Philosophie helléniste et romaine

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Philosophie helléniste et romaine
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PHI6215 – Philosophie hellénistique et romaine (Théorie)
Professeur : L. Monteils-Laeng
Courriel : [email protected]
Disponibilité : sur rendez-vous
Session : hiver 2017
Naissance d’un discours gérontologique –
La vieillesse en Grèce ancienne et hellénistique : perspective philosophique, biomédicale, politique et
sociale
Plan de cours
« Le vieillard est deux fois un enfant » (dis paides oi gerones) : cette formule, devenue lieu commun
dès Platon (Lois I. 646a4), voit l’évolution de l’existence humaine comme une circularité tragique et
non comme un progrès continu. Qu’elle soit décrite dans un registre pathétique (Œdipe à Colone et son
tableau d’une vieillesse solitaire et déchue), idéalisée (Platon et Plutarque), voire moquée (Aristote), la
question de la vieillesse fait polémique dès l’Antiquité. Elle est aussi un véritable problème
philosophique, bien que longtemps minorée par les commentateurs, au prétexte que la vieillesse serait
une question anecdotique, voire étrangère à la philosophie.
L’intérêt récent pour le corpus médical et biologique antique s’est cependant traduit par des études sur
des thèmes estimés, il y a peu encore, comme marginaux, tels que la zoologie ou l’embryologie ; la
question du vieillissement, et plus globalement de la vieillesse, s’inscrivent pleinement dans cette
perspective. Les textes portant sur le vieillissement offrent en effet une approche féconde sur les
théories dites du vivant d’Aristote, des auteurs du Corpus hippocratique [CH], des Stoïciens et de
Galien. Ils permettent aussi d’éclairer l’ambivalence de ces penseurs à l’endroit de la vieillesse,
partagés entre une idéalisation du grand âge et une dépréciation totale de sa valeur quant à ses capacités
intellectuelles, son autorité morale, son importance politique au sein de la cité.
Séances 1 : « La triste vieillesse » (Hérodote, Les Travaux et les Jours v. 104) – Représentations de
la vieillesse avant Platon
En quoi la vieillesse est-elle un objet pour la philosophie ? Ni simple fait, ni évidence, la vieillesse
caractérise d’abord une catégorie anthropologique fondamentale pour penser l’homme, sa finitude.
Réalité redoutée par ceux qui ne l’ont pas encore atteinte, souvent mal vécue par ceux qu’elle frappe, la
vieillesse est mise au rang de mal incurable annonciateur de la mort pour les uns, niée par d’autres qui
refusent de reconnaître leurs transformations physiques. La vieillesse est depuis longtemps synonyme
d’usure et d’incapacité, au point où l’on pourrait se demander, à la suite du Socrate de Xénophon 1, en
quoi elle vaut la peine d’être vécue.
Mais un regard jeté sur les images de la vieillesse qu’a pu produire l’Antiquité suffit à montrer qu’il y a
là matière à controverse: maudite par les tragiques, la vieillesse ne semble appeler que lamentations;
chez Aristophane, le vieillard, et plus encore la vieille femme, diminués physiquement et
intellectuellement, passent pour des fous, des personnages lubriques (Les Guêpes, 1341-1359).
Pourtant, à l’image d’Homère et de sa figure du vénérable Nestor (Iliade I, v.250-252), Platon promeut
1
Xénophon, Apologie de Socrate, 6.
2
une vision idéalisée de la vieillesse vécue comme une libération de la tyrannie des sens (République I).
La supériorité intellectuelle des vieillards en fait les dirigeants les plus avisés d’un système politique
qu’on n’hésitera pas à qualifier de gérontocratie (Lois XII). À l’inverse, Aristote en dresse un tableau
repoussoir : le corps usé, l’esprit affaibli, le vieillard est aigri par l’expérience d’une vie qui, loin
d’apporter la sagesse, contribue plutôt à le rendre mesquin, craintif et égoïste (Rhétorique II, 13).
Bibliographie
P. Ariès, « Une histoire de la vieillesse? », Communications 37, 1983, p. 47-54.
S. Byl, « Lamentations sur la vieillesse dans la tragédie grecque », dans Le Monde grec. Hommages à
C. Préaux, J. Bingen, G. Cambier, G. Nachtergael (eds), Bruxelles, Éditions de l’Université de
Bruxelles, 1975.
S. Byl, « Lamentations sur la vieillesse chez Homère », Les Études Classiques 44, 1976, p. 234-244.
T. M. Falkner, “Epi gèraos oudô: Homeric Heroism, Old Age and the End of the Odyssey”, dans Old
Age in Greek and Latin Literature, T. M. Falkner et J. de Luce, New York, State University of New
York Press, 1989, p. 21-67.
T. M. Falkner, The Poetics of Old Age in Greek Epic, Lyric and Tragedy, Norman, University of
Oklahoma Press, 1995.
F. Létoublon, « Dire le vieillir en grec ancien », dans Les Mots du vieillir, A. Montandon (dir.),
Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal, 2004, p. 37-48.
B. Richardson, Old Age Among the Ancient Greeks, Baltimore, The John Hopkins Press, 1933.
Première Partie : perspectives socio-politiques (2-6)
Séance 2-4 : Platon vs Aristote – pour ou contre « les vieux »?
On oppose souvent les positions de Platon et d’Aristote sur la vieillesse. Le premier serait favorable à
une revalorisation des vieillards et voudrait les placer au centre et même à la tête de la cité, tandis que
le second les laisserait aux marges de la vie politique. Pour Platon, la vieillesse ouvre un espace de
liberté : liberté face à la tyrannie des désirs et des passions, aux soucis de la vie, aux pressions sociale,
liberté de parole face aux menaces politiques. La vieillesse accomplit en quelque sorte naturellement le
détachement promu par la philosophie. Aristote, au contraire, voit dans la vieillesse le temps de la
décrépitude, le vieillard est aigri, mesquin, craintif, égoïste et l’expérience de toute une vie ne contribue
en rien à le rendre plus sage.
Cette opposition, qui doit beaucoup à l’ouvrage de S. de Beauvoir (La Vieillesse, 1970), mérite
cependant d’être nuancée. La conception platonicienne n’est pas forcément une idéalisation naïve de la
vieillesse (comme le montre par ex. les propos qu’il attribue au vieillard Céphale au tout début de la
Rép.) ; les propos d’Aristote sur le sujet ne se limitent pas au seul portrait-repoussoir qu’il fait du
vieillard dans la Rhétorique (II.13). Concrètement, quelle place Aristote accorde-t-il aux populations
âgées au sein de la cité? Dans quelle mesure s’oppose-t-il à Platon ? Ce dernier associe-t-il
systématiquement vieillesse et sagesse ?
Bibliographie
Sélection provisoire de textes :
Platon, Rép. I, 328c-331d ; Rép. III, 407c-e ; Rép. VI 498c ; Rép. VII, 536d-540c ; Lois, XI, 931a sqq. ;
Lois, XI, 929d-e ; Lois IV, 717b-c.
Aristote, Éthique à Nicomaque (VIII, 3-6) et dans les Politiques (III, 1) ; Rhét. II, 12-14.
Plutarque, De la vertu morale, 450F
3
Plutarque, Si un vieillard doit prendre part au gouvernement. Œuvres Morales, XI/1, Paris, Les Belles
Lettres, 1984 (trad. M. Cuvigny).
S. Byl, « Platon et Aristote ont-ils professé des vues contradictoires sur la vieillesse? » Les Études
Classiques, Tome XLII – N°2 avril 1974, p. 113-126.
––, « Plutarque et la vieillesse », Les Études Classiques 45, 1977, p. 107-123.
––, « Vieillir et être vieux dans l’Antiquité », Les Études Classiques 64, 1996, p.261-271.
––, « Les facultés mentales du vieillard dans la littérature grecque », Bulletin de l’Association
Guillaume Budé 2, 2003, p. 27-49.
D. Dembińska, « Platon et Aristote sur la vieillesse », Meander XXXVII, 1982, p. 283-289.
E. Dodds, Les Grecs et l’irrationnel, Paris, 1965 (ch. 3 “Les bienfaits de la folie”).
M. Haynes, « The Supposedly Golden Age for the Aged in Ancient Greece », The Gerontologist 2.2,
1962, p. 93-98.
P. Javet, « Céphale et Platon ‘sur le seuil de la vieillesse’ », Revue Philosophique de la France et de
l’Étranger 172/2, 1982, p. 241-247.
G. Koumakis, “Aristotle's opinions on old age from a social point of view” Philosophia IV, 1974, p.
274-285.
W. L. Newman The Politics of Aristotle, 4 vol., Oxford, 1887-1902, t. I, (p. 134).
B. Perez, « Muthologia et ancienneté chez Platon », L’ancienneté chez les anciens, Tome II, B.
Bakhouche (dir.), Montpellier, Publications Montpellier 3, 2003, p. 443-455.
M. Philibert, « Discours des vieillards et discours sur la vieillesse chez Platon et aujourd'hui »,
Philosophie du langage et grammaire dans l’Antiquité, Bruxelles, Ousia, 1986, p. 137-152.
C. Rogue, D’une cité à l’autre. Essai sur la politique platonicienne de la République aux Lois, Paris,
A. Colin, 2005.
Séance 5 : marginalisation des populations âgées : les données de l’histoire socio-culturelle
Nous ne pouvons cependant bien comprendre les différentes conceptions (populaires comme savantes)
de la vieillesse dans l’Antiquité, sans avoir une vision au moins générale de la situation concrète des
personnes âgées dans l’Antiquité grecque. Cette séance sera consacrée à une présentation de l’arrièreplan politique, social et culturel de la condition des populations âgées en Grèce ancienne. Non
seulement, cette situation varie selon les cités (traditionnellement, on représente le régime spartiate
comme proche d’un régime gérontocratique, tandis que la démocratie athénienne serait plus encline à
laisser les anciens aux marges de la cité); mais elle diffère aussi selon que l’on s’intéresse aux femmes,
aux esclaves, aux étrangers ou aux citoyens mâles.
On peut toutefois déjà dire que la Grèce ancienne n’a que rarement pour ses vieillards une attitude
bienveillante, on trouvera même dans les témoignages d’Hérodote la trace de pratiques gérontocides,
voire gérontophages chez certains peuples des confins de la Grèce.
Bibliographie
N. Bernard, « Les femmes âgées au sein de la famille et de la cité classique », dans L’ancienneté chez
les anciens, Tome I, B. Bakhouche (dir.), Montpellier, Publications Montpellier 3, 2003, p. 43-60.
N. Bernard, Femmes et société dans la Grèce classique, Paris, Armand Colin, 2003 (réédition, 2010).
S. Bertram (ed.), The Conflict of Generations in Ancient Greece and Rome, Amsterdam, 1976.
J. N. Bremmer, « La donna anziana : libertà e indipendenza » dans La donne in Grecia, G. Arrigoni
(ed.), Rome-Barri, 1985, p. 275-298.
4
J. Bremmer, « The Old Women of Ancient Greece », J. Blok, P. Mason (eds), Sexual Asymmetry:
Studies in Ancient Society, Amsterdam, 1987, p. 191-207.
F. Boll, « Die Lebensalter. Ein Beitrag zur antiken Ethologie und zur Geschichte der Zahlen », Neue
Jahrbücher für das klass. Altertum 31, p. 89-145, 1913.
M. Clauss, « Probleme der Lebensatlerstatistiken Aufgrund römischer Grabinschriften », Chiron 3,
1973, p. 395-417
T. Cole, D. van Tassel, et R. Kastenbaum (eds), The Handbook of Humanities and Ageing, New York,
Springer, 1992.
J.-N. Corvisier, « La vieillesse dans l’Antiquité : le point de vue du démographe », dans L’ancienneté
chez les anciens, Tome I, B. Bakhouche (dir.), Montpellier, Publications Montpellier 3, 2003, p. 9-21.
J.-N. Corvisier et W. Suder, La population de l’Antiquité classique, Paris, PUF, coll. Que sais-je?,
2000.
J.-N. Corvisier, Polyanthropia/Oliganthropia, Bibliographie de la démographie du monde grec (collab.
W. Suder), Wroclaw 1996.
J.-N. Corvisier, « L’état présent de la démographie historique antique : tentative de bilan », Annales de
Démographie Historique, 2002, 2, p. 101-140.
J.-N. Corvisier, « La vieillesse en Grèce ancienne de l'époque homérique à l'époque hellénistique »,
Annales de Démographie Historique, 1985, p.53-70.
––, « Les grands-parents dans le monde grec ancien », Annales de Démographie Historique, 1991, p.
21-31.
––, « Impuissances et stérilités dans le monde grec », dans J.-N. Corvisier, Ch. Didier, M. Valdher
(éd.), Thérapies, médecine et démographie antiques, Arras, APU, 2001, coll. Histoires, p. 237-256.
––, « De la médecine à la démographie : la jeunesse dans le monde grec », dans Lorsque l’enfant
grandit, entre dépendance et autonomie (éd J.-P. Bardet, J.-N. Luc, I. Romero et C. Rollet), PUPS
2003, p. 55-67.
R. Garland, The Greek Way of Life. From Conception to Old Age, Ithaca, New York, Cornell
University Press, 1990.
E. Herrmann-Otto, “Die Ambivalenz des Alters in der Antike”, dans Die Kultur des Alterns von der
Antike bis in die Gegenwart. St. Ingbert, Röhrig Universitätsverlag, 2004, p. 5-17.
L. Houdijk et P. Vanderbroeck, « Old Age and Sex in Ancient Greek World » Wissenschaftliche
Zeitschrift der Wilhelm-Pieck-Universidtd 36, 1987, p. 57-61.
C. Laès, « À la recherche de la vieillesse dans l’Antiquité », L’Antiquité classique 74, 2005, p. 243-255.
G. Minois, Histoire de la vieillesse en Occident, Paris, Fayard, 1987.
T. Parkin, “Ageing in Antiquity. Status and Participation”, dans Old Age from Antiquity to Post
Modernity, P. Johnson et P. Thane (eds), New York, Routledge, 1998, p. 19-42
T. Parkin, “The Ancient Greek and Roman World”, dans The Long History of Old Age, P. Thane (ed),
Londres, Thames and Hudson, 2005.
P. Roussel, Étude sur le principe d’ancienneté dans le monde hellénique, Mémoires de l’Institut
National de France, Académie des inscriptions et belles lettres, 43, 2, 1951.
Séance 6 : aux marges de la cité antique, les enfants et les vieillards
L’attitude adoptée à l’égard du grand âge présente une symétrie curieuse avec celle que les Grecs ont
envers les enfants. La Grèce classique tout particulièrement est une société d’adultes jeunes et
vigoureux, propres aux combats militaires, qui a tendance à réduire considérablement l’importance de
ceux qui ne sont pas à leur image, les enfants et les vieillards.
Chez Aristote notamment, ces deux catégories sont souvent rapprochées au prétexte de leur commune
incapacité à participer à la plupart des activités militaires (Politiques III, 1). Leur physiologie relève du
5
pathologique, voire du monstrueux du côté des enfants, comparés à des nains (Parties des Animaux IV,
10). Dans cette séance, nous mettrons donc en perspective ces âges extrêmes de la vie que sont
l’enfance et la vieillesse.
Bibliographie
Sélection provisoire de textes :
Aristote, Ethique à Eudème, I, 3, 1214b28-33; I, 5, 1215b18-22; III, 1, 1228b19-22; Génération des
Animaux, I, 20, 728a ; Politiques, I, 13, 1260a10-14; VII, 1, 1323a27-34; Éthique à Nicomaque, I, 10,
1100a1-6; III, 15, 1119a33-b; X, 2, 1174a2-4.
Diogène Laërce, Vies, VII, 85.
Cicéron, De Finibus, I, 30 et III, 16.
Platon, République, II, 377a12-b3; IV, 441a7-b; X, 590a9-b9; Lois, II, 653d7-e3; VII, 808d3-7.
Sénèque, De la Constance du Sage, 12; De la Brièveté de la vie, 9 (sur les hommes qui ne cessent
jamais d’être des enfants même en fin de vie); Lettres à Lucilius IV, 2 (« Nous ne sommes plus jeunes,
mais, chose plus triste, nos âmes le sont toujours ; et, ce qui est pire, sous l’air imposant du vieil âge,
nous gardons les défauts de la jeunesse et non de la jeunesse seulement, mais de l’enfance même »)
http://agoraclass.fltr.ucl.ac.be/concordances/sen_luciliusI/lecture/4.htm
L. Brisson, M.-H. Congourdeau et J.-L. Solère (eds), L’embryon : formation et animation, Paris, Vrin,
2008, p.43-57.
BRULÉ, Pierre, « L'exposition des enfants en Grèce antique : une forme d'infanticide », Enfances & Psy
3/2009 (n° 44), p. 19-28.
BRUNSCHWIG, Jacques, « L'argument des berceaux chez les Épicuriens et chez les Stoïciens », dans
Études sur les philosophies hellénistiques, Paris, PUF, 1995, p. 69-112.
A. Cameron, “The Exposure of Children and Greek Ethics”, Classical Review, 46, 1932, p.105-114 ;
CHARLOT, Bernard, « L'idée d'enfance dans la philosophie de Platon », Revue de Métaphysique et de
Morale 82, 1975, p. 232-245.
J.-C. Couvenhes, « La place des vieux citoyens dans l’armée civique athénienne », dans L’ancienneté
chez les anciens, Tome I, B. Bakhouche (dir.), Montpellier, Publications Montpellier 3, 2003, p. 23-41.
GERMAIN, Louis R. F., « L'exposition des enfants nouveau-nés dans la Grèce ancienne. Aspects
sociologiques », p. 211-246, Recueils de la Société Jean Bodin pour l'Histoire comparative des
Institutions, XXXV, « L'Enfant », Première Partie « Antiquité – Asie – Afrique », Bruxelles, Éditions
de la Librairie Encyclopédique de Bruxelles, 1975.
GILL, Christopher, “Plato and the Education of the Character”, Archiv für Geschichte der Philosophie,
67, 1985, p. 1-26.
LAURENT, Jérôme, « L'enfance dans les Lois », La Mesure de l'humain selon Platon, Paris, Vrin, 2002,
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T. Parkin, “The Elderly Children of Greece and Rome”, dans On Old Age. Approaching Death in
Antiquity and the Middle Age, C. Krötzl et K. Mustakallio (eds), Turnhout, Brepols Publishers, 2011, p.
25-40.
SISSA, Guilia, « Philosophies du genre. Platon, Aristote et la différence des sexes », dans Histoire des
Femmes en Occident, G. Duby, M. Perrot et P. Schmitt-Pantel (dir.), Paris, Plon, 1990, tome 1, p. 6599.
TITLI, Chloé, « Surpopulation et exposition des enfants chez Aristote : à propos d'un passage des
Politiques », Camenulae n°4 – février 2010.
http://www.paris-sorbonne.fr/IMG/pdf/Camenulae_4_-_Chloe_Titli_-_Aristote.pdf
G. van N. Viljoen, « Plato and Aristotle on the exposure of infants at Athens », Acta Classica.
Proceedings of the Classical Association of South Africa, vol. 2, Cape Town, 1959, p. 58-69.
6
Deuxième Partie : approches biomédicales (7-12)
Séances 7-9 : les théories du vieillissement – modèle évolutif ou dégénératif?
Quand commence-t-on à vieillir? Dans ces changements continus qui affectent l’organisme au fil du
temps, où situer la césure entre croissance et sénescence? Le vieillissement doit-il être compris selon un
schéma évolutif ou dégénératif? Premier philosophe à s'intéresser au vieillissement d'un point de vue
biologique, Aristote opte pour la seconde hypothèse. La vieillesse est pour lui une maladie
correspondant à un refroidissement et à un desséchement. Nous nous intéresserons également dans ce
cadre au processus de corruption dont le vieillissement constitue une espèce et à l’explication
aristotélicienne de la mort, naturelle ou accidentelle.
Mais une conception dégénérative ne risque-t-elle pas d'enfermer le vieillissement dans une
méconnaissance fataliste? Conscients de cette difficulté, les auteurs du CH (Ve-Ive siècles av. JC)
considèrent le vieillissement, non plus comme pathologique, mais comme l’ultime étape d’un processus
de refroidissement entamé depuis l’enfance. Galien adoptera la conception « hippocratique » en
pensant la vieillesse comme un processus naturel (kata phusin), distinct de la maladie contre nature
(para phusin).
Bibliographie
Aristote, Génération des Animaux V, 3-4, 783b5-785a6 (« la vieillesse est froide et sèche » 784a3334); Météorologiques, IV, 1, 378b10-378b9; De la Vie et de la Mort, 17, 478b22sqq dans les Parva
Naturalia; Problèmes XXX, 1, 955a17-18; De la Longévité et de la brièveté de la vie (5, 465a1-12,
466a21, 466b10-17, 467a31-32, 469b23 ; 465a14-19 et 469b21-470a4 sur la mort naturelle) dans les
Parva Naturalia; Histoire des Animaux (VII, 1, 582a17-32 sur le vieillissement et l’activité sexuelle);
Génération des Animaux IV, 6, 775a4-22 (la femme vieillit plus vite que l’homme); Parties des
Animaux II. 2, 648 et GA. IV. 1 (Aristote sur Parménide et la question de la chaleur du corps de la
femme et de l’homme); HA, V, 14, 545b27-31 et VII, 6, 585a33-b28, Politiques VII, 16, 1335a5-35
(âge limite pour engendrer).
En dépit de son titre, l’opuscule De la jeunesse et de la vieillesse, et de la vie et de la mort, et de la
respiration dans les Parva Naturalia ne traite pas directement de la vieillesse. Il mérite néanmoins
d’être lu en raison de la conception aristotélicienne de la vie pensée comme chaleur naturelle.
Corpus Hippocratique, Nature de l’homme XII, 6; Maladies I, 22 (Littré VI 184, 25-186, 3 et 12-13);
Maladie sacrée (9); Du fœtus de huit mois (IX, 6) (les femmes vieillissent plus vite que les
hommes); Airs, eaux, lieux (III.4) (maladies et climat); Aphorismes (I, §13, 14 ; III, §24-31) ; Du
régime, Livre I, XXXII, 1 et 3; XXV, 1; XXXIII, 1 (« les vieillards sont froids et humides »), trad. R.
Joly.
Galien, De l’hygiène, V, 3, 4, 9.
Pseudo-Plutarque dans les Opinions des Philosophes 9011B-C.
S. Byl, « La vieillesse dans le Corpus hippocratique » dans Formes de pensée dans la Collection
hippocratique, F. Lasserre et P. Mudry, Genève, Droz, 1983, p. 85-95.
S. Byl, « La gérontologie de Galien », History and Philosophy of the Life Sciences 10, 1988, p. 73-92.
Richard King, Aristotle on Life and Death, Londres, Duckworth, 2001.
7
Marie-Pierre Krück, Discours de la Corruption dans la Grèce classique, Paris, Garnier, 2016.
C. Magdelaine, « Vieillesse et médecine chez les médecins grecs, d’Hippocrate à Galien », dans
L’ancienneté chez les anciens, Tome I, B. Bakhouche (dir.), Montpellier, Publications Montpellier 3,
2003, p. 61-81.
P. Potter, G. Maloney, J. Desautels, La Maladie et les maladies dans la Collection hippocratique,
Cambridge, Cambridge University Press, 1990.
D. Schäfer, “The physiology of old age between speculative analogy and experimental method” dans
Changing concepts of physiology from Antiquity into Early Modern Europe, M. Horstmanshoff, H.
King et C. Zittel (eds), Leiden, Brill, 2012, p. 241-266.
C. Viano, Le livre IV des Météorologiques d’Aristote, Paris, Vrin, 2006.
Séance 10 : l’impact de la sénescence sur les facultés psychiques et morales
Il s'agit aussi d'évaluer avec les penseurs antiques dans quelle mesure l’affaiblissement physique
produit par la sénescence s’accompagne nécessairement d’un déclin intellectuel et moral. Sur ce point,
les positions de Platon et d’Aristote semblent s’opposer radicalement. Pour le premier, la valorisation
de la vieillesse exige de resituer l’être dans un processus de croissance permanent, l’individu qui vieillit
cumule qualités et expériences (Lois, 715c). Pour le second, l'âme et le corps étant solidaires, l'usure de
l’un atteint immanquablement l’autre (Politiques, II, 9). La santé physique et la pleine possession des
moyens corporels sont indispensables à la pratique de la sagesse. L’homme atteint donc le maximum de
ses possibilités à l’âge dit de la maturité, puis décline nécessairement. Platon, au contraire, promeut des
mesures censées revaloriser les conditions de vie d'une population dont la situation, dans les faits, est
loin d'être idéale.
Bibliographie
Aristote, Rhétorique II, 12-14; Politiques, II, 9 (« car il y a une vieillesse de l’esprit comme il y en a
une du corps » 1270b40).
Platon, République I (dialogue Socrate-Céphale), République 536c-d, Lois XI, 929d-e (sur la difficulté
à apprendre chez les vieillards et la démence sénile paranoia).
Cf. la bibliographie des séances 3-4.
Séances 11-13 : faut-il soigner les maux de la vieillesse? Proto-gériatrie et euthanasie (les
Stoïciens et Galien)
Bien qu’ils s’efforcent de penser la vieillesse comme l’un des nombreux « maux »2 de l’existence face
auxquels il faut faire « bon accueil » (Marc-Aurèle, Pensées, V.8.8), les Stoïciens sont aussi ceux qui
ont posé explicitement la délicate question de l’euthanasie pensée comme suicide préventif ou
philosophique. À partir de quel moment la vie ne vaut plus la peine d’être vécue?
À l’opposé, les auteurs du CH sont les premiers à identifier chez le vieillard une physiologie et une
pathologie propres. Au second siècle de notre ère, Galien revendique l’héritage hippocratique, tout en
englobant les analyses de Platon et d’Aristote et les acquis de la médecine alexandrine: il distingue lui
aussi la vieillesse de la maladie, et invente une proto-gériatrie (gerokomikon) visant à prolonger la vie
dans de bonnes conditions (De Marasmo). Avec Galien, il y a désormais une alternative à la résignation
face aux maux de la vieillesse.
2
Stricto sensu, la maladie, la souffrance physique et l’affaiblissement du corps doivent être considérés, pour les Stoïciens,
non pas comme des maux (seul le vice est un mal), mais comme des indifférents qui ne doivent en aucun cas nous troubler.
8
Bibliographie
Cicéron, Caton l’ancien ou de la Vieillesse
http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Ciceron/senectute.htm
Démocrite, DK B104, B294, B295, B296,.
Diogène Laërce, Vies VII, 28.
Euripide, Les Suppliantes, v. 1109-1111.
Marc-Aurèle, Pensées, III, 1.
Platon, République III, 407c-408c (sur Asclépios); Timée, 80d-81e (la mort de vieillesse est douce).
Sénèque, Lettres à Lucilius XII (Avantages de la vieillesse. Sur la mort volontaire).
http://agoraclass.fltr.ucl.ac.be/concordances/sen_luciliusI/lecture/12.htm
Lettre 54 (L'AUTEUR, ATTAQUÉ D'UN ASTHME VIOLENT, S'ATTACHE A PROUVER QU'IL EST PRÉPARÉ A
LA MORT QUI LE MENACE) (préparation à la mort et anticipation des maux).
http://agoraclass.fltr.ucl.ac.be/concordances/sen_luciliusVI/lecture/2.htm
Lettre 14 (Jusqu’à quel point il faut soigner le corps)
http://agoraclass.fltr.ucl.ac.be/concordances/sen_luciliusII/lecture/2.htm
Lettre 24 (des craintes de l’avenir et de la mort)
http://agoraclass.fltr.ucl.ac.be/concordances/sen_luciliusIII/lecture/3.htm
Lettre 26 (Éloge de la vieillesse)
http://agoraclass.fltr.ucl.ac.be/concordances/sen_luciliusIII/lecture/5.htm
Lettre 63 (IL NE FAUT PAS S'AFFLIGER SANS MESURE DE LA PERTE DE SES AMIS.)
http://agoraclass.fltr.ucl.ac.be/concordances/sen_luciliusVII/lecture/1.htm
Lettre 70 (du suicide)
http://agoraclass.fltr.ucl.ac.be/concordances/sen_luciliusVIII/lecture/1.htm
Lettre 78 (qu’il ne faut pas craindre les maladies)
http://agoraclass.fltr.ucl.ac.be/concordances/sen_luciliusIX/lecture/4.htm
Lettre 93 (LA VIE NE DOIT PAS ÊTRE MESURÉE PAR SA DURÉE, MAIS PAR L'UTILE EMPLOI QU'ON EN A
FAIT.)
http://agoraclass.fltr.ucl.ac.be/concordances/sen_luciliusXIV/lecture/5.htm
Lettre 105 (ce qui fait la sécurité de la vie)
http://agoraclass.fltr.ucl.ac.be/concordances/sen_luciliusXVII/lecture/5.htm
Galien, Du Marasme (De marcore liber), 5 dans Claudii Galeni opera omnia, dans Medicorum
graecorum opera ed. K. G. Kühn, Tome VII, (666-704), 1821-1833 (rééd. 1986-1997), 681, 6-13.
Olympiodiore, SVF III, 768.
S. Byl, « La gérontologie de Galien », History and Philosophy of the Life Sciences 10, 1988, p. 73-92.S.
Byl, « La vieillesse dans le Corpus hippocratique » dans Formes de pensée dans la Collection
hippocratique, F. Lasserre et P. Mudry, Genève, Droz, 1983, p. 85-95.
M. Frede, Essays on Ancient Philosophy, Minneapolis, University of Minneapolis Press, 1987.
C. Magdelaine, « Vieillesse et médecine chez les médecins grecs, d’Hippocrate à Galien », dans
L’ancienneté chez les anciens, Tome I, B. Bakhouche (dir.), Montpellier, Publications Montpellier 3,
2003, p. 61-81.
P. Pellegrin, “Ancient Medicine and its Contribution to the Philosophical Tradition”, dans M. L. Gill et
P. Pellegrin (eds.), A Companion to Ancient Philosophy, Oxford, Blackwell 2006, pp. 664-685.
G. Reydams-Schils, « La vieillesse et les rapports humains dans le stoïcisme romain », dans
L’ancienneté chez les anciens, Tome II, B. Bakhouche (dir.), Montpellier, Publications Montpellier 3,
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9
M. Vegetti, « Entre le savoir et la pratique : la médecine hellénistique » dans M. D. Grmek (éd.),
Histoire de la pensée médicale en Occident, Paris, Éditions du Seuil, 1995.
G. Wöhrle, « Der alte Mensch im Spiegel der antiken Medizin », dans Die Kultur des Alterns von der
Antike bis in die Gegenwart. St. Ingbert, Röhrig Universitätsverlag, 2004, p. 19-31.
Séance 14 : conclusion
Retour sur l’hypothèse principale qui sert de fil conducteur à ce séminaire : la marginalisation des
populations âgées dans la cité antique trouve ses racines dans un discours biologique qui promeut une
hypothèse dégénérative de la sénescence – sujette à discussion comme on pourra le voir – dont l'effet le
plus notable est le discrédit jeté sur les aptitudes des personnes âgées.
Ouvrages et articles généraux:
S. de Beauvoir, La vieillesse, Paris, Gallimard, 1970.
H. Brandt, Wird auch silbern mein Haar, Münich, C. H. Beck, 2002.
S. Byl, « Vieillir et être vieux dans l’Antiquité », Les Études Classiques 64, 1996, p. 260-271.
A. Catrysse, Les Grecs et la vieillesse: d’Homère à Épicure, Paris, Éditions de l’Harmattan, 2003.
C. Gnilka, “Greisenalter”, dans Reallexikon für Antike und Christentum 12, 1983, col. 995-1043.
M. D. Grmek, On Ageing and Old Age. Basic Problems and Historic Aspects of Gerontology and
Geriatrics, La Haye, 1958.
C. S. Kirk, “Old Age and Maturity in Ancient Greece” Eranos Jahrbuch, 1971, p. 123-158.
U. Mattioli (ed.), Senectus: La vecchiaia nel mondo classico, Bologne, Pàtron Editore, 1995.
G. Minois, Histoire de la vieillesse en Occident, Paris, Fayard, 1987.
P. Roussel, Le principe d'ancienneté dans le monde hellénique, Mémoires de l'Académie des
Inscriptions et Belles Lettres, XLIII, 2, 1942.
Outils de travail:
E. Eyben, “Old Age in Greco-Roman Antiquity and Early Christianity: An Annotated Select
Bibliography”, dans Old Age in Greek and Latin Literature, T. M. Falkner et J. de Luce, New York,
State University of New York Press, 1989, p. 230-251.
W. Suder, Geras. Old Age in Greco-Roman Antiquity: a Classified Bibliography, Wroclaw, 1991.
Modalités d’évaluation
L’évaluation se fera en deux temps : l’étudiant choisira une problématique précise relative à un corpus
délimité qu’il présentera à l’oral lors d’une séance du séminaire (30 mn) sous la forme d’une
introduction comprenant les éléments suivants : problème philosophique abordé, textes à l’étude
présentés et expliqués, hypothèse(s) de lecture, bibliographie (25% de la note finale). La présentation
devra avoir lieu au plus tard le 30 mars 2017 ; une dissertation de 15 pages sur le même sujet devra
ensuite être rédigée (à rendre pour le 13 avril 2017 – 75% de la note finale).
Plagiat
Le règlement sur le plagiat est appliqué. Le règlement peut être consulté à l'adresse suivante :
http://www.secgen.umontreal.ca/pdf/reglem/francais/sec_30/ens30_3.pdf.
Pour éviter tout plagiat accidentel, veuillez consulter :
http://www.bib.montreal.ca/sa/cap41.htm
Autre lien pertinent sur le plagiat :
http://www.fas.umontreal.ca/plagiat/