Cahier du contexte - Les Affaires Maritimes

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Cahier du contexte - Les Affaires Maritimes
Les ateliers du diagnostic
« Cahier du contexte »
relatif à l’atelier n°5 :
Développement, culture
et valeurs identitaires
Les « cahiers du contexte » sont de simples recueils de documents jugés utiles pour démarrer le
travail des ateliers, et pour aider les participants à rechercher ensemble les éléments de diagnostic
stratégique relatifs aux sujets traités. Cette documentation n’est pas exhaustive : les débats à venir
montreront certainement la nécessité de compléter certaines observations.
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Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie – BP M2, 98849 Nouméa Cédex
Service aménagement et planification – Tél 26 29 33 – [email protected] – www.nouvellecaledonie2025.gouv.nc
Sommaire :
1°) Etat des lieux en vue du schéma d’aménagement et de développement de la NouvelleCalédonie – 2002 (extraits)
2°) Rapport d’information de l’assemblée nationale n° 3222 déposé par MM D Bussereau et R
Dosière sur la mise en place des institutions de la Nouvelle-Calédonie – jt 2001(extraits)
3°) Les sociétés locales face aux défis du développement économique- province Nord de
Nouvelle-Calédonie - Etude IAC- CIRAD 2005 (extraits)
4°) GROCHAIN Sonia, La tribu comme espace culturel de solidarité, thèse IAC (extraits)
5°) SAND C, BOLE J, OUETCHO A, 2003, « Les aléas de la construction identitaire
multiethnique en Nouvelle-Calédonie : quel passé pour un avenir commun ? », journal de la
société des océanistes, n°117, année 2003-2, musée de l’homme, pp 147-169.
6°) GRAILLE Caroline, Primitifs d’hier, artistes de demain : l’art kanak et océanien en quête
d’une nouvelle légitimité, Ethnologies comparées n°6, printemps 2003 Océanie, début de siècle
(extraits)
7°) GRAILLE Caroline, Patrimoine et identité kanak en Nouvelle-Calédonie, Ethnologies
comparées n°2, printemps 2001, Miroirs identitaires. (extraits)
8°) RALLU JL, BAUDCHON G, Changement démographique et social en Nouvelle-Calédonie
après les accords de Matignon, Population, Année 1999, Volume 54, Numéro 3 (extraits)
9°) Chroniques du pays kanak, tome 1 (extraits)
10°) PITOISET A, Nouvelle-Calédonie, horizons pacifiques, Editions autrement, collection
monde HS n° 114, av 1999, 283 p (extraits)
11°) MARTINI Céline, Le développement durable en Nouvelle-Calédonie, données juridiques et
politiques, 355 p, Mai 2006 (extraits)
12°) LEBLIC I, 1993, Les kanak face au développement, la voie étroite, 412 p (extraits).
13°) Actualités de l’Adraf, publication déc 2006
14°) Délibération N°13/2007-APN relative à la promotion et au développement des arts et de la
culture dans la province Nord
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Source : Etat des lieux du schéma d'aménagement et de développement de la Nouvelle-Calédonie, mai
2002 (extraits)
Développement culturel
La Nouvelle-Calédonie connaît depuis quelques années un développement culturel important, dont les provinces,
compétentes au premier chef, mais aussi la Nouvelle-Calédonie et l'Etat constituent des acteurs essentiels.
L'accord particulier pour le développement de la Nouvelle-Calédonie signé en janvier 2002 par l'Etat et la
Nouvelle-Calédonie s'inscrit dans cette évolution.
Le développement culturel de la Nouvelle-Calédonie a de nombreuses incidences non seulement en termes
d'aménagement du territoire mais aussi et surtout en termes de projet de société.
L'objectif est de favoriser une offre culturelle équilibrée et diversifiée sur l'ensemble de la Nouvelle-Calédonie.
Si la préservation et la promotion des identités culturelles de la Nouvelle-Calédonie, qui font la richesse du
territoire, doivent être au cœur des actions menées par les collectivités publiques, celles-ci doivent aussi
s’accompagner d’une volonté d’échange et de dialogue.
La multiplication d’initiatives portées par les collectivités ou les associations ainsi que l’enrichissement de la vie
culturelle locale ont été rendus possibles par les moyens structurels et financiers dont dispose la NouvelleCalédonie depuis les accords de Matignon.
Cependant, ce foisonnement est surtout concentré en province Sud et dans l’agglomération de Nouméa, qui
regroupe la majorité des équipements culturels.
Une concentration des équipements culturels
Les équipements spécifiques au secteur culturel sont les suivants : les salles d’archives, de concerts, les
bibliothèques ou les centres culturels ainsi que les salles polyvalentes ou des équipements mobiles utilisés de
manière occasionnelle à des fins culturelles. Les équipements culturels privés, tels que les salles de cinéma, les
librairies ou les galeries concourent également à l’offre culturelle globale à laquelle peut accéder la population. Il
convient enfin d’ajouter les sites et monuments historiques ayant fait l’objet d’intervention dans le domaine du
patrimoine.
Les équipements culturels peuvent correspondre à un secteur spécifique (patrimoine, lecture publique, cinéma…)
ou à l’enseignement d’un art (école de musique, école d’art…).
Une différence très nette apparaît entre Nouméa et les autres municipalités d’une part, et entre la province Sud et
les autres provinces d’autre part.
La ville de Nouméa joue incontestablement le rôle de capitale culturelle par le nombre et la diversité des
équipements dont elle dispose. Elle offre en effet :
• 11 cinémas sur 14,
• 4 salles de spectacle de plus de 350 places,
• 3 musées dont le musée territorial,
• 3 bibliothèques de lecture publique, 1 bibliothèque universitaire et de nombreuses bibliothèques spécialisées
(Mepea, CPS, IRD…),
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• le centre culturel Jean-marie Tjibaou,
• le service des archives,
• un centre d’art,
• la grande majorité des écoles de danses et de théâtre,
• le seul atelier de cirque,
• la seule école d’art et la seule école nationale de danse,
vla grande majorité des studios d’enregistrement,
• la totalité des maisons d’éditions, des librairies, des disquaires et des galeries d’art.
Les autres communes possèdent également différents équipements culturels.
L’offre culturelle par secteur significatif
Deux dimensions principales sont présentées : le livre et la lecture publique d’une part, et le patrimoine d’autre
part.
Livre et lecture publique
Il y a 25 bibliothèques publiques sur l’ensemble de la Nouvelle-Calédonie, dont : 1 bibliothèque universitaire
implantée sur 2 sites, 17 bibliothèques municipales ou para-municipales, 2 structures provinciales, une
bibliothèque territoriale (la bibliothèque Bernheim) et une bibliothèque spécialisée, la médiathèque du centre
culturel Tjibaou. Il y a par ailleurs 6 projets de bibliothèque en cours ou ont été réalisées récemment, à Koumac,
Ponérihouen et Houaïlou en province Nord, à Dumbéa et au Mont-Dore en province Sud et à Maré en province
des îles Loyauté.
Dans l’ensemble, la plupart des bibliothèques ne répondent pas aux normes métropolitaines, tant au plan de la
surface que pour ce qui concerne le nombre d’ouvrages ou le personnel. Mais il convient de s’interroger sur les
critères les plus adaptés en matière d’équipements de la lecture publique en Nouvelle-Calédonie, en effet, le plus
important n’est-il pas que la plus grande part de la population ait accès à la lecture ?
Dans tous les autres cas, on considérera qu’il s’agit d’un point-lecture.La bibliothèque Bernheim occupe une
place prépondérante en matière de livre et de lecture publique. Cet établissement, qui joue le rôle d’une
bibliothèque municipale, d’une bibliothèque centrale de prêt et qui exerce par ailleurs une mission patrimoniale,
ne dispose pas de moyens adaptés, en terme de collections, de personnels ou de véhicules. Pour assurer sa
mission de décentralisation, cet établissement ne peut mobiliser qu’une équipe de quatre personnes et les
collections d’ouvrages sont extrêmement réduites (17 000 ouvrages contre 245 000 dans le Cantal). Pourtant,
elle joue un rôle complémentaire indispensable auprès des bibliothèques de brousse, tant pour les acquisitions,
leur traitement et leur acheminement, qu’au niveau de la formation et de l’aide technique, ou encore pour le
développement du réseau de la lecture publique.
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Une bibliothèque est caractérisée par :
• un agent formé au métier de bibliothècaire, occupant un poste budgétaire permanent (à temps plein ou partiel) ;
• un local aménagé ouvert aux publics selon des horaires réguliers ;
• un budget minimum d’acquisition de documents.
On ne recense que quelques librairies concentrées sur Nouméa telles que définies par des critères de personnels
et d’activités. Ailleurs il existe des points de vente ou des revendeurs, et globalement la situation du commerce
en brousse se caractérise par la petite taille des structures existantes. On dénombre environ 70 points de vente (y
compris la grande distribution), dont une cinquantaine sur l’agglomération de Nouméa et une vingtaine dans
l’intérieur et les îles. L’offre que représente la librairie est donc très déséquilibrée puisqu’elle est concentrée sur
Nouméa.
Trois groupes commerciaux couvrent le marché :
• le groupe Hachette-Calédonie, à la fois éditeur, distributeur, libraire,
• le groupe As de trèfle qui possède les librairies As de trèfle, Pentecost, et un point de vente dans la galerie de
Carrefour,
• le groupe Montaigne comprenant les librairies 4 z’art, France Loisirs et Montaigne.
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Dans le domaine de l’édition, on peut recenser 23 éditeurs en Nouvelle-Calédonie. Cependant, ce secteur n’est
véritablement représenté, pour ce qui concerne notamment la littérature générale, que par quatre maisons
d’édition.
Ce secteur rencontre de grandes difficultés pour survivre sans aide publique. En effet, l’impression en NouvelleCalédonie reste plus coûteuse qu’en Asie ou en Nouvelle-Zélande. Le coût de fabrication, combiné à l’étroitesse
du marché et à la faiblesse de la diffusion, induit chez la plupart des éditeurs des problèmes de trésorerie. Ceuxci sont liés à la durée des ventes : entre deux et trois années sont souvent nécessaires pour atteindre le seuil de
rentabilité d’un ouvrage, quand celui-ci est atteint. Le coût à l’exportation du livre est un frein réel à la diffusion
des ouvrages publiés localement.
Patrimoine et musées
La sauvegarde du patrimoine est une préoccupation récente en Nouvelle-Calédonie. Le patrimoine calédonien
n’étant pas couvert par des textes nationaux, la sauvegarde fût portée dans un premier temps par la NouvelleCalédonie avec notamment la création du service territorial du patrimoine et des musées, et ultérieurement,
depuis 1988, cette compétence fût dévolue aux provinces dans le cadre de la mise en œuvre de la compétence
culturelle.
Sur le plan réglementaire, les trois provinces sont dotées de textes similaires concernant la protection du
patrimoine qui prévoient notamment la mise en œuvre de commissions des sites et monuments devant examiner
les propositions de classement ou d’inscription. Mais l’organisation administrative, qui repose sur des services
territoriaux et provinciaux (lorsqu’ils existent) manque de cohérence. Les services ou établissements territoriaux
œuvrant dans le domaine patrimonial sont les services des archives, du patrimoine et du musée, la bibliothèque
Bernheim et l’agence de développement de la culture Kanak. Au niveau provincial, seule la province Sud s’est
dotée d’un début d’organisation. Au niveau communal, outre les services d’archives, il est à noter l’initiative de
la ville de Nouméa qui a procédé à un pré-inventaire du patrimoine bâti de la commune. Enfin, différentes
associations interviennent dans le domaine patrimonial (Musée de l’histoire maritime, Association pour la
sauvegarde du patrimoine historique minier du Nord calédonien, Témoignage d’un passé, Racines …).
Sans qu’aucune réflexion n’ait été menée sur le champ même du patrimoine “calédonien”, les commissions des
sites des trois provinces ont procédé à des classements et à des inscriptions, mais qui reflètent souvent l’urgence
ou le besoin de travaux d’un édifice plus qu’une politique consciente et délibérée.
Les classements ne concernent que du patrimoine d’après la colonisation. Ne sont pas représentés : le patrimoine
ethnologique, le patrimoine kanak, le patrimoine mobilier, le patrimoine industriel, et le patrimoine du XXème
siècle. En revanche, on assiste à une sur-représentation du patrimoine cultuel.
L’absence d’inventaire systématique et d’un permis de démolir favorise la disparition du Patrimoine sous la
pression du développement immobilier. En matière de conservation, seule la province Sud dispose des services
d’un architecte sensibilisé aux contraintes et aux techniques propres à ce secteur, et d’une personne à même de
documenter les dossiers permettant le choix d’un parti architectural.
Bien qu’en constante amélioration, la qualification des entreprises impliquées dans les restaurations reste
aléatoire voire médiocre.
Le secteur archéologique, malgré les vicissitudes de son organisation matérielle, a pu commencer un travail
proche d’un inventaire pour le compte des provinces.
Dans le domaine ethnologique, de nombreuses études ont été menées dans le cadre du programme Etude des
Sociétés Kanaks sans qu’il y ait de coordination avec les partenaires institutionnels, et les rares propositions
concernant le patrimoine Kanak n’ont jamais abouti faute de sensibilisation préalable.
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Source : Rapport d’information de l’assemblée nationale n° 3222 déposé par MM D Bussereau et
R Dosière sur la mise en place des institutions de la Nouvelle-Calédonie – jt 2001(extraits)
Disponible à l’adresse : http://www.assemblee-nationale.fr/11/rap-info/i3222.asp#P746_131682
N° 3222
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 juillet 2001.
RAPPORT D'INFORMATION
DÉPOSÉ
en application de l'article 145 du Règlement
PAR LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION
ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE (1)
sur la mise en place des institutions de la Nouvelle-Calédonie,
ET PRÉSENTÉ
PAR MM.
DOMINIQUE BUSSEREAU et RENÉ DOSIÈRE,
Députés.
II. - LA SOCIÉTÉ CIVILE FACE AU DÉFI DU DÉVELOPPEMENT ET DE LA MODERNITÉ
A. LA COUTUME AU CARREFOUR DES TENSIONS CALÉDONIENNES
L'accord de Nouméa a su trouver les mots pour rendre compte de la réalité complexe de la société
calédonienne. En soulignant l'apport et l'importance de la coutume dans la communauté mélanésienne, le
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préambule de l'accord a également mis en perspective la nécessité de trouver un équilibre entre le
développement de la Nouvelle-Calédonie et le respect de certaines traditions qui font l'identité de cet
archipel.
1. La consécration de la coutume par l'accord de Nouméa
a) La coutume au cœur de la société mélanésienne
La coutume constitue un facteur d'identité fort mais aussi une donnée dont on ne peut s'abstraire si l'on
souhaite faire avancer la Nouvelle-Calédonie. Deux attitudes sont souvent observées. La première consiste
à porter aux nues la coutume parce qu'elle présenterait un caractère d'authenticité que certains jugent
positif. A l'inverse, sa dimension proprement archaïque - au sens où elle s'oppose à la modernité légale et
rationnelle qui est au cœur de la vie occidentale - peut apparaître comme un repoussoir et un frein au
développement économique et social.
A l'évidence, on ne saurait s'arrêter à l'une ou l'autre de ces attitudes, trop tranchées pour rendre compte
d'une réalité dont la complexité ne manque pas de troubler. La coutume, ou plutôt les coutumes, tant la
diversité de cette réalité est grande, est un gage de cohésion pour une société en mutation. Elle
accompagne cette évolution en permettant d'éviter que la société kanak n'implose.
Parallèlement, la coutume est aussi un obstacle à cette mutation qui, peu à peu, semble la vouer à la
disparition. La place des femmes dans les tribus illustre parfaitement cette problématique. Les femmes les
plus engagées dans le combat pour le respect de leurs droits ne sont pas nécessairement les plus hostiles à
la coutume, contrairement à ce que l'on pourrait trop facilement penser.
b) La coutume, source de droit
En dehors de son rôle de régulation sociale, la coutume est une source de droit dans trois domaines : la
famille, les successions et la propriété foncière. Contrairement à ce que certains pensent, le droit pénal de
la République s'applique en Nouvelle-Calédonie aux personnes relevant du statut coutumier. En
conséquence, les sanctions traditionnelles, consécutives à un comportement social prohibé par la tribu, ne
doivent pas être en contravention avec les règles pénales. Elles ne doivent donc pas revêtir notamment un
aspect violent, comme la bastonnade pratiquée dans les tribus.
Si l'on s'arrête un instant sur la question de la propriété foncière, c'est pour rappeler l'importance de la terre
dans la tradition kanak. La revendication foncière a été l'un des principaux combats mené par les
Mélanésiens qui subirent l'appropriation de leurs terres par les Européens et le déplacement de certaines
tribus d'un point à l'autre de la Nouvelle-Calédonie (17).
Sans entrer dans le détail du régime de la propriété coutumière, on relèvera le rôle de l'Agence de
développement rural et d'aménagement foncier (ADRAF), créée en 1988 et reconduite par la loi organique
de 1999. Au terme de la période 1978-1998, le bilan de la réforme foncière est satisfaisant. Les Kanak
disposent désormais d'un vaste patrimoine foncier : 254 tribus sont propriétaires de 180 000 hectares en
réserves autochtones ; 258 groupements de droit particulier local (GDPL) - structure juridique propre à la
Nouvelle-Calédonie, instituée en 1982, qui regroupe des personnes soumises au statut coutumier,
représentant un ou plusieurs clans ou une tribu - sont propriétaires de 72 000 hectares. Cette nouvelle
répartition est due à l'action de l'ADRAF.
La question de l'accès à la terre a toujours été source de tensions en Nouvelle-Calédonie. Or, il apparaît
que la reconnaissance des terres coutumières par l'accord de Nouméa a entraîné une résurgence des
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revendications par les communautés locales. Les représentants de l'ADRAF ont montré qu'elles
soulevaient des difficultés, dans la mesure où elles portaient sur des terrains privés. Ils ont estimé que le
fait que la question foncière ne fasse pas l'objet d'une politique nettement définie en Nouvelle-Calédonie
n'était pas de nature à faciliter le règlement d'éventuels conflits locaux. Il appartient désormais à la
Nouvelle-Calédonie de régler ces questions puisqu'elle est compétente en ce domaine, en mobilisant
notamment ces institutions que sont le sénat et les conseils consultatifs coutumiers.
Au-delà d'une apparente homogénéité, la coutume kanak est, en fait, très diverse. Le centre culturel JeanMarie Tjibaou en rend compte de manière remarquable. Pour ne prendre qu'un exemple, on rappellera que
près de trente langues kanak sont pratiquées en Nouvelle-Calédonie. Ainsi les droits coutumiers se
distinguent très nettement les uns des autres. C'est cette diversité que l'accord de Nouméa a voulu prendre
en compte.
c) La consécration constitutionnelle
L'accord de Nouméa a entendu donner à la coutume toute son importance, en engageant son évolution
dans un cadre institutionnel inédit.
Dans sa première partie consacrée à l'identité kanak, l'accord du 5 mai 1998 insiste sur cette donnée
essentielle de la société calédonienne. Il reconnaît le statut coutumier en prévoyant que les règles qui lui
sont relatives seront fixées par les institutions de la Nouvelle-Calédonie. Ce statut s'applique non
seulement aux personnes mais également aux terres qui sont au cœur du système économique et
symbolique kanak. L'accord de Nouméa a prévu de conférer au palabre une pleine force juridique. Par
ailleurs, le rôle des aires coutumières doit être valorisé, l'accent étant mis également sur la nécessaire
garantie de la légitimité des autorités coutumières et leur fonction dans la prévention sociale et la
médiation pénale. Au sein des nouvelles institutions calédoniennes, apparaît un sénat coutumier,
obligatoirement consulté sur les sujets intéressant l'identité kanak.
L'accord de Nouméa a également consacré l'importance du patrimoine culturel kanak. Il prévoit aussi une
recension et un rétablissement des noms kanak de lieux. Il en est de même pour les sites sacrés
mélanésiens qui seront identifiés et juridiquement protégés. L'Etat s'engage également à favoriser le retour
en Nouvelle-Calédonie d'objets culturels kanak, actuellement en métropole ou à l'étranger.
Les langues kanak sont désormais des langues d'enseignement et de culture, alors que sont encouragés une
recherche scientifique et un enseignement universitaire sur ces sujets. De plus, l'accord de Nouméa prévoit
la création d'une académie des langues kanak qui fixera leurs règles d'usage et leur évolution.
Parallèlement, l'Etat s'engage aussi à apporter son soutien au centre culturel Tjibaou pour lui permettre de
tenir pleinement son rôle de pôle de rayonnement de la culture kanak.
Comme le souligne l'accord du 5 mai 1998, « l'identité de chaque Kanak se définit d'abord en référence à
une terre ». Cette dimension n'a donc pas été négligée. Ainsi le rôle de l'Agence de développement foncier
(ADRAF) est reconnu et réaffirmé. Le statut des terres coutumières est également consolidé.
On le voit, la coutume est loin d'avoir été négligée lors de la signature de l'accord de Nouméa. La loi
organique n'a pas manqué de confirmer l'importance de la culture kanak, conformément au titre XIII de la
Constitution consacrée à la Nouvelle-Calédonie.
2. La gageure de l'organisation institutionnelle de la coutume
(…)3. Une crise latente de la coutume
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a) L'association des coutumiers à la vie de la cité
Le fait tribal est une réalité incontournable. Cette situation engendre évidemment des tensions habituelles
dans les sociétés soumises à des mutations sociales et économiques rapides et intenses. Dans la province
Nord, les autorités des tribus sont, semble-t-il, associées à certaines délibérations municipales. Les maires
doivent tenir compte de leurs avis et composer avec cette réalité tout à fait tangible. Souvent les
populations, isolées, ignorent tout des normes en vigueur et un effort important doit être entrepris pour les
amener à la connaissance de textes nombreux, complexes et, parfois, confus.
Les maires - comme celui de Koné - souhaitent également sensibiliser les coutumiers aux affaires de la
cité, en intégrant les tribus de l'intérieur des terres dans une réflexion globale sur l'aménagement
communal. Un exemple concret de cette forme d'association réside dans le travail accompli sur les noms
de lieux et la cartographie des territoires. Le fonctionnement des institutions coutumières locales ne
semble pas, pour l'heure, soulever de problèmes majeurs. Les conseils de clan, des anciens, de district et
d'aire sont désignés par consensus, sans vote. De fait, cette procédure est souvent longue, le temps étant
considéré comme le meilleur moyen d'aplanir les éventuelles dissensions entre les chefs coutumiers.
b) La difficulté à accepter les interférences du droit non coutumier dans la vie des tribus
On a pu constater, aussi bien dans le Nord que dans les îles, que les coutumiers acceptaient mal les
interférences du droit et de la procédure pénale dans la vie des tribus. Les sanctions coutumières qui
présentent souvent un caractère de punitions corporelles - allant de la gifle à la bastonnade avec des nerfs
de bœufs ou des faisceaux de fils électriques - ne sont évidemment pas reconnues par notre droit. Pour
autant, elles sont encore pratiquées dans les tribus.
Les jeunes ont de plus en plus de mal à l'accepter et des plaintes commencent à être déposées à la suite de
telles punitions. En conséquence, les autorités coutumières n'osent plus appliquer la règle traditionnelle de
crainte d'être poursuivies pénalement. On se réjouira sans doute de cette situation qui est plus conforme à
l'idée que l'on se fait de la République, l'Etat devant demeurer seul détenteur du pouvoir d'infliger des
sanctions pénales.
Mais les réactions à cette confrontation entre sanctions coutumières ou droit pénal ne sont pas forcément
celles que l'on pourrait attendre. Il est ainsi étonnant de constater que les femmes entendues à Lifou
prennent la défense des autorités coutumières, mises en cause dans une affaire de violences accomplies
dans le cadre de sanctions traditionnelles. Un écho identique a été entendu auprès des autorités religieuses
protestantes de l'île. Celles-ci ont attiré l'attention de la mission sur le paradoxe qui consiste à reconnaître
à la coutume une place essentielle dans les nouvelles institutions calédoniennes, tout en sapant les
fondements de l'autorité coutumière.
Les poursuites pénales engagées contre les chefs coutumiers ont été très mal ressenties à Lifou où la
tradition est beaucoup plus prégnante que sur la Grande Terre. Alors que les membres de la mission leur
faisaient remarquer que la justice républicaine devait s'appliquer à tous, surtout lorsque des violences ont
été commises, les autorités religieuses protestantes de Lifou ont souhaité que les décisions prises par les
autorités coutumières - notamment par les conseils qui regroupent l'ensemble des clans - soient reconnues
par la loi. Faute d'une telle reconnaissance, c'est, à leurs yeux, à la culture même des Kanak que l'on
s'attaque.
L'église protestante de Lifou se montre d'ailleurs, explicitement, très sensible à « ce qui touche les valeurs
essentielles des hommes et des femmes », appelant de la sorte à une meilleure prise en considération des
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exigences propres à la coutume, facteur primordial pour le maintien de l'équilibre global de la société
kanak.
Parallèlement, ces autorités protestantes n'ont pas manqué d'appeler l'attention de la mission sur le
développement des pratiques sectaires qui, à leurs yeux, - on comprendra pourquoi - menacent la société
mélanésienne. Ce n'est sans doute par un hasard si l'affaire pénale que nous avons évoquée est liée à la
répression par les coutumiers de pratiques religieuses liées à une secte - les Témoins de Jéhovah - qui se
développe à Lifou.
c) Les relations difficiles de la coutume et du développement économique
Une meilleure prise en compte de la coutume passe également par son implication dans le développement
économique de la Nouvelle-Calédonie. Il s'agit d'un impératif incontournable, notamment dans les îles
Loyauté où toutes les terres sont coutumières.
Visitant le marché de Wanaham à Lifou en présence du comité de développement du Wetr, la mission a pu
évoquer cette question plus précisément. Le comité de développement est placé sous l'autorité du grand
chef, alors que son organisation s'articule autour des tribus de l'île. Subdivisé en douze commissions,
regroupant chacune une vingtaine de personnes, ce comité étudie des projets de développement locaux,
souvent de dimension modeste mais de première importance, pour Lifou.
Les coutumiers rencontrés à cette occasion ont exprimé leur scepticisme face aux déclarations politiques,
privilégiant les projets de terrain qui affectent, selon eux, plus directement la population. Les
interlocuteurs de la mission ont fait montre d'une approche pragmatique des problèmes économiques de
l'île. La prise de conscience de leur rôle en ce domaine par les coutumiers est manifeste. Pour autant, ceuxci craignent d'être condamnés à demeurer de simples réservoirs d'idées, sans pouvoir peser réellement sur
les décisions.
A l'écoute des responsables du comité de développement du Wetr, on a pu avoir le sentiment qu'ils
demeuraient en situation d'attente, en dépit d'un engagement quotidien manifeste. Les efforts qu'ils
produisent pour améliorer la situation économique de leur île, dans le respect de la tradition, ne sont pas
toujours couronnés de succès. Mais ces difficultés sont, à l'évidence, liées à des problèmes d'ordre plus
structurel qui affectent la Nouvelle-Calédonie en général, et plus encore les îles Loyauté. Pourtant, les
autorités tribales siégeant au comité de développement montrent un visage engageant de la coutume, qui
n'hésite pas à agir dans une perspective dynamique tout en demeurant un pôle de stabilité évident.
d) Faire face à l'évolution des mœurs
On doit, en effet, relever que l'autorité coutumière constitue un pôle de stabilité dans une société kanak qui
gère difficilement un passage rapide à la modernité. La diffusion des biens de consommation et des
images d'une société occidentale et de ses valeurs, via la télévision, conduit les jeunes Mélanésiens à un
état de frustration, né du manque de moyens matériels dont ils peuvent disposer et de leur désœuvrement,
en dépit de formations scolaires de plus en plus sérieuses.
Dans le même temps, des expériences sont menées dans certaines tribus de la province Nord afin
d'accueillir des jeunes Kanak délinquants, habitant Nouméa, qui, en perte de repères, sont encouragés à
revenir aux sources de la culture mélanésienne. Ce porte-à-faux entre l'application du droit républicain et
la coutume n'échappe pas aux Calédoniens. Les membres de l'Eglise évangélique autonome entendus par
la mission n'ont pas manqué d'évoquer la difficulté de concilier la double légitimité républicaine et
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coutumière, qu'il est peu aisé d'accorder. Ils ont également fait allusion à la nécessité de « reprendre en
main » certaines chefferies qui ne fonctionnent pas bien.
e) Le sénat coutumier en quête d'un rôle
Estimant être les parents pauvres de la réforme, les coutumiers ont considéré que la loi organique n'était
pas satisfaisante, ayant été négociée sans que le monde coutumier n'ait été réellement consulté. Les
membres entendus ont ainsi jugé que le sénat n'occupait pas une place assez importante au sein des
institutions de la Nouvelle-Calédonie, regrettant le caractère seulement consultatif de leurs avis.
L'absence d'autonomie financière du sénat a également suscité des récriminations de la part de ses
membres, ceux-ci ayant le sentiment de trop dépendre du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.
Pour autant, le bilan de la mise en place du sénat coutumier n'est pas totalement négatif. Le règlement
intérieur est paru au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie. Huit commissions ont été créées, un
membre pouvant appartenir à plusieurs d'entre elles. Des méthodes de travail se mettent peu à peu en
place. Les membres du sénat entendus par la mission ont fait part de leur volonté d'occuper pleinement
leur place au sein de la vie publique calédonienne. Le malaise apparent au sein de cette instance est
finalement l'expression d'une difficulté d'être plus générale au sein du monde coutumier. Lors d'une
réunion à la mairie de Lifou, il a été indiqué à la mission que les chefs étaient « à la recherche dans les
institutions d'une dignité qu'ils détiennent dans leur tribu ».
4. Les efforts menés en faveur des langues mélanésiennes
(…) c) La prise en compte de ces langues par l'école
L'école prend en compte l'existence de ces différentes langues. Depuis 1998, avec l'accord de Nouméa,
« les langues kanak sont, avec le français, des langues d'enseignement et de culture ».
Il existe cependant des politiques d'enseignement très diverses d'une province à l'autre, entre le public et le
privé, et même au sein des trois catégories d'enseignements privés. Les textes, assez peu précis, sont ainsi
appliqués de façons différentes. Dans le second degré, les langues kanak sont des matières
d'enseignement. Six langues sont régulièrement enseignées depuis quelques années au collège et quatre au
lycée
Enfin, l'université de Nouvelle-Calédonie a organisé un DEUG de langues et cultures régionales depuis
1999. Il est ouvert aux étudiants locuteurs d'une des langues optionnelles au baccalauréat (ajië, drehu,
nengone et paicî). Depuis la rentrée 2001 il existe également une licence dans la même matière. Le
colloque qui s'est tenu à Nouméa en mars 2000, à l'initiative de l'ADCK (agence de développement de la
culture kanak) a permis de mettre en évidence l'enjeu de la préservation et de l'enseignement des langues
locales mais aussi les difficultés qui surgissent en ce domaine. A cette occasion, M. Maurice Ponga,
membre du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, a estimé que la langue française demeurait le ciment
qui relie toutes les communautés présentes en Nouvelle-Calédonie pendant que le haut-commissaire
insistait sur la nécessité d'adapter les moyens à l'enjeu. La question du nombre des enseignants, des
documents pédagogiques a été clairement posée lors de ce colloque, dont l'organisation a montré que
l'enseignement des langues en Nouvelle-Calédonie ne relevait pas d'un débat annexe.
La coutume et l'identité kanak, culturelle et linguistique, sont des facteurs de stabilité, structurant une
partie de la société calédonienne. Mais face à ce conservatoire des valeurs, existe une dynamique
économique réelle, que la mission a pu observer sur place.
Page 12
Source : Les sociétés locales face aux défis du développement économique- province Nord de
Nouvelle-Calédonie - Etude IAC- CIRAD 2005
1. Eléments de diagnostic
Quatre points ressortent du diagnostic réalisé
• Les sociétés locales sont confrontées à des changements rapides qui mettent à l’épreuve les
structures sociales ; on observe ainsi la permanence de nombreuses formes de solidarités sociofamiliales mais aussi certaines recompositions des liens sociaux.
• Les individus et les groupes démontrent de fortes capacités d’innovation dans les domaines
technique, économique et social et des articulations originales entre activités marchandes et non
marchandes se construisent.
• Des inégalités globales existent entre la population des tribus et le reste de la population, mais
on observe aussi des processus de différenciation sociale au sein des deux groupes.
• Le développement de l’activité économique est significatif mais reste limité ; pour
les pouvoirs publics cela justifie l’importance accordée aux projets économiques structurants.
Le développement local se structure à trois échelles. Certaines tribus mettent en place des
approches de développement local qui sont souvent animées par des responsables coutumiers et
des responsables associatifs. La commune a un rôle stratégique dans le développement local et
certaines municipalités misent explicitement sur cette approche et s’efforcent d’articuler les
différentes initiatives qui existent dans la commune. Tous les services provinciaux s’efforcent de
travailler avec les communes et les relations se révèlent productives ; des difficultés existent
cependant dans l’articulation des initiatives provinciales et locales.
2. Les points de vue des différents acteurs sur les projets structurants
Les acteurs locaux et les projets structurants
L’adhésion au projet d’usine du nord s’accompagne d’interrogations et des risques sont
clairement identifiés, qui varient selon les personnes interrogées :
• L’impact environnemental du projet préoccupe toutes les catégories d’acteurs ; ce risque est
fortement exprimé par des responsables coutumiers et par des associations de défense de
l’environnement.
• La « déception des jeunes » en matière d’emploi salarié est un risque souligné par tous ; pour
les personnes interrogées il pourrait être lié à deux facteurs : une qualification professionnelle
insuffisante qui limiterait fortement l’embauche des jeunes et une conception très étroite de
l’emploi local (que personne ne souhaite mais que la plupart redoute).
• La transformation du cadre et des modes de vie est une préoccupation très fréquemment
exprimée ; elle concerne notamment l’impact que pourrait avoir le développement de l’économie
marchande sur les relations sociales au sein des familles, des tribus.
• Certains acteurs locaux soulignent d’autres risques. Des élus locaux, des opérateurs
économiques et des responsables d’organisations se disent préoccupés par la concurrence des
entreprises de la province Sud ; certains s’interrogent sur la compatibilité entre métallurgie,
tourisme et promotion de la qualité des produits du Nord ; les OPA amènent certaines personnes
à s’interroger sur le rôle des multinationales ; etc.
Page 13
• « Il n’y a pas que l’usine ». L’immense majorité des personnes interrogées souligne la
nécessité d’une diversification des activités économiques ; instruites par l’expérience (« la mine a
des hauts et des bas »), elles plaident pour une attention accrue pour les autres projets structurants
et pour les approches de développement local.
Des problématiques particulières. Le soutien massif de la population au projet industriel est un
atout considérable mais c’est aussi une contrainte ; il s’accompagne en effet de très fortes attentes
en termes de résultats. De ce fait, une très grande vigilance est à prévoir de la part de la
population en ce qui concerne l’impact environnemental du projet mais aussi son impact
économique et social.
3. Des défis et des pistes de réflexion
Préserver et renforcer la cohésion sociale
Les grands projets vont accélérer et amplifier les changements au sein des sociétés locales qui
sont déjà fragilisées par la rapidité des évolutions qui s’opèrent ; des inégalités existent en outre
au sein de ces sociétés (en matière d’accès au foncier, à l’information, aux ressources financières
et techniques) et nombre d’acteurs locaux redoutent qu’elles s’aggravent. Des questions sont
posées ; elles dépassent le cadre de la présente étude mais elles sont revenues de façon récurrente
dans les entretiens réalisés.
(i) Il s’agit tout d’abord du rôle des responsables coutumiers dans le développement économique.
Tous les acteurs interrogés en soulignent l’importance : ils sont régulièrement sollicités par les
services provinciaux ; leur accord et caution sont nécessaires au développement des initiatives
économiques à l’échelon local et ils sont parfois les promoteurs de certains projets. La question
de l’institutionnalisation des relations entre les responsables politiques et coutumiers fait en
revanche débat. Sans prétendre formuler des propositions en la matière, trois points sont revenus
fréquemment dans les entretiens effectués : la nécessité de construire des relations négociées et
permanentes ; le nécessaire appui dont devraient bénéficier les dynamiques économiques tribales
qui sont portées par des responsables coutumiers et associatifs ; enfin, la nécessité de concilier la
« continuité historique » dont sont porteurs les responsables coutumiers et l’innovation sociale
dont font preuve les sociétés locales.
(ii) La deuxième question concerne la place des jeunes dans des sociétés locales confrontées à
des changements rapides. « Les jeunes » ne constituent pas un ensemble homogène mais force est
de constater que certains d’entre eux semblent avoir une réelle difficulté à se projeter dans
l’avenir et que les réponses institutionnelles semblent parfois avoir du mal à s’ajuster à des
situations souvent complexes. Trois pistes de réflexion ont été identifiées : la valorisation des
résultats positifs obtenus par certaines associations ou communes ; des appuis aux initiatives
communales ; la construction progressive d’une stratégie provinciale, définie de façon concertée
par tous les acteurs institutionnels et associatifs concernés.
(iii) Une plus grande reconnaissance de la place des femmes paraît essentielle au renforcement
de la cohésion sociale : elles jouent un rôle important dans les équilibres sociaux et dans
l’articulation entre les sphères marchande et non marchande mais elles ne bénéficient que de peu
d’appuis spécifiques. Trois points paraissent importants : accompagner la structuration des
associations de femmes ; faciliter leur accès à des appuis spécifiques qui leur servent de
« passerelles » pour accéder aux autres dispositifs d’appui provinciaux ; de façon générale,
promouvoir les approches « genre » dans tous les domaines.
Page 14
4. Le suivi-évaluation
En conclusion, quatre enjeux de portée plus globale peuvent être signalés :
• Il s’agit tout d’abord des questions posées par la maîtrise du développement dans un contexte de
mondialisation ; cela renvoie au poids des multinationales mais aussi à l’émergence de contrepouvoirs qui peuvent déboucher sur des contestations sociales.
• Il s’agit ensuite de la nécessaire articulation entre les trois grands secteurs économiques que
sont le secteur concurrentiel, le secteur de l’économie mixte et le secteur de l’économie sociale.
Cette articulation paraît nécessaire au renforcement de la cohésion sociale et des passerelles
explicites devraient sans doute la favoriser.
• Le troisième enjeu, complémentaire du précédent, concerne le renforcement de la cohésion
sociale et des territoires. Il supposerait la poursuite des efforts de rééquilibrage économique,
social et territorial et des efforts accrus pour faciliter un accès équitable aux ressources. A noter
que cet enjeu renvoie aussi à la construction d’une approche « Pays » qui, dans certaines filières,
permettrait de dépasser les limites d’un développement exclusivement provincial.
• Notons enfin que le quatrième enjeu a trait à la participation accrue des citoyens aux décisions
qui les concernent. Les acteurs locaux expriment une demande croissante de participation aux
prises de décision et la structuration progressive de la « société civile » constitue à cet égard un
atout indéniable. Cette participation permettrait sans doute de mieux prendre en compte les
préférences éthiques, sociales et culturelles dans la mise en œuvre des projets économiques.
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Source : GROCHAIN Sonia, La tribu comme espace culturel de solidarité, thèse IAC (extraits)
CHAPITRE 14: la tribu, un espace culturel de solidarité.
Les articulations d’un modèle culturel.
Tout d’abord, il convient de se positionner sur les débats concernant les modèles culturels. Les
controverses ne manquent pas dans les débats d’ethnologues et d’historiens sur le modèle
culturel Kanak, et plus particulièrement sur les fonctions du chef de tribu1. Si ces débats existent
c’est parce que les recherches anthropologiques en Nouvelle Calédonie mettent de plus en plus
en avant la démarche historique pour saisir une culture Kanak longtemps étudiée dans la stricte
tradition anthropologique d’une société fonctionnant avec ses propres règles politique, de
parenté ou d’échange économique. Les fonctions même du chef traditionnel sont aujourd’hui
sujettes à interprétation. D’un chef respecté notamment dans les textes de Maurice Leenhardt, à
la réduction de son rôle de chef de guerre ou encore sur les règles de sa nomination, les
recherches ne manquent pas de contribuer par de nouveaux apports à ce débat. A ces recherches,
il faut rajouter les incursions de l’Administration Française, pour contrôler une population
colonisée. L’existence des grands chefs et des districts est le résultat d’une décision de
l’Administration Française durant la colonisation, plus précisément en 1898, et la nomination
des chefs par l’Administration ne prendra fin qu’en 1976. Le modèle culturel Kanak a donc été
façonné dés la période coloniale et à cela il faut y ajouter une disparition de la moitié de la
population à la fin du dix neuvième siècle. Le but de notre démarche sera moins de questionner
l’authenticité d’un modèle culturel que de montrer le sens attribué aujourd’hui par les jeunes aux
différentes activités au sein de la tribu. Car la tradition est constamment soumise au processus de
changement social et dans tous les cas, qu’il s’agisse de continuité ou de transformation de la
forme culturelle, ces processus sont souvent enracinés dans des motivations, des stratégies et
l’intentionnalité des acteurs sociaux dans le temps et dans l’espace. Ainsi, il serait erroné de
considérer que la tradition fonctionne aujourd’hui sur elle-même tant elle s’accompagne des
exigences de la vie quotidienne, de motivations identitaire, politique, économique, ou sociale et
de manière générale d’une articulation avec la modernité.
Préservation de la structure traditionnelle et activités politiques.
Les tribus sont composées d’une chefferie avec un conseil des anciens regroupant un membre de
chaque lignage de la tribu, qui s’occupent de l’organisation de la vie sociale dans cet espace et
notamment des démarches administratives liées aux statuts de droit coutumier ou l’autorisation
de construction de nouvelles habitations par des procès verbaux de palabre qu’ils effectuent avec
les gendarmes. Ces associations indigènes créent à la fin de l’indigénat animées par un souci
d’éviter toute déstructuration de la culture Kanak confortent l’ancien contrôle colonial ou
apposent de nouvelles pratiques servant cet objectif. Le souci de l’ordre favorise la pérennisation
d’une police indigène dans chaque tribu. Ainsi toute consommation d’alcool dans la tribu,
affaires foncières ou de mœurs étaient réglées ou réprimées par des punitions physiques, des
amendes ou un tribunal local animé par le chef et son conseil. Le rôle de relais de cette structure
est encore perpétué avec les gendarmes mais surtout et pour la première fois pour des activités
Plusieurs auteurs ont étudié le rôle du chef traditionnel, Maurice Leenhardt (1930, 1937), Jean Guiart
(1962), Alban Bensa (2005), Adrian Muckle (2005).
1
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politiques au moment de l’implantation de l’Union Calédonienne car un nombre important des
dirigeants politiques sont aussi des chefs de tribu. Dans le même temps, les tribus s’agrandissent
par les réattributions foncières et dans les années soixante dix, plusieurs projets économiques
apparaissent notamment d’élevage regroupant plusieurs membres des tribus sans que le chef et
son conseil des anciens y jouent un rôle prépondérant. Néanmoins, ce sont les prémices qu’une
adaptation juridique va favoriser le déploiement dans les années quatre vingt. Ainsi, durant la
période des années quarante à quatre vingt, c’est une revendication de l’identité culturelle par
une préservation des structures traditionnelles et une revendication foncière, pour l’attribution
aux lignages et clans de leurs terres ancestrales qui prédominent en tribu ainsi que l’activité
politique.
Initiatives économiques et sociales.
Au début des années quatre vingts, une adaptation juridique à la réalité culturelle locale est
effectuée par la création des Groupements de Droit Particulier Local pour faciliter les
réattributions foncières, la construction de logement et l’activité économique. Par le bais de cette
structure l’ensemble des membres d’une tribu ou d’un ou de plusieurs clans a la possibilité
d’effectuer des demandes d’attributions foncières. Censé convenir à l’organisation coutumière
des difficultés ont cependant surgi par la confusion de la fonction de mandataire et de
propriétaire individuel ainsi que par le manque de précision des compétences foncières de cette
structure, des droits et devoirs de ses membres. Il existe cependant soixante quinze GDPL
tribal2 aujourd’hui en Province Nord, détenant une superficie totale de vingt sept milles hectares
et cent quatre vingt douze GDPL clanique, constitués à 60 % de plusieurs clans, détenant une
superficie totale de plus de quarante trois mille six cent hectares. Les GDPL constituent ainsi un
enjeu pour le développement économique sur les terres coutumières ; si 80 % des GDPL ont
pour seules activités les cultures vivrières des membres de cette structure la création d’activité
d’élevage comme le GIE de la tribu de Koniambo ou encore la mise en place de baux sont de
plus en plus observées. Les chefs et les conseillers interviennent de plus en plus à un niveau
économique comme nous l’avons vu dans la gestion de l’emploi local et participent à un partage
de l’emploi, comme l’exemple de Nakéty ou ils y gèrent la main d’œuvre pour le chargement du
minerai. Les projets de développement économique mis en œuvre aujourd’hui mais aussi ceux
effectués durant les années quatre vingt liés à la revendication politique d’indépendance
reçoivent l’approbation de l’ensemble des jeunes. Si durant les années quatre vingt prédomine la
communauté par rapport à l’individu concernant le développement à mettre en œuvre, à travers
la collectivisation des moyens de production, par un projet tribal d’élevage par exemple, le
discours est plus nuancé aujourd’hui. Pour une grande partie des jeunes, les deux pôles
communautaire et individuel doivent être enclenchés simultanément, il s’agit, dés lors, de
trouver l’équilibre entre eux. Le Conseil des Anciens qui constitue pour eux le garant de la
coutume au niveau de la tribu doit pouvoir répondre aux besoins immédiats des personnes y
vivant. Différents projets tels que la mise en place de chantier école pour les jeunes sans
formation, pour la construction d’un bâtiment financé par l’Etat, le plus souvent une maison
commune pour le conseil des anciens ou un foyer socio-éducatif pour les jeunes sont les activités
les plus répandues. Il y a également des activités sociales pour répondre à différents besoins
d’une population démunie. Les jeunes ou les femmes mettent en place des activités de soutien
Source « La réforme foncière en Nouvelle-Calédonie 1978-1998 » Agence de développement rural
et d’aménagement foncier, édition grain de sable, 2000.
2
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scolaire ou un marché de proximité afin d’aider les personnes sans ressources et bénéficient pour
cela de l’appui du conseil des anciens. L’activité de cette organisation est fortement soumises
aux besoins de la population, ainsi ce sont les personnes qui vont bénéficier des projets, par
exemple des jeunes qui souhaitent des formations dans le cadre d’un chantier école en tribu ou
des entrepreneurs pour la construction d’un bâtiment, qui participent régulièrement aux réunions
des conseils des anciens. Il peut y avoir d’autres formes de solidarité telles que l’organisation de
kermesse par le chef et son conseil des anciens afin d’aider les familles sans revenus. Ces
activités économiques et sociales s’ajoutent aux pratiques culturelles permettant des solidarités
entre lignages et clans lors des évènements marquants comme un mariage ou un décès. Durant
ces moments pouvant durer plusieurs semaines, les lignages de la tribu, ou des alliés se trouvant
ailleurs, effectuent les échanges coutumiers, constitués de tissus, monnaies Kanak, argent,
denrées alimentaires et produits agricoles, de la pêche ou de la chasse. Les jeunes sans emplois y
participent surtout par la construction des locaux, la pratique de la chasse et de la pêche afin
d’aider à nourrir l’ensemble des personnes présentes lors de ces échanges.
La chefferie garante des valeurs culturelles.
Si l’on assiste à des évolutions socioéconomiques dans cet espace de la tribu, le rôle premier
attribué par les jeunes au conseil des anciens est d’être le garant de la coutume, c'est-à-dire des
pratiques culturelles. De ce fait, le rôle traditionnel conféré à cette structure est encore reconnu,
il n’est en aucun cas remis en cause «il doit faire respecter les valeurs culturelles ». La coutume
apparaît, chez ces jeunes, primordiale car ils ressentent un manque. Les filles sont plus au fait
des fonctions et pratiques coutumières de leur lignage mais ces connaissances sont du domaine
de la culture générale que d’un réel intérêt certainement du fait de leur positionnement social à
l’égard de la coutume, la plus grande partie de ces pratiques étant dévolues aux hommes. Les
garçons sont plus discrets sur la coutume mais maîtrisent l’essentiel et c’est eux qui souhaitent
vraiment approfondir leurs connaissances de la coutume. Les demandes formulées ne sont pas
liées à l’histoire familiale qui relève du domaine privé mais à la connaissance de règles,
pratiques à effectuer au niveau de la tribu et sur les comportements à avoir par exemple sur la
parité en rapport avec la place de la femme dans la tradition. Les jeunes attendent du conseil des
anciens une forme institutionnalisée de la transmission du savoir coutumier entendu comme
l’histoire traditionnelle de la tribu. Ils adhèrent massivement à l’idée d’un représentant jeune au
niveau du conseil des anciens tout en rappelant toujours la complémentarité entre vieux et
jeunes. Beaucoup ont compris que c’est par une socialisation précoce dans cette organisation que
l’on préparera mieux les responsabilités à prendre en tant qu’adultes plus tard, « le jeune doit
intégrer le conseil des anciens car il y a des discours intéressants et c’est bénéfique pour lui de
s’instruire ». Après ce premier argument, est posé celui d’un meilleur contact entre jeunes et de
la qualité de la réflexion par rapport au vécu. Si certaines actions se mettent facilement en place
d’autres plus difficiles, nécessitent réflexions. Cependant, elles ont souvent un point d’ancrage
commun concernant les propositions de résolution : la légitimation traditionnelle, au sens d’une
perpétuation des pratiques du passé. L’intérêt pour l’histoire de la tribu sert ce but, car il permet
de connaître les différents chemins que les anciens ont élaborés pour répondre aux besoins de la
communauté : rassemblement, information de la population, organisation et gestion de la tribu
etc. Cette légitimation traditionnelle apparaît ainsi comme un fondement incontournable pour
résoudre des problèmes de plus en plus concentrés sur l’intégration économique et sociale des
populations des tribus et dans le même temps, elle rappelle que la socialisation est un processus
Page 18
qui doit s’effectuer à chaque génération car la société Kanak est de tradition orale.
Conclusion.
Au regard des analyses présentées, la légitimité de la chefferie et son conseil des anciens est
reconnue et plus encore confortée. On peut même dire qu’il y a une sollicitation plus grande du
fait des questions nouvelles qui se posent pour la société kanak. Lieu de vie quotidienne, la tribu
est régie par des règles discutées et contrôlées par le chef et son conseil des anciens. De manière
générale, on peut ramener tous les débats que posent les jeunes entre la tradition et une prise en
compte des valeurs sociales qui ne peut se faire sans une intervention économique. Le Conseil
des Anciens devient un lieu de marque sociale c’est à dire une instance qui participe à la fierté de
la population de la tribu lorsqu’il est dynamique. Si c’est principalement dans cette entité que les
associations d’indigènes puis politiques recrutent leurs membres, l’on assiste aujourd’hui à une
transformation des activités vers un développement des formes de solidarité. Les jeunes y sont
sensibles et souhaitent y occuper un rôle dans le conseil des anciens afin de permettre une
meilleure prise en compte de leurs réalités dans le respect des membres plus âgés. Il y a
aujourd’hui au moins trois associations dans chacune des quatre tribus dans lesquelles nous
avons mené nos enquêtes, ce qui montre une forte dynamique associative en tribu pour résoudre
les différents problèmes sociaux. Des réattributions foncières à la formation des jeunes ou des
marchés de proximité, les initiatives socioéconomiques ne manquent pas en complément des
échanges coutumiers. La tribu est ainsi et avant tout un espace culturel de solidarité pour les
jeunes dans lequel ils y participent d’où leur volonté d’y résider.
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Source : Sand C, Bole J, Ouetcho A, 2003, « Les aléas de la construction identitaire
multiethnique en Nouvelle-Calédonie : quel passé pour un avenir commun ? », journal de la
société des océanistes, n°117, année 2003-2, musée de l’homme, pp 147-169.
Une histoire complexe perçue de façon spécifique par chaque communauté culturelle
calédonienne.
L’histoire est rarement faite de « certitudes » mais elle est fortement dépendante des aléas du
contexte social et politique du moment. Elle se nourrit de toute une série de mécanismes
explicatifs et de choix de valorisation qui évoluent au fil du temps aussi bien en fonction des
découvertes scientifiques que des besoins de la société civile et de l’Etat. Toutes les études
menées dans le monde sur les processus de définition des racines historiques des nations
modernes ont montré que systématiquement l’élaboration de « mythes d’origine » s’appuyait non
pas sur des résultats scientifiques démontrés mais en partie sur des données historiques et
archéologiques manipulées (…)
Il s’agit (…) de dégager une série de symboles suffisamment rassembleurs pour « unifier » des
groupes culturels différenciés dans un processus « d’invention des traditions ».
(…) la démarche d’appropriation du passé par des élites civiles en particulier dans un contexte
colonial, passe par la création de « visions du passé qui sont en fait des mythes mettant en scène
la vie ancestrale imaginaire, sans grand rapport avec le passé « réel qui est celui documenté par
les scientifiques ». La société kanak n’a pas été à l’écart de ce mouvement de réappropriation du
passé dans un contexte de décolonisation (…).
Ceci s’est traduit par un processus naturel de « création » d’un ensemble « unitaire » par le choix
réfléchi d’une série de symboles puisés dans la « coutume ». Comme ailleurs, cette « invention »
d’une mythologie kanak avait pour objectif de « créer une communauté liée par l’identité
culturelle partagée alors que leurs ancêtres étaient en fait profondément divisés, culturellement et
linguistiquement. Comme l’a montré E Gellner, le choix de s’appuyer sur des racines agraires,
« la paysannerie étant considérée comme dépositaire de l’authenticité nationale », a été fait par
les leaders politiques dans une démarche qui se confond historiquement avec la modernité
politique occidentale en liant le politique et le culturel.
Analyse partielle d’un phénomène de recomposition culturelle : Histoires diverses pour un destin
commun ?
La société kanak est aux portes d’une évolution profonde avec l’émergence d’une nouvelle
génération de jeunes mélanésiens bien conscients des attraits de la modernité, poussés en
particulier par le phénomène d’émancipation des femmes. Parallèlement à une augmentation de la
scolarité, la société kanak a fait face au cours de la dernière génération à son plus grand exode
rural pas uniquement motivé par des considérations économiques mais aussi par choix volontaire
ou par crise interne.
(…) La société kanak se sait aux portes de profondes évolutions nécessitant une redéfinition du
concept d’histoire. Toute une partie de la nouvelle génération s’insère dans la société
mondialisée, rendant moins tangible certains fondements culturels du passé.
La complexité contemporaine des comportements culturels :
Comme dans toute société, seule une partie de la population kanak porte un intérêt à la
valorisation de la « culture » en tant que pivot central du système de développement.
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(…) Les caldoches ont été directement poussés par la revendication kanak des années 70-80 à
s’approprier leur véritable histoire afin en particulier de définir quelle place ils peuvent espérer
dans l’avenir du pays.
Quels types de liens à la terre ?
Le lien à la terre est devenu mouvant dans chaque communauté. Les premières générations de
caldoches ont eu une relation généralement détachée par rapport à l’espace rural. L’installation de
leurs ancêtres sur la terre calédonienne s’était souvent faire à travers le bagne, les anciens
condamnés étant placés sur concessions qu’ils avaient parfois à payer. Forcés de travailler une
terre d’exil pour rembourser l’administration pénitentiaire, de nombreuses familles percevaient
leur propriété comme symbole de souffrance exigeant un travail dur pour un retour souvent
misérable. Dans bien des cas, les petits colons libres attirés par des campagnes de presse française
vantant les attraits d’une colonie riche où la fortune était facile ne furent pas mieux lotis. Dans un
contexte d’échec économique et souvent humaine, renforcé par les pratiques des grandes maisons
de commerce, une bonne partie des descendants de bagnards et de petits colons vendait dès que
possible leur parcelle et venaient s’installer à Nouméa ou dans les villages de brousse. Cette
situation a transformé pendant longtemps la grande-terre en un énorme réservoir à propriétés avec
la possibilité d’acheter des centaines d’hectares pour peu qu’ils se situent loin de la ville.
(…) Durant les premières générations, toute une partie des caldoches n’avaient pas un
attachement réel à cette terre. Les choses ont profondément changé à la suite des revendications
des terres kanak à partir des années 70. Devant abandonner certains de leurs anciens terroirs au
cours des « événements », une bonne partie des caldoches réagit par une réflexion
communautaire et identitaire, considérant en particulier que chaque restitution de foncier aux
tribus signifiait la disparition d’une parcelle de leur passé. En une génération la communauté
caldoche prit conscience que sa légitimité était liée au foncier calédonien et que la perte de ce
foncier la priverait de ses seules racines. Un nouveau lien calédonien au terroir s’est construit sur
la revendication kanak aboutissant dans certains cas à un retour à un avenir agricole chez certains
jeunes. Ainsi, les caldoches dont toute une partie des ancêtres avaient paradoxalement tenté de
fuir les concessions sur lesquelles les avaient mis la colonisation expriment aujourd’hui un besoin
évident de « retour au terroir », base de leurs racines au pays.
(…) La perception du sens du terroir ancestral chez une partie de la population kanak est en cours
d’évolution dans un mouvement de détachement qui comporte des parallèles frappants avec celui
vécu par une partie de la communauté caldoche au cours de la première génération de la
colonisation.
Progressivement, le sol glisse doucement vers une valeur marchande chez certains kanaks.
Chacune des autres communautés a une histoire spécifique avec le foncier calédonien. Si les
descendants d’immigrants asiatiques peuvent se retrouver dans le schéma caldoche, il en va
différemment des wallisiens et futuniens. Cette communauté partagée entre le lien familial,
coutumier et culturel à ses terres polynésiennes et son enracinement historique et récent à la
grande-terre calédonienne cherche sa place dans un pays où elle n’a encore réellement de racine
foncière (…)
Si une seule chose lie aujourd’hui les calédoniens par-dessus toutes leurs différences c'est
certainement ce lien à la terre. La prise en compte apaisée d’une histoire multiple mais partagée
apparaît comme une des clés d’un accord sur le foncier après des générations de conflits se
traduisant encore aujourd’hui par un phénomène d’aller- retour entre le passé et le présent, un
réflexe qui consiste à se replier sur le passé quand on ne sait pas où l’on va et à faire fi de ce
passé au nom de la modernité.
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Source : GRAILLE Caroline, Primitifs d’hier, artistes de demain : l’art kanak et océanien en
quête d’une nouvelle légitimité, Ethnologies comparées n°6, printemps 2003 Océanie, début de
siècle (extraits).
http://alor.univ-montp3.fr/cerce/revue.htm
(…) l’accroissement, depuis les années 1970, des formes indigènes contemporaines d’expression
culturelle démontre le dynamisme et la vitalité artistique des peuples d’Océanie. Dans chacune
des jeunes nations ou territoires du Pacifique Sud, l’affirmation de l’identité culturelle autochtone
qui structure et légitime le discours anti-colonial est, en effet, allée de pair avec l’émergence de
nouveaux artistes, engagés dans le processus de renouvellement et de reconstitution d’un
patrimoine artistique national. Au-delà du rôle politique de l’art (réification des identités
nationales, revendications foncières), et parallèlement à sa fonction économique (par le biais du
tourisme et de l’exportation des objets), les artistes sont également stimulés par l’autonomisation
du champ culturel artistique de leur pays, et notamment par les politiques culturelles locales (en
faveur des centres culturels ou des manifestations artistiques récemment créés), ou lors de
manifestations régionales et pan-océaniennes telles que la Triennale Asie-Pacifique, en Australie,
par exemple, le Festival des Arts du Pacifique, ou encore la Biennale d’art contemporain de
Nouméa.
L’art contemporain kanak et océanien : rupture et continuité
Les œuvres proposées lors de ces manifestations locales ou régionales marquent indéniablement
une forme de rupture vis-à-vis de l’art dit « traditionnel », aussi bien par les techniques et les
matériaux utilisés, que par les concepts et les symboles évoqués.
Par leur agencement et la composition de leurs catalogues, les expositions consacrées à l’art
contemporain régional accentuent nettement la position centrale de l’artiste en tant qu’individu :
bien que semblant aller de soi, cette notion d’individualité de l’artiste crée une dimension
relativement nouvelle, car elle s’oppose à la perception occidentale, longtemps dominante, par
laquelle l’expression culturelle des sociétés non-occidentales serait exclusivement une forme
d’art tribal communautaire, et n’engagerait en aucune façon la personnalité d’un artiste en
particulier.
La création « contemporaine » marque donc l’ascension des producteurs au rang d’artistes,
c’est-à-dire d’individus dotés d’une personnalité artistique propre, et non plus seulement de
porte-parole anonymes et interchangeables d’une culture et d’une tradition artistique canoniques.
Aussi les artistes kanak de la nouvelle génération se sentent-ils véritablement des
« pionniers » en matière esthétique3.
D’aucuns refusent encore de s’approprier le label d’artiste, davantage perçu comme une
étiquette occidentale à laquelle ils ont bien du mal à s’identifier. C’est le cas, par exemple, du
sculpteur Sylvio Jorédié, qui déclare : « Je suis un sculpteur kanak et je ne me considère pas
3
Paula Boi, artiste kanak, 27 octobre 2000, Nouméa.
Page 22
artiste, et quand vous parlez d’artistes kanak, je dis que je ne connais pas. Je connais d’autres
sculpteurs kanak, et je suis très heureux de les retrouver. C’est la grande famille » (ibid.).
Parmi les artistes qui s’assument et sont reconnues aujourd’hui comme telles (j’emploie le
féminin car, pour le paysage culturel kanak, ce sont en effet majoritairement des femmes,
graphistes ou peintres, qui ont construit et nourri l’actualité artistique depuis la fin des années
1980), Paula Boi, Yvette Bouquet, Micheline Néporon, et Denise Tiavouane furent les premières
à s’engager dans le champ artistique local émergent.
Plus difficile encore a été de comprendre la portée et la signification de l’art kanak
contemporain, puis d’en assumer la dimension mercantile.
Ces mêmes artistes qui, à leurs débuts, refusaient catégoriquement de « passer à la
télévision », ont jugé nécessaire par la suite d’accompagner les plus jeunes dans leur initiation
aux coulisses de la profession : elles les présentent aux responsables institutionnels, les
« pistonnent » pour les expositions, les conseillent sur la manière de commercialiser leurs œuvres
et, plus largement, sur le rapport ambigu qu’entretient l’artiste avec l’argent. Elles les dissuadent
aussi de leur mieux de vouloir faire de l’art un « vrai métier », et les incitent plutôt à poursuivre
des études pour avoir au moins la certitude de pouvoir gagner leur vie en tant que professeur
d’arts plastiques.
De toute évidence, la réalité sociologique bouscule progressivement les représentations
héritées du sens commun occidental : l’artiste kanak cesse d’être ce personnage ténébreux et
mystique, forcément autodidacte, qui vit coupé du monde, au seul contact de la nature, des forces
telluriques, et des esprits ancestraux.
Paradoxalement, ces artistes qui accèdent à une
reconnaissance institutionnelle, voire à une certaine notoriété en raison même du modernisme de
leurs œuvres, semblent néanmoins tous très soucieux de maintenir une symbolique ethnique forte,
qui prenne appui sur un certain nombre de références à la tradition et évoque une continuité avec
le passé et l’art des anciens : parfois discrète, par la simple utilisation de matériaux naturels ou
d’objets traditionnels, la symbolique indigène peut aussi s’exprimer avec force, dès lors que sont
évoqués des traits culturels bien plus spécifiques. (…) l’art contemporain du Pacifique, ( …) doit
(…) être reconnaissable en tant que tel . Ainsi, les créateurs indigènes contemporains, s’ils sont
invités — par l’institution — à s’affranchir d’un traditionalisme jugé réducteur et anti-créatif, se
trouvent également « contraints » — par la même institution, sous une forme le plus souvent
informelle et implicite voire inconsciente —, de ne pas trop s’écarter d’une esthétique qui
permette, peu ou prou, de les identifier d’un point de vue ethnique.
Si l’on souhaitait durcir le trait, disons qu’un artiste kanak, aborigène ou maori qui ferait
« simplement » de l’art contemporain, inspiré d’abstractionnisme, de cubisme ou
d’expressionnisme, sans y glisser la moindre référence visible à sa culture d’origine, n’aurait
guère de chance d’exposer dans le cadre d’une exposition régionale ou internationale d’art
contemporain. Sous l’influence du patronage occidental, et afin d’accéder aux espaces
d’exposition naissants (donc à condition de se conformer aux canons d’une certaine esthétique
contemporaine « post-coloniale », autrement dit « ethnique » ou « identitaire »), les artistes nonoccidentaux sont encouragés à recourir aux évocations et symboles de leur culture d’origine, ce
qui limite immanquablement leur liberté d’expression.
(…) De la même manière, rares sont les artistes kanak et océaniens dont les œuvres ne
contiennent pas de référence, même purement allusive, à leur culture d’origine.
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Plus encore, d’après Errington, c’est l’artiste lui-même qui devient, purement et simplement,
le dépositaire du capital d’authenticité (ce label qui fera ou non de sa production une œuvre d’art
reconnue comme telle). Il occupe de ce fait une place centrale à l’intérieur du processus
d’esthétisation — ou, devrait-on dire, d’authentification — auquel je fais référence ici :
l’authenticité se trouve pour ainsi dire transférée de l’objet vers l’artiste (Errington 1998 : 141146 ) car une œuvre sera avant tout jugée à l’aune de l’« indigénité » de son auteur, ou encore de
la « pureté ethnique » de ce dernier, attestée, par exemple, par sa couleur de peau ou, plus
subtilement, en fonction de la part de sang indigène qui coule dans ses veines.
(…) En Nouvelle-Calédonie, où le degré d’appartenance à la culture kanak dépend, non pas
tellement de la couleur de peau ou des ascendants ethniques, mais davantage du contexte culturel
dans lequel l’individu a été élevé, de son patronyme, et de sa familiarité avec le savoir coutumier
(Bensa 1995 : 121). C’est sans doute la raison pour laquelle les artistes kanak (…) font volontiers
état de l’environnement familial dans lequel ils ont grandi (la nécessité de vivre, ou tout au moins
d’effectuer des visites fréquentes « à la tribu » et au contact des « anciens »). D’autres regrettent
de n’avoir pas eu la chance de baigner dans le contexte coutumier, comme cette jeune artiste née
en 1972, élevée à Nouméa, entrée à l’École d’Art de Nouméa en 1992, puis à l’École nationale
des Beaux-Arts de Nancy en 1994, qui dit se sentir « infirme » car elle ne parle pas le nemi, une
langue de sa région d’origine. Rapidement remarquée et soutenue par ses aînées pour son talent
artistique, elle exprime toutefois le besoin d’apprendre cette langue qui lui fait défaut, afin de se
sentir mieux « en tant que kanak mais aussi en tant qu’artiste »4.
L’artiste moderne des sociétés non-occidentales incarnerait donc ce génie paradoxal qui,
d’un côté, affirme une créativité et un style visuel uniques (par le phénomène de sacralisation de
la personnalité et de l’originalité de l’artiste), et de l’autre, revendique un enracinement et un
retour constants à une appartenance ethnique et à un héritage culturel communs à l’ensemble du
groupe (Thomas 1996 : 300-306 ; 1999 : 264). Bien entendu, cette ethnicisation de l’art
contemporain des sociétés non-occidentales, tout comme son caractère hybride, paraissent
totalement naturels aux artistes, ainsi qu’aux autorités culturelles qui assurent leur promotion ou
au public qui s’y intéresse. Un discours fort répandu consistera alors à déclarer les artistes
investis d’une mission de médiation et de transmission entre une tradition culturelle ancestrale
dont ils sont les dépositaires légitimes, et la société moderne dans laquelle ils vivent. Comme
l’exprime le sculpteur kanak Ito Waïa, le rôle de l’artiste consiste ainsi à sauvegarder la tradition
tout en la renouvelant :
« Entre moi et les anciens, il n’y a pas de rupture. Je suis un support de la continuité. C’est
ma façon d’écrire ce que l’on n’a pas écrit. C’est une façon de poser un repère pour passer
le relais. Tout va dans le sens de la création. [...] Il ne faut pas s’arrêter à ce que l’on fait.
Il faut avoir le courage d’aller de l’avant, d’être un créateur »5.
Ce type de discours, fréquent chez les artistes océaniens et chez ceux qui les célèbrent,
constitue en quelque sorte une attestation de l’authenticité de leur art (toujours inspiré par la
4
5
Maryline Thydjepache, artiste kanak, Nouméa, le 10 novembre 1999.
Mwà Véé, revue culturelle kanak 8, Nouméa, ADCK, 1995 : 56.
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tradition) ; il contribue par la même occasion à la construction d’un mythe de l’artiste moderne
indigène, qui serait alors, selon eux, plus apte que ses contemporains à comprendre et à exprimer
la transition entre tradition et modernité. L’artiste incarne le nouveau gardien de l’identité
ethnique ; comme l’écrit encore Thomas, la tradition devient en quelque sorte une « réserve
d’authenticité », une référence extérieure à l’artiste, dans laquelle ce dernier vient légitimement
puiser ce dont il a besoin (op. cit. : 307).
A ce propos, parler d’un rapport d’extériorité des artistes vis-à-vis de la tradition ne peut
manquer d’être associé à une certaine forme d’intentionnalité de l’artiste. Il est certainement
malaisé d’évaluer cette dimension dans les œuvres contemporaines indigènes : d’aucuns se disent
naturellement « habités » par la tradition de leur ethnie (les « rêves » que l’artiste peintre Paula
Boi transcrit sur ses toiles renvoient toujours à des mythes ancestraux dont elle n’a pu,
s’exclament les vieux de la tribu, avoir connaissance, et que par conséquent, seuls les esprits ont
pu lui souffler) ; d’autres au contraire expliquent comment ils vont délibérément chercher des
symboles « traditionnels » forts pour les intégrer à leurs œuvres. La perception d’une créativité
spontanée, inconsciemment imprégnée de références ethniques « innées », n’est guère plausible,
car trop teintée de culturalisme ; dans le même temps, dire que les artistes manipulent le
répertoire symbolique et coutumier peut prêter le flanc à la critique (l’implacable « néocolonialisme ») : on préfèrera alors parler de « réappropriation », de « réinterprétation » ou de
« renégociation » de la tradition par les artistes (Stevenson 1998 : 68-73). Pour ma part, j’insiste
sur le rôle central de l’artiste contemporain dans la production de symboles socio-culturels, et sur
sa situation d’extériorité vis-à-vis de la tradition, en ce qu’elles sont caractéristiques de la
modernité et des ruptures engendrées par celle-ci au sein des sociétés post-coloniales (cf.
Babadzan 1999).
D’un point de vue sociologique, ceci révèle d’ailleurs un phénomène essentiel, qui est
l’émergence, par le biais des arts plastiques contemporains et des politiques de soutien à la
création culturelle, d’un nouveau groupe social, celui des artistes, qui n’existait pas en tant que tel
dans la société pré-coloniale, et qui se trouve intégré à la classe moyenne ou à l’intelligentsia
autochtone. Le rôle d’artiste médiateur (« bridging artist » ou « in-between artist » dans le
vocabulaire anglo-saxon) permet de proposer une réponse esthétique individuelle à un
bouleversement social global sans précédent, qui va de pair avec le processus de décolonisation et
de modernisation : l’identité culturelle d’un groupe se trouve bel et bien renégociée et remodelée
par l’artiste contemporain, littéralement incarnée et réifiée (« chosifiée ») à travers la
représentation néo-traditionnelle qu’il en donne6. Le vocabulaire esthétique propre à cette
génération d’artistes indigènes post-modernes se caractérise donc — pour l’instant du moins —
par un dosage subtil entre tradition et modernité : à ce titre, il s’accommode particulièrement de
thématiques coloniales ou post-coloniales, dont la portée politique n’est évidemment pas à
négliger, telles que le traumatisme de la colonisation, les revendications foncières, les violences
urbaines, la disparition des savoirs traditionnels, les questions d’identité, etc., qui entretiennent la
dichotomie, étonnamment fertile et intarissable d’un point de vue artistique, entre l’antériorité
autochtone et la prise de possession occidentale.
6
Emmanuel Kasarhérou, « Men of flesh and blood : the Jean-Marie Tjibaou Cultural Centre in Noumea », Art and
AsiaPacific 2(4), 1995 : 90-95. Cette renégociation ne va pas sans malentendus et tensions : l’emprunt de symboles
traditionnels et leur utilisation à des fins artistiques se heurte parfois aux « interdits coutumiers », l’artiste moderne
n’ayant aucune légitimité en regard du système traditionnel d’organisation sociale.
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Dans un langage graphique plus ou moins violent et vindicatif, les artistes contemporains
océaniens parviennent donc à des compositions novatrices, en rupture avec les objets d’art tribal
auxquels le public est habitué, tout en étant capables de maintenir un lien avec la tradition
culturelle de leur pays ou de leur ethnie, notamment par l’utilisation de symboles ethniques forts.
Leurs œuvres rassemblent quelques objets industriels (a priori anartistiques), incarnant le monde
moderne, mais surtout des matériaux d’origine naturelle (pigments, tubercules, terre, sable, bois,
etc.) ou des matières végétales travaillées de manière artisanale (tapa, paniers tressés…) qui, une
fois placés au cœur de l’espace d’exposition, se trouvent tout naturellement érigés en signifiants
ethniques et continuent d’exprimer, du point de vue de leurs auteurs et de ceux qui les célèbrent,
« l’Esprit » et le « Génie créateur » de la tradition dont elles sont issues. L’acte créatif consiste
alors en un moment privilégié durant lequel une igname ou un morceau de bois acquièrent,
comme par magie, et du seul fait de leur transposition dans un espace dédié à la création
artistique contemporaine, une signification identitaire immédiate et se trouvent, du même coup,
dotés d’une efficacité esthétique reconnue et célébrée comme telle. Emmanuel Kasarhérou,
directeur culturel du Centre Tjibaou en Nouvelle-Calédonie, décrit en ces termes l’installation
proposée par l’artiste kanak Denise Tiavouane à l’occasion de la seconde Triennale d’Art
Contemporain Asie-Pacifique à Brisbane, en Australie, en 1996 :
« Elle est arrivée, très sûre d’elle, elle a fait un jardin, avec des taros et des ignames [forts
symboles kanak, ndlr] ; (…) elle avait mis des haut-parleurs, enterrés dans le champ
d’ignames, et on entendait des cris de bébé [qui sortaient des haut-parleurs] (…). Et elle
l’a fait avec une force qui m’a vraiment surpris. Elle était là pour dire quelque chose, elle
avait un message à délivrer. A travers elle, c’était un groupe qui s’exprimait : elle se
sentait le porte-parole d’un groupe plus large »7.
Conclusion : la réinvention du musée des antipodes ?
En Nouvelle-Calédonie et dans la région du Pacifique Sud, [on note une ] autonomisation
d’un champ artistique océanien, au sein duquel les expressions artistiques non-occidentales sont
le reflet de ces sociétés post-coloniales et pluri-ethniques en mutation. Une des questions qui se
posent alors aux institutions artistiques en émergence (galeries ou biennales africaines, asiatiques,
sud-américaines, océaniennes…) est celle du choix de leur programmation artistique : doiventelles promouvoir exclusivement l’art contemporain « autochtone » (au risque, d’une part, de
demeurer des « périphéries », et d’autre part, de reproduire, en l’inversant, l’ethnocentrisme si
caractéristique des « bastions » de l’art moderne occidental) ? Ou bien leur faut-il au contraire
intégrer rapidement les productions, métissées ou non, d’artistes occidentaux ? La question est
plus brûlante encore dans les anciennes colonies devenues des sociétés pluri-ethniques
(notamment l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Nouvelle-Calédonie), où la culture matérielle
constitue bien souvent un véritable enjeu politique national : faut-il privilégier les œuvres des
« premiers habitants » du pays ? Comment donner aux arts de chacune des composantes de la
nation la place qui leur revient ? Et quelle visibilité peut-on ou doit-on accorder à la culture des
colonisateurs ?
7
Nouméa, entretien du 3 novembre 1998.
Page 26
Source : GRAILLE Caroline, Patrimoine et identité kanak en Nouvelle-Calédonie, Ethnologies
comparées n°2, printemps 2001, Miroirs identitaires. (extraits)
Revue électronique du CERCE (Centre d’études et de recherches comparatives en ethnologie)
http://alor.univ-montp3.fr/cerce/revue.htm
Ces mouvements successifs [ de population au niveau de la Nouvelle-Calédonie ] ont peu à
peu composé une société pluri-ethnique, marquée par de forts clivages entre ethnies autochtone et
allochtones8, qui ont eu pour effet de limiter très nettement le métissage sociologique (Bensa,
1995 : 121), et de maintenir des troubles sociaux et politiques durables, fondés sur la difficulté
des rapports entre ethnie colonisatrice et ethnie colonisée9.
la notion de patrimoine kanak, [peut être subdivisé en] deux périodes : l’une, politisée et
militante, de 1970 à 1988 ; l’autre, pacifiste et quasi-consensuelle, à partir de 1988 (signature des
Accords de Matignon). En effet, d’abord axée sur une revendication strictement politique (un
processus de mobilisation ethnique militant en faveur de l’indépendance d’une “nation kanak”),
l’affirmation de la spécificité identitaire des Mélanésiens de Nouvelle-Calédonie privilégie
davantage, depuis 1988, la création de nouvelles institutions culturelles et artistiques, en
particulier le Centre culturel Tjibaou, dont la conception puis l’inauguration à Nouméa, en mai
1998, ont reçu un écho médiatique international.
Le processus d’affirmation culturelle et de mise à l’honneur du patrimoine dont il est
question ici s’appuie toujours, et ce quelle que soit la période (i.e. avant ou après Matignon), sur
un ensemble de symboles identitaires (représentant le “nous” kanak par opposition aux “autres”
non-kanak), qui se donnent à voir à travers des manifestations telles que la muséographie, l’art,
l’artisanat, la musique, les pratiques coutumières, etc.
8
La communauté mélanésienne représente aujourd’hui environ 44% de la population totale, la population d’origine
européenne 34,1% ; le reste est composé de minorités ethniques (dont Tahitiens : 2,6% ; Indonésiens : 2,5% ;
Vietnamiens : 1,4% ; Ni-Vanuatu : 1,1% ; Wallisiens et Futuniens : 9%). Source : Recensement de la population de
la Nouvelle-Calédonie 1996, Paris/Nouméa, INSEE/ITSEE, 1997.
9
La fin du dix-neuvième et le début du vingtième siècles sont marqués par des insurrections menées contre la
domination coloniale, en particulier les révoltes de 1878 et 1917.
Page 27
Source : RALLU JL, BAUDCHON G, Changement démographique et social en NouvelleCalédonie après les accords de Matignon, Population, Année 1999, Volume 54, Numéro 3
(extraits)
Page 28
Conclusion
Page 29
Source : Chroniques du pays kanak, tome 1 (extraits)
Les conceptions kanak de la personne : p 52
JM Tjibaou : « le principe de vie, (…) c’est la mère qui donne la vie. Le père donne le
personnage, le statut social, la terre [..] la vie est donnée par le sang. Le sang, c’est la mère qui le
donne. Et le propriétaire du sang, c’est elle, ses frères et ses pères. Alors, je reste toujours duel. Je
ne suis jamais individu. Je ne peux pas être individu. Le corps n’est pas un principe
d’individualisation. Le corps est toujours la relation ». (Tjibaou 1981)
A chaque nom correspond un tertre où construire sa maison, une terre à cultiver, un rang dans la
hiérarchie du lignage, une fonction cérémonielle et une multitude de relations d’échange.
L’homme kanak, entre nature et culture p 64
Le kanak se définit toujours par rapport à son environnement. Il s’y perçoit comme un élément,
c'est-à-dire comme un organe dans un organisme souverain. Aussi ne se définit-il jamais sans
préciser le lien qui le rattache au tertre de ses ancêtres où à l’arbre autour duquel il a construit son
habitat.
L’homme existe par sa fonction dans l’organisation sociale, par sa place dans les réseaux de lien
de parenté, par son origine dans les différents secteurs de l’espace. Par exemple, homme, il est
porteur de dons, femme, elle est porteuse d’enfants. L’homme kanak n’est pas dissociable d’un
ensemble cohérent et structuré : sa coutume. Il est partie d’un tout. Il est tout ou il n’est rien.
Les terres ancestrales, enjeux fonciers et politiques par Mina Vilayeck p 196
« L’identité kanak se définit d’abord en référence à une terre » ainsi débute un des articles de
l’accord de Nouméa, reconnaissant les liens profonds et complexes qui lient les mélanésiens à
leur sol natal. (…) cette filiation quasi mystique se transmet toujours, immuable de générations
en générations. De nos jours encore la quasi-totalité des mélanésiens déclarent appartenir à une
tribu, donc une terre ancestrale, même si un tiers n’y réside pas.
L’accord de Nouméa renforce les droits et les structures coutumières.
Les jeunes et la coutume p 256
La jeunesse kanak, celle d’aujourd’hui comme celle d’hier, doit apprendre à trouver ses marques
vis-à-vis de la coutume. A la fois cadre et référence, la coutume est étroitement liée à cette
jeunesse qui la nourrit de ses interrogations. Contraignante mais protectrice, à la fois guide et
soutien, la coutume permet en réalité à chacun de trouver sa place dans une société en perpétuel
mouvement.
[La coutume] est parole de vie. Elle est cette terre généreuse au sein de laquelle la jeunesse peut
avec confiance, plonger ses racines avides. S’en éloigner, c’est se perdre, se vider de sa vitalité.
(…) on a trouvé le lien ombilical qui consacre le couple coutume et jeunesse. Aussi importe-il de
respecter la coutume. Les anciens –les ex jeunes- exhortent la jeunesse à puiser sa force dans la
coutume comme s’ils lui devaient ce qu’ils sont devenus. Leurs louanges ne ressemblent elles pas
à celles des vaincus ? Quand ils étaient jeunes, la coutume ne leur avait laissé aucun choix.
(…) la coutume constitue une véritable référence. On peut s’y appuyer pour aller de l’avant. On
peut la louer sans pour autant faire preuve de passéisme. La question est alors : comment la
coutume, cadre rigide, fait d’habitudes, de gestes répétitifs, qui par définition s’oppose à la
nouveauté, peut elle offrir un espace de vie à la jeunesse ?
Page 30
(…) harmonie, solidarité, entraide ne concernent pas uniquement la famille. La vie de la
communauté entière, ses pratiques, ses réseaux de relations, ses systèmes de communication en
sont imprégnés, en constituent la réalité palpable.
Passé le stade de l’enfance où il est sous la responsabilité de ses parents- laquelle n’est pas
exclusive-, le jeune voit sa famille s’élargir et prendre les dimensions du clan, puis celles de la
tribu. Il est préparé à passer d’une structure à l’autre. Et dans l’une comme dans l’autre de ces
structures (famille, clan, tribu), il sait qu’il y aura toujours une maison où il peut trouver refuge. Il
sait que l’accueil qui lui sera réservé n’est pas celui destiné à un étranger. Il est membre de la
grande famille et à ce titre il a droit à des égards.
(…) en tant que jeune, fille ou garçon, une fonction et une place spécifique lui sont assignées. Sa
jeunesse et son appartenance au groupe constituent les principaux critères d’attribution. En
général, on situe la jeunesse à l’entrée dans l’adolescence et son terme au mariage. Le passage
dans le monde des adultes entraine pour le jeune la perte de certains privilèges mais lui procure
en contrepartie de nouvelles fonctions, des droits et des libertés plus étendus.
La coutume, conçut à la fois comme un « havre de paix » de par la structuration qu’elle offre aux
jeunes, mais ce cadre trop rigide, n’explique-t-il pas en partie le malaise de la jeunesse ?
Quand, par souci de préserver l’harmonie et l’intérêt du clan, la coutume exclut le jeune des
palabres, prétextant son manque d’expérience, ne s’oppose-t-elle pas à l’expression naturelle de
la vie ? Empêcher une pensée de s’exprimer n’est ce pas créer un déséquilibre interne dont les
conséquences pourraient s’avérer néfastes pour le sujet ?
(…) la coutume, ce n’est pas seulement cet arbre dont on peut aujourd’hui admirer l’imposante
silhouette. Comme tout géant de la foret, il a d’abord été graine, jeune pousse vulnérable avant
d’être ce qu’il est devenu ; la coutume est premièrement hésitation, doute, projet… avant d’être
une pratique, un principe de vie. Aussi la coutume présente-t-elle une référence, non pas parce
qu’elle est ancienne mais parce qu’elle est toujours d’actualité. Penser que la coutume mérite
qu’on s’y intéresse parce qu’elle est millénaire donc stable n’a guère de sens. L’homme est
appelé à grandir, à s’épanouir. Il n’y a donc lieu de s’attacher à la coutume que si elle est
synonyme de changement, si elle sous tend la vie.
Page 31
Source : PITOISET A, Nouvelle-Calédonie, horizons pacifiques, Editions autrement, collection
monde HS n° 114, av 1999, 283 p (extraits)
Imaginaires, mentalités et modes de vie : un paysage en reconstruction p 95 et svtes
Comment peut-on être caldoche ?
Face à la montée en puissance de la culture kanak et à sa reconnaissance comme référence en
Nouvelle-Calédonie, les européens de souche hésitent à se définir. Lorsqu’on les interroge sur
l’existence d’une culture caldoche, ils restent le plus souvent sans réponse ou bien ce qu’ils
évoquent relève plus d’un mode de vie que d’une véritable culture. C'est pourtant cet art de vivre,
plus océanien qu’européen qui façonne leur personnalité, guide leurs choix et constitue leur
rapport à l’identité calédonienne en devenir.
Employé pour désigner les européens fixés en Nouvelle-Calédonie, le terme de caldoche est
relativement récent. Son usage ne s’est répandu qu’au moment du boom économique de 1970-72
pour les distinguer des métropolitains qui arrivaient en masse sur le territoire, attirés par la
perspective de hauts salaires et l’absence d’impôts sur le revenu. Avec la montée de la
revendication kanak, le terme a pris une nouvelle connotation, affirmant la légitimité insulaire des
fils de la colonisation. Le caldoche est en quelque sorte devenu le pied noir calédonien. Pour le
géographe A Saussol, il est au sens strict un descendant d’européen fixé depuis plus d’une
génération en Nouvelle-Calédonie.
« Etre né dans l’ile de parents immigrés ne suffit pas. En revanche, un métissage ne nuit pas,
pourvu que le postulant soit intégré à la communauté européenne par son style de vie et ses
relations. Une même dose de métissage pour un individu ayant eu l’heur de naitre dans une
« réserve » en fait inexorablement un « canaque ». C’est dire la subtilité de la démarcation, plus
culturelle que véritablement raciale.
Ainsi, nombre de broussards qui s’affirment caldoches sont en réalité des métis dont personne ne
conteste l’appartenance à la communauté européenne. Durant tout le 19è siècle, la communauté
caldoche est en phase de formation, il est donc indéniable que ce qui fait qu’un arrivant devient
membre de cette communauté encore fragile, c'est son installation définitive dans l’île. Cet
immigrant marque ainsi son attachement à cette nouvelle patrie des antipodes. Il y assure sa
pérennité en fondant une famille et il commence bientôt à critiquer les métropolitains fraichement
débarqués qui d’après lui viennent exploiter le pays et qui ne connaissent rien à rien. En effet,
l’apparition du caldoche implique nécessairement l’apparition du zoreille. L’affirmation de
l’existence du caldoche passe par la distinction de ce qu’il fut hier, véritable alchimie comparable
à celle de la transformation du plomb en or » F Angleviel, être caldoche aujourd’hui.
Difficiles identités
Il n’est guère de conversations où l’interlocuteur caldoche n’éprouve, à un moment ou à un autre,
le besoin de se définir par rapport à autrui. Sa fierté, matinée d’un certain complexe d’infériorité
vis-à-vis du métropolitain, se double d’une sincère connivence avec l’européen. Par rapport au
kanak, il se situe en termes politiques forcément réducteurs : indépendantiste ou loyaliste. Toute
sa problématique réside dans cette double ambigüité : celle de n’être ni le premier occupant du
territoire ni un métropolitain considéré comme plus cultivé et doté d’un passé qui parait plus
avouable. Souvent accusé de tous les maux de la colonisation, dont il fut aussi victime, le
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caldoche est en pleine quête identitaire. Ses ancêtres sont arrivés sur le territoire par nécessité,
plutôt que par choix et ils ont peu à peu endossé les habits du colonisateur. Complice d’une
politique dont il a à diverses reprises encouragé les retours en arrière, il doit aujourd’hui en gérer
l’héritage.
Nicole Robineau « il ne s’agissait pas de gens très riches comme à la Réunion mais souvent de
pauvres, de bagnards, de prostituées, de marins. Quelle identité trouver au milieu de gens qui
viennent d’espaces, d’horizons si différents ? L’identité se vit sur la durée, elle est en train de se
faire mais le mouvement est récent car l’histoire est douloureuse. »
La création de cercles de réflexion, les nouvelles initiatives en faveur de la sauvegarde du
patrimoine, la multiplication des rassemblements familiaux à l’occasion du centenaire de
l’arrivée dans l’archipel et la parution de nombreux ouvrages à caractère historique ou
biographique témoignent du vif intérêt suscité par la question.
Le « pays du non dit » cher à l’historien Louis José Barbançon est en passe de devenir celui de la
parole affirmée. Il affiche du moins la volonté. « conclamo ergo sum. Je revendique donc je
suis », telle devrait être la devise du caldoche affirme Louis José Barbançon. Elle est en effet
révélatrice d’une situation où les européens de souche ont conquis le droit de revendiquer une
patrie. Pour les kanak, il s’agissait d’un droit inné, même s’ils ont du se battre et mourir pour être
reconnus car « pour eux la revendication, comme preuve de leur existence, n’a jamais été qu’une
étape, un état transitoire. Ils sont. Nous devons prouver que nous sommes » Louis José
Barbançon.
Les ouvrages parus depuis une dizaine d’années illustrent le chemin parcouru. Dans le pays du
non dit, publié en 1992, Louis José Barbançon revendique ses profondes attaches calédoniennes
issues de deux colonisations, l’une « libre » et l’autre « pénale ». Deux ans plus tard, une
vingtaine d’écrivains, artistes et enseignants s’interrogent dans un essai intitulé Etre caldoche
aujourd’hui sur la difficulté d’affirmer cette identité et d’en cerner les grands traits culturels.
En 1996, le collectif d’auteurs de notre pays demain, écrit « pour participer à l’histoire de la
Nouvelle-Calédonie », part du postulat qu’ils « sont d’ici » et qu’ils veulent participer aux débats
sur l’avenir politique et institutionnel. Plus question de se perdre dans des définitions identitaires,
il faut agir. Les auteurs unanimes esquissent « un pays futur multiracial où chaque communauté
occupera la place qui lui est due, selon le principe de l’égalité ».
La publication dans la presse de sagas familiales, premier pas vers la vérité historique, permet de
mettre des mots et des images sur un passé récent tandis que la réédition de textes anciens fonde
la mémoire.
Le mythe du pionnier
Lors de l’arrivée massive des métropolitains dans les années 1970, les caldoches se sont sentis
noyés, pris en étau mais paradoxalement sécurisés face au danger indépendantiste. Les relations
n’ont pas toujours été faciles avec les nouveaux arrivants, elles ont souvent été empreintes
d’ambigüité. A l’heure où il y a proportionnellement de moins en moins de blancs dans la
population, la quête identitaire caldoche devient pressante, presque lancinante. Les caldoches se
raccrochent à des valeurs terriennes, qui les enracinent et les distinguent. Les kanak ont la
coutume et la tribu eux ont la brousse et les « vraies valeurs du terroir ». Le caldoche est un
amoureux de la nature, des coups de pêche ou de chasse. De retour pour un week-end sur la
propriété familiale, il aime sentir vibrer en lui l’âme de pionnier de ses ancêtres, s’identifier au
broussard. Le nouméen ne tarit pas d’éloges sur le caractère authentique de la vie en brousse à
laquelle il n’aspire cependant pas. Le stockman est une figure emblématique qui occupe une
place fondamentale dans l’imaginaire du pays.
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Les broussards ont souvent été aux avant postes de l’affirmation caldoche, notamment lors des
événements de 1984-1988. Leurs racines sont profondément inscrites dans le sol.
Imaginaires, mentalités et modes de vie : un paysage en reconstruction p 95 et svtes
La coutume, un code des relations sociales
La coutume est une pratique dynamique qui ne se vit plus comme il y a un siècle, voire il y a
encore une vingtaine d’années. Les règles coutumières sont orales et se transmettent de père en
fils au sein d’un même clan. Elles organisent la société mélanésienne autour d’un chef auquel
s’identifient des clans très hiérarchisés et représentés par le conseil des anciens.
Le kanak fonde son identité sur divers éléments : la terre dont il est issu, le mythe qui raconte
l’origine du clan, les généalogies qui inscrivent son histoire, la parole qui la transmet et l’enrichit,
le don qui engage.
La coutume aujourd’hui
Les mœurs changent. Timidement, les blancs commencent à parler de la coutume, à l’intégrer en
adoptant certaines de ses manifestations. De leur coté, les kanak sont confrontés à des arbitrages
difficiles entre deux systèmes juridiques traduisant une réalité coutumière et des principes de
droit européen.
La coutume est un geste de reconnaissance, un échange de paroles qui s’appuie sur des dons dont
les plus importants sont les monnaies et les ignames. Traditionnellement, faire la coutume, c’est
échanger des biens et des paroles dans le cadre d’une cérémonie à caractère juridique, afin de
renouveler les contrats qui assurent la sécurité des familles et l’accès à la terre. Faire la coutume,
c’est se mettre en position de demandeur. C'est tenter d’établir une relation précise avec un
individu particulier, à un moment et dans un lieu donnés. C'est reconnaître avant tout une relation
voulue de dépendance réciproque entre deux êtres distincts, mais c'est en même temps annuler
cette dépendance en rétablissant l’égalité simplement parce que l’autre reconnaît et accepte cette
dépendance.
Faire la coutume requiert du temps et de l’énergie. Ces dernières années, l’influence du
capitalisme s’est fait sentir dans les échanges coutumiers qui ont de plus en plus tendance à
passer par des produits qu’il faut acheter avec de l’argent. Au point que certains s’interrogent sur
la valeur symbolique de la coutume actuelle. De plus en plus de kanak se demandent où s’arrêtent
la coutume et la solidarité et où commencent la mendicité et l’exploitation. Les salariés chargés
de la circulation des biens et de l’argent sont sollicités en permanence. « La coutume a bon dos »
dénonce la poétesse mélanésienne Déwé Gorodey pour laquelle « il y en a qui vont à la coutume
comme à la kermesse ».
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Source : MARTINI Céline, Le développement durable en Nouvelle-Calédonie, données
juridiques et politiques, 355 p, Mai 2006 (extraits)
Coutume, foncier et développement : l’enjeu de l’ADRAF p 243 et suivantes
La Nouvelle-Calédonie comme toutes les îles de la Mélanésie, a connu la confrontation des
sociétés traditionnelle et européenne et le foncier y fut et y demeure un sujet de discorde
important. Le colloque qui s’est tenu en 2001 sur le thème « foncier et développement en
Nouvelle-Calédonie » démontre cependant la volonté de trouver une voie commune consensuelle.
La définition du foncier est fondamentale car elle conditionne un possible développement
économique et social géographiquement équilibré de la Nouvelle-Calédonie. Elle constitue en
effet un outil indispensable d’aménagement du territoire, dont le défaut peut faire obstacle au
développement durable amorcé de la Nouvelle-Calédonie.
Pour le député Yves tavernier qui a participé à une mission parlementaire en Nouvelle-Calédonie,
« la question foncière est peut être la clé du développement et de la paix en NouvelleCalédonie ». L’accord de Nouméa et la loi organique semblent exclure aujourd’hui l’économie de
cette réflexion et imposent la poursuite de la réforme foncière. Une loi du pays sur les terres
coutumières devait suivre la tenue du colloque ms n’est à ce jour pas adoptée.
Le lien à la terre
Pour L Mapou, la notion de « représentation » s’impose pour une étude de l’espace foncier des
kanak. Il importe dès lors d’appréhender le lien à la terre évoqué par l’accord de Nouméa, pour
tente de
comprendre cette « sorte d’incapacité presque fatale à concilier foncier et
développement ». Le problème foncier en Nouvelle-Calédonie est né du bouleversement
engendré par l’arrivée des européens, en particulier du défaut de prise en compte de la gestion
coutumière des terres jusqu’alors appliquée. Les besoins de l’administration pour les
établissements militaires et pénitentiaires, puis ceux des colons européens, engendra des
dépossessions des autochtones. Le territoire fut alors divisé en terrains domaniaux, terrains privés
et réserves autochtones. Ces dernières juridiquement incommutables, insaisissables, incessibles et
inaliénables furent attribuées aux tribus.
Thierry Menneson explique ainsi que « dans la société précoloniale, le clan, conglomérat de
lignées familiales se reconnaissant comme toutes issues d’un même ancêtre, est le détenteur de la
propriété. Le contrôle du lien est acquis par l’antériorité du défrichement et s’étend aux espaces
voisins cultivables non encore défrichés. Au sein du clan, les ainés attribuent les parcelles aux
différentes lignées cadettes, le chef de chacune d’elle conférant ensuite des droits d’usage à
chaque famille composant ces lignées. Cette première approche doit intégrer le sens de l’accueil,
commun aux populations du pacifique, selon lequel il est quasiment impossible, sauf à courir le
risque de susciter le courroux des ancêtres de refuser une terre à celui qui en fait, selon les règles
du lieu, la demande à son détenteur. La transmission du patrimoine foncier, dont le bornage
utilise les arbres ou les pierres, mettait en jeu la filiation, principalement agnatique, les
adoptions, les alliances, la confrontation et la guerre. De ces attributions ou transmissions
naissent beaucoup de droits d’usage, parfois successifs et superposés, avec des obligations
réciproques : le propriétaire doit assistance à l’usager si le droit de ce dernier est contesté,
l’usager doit se comporter en bon père de famille et distribuer quelques produits de ses récoltes
en reconnaissance de la qualité de propriétaire terrien. Les conflits étaient, dans ce cadre de
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gestion décentralisée, d’abord réglés au niveau coutumier local avant éventuellement de remonter
à celui du chef de clan, voir du grand chef ».
L’identité de chaque individu, comme du groupe se réfère ainsi en permanence à l’espace, qui est
aussi le support d’alliances multiples. Dès lors, comme l’indique L Mapou, « les saisir présente
un intérêt majeur ms impose un véritable parcours dans la tradition orale et une lecture
géographique et historique des faits sociaux pour en extraire la logique et les facteurs
d’évolution ».
Cette condition constitue également un obstacle qui jusqu’à présent n’a pas été surmonté par les
politiques foncières.
Perspectives :
L’article 6 de la loi organique constitue une grande nouveauté dans le système foncier
calédonien. Il définit les types de propriété garantis par la constitution et créé la catégorie de terre
coutumière interpellant par la même sur la possibilité d’une coexistence de deux types de
propriétés dans l’espace. Il appelle cependant un effort difficile de compréhension du système
foncier coutumier et confirme la nécessité d’une nouvelle approche du milieu coutumier visant à
en saisir la complexité pour en retenir les fondements nécessaires à son développement. Les
réformes entreprises n’ont en effet pas résolu tous les problèmes mis en exergue lors du colloque
tenu en octobre 2001 à Nouméa sur le thème « foncier et développement ».
Douze recommandations ont été formulées dans un rapport qui a été entériné par le comité des
signataires de l’accord de Nouméa qui s’est tenu à Paris en janvier 2002 :
- Conduire le débat sur les enjeux du foncier au niveau local
- Mettre en œuvre le cadastre des terres coutumières
- Clarifier au plan juridique les droits coutumiers
- Définir un mode d’analyse et de traitement des revendications
- Formaliser la procédure de palabre et de rédaction des procès verbaux
- Définir les formes de mise à disposition de terres selon les biens et le système foncier
- Définir la notion de droit réel applicable d’une manière générale sur terres coutumières
pour répondre aux besoins des personnes privées et des collectivités
- Mettre en place en Nouvelle-Calédonie des structures juridiques adaptées à l’agriculture
permettant une séparation des patrimoines fonciers et d’exploitations
- Renforcer l’info et la connaissance sur les types de foncier, les usages, les contraintes
- Mettre en place le fonds de garantie sur les terres coutumières
- Définir un système de gestion du foncier en Nouvelle-Calédonie
- Inciter à l’élaboration concertée d’outils de gestion de l’espace rural
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Source : LEBLIC I, 1993, Les kanak face au développement, la voie étroite, 412 p. (extraits)
P 19 : La tradition « doit (…) être vue comme une continuité par opposition à la rupture de la
modernité ». J’entends par tradition « l’ensemble du système social kanak qui, non seulement
n’est pas figé, mais en perpétuelle évolution, adaptation, transformation. »
P 25 « Pour les kanak, la terre représente bien autre chose qu’un périmètre foncier, c’est le
support nourricier du clan, le mémorial de ses traditions et le fondement de l’identité kanak qui
est, en quelque sorte, l’identité foncière : chaque patronyme est un toponyme marquant
l’appartenance d’un groupe familial à un terroir ».
P 77 « La terre définit l’identité sociale des individus par référence à un tertre fondateur et à
l’itinéraire qui conduit les ancêtres de ce lieu d’origine à l’habitat actuel. Dans cette société très
mouvante, les groupes se déplacent en fonction des réseaux de relations (maternel et paternel)
dont ils disposent ; cette mobilité permet d’ailleurs de faire vivre ces réseaux. La terre définit
donc une identité sociale mobile. »
P 190 « L’économie kanak existe, c’est une économie d’auto subsistance essentiellement basée
sur la culture des tubercules et d’arbres fruitiers, sur la pêche…et qu’elle garde aux yeux des
intéressés une rationalité certaine. Rationalité économique puisqu’elle assure de quoi se nourrir
mais aussi quelques surplus qui peuvent être vendus, mais surtout rationalité sociale en
permettant d’assurer les échanges traditionnels et de maintenir la cohésion sociale kanak. »
P 390 « cette notion de travail différente est un problème très important dans toute l’océanie.
Aussi, pour considérer le problème du développement dans son ensemble, il ne faut pas voir que
les projets économiques –même s’ils représentent une dimension importante et incontournablecar ils « n’ont pas que ça à faire » comme ils le disent souvent. Et à l’heure actuelle, les kanak ne
sont pas prêts à laisser de côté tout ce qui fait leur vie sociale et culturelle pour se lancer dans
l’économie marchande. »
L’auteur développe aussi la problématique de la propriété collective opposée à l’action
individuelle.
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Source : Actualités de l’Adraf, publication déc 2006
30 ans de réforme foncière
La politique de réforme foncière menée par différents opérateurs successifs a donné des
résultats tangibles et a permis de stabiliser la situation foncière en Nouvelle-Calédonie.
Désormais, un certain équilibre est atteint dans la répartition de l’espace : le foncier mélanésien
occupe maintenant 20 % de l’espace foncier de la Grande-Terre contre 10 % en 1978 ; le
foncier privé 20 % en 2005 contre 25 % en 1978, le reste constitue les terres domaniales des
collectivités publiques. La réponse a ainsi été donnée à l’essentiel de la revendication culturelle
en termes globaux ce qui a contribué à désamorcer une grande partie des conflits fonciers.
Néanmoins, ce bilan quantitatif doit être complété et nuancé. En effet, cet équilibre global n’est
pas uniformément réparti car il subsiste dans certaines zones des revendications non encore
satisfaites et donc des situations potentiellement conflictuelles. De même, sur un plan qualitatif,
force est de constater que les terres coutumières n’ont pas les mêmes potentiels économiques.
Il convient par conséquent de compléter le bilan quantitatif par des données qualitatives portant
sur le niveau d’équipement des terres coutumières ( viabilisation, réseaux divers…), leurs
caractéristiques physiques et leur potentiel valorisable sur le plan économique ( agricole,
lotissement rural…), leur classement PUD et les niveaux de risques ( inondation, glissement de
terrains…).
Ce bilan serait réalisé par l’ADRAF en partenariat avec le CNASEA, avec l’appui du GRET et
d’un bureau d’études.
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Source : Délibération N°13/2007-APN relative à la promotion et au développement des arts et
de la culture dans la province Nord
DELIBERATION
Relative à la promotion et au développement des arts et de la culture dans la province Nord
L’ASSEMBLEE DE LA PROVINCE NORD (…) A ADOPTE EN SA SEANCE DU 15
MARS 2007 LES DISPOSITIONS DONT LA TENEUR SUIT :
TITRE I - ORIENTATIONS GENERALES
Article 1 :
Dans le cadre de sa politique culturelle, la province Nord met en œuvre :
- le programme « Patrimoine du pays » qui a pour objectif d’identifier, préserver et
valoriser l’ensemble des éléments matériels et immatériels essentiels au regard de
l’identité et de la mémoire collective des citoyens de la Nouvelle-Calédonie.
- le programme « L’art en mouvement » qui a pour vocation le développement d’une offre
de pratique adaptée aux différents publics en tout lieu de la province.
- le programme « Sciences, livre et multimédia » qui a pour objectif la mise en place d’un
réseau à la fois organisé et moderne de lecture publique et l’accessibilité à des références
techniques universelles.
Article 2:
L’intervention provinciale a pour objectif :
- l’amélioration des conditions de vie des populations par l’apport de ces activités en terme
d’épanouissement individuel et d’animation.
- le rééquilibrage des offres de prestations et des équipements au niveau de la NouvelleCalédonie et au sein du territoire provincial.
- la promotion de la citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie par l’intermédiaire de la
valorisation des fonctions éducatives et sociales des pratiques artistiques, la
reconnaissance des différences culturelles et une affirmation identitaire hors de tout
communautarisme.
TITRE II – PROGRAMME PATRIMOINE DU PAYS
Article 3 :
Accompagner les démarches d’inventaire, promouvoir des lieux collectifs de culture et
favoriser l’expression et la transmission des identités culturelles constituent les lignes
d’action prioritaires de ce programme.
Article 4 :
La collectivité recherche un partenariat structuré avec la Nouvelle-Calédonie, les autorités
coutumières, l’agence de développement de la culture kanak et les instituts nationaux et
internationaux en vue de concourir à la promotion et à la valorisation de la culture kanak et
renforcer la place du patrimoine dans l’espace public.
Article 5 :
La province mandate l’agence de développement de la culture kanak pour les opérations de
collecte de données relevant de la tradition orale. La province Nord soutient les actions
culturelles menées par les aires coutumières s’inscrivant dans ses objectifs et cherche les
collaborations avec les aires dans tous les projets d’intérêt commun.
Article 6 :
Un programme spécifique est conduit par la collectivité en faveur de la prise en compte des
réalités linguistiques du pays. A cet effet, la collectivité travaille à la promotion et à la
valorisation de toutes les langues kanak parlées sur son territoire en favorisant :
- l’usage quotidien des langues kanak et la maîtrise de leur expression écrite, notamment
par la formation.
- l’édition d’ouvrages de références (dictionnaires …)
- l’édition de livres en langues pour la petite enfance
- l’édition de livres ou autres supports relatif à l’identité, à la culture et à l’histoire du
peuple kanak
- la requalification des langues kanak dans les concours administratifs
- l’usage des langues kanak dans les médias
Article 7 :
La collectivité s’engage dans une démarche d’inventaire systématique du patrimoine matériel
et immatériel (patrimoine bâti, sites, objets, mobiliers, sites ethnologiques, sites
archéologiques, toponymes) présent ou découvert sur le territoire provincial
Article 8 :
La province soutient financièrement et accompagne les actions et les initiatives permettant la
réappropriation par les populations et la transmission aux nouvelles générations des éléments
essentiels au regard de l’identité et de la mémoire commune des populations. L’ ensemble de
ces opérations s’organise dans un cadre réglementaire et méthodologique permettant de
garantir la préservation des sites, objets ou bâtis identifiés, d’associer les populations et de
développer des projets d’intérêt général et une démarche éducative et citoyenne.
Article 9 :
La collectivité intervient de manière prioritaire en faveur du rétablissement et de
l’officialisation des toponymes kanak. Par ailleurs, elle invite les collectivités compétentes à
prendre toutes initiatives pour une dénomination des lieux, places, rues, édifices publics .
Article 10 :
La province Nord encourage la recherche historique, l’édition, la diffusion et la distribution,
relatives aux communautés qui ont fait souche en Nouvelle-Calédonie et soutient les
initiatives culturelles visant à établir des passerelles entre les cultures
TITRE III – L’ART EN MOUVEMENT
Article 11 :
Accompagner les artistes, promouvoir l’éducation artistique et développer une
programmation provinciale constituent les lignes d’action prioritaires de ce programme.
Article 12 :
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La collectivité recherche un partenariat structuré avec les associations culturelles, les artistes,
les communes, la Nouvelle-Calédonie et ses établissements, l’agence de développement de la
culture kanak et l’Etat en vue de développer toutes les pratiques artistiques (spectacle vivant,
arts visuels et cinéma) de pérenniser et d’améliorer le fonctionnement des institutions
culturelles provinciales et de densifier et structurer la vie culturelle provinciale. Des logiques
de co-responsabilité entre pouvoirs publics et acteurs culturels sont valorisées afin de
développer la création, la diffusion et la formation.
Article 13 :
Dans le cadre d’un projet d’établissement proposé par les associations gestionnaires et validé
par la commission provinciale de la culture, la programmation annuelle et les actions de
démocratisation et de perfectionnement des techniques proposées par les centres culturels
provinciaux de Hienghène et de Koné sont soutenus de manière prioritaire.
Article 14 :
Des contrats d’objectifs sont signés, sur la base d’un projet pluri - annuel, avec des
associations d’intérêt provincial et les établissements publics afin de favoriser l’éducation
artistique dans le domaine des arts plastiques et visuels et de la musique. Les actions
permettant l’élargissement des publics et une meilleure qualification des animateurs de
proximité et des intervenants sont valorisées.
Article 15 :
Dans le cadre de contrats locaux d’animation signés avec les communes, l’ensemble des
acteurs culturels locaux sont mobilisés, soutenus financièrement, et tant que de besoin
accompagnés techniquement afin de développer une information locale sur les possibilités de
pratique, d’organiser des animations de proximité, de promouvoir les valeurs rattachées au
sport (éducation à la citoyenneté…), et de promouvoir notamment l’initiation et la création.
Article 16 :
Un plan d’actions spécifique est conduit en faveur des artistes de la province Nord. La
province s’attache à la constitution d’un fond d’œuvres artistiques itinérants avec le support
d’un muséo-bus, à l’accompagnement des projets mis en œuvre en temps scolaire et en
internats, et au soutien à la création et diffusion artistique (formations, résidence d’artistes,
mis en place d’un label provincial, aides financières et techniques aux projets individuels et
collectifs notamment s’inscrivant dans la recherche des signes identitaires du pays, soutien à
la SACENC dans son action de protection des droits et du statut des artistes)
Article 17 :
La collectivité poursuit également son effort en faveur de la mise en place de manifestations
provinciales de qualité (notamment le festival biannuel Cebu Nyebi et le festival Ânûû – rû
âboro) , et d’échanges artistiques régionaux et internationaux et de la création
d’infrastructures spécifiques.
TITRE IV – LIVRE ET MULTIMEDIA
Article 18 :
Développer les équipements, promouvoir la lecture à destination de la petite enfance et
favoriser l’usage des nouvelles technologies de l’information et de la communication
constituent les lignes d’action prioritaires de ce programme.
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Article 19 :
En relation avec les communes, les associations œuvrant dans ce domaine et la bibliothèque
Bernheim, la province Nord poursuit son effort en faveur du livre et de la lecture. L’
encouragement à la création littéraire notamment par une politique d’édition appropriée, le
soutien à la diffusion et à la distribution du livre, le développement du réseau de lecture
publique par la création de médiathèques, le soutien à la tenue de manifestation littéraire en
province Nord et à la formation des bibliothécaires constituent les objectifs provinciaux
Article 20 :
Dans le prolongement du programme « Internet à l’école » et afin de soutenir la mise en
place de Cyber – bases dans les communes de la province Nord, les initiatives relatives à
l’animation et à la structuration des sites sont soutenues par la collectivité.
TITRE IV - DISPOSITIONS DIVERSES
Article 21 :
Les interventions provinciales sont consenties dans les limites des crédits budgétaires
annuellement prévus à cet effet. Les conditions d’attribution et de versement des aides
provinciales sont arrêtées dans le Code provincial des subventions aux associations.
-
Article 22 :
Le programme pluriannuel d’équipements culturels 2007-2010 prévoit :
la construction d’un Complexe culturel à Koohnê composé d’une médiathèque, d’une
antenne du Conservatoire de musique de Nouvelle-Calédonie et d’une salle de spectacle,
l’installation de l’Ecole d’art du pays en province Nord
la construction d’écoles de musique sur les communes de Koumac et Poindimié
l’extension de centres culturels provinciaux
la création d’un complexe muséographique dédié au Lapita
d’un programme de restauration du patrimoine classé (mines du Nord, maisons Destop à
Voh, maison Janisel à Pouébo…)
Article 23 :
La stratégie relative à chacune des actions arrêtées par la présente délibération et les objectifs
annuels ou à l’échéance 2009 à atteindre sont fixés par la commission provinciale de la
culture. L’ensemble de ces éléments est regroupé dans un plan d’actions stratégiques.
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