falstaff - cercle lyrique de metz

Transcription

falstaff - cercle lyrique de metz
2011-2012
CERCLE
LYRIQUE
DE METZ
FALSTAFF
de Giuseppe VERDI
N° 202
Par Danielle PISTER
Verdi fin des années 1880
FALSTAFF
1893
de Giuseppe VERDI
par
Danielle PISTER
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SOMMAIRE
Falstaff, le Pancione
p. 05
Un musicien italien
p. 06
Verdi et l'opéra italien des années 1890
p. 09
Verdi et Shakespeare
p. 11
Un collaborateur d'exception : Arrigo Boito
p. 13
Falstaff
p. 18
De Sir John au Pancione
p. 21
L'intrigue
p. 24
Les caractères
p. 28
Falstaff, un opéra polyphonique
p. 36
Falstaff, une somme verdienne
p. 39
Le créateur de Falstaff
p. 43
Réception de l'œuvre
p. 44
A lire
p. 45
A écouter
p. 45
A voir
p. 49
Discographie sélective
p. 51
Vidéographie sélective
p. 52
Les artistes de la distribution
p. 53
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Verdi dirigeant une répétition de « Falstaff ».
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FALSTAFF, LE PANCIONE
Le dernier ouvrage d’un grand créateur suscite toujours un intérêt particulier, tant est grande la tentation d’y chercher les derniers éclats de son
génie, susceptibles d’éclairer l’ensemble de son œuvre. Falstaff, ultime
opéra de Verdi, fait exception. Il a pour particularité de ne pas apparaître
comme l’accord final d’un exceptionnel itinéraire lyrique, commencé plus
de 50 ans auparavant. Bien au contraire, il sonne comme une invite à
explorer de nouveaux chemins ignorés jusque là. L’effet de surprise est
d’autant plus grand que le compositeur, à la création de sa « comédie
lyrique », à la Scala de Milan, en 1893, approche les quatre-vingts ans.
Vingt-sixième opéra du Maître de Busseto, (compte non tenu des remaniements apportés à certains de ses opus), troisième collaboration avec Arrigo
Boito, pour le livret, après la révision de Simon Boccanegra en 1881, et la
création d’Otello en 1887, Falstaff réconcilia les admirateurs de toujours
de Verdi avec ses détracteurs. Ces derniers, longtemps réfractaires aux faiblesses ou aux manifestations de mauvais goût qu’ils dénonçaient dans ses
œuvres antérieures, virent, dans cet ultime opéra, une conversion supposée
au wagnérisme. C’était encore minorer les mérites du vieux Maître, impitoyablement jaugés à l’aune germanique. Dans les années 1950, les grandes maisons d’opéras élargirent leur répertoire verdien, jusque là trop souvent cantonné à la « trilogie » populaire Rigoletto, Trouvère, Traviata, et
à Aïda. Toscanini, qui l’avait fait dès les années 1930, puis de grands chefs
comme Karajan, Solti, symphonistes et wagnériens incontestables, dirigèrent Verdi, à la scène comme en studio. Il en résulta une réévaluation de
l’œuvre du maître italien. Ils surent mettre en valeur les subtiles relations
entre son orchestration et la ligne mélodique confiée aux chanteurs,
patiemment et lucidement approfondies par Verdi tout au long de sa carrière. Falstaff cessa alors d’être un O.V.N.I., un « opéra verdien notoirement
inattendu ». Tout en constituant un moment exceptionnel dans l’histoire de
l’opéra, italien et universel, il s’inscrit dans la continuité d’une tradition, ici
parfaitement maîtrisée, dont il sut renouveler les codes.
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UN MUSICIEN ITALIEN
Lorsque Verdi donne son premier opéra, Oberto, en 1839, Rossini a cessé
d’écrire pour l’opéra depuis dix ans ; Bellini est mort prématurément
quatre ans plus tôt, laissant toute sa place à son rival, Donizetti. Ce dernier
suivra, avec intérêt et bienveillance, les premiers pas de son cadet de vingt
ans et dont le triomphe réservé à son Nabucco, en 1842, marque le vrai
début de la carrière. Bientôt, la maladie réduit l’auteur de Lucia au silence,
laissant au jeune compositeur, le champ libre pour conquérir son public.
C’est au prix d’un travail acharné de plus de dix ans, qu’il atteindra son
objectif. Approfondissant le legs de ses aînés, tout en affirmant une personnalité propre, il devient le maître incontesté de la musique lyrique italienne de la seconde moitié du XIXème siècle.
Un héritage
Rossini avait déjà enrichi l’accompagnement orchestral des voix et refusé
aux chanteurs la liberté de choisir leurs ornementations : dès lors, la virtuosité vocale, perdant sa gratuité, servit la caractérisation des personnages
et l’expression des émotions. Le « Cygne de Pesaro » avait également fait
évoluer l’alternance mécanique du recitativo secco et de l’aria ornementée
en adoptant, à la suite de Gluck, le récitatif accompagné à l’orchestre.
Posant les bases du drame romantique, Rossini développa, à côtés des
arias, duos et trios habituels, de grands ensembles, notamment dans les
brillantissimes finales de chaque acte. Son dernier opéra, Guillaume Tell,
devint le modèle de l’opéra à la française : sujets historiques, passions violentes, mouvements de foules, effets orchestraux pour souligner la tension
dramatique, esthétique qui triomphera avec le Robert le Diable de
Meyerbeer, en 1831. Verdi s’en souvient dans ses ouvrages destinés à
l’Opéra de Paris (Jérusalem, 1847, Les Vêpres siciliennes, 1855, Don
Carlos, 1867). Il n’oublie pas non plus la leçon belcantiste des successeurs
de Rossini. Elle reste encore sensible, en 1853, dans Il Trovatore. Il ne
s’agit pas pour lui d’utiliser des recettes éprouvées : la recherche constante d’une expression dramatique et psychologique la plus adéquate à la
situation dramatique prime toujours chez Verdi.
Une voie personnelle
Le choix de sujets bibliques et historiques, comme ceux de Nabucco ou des
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Lombards, ne résulte pas seulement de l’exploitation d’un filon rentable.
Ces opéras retentissent d’appels à la délivrance contre les oppresseurs des
peuples brimés ou menacés. Ils entrent en résonnance avec les sentiments
patriotiques des spectateurs milanais, alors encore sous le joug des
Autrichiens. Le chœur des Hébreux de Nabucco, « Va piensero… »,
devient un substitut d’hymne national pour les Italiens. Ces appels à la
liberté se retrouvent dans d’autres œuvres ultérieures comme Don Carlos,
voire Aïda. Si leur présence assure facilement au compositeur l’adhésion
du public, elle n’en exprime pas moins les convictions profondes de Verdi.
Le public, sensible à sa sincérité, communie avec lui dans une même ferveur. Sur un autre plan, il a pu voir, dans l’histoire de La Traviata, un écho
de la liaison du compositeur, mal perçue par la société de son temps, avec
la créatrice du rôle d’Abigaille, Giuseppina Strepponi au passé tumultueux.
Les conventions et les clichés attachés au genre lyrique sont ainsi transcendés par la puissance expressive d’un musicien qui puise dans sa propre
sensibilité pour construire un univers, à la fois personnel et universel.
Sans oublier le brio rossinien, ni la mélancolie bellinienne ou l’intensité
dramatique de Donizetti, Verdi ne s’enferme dans aucun système et privilégie la vérité psychologique des personnages. Conformément, ou non, aux
codes dramatiques et musicaux de son temps, la caractérisation des protagonistes s’affine et se complexifie et l’invention musicale s’enrichit parallèlement. Aux personnages monolithiques des premiers opéras, Ernani,
Zaccaria, succèdent les Philippe II ou Otello, personnages tout-puissants
mais sujets à des moments de désarroi et de faiblesse. Au ton continûment
tragique des premières œuvres, se mêle progressivement l’ironie qui
invite à prendre ses distances avec les situations et les personnages. Sur des
modes différents, c’est la fonction sociale d’un Rigoletto, bouffon de son
état, mais également celle d’Oscar, le page du Bal masqué, qui tous deux
se moquent des courtisans qui les entourent. En comparant les scènes qui
clôturent le premier acte de chacune des deux œuvres précitées, on
mesure la distance parcourue. Les accents tragiques de l’orchestre font
comprendre que la malédiction qui frappe le père de Gilda scelle immédiatement sa destinée tragique ; à l’opposé, la prédiction de la sorcière Ulrica,
annonçant la mort prochaine de Riccardo, est tournée en dérision par ce
dernier. Le page Oscar, faisant chorus, l’acte se termine dans la gaieté
générale. Ce personnage, tel un ludion, surgira comme un contrepoint
joyeux, chaque fois que la tension dramatique entre les protagonistes
s’intensifie. C’est un peu la fonction de Preziosilla, personnage léger et
insolent, contrastant fortement avec les sombres héros de La Force du
destin, sans parler du frère Melitone, haut en couleurs, dont l’humeur
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bougonne provoque, dans le même opéra, des scènes burlesques. Ainsi,
Falstaff et sa gaieté, ne surgit pas du néant et prend bien racine dans le terreau verdien, sans cesse bonifié.
Le roi Verdi
D’Oberto (1839) à Rigoletto (1851), Verdi produit dix-sept opéras pendant
les douze années qu’il qualifie lui-même d’« années de bagne », soit largement plus de la moitié de l’ensemble de son œuvre, qui ne s’achèvera
que quarante-deux ans plus tard. D’inégale importance, chacun pourtant
apporte souvent des innovations. Une fois sa renommée établie bien audelà des frontières italiennes, soucieux de qualité d’écriture, tant dramatique que musicale, le compositeur espace ses créations : il répond aux
commandes de Paris (Les Vêpres siciliennes, 1855, Don Carlos, 1867), de
Saint-Pétersbourg (La Forza del destino, 1862), du Caire (Aïda, 1871). Il
révise certaines de ses œuvres antérieures : La Forza del destino, 1869 ;
Simon Boccanegra, 1881 ; Don Carlo, 1884 et 1886. Seize ans de silence
séparent les créations d’Aïda (1871) et d’Otello (1887), six ans s’écoulent
encore avant celle de Falstaff (1893).
Les succès du début des années 1850 ayant assis sa réputation et sa fortune, Verdi veut de moins en moins risquer de nuire à sa réputation par une
production médiocre. À Rome, en février 1859, le succès d’Un ballo in
maschera, se traduit par des acclamations « Viva Verdi », démultipliées
par les affiches qui fleurissent sur les murs où l’on peut lire : « Viva
V.E.R.D.I. » Sous l’acronyme, il faut comprendre « Vittorio Emmanuele
Re d’Italia ». Pour les Italiens, le musicien incarne l’espoir de l’unité
nationale. Verdi suit avec inquiétude la guerre contre l’Autriche qui éclate
la même année et regrette que sa santé ne lui permette pas de s’engager. Il
ne songe plus à composer. Il est d’autant plus déçu par l’issue du conflit
que, si la Lombardie revient dans le giron du Piémont, la Vénétie demeure
autrichienne et les États pontificaux restent à l’écart de l’unification. Verdi
devient député de Busseto en 1861. Les espoirs révolutionnaires portés par
Mazzini s’étant effondrés après 1848, il se rapproche de Cavour, grand artisan de l’unité italienne. Il lui propose une réforme des théâtres de Rome,
Milan et Naples dont les orchestres et les chœurs seraient subventionnés
par le gouvernement. Verdi, bien que nommé sénateur à vie, se détache peu
à peu de la politique après la disparition du premier Président du Conseil,
en 1861. Il n’éprouve plus le besoin de mettre son art au service d’une
quelconque cause.
Verdi a su, depuis longtemps également, se dégager de l’emprise des
imprésarios, comme de celle des chanteurs et des directeurs de théâtre. Il
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impose sa volonté à tous, pour le livret, comme pour la partition et la mise
en scène. Parvenu à une parfaite maîtrise de son art, il peut se permettre,
dans la même œuvre, de varier les tons : dans Otello, les moments de pur
lyrisme succèdent aux épisodes de violence extrême. Il ne s’agit pas seulement d’opposer la tendre Desdémone au cynique Iago, mais de développer,
dans l’âme même du héros éponyme, à la fois guerrier triomphant et époux,
croit-il, bafoué, deux pôles fortement contradictoires. Cette pente passionnelle qui mène le personnage au comble du malheur, qu’il s’agisse de
Rigoletto ou d’Otello, est-elle fondamentalement différente de celle qui
conduit Falstaff à sa défaite, même si le contexte de cet opéra est celui de
la comédie ?
Falstaff ne constitue pas tout à fait un coup d’essai dans le genre de
l’opéra-bouffe, si l’on tient compte du Giorno di regno,1 écrit par Verdi en
1840, dans une période particulièrement sombre de sa vie : sa femme
venait de mourir, peu de mois après la disparition des deux enfants du
couple. On peut penser que ce contexte n’est pas étranger à l’échec cuisant
de cette première incursion dans le genre comique. Le sujet, l’histoire d’un
faux roi Stanislas déchu de son trône polonais, ne pouvait que déplaire à la
censure. La seconde, et ultime, incursion du compositeur dans le genre
bouffe, sera un triomphe.
VERDI ET L’OPÉRA ITALIEN
DES ANNÉES 1890
S’il fallait prouver la fermeté des convictions de Verdi dans le domaine
lyrique, il suffirait de remarquer que son dernier opéra est écrit au moment
où s’affirme l’esthétique vériste qui veut faire des personnages de la vie
quotidienne des héros d’opéra : Cavalleria rusticana triomphe en 1890,
bientôt suivi par I Paglicci et Fedora (1892). L’année même de Falstaff, la
Manon Lescaut de Puccini est créée le 1er février. En 1891, Alfred Bruneau
avait adapté Le Rêve de Zola. Verdi, prenant connaissance de cette partition, exprima un jugement sans appel sur le réalisme musical : « C’est
pavé de bonnes intentions, mais dans vingt ans, on n’en parlera plus. » Il
n’était pas loin de la vérité puisque vingt-huit ans séparent Cavalleria du
Triptyque de Puccini, dernière œuvre d’importance qui relève de cette
esthétique. Verdi reconnaît à ce dernier un grand talent, mais il lui re1
En juillet 2005, dans le cadre des festivités de « Nancy, Capitale des Lumières », l’Opéra National
de Lorraine a donné cet opéra en version concert.
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proche de suivre de trop près les traces de Wagner et de Massenet :
« L’opéra est l’opéra, la symphonie est la symphonie, et je ne crois pas
qu’il faille faire danser l’orchestre. » Il lui préfère Mascagni, moins subtil,
mais qu’il juge plus spontané et plus intimement lié à l’âme du peuple.
Jusqu’à la fin, il défendra la spécificité de l’art lyrique italien, convaincu
que le génie musical national, qu’il fait remonter à Palestrina, ne repose pas
sur la forme symphonique.
Un voisinage difficile
Si Verdi est devenu le chef incontesté de la musique italienne, sa réputation
internationale lui vaut une constante comparaison avec Wagner, son parfait
contemporain. Nés la même année, en 1813, ils ont vu leur réputation
s’établir dans les années 1840-1850, d’abord dans leur sphères culturelles
respectives, avant de conquérir le reste du monde, l’Ancien comme le
Nouveau. Leurs réputations nationales leur ont fait jouer un rôle politique,
au moins symbolique, dans leurs pays respectifs qui, à quelques mois près,
ont réalisé leur unification, en même temps. Les deux musiciens semblent
n’avoir éprouvé aucune empathie particulière l’un pour l’autre et ne se sont
jamais rencontrés. Verdi connaît peu, en fait, son rival dont il qualifie la
musique de « belle », mais « ennuyeuse et pesante ». En 1865, à Paris, il
entend l’ouverture de Tannhäuser : « C’est impressionnant et complètement fou ! » Son appréciation restera toujours plutôt réservée à l’égard de
Wagner : « Il choisit invariablement et inutilement la voie inexplorée,
essayant de voler là où une personne raisonnable marcherait avec de
meilleurs résultats. » Attaché à son italianità, il est sans doute agacé
d’être comparé sans cesse au maître de Bayreuth. Ce dernier, disparu avant
la création des deux derniers opéras de Verdi, avait laissé tomber, sibyllin, à propos de la Messa da Requiem en 1874 : « Il vaudrait mieux ne rien
dire ». Au décès de Wagner, en 1883, Verdi commente : « Triste ! Triste !
Triste ! […] C’est une grande personnalité qui s’en va ! Un homme qui
laisse une empreinte très forte dans l’histoire de l’Art. »
La disparition du Maître de Bayreuth ne met pas fin à la confrontation entre
les deux musiciens, aux dépens de Verdi. Certains admirateurs d’Aïda, et
surtout d’Otello, verront dans ces ouvrages, l’influence de Wagner car
l’orchestre ne se contente plus d’y accompagner le chant : le discours
orchestral atténue la distinction entre récitatifs et airs et il établit un dialogue avec les chanteurs, tout en restant au service de l’action et de la voix.
La parfaite maîtrise technique atteinte par Verdi dans ses dernières œuvres,
ne doit pas faire oublier que, dès ses premiers succès, souffle épique, passion, couleur sont présents, surtout à partir de Nabucco. Il n’est donc pas
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besoin d’invoquer une quelconque influence extérieure et une rupture entre
le langage des premiers et les derniers opéras : la coexistence de l’autonomie relative de l’orchestre avec le plein épanouissement de la ligne
vocale des solistes résulte d’une évolution continue.
Conscient que l’expression dramatique était sa force, Verdi a toujours travaillé étroitement avec ses librettistes, notamment Salvadore Cammarano,
Francesco Maria Piave et, plus tard, Arrigo Boito, s’ingérant de plus en
plus dans la rédaction des textes, refusant ce qui lui déplaît, quitte à réécrire lui-même certains passages. Mieux, il a depuis longtemps pris
l’habitude de rédiger en prose le déroulement de l’histoire avec le découpage de actes et des scènes, en fixant l’emplacement des airs, duos, trios et
ensembles, tels qu’il les conçoit, avant d’envoyer ce « monstre » à son
librettiste pour qu’il le mette en vers.
VERDI ET SHAKESPEARE
Shakespeare a été traduit très tardivement en Italie, dans les années 1830
(les premières traductions françaises datent de 1745). Le livret de l’Otello
de Rossini (1816) ne se fonde pas directement sur la tragédie de
Shakespeare, mais, comme il était de coutume en son temps, sur des
adaptations de l'époque ; I Montecchi ed I Capuletti de Bellini (1830)
s’inspire de récits anciens qui furent utilisés par Shakespeare. Verdi lit très
tôt et avec ferveur le dramaturge anglais dès son introduction en Italie. Il
possédait dans sa bibliothèque, plusieurs éditions précieuses, en langue originale et en traduction, du Grand Will. Le Macbeth de Verdi sera, en 1847,
le premier opéra inspiré par « une des plus grandes tragédies jamais écrites », de celui qu’il appelle « il papà », le père du théâtre anglais. Il saura
marier la tragédie anglaise au belcanto italien. Il avait hésité entre La
Tempête, Hamlet, et Le Roi Lear.
L’opéra fantôme
L’adaptation du Roi Lear hantera Verdi toute sa vie sans jamais aboutir.
Dès 1850, il envoie à Cammarano, le librettiste de Lucia di Lammermoor,
auteur des livrets d’Alzira, 1845, de La Battaglia di Legnano et de Luisa
Miller, 1849, du Trovatore, 1853, un synopsis de cette tragédie de
Shakespeare dont il a réduit le nombre de personnages tout en manifestant
une profonde compréhension de l’œuvre. Comme pour Macbeth, Verdi
affirme à son librettiste sa volonté de « traiter d'une manière tout à fait
nouvelle, sans aucune considération pour les conventions », ce sujet. Il
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reconnaît la difficulté de l’entreprise, mais ne la juge pas insurmontable. La
disparition prématurée de Cammarano, qui avait laissé un canevas détaillé,
ne permit pas l’aboutissement du projet. Le compositeur sollicite, en 1853,
Antonio Somma, dont il vient de faire la connaissance. Il surveille étroitement l’avancement du projet, poussant sans cesse son librettiste à condenser au maximum, car « dans l’opéra, longueur est synonyme d’ennui. ».
Pourtant, en 1855, Verdi abandonne ses esquisses pour s’atteler aux Vêpres
siciliennes, commande de l’Opéra de Paris. Il se promet d’y revenir plus
tard quand il aura plus de loisir, se persuadant que c’est aussi bien, s’il veut
« faire du Roi Lear, sinon quelque chose de nouveau, du moins de différent. » Cela restera un souhait chimérique, faute de disposer de chanteurs
adéquats. Verdi utilise des fragments de cette partition dans Rigoletto,
Simon Boccanegra, La Force du destin. Sollicité par l’Opéra de Paris, il
songe de nouveau au Roi Lear. Pour les mêmes raisons de distribution, il
préfèrera adapter le drame de Schiller, Don Carlos, créé en 1867.
Bien plus tard, après le triomphe de Falstaff à Milan puis à Rome, et le
souhait exprimé par le public d’une nouvelle collaboration entre le librettiste et le compositeur, Boito, tout en suggérant le sujet d’Antoine et
Cléopâtre dont il avait déjà adapté la tragédie en italien pour Eleonora
Duse, reprend, en secret, le Roi Lear dont il écrit la première scène sur un
nouveau livret qu’il espère plus convaincant que celui de Somma. Mais il
n’arrivera pas à convaincre le Maître d’achever les ébauches musicales
qu’il avait pourtant entreprises. Giuseppina traduisant, semble-t-il, la pensée de son époux, persuadé que Falstaff constitue une magnifique sortie
théâtrale, affirme : « Il est bien tard pour entreprendre une telle œuvre. »
Il semble que la grandeur du Roi Lear ait pétrifié sa faculté créatrice. Ce
projet, sans cesse repoussé, témoigne cependant de la constante et complexe fascination de Verdi pour Shakespeare qu’il préfère, affirme-t-il, « à
tous les dramaturges, les tragiques grecs y compris. » En 1896, il offre le
matériau de son Roi Lear à Pietro Mascagni qui s’étonne : « Maestro,
pourquoi ne l'avez-vous pas mis en musique ? » Il lui aurait répondu lentement et dans un souffle : « La scène dans laquelle Lear se retrouve dans
la lande m'a épouvanté. »
Trouver sa voix
Ces incursions shakespeariennes ont une importance dans l’évolution
musicale du compositeur : il écrit Macbeth pour l’opéra de Florence
(repoussant à plus tard I Masnadieri, prévus pour Londres, à la même
époque), parce qu’il dispose, en 1847, du baryton dont il a besoin pour le
rôle éponyme. Il invente, en effet, une nouvelle façon de chanter pour
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coller à la forte personnalité des personnages. C’est particulièrement sensible avec l’héroïne dont il exige que l’interprète n’ait pas une vocalité belcantiste afin de mieux traduire la noirceur de son âme et sa folie. Il aura le
même impératif pour La Traviata ou Le Trouvère qui demandent une
vaillance peu compatible avec l’agilité et la virtuosité pratiquées jusque là.
En 1887, Otello amène le compositeur à s’intéresser à un ténor aux possibilités vocales nouvelles par rapport à ce qu’il a écrit jusque là pour ce
registre. Falstaff le poussera à bien d’autres innovations d’écriture.
Macbeth est pour Verdi l’occasion de relever le défi que représente l’adaptation d’une telle œuvre. Il réduit de moitié la pièce originelle et rédige luimême le livret avant de l’envoyer à Piave pour versification. Il travaille six
mois à la partition, temps inhabituellement long pour lui, à ce moment de
sa carrière. Si la forme semble conforme à la tradition de l’opéra avec ses
airs bien distincts, le récitatif qui servait à les relier entre eux a disparu. Il
invente un recitativo cantando proche de la mélodie continue préconisée
par Wagner, sans qu’on puisse parler d’influence car les deux musiciens
s’ignorent. En revanche, cela correspond à une nouvelle époque pour
l’opéra devenu théâtre lyrique : le compositeur n’est plus au service des
chanteurs et c’est l’évolution du drame qui commande la forme musicale.
Macbeth manifeste pour la première fois clairement cette tendance car
Verdi doit chercher un équivalent musical à la force verbale de
Shakespeare. Tandis que Wagner théorise sa pratique du genre lyrique, son
collègue latin perfectionne la sienne en l’adaptant à ce que chaque
ouvrage exige.
UN COLLABORATEUR
D’EXCEPTION :
ARRIGO BOITO
Les organisateurs de l’Exposition universelle de
Londres de 1862 commandent, en prévision du
concert inaugural, un Hymne des Nations à
Verdi, pour représenter l’Italie, Rossini ayant
refusé la commande. Auber, Meyerbeer et
Sterndale-Bennet représentent, respectivement
la France, l’Allemagne et l’Angleterre. Par
orgueil national, -c’est sa dernière manifestation
publique d’une prise de position politique-,
Verdi et Boito, à Sant'Agata, à l'époque
de la composition de Falstaff
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Verdi accepte de composer une cantate pour ténor, afin de se distinguer des
autres qui écrivent des marches. Elle comporte un chœur et une invocation
aux trois grandes nations de l’Europe libérale, la France, l’Angleterre et
l’Italie, ce qui lui donne l’occasion d’un final audacieux où se succèdent et
s’entrecroisent, dans une ébauche de fugue, La Marseillaise, God save the
Queen et Fratelli d’Italia. L’œuvre sera finalement écartée, sous un mauvais prétexte, de la cérémonie d’inauguration. Elle aura, cependant, été
l’occasion de la première collaboration entre le compositeur et Arrigo
Boito, jeune poète de vingt ans, essayiste, également musicien, rencontré
chez leur amie commune, la comtesse Maffei. C’est à lui que Verdi confie
la rédaction de l’hymne « à la paix fécondatrice des Arts », support de sa
cantate londonienne.
Scapigliatura contre Risorgimento
Fils d’un peintre italien et d’une comtesse polonaise, doté d’une solide formation musicale (violon, piano, composition, étudiés à Milan), Boito
appartient à la bohème intellectuelle lombarde, la Scapigliatura, mouvement littéraire et artistique, parti de Milan pour s’étendre dans toute péninsule entre 1860 et 1880. Ses membres affichent le plus parfait dédain pour
la culture traditionnelle et l’esprit bourgeois. La Scapigliatura se situe dans
une recherche constante de l’innovation. Son esprit de système et l’emploi
de formules aussi vagues que creuses, « Grand Art, Révélation de Voies
Nouvelles », irritent Verdi. Boito se range du côté d’une avant-garde
menée par Franco Faccio. En 1860, les deux amis écrivent une cantate
patriotique et s’engagent auprès de Garibaldi. Faccio, lui-même compositeur d’opéra sans succès, -notamment d’un Amleto (1865), sur un livret de
Boito, tiré de Shakespeare-, préconise le drame musical à la manière de
Wagner quoique « italianisé ». Boito, auteur de recueils de poèmes et de
nouvelles, fin connaisseur du théâtre élisabéthain et de Shakespeare qu'il
traduit en italien, se passionne aussi pour les philosophes allemands, particulièrement Nietzsche et Schopenhauer. A Paris, il a rencontré Hugo,
Baudelaire : Boito se voit autant comme écrivain que comme musicien.
Pour lui, la qualité littéraire du livret est primordiale car la musique doit
épouser fidèlement le texte, conformément aux théories du théâtre musical.
Boito, proche en cela des principes wagnériens, traduit en italien les livrets
de Rienzi et de Tristan und Isolde. Le jeune homme pense donner une
démonstration de la supériorité de ses théories, en 1868, avec son
Mefistofele qui doit ouvrir une ère nouvelle dans l’histoire du théâtre
lyrique italien. Il défie ainsi Verdi et se pose en épigone de Wagner. Assez
proche de Goethe, cet opéra rompt avec l’esprit du belcanto italien. Le
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public désemparé ne suit pas et l’ambitieux projet connaît un fiasco retentissant. L’auteur s’en relèvera, sept ans plus tard, de façon éclatante, quand
il aura remanié sérieusement son opéra. Ce succès est alors salué de façon
dithyrambique dans les milieux intellectuels célébrant le progrès que représenterait l’intégration des écoles italienne et allemande.
Tout cela n’entame pas le scepticisme de Verdi qui estime que l’opéra doit
sa naissance à la Renaissance italienne. S’il salue la façon dont
l’Allemagne a modifié cet héritage pour l’adapter à sa pensée et à ses
mœurs, il ne voit pas à la nécessité d’importer cette évolution, au risque
d’abâtardir le génie italien.
Réconciliation
En 1876, Boito écrit le livret de La Gioconda, d’après Victor Hugo, pour
Amilcare Ponchielli, maître de Mascagni et de Puccini. L’œuvre obtient un
très grand succès sous la direction de Faccio. Devenu chef d’orchestre, il
s’est rapproché de Verdi qui lui a confié la première italienne d’Aïda, en
1872. Il lui renouvellera sa confiance pour la création de la révision de
Simon Boccanegra, en 1881, et pour la première d’Otello, en 1887.
Les retrouvailles de Verdi et de Boito n’allaient pas de soi. En effet, les
Scapigliati, dans leur désir de s’attaquer à la culture dominante, n’avaient
pas hésité à s’attaquer à celle issue du Risorgimento. Ils présentent Verdi
comme un homme du passé incapable d’innover. Ils le rendent responsable
du provincialisme et du retard de la musique italienne de ce temps, alors
qu’ils rêvent de faire entrer la musique symphonique et la musique de
chambre, telles qu’on la pratique dans les pays germaniques, dans la culture musicale des Italiens. Ils s’attaquent aux caciques enfermés « dans la
geôle de la vieillesse et du crétinisme », parmi lesquels les jeunes impertinents n’hésitent pas à placer les deux symboles de l’unification italienne
encore vivants : Verdi et Manzoni, le plus grand poète italien. En 1863,
Boito avait lu publiquement, en guise de toast lors d’une soirée très arrosée, une ode Alla salute dell'Arte Italiana, pour inviter les jeunes compositeurs, à élever l’art musical italien « au-dessus de l’autel souillé comme
un mur de lupanar », par le plus vénéré des compositeurs contemporains.
Verdi en fut d’autant plus profondément blessé que les jeunes Scapigliati
rejettent en bloc le patrimoine culturel et musical de l’Italie au moment où,
l’unité italienne n’étant pas achevée, le pays a besoin de se reconnaître
dans un patrimoine commun. Non qu’il ne puisse comprendre qu’on
s’intéresse à la musique de Wagner, mais il n’accepte pas qu’on veuille
l’imiter. Verdi, lui-même, a étudié et transcrit des œuvres de Mozart,
Haydn et Beethoven dont on a pu retrouver des traces dans son œuvre.
15
Mais cela se limite à des maîtres du passé et il estime que l’Italie a produit
suffisamment de génies pour ne pas chercher ailleurs des modèles.
Avec les années, Boito a cependant compris que seul Verdi était en
mesure de ramener l’Italie musicale au niveau européen. Le vieux maître a
l’intelligence d’oublier les injures passées. Peu à peu, entre Verdi et son
jeune cadet, vont se nouer des liens d’amitié et d’admiration réciproques,
en dépit de ce qui les sépare : 30 ans d’écart d’âge et des goûts musicaux
divergents. Boito restera proche du patriarche jusqu’à la fin et sera à son
chevet quand il mourra en 1901.
Grandes manœuvres
Depuis le triomphe d’Aïda au Caire, en décembre 1871, Verdi refuse de
sortir de son silence. Devenu le patriarche de Sant’Agata, lieu proche de
Busseto où il a acheté un vaste domaine, il a certes composé, à la surprise
générale, un quatuor à cordes en 1873 ; surtout, la mort de Manzoni, pour
lequel il a toujours éprouvé une véritable vénération, le décide à écrire un
Requiem qui serait en même temps une célébration de la culture italienne.
Il avait touché à ce genre religieux à la mort de Rossini, en 1868, en l’honneur duquel il avait lancé l’idée d’un Requiem collectif. Le projet échoue,
mais le Libera me Domine qui lui était échu sera réutilisé pour Manzoni.
L’ouvrage est donné l’année où il est nommé sénateur, en 1874. Persuadé
d’avoir tout dit dans le domaine lyrique, d’avoir recueilli tous les hommages possibles, il ne veut pas se risquer à un nouvel opéra.
À l’automne 1879, Ricordi et Faccio, qui rêvent de convaincre Verdi de travailler avec Boito, ourdissent un amical complot. Ils lui confient que ce
dernier travaille à une adaptation de l’Othello de Shakespeare. Verdi, qui
regardait d’assez haut le compositeur, a gardé de l’estime pour le poète qui
avait su habilement adapter ses vers à la musique de son Hymne des
Nations. Il accepte de regarder l’ébauche présentée par Boito. Sans s’engager, il l’encourage à continuer. Mais il accumule les objections et d’abord
celle de ne plus être dans l’air de ce temps dans cette l’Italie qui crée des
sociétés de musique de chambre et des orchestres « pour éduquer le public
au grand art ». Pourquoi ne pas faire « plutôt un quatuor vocal pour interpréter Palestrina et ses contemporains. Est-ce que cela ne serait pas du
grand art ? Un ensemble vocal, « c’est cela qui est italien. L’autre, c’est
de l’art allemand. » Il ajoute : « L’art est universel et personne plus que
moi ne le croit ; mais ce sont des individus qui l’exercent, et comme les
Allemands ont des moyens différents des nôtres, leur musique est différente de la nôtre. » Mozart et Haydn ont pu s’approprier les qualités de la
musique italienne tout en restant des « faiseurs de musique de chambre »,
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tandis que Rossini a pu adopter certaines formes de Mozart « tout en
restant un mélodiste », c’était le propre de leur génie. En revanche que,
« par souci de la mode, par désir de nouveauté, par affectation de savoir,
on renie notre art, notre instinct, notre façon de faire, sûre, spontanée, naturelle, sensible, éclatante de lumière, c’est absurde et stupide », tranche-t-il
sans appel. D’où son hésitation à se remettre à l’ouvrage : comment se
renouveler sans trahir ses convictions ? Comment aussi écarter la pensée
de la comparaison avec le maître de Bayreuth et l’idée de plus en plus
envahissante en Italie, que ce dernier compose « la musique de l’avenir » ?
Habilement, Boito va biaiser avec ces craintes et proposer de réviser Simon
Boccanegra, sorti du répertoire depuis 1855. Cela se fait en quelques
semaines en 1881, malgré les profonds changements apportés à l’œuvre, et
grâce à un abondant échange de correspondance qui établit entre les deux
hommes une entente féconde et durable. Verdi apporte la solidité de ses
convictions morales et culturelles ; Boito son talent de versificateur et sa
finesse dans l’analyse psychologique des personnages et un anticonformisme qui pousse le vieux maître à sortir des sentiers battus. Malgré la
différence de tempérament et de parcours, ils ont en commun un sens dramatique sûr qui les pousse à aller à l’essentiel, et un même souci de la perfection formelle. D’où leur respect mutuel, chacun étant conscient de ce
que l’autre lui apporte.
« Le projet chocolat »
Le résultat fut un succès éclatant lors de la recréation de Boccanegra dirigée par Faccio à la Scala de Milan, en mars 1881. La performance de
Victor Maurel dans le rôle titre amena Verdi à lui glisser qu’il écrirait, peutêtre, pour lui son Iago (titre primitif d’Otello). Cependant la gestation du
« projet chocolat », comme Boito et Verdi baptisent le nouvel opéra, prendra encore six ans, entrecoupée par l’écriture de quelques pièces religieuses et la révision de Don Carlos, avant la création, en février 1887 à la
Scala, d’Otello. Le triomphe fait au compositeur, après la première, fut à la
mesure de l’attente et de l’impatience du public : la manifestation de sa
ferveur ne commença à faiblir qu’au petit matin qui suivit la première
représentation en soirée. C’était la juste reconnaissance d’une réussite
exceptionnelle, fruit d’une évolution continue, sensible surtout depuis Don
Carlos. La maturation de sa réflexion sur le rapport de la mélodie et de
l’harmonie, débouche sur un discours musical continu où récitatifs et airs
s’enchaînent naturellement. Ce n’est pas pour autant que Verdi se range
derrière Wagner car la trame orchestrale reste au service de l’action et de
la voix, sans jamais trahir ce qui constitue la marque du génie verdien
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depuis bientôt cinquante ans : la passion, le souffle irrésistible, les couleurs chatoyantes, tour à tour violentes et sensuelles. Une parfaite osmose
existe entre le texte et la musique. Verdi, conscient de ce qu’il doit à Boito
qui a su l’amener à ce point de perfection, avait tenu à faire venir son librettiste sur scène pour saluer avec lui. Pendant les mois suivants une avalanche de lettres, de télégrammes et d’opuscules, célébrant la gloire du
Maestro, arrivent à Sant’Agata. Aux raisons musicales s’ajoutent aussi une
réaction identitaire au moment où une alliance de l’Italie avec l’Allemagne
risque d’entraîner une guerre avec la France. Réfractaire à l’hégémonie de
l’une et l’autre nation, le peuple italien ne peut qu’adhérer à une œuvre qui
confirme, avec un tel éclat, l’identité culturelle italienne.
Rapidement, l’œuvre est donnée dans les principaux théâtres de la
Péninsule puis à Vienne, Berlin, Paris. À chaque fois, l’accueil est délirant.
Verdi déclare, écartant tout projet de nouvel opéra : « Ma longue carrière
est désormais terminée. »
FALSTAFF
Verdi dans sa propriété de Sant'Agata où
il travaille à son dernier opéra
Retiré sur ses terres de Sant’Agata, Verdi
revient, pour son plaisir, aux sources
musicales italiennes, et se penche sur les
œuvres de Palestrina, Vincenzo Galilei du
XVIème siècle. Il travaille sur un antiphonaire grégorien, compose un Te Deum,
deuxième de ses Pezzi Sacri, un Ave Maria
choral (1889). Par ailleurs, son autre grand
œuvre est la maison de repos pour les
vieux musiciens qu’il veut édifier à Milan.
Le compositeur refuse l’idée de Ricordi et
de Boito de célébrer le jubilée, de son premier opéra, Oberto, créé cinquante ans
plus tôt. Avec les années, les amis disparaissent. Faccio, atteint de syphilis, perd la
raison avant de disparaître en 1891. Boito
reste le plus proche des collaborateurs de
Verdi et un de ses intimes avec lequel il
aime converser longuement.
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Finir en beauté
Au début de l’été 1889, l’idée d’une nouvelle collaboration pour un opérabouffe est évoquée entre les deux hommes. C’était le seul domaine où le
musicien avait une revanche à prendre depuis l’échec, en 1840, d’Un
Giorno di regno, ossia il finto Stanislao. Boito essaie de le convaincre que
le seul moyen de terminer sa carrière mieux encore qu’avec Otello, c’est
de finir victorieusement avec Falstaff, « après avoir fait résonner tous les
cris et toutes les lamentations du cœur humain, de finir par une immense
explosion d’hilarité ! C’est de les ébahir ! » Verdi s’incline : « Amen,
ainsi soit-il ! Faisons donc Falstaff ! » En 1880, déjà, Giuseppina avait
écrit à son époux : « Songe qu’à part un certain « opéra comique », tu ne
saurais devenir plus grand dans ton art. » Peut-être Verdi avait-t-il aussi
envie de faire mentir Rossini qui lui avait dit qu’il n’avait pas la veine
comique.
Le sujet proposé par Boito n’est pas inédit. The Merry Wives of Windsor de
Shakespeare ont inspiré plusieurs ouvrages : Le Vieux Coquet ou Les Deux
Amis de Louis-Auguste Papavoine en 1761 ; Die Weiber von Windsor
lustigen de Peter Ritter en 1794, Die lustigen Weiber von Windsor de Carl
Ditter von Dittersdorf en 1796 ; Antonio Salieri a composé un drama
giocoso, Falstaff, ossia Le tre burle, écrit dans l’esprit des Noces de Figaro
de Mozart, donné à Vienne en 1799. Cinquante ans plus tard, Otto Nicolai,
d’origine prussienne, présente, à Berlin, deux mois avant de mourir, Die
lustigen Weiber von Windsor, sur un livret allemand. C’est un singspiel,
comportant de nombreux dialogues, resté longtemps populaire en
Allemagne, tandis qu’ailleurs, seule son ouverture est encore jouée. On
peut y détecter les influences du Barbier de Séville de Rossini, du
Freischütz de Weber et du Songe d’une nuit d’été de Mendelssohn. Quand
la même année, en 1849, la pièce est donnée à Milan, Verdi songe à en tirer
l’argument d’un opéra-comique. Alors que le Français Adolphe Adam
compose un Falstaff en 1856, Verdi a peut-être dans les années 1860,
demandé à son librettiste d’alors, Antonio Ghislanzoni, un livret. Boito
rédige rapidement un canevas qu’il soumet au compositeur.
Une source de Jouvence
Verdi se montre enthousiaste mais renouvelle ses objections de ne pouvoir,
à son âge, se montrer à la hauteur de la qualité du livret. Il ne veut pas que
son ami sacrifie pour lui ses propres compositions et il l’incite à terminer,
d’abord, son opéra, Nerone, entrepris depuis plusieurs années. Resté
inachevé, il ne sera créé que six ans après la mort de Boito, en 1924, sous
la direction de Toscanini. Mais Verdi finit par céder aux pressions. Il pro19
pose d’acheter le livret et d’en laisser la libre disposition à son auteur si
jamais il n’arrive pas à terminer la partition. Il exige cependant que ce travail reste secret et le présente comme un simple amusement personnel.
Ricordi lui-même n’aura vent du projet qu’en 1890. En fait, Verdi se passionne pour le Pancione (Gros ventre), surnom que donnent les deux amis
à leur héros. Le musicien confie se sentir rajeunir de vingt ans et avoue,
avec jubilation, s’amuser comme un fou à écrire « une fugue buffa » dont
il ne sait pas encore la destination exacte. Mais à soixante-dix-sept ans sa
capacité de travail diminue et il passe par des moments de découragement,
accablé, de surcroît, par les disparitions successives de ses amis les plus
proches. C’est là que Boito, amical et attentif, avec autant d’intelligence
que de discrétion, se montre indispensable pour le rassurer et le persuader
de se remettre au travail. Contrairement à ses habitudes, Verdi instrumente
au fur et à mesure « de crainte d’oublier les combinaisons instrumentales »
qu’il imagine. Mais il ne supporte aucune pression extérieure : fin 1891,
alors que l’ouvrage semble très avancé, Ricordi se préoccupe de la distribution et Victor Maurel, qui a créé Iago,
veut qu’on lui réserve le rôle de Falstaff.
Verdi se rebiffe : « Falstaff n’est pas terminé, je ne supporterai pas d’engagement à
date fixe. Moi seul déciderai qui chantera
quoi et quand ». Il n’est pas sûr de vouloir
faire représenter cet opéra, ni s’il conviendrait à la Scala. Peut-être que Sant’Agata
suffirait ! Enfin, il accepte de présenter
l’ouvrage pour le début de 1893 mais à
condition d’avoir toute liberté pour le
choix des artistes et tout le temps nécessaire au travail de préparation. Il sera intransVictor Maurel, le créateur de Falstaff
igeant sur ces conditions.
Verdi met autant de soin et de passion à diriger les répétitions à Milan qu’il
en a mis à composer son opéra. De l’aveu même de Victor Maurel, elles
« furent écrasantes ». Il précise : « Le Maître s’y prodigua avec une
ardeur incroyable et nous émerveilla par son énergie ». Giuseppina, avant
même la première, écrit : « il me semble que Falstaff marque l’avènement
d’un art nouveau à partir du théâtre et de la musique ».
Le compositeur a toujours eu du mal à se séparer de ses manuscrits en les
livrant à son éditeur. Là, il éprouve le besoin de porter sur la partition une
adresse à son héros, dont les premiers mots son empruntés au livret de
Boito : « Va, vieux John, suis ton chemin pour le meilleur et pour le pire,
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sous les masques que tu porteras en différents temps et lieux… »
La première est un triomphe qu’il partage avec Boito sur la scène. Il a en
effet sa part dans cette réussite. Certains shakespeariens ne sont pas loin de
reconnaître que son adaptation des Merry Wives of Windsor est supérieure
à l’original. Délicatesse, raffinement, poésie, profondeur, invention du
texte comme de la musique s’équilibrent harmonieusement. Pour la première fois, on cesse de comparer Verdi à Wagner : on n’oppose plus l’art
méditerranéen à l’art germanique, mais on reconnaît leur complémentarité.
DE SIR JOHN AU PANCIONE
Sir John Falstaff apparaît dans un drame historique de Shakespeare, en
deux parties, datées de 1597 et 1598, Henri IV, souverain d’Angleterre de
1399 à 1413. Il s’agit d’un chevalier, lâche autant qu’obèse, compagnon de
débauche de l’héritier du trône, le Prince Hal, qui régnera, sous le nom
d’Henri V, de 1413 à 1422. C’est ce dernier qui pousse son ami aux pires
comportements pour voir comment il se tirera d’affaire. La reine Élisabeth
Ière d’Angleterre ayant apprécié le personnage de Falstaff, avait émis le souhait de le retrouver sur scène dans une intrigue amoureuse. Pour satisfaire
la souveraine, le dramaturge écrit, en deux semaines, une comédie de circonstance, The Merry Wives of Windsor, « Les Joyeuses (ou gaillardes)
épouses (ou commères) de Windsor », dont l’action semble contemporaine de l’époque de sa représentation, 1598. Le tempérament du héros,
débauché, vantard et poltron, se prête d’autant plus à une action de comédie, que l’intrigue affaiblit quelque peu son caractère originel.
Sources littéraires et historiques
Shakespeare lui avait primitivement donné l’identité de Sir John Oldcastle,
ami du futur Henri V, mais exécuté en 1417 pour hérésie et haute trahison.
Sous la pression des descendants de ce dernier, le dramaturge dut changer
son nom contre celui de Falstaff. Il emprunterait ses traits, et son identité,
à Sir John Falstoff qui a vécu de 1378 à 1459. Aux côtés du roi Henri V, il
a participé à la bataille d’Azincourt en 1415. Devenu gouverneur du Maine
et de l’Anjou, il est battu en 1429, à la bataille de Patay où il aurait fait
preuve de lâcheté. On a évoqué également, comme modèle possible, un
tenancier de taverne, Fastolfe. Shakespeare en fait un noble ruiné, sans
moralité ni courage, paillard et buveur. Dépenaillé, sale, gras, chauve et
vieux, il incarne le côté le moins reluisant de la nature humaine, mais il
n’apparaît pas totalement antipathique car il est plus amoral que vicieux :
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c’est son terrible appétit de vivre qui le pousse à satisfaire tous ses penchants. On lui pardonne son côté Matamore pour son sens de la répartie qui
met les rieurs de son côté. Lamartine voyait en Falstaff le « don Quichotte
de la forfanterie ». Il n’oublie jamais complètement sa dignité, tout en
subvertissant les valeurs aristocratiques comme celles de l’honneur.
Shakespeare, en le mêlant à une intrigue bourgeoise, dans les Merry Wives
of Windsor, lui fait perdre de sa superbe puisqu’il devient la dupe de tous
les autres personnages, alors qu’il savait rester séduisant dans les drames
historiques.
Shakespeare avait promis, dans l’épilogue d’Henri IV, de raconter la suite
de ses aventures. Mais, peut-être parce que le seul artiste capable de
l’incarner avait quitté la troupe, il se contentera, dans Henri V, donné en
1600, de faire raconter sa mort, par Mrs Quickly, devenue épouse de
Pistola, et hôtesse de la taverne « La Hure du Sanglier », quartier général
de Falstaff, du prince héritier et de leurs acolytes. Une fois monté sur le
trône, le nouveau roi a jeté son ancien compagnon de beuverie en prison où
il meurt et fait pendre Bardolfo pour vol de ciboire. Henri V, précédé par
Richard II et les deux parties d’Henri IV constitue le dernier volet d'une
tétralogie qui forme une sorte d’épopée nationale sur la formation du
royaume d’Angleterre.
De Shakespeare à Boito
Boito commence par condenser et clarifier l’action en réduisant le nombre
des protagonistes : Fenton, l’amoureux de Nannetta, dont on oublie de
nous dire que, noble ruiné, il est d’abord intéressé par sa dot, avait non seulement pour rival le docteur Cajus mais aussi Abraham Slender, le cousin
sot et rustre du juge Robert Schallow. Le médecin, qui perd son identité
française et son accent anglais épouvantable (difficile à rendre dans une
traduction italienne !), récupère certains traits de caractère de ces deux
derniers. Disparaît également l’intrigue burlesque entre Cajus et le curé
Hugh Evans, personnage supprimé, comme Nym, le troisième acolyte de
Falstaff. Le cabaretier n’est plus qu’un rôle muet. Mrs Quickly, servante du
docteur Cajus, intrigante douteuse, devient une simple voisine complaisante dans l’opéra, amusée par une bonne plaisanterie. Supprimé également le mari de Meg, George Page, ainsi que son fils William et sa fille,
Ann Page, devient Nannetta, la fille des Ford. Falstaff, dans Shakespeare,
subit trois humiliations successives de la part des commères, ce qui multiplie d’autant les retours de Mrs Quickly pour le faire tomber dans un nouveau piège. Avec plus de vraisemblance, l’opéra n’en retient plus que deux.
Boito écarte l’épisode central où Falstaff, déguisé en vieille dame, est
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battu. Il épargne mieux ainsi ce qui reste de dignité au héros. Chacun des
trois rendez-vous galants était précédé par une rencontre entre Falstaff et
Ford, suivie d’autant de tirades furieuses du mari. Boito en fait la synthèse
dans l’air de sidération de Ford (E sogno ? o realtà ?), à la fin de la scène
1 de l’acte II. C’est à l’époux d’Alice que Sir John racontait sa chute dans
la rivière, récit devenu le soliloque désabusé du héros, à l’acte III, scène 1
de l’opéra.
Le resserrement de l’intrigue chez Boito va dans le sens de l’intérêt dramatique et de l’efficacité comique. Chacun des trois actes se découpe en deux
tableaux, le premier toujours situé à l’Hôtellerie, fief de Falstaff, le second
dans le domaine des commères (environs, ou intérieur de la maison Ford),
ou étant choisi par elles (Parc de Windsor). Le parallélisme entre les actes
crée une impression de parfait équilibre, en même temps qu’il ménage une
progression de l’action qui comble l’attente du spectateur. L’atmosphère
pseudo-fantastique de la dernière scène apporte un achèvement quasi métaphysique à la défaite de Falstaff.
En reprenant l’intrigue des Joyeuses Commères, Boito va enrichir le héros
de la comédie de traits empruntés au personnage de Falstaff présent dans
les deux parties d’Henri IV : le monologue sur l’honneur dérive, pour sa
seconde partie, du catéchisme de l’honneur professé par Falstaff avant la
sanglante bataille de Shruewsbury. D’où les allusions aux blessures, surprenantes dans le contexte de l’opéra. Celle au jeune page séduisant, qu’il
a été, vient également de deux brèves harangues des drames historiques.
Son monologue du troisième acte prend ses sources dans la comédie
comme dans les drames. Mais Boito invente la scène du paravent derrière
lequel se cachent Fenton et Nannetta. Les arias qu’il leur prête au dernier
acte doivent certains éléments à Romeo et Juliette et à certains sonnets de
Shakespeare ; les métaphores sur le baiser, au premier et troisième actes,
sont puisées dans Le Décaméron de Boccace. Quant à la formule conclusive, « Tutto nel mondo è burla », elle se rapproche de « L’univers entier
est un théâtre » de Comme il vous plaira. Boito retourne également vers la
source italienne dont Shakespeare paraît s’être servi pour sa comédie : un
recueil d’une cinquantaine de nouvelles de Giovanni Fiorentino, Il
Pecorone, écrit entre 1378 et 1385, et publiées en 1558.
Boito ne se contente pas de faire un simple travail d’adaptateur. Il crée une
œuvre personnelle.
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L’INTRIGUE
L’action se passe dans l’Angleterre du XVème siècle à Windsor. L’opéra est
divisé en trois actes, comportant chacun deux tableaux.
Acte I
Premier tableau : Une salle de l’Hôtellerie de la Jarretière
Un orchestre éclatant, débordant d’une truculente fantaisie, introduit en
quelques brèves mesures, l’interpellation furieuse du docteur Cajus (ténor)
à l’adresse de Sir Johan Falstaff (baryton), chevalier à la taille devenue gargantuesque à force de ripailles, et de ses peu recommandables acolytes,
Bardolfo (ténor) et Pistola (basse). Cajus accuse le premier d’avoir
molesté ses domestiques et les seconds d’avoir tenté de le voler après
l’avoir enivré. Il est promptement éconduit par ces derniers, alors que
Falstaff feint de rendre la justice en grand seigneur. Le contraste entre la
solennité apparente du juge et la désinvolture de l’arrêt souligne la parodie.
Après le départ de Cajus, Falstaff donne à ses compagnons un cours sur
l’art de voler (Rubar con garbo e a tempo). Les trois compères, qui ont fait
de l’Hôtellerie leur quartier général, reviennent à leurs problèmes pécuniaires. Falstaff reproche aux deux autres de trop dépenser (So che se
andiam) et leur confie ses projets pour se renflouer. Persuadé que les
épouses de deux riches bourgeois, Alice Ford et Meg Page, sont éprises de
ses charmes (V’e noto un tal, qui del paese), il a écrit une lettre passionnée
à chacune d’elles. Mais Bardolfo et Pistola refusent de porter les lettres en
invoquant les scrupules de leur honneur. Falstaff les congédie à grands
coups de balai, non sans les avoir raillés dans un sermon sur la faillite de
l’honneur (L’Onore ! Ladri ! ), qui sonne un peu comme le Credo d’un
Iago bouffon. La drôlerie du propos réside dans son dévoiement : on attendrait une défense et illustration de cette valeur hautement aristocratique,
mais l’argumentation est purement ramenée aux nécessités les plus basses.
L’orchestre souligne plaisamment les incongruités que l’on entend par des
ruptures de la ligne mélodique et des sonorités discordantes.
Deuxième tableau : Un jardin près de la maison des Ford
Alice (soprano), et Meg (mezzo-soprano) découvrent qu’elles ont reçu la
même lettre de Falstaff (Fulgida Alice ! amor l’offro). En un bref quatuor
syllabique, malicieux, presque sans accompagnement (Quell’otre ! quel
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tino !), les deux femmes, en présence de Mrs Quickly (contralto), et de
Nannetta (soprano), fille d’Alice, jurent de se venger du butor. Quand elles
sont sorties, Ford (baryton), Fenton (ténor), amoureux de Nannetta, le Dr
Cajus, entrent avec Bardolfo et Pistola qui, pour se venger du chevalier,
viennent de révéler à Ford les vues de Falstaff sur sa femme. Au quintette
plein de vivacité des hommes succèdent deux interludes, langoureux à
souhait, chantés par les deux amoureux, Fenton et Nannetta, laissés seuls
un instant (Labbra di foco ! Labbra di fiore !). Ils sont interrompus par les
commères revenues pour décider que Mrs Quickly se rendrait à l’Hôtellerie
pour organiser un rendez-vous entre Sir John et Alice. Ignorant cette
machination, Ford décide que Bardolfo le présentera à Falstaff sous un
faux nom pour lui tendre un piège. Le tableau se termine par un ensemble
où se superposent le quatuor des femmes, se délectant à l’avance de la
déconfiture de Falstaff, et le quintette des messieurs, tout à leur soif de vengeance (Del tuo barbaro diagnostico). C’est comme une reprise, aux effets
démultipliés, du fameux quatuor de Rigoletto. Les femmes restées seules
se rient du vieux chevalier et de sa vaniteuse présomption.
Acte II
Premier tableau : Une salle de l’Hôtellerie de la Jarretière
Après une introduction burlesque de l’orchestre. Bardolfo et Pistola, feignant le repentir (Siam pentiti), reprennent leur service auprès de Falstaff
et introduisent Mrs Quickly. Celle-ci, outrant ses marques de respect
(Reverenza), arrête un rendez-vous entre Falstaff et Alice, entre les deux et
trois heures (Dalle due alle tre), pendant l’absence du mari. Le voici justement, présenté sous le nom de Fontana par Bardolfo à Falstaff qui n’a eu
qu’un bref instant pour se laisser aller, dans un court arioso, à un monologue de satisfaction (Alice è mia ! Va vecchio John). Le pseudo Fontana
se prétend un amoureux dédaigné par Mme Ford et demande au chevalier
de la séduire afin qu’il lui soit plus facile, ensuite, d’obtenir ses faveurs.
Falstaff lui révèle son prochain rendez-vous avec Alice. A cet effet, Falstaff
se retire pour se préparer ; Ford, resté seul et se croyant trahi, laisse éclater sa fureur contre la prétendue infidélité des femmes (È sogno ? o realtà ?), dans un arioso véhément. Il jure de se venger. Falstaff revenu habillé
avec recherche -le violon souligne plus ce qu’il pense être que ce qu’il est
réellement-, les deux hommes sortent après de multiples politesses pour
céder le pas à l’autre, avant de décider de « passer ensemble ».
Deuxième tableau : Une salle dans la maison des Ford
Mrs Quickly rapporte aux autres femmes son entrevue avec Falstaff avec
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une minutie humoristique (Giunta all’albergo) qui met en joie ses auditrices. Seule Nannetta reste étrangère à l’hilarité générale comme l’indiquent
le hautbois et les cordes formant un contraste mélancolique : son père veut
lui faire épouser le docteur Cajus. Alice lui assure qu’il n’en sera rien. Elle
prépare la pièce pour la visite attendue (Gaie comari di Windsor !), en plaçant une corbeille à linge près de la fenêtre. Arrive Falstaff conquérant, sur
une musique extrêmement élégante sans caricature et accueilli par une
Alice jouant romantiquement du luth. Comme la jeune femme se moque de
sa corpulence, Falstaff évoque le page fluet qu’il a été autrefois
(Quand’ero paggio), souvenir emprunté à Henri IV par Boito. Mrs Quickly
surgit pour annoncer la venue de Meg, ce qui force Falstaff à se cacher derrière un paravent. Celle-ci informe les commères que Ford arrive en fureur
et jurant vengeance. Il fait irruption, flanqué de Cajus, Bardolfo, Pistola,
Fenton et de quelques voisins. Ici commence un mouvement endiablé traduisant la course poursuite des personnages. Le mari fouille vainement la
pièce, vidant même la corbeille à linge, puis sort pour inspecter le reste de
la maison. Les femmes font entrer alors Falstaff dans la corbeille et le
recouvrent de linge sale. Un motif rapide de l’orchestre traduit la course à
travers la maison, passant d’un registre à l’autre, circulant d’un instrument
à l’autre, dans un tourbillon qui semble ne devoir jamais prendre fin.
Fenton et Nannetta profitent que tous soient occupés ailleurs pour se glisser derrière le paravent libéré. Moment de calme précaire : Ford, revenu
avec ses hommes et percevant le bruit d’un baiser, se persuade qu’Alice et
Falstaff se cachent derrière le paravent. Tous tentent de les surprendre par
un mouvement tournant et convergent et ce sont les deux jeunes gens qu’ils
démasquent, à la grande fureur de Ford. Bardolfo croyant avoir aperçu
Falstaff plus loin, les hommes se remettent en chasse. Alice appelle alors
ses serviteurs pour faire jeter par la fenêtre le contenu du panier dans la
Tamise. Elle montrera, à Ford, Falstaff pataugeant dans la rivière pour lui
dévoiler toute l’affaire. Suit une superbe fanfare en ut majeur des cuivres
finales rappelant la fin de la scène de l’auto-da-fé de Don Carlos auquel
Verdi a retravaillé de 1886 à 1888.
Acte III
Premier tableau : Une place devant l’Hôtellerie de la Jarretière
C’est le seul acte commençant par un prélude, rapide figure rythmique,
exposée d’abord aux basses, et qui s’élève crescendo, suggérant Falstaff
s’ébrouant au sortir de l’eau. Falstaff, frigorifié autant qu’humilié, assis sur
un banc, exprime son humeur très sombre après l’injure subie, en un
arioso parlante sur un fond de bois graves lugubres (Ehi ! Mondo ladro,
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mondo ribaldo). Il réclame du vin chaud pour se réchauffer. Bientôt, grâce
à lui, il retrouve toute sa jovialité, sa suffisance, exprimées par un trille
gigantesque, parti de la flûte pour gagner tout l’orchestre donnant un effet
revigorant. Survient Mrs Quickly porteuse d’une lettre d’Alice destinée à
prouver que tout cela résulte d’un regrettable malentendu. Un nouveau
rendez-vous est pris le soir même, à minuit, dans le parc de Windsor, près
du chêne du mythique Chasseur noir qui s’est pendu à une de ses branches.
Son fantôme est censé hanter depuis les lieux. Aussi, Falstaff devra-t-il
porter les cornes de sa coiffure, au cas où il serait vu. Tandis que Falstaff
et Mrs Quickly rentrent dans l’auberge pour poursuivre leur discussion,
dans un subtil effet de fondu-enchaîné sonore, Alice, qui a suivi de loin la
conversation avec Meg, Nannetta, Ford, le Dr Cajus et Fenton, reprend les
dernières paroles de Mrs Quickly et poursuit le récit de la légende du
Chasseur noir (Quando il rincotto della mezzanotte). Elle met au point la
mascarade nocturne destinée à se jouer une dernière fois de Falstaff : ils se
déguiseront en fées et lutins comme dans la légende. En aparté, Ford promet à Cajus la main de sa fille pour le soir même. Mais Mrs Quickly, sortant de l’auberge surprend leur conversation sans être vue d’eux.
Deuxième tableau : le parc de Windsor
Le clair de lune baigne le parc et on entend au loin le cor du garde-chasse
qui précède, à l’orchestre, une réminiscence de la phrase d’amour chantée
par Nannetta et Fenton à l’acte I. Ce dernier arrive le premier et chante un
sonnet, développé comme un air véritable, rapprochant les baisers et la
musique (Dal labro il canto estasiato vola). Nannetta lui répond. Falstaff
entre bientôt enveloppé dans une vaste cape et de grands bois de cerf fixés
sur sa tête. Il compte les douze coups de minuit, chacun harmonisé à
l’orchestre. Alice le rejoint et il entreprend de la séduire. Mais un cri au
secours de Meg fait fuir Alice qui prétend que les fantômes arrivent.
Croyant entendre les voix des fées, Falstaff se jette face contre terre pour
se protéger. Nannetta déguisée en Reine des fées, entourée d’enfants
également costumés, chante un chant féérique (Sul fil d’un soffio etesio),
second véritable air, enveloppé de sonorités irréelles de l’orchestre. Tous
accourent, masqués et déguisés et se jettent sur Falstaff, terrorisé, qu’ils
lardent de coups avec des incantations burlesques auxquelles orchestre, et
ligne de chant redonnent toute leur verve terrifiante (Pizzica, pizzica). Sur
le ton plaisant d’une oraison religieuse, Falstaff demande grâce pour son
abdomen. Ford se fait connaître de lui comme le mari d’Alice. Falstaff,
redevenu grand seigneur, reconnaît qu’il a été coupable et agi comme un
imbécile. Il fait contre mauvaise fortune bonne figure et se flatte d’être
27
celui dont l’esprit « fait l’esprit des autres », nouvel emprunt à Henri IV.
Ford annonce qu’il va marier sa fille à Cajus et accepte, à la demande
d’Alice de bénir un second couple qui s’avance voilé sur le rythme d’un
lent menuet. À l’issue de la brève cérémonie, les masques et les voiles
levés, Ford découvre qu’il a uni sa fille à Fenton et Cajus à Bardolfo
(déguisé en fée). Il reconnaît sa défaite. Falstaff le raille, « Qui est la dupe
maintenant ? » et invite alors tous les personnages à tirer, en riant, la
moralité de la comédie : Tutto nel mundo è burla « Le monde est une
farce». Le finale célèbre la réconciliation de tous, en une éblouissante
fugue burlesque, en ut majeur, à dix parties. Lancée par Falstaff, l’un après
l’autre, tous les personnages y entrent à leur tour, ainsi que les chœurs,
mettant un point final magistral à cet ultime opéra de Verdi.
LES CARACTÈRES
Le Pancione
Le personnage de Falstaff est magnifié, amplifié par la musique : l’utilisation de la voix de fausset pour évoquer le désir supposé d’Alice pour ses
charmes, souligne, plus encore que le texte, l’incongruité du propos ; ses
rodomontades devant le faux Fontana (traduction littérale pour le
Mr Brook d’origine) sur sa détermination à cocufier de belle manière Ford,
sont d’autant plus drôles que le discours est porté par le rythme allègre de
la musique. Celle-ci ne souligne pas seulement le sens des mots, elle peint
l’enthousiasme qui transporte Falstaff à cet instant. Après la visite de
Mrs Quickly, son cri de triomphe, rajouté par Boito, « Alice è mia », renforcé par un orchestre aux sonorités éclatantes, exprime toute sa fatuité.
Le Falstaff de Boito a gardé le sens de la répartie de son modèle : d’entrée,
à l’accusation de Cajus d’avoir éreinté sa jument, il rétorque « Mais pas ta
gouvernante ». Avec effronterie, il assume tous ses méfaits et, avec une
apparente générosité, ceux de ses valets. Le docteur sorti, il éclate en
reproches contre eux. Plus que sa réputation, il se soucie d’entretenir, avec
force vin et volailles, son énorme bedaine dont il assure qu’elle est « son
royaume » et son plus grand atout de séduction auprès des dames. C’est
d’autant plus comique que cette image narcissique se heurte à celle qu’en
donnent les autres personnages : outre, baril pour Alice ; gredin, fourbe,
voleur, coquin, Turc, vandale, pour Cajus ; crapule, scélérat pour Ford ;
pour tous, un couard. La mise en scène finale destinée à le plonger dans la
plus grande frayeur, avant qu’il ne soit rossé à plaisir, trouve là sa justifi28
Croquis de la première de Falstaff à la Scala.
29
Falstaff et son page,
Adolf Schrödter, 1867
Falstaff et son page,
Adolf Schrödter, 1867
30
Portrait de Verdi, artiste inconnu
Tito Gobbi dans le rôle de Falstaff
Frontispice de l'édition Ricordi
Victor Maurel dans le rôle de Falstaff
31
celui dont l’esprit « fait l’esprit des autres », nouvel emprunt à Henri IV.
Ford annonce qu’il va marier sa fille à Cajus et accepte, à la demande
d’Alice de bénir un second couple qui s’avance voilé sur le rythme d’un
lent menuet. À l’issue de la brève cérémonie, les masques et les voiles
levés, Ford découvre qu’il a uni sa fille à Fenton et Cajus à Bardolfo
(déguisé en fée). Il reconnaît sa défaite. Falstaff le raille, « Qui est la dupe
maintenant ? » et invite alors tous les personnages à tirer, en riant, la
moralité de la comédie : Tutto nel mundo è burla « Le monde est une
farce». Le finale célèbre la réconciliation de tous, en une éblouissante
fugue burlesque, en ut majeur, à dix parties. Lancée par Falstaff, l’un après
l’autre, tous les personnages y entrent à leur tour, ainsi que les chœurs,
mettant un point final magistral à cet ultime opéra de Verdi.
LES CARACTÈRES
Le Pancione
Le personnage de Falstaff est magnifié, amplifié par la musique : l’utilisation de la voix de fausset pour évoquer le désir supposé d’Alice pour ses
charmes, souligne, plus encore que le texte, l’incongruité du propos ; ses
rodomontades devant le faux Fontana (traduction littérale pour le
Mr Brook d’origine) sur sa détermination à cocufier de belle manière Ford,
sont d’autant plus drôles que le discours est porté par le rythme allègre de
la musique. Celle-ci ne souligne pas seulement le sens des mots, elle peint
l’enthousiasme qui transporte Falstaff à cet instant. Après la visite de
Mrs Quickly, son cri de triomphe, rajouté par Boito, « Alice è mia », renforcé par un orchestre aux sonorités éclatantes, exprime toute sa fatuité.
Le Falstaff de Boito a gardé le sens de la répartie de son modèle : d’entrée,
à l’accusation de Cajus d’avoir éreinté sa jument, il rétorque « Mais pas ta
gouvernante ». Avec effronterie, il assume tous ses méfaits et, avec une
apparente générosité, ceux de ses valets. Le docteur sorti, il éclate en
reproches contre eux. Plus que sa réputation, il se soucie d’entretenir, avec
force vin et volailles, son énorme bedaine dont il assure qu’elle est « son
royaume » et son plus grand atout de séduction auprès des dames. C’est
d’autant plus comique que cette image narcissique se heurte à celle qu’en
donnent les autres personnages : outre, baril pour Alice ; gredin, fourbe,
voleur, coquin, Turc, vandale, pour Cajus ; crapule, scélérat pour Ford ;
pour tous, un couard. La mise en scène finale destinée à le plonger dans la
plus grande frayeur, avant qu’il ne soit rossé à plaisir, trouve là sa justifi28
Croquis de la première de Falstaff à la Scala.
29
toutes ses potentialités à la fois. Soumis à une double postulation, quasi
pascalienne, il pourrait incarner la grandeur et la misère de l’homme privé
d’un surmoi, sinon de grâce divine. La dimension métaphysique ayant
déserté la société actuelle, c’est la déchéance sociale qui intéresse les
metteurs en scène d’aujourd’hui. Déclassé, voire broyé par la collectivité,
son aventure serait alors moins burlesque que désespérée. Ce qui est sûr,
c’est que le personnage, sans atteindre une dimension tragique, ne peut
davantage être réduit à celle du grotesque.
C’est cet entre-deux, délicat à maintenir, qui fait l’originalité du personnage et qui le rend si vivant. Sa richesse et sa profondeur tiennent à
cette capacité à refléter sinon l’âme humaine, du moins l’air du temps.
D’où la difficulté pour interpréter ce rôle, au double sens de compréhension et de jeu théâtral. Trop de ses interprètes sont tentés de ne rendre que
l’aspect superficiel, et s’en tiennent à une néfaste routine et à des effets
faciles.
Les commères
Chez Shakespeare, Alice et Meg sont de gaillardes bourgeoises acharnées
contre leur victime, à la limite de la cruauté. Dans l’opéra, elles sont plus
ludiques et spontanément solidaires contre un Falstaff impudent. Alice, par
sa tendre complicité avec Nannetta pour contrer la volonté de son mari, est
bien plus maternelle que la Meg Page de la comédie décidée à obliger Ann
à épouser le ridicule Cajus, quand son mari veut la marier au stupide
Slender. Alice, prend un plaisir évident à jouer les épouses volage. Elle ne
semble pas mécontente de donner une leçon à son époux autant qu’au
Chevalier. C’est elle qui mène le jeu dans la dernière scène pour berner
Falstaff, puis son époux au sujet du mariage de sa fille. Dans une
atmosphère digne du Songe d’une nuit d’été, c’est elle la véritable fée, le
deus ex maquina grâce à qui tout rentre dans l’ordre.
Mrs Quickly joue le rôle, en apparence classique, de l’entremetteuse. Sa
rouerie relève du second degré car elle ne cherche pas un profit personnel
et agit par solidarité féminine. Grâce à elle, la décision de Fenton d’unir
Nannetta à Cajus échoue. Sans doute ne déplaît-il pas à la commère de
jouer un bon tour au ridicule Falstaff qui doit la regarder de haut. La jubilation et la solidarité de toutes ces femmes trouvent leur source dans leur
volonté de triompher de la vanité des hommes qui les blessent si souvent.
Nannetta et Fenton
Les deux amoureux ont également été modifiés en profondeur par Boito.
Outre le changement d’identité Ann Page/Nannetta Ford, on notera la
34
modification des sentiments éprouvés : dans la comédie, dans un premier
temps, seuls les rapprochent les vues de Fenton sur la dot de la jeune fille
et le désir de celle-ci d’échapper à ses deux autres prétendants. Boito transforme les jeunes gens en ardents amoureux, les dotant de toute la grâce et
de la naïveté de sentiments de l’adolescence. Il accentue ainsi le contraste
avec les autres personnages. Mais ils sont bien loin d’être des amoureux
transis, comme le suggèrent les paroles échangées derrière le paravent à
l’acte II ou celles empruntées à Boccace par Fenton au début du III :
« Bocca baciata non perde ventura » (« Bouche baisée heur point ne
perd »). Nannetta fait partie, dès l’acte I, des commères comploteuses : elle
réclame de prendre sa part dans le piège tendu au chevalier. Loin d’être une
oie blanche, c’est elle qui la première suggère de le jeter à l’eau et conseille
l’envoi d’une ambassade auprès de Falstaff plutôt que de lui répondre par
écrit. La musique impartie aux deux jeunes gens crée un climat éthéré,
mais aussi une tension, voire une distorsion, entre le propos amoureux
exprimé, dépourvu de mièvrerie, et la ligne mélodique d’une suavité telle
qu’on peut s’interroger sur une intention parodique sous-jacente de la part
du compositeur. Verdi a, sans aucun doute, voulu faire de cet amour juvénile un contrepoint rafraîchissant aux convoitises libidineuses de Falstaff,
comme aux sentiments violents des uns et des autres. Les envolées lyriques
des jeunes amoureux, offre des moments de pause bienvenus dans le tourbillon de l’action et le déchaînement des fureurs des uns et des autres. Les
tourtereaux constituent l’unique exemple d’élan sincère dans cet univers de
faux-semblants. Mais Verdi et Boito choisissent de le traiter sur un mode
archaïque (vers empruntés à Boccace, tempo de menuet pour le cortège
nuptial). Est-ce nostalgie d’un univers sentimental qui ne peut appartenir
qu’au temps, éphémère, de l’adolescence ou à celui, chimérique, des contes
de fées ? Faut-il comprendre que les échappées des deux jeunes gens, hors
de la course poursuite générale, puis pourchassés à leur tour, signifie que
la quête du bonheur est un leurre pour tous ?
Ford
Epoux et père berné, il partage cette situation avec le Philippe II de Don
Carlos. Ford a peu à voir avec les figures paternelles de Verdi qui, pour la
plupart, s’opposent au choix amoureux de leur progéniture, même si cela
ne va pas sans interrogations et sans souffrance personnelle, y compris
chez Philippe II. Rien de tel ici : Ford appartient à l’univers de la comédie
et aux pères obtus, façon Molière, qui finissent par être joués par ceux-là
mêmes à qui ils pensaient imposer leur volonté. Ford, à défaut d’avoir
« deux bois énormes » qui poussent sur sa tête, comme il le craint, est bel
35
et bien dupé par le camp des femmes. Pis, au dernier acte, il est humilié
devant Falstaff qui se moque de lui à son tour. Ses accès de colère sont trop
excessifs pour qu’on le prenne en pitié. On peut relever un effet de mise à
distance entre la musique grave qui accompagne son monologue de l’acte
II, 1 (E sogno ? o realta…) et son propos plutôt burlesque, avec sa récurrente obsession des cornes. Il est finalement le pendant bourgeois du chevalier déchu : l’argent et le sens des convenances ne le mettent pas à
l’abri du ridicule.
Les acolytes
Bardolfo et Pistola sont deux gredins plutôt sympathiques et pas complètement stupides. On leur pardonne leurs excès car ils rejoignent le camp du
« Bien », en entravant les projets amoureux de Falstaff et en favorisant
ceux de Fenton et de Nannetta. Faire-valoirs de Sir John, les deux
ivrognent permettent de jauger la déchéance du chevalier, puisqu’il se
commet avec eux, tout en permettant, cependant de mesurer la distance qui
le sépare d’eux
Au total personne n’est totalement odieux, personne n’est vraiment parfait.
En somme, ils sont tous simplement humains. On peut comprendre alors la
réflexion de la Duse, à son amant Boito : « Comme ta comédie est
triste ! »
FALSTAFF, UN OPÉRA POLYPHONIQUE
Depuis qu’il songe à abandonner l’opéra et qu’il défend la musique italienne contre l’influence wagnérienne, Verdi appelle à revenir aux leçons de
Palestrina, ce musicien du XVIème siècle, qu’il considère comme la source
de l’art vocal national. On peut retrouver dans la partition des formes musicales dérivées de la musique religieuse vers laquelle revient Verdi dans ses
derniers travaux.
La tentation de la fugue
L’Hymne des Nations se terminait par une fugue. Dix ans plus tard, les
représentations d’Aïda étant retardées à cause de la maladie de l’interprète
principale, Teresa Stolz, Verdi trompe le temps en écrivant un quatuor à
cordes dont le quatrième mouvement est un « Scherzo Fuga ». On ne saurait oublier l’impressionnant « Dies irae » de la Messa da Requiem de
36
1874 qui emprunte la forme d’une fugue.
Par deux fois, au premier tableau de l’acte I, Bardolfo et Pistola, pour
saluer la décision de Cajus, rendu furieux, de quitter les lieux, entament un
Amen moqueur. Il s’agit d’une esquisse de fugue brutalement interrompue
par Falstaff, chatouilleux sur la qualité musicale de ce qu’il entend. Cet
essai avorté sera triomphalement transformé dans la fugue finale du dernier
acte. Dans un effet d’image inversée par un miroir, c’est Falstaff qui en
lance la première note. Au chant à contretemps du premier acte répond la
parfaite maîtrise rythmique du dernier.
On peut dénombrer d’autres clins d’œil à d’autres pratiques musicales de
l’Église. Par exemple, ce duo a cappella, et à l’unisson, au début de l’acte
II, des deux sbires, Bardolfo et Pistola, venus hypocritement faire repentance auprès de Falstaff. Cette supplique burlesque se termine sur une sorte
de sanglot, comiquement souligné par l’orchestre qui se fait de nouveau
entendre à ce moment-là. Le repentir final de Falstaff prend nettement la
forme d’une litanie suppliante.
La construction chorale
Ce qui frappe surtout dans cet opéra, c’est le nombre important des ensembles qui, à chaque acte, établit un parallèle entre le chassé-croisé vocal et
les allées et venues des personnages. Le plus remarquable se situe dans la
seconde partie de l’acte I. Le quatuor des femmes cède la place au quintette des hommes. Les deux groupes se font écho sur des tons différents. En
réaction aux entreprises de séduction de Falstaff, les commères élaborent
un piège qui les réjouit à l’avance ; le mari et ses complices fomentent de
sombres projets qui exaltent leur fureur. Les premières sont accompagnées
par deux hautbois et de deux clarinettes qui soulignent la gaieté du propos ;
les seconds s’expriment sur un rythme précipité propre à traduire le tumulte de leurs esprits. L’accompagnement orchestral prend des tons plus violents et sombres, quand il ne se tait pas, au moment où Bardolfo et Pistola
font allégeance à Ford pour trahir Falstaff. Seul un coup de timbales ponctue leur pacte. Les deux amoureux se détachent de chacun des groupes
pour un échange amoureux à l’écart des autres, avant que les deux clans se
reforment, en continuant à s’ignorer. Seule la construction polyphonique
les réunit, chacun suivant sa ligne mélodique et son propos. La superposition, particulièrement complexe, des deux ensembles masculin et féminin,
coupé par le duo mixte des amoureux, est une réussite d’un mécanisme
parfait. L’acte s’achève sur un petit quatuor des femmes.
Cette construction savante n’a rien de surprenant quand on sait que, dans
cette dernière partie de sa vie, Verdi est revenu à l’étude des musiques
37
polyphoniques du XVIème siècle italien. On peut trouver une saveur humoristique à l’usage qu’il en fait.
Les motifs récurrents
Le retour répétitif, à l’acte II, de l’allègre Alla due alle tre, ne relève pas du
simple leitmotiv. Énoncé d’abord par Mrs Quickly (sur un motif qui
rappelle sa première phrase à l’acte I, 2 pour saluer les autres commères :
« Buon di comare »), répété par Falstaff, il est repris par l’orchestre,
comme un contrepoint ironique. Il semble railler les espoirs éveillés chez
le chevalier et souligner la satisfaction de la commère surveillant l’effet
produit par ses paroles. Ford répète cette même expression, dans une exclamation étouffée, quand Falstaff lui révèle son prochain rendez-vous avec
Alice. Si la mélodie est la même, le ton diffère à cause de la fureur qui saisit l’époux. Le motif réaparaît à l’acte suivant, quand Mrs Quickly rapporte aux autres femmes, mot pour mot, sa conversation avec Falstaff. Ainsi
les paroles et les notes, véritables furets, courent d’un personnage à
l’autre, se font écho et se propagent d’acte en acte. On pourrait faire la
même remarque au sujet de la série de Reverenza qui ouvre la rencontre
entre Mrs Quickly et Falstaff au début de l’acte II. Le thème, repris à
l’orchestre notamment au moment où la commère se retire, se retrouve
aussi dans le récit de Mrs Quickly à Alice et Meg, à la scène 2 de l’acte II.
Quand la perfide messagère vient, à l’acte III revoir Falstaff, son Reverenza
ne peut que le mettre en fureur. Elle le répète une dernière fois, dans la
scène finale, quand les masques tombent, et la charge ironique du mot
prend alors toute sa force.
La seconde partie de l’acte I s’ouvre sur un air vif de tarentelle à la petite
harmonie, repris à la fin de l’acte dans un tutti triomphal de l’orchestre. Si
l’ouverture du tableau annonçait la nature joyeuse des commères, le
dénouement est une sorte de prélude à leur triomphe prochain. Un dernier
exemple de reprise : la mélodie guillerette qui suit le cri de triomphe de
Falstaff, Alice è mia, et précède l’entrée de Ford, au second tableau de
l’acte I. Elle revient un quart d’heure plus tard pour le clore et accompagner la sortie des deux hommes, suggérant peut-être leur sort commun de
dupes.
La musique structure ainsi l’architecture de l’ensemble de la pièce et
concourt à la signification même de l’action.
38
FALSTAFF, UNE SOMME VERDIENNE
Ce qui déroute l’amateur de bel canto dans cette ultime partition de Verdi,
c’est qu’elle semble, à première audition, ne recéler aucune ligne mélodique repérable. En fait, on en trouve à profusion, comme si le compositeur accumulait, dans un bouquet final, toutes les esquisses sorties de son
imagination. Mais Verdi évite le développement complet des phrases
lyriques qui se succèdent, s’enchevêtrent, disparaissent pour faire place à
d’autres, avant même de chercher à s’imposer. La vivacité du tempo de
l’ensemble empêche la mémorisation et fait croire à leur absence. À
l’exception des duos des deux amoureux -Fenton a droit à une véritable
aria au début du second tableau du dernier acte (Dal labbro il canto)-,
l’absence de découpage en numéros musicaux rend difficile le repérage de
formes canoniques potentielles. La musique ne s’arrête jamais et son flot
continu emporte tout sur son passage, dotant l’œuvre d’une dynamique
inépuisable, et les protagonistes d’une vie intense.
La subversion des formes
Ce n’est pas vraiment nouveau puisqu’Otello a déjà marqué une rupture
conceptuelle et stylistique, perçue comme la preuve d’une influence de
Wagner sur le vieux Maître dans ses ultimes opus. Verdi aurait tourné le
dos à la tradition, héritée de l’opéra napolitain, qui fait se succéder les airs,
récitatifs et morceaux d’ensemble, sans lien apparent, tandis que dans le
drame musical allemand, la musique constitue un tout continu. En fait,
Verdi depuis longtemps a veillé à ce passage d’une structure close à une
autre pour assurer la continuité musicale de ses opéras.
Même dans Le Trouvère, où la division en numéros reste la plus évidente,
les airs sont liés entre eux par des tonalités qui se retrouvent de l’un à
l’autre, assurant la cohésion de l’ensemble. Toutes les grandes œuvres verdiennes sont construites sur des cellules qui reviennent, dans la partie
orchestrale ou mélodique d’un même opéra, sous des formes variées, ornementées, raccourcies, allongées mais dont les notes de structure, à quelques
altérations près, restent invariables. Autour de 1850, on trouve déjà plusieurs exemples de la subversion structurale des grands airs : Macbeth,
bénéficie d’une remarquable liberté de sa ligne vocale par rapport à celle
du basson qui l’accompagne dans sa méditation. L’audace du traitement
hétérophonique crée une couleur orchestrale insolite ; Stiffelio présente
39
des ensembles atypiques, où les structures traditionnelles (cantilène/cabalette) se dissolvent dans la nécessité dramatique. Le « Pari siamo », dans
lequel Rigoletto se compare au spadassin qui vient lui offrir ses services
pour assassiner son rival, se présente davantage comme une suite de récitatifs, plus ou moins décousus, que comme un air véritable. De plus, même
dans cet opéra, les formes closes peuvent s'enchaîner sans transition.
Précisément, ce monologue du bouffon s’ouvre directement sur le duo avec
sa fille « Figlia ! - Mio padre ! ». Plus tard, la longue mélopée de
Philippe II, « Ella giammai m’ammò », en apparence très classique, est
traitée sans rigidité formelle : de vastes périodes entremêlent récitatifs et
méditation. Selon la tradition, la mélodie mélancolique, longuement introduite par l’orchestre, avant d’être chantée par le soliste, est répétée après
un récitatif plus heurté. Mais la reprise ne se fait pas exactement à l’identique et va, peu à peu, devenir de plus en plus véhémente.
La charpente musicale
On pourrait démontrer que la pratique de motifs récurrents, déjà signalés
dans Falstaff, est présente très tôt chez Verdi. Pour s’en tenir à un seul
exemple, le thème de La donna è mobile, chanté par le Duc de Mantoue au
dernier acte de Rigoletto, parcourt toute la fin de l’œuvre en forme de réminiscences immédiates ou différées. Il y a certes une différence entre les premiers opéras de Verdi et les deux derniers, mais il s’agit plus d’une question de degré que d’un changement total de nature comme le montre l’utilisation des grands ensembles.
On ne peut oublier que le premier véritable succès de Verdi, Nabucco, tient
pour partie à son fameux chœur des Hébreux et Falstaff reste une œuvre
largement chorale, même s’il n’y a pas d’intervention de chœur à proprement parler, à l’exception de la scène finale. En revanche, les ensembles
réunissant tout ou partie des solistes abondent. On sait l’effet produit sur
Victor Hugo par le quatuor du dernier acte de Rigoletto, lui qui aurait
défendu de « déposer de la musique le long de ses vers ». Le poète doit
reconnaître l’efficacité dramatique d’une telle scène: « Si seulement je
pouvais moi aussi, dans mes drames, faire parler simultanément quatre personnages d’une manière telle que le public en perçoive les paroles et les
divers sentiments et obtenir un effet égal à celui-ci ! ». La réussite tient à
la parfaite maîtrise musicale qui permet de fondre harmonieusement, les
différentes parties concertantes, tout en gardant une unité stylistique et une
expressivité vocale telle que chaque individualité reste perceptible. Verdi a
pu trouver des modèles chez ses prédécesseurs, comme les magnifiques
ensembles chez Rossini ou Donizetti. Si tous les personnages, dans le
40
genre bouffe du premier, sont ramenés à un dénominateur commun et leur
psychologie simplifiée, le sextuor de Lucia offre l’exemple de personnages
exprimant des sentiments différents, bien qu’ils soient tous plongés dans la
même stupeur. Par rapport à ces exemples, le quatuor de Rigoletto, de
façon bien plus complexe, réunit en une seule scène, d’un côté, l’entreprise de séduction du duc et, de l’autre, l’expression du désespoir le plus
profond. On pourrait trouver dans les autres opéras la confirmation de ces
exemples, notamment la superposition de quintette de solistes au chœur qui
clôt certains actes du Trouvère, de La Traviata, du Bal masqué, La Force
du destin, d’Aïda. Dans Falstaff, l’art de l’ensemble vocal atteint son apogée et devient la loi fondamentale de l’ouvrage.
La caractérisation des personnages
Avec Verdi, suivant en cela la leçon de Mozart, l’air, sa forme rythmique,
comme son propos, caractérisent d’entrée le personnage. Qu’il s’agisse de
la brillante ballade d’entrée du duc de Mantoue à l’acte I de Rigoletto, ou
de la romance mélancolique de Riccardo au début du Bal masqué, le personnage et son univers mental sont campés. Le Celeste Aïda de Radamès
comme l’Exultate d’Otello, aux accents plus guerriers, ont la même fonction. On pourrait en dire autant des personnages féminins. Suivant le même
principe, la personnalité de Falstaff s’impose magistralement, dès le lever
du rideau, en quelques répliques cyniques, et avant même l’explosion de sa
colère dans son monologue sur « L’Onore ». Il est intéressant de noter que
la première partie de cette harangue se trouve dans The Merry Wifes mais
n’intervient qu’au second acte. Son déplacement au premier acte dans
l’opéra ne peut être que délibéré.
Les autocitations
Parfois, Verdi semble s’amuser à se parodier. Bardolfo et Pistola, à l’acte I,
saluent l’« Immenso Falstaff » dans les mêmes termes musicaux que
Ramfis et Radamès à la fin de l’acte I d’Aïda invoquant l’« Immenso
Fhtà ». Sur le mot « madrigal », prononcé par Ford dans ses confessions
amoureuses à Falstaff, se fait entendre une modulation semblable à celle de
la chanson du Voile, interprétée par la princesse Eboli dans Don Carlos. A
l’acte II, le « Gaie comari di Windsor ! » est précédé d’une cascade des
bois d’octave en octave, déjà entendu dans Otello, après le même mot
« gaie », au début du trio Iago, Cassio, Otello de l’acte III. Les cris passionnés de Falstaff « Ti amo ! » lancés à Alice ont la même ligne mélodique que ceux que Don Carlos adresse à Elisabeth, l’épouse de son père
Philippe II. Le ton dramatique de l’air de Ford, resté seul après sa conver41
sation avec Falstaff, rappelle celui de Carlo, personnage de La Force du
Destin découvrant dans son ami celui qu’il poursuit de sa vengeance :
l’amant de sa sœur et l’assassin de son père. Carlo, comme Ford, laisse
alors éclater sa rage (Morir !Tremenda cosa !). L’orchestre, dans Falstaff,
semble rire de ce que l’on entend : l’élan final de l’air de Ford est repris
avec vigueur par l’orchestre mais un glissando de trombones ramène le
motif, sur un mode burlesque, jusqu’au silence.
Il existe donc, non seulement un effet d’écho, déjà signalé, interne à
l’œuvre mais également avec les opéras précédents. L’évolution du dernier
Verdi ne peut se traduire en termes de rupture mais doit s’analyser comme
un cheminement lucide et conscient au cours duquel les mêmes techniques
d’écriture se trouvent reprises, approfondies, perfectionnés et appliqués à
des situations neuves. La composition musicale, se plie aux exigences dramatiques. C’est ainsi que dans l’extraordinaire monologue de Macbeth, à
l’acte I, le caractère cruel, indécis et obsédé du personnage se traduisait
déjà par des notes répétées, presque parlées et par les reprises obsessionnelles à l’orchestre.
Un pont entre deux siècles
Certains critiques ont voulu voir, dans Falstaff, « Les Maîtres Chanteurs
de Verdi ». Mais il est bien difficile d’y trouver l’influence de Wagner :
l’humour, comme l’ambiance d’opéra de chambre, renvoie plutôt au
Mozart des Noces ou de Cosi fan tutte. Cet ultime opéra représente l’aboutissement d’une longue maturation et n’implique aucune soumission à un
modèle extérieur au génie profond de son compositeur. L’orchestre,
presque toujours traité comme un ensemble de solistes, double le chant à
de rares moments. Il prend toujours une distance ironique avec le texte
comme dans le ravissant motif de quatre notes qui accompagne l’évocation, par Falstaff, des charmes d’Alice ou la triste mélodie, jouée aux
piccolos et, quatre octaves en dessous, aux violoncelles, quand Sir John
envisage l’horrible éventualité de ne pouvoir nourrir son énorme ventre.
Par la nouveauté de son style vocal et orchestral, par son audace harmonique, par l’extrême rigueur de sa composition, incluant celle de la fugue
finale, et par la caractérisation subtile et vigoureuse des personnages, cette
œuvre résume à elle seule tout le génie de Verdi, déjà attesté tout au long
de cinquante ans de réflexion au service d’un théâtre et d’une musique toujours meilleurs.
Verdi, comme d’autres grands génies, crée une œuvre originale tout en
réutilisant des recettes traditionnelles, comme celle de l’opéra-bouffe : le
vieillard concupiscent, le couple de jeunes premiers, les valets intrigants,
42
l’entremetteuse, les déguisements (au moins d’identité pour Ford, avant la
multiplication des masques au dernier tableau). Tout cela pourrait faire
penser à un Barbier de Séville dans lequel Don Bazile ne serait pas seul à
ourdir des complots ni à trahir, où le vieux galant s’approprierait le rôle
central aux dépens du couple d’amoureux et les femmes deviendraient
autant de Figaro. Les salutations grotesquement obséquieuses de Mrs
Quickly (Reverenza) sonnent d’ailleurs comme en écho à celles, tout aussi
burlesques et répétitives, du comte Almaviva, déguisé en maître de
musique, au second acte du Barbier (Gioia e pace). Autre souvenir rossinien : les finales flamboyants des actes II et III qui réunissent tous les protagonistes.
Mais Falstaff ne se réfère pas seulement au passé, il annonce surtout le
devenir de l’opéra au XX ème siècle. La conversation entre Falstaff et Mrs
Quickly au premier tableau de l’acte II, témoigne d’un naturel extraordinaire dans la fusion entre parole et musique. Ce n’est pas du récitatif
mais une forme de conversation musicale que Richard Strauss fera sienne
un demi siècle plus tard dans Capriccio.
LE CRÉATEUR DE FALSTAFF
L’interprète du rôle éponyme doit traduire la complexité du personnage par
une palette vocale multiforme et expressive. La partition se joue des registres et des modes d’expression habituels. C’est le Marseillais Victor
Maurel (1848-1923) qui crée le rôle, après celui du traître Iago, en 1887. Il
a commencé à l’Opéra de Paris comme doublure du célèbre baryton JeanBaptiste Faure, avant d’être engagé en 1869 par la Scala de Milan, pour la
création d’Il Guarany d'Antonio Carlos Gomes. Revenu à l’opéra de Paris
en 1879, après de longues tournées à l’étranger, il chante Hamlet, Don
Juan, Aïda, Faust. Sa technique irréprochable et son jeu expressif et intelligent justifient la confiance de Verdi, même si ses exigences financières et
ses prétentions à l’exclusivité pour le rôle de Falstaff ont mis d’abord Verdi
hors de lui, au point qu’il a menacé d’annuler la création de son opéra.
Maurel, avec diplomatie, fait amende honorable. Meilleur baryton verdien
de son temps, il avait créé un an auparavant, le rôle de Tonio dans le
Paillasse de Leoncavallo. Il est l'un des premiers interprètes à se donner la
peine d’analyser en profondeur ses personnages et il publie plusieurs écrits
théoriques sur le chant et l’art de la mise en scène d’Otello. Il crée à Paris,
avant New-York où il est mort, plusieurs écoles de chant. On connaît de lui
quelques rares témoignages sonores réalisés au début du XX ème siècle, alors
43
qu’il n’est plus au zénith de sa forme vocale. Sa personnalité témoigne du
soin avec lequel Verdi choisissait ses interprètes pour assurer la réussite de
ses ouvrages. Dans ce but, il ne craignait pas de s’affronter à de forts tempéraments.
RÉCEPTION DE L’ŒUVRE
Partout Falstaff reçut un accueil enthousiaste de la part de la critique et des
musiciens. Il toucha moins le public populaire. Entre 1894 et 1952, il fut
donné 77 fois à l’Opéra-Comique de Paris et fut oublié entre 1901 et 1952.
Entre 1922 et 1983, le Palais Garnier l’a programmé 42 fois, avec une
longue interruption entre 1935 et 1970.2
Qui oserait, aujourd’hui, approuver ce qu’écrit Igor Stravinsky, en 1945, à
la page 93 de son ouvrage intitulé Poétique musicale, à propos de Verdi :
« Comment ne pas regretter que ce maître de l’opéra traditionnel, parvenu
au terme d’une longue vie jalonnée par tant de chefs-d’œuvre authentiques,
ait couronné sa carrière par ce Falstaff qui, s’il n’est pas le meilleur
ouvrage de Wagner, n’est pas davantage le meilleur opéra de Verdi ? » On
peut lui opposer le propos de Victor Maurel qui discerne, chez Verdi, « le
respect de ces qualités éminemment latines : clarté, précision, mesure. ».
Pour lui, le compositeur « s’est servi des moyens germains pour réagir
contre l’influence germaine. » Il voit dans la dernière œuvre de Verdi,
« une victoire du chant de souplesse sur le chant de force, une victoire du
brio et du charme sur la rudesse ». Il ajoute « qu’à tout prendre, le
charme et la souplesse conviennent mieux à nos gosiers latins que les sonorités puissantes, mais peu nuancées, des larges poitrines germaniques. »
Pour Toscanini, Falstaff représente l’apogée de trois siècles d’opéras et le
mariage le plus heureux de paroles et de musique de toute l’histoire du
théâtre lyrique. Karajan y voit le summum de la comédie en matière
d’opéra. Plus près de nous, Carlo Maria Giulini affirme que Falstaff est
« l’un des cas très rares où le texte, la musique, l’action s’équilibrent pour
former un ensemble d’une parfaite unité. » Il va jusqu’à dire que, cet opéra
« où l’orchestre sonne de la première à la dernière note », pourrait être
exécuté par les seuls instruments sans compromettre la compréhension de
ce qui se passe sur scène, « tant la musique reflète les sentiments de
chaque personnage. »
A chaque époque son Falstaff, pourrait-on conclure. C’est la preuve qu’on
n’a peut-être pas encore épuisé toutes ses richesses.
2
Source Avant-Scène Opéra, n° 87-88, avril 2001, p. 168 et 169.
44
A LIRE
- Jacques Bourgeois, Giuseppe Verdi, Paris, Julliard, Biographie, 1978.
- Alain Duault, Verdi, la musique et le drame, Paris, Découvertes Gallimard
Musique, 1986 (avant tout pour sa richesse iconographique).
- Pierre Milza, Verdi et son temps, Paris, Perrin, 2001. Excellente mise en
contexte historique.
- Pierre Petit, Verdi, Paris, Éditions du Seuil, « Solfèges », 1958. Clair et
précis.
- Emmanuel Reibel, Verdi, Paris, Éditions Jean-Paul Gisserot, « Pour la
musique », 2001.
- André Tubeuf, Verdi de vive voix, Arles, Actes Sud/Classica, 2010. Pour
les inconditionnels de l’auteur.
- William Weaver, Verdi : d’après les documents d’époque, Van de Velde,
1978.
- L’Avant-Scène Opéra a consacré deux numéros à Falstaff, n° 87/88,
mai/juin 1986 ; réédition mise à jour, avril 2001.
A ÉCOUTER
De même que la plupart des grandes sopranos rêvent un jour d’interpréter
le rôle de Violetta, nombreux sont les barytons qui ont voulu se glisser dans
la peau du Pancione, désireux de démontrer leurs qualités de chanteur et
de comédien. Les difficultés de la partition de Verdi ne peuvent que
séduire les chefs d’orchestre qui trouvent là l’occasion de démontrer leur
parfaite maîtrise technique.
Les enregistrements disponibles sont donc relativement nombreux pour un
opéra longtemps peu joué, d’autant plus que s’ajoutent, depuis quelques
années, les prises vidéo sur le vif. Non seulement il est possible de comparer les différents interprètes entre eux, mais l’occasion se présente de
confronter le même artiste, chanteur ou chef d’orchestre, à lui-même, à
différentes époques. Certains solistes, au cours de leur carrière, passent de
Ford à Falstaff (Valdengo, Gobbi, Panerai), de Nannetta à Alice (Ilva
Ligabue, Mirella Freni), voire d’Alice à Mrs Quickly (Regina Resnik),
avec des bonheurs divers. L’écueil du rôle titre réside dans la maîtrise et
l’expérience qu’il implique chez le chanteur, qu’il s’agisse de technique
45
vocale ou de qualité de comédien. Ce qui explique que certains interprètes
ne l’abordent qu’à un stade avancé de leur carrière. S’ils peuvent arriver à
compenser, sur scène, leurs difficultés vocales par leur talent d’interprète,
ils sont souvent moins convaincants au disque. C’est un contresens, en
effet, de limiter la vocalité de Falstaff à du parlando.
Dans les conditions techniques précaires de 1906, on peut entendre, sur un
disque « Symposium », Quand’ero paggio, par le créateur, Victor Maurel,
alors âgé de 58 ans. Il le chante deux fois en italien et une fois en français.
Cette captation a l’avantage, malgré la médiocre qualité sonore et les
signes de fatigue vocale évidents, de donner un aperçu d’une voix chaude
et bien timbrée et d’une recherche d’expressivité. On connaît mieux celui
qui a marqué ce rôle dans la première moitié du XX ème siècle : Mariano
Stabile (1888-1968) qui s’est totalement identifié à ce personnage incarné
par lui environ 1200 fois. Arturo Toscanini l’avait choisi pour ce rôle lors
de la réouverture de La Scala en 1921. Sans avoir une voix exceptionnelle, il en usait avec style et intelligence. Son excellente diction, son sens
des nuances et des couleurs vocales, comme ses qualités de comédien ne
pouvaient que faire merveille dans ce rôle qu’il chanta jusqu’à un âge
avancé. Il existe plusieurs témoignages intégraux de son interprétation. Le
plus emblématique devrait émaner de la bande son expérimentale réalisée
au Festival de Salzbourg, sous la baguette de Toscanini, en 1937.
Malheureusement, la technique trop précaire empêche de porter un jugement quelconque sur cette réédition. On peut noter une rencontre intéressante, en 1941, entre Stabile et un Tito Gobbi, décapant dans le rôle de Ford
sous la baguette de Tullio Serafin.
Falstaff
C’est dans le rôle de Falstaff que Valdengo, salué comme le digne successeur de Stabile, et Gobbi se sont imposés, dans deux enregistrements qui
ont fait date et qui sont devenus les deux références absolues : le premier
sous la direction de Toscanini en 1950, le second sous la baguette de
Karajan, en 1956. Si Valdengo est d’une discipline exemplaire sous le
contrôle du « Maestrissimo », Gobbi est d’une autre trempe : celui qui fut
le Scarpia du siècle, face à la Tosca de Maria Callas, s’impose sans difficulté dans l’incarnation du Pancione. Son timbre de baryton n’a pas encore la raideur et les aigus difficiles qui seront les siens très bientôt. Son sens
dramatique fait le reste. Plus près de nous, Dietrich Fischer-Dieskau ne
possède pas vraiment une vocalité ni un timbre latins, mais le grand spécialiste du Lied sait faire un sort à chaque mot et à chaque note et construit
un personnage à la fois grotesque et humain. Geraint Evans a marqué le
46
rôle à la scène ; il est moins supportable au disque, malgré Solti. Trente
ans séparent les deux enregistrements de 1950 et de 1980 de Giuseppe
Taddei. En dépit, pour le second, de la présence de Karajan, à l’aube de
l’enregistrement numérique, on peut préférer, trente ans plus tôt, la beauté
et l’étendue vocale du jeune baryton aux aigus triomphants, qui lui permettent de mettre en valeur chaque nuance de son rôle. Il confirme, sans doute
aucun, que ce rôle doit être chanté et non ânonné comme certains interprètes sur le retour se contentent de le faire. Le Ford de Rolando Panerai chez
Karajan, en 1956, convainc davantage que son Falstaff chez Colin Davis,
en 1991 : la voix est fatiguée et le chef lymphatique. José Van Dam reste
un grand artiste mais la voix usée peine à respecter les contraintes de la
partition. Plus proche d’un Don Quichotte désenchanté que d’un Falstaff
avide de bonne chère, il ne possède guère la dimension comique du personnage. Bryn Terfel revêt avec bonheur la panse de Falstaff. Truculent à la
scène, il passe très bien l’épreuve du disque sous la baguette de Claudio
Abbado, grand verdien.
Autres rôles
Ford est souvent plus banal, alors qu’il a un face-à-face capital, au second
acte, avec le héros et qu’il participe à de nombreuses scènes d’ensemble
dont il est (ou essaie d’être) le meneur : outre Valdengo (Fritz Reiner),
Panerai (Karajan, Bernstein), on peut retenir Saturno Meletti (Rossi),
Robert Merrill dont la voix séduit toujours (Solti I) ; Thomas Hampson
force un peu sa nature distinguée mais fait une bonne composition sous la
baguette d’Abbado.
Du côté féminin, Mrs Quickly est un rôle de composition, difficile à équilibrer entre la nécessité comique et l’outrance du trait. Les Fedora Barbieri,
Giuletta Simionato, Regina Resnik, Christa Ludwig tiennent le haut du
pavé. Alice doit avoir la détermination de la meneuse de jeu sans cesser
d’être rieuse : Elisabeth Schwarzkopf et Ilva Ligabue emportent la palme.
Renata Tebaldi y a fait une incursion remarquée.
Au couple de tourtereaux sont réservées les pages les plus lyriques de la
partition, au risque de verser dans la mièvrerie et l’insignifiance. Les
meilleurs Fenton (Di Stefano, Kraus, Oncina, Araiza) sont l’affaire des
ténors lyriques légers plutôt que des tenorinos. Nannetta doit avoir la fraîcheur de la très jeune fille tout en faisant preuve de détermination et de
séduction : Freni, Sciutti, Perry sont excellentes.
Si aucune version ne saurait s’imposer sans un Falstaff indiscutable sur le
plan vocal et dramatique, le reste de la distribution doit avant tout répondre à un savant dosage pour assurer la bonne homogénéité des ensembles
47
tout en laissant à chaque personnage la possibilité de s’affirmer. C’est particulièrement vrai pour le quatuor féminin où quatre voix et quatre tempéraments différents se font entendre. Du côté masculin, les rôles secondaires de Cajus, Bardolfo, Pistola doivent posséder toute la truculence
requise. Gerhard Stolze est une trouvaille pour le premier : sa voix, quelque peu (trop?) geignarde, traduit parfaitement la personnalité du déplaisant personnage et ne peut se confondre avec celle des deux autres ténors,
Bardolfo ou Fenton. Dans la confrontation entre Falstaff et Ford, Verdi se
risque à opposer deux voix de baryton. Si tous deux doivent faire jeu égal,
il faut qu’ils possèdent des caractérisations vocales distinctes.
Direction d’orchestre
C’est donc la cohésion d’ensemble et le bon équilibre des différentes individualités qui font la différence qualitative des versions disponibles. À
cette aune, seules les versions déjà nommées de Toscanini, Karajan et
Bernstein répondent à ces exigences. Si Falstaff reste avant tout un opéra
choral sur le plan vocal, l’orchestre doit pouvoir passer de la finesse d’une
instrumentation de musique de chambre à la complexité des forte symphoniques. Autrement dit, tout est entre les mains du chef d’orchestre.
De ce point de vue, le vétéran Toscanini reste le meilleur. Son enregistrement officiel, édité par RCA, est le report d’une transmission radiophonique de la NBC, réalisée à New-York les 1er et 8 avril 1950. La prise
de son, dans le fameux studio 8H du Rockfeller Center, n’est pas déshonorante bien qu’assez sèche et limitée par la monophonie. Mais cette version,
sans interprètes exceptionnels, comme c’est souvent le cas avec le Maestro,
rend parfaitement la cohésion chorale de l’œuvre. Si Toscanini n’a pu
assister à la première de Falstaff, il l’a entendue, peu après, dirigée par le
chef de la création, Edoardo Mascheroni. Sa propre interprétation ne fut
connue de Verdi que par des rapports enthousiastes de ses proches, en particulier de Boito. Quand Toscanini dirigea Falstaff en 1894, un différend
l’opposa au créateur de Ford. Verdi, consulté, trancha en faveur du jeune
chef. En 1913, pour célébrer le centenaire de Verdi, à Busseto et à Milan,
Toscanini assume les représentations de son ultime opéra. Boito le remercia pour « l’immense plaisir intellectuel » procuré à cette occasion.
Falstaff est l’opéra que le Maestro dirigea le plus souvent, dans les principaux opéras de l’Ancien et du Nouveau monde, d’abord avec plusieurs des
créateurs et, ensuite, avec les plus grands noms de l’art lyrique de son
temps. A 83 ans, il se surpasse dans ce concert de la NBC, longuement préparé avec les protagonistes, prenant la peine d’apprendre lui-même le rôle
titre à Valdengo. Toscanini est le seul à traduire, de façon aussi irrésistible,
48
le tourbillon de folie qui s’empare de tous les protagonistes jusqu’à
l’explosion de la fugue finale vers laquelle la partition semble tendre tout
entière. Il n’est pourtant pas le plus rapide au chronomètre, le record de
vitesse étant battu par Abbado. Mais son sens des rebonds, de la montée
des tensions qui aboutissent à des tutti orchestraux triomphants, sa maîtrise des ensembles restent inégalés.
Cela n’enlève rien à la qualité de la première version de Karajan. Alors
qu’il avait tout juste 21 ans, le futur « chef à vie » de la Philharmonie de
Berlin entendit, à Vienne, le Falstaff dirigé par Toscanini, avec Mariano
Stabile dans le rôle titre. Placé au « Paradis », à côté du meneur de la
claque, à la demande de la direction, il lui revenait de donner le signal des
applaudissements au moment opportun. A Salzbourg, en 1935-1937, il tient
lieu de répétiteur pour la célèbre production dirigée par Toscanini. Il aura
donc certainement médité la leçon du Maître italien. Karajan, dont on
connaît le souci du beau son, bénéficie en 1956 de l’excellent Orchestre
Philharmonia de Londres, constitué par le fameux producteur Walter
Legge, des prestiges de la stéréo naissante et de la plus belle distribution
du moment. Si sa version de 1980 est encore plus somptueuse sur le plan
acoustique, les chanteurs ne peuvent lutter avec leurs prédécesseurs de
1956, notamment pour le rôle titre.
Bernstein a un sens inné des mouvements et des rythmes dansants et il
réussit pleinement à faire briller de tous ses feux la partition. Son entente
est d’autant plus parfaite avec son Falstaff/Fischer-Dieskau, que l’enregistrement a été réalisé dans la foulée des représentations données à Vienne
dans une mise en scène de Lucchino Visconti. Solti est un cran en dessous
faute, notamment, d’un interprète principal convaincant dans ses deux versions au disque. Il est plus à l’aise dans sa version filmée. Giulini défend
l’option de l’opéra seria, il s’en explique longuement. Pour respectable
qu’elle soit, cette conception risque de verser dans l’ennui. Abbado, sans
faire oublier les grandes gravures du passé, offre un bon compromis par sa
qualité d’ensemble, même si le quatuor féminin reste un peu faible. Quant
à Gardiner, il n’y a rien à en dire, dès lors que l’utilisation d’instruments
d’époque n’apporte rien d’essentiel, pas plus que l’interprétation du rôle
principal n’ajoute à l’histoire de son interprétation.
A VOIR
Pour les versions vidéos, il faut avoir vu le numéro irrésistible de Gabriel
Bacquier dans une version filmée de l’opéra. Dirigé par un Sir Georg Solti
49
revigoré à la tête des Wiener Philharmoniker, il s’en donne à cœur joie, tout
en respectant les nuances de la partition avec une jubilation communicative à toute l’équipe. C’est le seul témoignage qui nous reste de lui dans
ce rôle qu’il a chanté au festival d’Aix-en-Provence. Ruggero Raimondi,
dans deux versions vidéo, notamment dans la très belle réalisation de Liège
en 2009, possède une maîtrise parfaite de la scène où il se montre plus
grave qu’ironique. La version du festival de Glyndebourne, déconcerte au
début par la transposition de l’action dans l’Angleterre de l’immédiate
après-guerre. Finalement, l’intelligence de l’ensemble finit par emporter
l’adhésion. La version d’Aix-en-Provence de 2001 reflète les obsessions
socié-tales actuelles : le rôle titre, incarné par un baryton Jamaïcain, permet au metteur en scène de le montrer comme un marginal, victime des
préjugés raciaux de notre société dans
laquelle, naturellement, les femmes
souffrent du machisme ambiant.
Heureux temps que celui de Shakespeare
et de Boito/Verdi où, à l’instar de Figaro,
on s’empressait « de rire de tout de tout,
de peur d’être obligé d’en pleurer ».
Aujourd’hui, il faut s’empresser de tout
dénoncer de peur d’être pris en défaut de
Arturo Toscanini
conformisme. Mais c’est le propre des
chefs-d’œuvre d’être interprétés selon l’air
du temps. C’est même à leur capacité à
survivre à toutes ces lectures carnavalesques qu’on les reconnaît.
Herbert von Karajan au moment de son
premier enregistrement de Falstaff
Sur un plan strictement musical, personne,
jusqu’à présent, n’a retrouvé la réussite du
vétéran Arturo Toscanini en 1950 ni de
l’encore jeune Herbert von Karajan en
1956. Verdi l’avait bien dit : « Revenons
à l’ancien : ce sera un progrès ».
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LES ARTISTES DE LA DISTRIBUTION
GIAN ROSARIO PRESUTTI, chef d’orchestre
Diplômé en chant, piano-forte et instruments, en direction chorale et
orchestrale, Gian Rosario Presutti a fait ses études musicales au
Conservatoire San Cecilia de Rome auprès des maîtres Pieralberto Biondi,
Tega, Aprea et Teresa Procaccini. Lauréat en Lettres (histoire de la
musique) à l’Université La Sapienza de Rome, il poursuit une carrière de
pianiste concertiste. Finaliste du Concours international Bardolino, il signe
des contrats discographiques, enregistre des œuvres de Mozart pour chant
et piano-forte, et déploie une activité de chef de chœur avec l’Orchestre de
la R.A.I. de Naples. En 2004, il assure la saison du Théâtre communal
Cilea (Regio di Calabria), collabore avec Katia Ricciarelli pour l’opéra
« Fedora » ainsi qu’à la direction musicale des productions de « Traviata »,
« Le Barbier de Séville », « Nabucco », « Aïda », « Norma », au Festival
de Taormina en Sicile.
JEAN-LOUIS GRINDA, metteur en scène
Né en 1960 à Monaco, directeur de l’Opéra de Monte-Carlo, Jean-Louis
Grinda est titulaire d’une licence d’économie et de droit, avant de se diriger vers une carrière lyrique, qu’il entame au Théâtre d’Avignon.
Directeur-adjoint du Grand Théâtre de Reims où il sera directeur artistique
durant dix années, il assume une dizaine de productions par an portant sur
le répertoire allant de Mozart à Rossini et à Richard Strauss, Janacek, choisissant des œuvres rarement jouées, avant d’aborder le répertoire contemporain, dont « Lulu », « La Mort de Danton »… En 1999, il signe l’adaptation française et la mise en scène de « Singing in the rain » à Paris, production qui obtint en 2001, le « Molière » du meilleur spectacle musical.
On lui doit aussi l’adaptation française de « Titanic ». Deux ans plus tard,
il entreprend la mise en scène de la « Tétralogie » de Wagner, achevée en
2005, par la reprise totale du cycle.
Il a mis également en scène et adapté de nombreuses œuvres dont « Marius
et Fanny » de Cosma en Avignon et l’adaptation lyrique de la trilogie de
Pagnol.
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RUDY SABOUNGHI, décors
Né en 1947 à Ismaïlia en Egypte, Rudy Sabounghi fait ses études à l’Ecole
des Beaux-Arts à Nice et débute comme assistant des spectacles de Giorgio
Strehler, Karl Ernst, Herman et Pierre Strosser. Il travaille parallèlement
pour le théâtre parlé et l’opéra. Son activité se développe plus particulièrement autour de quelques metteurs en scène et chorégraphes pour lesquels
il crée des costumes et des espaces, dont Jacques Lassalle, Klaus Maria
Gruber, Jean-Claude Berutti, Anne Teresa de Keersmaeker, Luca Ronconi,
Jean-Claude Auvray, Luc Bondi, et Bertrand d’At.
JORGE JARA, costumes
Originaire de Santiago du Chili, Jorge Jara a fait ses études en architecture à l’Université de Valparaiso. A Berlin, il travaille pour l’opéra et le
théâtre, conçoit les costumes de « Leonce und Lena » à Bochum en particulier. Il entreprend les costumes d’ « Othello » au Burgtheater de Vienne
et ceux de « Nachtasyl » au Schaubühne de Berlin. Au Théâtre de La
Monnaie de Bruxelles, il signe les costumes de « Die Fledermaus »,
« Parsifal », « Le Barbier de Séville », « La Cenerentola », « L’Enfant et
les sortilèges », « L’Heure espagnole », « Don Pasquale », « Cavaleria
rusticana » et « Paillasse »… Pour le Metropolitan Opéra de New-York, il
conçoit les costumes de « Roméo et Juliette » en 2005, « La Fiancée
vendue » en 2006 pour l’Opéra de Francfort, « La Flûte enchantée » pour
le Festspiel de Salzbourg etc... Il collabore avec Philippe Sireuil pour le
cycle Mozart-Da Ponte, pour « Lulu », « La Bohème » à Lyon, et, pour la
saison 2008/09, « La Bohème » également à Hambourg et Zurich, ainsi que
« Traviata » à Santiago. Il contribue, cette saison à la production de
« L’Elixir d’amour » à Amsterdam, et a en projet, « Aïda » à Hambourg,
« Dionysus » du contemporain Wolfgang Rihm, notamment pour
Amsterdam et Berlin.
LAURENT CASTAING, lumières
Laurent Castaing a réglé les lumières de « La Force du destin » à l’Opéra
Bastille, réalisé la création lumières de « Carthasis » à la Comédie de
Saint-Etienne en 2006, et, durant la saison 2003-04, celles de la pièce
« Devenez qui ? » d’après « Les dix petits nègres » d’ Agatha Christie.
Parmi ses réalisations on notera, cette année, « Cavaleria rusticana »,
« Paillasse », à Marseille et en co-production avec les Chorégies d’Orange.
Ses activités de luminariste en matière de filmographie sont nombreuses.
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NATHALIE MARMEUSE, chef de chant
Nathalie Marmeuse assure les répétitions en sa qualité de pianiste et de
chef de chant de quasiment toutes les œuvres lyriques jouées à l’OpéraThéâtre de Metz. Elle participe également aux tournées des chœurs de
l’Opéra-Théâtre. L’an dernier, dans le cadre de la Journée internationale de
la biodiversité, qui s’est déroulée en Meuse et en particulier à l’Hôtel du
Département à Bar-le-Duc, elle était la pianiste du récital de chant sur les
« Fables de la Fontaine » mises en musique par Charles Lecocq ainsi que
des mélodies de Gabriel Fauré, interprétées par le contre-ténor Michel
Marquez.
DISTRIBUTION VOCALE
BETTY ALLISON, soprano (rôle de Mrs. Alice Ford)
Née à Withehorse au Yukon, la soprano canadienne Betty Allison est diplômée de l’Université de Victoria où elle a remporté son baccalauréat de
musique et son baccalauréat d’éducation. En 2006, elle fut membre du
Studio d’opéra canadien Company Ensemble et, ensuite, fut engagée dans
le rôle d’Annina de « La Traviata », Clitemnestre dans « Elektra » et de
Mona dans un ouvrage produit par l’Ensemble Studio de la Swoon. Durant
la saison 2007-2008, elle doubla les rôles de la Comtesse Almaviva dans
« Les Noces de Figaro », Tatiana dans « Eugène Onéguine » et Donna
Ximena dans la production de l’Ensemble Studio « Don Giovanni » de
Gazzaniga.
MARIE-EVE MUNGER, soprano colorature (rôle de Nannetta)
Née en 1982 au Québec, Marie-Eve Munger remporta le premier prix
d’opéra au Concours international de chant de Marmande en 2007. Elle fit
ses débuts à l’Opéra-Théâtre de Metz dans le rôle d’Ophélie d’ « Hamlet »
donné dans le cadre de la 2e Biennale Ambroise Thomas en 2009. L’année
suivante, elle triomphait dans « Magdalena » de Villa-Lobos. Elle a chanté avec l’Orchestre symphonique de Montréal, au Théâtre du Châtelet à
Paris, à l’Opéra de Tours et sur diverses scènes canadiennes. Lauréate des
Jeunes ambassadeurs lyriques 2008, finaliste régionale du MET Opera
National Council, elle remporte en 2010 le diplôme d’Encouragement
Award. Elle avait réussi, trois ans auparavant, sa maîtrise en musique à
l’Ecole de musique Schulich de l’Université Mc Gill à Montréal. Pendant
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la saison 2007/08, elle fut directrice de la Société d’art lyrique du Royaume
de Saguenay où elle supervisa des productions d’opérettes et d’opérascomiques. Elle a conçu le livret de l’oratorio profane de Julian Wachner,
« Come my Dark-Engel One », créé en 2009 à Boston.
ELODIE MECHAIN, contralto (rôle de Mrs Quickly)
Au timbre naturel de contralto découvert lorsqu’elle se destinait à une
carrière de flûtiste, Elodie Méchain remporte le Concours Voix Nouvelles
en 1998, et l’ADAMI la proclame « Révélation lyrique » en 2000, de
même qu’elle est nommée aux « Victoires de la musique classique » en
2002. Elle fut Geneviève dans « Pelléas et Mélisande » à Marseille ainsi
qu’à Nancy où elle sera ensuite Métella de « La Vie parisienne »
d’Offenbach. Au Grand Théâtre de Genève, elle jouera dans « Manon
Lescaut » de Puccini, sera Meg Page dans « Falstaff » à l’Opéra de
Lausanne. Elle tint ensuite des rôles à Toulouse, Aix-en-Provence, aux
Chorégies d’Orange, au Festival d’Edimbourg, à Venise, Paris, Lyon,
Lisbonne. Elle aborde « La Walkyrie » à Nice (saison 2003/04) Berlioz et
« Les Troyens » à Bordeaux, « Thaïs » à la Fenice de Venise, « Traviata »
à Orange, « Les Troyens » à nouveau à Leipzig, et se produit dans d’autres
maisons d’opéra ainsi qu’en concert. Sa voix, aux sombres harmoniques,
se prête à l’oratorio et aux œuvres sacrées. Elle se passionne également
pour les récitals de mélodies et de Lieder.
JULIE ROBARD-GENDRE, soprano (rôle de Mrs. Meg Page)
Au Conservatoire de Nantes, Julie Robard-Gendre remporte ses prix de
flûte à bec, saxophone, solfège, musique de chambre et écriture. Elle poursuit ses études d’écriture au Conservatoire supérieur de Paris (polyphonies
Renaissance, harmonie, écriture XXe, analyse et orchestration) et, parallèlement, aborde le chant en 2003. Elle se produira d’abord avec les ensembles de musique ancienne, enregistrera deux c.d. de Lassus et Schütz ; puis
elle embrasse la scène lyrique (Chérubin des « Noces de Figaro », Euridice
de l’ « Orfeo » de Monteverdi, le rôle-titre de « La Périchole », Mercedes
de « Carmen », Oreste de « La Belle Hélène », Sesto de « La Clémence de
Titus », « La Flûte enchantée »…) Dans le répertoire contemporain,
Michaël Levinas lui confie le rôle de la Huppe dans la reprise de « La
Conférence des oiseaux ». Au théâtre, à Paris, elle joue le rôle de Betty
dans « Les Révérends » de Mrozek.
Elle interpréta le rôle de Marcelline dans la re-création de « L’Attaque du
moulin » d’Alfred Bruneau, à l’Opéra-Théâtre de Metz en janvier 2009.
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ANDREA PORTA, baryton-basse, (rôle de Sir John Falstaff)
Diplômé du Conservatoire de Gênes, le baryton-basse italien Andrea Porta
a fait ses débuts à la Monnaie de Bruxelles dans « Il Barone di
Trombonok » et a suivi des master-classes puis a remporté plusieurs
concours internationaux dont celui du Belvédère de Vienne en 2001.
Il fut d’abord Mustapha dans « L’Italienne à Alger », Magnifico de « La
Cenerentola », Leporello dans « Don Giovanni », Dulcamara de « L’Elixir
d’amour », de même que le maître de chapelle, rôle-titre de l’opéra de
Cimarosa. … Plus récemment, il fut Gobineau dans « Le Médium » de
Menotti, et se produisit dans « La Traviata » de la Fondation Toscanini
sous l’égide de Placido Domingo. On l’a entendu dans « Le Voyage à
Reims » au Théâtre Carlo Felice de Gênes, dans Colas de « Bastien et
Bastienne » à Fidenza ; il avait le rôle du Baron Douphol de « La
Traviata » pour l’ouverture de la saison 2004/05 à la Fenice de Venise. Il
effectua d’ailleurs une tournée au Japon avec la troupe de la Fenice. Il s’est
produit sur la plupart des grandes scènes italiennes, sous la direction de
metteurs en scène connus, dont Zeffirelli, Irina Brook, Dario Fo….et sous
la direction de chefs d’orchestre connus dont Lorin Maazel. Il sera prochainement Mazetto dans « Don Giovanni ».
OLIVIER GRAND, baryton, (rôle de Ford)
Le baryton Olivier Grand a débuté à l’Opéra Bastille en 1999 dans
« Dialogues des Carmélites » et dans « Salambô » de Philippe Fénelon. En
2007, il incarnait le baron de « La Vie parisienne », produite par Jérôme
Savary. Son répertoire comporte des rôles dans « Le Barbier de Séville »,
« Madame Butterfly », « La Bohème », « Turandot », « Il Signor
Bruschino ». Il s’est produit ces dernières saisons à l’Opéra-Théâtre de
Metz, où il fut Don Andrès de « La Périchole », assuma le rôle-titre du dernier « Rigoletto », ainsi qu’un rôle-titre de « Lucia di Lammermoor » en
2010. A Nancy, il figurait dans la distribution de « Divorce à l’italienne »
de Battistelli. Excellent dans l’opéra-bouffe de Rossini, dans le répertoire
d’opérettes. Il chanta dans « Carmen » à la dernière production des
Chorégies d’Orange.
JULIEN DRAN, ténor (rôle de Fenton)
Petit-fils du ténor André Dran qui s’est souvent distingué dans les rôles de
théâtre lyrique léger, à l’Opéra-Théâtre de Metz, Julien Dran est également
le fils de Thierry Dran qui est lui aussi, ténor. Julien Dran a fait ses études
d’art lyrique au CNIPAL, qui l’ont conduit à chanter dans « I Capuletti et
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I Montecchi » de Bellini. Il incarna la sentinelle allemande dans la recréation de « L’Attaque du moulin » d’Alfred Bruneau, en 2009, à l’OpéraThéâtre de Metz. Né à Bordeaux, il avait été admis à onze ans au
Conservatoire de sa ville natale où il apprit le cor. Mais il préféra s’investir dans l’art vocal. Son premier professeur fut Lionel Sarrasin. Il chanta
ensuite dans « Carmina Burana » et participa à des comédies musicales
américaines, fut ténor solo dans « Le Roi David » d’Honeggger au Festival
de Radio France à Montpellier en 2008 et à Paris en 2009. La même année
il fut le lauréat du 21e Concours de chant de Clermont-Ferrand. L’an dernier encore, il suivait les master-classes prodiguées par Janine Reiss dans
cette même ville du centre de la France.
XAVIER MAUCONDUIT, ténor (rôle de Dott, Cajus)
Jeune ténor de 25 ans, Xavier Mauconduit a obtenu, en 2008, son premier
prix de chant au Conservatoire supérieur de Paris Il avait, l’année précédente, conquis le premier prix du Concours international de la Mélodie
française de Toulouse ainsi que le second prix du Concours européen
Musique en Picardie. Il suivit les master-classes d’Yvonne Minton et de
Janine Reiss, avant d’entreprendre une formation supérieure en musique de
chambre. A L’Athénée Louis Jouvet, il jouera le rôle de Corbillon dans
l’opéra-comique de Léo Delibes « La Cour du roi Pétaud ». Il se complait
dans le répertoire léger : il est Gargaillou dans « La Bonne d’enfants »
d’Offenbach, Piquillo de « La Périchole » au Festival « Off and Back ».
Mais il se produit aussi en récital de mélodies et de Lieder et chante avec
l’Ensemble Opalescences, ainsi qu’en concert de musique sacrée. A Paris,
en février dernier, il était dans la distribution d’un opéra de poche, « Aldo
Moro ». Récemment au Festival La Cavatine de l’Ile d’Yeu, il tenait le rôle
d’Orphée dans « Eurydice mon amour », un spectacle lyrique autour du
mythe.
YVAN REBEYROL, ténor (rôle de Bardolfo)
Passant de l’opérette à l’opéra, Yvan Rebeyrol, qui s’est souvent produit
dans les spectacles lyriques à l’Opéra-Théâtre de Metz, est à son aise dans
les rôles de composition du répertoire français. Il fut John Styx d’« Orphée
aux enfers », Guillaume dans « Le Joueur de Flûte » , le Prince Paul de
« La Duchesse de Gérolstein », le roi Bobêche dans « Barbe Bleue »,
Microscope dans « Le Voyage dans la lune », Domino dans « Les
Brigands », Don Pedro dans « La Périchole »… Il était Monostatos de « La
Flûte enchantée » à Metz où il fut aussi le Remendado de « Carmen » qui
tournait également à Tours et à Reims. En 1995, à Metz, il rejoignit la
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troupe des artistes en résidence et prit part à de nombreuses productions. Il
participe ainsi, en 1999, à la création française de l’opéra pour enfants de
Marco Tutino, « Le Chat botté ». Il joue Benoît et Alcindoro dans « La
Bohème », Gastone dans « La Traviata » à Metz, Besançon et Massy, de
même qu’il fut Yamadori dans « Butterfly » à Metz, Limoges et SaintEtienne. Il se produit également en oratorio et en récital.
JEAN-LOUP PAGESY, baryton (rôle de Pistola)
En 2007, Jean-Loup Pagesy incarnait Aboul y far de l’opéra-bouffon « Le
Caïd » donné à l’Opéra-Théâtre de Metz qui inaugurait sa première
« Biennale Ambroise Thomas ». Prix de chant en 1997, il fut d’abord
membre du chœur de chambre Accentus de Laurence Equilbey. Après deux
années au Centre de formation lyrique de l’Opéra de Paris, il suit les
master-classes auprès de José van Dam et Teresa Berganza. Il fut Osmin de
« L’Enlèvement au sérail », et on lui confia des rôles dans « Ariane à
Naxos », « Porgy and Bess », …ainsi que dans « L’Heure espagnole »,
« Don Juan », « Les Pêcheurs de perles ». En opéra contemporain, il a participé à « L’Autre côté » de Mantovani et à « Ubu » opéra de Vincent
Bouchat. Il prépare la reprise de « Der Mond » à l’Opéra Bastille, et de
« Porgy and Bess » à Lyon.
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Retrouvez toute l’actualité du Cercle lyrique de Metz sur
http://www.associationlyriquemetz.com
Le Cercle Lyrique de Metz a décidé de créer un site et un blog Internet, site
installé par les soins de Sandra Wagner, et que nous avons, au fil des mois, structuré à l'image d'un journal culturel numérique, grâce à la précieuse collaboration de notre actuel webmaster, Jean-Pierre Pister, ainsi que des spécialistes de
notre comité-directeur qui y contribuent.
Nos rubriques se sont étoffées, que ce soit au niveau de l'annonce des activités
lyriques et musicales de la région, (Opéra-Théâtre de Metz-Métropole, Orchestre
National de Lorraine, Arsenal Metz-en-scène, Kinepolis : l'opéra au cinéma...), que
des critiques d'opéras donnés à Metz ainsi que des comptes rendus de spectacles
vus extra-muros (triangle Metz-Nancy-Strasbourg), de même que des critiques
figurant sous le label « L'opéra à l'écran ». On est d'ailleurs convenu de rendre
compte dorénavant de toutes les retransmissions d'opéras depuis le MET de NewYork et programmées au Kinepolis de Saint-Julien-les-Metz, qui figurait, d'ailleurs,
parmi les quelque vingt partenaires de soutien de notre colloque.
J'y ajouterai les rubriques « Conférences », « Conseils discographiques », « In
memoriam », « Anniversaires », « Vu dans la presse », « Les livres du C.L.M. »,
les « Actes du colloque » (avec son programme complet et la plupart des communications qui y ont été prononcées), « Archives », « Partenariats », « Espace membres », etc....Dans la plupart de ces textes, des illustrations visuelles ou vocales
sont jointes. Par ailleurs, dans la mesure des résultats de nos investigations, nous
sommes à présent dans la capacité de mettre dans la partie « espace membres »
de notre site, accessible aux adhérents du C.L.M., les livrets de la plupart des opéras programmés au cours des saisons messines.
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Viva Verdi
FALSTAFF de Giuseppe Verdi
Conférence sur « Falstaff » par Patrick Thil, président d'honneur du Cercle
Lyrique de Metz, Vice-président de l'Association des Amis d'Ambroise Thomas et de
l'Opéra français, le samedi 24 septembre 2011 à 16h au Foyer de l'Opéra-Théâtre
(entrée libre).
Représentations de « Falstaff » à Metz : elles auront lieu dans la coproduction de l'Opéra de Monte-Carlo et de l'Opéra-Théâtre de Metz les jeudi
29 septembre (20h), dimanche 2 octobre (15h) et mardi 4 octobre (20h).
La distribution
Mise en scène : Jean-Louis Grinda
Costumes : Georges Jara
Chef de chant : Nathalie Marmeuse
Elodie Méchain (Mrs. Quickly)
Betty Allison (Mrs. Alice Ford)
Olivier Grand (Ford)
Xavier Mauconduit (Dott. Cajus)
Jean-Loup Pagesy (Pistola)
Chœur et ballet de l'Opéra-Théâtre de Metz-Métropole,
Orchestre National de Lorraine
Couverture : Frontispice de la page d'édition de la partition de « Falstaff » au
moment de la création de l'ouvrage en 1893 (Document d'archives de la Scala de
Milan).
Conception de la plaquette : Danielle Pister et Georges Masson .
Directeurs de publication : Georges Masson, président et Jean-Pierre Vidit, premier
vice-président.
Adresse postale du Cercle Lyrique de Metz : B.P. 90261 - 57006 Metz Cedex 1
Adresse e-mail du président : [email protected]
Adresse du site et du blog Internet : www.associationlyriquemetz.com
Composition graphique et impression : Co.J.Fa. Metz - tél. 03 87 69 04 90.
Direction musicale : Gian Rosario Presutti
Décors : Rudy Sabounghi
Lumières : Laurent Castaing
Distribution vocale :
Marie-Eve Munger (Nannetta)
Julie Robard-Gendre (Mrs. Meg Page)
Andrea Porta (Sir John Falstaff)
Julien Dran (Fenton)
Yvan Rebeyrol (Bardolfo)