des liens thématiques et rythmiques. Fasciné par l’architecture en un seul tenant de cette partition, Franz Liszt en réalisa un arrangement pour piano et orchestre en 1851. Corinne Schneider 10 Fac-similé d’un piano à queue Érard, Paris, 1802 réalisé par Christopher Clarke (Donzy-le-National) pour le Musée de la musique, avec le soutien de la Fondation d’entreprise Hermès, 2011 Le fac-similé de piano à queue Érard daté de 1802 prend pour modèle un instrument des collections du Musée de la musique qui peut être considéré comme l’un des premiers pianos à queue de concert français. Alors que Sébastien Érard s’installe à Paris vers 1780, son atelier acquiert rapidement une renommée qui en fait la première manufacture de facture de pianos parisienne. Associé à son frère Jean-Baptiste, il articule sa production, à Paris comme à Londres, autour des pianos carrés et des harpes. Si quelques pianos à queue sont vraisemblablement fabriqués dans ces premières années de la manufacture, ce n’est qu’à partir de 1797 qu’une production en série d’instruments de ce type est mise en place. Quelque 256 pianos à queue, qualiiés a posteriori de pianos « en forme de clavecin ancien modèle » par Érard, sortiront des ateliers entre 1797 et 1809. C’est sans conteste ce type d’instrument qui permettra à la manufacture de prendre pied dans la société musicale de l’époque et d’occuper une place qu’elle ne quittera plus tout au long du XIXe siècle. Celui-ci a été terminé le 5 mai 1802 et a été vendu à Mlle Coulon par l’intermédiaire du pianiste et compositeur virtuose Daniel Steibelt. une douzaine d’instruments de ce type sont encore conservés dans le monde. Ils couvrent la période de 1801 à 1809 et permettent d’observer au cours de ces années une grande stabilité du modèle qui, par son aspect général, s’apparente fortement à la facture anglaise de l’époque. La forme de la caisse, les dimensions de l’instrument, comme l’étendue du clavier, évoquent sans nul doute les instruments de la maison Broadwood. En revanche, le piètement, le type et l’emplacement des pédales ainsi que le choix des pièces d’ornementation rapportées, tels que les éléments en bronze doré ou les barres d’adresse en verre églomisé, font plus volontiers appel aux styles Directoire et Empire chez les instruments d’Érard. Les principes techniques de la partie harmonique sont également à rechercher du côté de l’instrument anglais. De même, la mécanique dite à échappement simple, moteur de l’instrument, est du même type que l’English grand action que l’on retrouve dès 1777 dans le brevet de Stodart. Pourtant l’examen attentif des productions des deux maisons révèle des diférences de construction qui n’ont pas seulement trait à la qualité de réalisation ou au soin apporté à la inition, indéniablement en faveur d’Érard. Ainsi, des diférences signiicatives peuvent être observées dans les dimensions comme dans l’agencement des pièces qui composent la mécanique. De même, les épaisseurs de la table d’harmonie comme les barres de renfort dont elle est dotée sont agencées diféremment, tous détails qui confèrent à l’instrument une esthétique sonore sensiblement éloignée du modèle anglais. Si tous les pianistes et compositeurs français en vue possèdent – ou jouent – un piano de ce type, le succès de l’instrument dépasse largement les frontières de la France et des compositeurs tels que Haydn et Beethoven disposent également d’un piano de ce modèle. La réalisation du fac-similé de l’instrument de 1802 va permettre de redécouvrir un répertoire actuellement remis au jour par les musicologues et qui constitue vraisemblablement la première école française de piano. Cette copie a été fabriquée par le facteur de pianofortes Christopher Clarke à la demande du musée qui a pu en faire l’acquisition grâce au soutien de la fondation d’entreprise Hermès. La fabrication du fac-similé a demandé plus de deux ans de travail de la part du facteur, accompagné 11 dans sa tâche par l’équipe du laboratoire du musée qui en a assuré l’accompagnement scientiique. Numéro d’inventaire de l’instrument original : E.986.8.1 Modèle dit « en forme de clavecin ancien modèle » N° de série : 86 Étendue : 68 notes, cinq octaves et une quinte, fa0 – do6 (FF – c4) Mécanique à échappement simple Cordes parallèles, trois cordes par note Jeux de tambour, una corda, basson, luth, céleste, forte commandés par six pédales la3 (a1) = 415 Hz Cette coniguration n’est pas conforme à celle d’origine puisque l’instrument ne disposait que de cinq jeux (le tambour a été ajouté par la suite), commandés par 4 pédales et une genouillère. Le fac-similé reprend la composition et la disposition d’origine. Piano à queue Brodmann, Vienne, 1814 Collection Musée de la musique, E.982.6.1 Le piano de Joseph Brodmann (1771-1848) a été construit à Vienne en 1814. Facteur d’origine prussienne, installé à Vienne en 1796, Brodmann jouit alors d’une réputation latteuse. Il est notamment très apprécié de Carl Maria von Weber qui lui achète un instrument en 1813. Il forme de nombreux facteurs de piano, notamment, le célèbre Ignaz Bösendorfer (1796-1849) dont la marque fait encore aujourd’hui autorité. Instrument rare, d’une grande qualité de facture, ce piano présente un meuble rainé plaqué d’acajou. Il est rehaussé d’une frise en bronze doré constituée d’un décor de feuillages agrémenté de mascarons à tête féminine et de lyres. Il est équipé d’une mécanique viennoise et son clavier couvre une étendue de six octaves. Ses quatre pédales de jeux (una corda, basson, céleste, forte) permettent d’en modiier le timbre ou l’intensité. Lors de l’acquisition de cet instrument par le musée en 1982, les garnitures de la mécanique étaient d’origine, ainsi que la quasi-totalité des cordes. Pour permettre le jeu, un fac-similé de la mécanique et du cordage a été réalisé par Christopher Clarke lors de la restauration de l’instrument. Étendue : 73 notes, six octaves, fa0 – fa6 (FF – f4) Mécanique viennoise Cordes parallèles, trois cordes par note Jeux d’una corda, basson, céleste, forte commandés par quatre pédales la3 (a1) = 430 Hz Thierry Maniguet Conservateur au Musée de la musique 12 Alexei Lubimov Hogwood, Sir Charles Mackerras, Kent Berlin (Pärt), l’Orchestre Symphonique Après des études avec Heinrich Nagano, Sir Roger Norrington, Mikhail National Danois (Pärt), l’ensemble Neuhaus, Alexei Lubimov a développé Pletnev, Jukka-Pekka Saraste, Esa- Anima Eterna de Bruges et le Russian de façon précoce une double Pekka Salonen, Marek Janowski ou National Orchestra. En 2010 il s’est passion, à la fois pour la musique Jan Pascal Tortelier. Sur instruments produit en soliste et avec orchestre baroque sur instruments d’époque anciens, il a collaboré avec l’Orchestra à Bruxelles, utrecht, Budapest, Lille, et pour les compositeurs du XXe of the Age of Enlightenment, la Londres et New York, entre autres siècle tels que Schönberg, Webern, Wiener Akademie et le Collegium lieux, sur un répertoire allant du Stockhausen, Boulez, Ives, Ligeti, Vocale de Gand. En musique de baroque au contemporain. Parus chez Schnittke, Gubaidulina, Silvestrov chambre, il se produit régulièrement divers labels comme Melodia, Erato, et Pärt. Créateur de nombreuses avec divers solistes et ensembles BIS ou Sony, ses enregistrements pièces contemporaines en Russie, de premier plan dans des festivals comprennent l’intégrale des sonates il a également fondé dans son pays du monde entier. Lors des dernières de Mozart, des œuvres de Schubert, le Festival Alternativa et formé saisons, Alexei Lubimov a collaboré Chopin, Beethoven et Brahms ainsi avec trois autres instrumentistes avec des formations telles que le City que de la musique du XXe siècle. un ensemble baroque durant les of Birmingham Symphony Orchestra, Depuis 2003, sa collaboration années 1970, au moment où les le Russian National Orchestra à régulière avec ECM a donné lieu à déplacements internationaux Moscou et le Tonkünstler-Orchester plusieurs disques aussi originaux n’étaient plus possibles. À son (pour deux concerts dans la Grande qu’incontournables : Der Bote, aise dans les répertoires ancien et Salle du Musikverein de Vienne), regroupant des compositions de Liszt, moderne, Alexei Lubimov n’en est donnant par ailleurs d’innombrables Glinka et C. P. E. Bach comme de John pas moins un excellent interprète des récitals en soliste. Il a interprété des Cage et Tigran Mansurian, Lamentate périodes classique et romantique, concertos de Mozart en tournée avec d’Arvo Pärt avec l’Orchestre de comme en témoignent ses nombreux le Haydn Sinfonietta, des pièces de ce la SWR de Stuttgart, Messe noire enregistrements. Avec la levée des même compositeur avec l’Orchestra avec de la musique de Stravinski, restrictions politiques en Russie dans della Svizzera Italiana et Robert Chostakovitch, Prokoiev et Scriabine, les années 1980, Alexei Lubimov King, un programme Haydn à New ou encore Misterioso avec des pièces s’est rapidement imposé au premier York avec la Camerata Salzburg et de Silvestrov, Pärt et ustvolskaya. Sa rang des pianistes internationaux, se Sir Roger Norrington, Lamentate de version des Impromptus op. 90 et op. produisant en Europe, en Amérique Pärt au Musikverein avec le Radio- 142 de Schubert est parue en 2009 du Nord et au Japon. Il a ainsi joué Symphonieorchester Wien et Andrey chez Harmonia Mundi. avec les orchestres philharmoniques Boreyko, se produisant également d’Helsinki, Israël, Los Angeles, avec le Tampere Philharmonic et Munich et Saint-Pétersbourg, le Royal John Storgards. Parmi les autres Philharmonic Orchestra de Londres, moments marquants de sa carrière, le Russian National Orchestra, on peut citer son Prométhée de l’Orchestre Philharmonique de Scriabine au Festival de Salzbourg Radio France, le Toronto Symphony et à Copenhague ainsi que des Orchestra et le Deutsches Symphonie- concerts avec l’Orchestra of the Age Orchester Berlin, ceci sous la direction of the Enlightenment (Beethoven), de chefs d’envergure internationale l’Orchestre Philharmonique de comme Vladimir Ashkenazy, Neeme Munich (Silvestrov), l’Orchestre de Järvi, Kirill Kondrashin, Christopher la SWR de Stuttgart (Pärt), le DSO 13 Concert enregistré par France Musique Et aussi… SAMEDI 10 DÉCEMBRE, 20H SAMEDI 26 NOVEMBRE 2011, 20H Ultimes Ballades Johannes Brahms Double Concerto pour violon et violoncelle Franz Schubert Symphonie n° 9 « La Grande » Fredrik Pacius La chasse du Roi Charles / Ouverture Robert Schumann La Malédiction du chanteur op. 139 Max Bruch Die Loreley, opus 16 / Ouverture Robert Schumann Le Page et la Fille du roi op. 140 Chamber Orchestra of Europe Semyon Bychkov, direction Renaud Capuçon, violon Gautier Capuçon, violoncelle VENDREDI 9 DÉCEMBRE, 20H Scènes de folie Gaetano Donizetti Lucia di Lammermoor / Airs de la folie de Lucie Giuseppe Verdi Ouverture de La Force du destin Vincenzo Bellini I Puritani / Airs de la folie d’Elvira La Sonnambula / Airs de La Somnambule Robert Schumann Symphonie n° 4 Orchestre de l’Opéra de Rouen - Haute-Normandie Accentus Laurence Equilbey, direction Christiane Libor, soprano Maria-Riccarda Wesseling, alto Marcel Reijans, ténor Benedict Nelson, baryton Johannes Mannov, basse > À LA SALLE PLEYEL MARDI 14 FÉVRIER, 20H > COLLÈGE Ludwig van Beethoven Sonate n° 24 Op. 78 « A Thérèse » Sonate n° 25 Op. 79 « Alla tedesca » Sonate n° 26 Op. 81a «Les Adieux » Sonate n° 27 Op. 90 Karlheinz Stockhausen Klavierstück LE MERCREDI, DU 11 JANVIER AU 20 JUIN DE 15H30 À 17H30 Maurizio Pollini, piano Pierre Boulez, direction Christian Tetzlaf, violon La Chambre Philharmonique Emmanuel Krivine, direction Olga Peretyatko, soprano Écouter la musique classique Cycles de 20 séances > ÉDITIONS > MÉDIATHÈQUE En écho à ce concert, nous vous proposons… > Sur le site Internet http:// mediatheque.cite-musique.fr … d’écouter un extrait audio dans les « Concerts » : Sonate pour piano n° 17 de Ludwig van Beethoven par Maurizio Pollini (piano) enregistré à la Salle Pleyel en janvier 2009 • Une Schubertiade, œuvres de Franz Schubert par Alexeï Lubimov (piano) enregistré à la Cité de la musique en 11 mai 1996 (Les concerts sont accessibles dans leur intégralité à la Médiathèque de la Cité de la musique.) … de regarder dans les « Dossiers pédagogiques » : Le Romantisme : Franz Schubert • Le Classiscisme viennois : Ludwig van Beethoven dans les « repères musicologiques » > À la médiathèque … de regarder : The complete piano sonatas, live from Berlin de Ludwig van Beethoven par Daniel Barenboim … d’écouter avec la partition : Wanderer-Fantasie de Franz Schubert par Daria Fadeeva sur pianoforte Christopher Clarke, copie de Graf, 1826 … de lire : Les 32 sonates pour piano : journal intime de Beethoven par Paul Loyonnet • LouisJoseph-Ferdinand Herold (1791-1833) et le piano de Hervé Audéon in « Musique. Images. Instruments » 11, 2009 • Franz Schubert de Dominique Patier L’Invention du sentiment Collectif • 288 pages • 2002 • 50 € (avec CD) Éditeur : Hugues de Saint Simon | Rédacteur en chef : Pascal Huynh | Rédactrice : Gaëlle Plasseraud | Graphiste : Elza Gibus | Stagiaires : Christophe Candoni, Carolina Guevara de la Reza. Imprimeur FOT | Imprimeur BAF | Licences no 1014849, 1013248, 1013252 > CONCERTS Exposition au Musée de la musique du 18 octobre 2011 au 15 janvier 2012 Cité de la musique www.citedelamusique.fr | 01 44 84 44 84