La place du touriste solidaire dans le développement local
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La place du touriste solidaire dans le développement local
UNIVERSITÉ DE TOULOUSE II ‐ LE MIRAIL INSTITUT SUPERIEUR DU TOURISME, DE L’HÔTELLERIE ET DE L’ALIMENTATION MASTER TOURISME - HOTELLERIE -ALIMENTATION Parcours « Tourisme et Développement » MÉMOIRE DE PREMIÈRE ANNÉE La place du touriste solidaire dans le développement local d’un territoire Présenté par : Audrey LARDY Année universitaire : 2012 ‐ 2013 Sous la direction de : Pierre TORRENTE UNIVERSITÉ DE TOULOUSE II ‐ LE MIRAIL INSTITUT SUPERIEUR DU TOURISME, DE L’HÔTELLERIE ET DE L’ALIMENTATION MASTER TOURISME - HOTELLERIE -ALIMENTATION Parcours « Tourisme et Développement » MÉMOIRE DE PREMIÈRE ANNÉE La place du touriste solidaire dans le développement local d’un territoire Présenté par : Audrey LARDY Année universitaire : 2012 ‐ 2013 Sous la direction de : Pierre TORRENTE Le CÉTIA de l’Université de Toulouse II – Le Mirail n’entend donner aucune approbation, ni improbation dans les projets tutorés et mémoires de recherche. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur(e). Remerciements Je souhaite, tout d’abord, remercier mon maître de mémoire, Monsieur Pierre Torrente, pour ses précieux conseils, et le temps qu’il m’a accordé tout au long de l’année, pour m’aider à la constitution de ce mémoire. Je tiens aussi à remercier Loïc, Aurore et mon père, d’avoir toujours cru en moi et encouragé, sans relâche. Enfin, j’aimerai remercier les différentes personnes qui ont accepté d’être interrogées, dans le cadre de ce mémoire. Leurs informations m’ont été précieuses, pour le développement de ma réflexion, et de mes connaissances. 5 Sommaire Remerciement ................................................................................ 5 Introduction générale ....................................................................... 7 PARTIE 1 : L’évolution du tourisme et de ses modes de consommation .... 9 Chapitre 1- Le tourisme : d’une activité facteur de développement à l’émergence du tourisme de masse ............................................ 11 Chapitre 2- Du développement durable, à l’émergence du tourisme solidaire ................................................................................. 30 Chapitre 3- Le tourisme consommateur et ses motivations ............. 37 PARTIE 2 : La place du touriste solidaire est-elle facteur de développement pour le territoire visité? .................................................................. 45 Chapitre 1 – Il existe une clientèle pour le tourisme solidaire ........ 47 Chapitre 2 – La gestion maitrisée des touristes crée un tourisme facteur de développement ................................................................... 57 Chapitre 3- Le tourisme solidaire : inscrit dans la continuité de la deuxième phase touristique ...................................................... 67 PARTIE 3 – Le tourisme interne : appui au développement du tourisme solidaire ....................................................................................... 74 Chapitre 1- Présentation du territoire et de la structure étudiés ..... 76 Chapitre 2- Tourisme interne et solidaire : des objectifs communs . 81 Chapitre 3 – La méthodologie adoptée pour la mise en œuvre du tourisme interne dans la structure du RECOSAF ....................................... 87 Conclusion générale ....................................................................... 93 Bibliographie ................................................................................. 95 Table des annexes ......................................................................... 97 Table des figures .......................................................................... 102 Table des matières ....................................................................... 103 6 Introduction générale Le tourisme tient une place capitale dans nos sociétés, aussi bien au niveau de l’activité facteur de développement pour un territoire, qu’au niveau de ses bienfaits vis-à-vis du touriste, et de son besoin de délassement. Il permet l’échange et la découverte, mais aussi le divertissement et le développement personnel. Pourtant, le tourisme s’est tellement développé, qu’il est devenu nocif pour certains territoires sur-fréquentés. Les valeurs sur lesquelles il reposait, se sont altérées en même temps qu’il évoluait. Les acteurs publics et touristiques, mais aussi les touristes eux-mêmes, ont pris conscience des dégradations engendrées par le tourisme. Des formes de tourisme alternatif, plus respectueuses des territoires et des hommes, ont alors vu le jour. Parmi celles-ci : le tourisme solidaire, qui sera l’élément central de notre étude. L’étude du tourisme solidaire, m’est apparue comme une évidence. Le tourisme, doit rester facteur de développement pour un territoire, ou alors, il n’a plus lieu d’être. Les valeurs et l’organisation de cette forme de tourisme, me paraissent être la base solide, d’une reconversion de l’activité touristique pour les années à venir. C’est la raison pour laquelle, notre question de départ a été la suivante : « En quoi le tourisme solidaire constitue t’il un facteur de développement local ? ». Après de plus amples recherches, j’ai décidé de mettre au cœur de l’étude, son acteur principal : le touriste. C’est à travers ses exigences, ses attentes et son comportement, que le touriste va influencer de manière irrémédiable, l’évolution du tourisme. Ses pratiques et désirs, vont déterminer si le tourisme sera facteur de développement, ou non, pour un territoire. 7 Ainsi, pour répondre à cette question, nous allons dans une première partie, définir les notions principales de notre sujet. Nous définirons d’abord le touriste, et l’évolution de son image au fil du temps. Puis, nous analyserons la mutation du tourisme, passant d’une activité facteur de développement, au tourisme de masse, et plus récemment, à l’émergence de formes de tourisme plus responsable. Enfin dans un dernier chapitre, nous analyserons le passage récent à des modes de consommation plus responsables, de la part du consommateur en général, mais aussi du touriste. Nous traiterons également, les variables influençant la prise de décision du touriste. Dans une deuxième partie, nous développerons des hypothèses théoriques, pour répondre à notre problématique. Ainsi, dans un premier temps, nous démontrerons qu’il existe une clientèle pour le tourisme solidaire. Nous traiterons ensuite des moyens possibles pour gérer et maitriser les touristes, afin que leur présence, soit facteur de développement pour le territoire visité. Enfin, nous prouverons, que le tourisme solidaire s’inscrit dans la continuité de la deuxième phase touristique. Nous clôturerons ce mémoire, par un cas pratique, qui nous permettra de mettre en relief, une autre forme de tourisme : le tourisme interne. Il permet de soutenir le tourisme solidaire, et de gérer les touristes pour qu’ils soient facteur de développement. Nous présenterons le cas de la structure de l’association RECOSAF, au Cameroun, et proposerons une méthodologie possible, pour instaurer le tourisme interne au sein de cette structure de tourisme solidaire. 8 Partie IL’évolution du tourisme et de ses modes de consommation 9 Introduction partie I Aujourd’hui, le tourisme tient une place très importante économiquement parlant. Il représente 9% du Produit Intérieur Brut mondial et compte pour 8% de l’emploi mondial. C’est un secteur qui est multisectoriel, puisqu’il touche des secteurs d’activités très différents, de manière plus ou moins directe comme les transports, l’hébergement, la restauration et les loisirs entre autres. Il a donc un rôle central pour l’ensemble des pays, qu’ils soient plus ou moins développés. Même si ce sont les pays développés qui génèrent le plus de recettes touristiques, les pays les moins avancés sont aussi concernés. En effet, pour 46 des 49 pays les moins avancés, le tourisme constitue la première source de devises. De plus, l’expansion du tourisme ne fait que commencer, puisqu’en 2008, on comptait 924 millions de touristes, et on estime leur nombre à plus d’un milliard et demi pour 2020 1 . Le nombre de touristes ne faisant qu’accroître, de nouvelles formes de tourisme doivent être mis en place pour préparer le futur et minimiser les impacts qu’il pourrait avoir. Le tourisme solidaire en fait partie et va constituer l’élément central de cette étude. Cette première partie, va permettre de définir les notions propres au sujet mais aussi de le contextualiser. Dans un premier chapitre, nous définirons le tourisme facteur de développement, et l’évolution dans le temps du tourisme, des Grands Tours à l’émergence du tourisme de masse. Dans un deuxième chapitre, nous étudierons la prise de conscience des différents acteurs, puis l’émergence du tourisme solidaire. Enfin, dans un troisième chapitre, nous analyserons le touriste consommateur et ses motivations. 1 Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Le tourisme en quelques chiffres. [En ligne]. Disponible sur : <http://www.developpement-durable.gouv.fr/Le-tourisme-en-quelqueschiffres.html>. (Consulté le 06-02-2013). 10 Chapitre 1- Le tourisme : d’une activité facteur de développement à l’émergence du tourisme de masse A travers ce premier chapitre, nous allons tenter d’analyser le touriste, principal acteur du tourisme, qui a évolué au fil du temps. Mais nous allons aussi nous attarder sur l’évolution du tourisme, qui tient un rôle majeur dans le développement des sociétés. Nous allons le voir, le tourisme va avoir des conséquences différentes, selon la manière dont il va être géré. Ces conséquences, peuvent tout aussi bien être source de développement que de mal développement pour le territoire concerné. 1. Qu’est ce qu’un touriste ? 1.1. Définition du touriste Avant de définir le touriste, il est important de définir le tourisme. Selon l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT), « le tourisme est un déplacement hors de son lieu de résidence habituel pour plus de 24 heures mais moins de 4 mois, dans un but de loisirs, un but professionnel ou un but sanitaire». Le touriste est l’élément clé de l’activité touristique car sans touristes, pas de tourisme. C’est un acteur capital dans le développement des sociétés, et il a fallu de nombreuses années avant que l’on se rende réellement compte de son importance. Selon l’Organisation Mondiale du Tourisme, un touriste est « toute personne effectuant un voyage comprenant au moins une nuit passée hors de son domicile habituel ». Cette définition, englobe tout aussi bien les déplacements professionnels, que les séjours d’agrément. Un voyage se déroulant seulement sur une journée ne sera donc pas considéré comme du tourisme. Au sein même du tourisme, on remarque des distinctions. Les voyages sont appelés vacances, uniquement si la durée du séjour est d’au moins quatre nuits, et que le voyage est d’agrément. Pour qu’une personne devienne touriste, elle doit donc passer une nuit en dehors de son domicile, mais il n’y a aucune indication concernant la distance minimale effectuée pour devenir touriste. Dans ce cas, on peut être touriste même à quelques kilomètres de chez soi (TERRIER, 2006, p.5). 11 Toutes ces distinctions font qu’il est particulièrement difficile de faire des statistiques concernant les touristes. C’est en 1929, qu’on se rend vraiment compte de l’impact du tourisme sur l’entrée de devises pour le pays. On va alors trouver une réelle importance dans la comptabilisation de ceux-ci, et dans leur étude. En 1937, la Société des Nations définit le touriste comme « toute personne qui, voyageant pour son agrément, s’éloigne pendant plus de 24heures et moins d’un an de son domicile habituel ; les déplacements de moins de 24h étant des excursions ». Elle est reprise après la guerre par l’OMT et l’Organisation Européenne de Coopération Economique (l’OECE). Même si cette définition est généralisée à l’ensemble de l’Europe, les pays ne la respectent pas toujours, et appliquent leur propre définition. Des variantes comme la durée du séjour apparaissent, ce qui rend très compliqué de connaître et de comparer les chiffres réels du tourisme. 1.2. Evolution de l’image du touriste 1.2.1. Le touriste cliché Avant 1929, le touriste ne constituait pas un très grand intérêt, et lorsque l’on parlait de lui, une image très négative en ressortait. Il a souvent été caricaturé, et on affiche un réel mépris à son égard. On l’a en effet assimilé au mouton, au chien, à la fourmi, au doryphore, à un essaim de guêpes, ou encore à une bactérie géante 2 . Dans le passé, on voyait le touriste comme un privilégié qui perdait son temps et gaspillait son argent. Ainsi pour Paul Morand, dans Le Voyage en 1927: « Voyager, c’est la façon la plus impratique et la plus coûteuse de s’instruire ». (BOYER, 2011, p. 23). Le touriste était alors snob et se confrontait aux forces productives. Le tourisme s’étant ensuite généralisé à l’ensemble des classes populaires, l’image méprisante qu’on a du personnage devrait avoir changé. Pourtant, le touriste est maintenant perçu comme un cliché à part entière. Le touriste est inutile, futile, stupide et nocif, non seulement pour les territoires 2 Canal U, Vidéothèque numérique de l’enseignement supérieur. Le touriste, conférence de Jean- Didier Urbain, janvier 2006. Disponible sur : < http://www.canal- u.tv/video/universite_de_tous_les_savoirs/le_touriste_jean_didier_urbain.1466>. (Consulté le 06-02-2013). 12 récepteurs mais aussi pour les touristes eux-mêmes. Il est vrai qu’on ne se targue jamais d’être un touriste, car « Le touriste c’est toujours l’autre ». Personne ne veut être considéré comme touriste, car il est un consommateur passif d’espaces, d’activités et de services. Le touriste a donc été de tous temps moqué, on le voit comme un cliché, celui de l’Homme avec un short ou un appareil photo en bandoulière. La description de Pascal Bruckner et Alain Finkielkrault dans Le tourisme de l’an 2000, est encore plus dure: « touriste = imbéciles heureux en bermudas à fleurs, lourd animaux grégaires, masses répugnantes » (BOYER, 2011, p. 23). 1.2.2. Touriste vs voyageur L’image du touriste en France est très négative. Pourtant, ne sommes nous pas tous touristes, ou du moins ne l’avons nous pas tous été ? Certains préfèrent s’octroyer le nom de voyageur, qui est bien plus valorisant. Ces personnes font une distinction entre les deux termes « touriste » et « voyageur ». Selon certains auteurs comme A. Siegfried, les deux termes sont très différents. Les voyageurs sont ceux qui se déplaçaient pour une raison bien précise et ouvraient les chemins, alors que les touristes ne sont que des personnes qui se sentent obligés de voir ce qui doit être vu (BOYER, 2011, p. 81). Les voyageurs sont perçus comme des mythes, car ils ont été les héros qui ont bravé les premiers les terres inconnues. L’imaginaire lié au voyageur est très fort, et le voyage, a souvent été réservé aux élites. Jean-Didier Urbain critique fortement la distinction que font certains entre touriste et voyageur. Pour lui, le touriste est un voyageur parmi d’autres. Il critique également l’acharnement qui est fait à l’encontre du touriste et le portrait erroné qu’on lui donne. « Qui sont-ils ceux-là, qui méprisent tant le touriste et critiquent son regard? Possèdent-ils, eux, la vérité du voyage? Entre touriste et voyageur, la différence n’est pas de nature, elle est de degré. Quoi qu’en disent les élites d’hier et d’aujourd’hui, ils sont parents ». (URBAIN, 2002, p. 86). 13 2. Les Grands Tours et l’hivernage : le tourisme facteur de développement 2.1. L’invention du tourisme Le tourisme a été inventé en Angleterre au XVIIIème siècle. On parle alors des « Grand Tour », qui sont les voyages des riches aristocrates anglais sur le continent. Le mot « touriste », vient de l’anglais « Tour », qui s’est ensuite transformé en « Tourist », puis a finalement été traduit en français. Le terme « Tourist » est, au début, simplement utilisé pour désigner les riches aristocrates anglais. Ils partent sur le continent, pour apprendre et devenir des adultes. Ce sont uniquement des hommes qui ont entre 20 et 25 ans. Ces voyages durent de six mois à un an et demi et ont un but pédagogique. On dit qu’ils forment la jeunesse et transforment ces jeunes hommes en gentlemen 3 . Ces premiers touristes ont influencé les jeunes aristocrates de toute l’Europe. Ils étaient fascinés par les antiquités romaines et les principaux lieux d’attraction étaient Londres, Vienne, Prague ou Paris. Les premiers guides de tourisme sont publiés durant la seconde moitié du XVIIIème siècle et fixent les « Vivendum » ou « Sight-seeing » (BOYER, 2011, p.15). Ils constituent les lieux qui doivent absolument être vus. Après 1740, les conditions de voyages s’améliorent. Dans les grandes villes, on voit apparaître les premiers hôtels, restaurants et cafés. Le développement touristique se remarque petit à petit. Les habitants des régions touristiques voient une opportunité à saisir. De nombreuses infrastructures d’accueil touristiques commencent à se construire, et des services de tous types se mettent en place pour répondre aux besoins des touristes. 2.2. Les fondements du tourisme C’est à cette époque, que sont réunies pour la première fois, les conditions qui transforment un déplacement d’un point A à un point B (A étant le lieu de résidence et B, un lieu de vie inhabituel), en activité touristique. L’activité touristique va devenir facteur de développement car contrairement aux autres secteurs économiques, c’est le client (ou touriste) et 3 LEPILLER Olivier, Sociologie du tourisme, Cours de Master 1 TD, département ISTHIA, Université de Toulouse 2, 2013. 14 non pas le produit qui se déplace sur le territoire. En se déplaçant, le touriste va avoir un impact sur le territoire visité. Mais pour que ce déplacement ait lieu, quatre conditions doivent être réunies. Les personnes partant doivent avoir des moyens financiers, du temps libre mais aussi la liberté de se déplacer et d’être accueilli. Ces conditions constituent les fondements du développement touristique. Le temps libre est le temps durant lequel on ne travaille pas. On peut l’organiser sans contraintes. Mais cette condition s’applique uniquement lorsque le travail est une valeur fondatrice de la société. Il faut également que les personnes partant aient des moyens financiers. La liberté de se déplacer concerne plusieurs domaines. La situation géopolitique du territoire peut jouer un rôle clé. Une situation de conflit, où le territoire va être mis hors d’accès, va empêcher ou freiner la liberté de déplacement. De même, l’existence de moyens de transports sur le territoire est déterminante, ainsi que bien d’autres éléments. La liberté d’accueillir suppose pour la population locale du territoire visité, d’avoir le choix d’accueillir ou non. Le contexte territorial est alors capital, pour déterminer si le tourisme va devenir facteur de développement ou de mal développement. Si la population locale regroupe les conditions de survie nécessaires, c'est-à-dire qu’elle peut se nourrir et se loger correctement, alors des dérives ont moins de chance d’apparaître 4 . Toutes ces conditions doivent être réunies simultanément pour rendre le déplacement possible, et faire du tourisme, une activité facteur de développement. 2.3. L’hivernage : le tourisme en France, facteur de développement Quelques années plus tard, les touristes vont développer un grand intérêt pour le bien être. Ainsi, la révolution de Bath, en Angleterre, va développer les bains. C’était à l’époque un nouveau concept, développé par le Docteur Turner qui reconnaît que l’eau à des bienfaits réparateurs. Le thermalisme naît donc à cette époque. 4 TORRENTE Pierre, Gestion de projet de développement, Cours de Master 1 TD, département ISTHIA, Université de Toulouse 2, 2013. 15 C’est en 1750, que les premières stations balnéaires sont créées. Brighton est le premier exemple, et reste encore une invention britannique qui va se répandre à travers toute l’Europe. Les touristes qui avaient peur de la mer, car elle représentait « le territoire du vide », vont tout à coup avoir « le désir du rivage » (BOYER, 1996, p. 40). Deux types de stations balnéaires se mettent en place. Tout d’abord les stations comme Brighton qui attirent les touristes durant la saison estivale. Au contraire, les stations comme celle de Nice, constituent des séjours hivernaux, d’octobre à mai, où le calme, le climat et la beauté des paysages sont les principales motivations des touristes y séjournant : c’est l’hivernage. L’hivernage va transformer la France en une région touristique attractive. Tout le monde se presse pour profiter du climat méditerranéen, entraînant une demande touristique plus élevée. Le climat constitue à cette époque, et encore aujourd’hui, l’un des critères majeurs de l’attractivité d’un territoire. La demande augmentant dans le Sud de la France, les locaux vont profiter de cette occasion pour développer des services et hébergements, afin de satisfaire cette demande. Les premiers aménagements touristiques vont se mettre en place, et transformer aussi bien le paysage français que sa structure. A cette époque, le tourisme est maîtrisé car le flux de voyageurs est contrôlé. Le tourisme est en effet seulement accessible à une minorité de la population, et ne représente pas de dangers particuliers pour le territoire, bien au contraire. Il constitue une activité facteur de développement territorial, car il va en plus de développer la ville et ses aménagements, créer de nombreux emplois, en respectant le territoire. De plus, il reste une activité complémentaire, ce qui est un autre principe de l’activité touristique, facteur de développement. En effet, à cette époque, le tourisme est accompagné d’autres activités. Ces activités sont bien souvent des activités traditionnelles comme l’agriculture. Pour que le tourisme soit une activité facteur de développement pour le territoire, il doit rester une activité complémentaire, c'est-à-dire qu’il ne doit pas être la seule activité du territoire. 16 2.4. Le désenclavement des territoires isolés A la même période, le touriste, va partir à la conquête de la nature. Ainsi, la montagne qui était considérée comme un territoire « horrible » voire même « affreux » devient « sublime » et suscite la curiosité (BOYER, 2011, p. 28). On va créer des stations balnéaires puis des stations de sports d’hiver. De nouveaux emplois sont crées, notamment avec le développement du sport. C’est avec la création de stations que va naître la saisonnalité avec l’instauration de saisons alternées. Le rapport avec la nature change, elle devient mystérieuse mais divine. C’est de la même façon que l’image de la campagne va évoluer. La nature qui était sauvage et dangereuse va devenir un lieu agréable. On assiste donc à une mutation totale de la société. De plus, les villes, qui étaient jusque là les espaces privilégiés, sont remplacées par la campagne. La sédentarité, qui était la norme aux XVIIème et XVIIIème siècles, est abandonnée. On laisse de côté la référence urbaine pour se plonger dans une société beaucoup plus nomade, qui se sent plus proche de la nature que jamais (BOYER, 1996, p. 45). Ainsi, on voit l’apparition des premières auberges ou maisons de campagne, dans des lieux qui étaient avant isolés. On assiste à leur aménagement, et au désenclavement de certains territoires grâce à l’essor du tourisme. Au XIXème siècle, on parle toujours d’un tourisme élitiste. Les touristes sont composés principalement de riches rentiers. Le voyage se développe de plus en plus et il est le moyen de montrer sa supériorité. Ces touristes sont oisifs et ont du temps inoccupé. Ils vont dépenser leur argent à outrance pour se distinguer et montrer leur supériorité. Thorstein Veblen, économiste et sociologue américain parle de dépense ostentatoire (BOYER, 2011, p. 89). La création du chemin de fer au début du XIXème siècle va révolutionner le tourisme. Les touristes sont plus mobiles et la durée des voyages se raccourcit. L’automobile, le bateau à vapeur et le vélo vont aussi révolutionner les transports et la mobilité des Français. Des endroits qui étaient avant inaccessibles, vont le devenir et se développer. L’aménagement du territoire se développe en même temps que ces transports. Ils constituent, en effet, un repère puisqu’on construit 17 tout autour des voies de communication. Ces moyens de transports qui augmentent irrémédiablement la liberté de mouvement, sont toujours réservés à une élite. 2.5. L’accès des classes populaires au tourisme A la fin du XIXème siècle, l’invention de la carte postale vient casser l’image du tourisme comme activité élitiste car elle s’oppose aux grands récits des voyageurs. De plus, des affiches publicitaires font leur apparition, vantant les destinations touristiques à toutes classes confondues. On voit déjà la volonté de certains de rendre le tourisme accessible à tous. Il faudra attendre les années 1936, pour que les classes populaires puissent enfin profiter des vacances à leur tour. Les revendications sociales se multiplient à l’époque, notamment à travers les syndicats. Ils demandent de meilleures conditions de travail, et on glisse doucement vers la conquête des vacances. Les salariés vont en effet profiter d’une réduction du temps de travail, de deux semaines de congés payés et d’un meilleur pouvoir d’achat grâce au Front Populaire, mais le tourisme n’est pas encore dans les pratiques culturelles des Français. L’augmentation du temps libre va transformer le quotidien des Français. Il va en effet devenir un organisateur spatial et social. « Le tourisme est communément défini comme une activité de loisirs qui implique un déplacement temporaire effectué pour le plaisir. Cette pratique est devenue en cent cinquante ans un élément constitutif de la vie sociale, une pratique culturelle, au sens anthropologique du terme » (COUSIN, REAU, 2009, p. 3). Léo Lagrange, qui est alors premier secrétaire d’Etat aux loisirs, proclame que l’année 1936 est « l’an I du bonheur » (BOYER, 1996, p. 99). On va aussi assister au développement de la société des loisirs. Des tickets de cinémas et de théâtre à prix réduits sont délivrés aux travailleurs, ainsi que des brevets sportifs et des billets de trains à moitié prix. Pour la première fois, les classes populaires françaises accèdent à la société de loisirs. Léo Lagrange va créer les premières auberges de jeunesse et colonies de vacances. Le tourisme va être facteur de rassemblement et de mixité culturelle. Pour la première fois, des jeunes de classes sociales différentes peuvent se côtoyer et partager la même expérience sans distinction aucune. Le tourisme ne fait plus de distinction entre élites et classes populaires. 18 C’est aussi dans les années 1930, qu’on assiste à l’émergence des agences de voyages qui vendent des titres de transports et voyages tout compris. Mais, c’est surtout la démocratisation des automobiles et des bicyclettes qui va permettre aux classes populaires d’être enfin libres de leurs mouvements. La liberté, c’est d’ailleurs ce que beaucoup de touristes vont rechercher à partir des années 1920. Ces nouveaux touristes qui sont à la recherche d’authenticité et qui ont un budget limité, vont développer le camping, le caraving et les « bed&breakfast ». Ils vont dormir et prendre le petit déjeuner chez l’habitant. On voit déjà que le lien social avec les locaux prend un rôle important dans l’expérience des vacances. Le tourisme prend une dimension toute autre à partir de 1936. Les Français peuvent pour la première fois, réunir les conditions nécessaires pour effectuer un déplacement touristique. Ils ont du temps libre, des moyens financiers, la liberté de se déplacer grâce à la démocratisation des transports, et la liberté d’être accueilli, puisque de nombreuses infrastructures touristiques ont été mises en place ces dernières années. A ce moment là, le tourisme est toujours considéré comme facteur de développement, mais les années à venir vont marquer un tournant décisif pour le tourisme. 3. Le tourisme de masse : facteur de mal-développement 3.1. La mise en place du tourisme de masse Le tourisme de masse s’instaure entre les années 1950 et 1960. Entre 1951 et 1989, le nombre de Français partant en vacances passent de dix millions, soit 31% des Français, à 33 millions soit 60,7% de la population totale. (COUSIN, REAU, 2011, p.14). C’est à cette époque que partir en vacances devient une norme. Les vacances deviennent accessibles à toutes les classes sociales de la société. C’est une avancée extrêmement positive pour la société, aussi bien au niveau des droits des classes populaires, qu’au niveau du développement territorial. De grands aménagements sont mis en place car la demande touristique explose. Pour faire face à cette demande, on doit développer des 19 structures touristiques, afin de pouvoir augmenter la capacité d’accueil des régions touristiques. Mais, c’est face à cette demande, que le tourisme va devenir facteur de dérégulation. Les résultats de l’activité touristique se comptent par la quantité de touristes, et non pas par leur satisfaction. La quantité prime sur la qualité, et le principal objectif est de pouvoir répondre à cette offre toujours plus grande. De même, les populations locales, voulant saisir l’opportunité économique que leur offre le tourisme, vont abandonner certaines activités traditionnelles pour s’y consacrer. En France, ce sont d’abord les littoraux et les montagnes qui vont subir ces aménagements. Le but est de satisfaire la demande en accueil touristique. En 1963, la mission interministérielle Racine va totalement redessiner la Côte Languedocienne. Il y a plus de 180km de côtes à aménager, 400 000 lits à mettre en place, dans cinq unités touristiques différentes. La Côte Languedocienne détient alors la première position en capacité d’accueil touristique d’hébergements de plein air en France, et la quatrième en capacité totale de lits. Après son aménagement, le nombre de touristes s’élèvent à environ 15 millions, parmi lesquels, deux tiers de français 5 . Dans les années 1990, l’aménagement de la côte connaît déjà des difficultés qui sont d’ordre multiple. Le parc hôtelier a vieilli et ne correspond plus aux envie des touristes, mais on a aussi oublié l’espace naturel dans cet aménagement, et il ne correspond plus à la demande. On a aménagé cet espace sans réellement penser au développement sur le long terme, et c’est bien souvent ce qu’il se passe dans les pays qui voient leur demande touristique augmenter. L’objectif principal est de répondre à la demande, mais avant de développer un territoire, il faut planifier ce développement et prendre en compte tous les aspects de celui-ci. Les touristes, sont certes importants, car ils constituent une forte source de revenus, mais on doit penser le développement sur le long terme, en prenant en compte les spécificités du territoire, mais aussi sa population. Ce manque de planification a débouché sur des conséquences désastreuses pour les territoires mais aussi pour leurs habitants. On va voir 5 BOUMEGGOUTI Driss, Géographie du tourisme, Cours de Master 1 TD, département ISTHIA, Université de Toulouse 2, 2012. 20 que, s’il est démontré que le tourisme est facteur de développement, il peut, s’il n’est pas contrôlé, créer bien plus d’effets négatifs que positifs. 3.2. Définition « Le tourisme est l’industrie qui consiste à transporter des gens qui seraient mieux chez eux dans des endroits qui seraient mieux sans eux 6 ». Le tourisme de masse c’est avant tout un nombre incalculable de touristes s’amassant au sein d’un même territoire. C’est la sur-fréquentation de lieux dits typiquement « tourisme de masse ». Ces lieux sont le plus souvent des stations balnéaires, pistes de ski ou hauts lieux historiques symboliques d’un pays. Les touristes s’y entassent dans des hôtels, villages de vacances ou camping, le tout enveloppé dans un beau packaging où les formules sont identiques et standardisées. Ces formules comprennent tout le confort que les touristes demandent et rassemblent toutes les infrastructures, activités et équipements dont ils auront besoin durant leurs séjours. L’ensemble de ces destinations sont devenues des produits marchands de grande consommation. Le tourisme de masse est donc caractérisé par une forte concentration spatiale, et surtout forte concentration économique entre les mains de quelques acteurs. Il représente l’image la plus visible de la mondialisation, avec aujourd’hui plus d’un milliard de touristes chaque année. Source de bénéfices certains pour bon nombre de voyagistes, le tourisme de masse s’impose comme étant la forme de tourisme la plus développée à l’heure actuelle. 3.3. Les conséquences du tourisme de masse Pour étudier les dérives du tourisme de masse, nous allons cibler les pays dit du Sud. Ces pays sont en pleine mutation, et connaissent actuellement ce que la France a connu dans les années 1960, avec des dérives beaucoup plus importantes étant donné leur fragilité. On l’a vu, pour que le tourisme devienne une activité dite facteur de développement, il faut que les pays recevant ces touristes, aient la liberté d’accueillir. Pour cela, la population locale doit rassembler des conditions de survie, c'est-à-dire qu’elle doit 6 Mistler Jean – écrivain et académicien 21 pouvoir être capable de se loger et de se nourrir. Bien souvent, ce n’est pas le cas, et le tourisme, qui pourrait aider le territoire à se développer, va malheureusement conduire à des situations dramatiques. 3.3.1. Conséquences sociales Le tourisme de masse va avoir des effets désastreux sur la population dans certaines régions du monde. Le tourisme sexuel et la prostitution enfantine en sont les exemples les plus frappants. Le tourisme sexuel se créé au sein de pays où la population est fragile. Elle ne réunie pas les conditions de survie nécessaires, et pour accéder à un niveau de vie plus élevé, elle cède à cette forme de tourisme. On parle maintenant de massification du tourisme sexuel. Le touriste change son comportement lorsqu’il arrive dans un pays autre que le sien. Il laisse ses valeurs, sa morale et son éthique de côté, et il a le sentiment que plus rien n’est impossible. « Le touriste organisé se dégage, souvent, de toute responsabilité dès le moment où il foule la terre de sa destination exotique et vacancière (…) En payant pour un service, sexuel en l’occurrence, il achète la liberté d’une personne sur laquelle, un temps compté, il a tous les droits. Y compris celui de réduire cette personne à l’état de « bien » marchand.» (MICHEL, 2008, p. 3) Certains pays utilisent ouvertement ou implicitement la prostitution comme argument publicitaire. Dans cet article, Franck Michel met en avant le fait que les touristes pensent que la prostitution est un choix qu’ont fait les locaux. Partant de cette pensée, il est très difficile de combattre le tourisme sexuel. Mais au-delà du tourisme sexuel, il est observé que le touriste va se relâcher lorsqu’il est loin de chez lui. Il va avoir des comportements qu’il n’aurait jamais eus s’il avait été au sein de son propre territoire. « Le changement de lieu et donc l'éloignement du touriste de sa sphère habituelle va provoquer chez lui un relâchement de valeurs » (SCHEOU, 2009, p.112). En arrivant sur un territoire, parce qu’il a payé, le touriste va vouloir se l’approprier. De nombreux comportements irrespectueux et abus, sont commis par les touristes. Cela peut être leur manière de se vêtir, de parler, le fait de prendre des photographies de tout sans s’occuper de la vie privée des locaux. Le touriste va consommer le territoire et « consommer l’homme ». De plus, 22 des comportements qui peuvent paraître anodins voire bénéfiques pour les locaux, vont en fait venir bouleverser toute leur organisation culturelle. Beaucoup de touristes, pensant bien faire, vont par exemple donner des cadeaux aux locaux, mais ceci va avoir de lourdes conséquences. En effet, cela va développer la dépendance des locaux vis-à-vis des touristes, et créer des réseaux de mendicité. Ainsi, la mafia locale va déscolariser des jeunes enfants, en les envoyant mendier auprès des touristes. Le tourisme de masse va aussi créer une folklorisation de la culture locale. Sylvie Brunel parle de « disneylandisation ». On va créer de toute pièce une authenticité, pour que les touristes vivent l’expérience qu’ils s’attendaient à vivre. Ainsi, la rencontre « authentique » qui aurait dû avoir lieu, et qui fait rêver les touristes, n’est en aucun cas réelle. La « disneylandisation » repose sur la stratégie du parc à thème comme celui de Disneyland Paris. On va faire du territoire mis en tourisme, un parc à thème à lui tout seul. Pour cela, on va tout faire pour donner envie aux touristes de venir découvrir le territoire, par la mise en scène exagérée des cultures locales et de leurs façons de vivre. On va recréer une « authenticité plus vraie que nature ». Sylvie Brunel donne l’exemple des Masaïs, qui arborent des parures censées être authentiques alors qu’elles sont importées 7 . Jean-Paul Minvielle (2007, p. 26) parle d’ « authenticité de pacotille », où on met en scène des lieux dits « typiques », pour les touristes. On va en fait créer ce à quoi le touriste s’attend. Le tourisme de masse, c’est aussi la création d’un fort déséquilibre entre deux mondes différents : un monde fragile dépendant de l’activité touristique et un monde avec un fort pouvoir d’achat. Leur confrontation entre ces deux mondes va susciter de la jalousie de la part des populations locales, et des changements de comportements vont en découler. On peut par exemple citer le phénomène de déculturation, qui va faire perdre à la population locale sa propre culture, à cause du contact avec les touristes. Il s’accompagne du phénomène d’acculturation qui est l’assimilation d’une nouvelle culture : celle des touristes. Au Maroc par exemple, les jeunes marocains ont le sentiment que leur territoire est arriéré. Leur relation avec les occidentaux, va provoquer chez 7 BRUNEL Sylvie. Une planète disneylandisée ? Disponible sur : <http://www.scienceshumaines.com/uneplanete-disneylandisee_fr_29148.html#achat_article >. (Consulté le 12-01-2013). 23 eux l’envie d’aller en Occident, où ils pensent pouvoir eux aussi, bénéficier d’un fort pouvoir d’achat. On constate également le développement de la mendicité, qui est pourtant contraire aux pratiques locales, et de nombreux déplacements de populations, dus à la répartition des activités économiques du pays, qui se limitent bien souvent au tourisme. La population locale va se regrouper dans les zones touristiques les plus attractives, c'est-à-dire les littoraux et les grands centres urbains (MINVIELLE, 2007, p25-26). On voit ici que le tourisme de masse, ne crée aucun échange entre touristes et population locale, sinon une relation marchande. 3.3.2. Au niveau Conséquences économiques économique, le tourisme de masse va avoir des conséquences aussi bien positives que négatives. Le tourisme va engendrer des profits, il est alors dans ce cas, facteur de développement économique, et donc positif pour le territoire le pratiquant. Les recettes des pays les moins avancés ont plus que doublé entre 1992 et 1999. Ce phénomène est dû à l’industrie touristique, qui est devenue la principale source de devises des 49 pays les moins avancés (mise à part l’industrie pétrolière dans trois d’entre eux). Cependant, il faut rappeler que 75% des recettes touristiques des pays du Sud reviennent aux pays du Nord (COLLOMBON et al., 2004, p.12 ). Dans un pays comme la Thaïlande, 30% des recettes engendrées par le tourisme, reviennent réellement au pays car les investisseurs sont souvent issus des pays du Nord. Une très faible partie des dépenses effectuées par les touristes sur place, revient réellement au pays visité. Les voyagistes et autres touropérateurs, vendent des voyages tout compris aux touristes. Ceux-ci vont pouvoir répondre à leurs besoins directement sur place, au sein même de leurs hôtels ou autres villages de vacances. Tout est fait pour que le touriste dépense son argent au sein de la structure qui l’héberge, et non pas en dehors. Dans ce cas là, les touristes ne rapporteront rien aux locaux, car tout l’argent qu’ils dépensent pour leur voyage , ou pour les loisirs, vont revenir aux voyagistes et autres investisseurs du Nord. Dans ce cas, le tourisme ne 24 profite en aucun cas au développement et à la prospérité des pays du Sud. Il va, au contraire, renforcer la dualité entre un secteur riche et développé, et un secteur pauvre qui subsiste douloureusement. De plus, pour répondre aux besoins des touristes, les pays du Sud vont importer beaucoup de produits, ce qui va réduire considérablement leurs bénéfices. Beaucoup de personnes vont choisir de délaisser leurs activités pour se consacrer au secteur du tourisme. Croyant que le tourisme peut être facteur de bénéfices importants, les locaux vont abandonner leurs activités traditionnelles, pour se consacrer à cette activité qui leur promet richesse et travail. Cela va créer des effets d’éviction. Ainsi, des activités comme l’agriculture, secteur très important pour le pays, vont être mises de côté pour travailler dans le secteur touristique, qu’ils pensent plus rentable. Ce phénomène s’observe au sein des pays en voie de développement. Il va générer une forte dépendance de ceux-ci vis-à-vis des riches pays du Nord. En délaissant des activités comme l’agriculture, qui sont des activités de subsistanc, les pays vont devenir dépendants de l’activité touristique car elle devient leur source de profit principale. De nombreux terrains qui étaient au départ réservés à d’autres activités vont aussi être repris au profit du secteur touristique. On voit bien que le tourisme n’est plus facteur de développement. Il n’est plus une activité complémentaire, mais l’activité principale pour ces territoires. Pourtant, le tourisme a besoin d’autres activités économiques sur lesquelles s’appuyer. Le tourisme est facteur d’emplois, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle de nombreuses personnes vont migrer vers les grands pôles touristiques. A la recherche d’un travail à tout prix, ils espèrent trouver à travers l’industrie touristique, un travail qui leur permettra de subvenir à leurs besoins. Pourtant, là encore, la réalité n’est pas comme ils l’avaient espéré. Dans les pays en voie de développement, les emplois qualifiés sont le plus souvent réservés aux étrangers. Les emplois réservés aux locaux sont donc peu qualifiés et souspayés. La majorité des emplois, ne sont pas déclarés et très précaires. Le recours au travail des mineurs est très fréquent : le Bureau International du Travail (BIT) affirme que 20 millions d’enfants de moins de dix huit ans, travaillent dans l’industrie du tourisme (COLLOMBON & al., 2004, p.12 ). 25 Enfin une forte concurrence pour l’accès aux biens de consommation se met en place entres les touristes et la population locale. Par leur présence, les touristes vont faire flamber les prix de bon nombre de secteurs et de biens. L’impact sur le secteur foncier est un exemple des plus frappants. Il y a une forte concurrence d’accès au sol entre les différents secteurs économiques des pays. Avec le tourisme, les prix des sols subissent une inflation importante, ce qui va les rendre inaccessibles aux producteurs locaux, ou même à la population locale, qui vivait auparavant dans ces quartiers. On parle de phénomène de gentrification. La présence des touristes va faire monter les prix, à tel point que les locaux n’auront plus les moyens d’y vivre. Ils vont donc devoir quitter le centre ville pour s’installer en banlieue. Le tourisme pousse donc la population à abandonner le cœur même de son territoire. Ce phénomène est très symbolique, car il montre bel et bien que le tourisme va faire perdre le contrôle de la population locale sur son propre territoire. On peut citer l’exemple du Liban, qui a connu un phénomène de gentrification très fort. Les prix augmentant, la majorité de la population a dû se résigner à quitter le centre pour s’installer ailleurs. De plus, la majorité du patrimoine culturel du pays a été rasé, pour reconstruire des bâtiments plus modernes. Ce phénomène va créer des dualités très fortes entre un secteur aisé et un secteur riche, ainsi qu’entre la ville et la banlieue 8 . L’un des plus graves dangers du tourisme de masse pour ces pays fragiles, c’est la dépendance qu’il peut créer. Les pays dits du Sud vont souvent dépendre de manière totale des prestataires du Nord. La plupart du temps, ce sont ces prestataires qui contrôlent tout, que ce soit le transport, les prix, l’hébergement mais surtout la promotion des pays auprès des occidentaux (SCHEOU, 2006, p.104). Le tourisme est source de profits et donc irrémédiablement facteur de développement économique. Il crée des emplois et augmente le pouvoir d’achat des populations. Il a donc des aspects économiques positifs mais malheureusement, les flux incontrôlables de touristes, vont venir extorquer leur propre territoire aux populations locales. 8 BOUMEGGOUTI Driss, Géographie du tourisme, Cours de Master 1 TD, département ISTHIA, Université de Toulouse 2, 2012. 26 3.3.3. Conséquences environnementales L’accès aux ressources naturelles est l’un des sujets de controverse. Alors que les ressources comme l’eau sont rares dans de nombreux pays, les grands complexes accueillant des touristes vont être irrigués jour et nuit. La ville d’Agadir au Maroc, est l’une des nombreuses victimes de ce phénomène. Alors que la grande majorité de la population n’a pas accès à l’eau potable, les hébergements construits pour l’accueil des touristes sont irrigués continuellement (COLLOMBON et al., 2004, p.13). Il y a une surconsommation des ressources naturelles. Les minéraux, carburants fossiles, énergies et bien d’autres ressources sont aussi menacées. De nombreuses pollutions sont aussi causées par l’activité touristique : pollution de l’air, de la terre ou de l’eau, pollutions auditives, olfactives ou esthétique et bien d’autres encore. Le tourisme engendre des tonnes de déchets qui sont, bien souvent, non traités, et qui dégradent le territoire irrémédiablement. Ainsi, un bateau de croisière va par exemple rejeter plus de 70 000 tonnes de déchets solides chaque année. De plus, le secteur du tourisme représente à lui seul 60% du trafic aérien mondial et 5% des émissions de gaz à effets de serre mondiales 9 . La pollution visuelle ou esthétique est aussi conséquente. Au fil des années, on a vu les paysages se modifier. Le tourisme a besoin, pour se développer, de la mise en place d’infrastructures lourdes. Cela comprend des voies de communications comme des axes routiers, ferroviaires, maritimes ou aériens, mais aussi des hôtels, des parcs de loisirs ou toute autre infrastructure construite pour le tourisme. On va bétoniser le paysage, et le rendre méconnaissable, sans se préoccuper non plus de toute la faune et la 9 Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE). Tourisme : le tour du monde les pieds sur terre.[En ligne]. Disponible sur : < http://www.unep.fr/shared/publications/o ther/DTIx0531xPA /touris me.pdf> . (Consulté le 15-01-2013). 27 flore qu’on détruit par la même occasion. « La touristification modifie non seulement les paysages mais l'âme des lieux. » 10 On parle des fois d’artificialisation du paysage. On peut par exemple citer le cas extrême de Dubaï dans les Emirats Arabes Unis. Il y a également perte du patrimoine du pays dans de nombreux cas. On peut citer le cas des Kasbahs, qui représente un élément fort du patrimoine architectural marocain. La majorité de la population locale, désirant plus de modernité, habite maintenant dans des bâtiments dits tout-béton, alors que les Kasbahs sont rachetées pour en faire des hôtels. Les touristes sont en effet très friands de cette architecture typique. Malheureusement, les grands groupes hôteliers rachetant les Kasbahs, au lieu de les réaménager, les détruisent pour en faire des copies répondant au confort des touristes (MINVIELLE, 2007, p. 17). La biodiversité est aussi fortement menacée par le tourisme. Ainsi selon l’Organisation Ocean Planet, 90 pays (sur les 109 existants) possédant des barrières de corail ont vu celles-ci détériorées par l’activité touristique 11 . De même, la massification de touristes sur un lieu donné, va très fortement dégrader celui-ci. Ainsi, selon le Programme des nations Unies pour l’Environnement (PNUE), trois quarts des dunes de sables de la côte méditerranéenne ont disparu à cause de l’activité touristique. On recense aussi d’autres dégradation, comme l’érosion des sols, du à un piétinement excessif, mais aussi la dégradation de la végétation ou de la qualité des sols. 10 BRUNEL Sylvie. Une planète disneylandisée ? [En ligne]. Disponible sur : <http://www.scienceshumaines.com/une-planete-disneylandisee_fr_29148.html#achat_article >. (Consulté le 12-01-2013). 11 Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE). Tourisme : le tour du monde les pieds sur terre. [En ligne] Disponible sur : <http://www.unep.fr/shared/publications/other/DTIx0531xPA/ touris me .pdf>. (Consulté le 15-01-2013). 28 Conclusion chapitre 1 : Le tourisme était au départ réservé à une élite. Il doit regrouper simultanément plusieurs fondements pour être facteur de développement : les moyens financiers, le temps libre, la liberté de se déplacer et la liberté d’accueillir. L’hivernage va permettre de développer un tourisme facteur de développement, en France. Plusieurs principes de l’activité touristique vont alors apparaître : l’importance du climat, l’activité de service et le fait que le tourisme doit être accompagné d’autres activités pour être facteur de développement pour le territoire. A partir des années 1936, démocratisation des vacances. Développement du tourisme de masse entre les années 1950 et 1960. Au départ, le tourisme de masse est perçu de manière positive. Créateurs d’emplois et de richesses, il est facteur de développement économique. Pourtant, les nombreux effets négatifs du tourisme de masse se font vite sentir, et ils sont encore présents surtout dans les pays dits du Sud. Le tourisme est transversal, c'est-à-dire que s’il a des conséquences sur le niveau économique par exemple, il en aura aussi au niveau environnemental et au niveau social. Tout est lié dans l’industrie touristique : «Une pollution hôtelière sur un littoral tropical (niveau écologique) entraîne une diminution de la productivité du lagon et un front de mer inesthétique (niveaux écologie, social), provoque une diminution de la pêche artisanale et une atteinte à l’image touristique (niveau économique) et donc fragilise l’activité touristique elle-même (niveau macroéconomique) » 12 . 12 LAURENT Alain. Le tourisme responsable facteur de développement durable. Synthèse du document « Caractériser le tourisme responsable facteur de développement durable ». 2003, p.9. Disponible sur : < http://www.tourisme-solidaire.org/ressource/pdf/B1bALaurentSyntheseCaracteriserletourismeresponsable facteurdedeveloppementdurable.pdf >. (Consulté le 02-12-2012). 29 Chapitre 2- Du développement durable à l’émergence du tourisme solidaire Dans ce deuxième chapitre, nous étudierons la prise de conscience qui va se mettre en place après la découverte des impacts négatifs, engendrés par le tourisme de masse. Les pouvoir publics vont mettre en place un certain nombre de mesures pour limiter ces dérives. On va alors voir apparaître de nouvelles formes de tourisme plus respectueuses des territoires. Parmi ces formes de tourisme : le tourisme solidaire. Nous allons définir cette forme de tourisme et ses valeurs. 1. La prise de conscience des pouvoirs publics 1.1. Le développement durable Dans les années 1970, les pouvoirs publics prennent conscience des dégâts causés par le tourisme de masse à tous les niveaux. On ressent de forts clivages entre les pays dits du Nord et les pays dits du Sud. On associe alors le tourisme de masse, à une image négative. On va commencer à repenser le tourisme, en prenant en compte tous les éléments dans la planification du développement. La dimension temporelle est primordiale dans la planification de projets touristiques. Les acteurs vont chercher des solutions pour développer l’activité touristique, en intégrant la notion de qualité plutôt que celle de quantité. C’est en 1972, avec le rapport Meadows, qu’on va pour la première fois tirer la sonnette d’alarme, et dénoncer l’utilisation abusive des ressources naturelles. On comprend alors, que le développement doit être étudié de façon durable, si l’on veut préserver les ressources que l’on possède. La Conférence des Nations Unies sur le développement humain (CNUEH), qui se déroula la même année à Stockholm, donna naissance au Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) et lança des problématiques environnementales dans les préoccupations politiques, telles que la réduction de la pollution, le réchauffement climatique ou la déchirure de la couche d’ozone. 30 En 1987, le rapport Brundtland introduit la notion de développement durable au niveau mondial : « Un développement qui répond aux besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ». L’objectif du développement durable est de prendre en compte les trois piliers économiques, sociaux et environnementaux dans les projets de développement. On doit trouver un juste équilibre entre ces trois piliers. Quelques années plus tard, en 1992, Le Sommet de la Terre à Rio de Janeiro, va donner plus de responsabilités à chaque pays, en ce qui concerne l’environnement. Les pays vont devoir faire cohabiter progrès techniques et protection de l’environnement. Les pays du monde entier sont incités à devenir acteurs du développement durable. La réduction de la pauvreté, la surconsommation de l’eau ou encore les taxes pour les pays pollueurs sont abordés. Le plan d’action Agenda 21 est mis en place à cette conférence pour instaurer les objectifs à atteindre au XXIème siècle. 1.2. Le tourisme durable C’est un an plus tard, qu’on parlera de tourisme durable pour la première fois, lorsque l’OMT publie un guide appliquant la notion de développement durable au tourisme : « l’environnement est la base des ressources naturelles et culturelles qui attirent les touristes. Par conséquent, la protection de l’environnement est essentielle pour un succès à long terme du tourisme » 13 . En 1995, la Conférence mondiale sur le tourisme durable à Lanzarote, organisée par l’UNESCO et l’OMT, définit le tourisme durable, comme un concept de développement positif respectant les trois piliers du développement durable. On crée la charte du tourisme durable qui s’applique aux gouvernements, aux professionnels du tourisme et aux touristes eux-mêmes. Suivront par la suite, la déclaration de Berlin (1997), puis la Charte européenne du tourisme durable. Cette charte permet aux entreprises, qui la respectent, de se distinguer des autres en promouvant un tourisme plus responsable (1998). Enfin, le Code mondial d’Ethique du tourisme (1999) 13 RAYSSAC Sébastien. Développement durable du tourisme, Cours de Master 1 TD, département ISTHIA, Université de Toulouse 2, 2012. 31 complète et apporte de nouvelles idées pour limiter les «effets négatifs du tourisme sur l'environnement et le patrimoine culturel et, en même temps, maximiser les avantages pour les habitants des destinations touristiques». Récemment, avec la parution de ce Code mondial d’Ethique du tourisme, les professionnels du tourisme ont commencé à proposer plus de voyages responsables. Cette offre de voyages plus responsables émane surtout d’une demande croissante des consommateurs. 72% des français seraient prêts à partir dans le cadre d’un voyage responsable 14 . Face à cette prise de conscience progressive des effets négatifs que pouvaient déclencher le tourisme, des nouvelles formes de tourisme ont vu le jour. Parmi ces formes de tourisme durable ou responsable, on a vu apparaître notamment le tourisme équitable, le tourisme communautaire, l’écotourisme ou le tourisme solidaire. Toutes ces formes de tourisme alternatives, ont en commun l’envie de mettre au cœur du voyage la population locale et l’environnement, tout en promouvant un tourisme facteur de développement. Elles ont pour ambition, de proposer une nouvelle forme de voyage où le partage et le respect de la nature sont des éléments fondateurs. Nous avons choisi de privilégier l’étude du tourisme solidaire au sein de cette étude. 2. Le tourisme solidaire « Le tourisme solidaire regroupe les formes de tourisme alternatif qui mettent au centre du voyage l’homme et la rencontre et qui s’inscrivent dans une logique de développement des territoires. L’implication des populations locales dans les différentes phases du projet touristique, le respect de la personne, des cultures et de la nature et une répartition plus équitable des ressources générées sont les fondements de ce type de tourisme ». Cette définition a été élaborée en 2004 par un Comité de pilotage constitué de l’Union Nationale des Associations de Tourisme, des associations de tourisme solidaire et de leurs partenaires. 14 FRANCOIS-LECOMPTE Agnès & PRIM-ALLAZ Isabelle. Tourisme durable : les français sont-ils partants ? Actes du 25e Congrès International de l’AFM (Association Française du Marketing), 2009, p.3. [En ligne]. Disponible sur : < http://hal.inria.fr/docs/00/47/05/71/PDF/AFM09-Francois_Lecompte_Prim_Allaz.pdf> (Consulté le 15-01-2013). 32 2.1. Les projets de tourisme solidaire Le tourisme solidaire est un tourisme qui s’inscrit dans une toute nouvelle façon de penser. Il est facteur de développement local, et met les populations au cœur de la démarche. Ainsi, ce sont eux qui doivent se réunir et décider ensemble, de leur volonté commune de valoriser et développer leur territoire. Ces territoires sont le plus souvent isolés, et ont besoin d’aide pour développer et promouvoir leur offre touristique. L’élément déclencheur du projet de tourisme solidaire est tout d’abord la volonté de maîtriser son territoire. Ainsi, ils vont pourvoir gérer les revenus et les emplois générés par le tourisme, mais aussi leur image en tant que destination touristique. Mais, c’est également la volonté de diversification des activités et l’envie de saisir des opportunités que leur offrent les Organisations Non Gouvernementales (ONG) du Nord, en termes de formation ou de promotion par exemple. Les projets de développement touristique solidaire émanent donc de la volonté des populations locales, et non pas de riches prestataires provenant des pays dits du Nord, comme dans le tourisme de masse. La logique va donc être mise en place de manière différente. Les projets de tourisme solidaire émanent d’un partenariat entre des pays du Sud, qui veulent désenclaver leur territoire, et des pays du Nord, souvent des associations ou des ONG, qui veulent les aider à y parvenir. La relation qui s’établie entre les deux partenaires doit être égalitaire. 2.2. Les valeurs du tourisme solidaire Le but du tourisme solidaire est avant tout de désenclaver certaines régions, en les aidant à développer leur économie par le tourisme. On s’appuie sur les atouts déjà existants du territoire : les ressources humaines, culturelles, économiques et environnementales 15 . Le tourisme, doit rester une activité économique en complément des autres activités déjà présentes, pour éviter la dépendance de celui-ci vis-à-vis des pays du Nord. 15 LAURENT Alain. Le tourisme responsable facteur de développement durable. Synthèse du document « Caractériser le tourisme responsable facteur de développement durable ». 2003, p.5. [En ligne]. Disponible sur : <http://www.tourisme- solidaire.org/ressource/pdf/B1bALaure ntSyntheseCaracte riserletourismeresponsablefacteurdede veloppementdurable .pdf > (Consulté le 02-12-2012). 33 L’un des objectifs du tourisme solidaire, est donc de développer l’économie du pays, mais surtout de rendre le territoire totalement autonome. Pour ce faire, on va mettre en valeur les produits locaux et artisanaux, en développant leur production, leur consommation et leur commercialisation. Le tourisme solidaire, met, comme on l’a vu, la population locale au cœur du projet. Contrairement au tourisme de masse, c’est eux qui vont prendre toutes les décisions en ce qui concerne leur offre touristique. Ils vont pouvoir choisir la manière dont ils veulent exploiter leur territoire et leurs ressources. Ils vont participer à l’élaboration du projet entier, du début à sa fin. « La population locale n’est pas spectatrice passive du défilé des touristes mais initiatrice et co-organisatrice de la rencontre » 16 . Tous les bénéfices engendrés par l’activité touristique, leur seront redistribués de manière équitable. Dans ce projet, le tourisme profite exclusivement à la population locale. Cependant, les ONG sont très présentes pour entourer les locaux. N’ayant bien souvent aucune expérience dans le domaine du tourisme, des formations leur sont dispensées. On va les former aux métiers du tourisme. Ces métiers sont divers : guides accompagnateurs ou bien cuisiniers par exemple. Ils vont être capables d’accueillir la clientèle convenablement. Ces projets s’inscrivent dans une démarche de développement local durable. L’échange entre la population locale et le touriste est aussi totalement différent de celui qui s’effectue au sein du tourisme de masse. Ainsi, on met au cœur du voyage, la rencontre entre les deux parties. On parle de rencontre unique et authentique entre deux cultures totalement distinctes. Dans la même optique, les flux touristiques sont contrôlés. C’est par petits groupes que les touristes vont se rendre sur le territoire. Ainsi, ils sont au plus près de la population locale ont une expérience privilégiée avec eux. On privilégie bien souvent l’hébergement chez l’habitant dans cette forme de tourisme, ce qui change de manière évidente l’échange entre les deux parties. 16 DOLLFUS Laurent. Les enjeux et défis du tourisme responsable. Forum International du Tourisme Solidaire, 2010, p. 1-3. [En ligne]. Disponible sur < http://www.tourisme-solidaire.org/ressource/pdf /enjeuxdefis.pd f >. (Consulté le 12-10-2012). 34 La protection de l’environnement est aussi un élément fondamental du projet. On essaye de minimiser l’impact écologique sur le territoire. Ainsi, le nombre de touristes présents sur le territoire est contrôlé. De cette manière, leur présence ne dégradera pas l’environnement et ne dérangera pas l’activité quotidienne des locaux. La plupart des profits engendrés par le tourisme solidaire, vont permettre à la population d’organiser des projets collectifs pour l’ensemble du territoire. En effet, ces fonds sont souvent réinvestis au profit du territoire, et dans des secteurs importants tels que l’éducation ou la santé. Le tourisme est aussi un moyen pour ces populations de mettre leur culture et héritage en avant. Bien trop souvent, ces valeurs se perdent, mais grâce à l’intérêt que les touristes ont pour ces traditions, il y a valorisation de l’identité culturelle. C’est un tourisme qui prend très à cœur le respect des valeurs, et des us et coutumes des habitants. On parle du tourisme des 4 R : « Le R de Répartition équitable de l'argent du tourisme, le R de Responsabilité, celle du voyageur, celle de l'hôte et celle de l'intermédiaire, le R de Respect de l'environnement, du patrimoine, et le R de Rencontre avec l'Autre. Il s'agit d'une sorte de " slow-tourism ", un tourisme où l'on prend son temps, le temps de parler, le temps d'échanger, le temps de comprendre 17 ». 2.3. L’importance de la planification Avant de lancer un projet de développement, on doit d’abord faire un diagnostic pour évaluer quels sont les points forts et les points faibles du territoire. Les points forts peuvent par exemple être son environnement, sa biodiversité, et les points faibles, un accès difficile au territoire. On va également déterminer quelles sont les menaces et opportunités du territoire, en analysant par exemple, l’établissement des partenariats qui pourraient aider au développement du territoire, ou bien les différents éléments extérieurs pouvant venir perturber l’instauration du tourisme sur le territoire. On doit également fixer des objectifs de départ, qui doivent être validés par 17 Forum International du Tourisme Solidaire. Présentation. [En ligne]. Disponible sur : < http://www.tourisme-solidaire.org/presentation.htm>. (Consulté le 12-10-2012). 35 les pays partenaires concernés. Ils doivent être clairs et mettre en valeur la population locale. On sait que le tourisme doit, pour être facteur de développement, avoir une population qui réunit les conditions de survie nécessaires. Pourtant, dans la plupart des pays du Sud, ces conditions ne sont pas réunies. C’est pourquoi, il est très important de penser le tourisme sur le long terme, et de prendre tous les éléments en compte. De cette façon, la mise en place du tourisme, ne se transformera pas en une activité nocive pour la population locale. Les différents acteurs, jouent tous un rôle capital dans l’établissement du projet de développement solidaire. Les ONG du Nord ont un rôle central car ils vont aider les territoires du Sud à développer leur économie par le tourisme, dans le respect du territoire et de sa population. De nombreuses associations et ONG de tourisme solidaire se sont créées depuis un certain nombre d’années maintenant. Mais pour certifier la qualité et la crédibilité de ces associations, et pour structurer les organismes de tourisme solidaire, la Fédération Française d’Associations de Loisirs Vacances Tourisme (la Fédération LVT), la Plate Forme pour le Commerce Equitable (PFCE) et l’UNAT décident de fonder, en 2006, l’Association pour un Tourisme Equitable et Solidaire (ATES). Conclusion Chapitre 2 La prise de conscience des effets négatifs causés par le tourisme, a fais émerger une nouvelle façon de penser le tourisme. De nombreuses formes de tourisme alternatif se sont mises en place. Le tourisme solidaire est l’une d’entre elle. Mais malgré les valeurs qu’il véhicule, il est toutefois difficile de mettre en place une activité touristique dans les pays en développement. Les projets de tourisme solidaire doivent être pensés sur le long terme et prendre en compte les spécificités de chaque territoire. 36 Chapitre 3 : Le tourisme consommateur et ses motivations Après avoir étudié l’évolution du tourisme et de ses formes, il est important d’analyser et de comprendre les attentes des touristes, pour voir comment elles s’y rattachent. Dans ce chapitre, nous allons donc étudier le touriste et son nouveau mode de consommation. Enfin, nous verrons les processus de décisions touristiques guidant le touriste dans ses choix. 1. Touriste : Nouveau consommateur 1.1. Un tourisme plus authentique La prise de conscience débutée il y a quelques années, conduisant à l’instauration d’un tourisme plus durable, a touché les pouvoirs publics, mais aussi les professionnels du tourisme et les touristes eux-mêmes. Au cours de ces dernières années, on a observé un grand changement dans la demande des consommateurs. Ainsi, une volonté de retour à un tourisme plus authentique, avec un intérêt particulier pour la culture locale, la découverte de territoires vierges et inexplorés et la sauvegarde du patrimoine, s’est développée (DECROP, 2010, p. 179). Alain Decrop parle de différentes motivations génériques qui poussent ces nouveaux touristes au changement. Ils veulent sortir de leur routine et de leur environnement habituel et découvrir de nouveaux territoires, qui leur permettront le dépaysement et surprise. Il évoque aussi le besoin de repos et de détente, qui vont permettre de rompre avec les contraintes et le stress de la vie quotidienne. Les touristes veulent se ressourcer dans un environnement naturel sain, où ils pourront se retrouver avec leurs proches. Ils veulent une expérience qui leur permette de valoriser leurs liens avec la nature, la population locale et leurs compagnons de voyage. Cet intérêt nouveau pour les voyages authentiques émane souvent d’une clientèle urbaine, qui cherche à travers ses vacances, simplicité et nouvelles expériences. Ainsi Dean MacCannell dit : « Le touriste est un pèlerin moderne, cherchant une existence et un sens authentique en dehors de 37 l’artifice de la vie moderne » (DECROP, 2010, p. 171). Ainsi, bien souvent, les sociétés occidentales veulent un « retour aux sources », car ils se sentent privés de quelque chose dans leur quotidien. La mondialisation qui a conduit à l’uniformisation de bien des pays, réduit les différences existantes entre ceuxci, et rendent les gens anxieux de se retrouver au même endroit, peu importe le lieu où ils vont. Ils sont à la recherche de nouvelles sensations et valeurs, pour connaître des expériences différentes, où ils pourront s’évader en découvrant un territoire inconnu, et des cultures avec de nouvelles valeurs. Ces nouveaux consommateurs, s’opposent à ceux qu’on dits « touristes de masse », qui sont au contraire, à la recherche de vacances traditionnelles, et qui se sentent rassurés par des grands groupes hôteliers occidentaux, car ils retrouvent leur confort et leurs habitudes. 1.2. Une consommation plus engagée Ces dernières années, les consommateurs ont développé un intérêt plus prononcé pour les questions d’éthique. Ainsi, les consommateurs font plus attention aux produits qu’ils achètent et consomment, et aux impacts qu’ils ont sur le territoire et ses habitants. Déjà en 1999, neuf consommateurs sur dix disaient privilégier un « produit éthiquement correct 18 », et sept consommateurs sur dix disaient être prêts à payer plus cher pour en acheter. La consommation engagée se répand de plus en plus. Ainsi, on constate que la satisfaction du client, augmente proportionnellement à l’intégration de critères de durabilité dans le produit (ATOUT FRANCE, 2011, p. 73). De plus, 61% des personnes interrogées, disent être prêtes à payer 5% plus cher, pour respecter des engagements de citoyenneté. Cet intérêt pour le respect de l’homme et de l’environnement, se retrouve dans les choix touristiques des individus. Ainsi, 18% des français se déclarent prêts à ajouter 5% au prix de leur voyage, pour compenser leur émission de carbone. Malheureusement, il y a encore un fossé entre les actes et les mots, car seulement 2% de ceux-ci admettent l’avoir déjà fait (SCHEOU, 2009, p. 283). 18 UNAT, DGCID, Ministère des affaires étrangères. Le tourisme solidaire vu par les voyageurs français. Notoriété, image et perspective. UNAT, 2003, p. 2. [En ligne]. Disponible sur : <http://www.unat.asso.fr/doc/publication/Etudeclientts.pdf>. (Consulté le 15/12/2012). 38 Malgré cela, on sent une réelle envie chez les gens de « voyager moins mais voyager mieux » (COLLOMBON, 2006, p. 9). 2. Processus de prise de décision touristique Pour mieux comprendre les touristes, il faut s’attacher à comprendre ce qui les pousse à prendre leurs décisions dans leur choix de départ en vacances. Pendant bien longtemps, on a négligé le touriste et ce qui le poussait à voyager. Pourtant, en comprenant quels sont les éléments qui influencent la prise de décision du touriste, il est plus facile de comprendre ce qui importe le plus pour le touriste. En comprenant ce qui est essentiel pour lui, on peut alors savoir comment ajuster l’offre à la demande. 2.1. Le modèle de Van Raaij et Francken Parmi les modèles de prise de décision touristique, on peut citer celui de Van Raaij et Francken datant de 1984 (DECROP, 2010, p. 23). Ce modèle est composé de plusieurs étapes, dépendant des caractéristiques propres à chaque personne ou chaque groupe social. La première étape est la « décision générique de partir », l’individu se demande s’il va partir ou non. Cette décision repose sur les revenus du ménage, sa situation familiale, son style de vie et ses valeurs. La décision de partir est très souvent prise avec l’ensemble des membres du groupe. Il s’ensuit l’acquisition d’informations, qui convainc ou non les personnes de partir. A travers le recueil d’informations provenant de sources commerciales (catalogues, sites internet ou agences de voyage), ou sources d’informations non commerciales comme le bouche à oreille, l’individu va se renseigner. Il va être influencé par ces éléments dans sa prise de décision. La prise de décision se fait en groupe bien souvent, et beaucoup d’éléments entrent en jeu : la communication au sein du groupe, le niveau d’éducation, et les expériences de vacances que connaissent les différents membres du groupe (fidélité à une destination, types d’hébergements habituellement privilégiés), mais aussi de la sensibilité des individus face au prix du voyage. Dans ce modèle, Van Raaij et Francken parlent de deux types d’individus. D’abord ceux qui vont suivre un long processus de recherche 39 d’informations, afin de comparer les différentes offres qu’on leur propose, avant de finalement prendre leur décision finale. Puis, les autres, qui vont prendre leur décision de manière impulsive à la dernière minute. Après la décision, les auteurs parlent de l’expérience de vacances. Chaque touriste va avoir des préférences parmi lesquelles : l’aventure, qui privilégie la découverte sans confort spécifique ; la conformité qui reprend les activités quotidiennes qu’on effectue au sein de son foyer ; l’éducation privilégiant la culture et les activités pédagogiques ; le repos, le bien être et le confort ou encore le contact social, avec la rencontre de nouvelles connaissances. Enfin, le modèle de prise de décision touristique de Van Raaij et Francken parle du niveau de satisfaction post-vacances. C’est la différence entre les attentes des touristes avant leur voyage, et ce qu’ils ont réellement vécu. Estce que le touriste a vécu ce à quoi il s’attendait ? Lorsque les touristes sont insatisfaits, ils l’expliquent souvent par des facteurs externes. Par contre, lorsqu’ils ont eu une bonne expérience, ils le justifient souvent par des facteurs internes. Fig 1. Le modèle séquentiel de prise de décision touristique de van Raaij et Francken (1984) Source : DECROP, 2010, p. 23 40 2.2. Le modèle de prise de décision de Woodside et Lysonski Le modèle de prise de décision touristique le plus cité aujourd’hui, est celui de Woodside et Lysonski en 1989. Il différencie les inputs externes des inputs internes. Les inputs externes dépendent du marketing mix : la conception du produit, son prix, la publicité qu’on en fait et les canaux de distribution choisis. Les inputs externes, quant à eux, sont les caractéristiques propres aux individus, dépendant de leur situation sociodémographique et de leur expérience personnelle des vacances. Le choix va être appelé output et comprend la prise de conscience du touriste, la formation de préférence et les intentions de visite. La prise de conscience du touriste est composée de plusieurs ensembles : l’ensemble de considération qui sont les destinations que le touriste va citer en premier ; l’ensemble inerte qui sont les lieux évoqués mais pas encore envisagés ; l’ensemble indisponible qui sont les destinations qui ne sont pas prises en compte pour des raisons financières ou autres, et l’ensemble inapte qui sont les destinations rejetées directement. Pour choisir la destination de ses vacances, l’individu va donc éliminer au fur et à mesures les choix qui s’offrent à lui. Pour cela, il va faire un classement des destinations sélectionnées, puis va naturellement faire des associations affectives. Il va alors manifester une intention de visite, et si aucune variables situationnelles n’entrent en jeu, alors son choix sera finalement fait (DECROP, 2010, p. 25). 2.3. Variables du Processus de Prise de Décision On l’a vu dans les deux modèles de prise de décision étudiés, les caractéristiques propres aux individus jouent un rôle important. Parmi ces facteurs, on retrouve (DECROP, 2010, p.69) : - L’âge : il crée des segments plus ou moins homogènes. Ainsi, les jeunes sont la population qui partent le plus souvent en vacances, et qui demandent le moins de confort contrairement aux personnes âgées. - Niveau d’éducation : la fréquence de départ en vacances augmente avec le niveau d’études. Il en est de même pour les voyages à l’étranger. Il rentre aussi en compte dans le choix d’activités. 41 - La profession : elle influence les revenus et le temps libre de l’individu donc sa propension à voyager. Les goûts, les préférences et les valeurs sont aussi influencés par la profession. - Le cadre de vie : les urbains partent plus souvent en vacances. - Le style de vie : la manière dont la personne vit et comment elle dépense son argent. Il influence la manière d’organiser le voyage et le style de vacances choisi. Les motifs qui poussent le consommateur dans sa décision dépendent de plusieurs facteurs très différents, comme ses caractéristiques démographiques, ses expériences passées ou encore sa personnalité. La prise de décision d’un départ en vacances repose donc sur des besoins très divers. C’est pourquoi, il est très important de proposer des produits différents pour satisfaire des demandes différentes. 3. Les trois temps du voyage A. Decrop (2010, p. 210), parle de trois temps dans le voyage. Le premier temps avant le départ qui est appelé le voyage imaginé, c'est-à-dire le voyage que s’imagine le touriste, il relève de l’imaginaire et de la poursuite du rêve. Le deuxième temps se déroule pendant le séjour : on parle de voyage vécu où tous les sens sont en éveil. On découvre sans arrêt et on passe par différentes réactions et sentiments, comme la surprise ou le plaisir. Enfin, après le retour, on parle de voyage prolongé. Les souvenirs rapportés du voyage, les cartes postales envoyées, ou les photographies du séjour, vont permettre de prolonger et de partager l’expérience. C’est une manière de s’approprier le territoire. Ces trois temps sont essentiels, car si le touriste a vécu ce qu’il espérait à travers ce voyage, alors il gardera une bonne image de celui-ci, et du voyagiste avec qui il est parti. Un phénomène de fidélisation peut alors se mettre en place. La fidélisation est un des principes qui structure l’activité touristique. En effet, à cause du raccourcissement de la durée des séjours, il est plus avantageux de fidéliser des clients, plutôt que d’aller sans cesse à la recherche de nouveaux. C’est pourquoi, la qualité est un enjeu majeur. En 42 offrant un service et une prestation de qualité, le client sera satisfait et véhiculera autour de lui une image positive du territoire et du voyagiste. Conclusion Chapitre 3 Ces dernières années, on a assisté à un changement profond dans l’intérêt et les valeurs des consommateurs. Le touriste est à la recherche d’expériences différentes et plus authentiques. Il cherche à s’évader de son quotidien et à découvrir de nouveaux territoires et de nouvelles cultures. Il s’affirme d’ailleurs prêt à payer plus cher pour un produit plus responsable, même si bien souvent, il y a un fossé entre les paroles et le passage à l’acte. En analysant ce qui pousse les touristes à prendre leur décision de départ en vacances, on remarque que le processus de prise de décision peut être complexe, mais qu’en comprenant ce qui pousse le touriste à prendre sa décision, on peut lui offrir un produit correspondant à ses attentes. De nombreuses variables rentrent en compte dans leurs choix : l’âge, la profession, la personnalité et les habitudes de vacances entre autres. 43 Conclusion Partie I Le tourisme a évolué à travers le temps. Il était avant considéré comme une activité élitiste, définie par une occupation oisive qui entrainait des dépenses ostentatoires. De nos jours, il est devenu une pratique culturelle des Français, reconnu comme un droit fondamental. C’est avec les Grand Tours en Europe, puis plus spécifiquement l’hivernage, en France, que le tourisme s’est mis en place. A partir de là, le tourisme s’est développé très rapidement, sans jamais ralentir dans son ascension. On a vite découvert les bienfaits de cette activité, aussi bien au niveau économique, social, qu’environnemental. Cette industrie permet à la fois de désenclaver les territoires, mais aussi de les valoriser. Pourtant, on a très vite vu apparaitre de nombreuses dérives. On a alors compris que, si le tourisme n’était pas bien géré, l’activité pouvait être facteur de mal développement. Les fondements du tourisme, ainsi que les trois dimensions du développement durable, doivent absolument être pris en compte, pour que le tourisme reste une activité bénéfique pour un territoire. Chaque territoire doit prendre en compte les spécificités qui lui sont propres, pour mettre en place une activité touristique, qui sera facteur de développement. Une prise de conscience générale va se mettre en place, face au constat des dérives entraînées par le tourisme de masse. De nouvelles formes de tourisme voient le jour, proposant une nouvelle façon de voyager. Parmi ces nouvelles formes de tourisme : le tourisme solidaire. De nouveaux modes de consommation plus responsables apparaissent chez les consommateurs, laissant espérer le retour à un tourisme plus respectueux. Mais malgré l’apparition de ces nouvelles formes de tourisme et l’évolution des modes de consommation, le tourisme de masse et ses dérives demeurent. Alors en quoi la place du touriste solidaire, peut elle être facteur de développement pour un territoire ? 44 Partie II – La place du touriste solidaire est-elle facteur de développement pour le territoire visité ? 45 Introduction Partie II Cette deuxième partie, va nous permettre de répondre à la problématique suivante : En quoi la place du touriste solidaire, est-elle facteur de développement pour le territoire visité? C’est à travers différentes hypothèses, que nous allons tenter de répondre à cette question. Avant tout, il s’agit de savoir si le tourisme solidaire possède une clientèle, car il est évident que sans touristes, il n’y a pas de tourisme. Nous allons donc nous demander s’il existe une clientèle pour le tourisme solidaire, et si c’est le cas, nous analyserons son profil. Dans un deuxième temps, nous étudierons les différentes façons de gérer et maitriser les touristes, pour qu’ils deviennent des facteurs de développement pour le territoire. Enfin, nous verrons si nous sommes dans la continuation du deuxième cycle touristique, ou si nous en entamons un nouveau. 46 Chapitre 1 - Il existe une clientèle pour le tourisme solidaire Dans la première partie, nous avons étudié le récent changement de comportement des consommateurs, vers un mode de consommation plus responsable. Mais qu’en est-il de la consommation touristique ? Dans ce chapitre, nous allons étudier l’image qu’ont les Français du tourisme solidaire dans un premier temps. Puis, la situation actuelle du marché de tourisme solidaire. Et enfin, nous étudierons les caractéristiques des personnes pratiquant le tourisme solidaire, et nous déterminerons s’il existe une clientèle pour cette forme de tourisme. 1. L’image du tourisme solidaire selon la population française 1.1. La notoriété des formes de tourisme responsable Afin d’analyser le potentiel du marché de tourisme solidaire, il est important de savoir si les gens connaissent ce type de tourisme, et si oui, quelle image ils en ont. Au fil des années, on a vu la notoriété des formes de tourisme responsable augmenter. Les termes de tourisme solidaire, équitable ou d’écotourisme ont pris de l’importance. Ainsi, selon une étude de l’UNAT, en 2004, 29% des Français avaient entendu parler du tourisme solidaire ou équitable. En 2009, ils avaient atteint les 60% (SCHEOU, 2009, p. 283). Fig. 2 – Notoriété des formes de tourisme Source : Sondage Harris Interactive Trophées du Tourisme 47 1.2. La perception des Français sur le tourisme solidaire Pourtant, à travers différentes études, on remarque que les définitions du tourisme responsable et solidaire, restent floues dans l’esprit des gens. D’après une étude menée par l’UNAT et le Ministère des Affaires Etrangères en 2005, 30% des personnes qui affirment avoir déjà entendu parler du tourisme solidaire (28.8% de la population totale interrogé), l’associent spontanément au commerce équitable, et citent donc la juste répartition des bénéfices des recettes touristiques, comme élément central de ce type de tourisme 19 . 26% des gens l’associent à l’aide aux populations locales et 34% à un échange culturel et au respect des peuples et de l’environnement. Enfin, certains l’associent à des voyages dans des pays en voie de développement, ou à des projets de développement territorial. On remarque donc que, parmi les gens ayant déjà entendu parler du tourisme solidaire, la définition qu’ils en ont est plutôt correcte. Pourtant, lorsque l’on donne des caractéristiques à associer ou non au tourisme solidaire, à des gens qui en ont déjà entendu parler ou non, on se rend compte que l’image du concept est parfois faussée (voir Figure 3). Ainsi, la majorité des personnes associent correctement le concept à un voyage en petit groupe, où l’échange avec la population locale, le respect de l’environnement et le choix du voyagiste, sont importants. Cependant, deux caractéristiques ne correspondant pas au tourisme solidaire, sont citées de manière significative. Ainsi, 77% des personnes interrogées associent le tourisme solidaire à de l’humanitaire ou du bénévolat, et environ 40% pensent que les séjours de tourisme solidaire sont des voyages peu chers. 19 UNAT, DGCID, Ministère des affaires étrangères. Le tourisme solidaire vu par les voyageurs français. Notoriété, image et perspective. UNAT, 2003, p. 6-7. [En ligne]. Disponible sur : <http://www.unat.asso.fr/doc/publication/Etudeclientts.pdf>. (Consulté le 15/12/2012). 48 Fig. 3 – L’image du tourisme solidaire en fonction de caractéristiques Source : UNAT, 2005, Le tourisme solidaire vu par les voyageurs français. Notoriété, image et perspectives, p 7. Les personnes ayant entendu parler du tourisme solidaire, n’ont donc pas toujours une idée correcte du concept. Les gens le confondent trop souvent avec de l’humanitaire. La notoriété du tourisme solidaire se développe au fur et à mesure mais sa définition reste floue, voire incorrecte. 1.3. Profil des personnes connaissant le tourisme solidaire On remarque que les personnes connaissant le tourisme solidaire, sont le plus souvent des catégories socioprofessionnelles supérieures, ayant fait des études de second cycle, et qui ont une certaine sensibilité associative. De même, les personnes âgées (65 ans et plus), les couples sans enfants, les personnes ayant l’habitude de voyager, et les partisans de Gauche (particulièrement ceux d’Europe Ecologie les Verts) connaissent plus le concept que les autres catégories de population 20 . Ces personnes ont entendu 20 Harris Interactive. Les Français et le « tourisme responsable ». Trophées du Tourisme responsable 2012, 2012, p. 4. [En ligne]. Disponible sur : <http://www.harrisinteractive.fr/news/2012/CP_HIFR_VSNCF_26102012.pdf> (Consulté le 14/12/2012). 49 parler du tourisme solidaire soit par la presse écrite (54%), soit par la télévision (29%) ou par la radio (22%) 21 . La notoriété du tourisme responsable et solidaire ne cesse donc d’augmenter, et sa définition, même si elle reste des fois inexacte, commence à se démocratiser. 2. Le marché de tourisme solidaire 2.1. Le marché actuel A l’échelle mondiale, le marché du tourisme solidaire, représenterait aujourd’hui, quatre à huit millions de touristes. A l’échelle européenne, l’Organisation anglaise Tourism Concern, considère que le marché du tourisme solidaire, est de l’ordre de 5 à 10% des voyageurs partant à l’étranger pour leurs vacances (COLLOMBON, 2006, p. 9). Mais les chiffres varient beaucoup en fonction des pays. En France, l’ATES estime à 5227, le nombre de personnes parties en 2009. Il reste donc une pratique encore très marginale. En ce qui concerne le tourisme responsable en général, en 2010, l’association Agir pour un Tourisme Responsable (ATR), recensait 250 000 voyageurs, achetant des prestations de tourisme responsable auprès d’opérateurs certifiés. Il représente donc seulement 1% du marché des voyages à l’étranger 22 . Pourtant 66% des personnes interrogées se déclarent intéressées par le tourisme solidaire, et 7% très intéressées 23 . Si autant de gens sont intéressés par l’offre de tourisme solidaire, alors pourquoi le marché actuel est-il si minime ? 2.2. Les freins au développement de ce marché Le marché du tourisme solidaire reste encore très peu développé à l’heure actuelle. On peut l’expliquer par différents éléments. Tout d’abord, 64% des Français, trouvent qu’il est difficile d’accéder à des informations 21 UNAT, DGCID, Ministère des affaires étrangères. Le tourisme solidaire vu par les voyageurs français. Notoriété, image et perspective. UNAT, 2003, p.5. [en ligne]. Disponible sur : <http://www.unat.asso.fr/doc/publication/Etudeclientts.pdf>. (Consulté le 15/12/2012). 22 Ministère de l’artisanat, du commerce et du tourisme. Les chiffres de la consommation responsable :les produits de la consommation courante. Disponible sur : < http://www.veilleinfotourisme.fr/les-chiffres-dela-consommation-responsable-les-produits-de-consommation-courante-71367.kjsp > (Consulté le 15/01/2013). 23 UNAT, Ibid., p.8. 50 concernant l’organisation d’un voyage de tourisme responsable. De plus, 71% estiment que les prix des voyages responsables sont trop chers, et 53% pensent même qu’ils sont plus chers que les voyages habituels 24 . Pourtant, 51% des personnes étant déjà parti en voyage responsable, estiment que les prix de ces voyages, ne sont pas plus chers qu’une autre forme de tourisme. De même, la moitié des Français interrogés, admettent que l’offre de tourisme responsable actuelle n’est pas adaptée à leurs attentes, et qu’elle n’est pas assez variée. Les voyages responsables sont crédibles pour 52% des Français, mais seulement 46% d’entre eux jugent l’offre de ce type de tourisme attractive. Nous avons donc étudié l’ampleur du marché de tourisme responsable et solidaire, et analysé la perception qu’avaient les Français de ce type de tourisme. Nous allons donc pouvoir maintenant, nous interroger sur l’existence d’une clientèle pour ce type de tourisme, et le profil qu’elle pourrait avoir. 3. Caractéristiques des personnes pratiquant le tourisme solidaire 3.1. Détermination d’un profil de touriste solidaire On peut déterminer un portrait plus ou moins précis, des touristes solidaires. Tout d’abord, l’origine de ces touristes ne varie pas beaucoup. La majorité vient des pays occidentaux : les pays de l’Union Européenne, les Etats-Unis et le Canada. Le tourisme international est souvent exclusif dans les régions proposant ce tourisme, car le tourisme interne n’est pas développé. Ces voyageurs sont principalement issus des catégories socioprofessionnelles supérieures, et ont fait des études supérieures. Ils ont un niveau de vie confortable, avec souvent un salaire dépassant les 2000 euros par mois. Ils habitent le plus souvent dans des grandes villes, et ont l’habitude de voyager. Ils font partie, ou donnent à des associations. Les personnes âgées, les couples sans enfants et les jeunes étudiants, sont souvent plus sensibles à ce type de voyages, mais cela reste subjectif 25 . En 24 Harris Interactive. Les Français et le « tourisme responsable ». Trophées du Tourisme responsable 2012, 2012, p. 5- 6. Disponible sur : <http://www.harrisinteractive.fr/news/2012/CP_HIFR_VSNCF_26102012.pdf >. (Consulté le 14/12/2012). 25 UNAT, Ibid., P. 8. 51 2003, une étude Ipsos, définissait ces touristes comme des cadres supérieurs ou des retraités, entre 45 et 70 ans, ayant un revenu supérieur à 2000 euros et un niveau d’étude supérieur à la licence (SCHEOU, 2009, p. 283). 3.2. Les attentes des touristes solidaires Le professeur Stephen Wearing, a identifié les motifs et les attentes de ces touristes. Le voyage est pour eux, une échappatoire, où ils peuvent faire preuve d’altruisme, tout en vivant une réelle aventure, en apprenant des populations locales, mais aussi d’eux même. Le tourisme solidaire va répondre à ces attentes. Ces touristes ont un véritable besoin de dépaysement, car ils sont frustrés par leur environnement habituel. Ils idéalisent ces cultures qui sont préservées, car mises à l’écart de la modernité, et des crises que traversent les pays développés (Livre blanc Université Toulouse, 2011). L’entretien avec Monsieur X, salarié d’un voyagiste de tourisme équitable et solidaire (Annexe A), décrit les attentes des touristes comme l’envie d’ « un contact différent avec la population locale » et la recherche « d’autre chose par rapport à ce qu’ils ont déjà fais ». Pour Monsieur Y, président d’une association et plate forme participative de tourisme solidaire, ces touristes « préfèrent que leur argent soit investi dans des projets collectifs et des petites structures ». Ils veulent vivre de nouvelles expériences, en dehors des circuits touristiques classiques. Ils ont un profond intérêt pour les populations locales, et sont dans « une démarche d’apprentissage d’autres modes culturels et d’autres modes de vie ». 3.3. Les concessions faites par les touristes solidaires En 2010, une étude de mesure du degré d’adhésion globale des consommateurs au tourisme durable a été menée. L’échantillon était composé de 545 personnes, hommes et femmes, de 42 à 48 ans, dont environ 74% vivait en zone urbaine, et dont la répartition des revenus était différenciée. 70% des Français interrogés, se déclarent prêts à renoncer à une partie de 52 leur confort pour gâcher moins de ressources, et réduire leur volume de consommation, en faisant les choses par eux même 26 . En 2008, Dolcinar, Crouch et Long, ont étudié le fait que les touristes durables, acceptent plus facilement de renoncer à leur confort quotidien par rapport aux autres touristes. Il existerait un équilibre entre l’intérêt pour la protection de l’environnement, et l’acceptation de la diminution de son confort 27 . L’activité touristique étant à la base une activité de plaisir, avec comme fonctions principales les trois D de Dumazedier : le développement, le divertissement et le délassement, il semble opposé à la notion de sacrifice. Lors de l’entretien avec Melle X, touriste solidaire, le confort apparaissait pour elle comme un critère secondaire, la destination étant sa première préoccupation. De plus, l’entretien avec Monsieur X, salarié d’un voyagiste de tourisme équitable et solidaire, nous apprend que les voyageurs « savent à quoi s’attendre » au niveau de la « rusticité des voyages ». L’important pour ces voyageurs est d’expérimenter une nouvelle forme de voyage, même s’il avoue qu’il faut une certaine « adaptabilité ». 4. Il existe une clientèle pour le tourisme solidaire 4.1. Il existe un profil plus ou moins défini de la clientèle de tourisme solidaire De nombreux points communs réunissent les gens pratiquant le tourisme solidaire. En effet, ce sont des personnes cultivées, qui sont souvent diplômés. Ils voyagent beaucoup et appartiennent à des catégories socioprofessionnelles supérieures. L’entretien avec Mademoiselle X, qui effectue elle même des études supérieures de second cycle actuellement, et qui a effectué un voyage solidaire en Turquie le confirme. Les gens constituant son groupe était en effet, pour la majorité, des professeurs ou hauts fonctionnaires d’Etat. Ce sont également des gens qui ont l’habitude de voyager, et qui veulent découvrir de nouveaux pays et de nouvelles cultures sans arrêt. Encore jeune, son voyage en Turquie était le premier voyage solidaire de Mademoiselle X, mais les gens 26 FRANCOIS-LECOMPTE Agnès & PRIM-ALLAZ Isabelle. Tourisme durable : les français sont-ils partants ? Actes du 25e Congrès International de l’AFM (Association Française du Marketing), 2009, p.19. Disponible sur : < http://hal.inria.fr/docs/00/47/05/71/PDF/AFM09-Francois_Lecompte_Prim_Allaz.pdf> (Consulté le 15-01-2013). 27 Ibid. p 6 -7 53 qui constituaient son groupe étaient des habitués de ce genre de tourisme. Beaucoup d’entres eux avaient déjà voyagé en Inde, au Tchad, en Iran ou encore en Amérique Latine. Elle-même, malgré ses 23 ans, a déjà beaucoup voyagé, et part en moyenne au moins une fois par an. Il lui est même déjà arrivé de partir cinq fois dans l’année. L’entretien mené avec Monsieur Y, président d’une association et plate forme participative de tourisme solidaire, nous informe sur la composition des groupes partant en voyage solidaire. Généralement, même si pour lui il n’existe pas de profil type de touriste solidaire, on retrouve des caractéristiques communes entre les voyageurs. Ce sont souvent des gens avec des « profils assez variés », qui « sont en recherche d’alternatives au niveau social et économique dans leurs vies personnelles ». Ce sont des gens qui ont « un bagage intellectuel » et un « avis critique sur le système économique actuel ». Ils sont des « familles, des couples, des jeunes engagés, des vieux, des militants », qui au fur et à mesure prennent conscience de « l’impact de leur mode de vie », et veulent changer les choses. Mademoiselle X a également évoqué « son envie de découvrir le monde ». Les vacances ne sont pour elle, non pas un moment de repos, mais un moment de partage, où l’on peut découvrir de nouveaux endroits et de nouvelles activités. Elle décrit les vacances comme « un moment dans l’année où tu sors de l’ordinaire, et qui te fait découvrir d’autres choses, soit des paysages ou des gens ». On observe donc de manière flagrante, la vision particulière qu’ont ces touristes sur la façon d’aborder leurs vacances. Pour elle, « il ne faut pas avoir peur de découvrir l’inconnu ». Le but de ce voyage, est le dépaysement et la découverte. De plus, elle affirme que ce genre de voyages ne peut être accessible à tous. Elle admet volontiers avoir les moyens financiers pour ce type de voyages, mais le prix reste relativement élevé, selon elle, pour que toutes les catégories de population puissent y accéder. De même, pour elle, ces vacances sont des vacances actives, et elle conçoit que les gens aient envie de se reposer durant leurs congés, et non pas de faire des milliers de kilomètres. Elle dit également que « ce genre de tourisme ne peut pas parler à toutes les 54 catégories de population », car ce n’est pas forcément l’image que la majorité des gens se font des vacances. 4.2. La clientèle du tourisme solidaire La plupart du temps, les personnes ayant voyagé avec des organismes de tourisme équitable et solidaire, prolongent l’expérience et deviennent des habitués de cette forme de tourisme. Ainsi M.Y, parlant des touristes étant parti dans la cadre d’un séjour solidaire, dit : « en général, une fois qu’ils en font l’expérience, ils retournent sur des voyages de tourisme solidaire ». De plus, à travers les propos de M. X, on ressent qu’un phénomène de fidélisation se met en place. Un suivi est instauré entre la structure de tourisme solidaire et les touristes, après leur retour. Lors de l’assemblée générale annuelle de l’association, les clients sont conviés. Plus de 150 personnes se déplacent pour l’évènement, et la majorité d’entre eux sont des clients de l’association. Pour M. X, « la plupart des clients qui ont voyagé avec nous, reviennent pour d’autres séjours ». Les gens qui expérimentent le tourisme solidaire vont donc, très souvent, réitérer le voyage. Très sensibilisés par les rencontres qu’ils font, ils gardent des contacts avec les locaux qu’ils rencontrent sur place. Ainsi M. X, nous apprend que depuis le début de la guerre au Mali, destination qu’ils proposaient avant le début du conflit, les appels pour demander des nouvelles ne cessent pas. De même, Mademoiselle X, affirme qu’elle aimerait repartir dans le cadre d’un voyage solidaire. On constate qu’une sorte de communauté, adepte de cette forme de tourisme se crée. Mais il existe aussi des gens qui, durant leur séjour, vont effectuer un passage dans une structure de tourisme solidaire. M. Y, parle d’une clientèle qui organise son séjour par ses propres moyens, sans passer par les structures de tourisme solidaire. Ces personnes vont, durant leur séjour, passer quelques jours au sein d’une structure de tourisme solidaire, sans pour autant que la globalité de leur séjour en revêtisse la forme. Différents types de clientèles sont donc possibles pour le tourisme solidaire. Mais il est vrai que le marché actuel est très restreint. Il représenterait actuellement, seulement 1% des voyages à l’étranger. Après 55 l’étude du profil des touristes solidaires, on peut se demander si le tourisme solidaire est un tourisme élitiste. Il est vrai que financièrement et intellectuellement parlant, il revêt un caractère spécifique. L’attirance vers cette forme de tourisme, dépend en effet beaucoup du niveau intellectuel de la personne, mais aussi de sa catégorie socioprofessionnelle. M. X avoue que cette forme de tourisme est plus chère qu’une offre classique, mais il justifie cela par leur « façon artisanale de travailler ». M. Y quant à lui, met en relief « le bagage intellectuel » particulier que possèdent ces touristes. Conclusion Chapitre 1 Les touristes pratiquant le tourisme solidaire, ont indéniablement des caractéristiques communes. En étudiant ces caractéristiques, on remarque que cette clientèle est en grande partie élitiste. En interrogeant des professionnels de cette forme de tourisme, ainsi qu’un touriste étant parti en voyage solidaire, on a pu comprendre qu’une « communauté d’adeptes » se mettait en place. La majorité des personnes ayant expérimenté le tourisme solidaire, ont apprécié leur voyage, et renouvelleront l’expérience. Il existe donc bel et bien une clientèle pour cette forme de tourisme. Pour autant, le tourisme solidaire représente à l’heure actuelle 1% des voyages effectués seulement. Le marché est encore trop peu développé, et la clientèle est donc très restreinte. Même si cette forme de tourisme repose sur le départ de petits groupes de touristes, il est indispensable qu’elle se développe, pour que les projets commencés dans les différents pays en développement puissent se concrétiser. 56 Chapitre 2 - La gestion maitrisée des touristes crée un tourisme facteur de développement De nombreux éléments rentrent en compte dans le développement durable d’un territoire, et les touristes sont des éléments centraux dans le bon déroulement de ce développement. Comment assurer une gestion des touristes, de telle manière, qu’ils soient facteur de développement ? Nous verrons d’abord que pour que le tourisme soit facteur de développement, le choix de la qualité est primordial. Dans un deuxième temps, nous étudierons les moyens de maitriser les touristes par la gestion des flux, mais aussi la sensibilisation. Enfin, nous verrons que le voyage du tourisme est facteur de développement. 1. La qualité Il est bien souvent difficile pour les pays dits du Sud, de mettre en place une activité touristique facteur de développement. Comme nous l’avons étudié en première partie, les conditions de survie pour la population locale, doivent être réunies pour que le tourisme puisse être facteur de développement. Si ce n’est pas le cas, le tourisme deviendra alors facteur de dérégulation et créateur de dérives. Pourtant, ces pays se lancent dans l’activité touristique, mais les résultats ne sont, des fois, pas ceux escomptés. En effet, ces pays n’ayant bien souvent qu’un accès très limité aux circuits de commercialisation des marchés émetteurs, voient augmenter le nombre de touristes au sein de leur territoire, mais n’en récoltent pas les bénéfices. Pour pouvoir palier à ce déséquilibre économique, ils vont tenter d’attirer plus de touristes. Cette logique va alors avoir l’effet de réduire les prix, et donc la qualité des prestations. Ce modèle repose sur une approche quantitative du tourisme et s’éloigne peu à peu du qualitatif. L’image de la destination va donc en pâtir. De plus, le nombre d’arrivées de touristes, va augmenter plus que proportionnellement au montant des recettes engendrées. Il y a une diminution de la recette unitaire par touriste. Les coûts bas vont attirer la 57 masse, ce qui va générer des problèmes au niveau de la capacité d’accueil touristique 28 . Il est important pour les pays dits du Sud de se positionner au niveau de la prestation qu’ils veulent offrir. C’est à eux de déterminer le rapport qualité prix qu’ils veulent mettre en place. La qualité, même si elle coûte plus chère, est ce que les clients vont privilégier. Malheureusement, ils n’ont bien souvent pas les moyens pour investir dans cette qualité. 2. La gestion des flux 2.1. La capacité de charge Des flux de touristes trop importants, sont facteur de dérégulation car la capacité de charge des sites est dépassée. La capacité de charge, est l’instrument qui va mesurer le nombre de touristes que peut supporter un territoire. On va alors pouvoir fixer une limite à ne pas dépasser, pour ne pas dégrader l’environnement ou la vie locale. Elle va être intégrée dans une stratégie de développement touristique, pour limiter la progression du tourisme de manière volontaire 29 . L’OMT la définit de la façon suivante : « Le nombre maximum de personnes qui peuvent se rendre dans une destination touristique au même moment, sans provoquer de destruction de l’environnement physique, économique et socioculturel et une diminution inacceptable de la satisfaction des visiteurs 30 . » Comme conséquences nous du l’avons déjà étudié dans la première tourisme de masse sur les plans partie, les économique, environnemental et social peuvent être désastreuses. Un trop grand nombre de touristes sur le territoire au même moment, conduit à la saturation, et fait baisser la qualité des prestations proposées, ce qui va mener à l’insatisfaction de la clientèle. La qualité 28 TORRENTE Pierre, Gestion de projet de développement, Cours de Master 1 TD, département ISTHIA, Université de Toulouse 2, 2013. 29 IZABEL Yvette. Les méthodes d’évaluation de la capacité de charge des destinations touristiques. Travail de recherche dans le cadre du diplôme d’études spécialisées en gestion de l’environnement, 2003, p. 2. [en ligne]. Disponible sur : < http://mem-envi.ulb.ac.be/Memoires_en_pdf/MFE_02_03/MFE_Izabel_02_03.pdf > (Consulté le 03/01/2013) 30 Ibid., p. 31. 58 renferme aussi celle de l’environnement visité. Un touriste ne sera pas satisfait de découvrir un environnement dégradé, alors qu’il est venu pour cette raison en particulier. L’environnement naturel et culturel du territoire doit être préservé, car les touristes vont choisir leur destination à travers l’image qu’ils se font du pays. Pour que la qualité subsiste, il faut intervenir et limiter le développement touristique. La gestion des flux va être une réponse au problème. La capacité de charge touristique, va se positionner comme un outil d’aide à la mise en œuvre d’une politique de développement local durable. Cet outil va permettre de dessiner les contours et les limites de certaines zones, afin de créer un développement harmonieux, qui satisfera aussi bien les touristes, que les résidents de la zone 31 . 2.2. Les outils de gestion des flux touristiques Pour limiter les flux touristiques, différents outils peuvent être mis en place. 2.2.1. Les outils réglementaires - Le zonage : Il permet la délimitation entre différentes zones selon leur importance 32 . Des zones vont être strictement protégées alors que d’autres restent accessibles aux touristes. Le zonage est appliqué dans les parcs naturels par exemple : le cœur est la zone centrale, strictement protégée car très fragile. Autour, il y a la zone d’adhésion, permettant le lien entre l’intérieur et l’extérieur du parc. Cette zone permet de canaliser l’impact d’une sur-fréquentation sur le site 33 . - Limite au libre accès : très difficilement applicable, car l’accès au patrimoine public est un droit fondamental des citoyens 34 . - Limitation de certaines activités : certaines activités ne peuvent être pratiquées dans des zones données, si l’on juge que les impacts sur l’environnement sont trop forts, ou s’il existe un conflit d’usage entre plusieurs acteurs. Des activités sont donc interdites et d’autres limitées à un certain nombre de visiteurs, ou à une période de l’année. Par 31 32 Ibid., p. 35. Ibid., p.62. 33 LAFFORGUE L. Droit public, Cours de Master 1 TD, département ISTHIA, Université de Toulouse 2, 2013. 34 IZABEL Yvette. Ibid., p.63. 59 exemple, dans les parcs nationaux, les activités minières et industrielles sont interdites. De même, certains parcs nationaux par interdissent la pratique du parapente car il dérange les oiseaux 35 . - La dispersion des flux touristiques : elle permet de répartir les flux sur une zone. Même dans des zones où le tourisme est très développé, la dispersion des différentes structures touristiques, va donner l’impression que la zone est moins saturée. Ainsi, à Porec en Croatie, principale destination du pays, la capacité d’accueil est d’environ 100 000 lits sur une surface de 350km², pour huit millions de nuitées par an. Mais la péninsule a mis en place un système de dispersion des flux touristiques, grâce à différentes mesures. Les hébergements touristiques sont dispersés, un accès aux hébergements en cul de sac a été mis en place, les livraisons ont été limitées pour réduire les déplacements et on a interdis la circulation le long des côtes 36 . 2.2.2. Outils économiques La fixation d’un prix d’entrée, va parfois réussir à dissuader des touristes de se rendre quelque part. Elle ne constitue pas une solution souhaitable, mais elle peut s’avérer très efficace. De plus, des taxes peuvent être ajoutées aux prix d’entrée, pour couvrir d’éventuelles dégradations. Ces taxes peuvent parfois constituer un obstacle pour les visiteurs, car elles augmentent le prix global de l’entrée 37 . 2.2.3. Outils organisationnels - Les systèmes de réservation : l’achat et la réservation s’effectuent en avance. Ce système permet de contrôler les flux en ne dépassant pas la limite du nombre de places d’accueil total. - La gestion de l’information : les informations sur les heures de pointe ou sur l’état du trafic, constituent des éléments clé pour limiter les encombrements. Un territoire qui garde les visiteurs et les résidents bien informés en permanence, va limiter la saturation de certains sites. 35 Ibid., p. 63. Ibid., p.55. 37 Ibid., p.64. 36 60 2.3. La gestion des flux au sein du tourisme solidaire 2.3.1. La limitation du nombre de voyageurs Maintenant que nous avons étudié quels étaient les outils pour limiter le développement non contrôlé du tourisme, il est important d’étudier comment sont gérés les flux touristiques au sein des voyages solidaires. Tout d’abord, il est important de repréciser qu’actuellement, les voyages solidaires représentent seulement 1% des voyages totaux. La gestion des flux n’est donc pas un problème pour cette forme de tourisme. C’est même plutôt la situation inverse. Le tourisme solidaire doit se développer, pour pouvoir permettre aux territoires avec cette forme de tourisme, de prospérer. Pourtant, l’esprit des organismes de tourisme solidaire, limite le nombre de personnes partant. Ainsi, pour bon nombre d’entre eux, les groupes se limitent à 15 personnes à la fois. M. X, salarié d’un voyagiste de tourisme équitable et solidaire, parle d’une limite de dix personnes au sein de leur structure. Cette limite a été imposée, car plus de personnes pourrait flouer la rencontre entre les touristes et les locaux. Bien souvent, la structure envoie cinq à six personnes à la fois seulement, et il arrive même qu’elle n’envoie que deux ou trois personnes. 2.3.2. L’importance de l’échange dans le voyage solidaire Il faut rappeler que l’échange est au cœur des valeurs du tourisme solidaire. C’est l’un des critères principaux poussant les gens à s’intéresser à cette forme de tourisme alternatif. C’est un échange qui ne doit pas perturber l’équilibre du territoire, aussi bien au niveau de la gestion des ressources que de l’environnement des locaux et de leur vie quotidienne. De plus, vu leur nombre, la sensibilisation des touristes est plus facile. Le tourisme solidaire réussit à gérer ses flux de visiteurs. Mais, c’est une forme de tourisme qui n’est pas très développée pour le moment. M.X n’est pas inquiet, car pour lui, le tourisme solidaire ne représente pas un marché assez important à l’heure actuelle, pour se soucier de l’éventuelle mise en place d’un tourisme de masse. Le tourisme solidaire, a réussi à créer un tourisme, qui n’impacte pas sur la population locale. Par le petit nombre de 61 touristes qui se rendent dans ces territoires, la vie des locaux est respectée, et l’échange qui se crée est riche pour les deux parties. Mais pour qu’il le soit, il est nécessaire pour ces touristes de recevoir une préparation avant le voyage. 3. La sensibilisation des touristes 3.1. L’importance de la sensibilisation « Il n’y a pas de mauvais touristes, mais des voyageurs mal informés ». C’est sur ce principe qu’en 1996, a été écrit la Charte éthique du voyageur. A travers cette charte, il y a une réelle volonté de sensibiliser le touriste au respect des populations visitées, de leur patrimoine et de leur environnement. Toutes les structures de tourisme solidaire, doivent respecter cette charte pour pouvoir être reconnues comme telles. Il est possible d’agir sur le comportement du touriste avant même son départ. Un touriste est, en effet, un être avec ses valeurs, ses habitudes et ses attentes. Il se fait forcément une image de la destination qu’il s’apprête à découvrir, et du peuple qu’il va rencontrer. Bien souvent, comme on l’a vu en première partie du mémoire, les touristes viennent sur un territoire sans s’être préparé réellement à ce qu’ils allaient vivre, aussi bien au niveau des valeurs du territoire, qu’au niveau du choc culturel. Il est donc très important pour le prestataire touristique, d’assurer la bonne préparation des touristes à leurs voyages. Ils doivent connaître les valeurs et les règles du peuple qu’ils vont rencontrer, afin de ne pas les heurter ou leur manquer de respect involontairement. Bien souvent, les personnes s’apprêtant à partir, n’ont pas conscience que certains de leurs comportements pourraient choquer les locaux, population déjà fragile. De même, des comportements très généraux sur le respect de l’environnement visité sont abordés. Ainsi, les organismes de tourisme solidaire se doivent de proposer aux touristes, une préparation et une sensibilisation préalable au départ. L’ATES en fait même l’un de ces critères dans sa grille d’évaluation des organismes de tourisme solidaire. « Une éducation touristique s’impose par conséquent aujourd’hui à tous les partants » (SCHEOU, 2009, p. 288). Pourtant, cette préparation au voyage, est très souvent laissée de côté par les opérateurs touristiques. 62 3.2. Au Une sensibilisation qui manque de moyens sein des organismes de tourisme solidaire, on peut malheureusement constater, que la préparation au voyage se résume bien souvent au strict minimum. Les supports sont les sites internet des structures ou leurs brochures. Ainsi M.X, durant l’entretien, se contente de répondre non à la question « Est-ce qu’il y a une formation avant le départ pour préparer les gens au voyage ? ». Il explique que toute la sensibilisation à l’attention des touristes, se trouve sur le site internet, et qu’il n’existe pas de sensibilisation spécifique selon les pays visités. De même, Mademoiselle X, partie avec un voyagiste différent de celui de Monsieur X, nous informe qu’elle a simplement reçu une brochure avant son départ. Dans cette brochure, il est expliqué ce qu’est le tourisme solidaire et ses valeurs, mais aussi les choses à ne pas faire de manière générale : ne pas dégrader l’environnement par exemple. Avant son départ, elle a également reçu une feuille de sensibilisation propre au pays qu’elle allait visiter. Il y était indiqué les choses à faire ou ne pas faire, pour ne pas aller à l’encontre des valeurs et traditions du pays. Entre autre, mettre des vêtements couvrant tout le corps car le pays était de religion musulmane. Pour Mademoiselle X, cette brochure est utile, et distingue les organismes de tourisme solidaire, des prestataires touristiques classiques. Monsieur Y, président d’une association de tourisme équitable et solidaire, explique ceci par le manque de moyen des organismes de tourisme solidaire. Pour avoir une formation, il faut trouver le temps et les moyens financiers, et ils ne l’ont pas. La sensibilisation des touristes, même si elle n’est pas toujours aussi développée qu’il le faudrait, est très importante pour le territoire d’accueil. Ainsi, l’échange entre touristes et locaux s’effectue dans de bonnes conditions. Cette sensibilisation permet au tourisme d’être facteur de développement pour le territoire, car le tourisme est effectué dans des conditions de respect mutuel. 63 4. Le voyage du touriste 4.1. Des investissements lourds pour l’aménagement Pour accueillir les touristes au sein d’un territoire, des aménagements sont indispensables. Cependant, il est très difficile pour les pays dits du Sud de répondre aux investissements exigences lourds. Les des touristes, infrastructures car de elles base demandent comme l’eau des et l’électricité, les transports ou encore celles s’occupant du tri des déchets ou des eaux usées représentent de gros investissements, mais sont pourtant des éléments capitaux pour répondre au confort dont les touristes ont besoin. Pourtant, le tourisme peut, s’il est bien organisé, joué un rôle de catalyseur des stratégies de développement économique et social. L’objectif du développement touristique dans ces pays en développement, est la mise à niveau des infrastructures de base, pour qu’elles puissent aussi bien profiter aux touristes qu’à la population locale (AMALOU, 2001, p. 137). Ces investissements sont très lourds pour l’Etat, mais ce sont pourtant simplement des infrastructures de base, et elles sont donc indispensables pour être compétitifs vis-à-vis des pays industrialisés (AMALOU, 2001, p. 144). De plus, elles vont augmenter le niveau de vie des locaux. 4.2. Les choix des touristes : éléments déclencheurs du développement Fig 4. La contribution des branches non touristiques au voyage d’un touriste Source : Alain Laurent, 2003. 64 On peut voir que le circuit d’un touriste (Figure 4) est très complexe, et peut générer beaucoup de bénéfices dans des secteurs très variés. Il est donc important, de mettre en place une stratégie permettant que la majorité des dépenses des touristes, contribuent au développement du territoire. Ainsi, on constate que dès le départ, le choix du touriste est déterminant pour le territoire qu’il va visiter. Il a le choix entre plusieurs prestataires touristiques et s’il décide de partir dans le cadre d’un voyage responsable ou solidaire, son voyage n’aura bien sûr pas le même impact. Un touriste qui choisit un voyage de tourisme solidaire, va accepter dans un premier lieu, qu’une partie du prix de son voyage, soit reversé à un territoire en voie de développement pour un projet collectif. Les organismes de tourisme solidaire reconnus par l’ATES, montrent en toute transparence la façon dont sont répartis les prix des voyages (Figure 5). Fig 5. Répartition financière du coût du voyage solidaire Source : Site internet Association La Route des Sens, Voyages équitables et solidaire La plus grande partie du prix du voyage, est consacrée au coût du titre de transport. Le prestataire ne peut en aucun cas agir sur ce coût. Mais ce qui est le plus intéressant, c’est la part qui revient directement aux locaux. Ainsi, on voit que 16% du prix du voyage revient directement aux locaux à travers les salaires, et 18% revient aux infrastructures d’accueil dirigées par les locaux. De plus, 6% du prix de chaque voyage est reversé pour un projet collectif. Ces projets peuvent être très divers : construction d’écoles, de puits, ou encore équipements pour le village. Cette répartition, bien différente de 65 celles effectuées dans le cadre de tours opérateurs classiques, va changer de manière significative le niveau de vie des locaux. Ainsi, dans le reportage « Un jour ça ira » (2004), réalisé par l’association de tourisme équitable et solidaire Croq’Nature, un chamelier nigérien explique que le tourisme a effectivement relevé le niveau de vie. Il dit que les salaires ont été augmentés, et que dorénavant, il gagne en une semaine ce qu’il gagnait avant en un mois. Même si les salaires, ne constituent qu’une petite partie du développement, on constate au moins que le tourisme peut améliorer les conditions de vie de certaines populations. Mais ce chamelier, explique bel et bien que le tourisme reste une activité secondaire, en plus de son activité traditionnelle. Jean-Luc Gantheil, président de Croq’Nature explique quant à lui, que l’association est dans une « dynamique d’équité économique ». Les bénéfices ne sont pas la priorité, car l’important est « que tous les gens s’y retrouvent au niveau de l’argent et au niveau du bien être dans les conditions de travail ». Et même s’il est vrai que le développement économique est capital, il n’est pas suffisant pour avoir un développement local sain. Conclusion Chapitre 2 Le tourisme peut être facteur de développement pour un territoire, mais il doit être planifié et pensé sur le long terme. La gestion des touristes, est l’un des éléments permettant que le tourisme soit facteur de développement. Ainsi, la qualité doit être privilégiée et les flux de touristes limités. On a vu que d’une manière générale, aussi bien qu’au sein du tourisme solidaire, les touristes jouaient un grand rôle dans le développement des territoires. Mais leur gestion doit être maitrisée et une stratégie doit être mise en place pour que les recettes du tourisme bénéficient aux locaux. La sensibilisation tient aussi une place importante, car elle va permettre aux touristes de comprendre l’importance de leur comportement au sein d’un territoire. De cette manière, une relation plus saine va s’établir entre touristes et locaux. 66 Chapitre 3 – Le tourisme solidaire : inscrit dans la continuité de la deuxième phase touristique Dans ce chapitre, nous définirons les deux cycles touristiques existants. Nous verrons que le tourisme de masse est un modèle en déclin car son offre ne correspond plus aux attentes des clients. Nous analyserons les cycles touristiques et essaierons de nous positionner par rapport à la situation actuelle. Enfin, nous verrons si le tourisme de masse peut devenir plus durable, et s’il est possible de faire cohabiter l’élite et la masse. 1. Les deux phases touristiques 1.1. Les différents cycles du tourisme Au cours de l’évolution de l’histoire du tourisme (voir Partie I, Chapitre 1), on a pu mettre en évidence l’existence de trois cycles différents : - Le premier cycle : le tourisme est une activité élitiste, qui a commencé avec les Grand Tours des aristocrates anglais à la fin du XVIIIème siècle ; - le deuxième cycle : l’émergence d’un tourisme de masse qui rend les vacances accessibles à tous (1936-1970) ; - le troisième cycle : la prise de conscience des pouvoir publics et des acteurs touristiques, sur les impacts négatifs du tourisme de masse à partir de 1970. Cette prise de conscience, a conduis à la création de nouvelles formes de tourisme plus respectueuses de l’environnement et des peuples. 1.2. Les phases touristiques Malgré cette prise de conscience, le tourisme de masse est toujours la forme de tourisme la plus développée à l’heure actuelle. Il existe deux phases touristiques différentes. Tout d’abord, la phase touristique où le tourisme était réservé à une élite, qui s’est déroulée pendant le premier cycle. Puis, la deuxième phase touristique, qui a accueilli le tourisme de masse durant le deuxième et troisième cycle. 2. Le tourisme de masse : un modèle en déclin 67 Les nouvelles formes de tourisme alternatif se sont multipliées ces dernières années, en même temps que les modes de consommation des sociétés changeaient. Aujourd’hui, même si le tourisme de masse est toujours prédominant, c’est un modèle en déclin (LUCIA, 2007, p. 51). En effet, il ne correspond plus à la demande des touristes. Ils sont plus exigeants, et privilégient la qualité. Ils veulent être dépaysés, mais aussi avoir un échange interculturel fort durant leur séjour. Ils ne veulent plus être spectateurs passifs, mais acteurs responsables et solidaires. Ils ont envie d’authenticité et d’harmonie avec la nature. On parle de « tourisme d’étonnement et d’émotion ». (LUCIA, 2007, p. 58). La logique sur laquelle reposait le tourisme de masse ne plait plus. Les cadences et l’organisation très stricte de ces voyages, n’a plus rien à voir avec les envies nouvelles des touristes. 3. La continuation de la deuxième phase touristique 3.1. Le tourisme alternatif : un tourisme accessible à certaines catégories de population Cependant, comme nous l’avons vu précédemment, les personnes pratiquant des formes de tourisme alternatif, ont des caractéristiques bien particulières. Ils sont souvent issus des catégories socioprofessionnelles supérieures et ont donc un bon niveau de vie. Ils ont effectué des études supérieures, et ont l’habitude de voyager. De plus, la majorité d’entre eux a une sensibilité associative. Ce tourisme n’est pas accessible à toutes les catégories de populations, intellectuellement et financièrement parlant. Ces touristes forment donc une élite particulière, se distinguant des autres touristes. Pourtant, les demandes des touristes changent comme on pu l’évoquer précédemment. 3.2. L’élite attire la masse Dans l’évolution du schéma traditionnel touristique, on a toujours vu qu’une élite se rendait d’abord dans une destination, et était suivie, quelque temps après, de la masse. En France, le même schéma s’est produit avec l’hivernage. En choisissant une destination touristique, l’élite va inciter la masse à la suivre involontairement. Généralement, quand la masse arrive, l’élite s’en va. Mais, la différence séparant le modèle de développement 68 classique d’une destination touristique, au modèle actuel, c’est l’émergence des nouvelles formes de tourisme alternatif. Ce tourisme adopte une approche systémique, il est pensé sur le long terme et prend en compte les réalités territoriales. Chaque modèle de développement touristique est unique, car chaque territoire a ses propres caractéristiques et spécificités. Mais puisque ces formes de tourisme offrent un modèle de développement différent, prenant en compte l’environnement et les populations de ces territoires, sommes nous toujours dans la deuxième phase touristique, où le schéma traditionnel va se répéter, ou entrons nous dans une nouvelle phase ? Cela supposerait soit que la masse va arriver dans ces territoires fragiles dans quelques années (2ème phase), soit que ce tourisme plus responsable, est réservé exclusivement à l’élite (3ème phase) 38 . Cette question est capitale pour l’avenir de ces territoires. Si le territoire suit le schéma classique de développement, alors il doit se préparer à accueillir la masse de toute urgence. Au contraire, si nous avons débuté une troisième phase, alors ce tourisme restera uniquement accessible à une élite, et beaucoup de territoires ne pourront prospérer comme ils l’avaient entrepris. 4. Le tourisme de masse à la recherche de plus de durabilité 4.1. Le tourisme de masse doit intégrer des éléments durables dans ses prestations Nous l’avons vu, les attentes générales des touristes ont évolué. La recherche d’authenticité et de dépaysement concerne tout aussi bien le tourisme responsable que le tourisme de masse. Il doit y avoir une prise de conscience de la part des acteurs engagés dans cette activité (SCHEOU, 2009, p. 107). Christian Orofino, président du Tourconseil et de la Commission de Tourisme responsable du Syndicat National des Agences de Voyage (SNAV), parle d’un « secteur en panne », car ne proposant pas les bons produits aux clients 39 . Selon lui, les gens ont pris conscience des effets néfastes du tourisme, et veulent être plus responsables dans leurs actes d’achats. Pour 38 TORRENTE Pierre, Gestion de projet de développement, Cours de Master 1 TD, département ISTHIA, Université de Toulouse 2, 2013. 39 Tourmag. Le tourisme durable : une alternative à la panne de croissance de notre activité [en ligne]. Disponible sur : < http://www.tourmag.com/Le-tourisme-durable-une-alternative-a-la-panne-decroissance-de-notre-activite_a51376.html> (Consulté le 02/03/2013). 69 Monsieur Orofino, les opérateurs touristiques doivent proposer des produits incluant ces nouveaux paramètres, et pour cela des alliances avec les « acteurs de la niche durable » doivent être passées. Ainsi, les prestataires classiques pourront comprendre leurs « mécanismes de production, de distribution et de communication », et les adapter à leurs offres. Pourtant, pour lui, les nouveaux produits proposés, seront « exactement les mêmes produits, circuits, séjours, croisières, qui sont packagés avec plus d'attention afin de respecter les hommes et les environnements des pays visités par nos clients » 40 . Leur objectif est que « le tourisme de masse reste de masse », tout en devenant plus responsable. 4.2. La compatibilité entre tourisme de masse et tourisme durable On voit donc la volonté des opérateurs classiques, d’intégrer des critères de durabilité à leur offre, pour répondre aux exigences des clientèles et regagner des parts de marché. Mais le tourisme durable peut-il être un tourisme de masse ? Les prestataires classiques, agissent uniquement dans une optique de rentabilité. Nous avons étudié l’importance de la qualité, dans les formes de tourisme responsable. Mais la qualité suppose des prix plus chers, et donc une accessibilité limitée à certaines catégories de population. De même, le tourisme est facteur de développement, seulement si l’on régule les flux touristiques. Des flux touristiques incontrôlables supposent une dérégulation de l’activité, et l’apparition de dérives. Le tourisme ne peut être facteur de développement, et être accessible à tous 41 . Mais, il ne faut en aucun cas opposer tourisme durable, au tourisme de masse. Il est possible de rendre le tourisme de masse plus durable, mais en repensant le modèle. L’évidence se dessine au fur et à mesure, nous sommes actuellement toujours dans la second phase touristique. Le tourisme de masse va donc s’instaurer dans ces pays fragiles. En pensant à la maitrise de ce tourisme dès à présent, il est possible de réduire ses impacts. Le tourisme, pour être facteur de développement, doit avant tout, mettre le territoire et sa population au cœur du processus. 40 Tourmag. Tourisme responsable : « nous proposons les mêmes produits depuis un demi siècle… ». [en ligne]. Disponible sur : < http://www.tourmag.com/Tourisme-Responsable-Nous-proposons-les-memesproduits-depuis-un-demi-siecle_a44768.html> (Consulté le 02/03/2013). 41 TORRENTE Pierre, Gestion de projet de développement, Cours de Master 1 TD, département ISTHIA, Université de Toulouse 2, 2013. 70 5. Des circuits différents pour chaque clientèle Une élite est déjà présente dans ces territoires, et on sait que bien souvent, l’élite s’en va quand la masse arrive. L’enjeu important pour ces territoires, c’est de conserver cette élite. Pour cela, les formes de tourisme alternatif comme le tourisme solidaire qui, comme on l’a vu, est réservé à certaines catégories de population ayant des caractéristiques communes, pourrait être réservé à l’élite. D’un autre côté, on pourrait proposer un tourisme plus durable pour les nouveaux touristes arrivant en plus grand nombre. Pour cela, il faut réussir à faire cohabiter les deux, ensemble. De la même façon, la population locale doit avoir elle-même accès au tourisme. Un équilibre doit être conservé entre touristes nationaux et internationaux. Pour cela, une des solutions serait de développer différentes zones au sein du territoire, pour différentes clientèles. Ainsi, on aurait des circuits réservés à l’élite, d’autres aux touristes en général, et enfin d’autres pour la population locale. En mettant en place un circuit pour les touristes et un autre pour les locaux, les deux circuits vont être autonomes et complémentaires à la fois (TORRENTE, 2009, p.47). Ainsi, le territoire sera moins dépendant des touristes internationaux mais aussi de la saisonnalité. Même en basse saison, des touristes continueront à venir, et si la saison touristique a été mauvaise, des flux économiques entrants sont quand même présents. 71 Conclusion chapitre 3 Actuellement, nous sommes dans la suite logique de la deuxième phase touristique. Ainsi, les opérateurs touristiques classiques se préparent à intégrer au sein de leurs offres, des éléments plus durables afin de satisfaire les nouvelles exigences des clientèles. Pour que le tourisme continue à être facteur de développement au sein de ces territoires, il est capital de préparer ces territoires fragiles. Différents circuits doivent être mis en place selon la clientèle. Ainsi, les formes de tourisme alternatif qui supposent des profils bien particuliers seront privilégiées par l’élite. Le tourisme de masse quant à lui sera contrôlé par différents outils, et par un circuit particulier répondant aux attentes de la clientèle. De la même façon, un équilibre entre touristes internationaux et nationaux sera assuré, pour que les locaux soient mis au cœur du processus, mais également pour assurer l’indépendance du territoire. 72 Conclusion Partie II Après l’étude des différentes hypothèses, nous pouvons dire qu’il existe un marché pour le tourisme solidaire. Une communauté d’adeptes s’est formée, et reste fidèle à la pratique de ce tourisme. Cependant, le marché reste très faible à l’heure actuelle, et nécessite une évolution pour que la réalisation des projets débutés soit terminée. Le tourisme solidaire n’est pas accessible à tous les types de populations, vu les caractéristiques communes des personnes pratiquant ce tourisme. De plus, nous avons étudié plusieurs outils permettant que le tourisme, devienne facteur de développement pour le territoire. Ainsi, un territoire doit savoir contrôler les flux touristiques pour pouvoir se développer de manière positive. De même, la sensibilisation des touristes avant le départ, et leurs choix au long de leur séjour, vont avoir une importance capitale. Le tourisme solidaire répond à ces caractéristiques et ceci explique qu’il soit facteur de développement pour le territoire. Enfin, nous avons estimé nous trouver au sein de la deuxième phase touristique. Malgré l’émergence de nouvelles formes de tourisme, le schéma connu précédemment se répète. Ainsi, l’élite attire la masse, et les pays en voie de développement doivent façonner une stratégie pour y faire face. Le développement d’un tourisme de masse plus durable en général, et du tourisme national, vont pouvoir rééquilibrer le territoire. 73 Partie III – Le tourisme interne : appui au développement du tourisme solidaire 74 Introduction Partie III A travers cette étude de cas, nous allons tenter de vérifier les hypothèses traitées précédemment. Ainsi, la deuxième partie de l’étude, nous a permis de déterminer l’existence d’une clientèle de tourisme solidaire, mais aussi de stratégies et d’instruments permettant de contrôler le touriste, pour qu’il soit facteur de développement. Enfin, nous avons déterminé que le tourisme solidaire s’inscrivait dans la continuité de la deuxième phase touristique. Pour vérifier ces hypothèses, nous allons étudier le développement du tourisme interne, au sein d’une structure de tourisme solidaire. Le territoire choisi est le Cameroun, et plus précisément le pays Bamiléké dans l’Ouest Camerounais. Nous allons étudier l’association RECOSAF, qui a pour vocation, le développement des zones rurales camerounaises. L’association, a passé un accord avec cinq villages de la région, afin de permettre la mise en place d’une activité touristique, facteur de développement local. A travers cette troisième et dernière partie, nous allons définir ce qu’est le tourisme interne et ses objectifs, mais aussi le lien qu’il a avec le tourisme solidaire. Puis, nous tenterons de mettre en place une méthodologie répondant à la mise en place du tourisme interne, dans la structure de tourisme solidaire choisie. 75 Chapitre 1- Présentation du territoire et de la structure étudiés Dans ce premier chapitre, nous allons présenter le territoire d’étude sélectionné. Nous étudierons d’abord la situation géopolitique et touristique du Cameroun. Puis, plus précisément, la situation sociodémographique de la province de l’Ouest, territoire choisi pour l’étude. Enfin, nous présenterons la structure de tourisme solidaire présente au sein de ce territoire. 1. Présentation du Cameroun 1.1. Situation géopolitique Le Cameroun devint une colonie allemande en 1884. Cependant, après la seconde Guerre Mondiale, la colonie allemande fut redistribuée entre la France (4/5 du territoire), et le Royaume-Uni. Ce n’est que le 1er janvier 1960, après des années de violentes confrontations avec le peuple français, que le pays devient indépendant. La colonie britannique, quant à elle, se sépare en deux. Le Nord, essentiellement musulman, rejoint le Nigéria, et le Sud, l’ancienne colonie française, rejoint la République fédérale du Cameroun. L’accession à l’indépendance a été particulièrement violente à l’Ouest du Cameroun. On parle de véritables massacres du peuple Bamiléké, dans l’Ouest camerounais. Un parti politique unique se met en place à partir des années 1966, dirigé par Amhadou Ahidjo. Il règnera en maître jusqu’en 1982, où il démissionnera pour des raisons de santé. Il sera alors remplacé par son premier ministre Paul Biya, qui est actuellement toujours à la tête du pays. Le pays a connu beaucoup de crises économiques et sociales, dont la dernière en 2008. De nombreuses émeutes se sont déroulées dans tout le pays, pour manifester contre la hausse du coût de la vie, mais aussi contre la corruption. En effet, le président Paul Biya, au pouvoir depuis 1982, a fais modifier la Constitution camerounaise, pour élargir le nombre de mandats présidentiels autorisés, et se représenter aux élections présidentielles de 76 2011. Il a ainsi été réélu à la tête du pays. Ces émeutes ont fais des dizaines de morts à travers le Cameroun 42 . Aujourd’hui, le Cameroun a retrouvé une certaine stabilité au niveau politique. De plus, il dispose de nombreux atouts économiques dus à ses ressources naturelles, notamment en pétrole et gaz naturel, mais aussi en coton, café et cacao. La situation géographique du Cameroun est aussi un avantage car elle facilite les exportations 43 . Pourtant, le pays connaît encore de nombreuses difficultés au niveau de son développement. Son Indicateur de Développement Humain était seulement de 0,495 en 2012, et l’espérance de vie avoisine les 50 ans 44 . Les divergences de développement entre les villes et les campagnes sont très importantes, notamment en termes d’éducation. 1.2. Situation touristique Le tourisme n’est pas très développé au Cameroun. En 2010, le pays a franchi la barre des 572.000 touristes, devenant enfin une destination touristique selon les critères de l’OMT. La France reste le premier pays émetteur avec 250.000 touristes. Lors de la conférence de presse du Ministre d’Etat du tourisme et des loisirs camerounais, Malgari Bello-Bouba, à l’International French Tourism Market (IFTM) Top Résa 2012, un appel aux investisseurs étrangers a été réalisé. Le Ministre a dis : «Nous ne pourrons pas tout réaliser par nous-mêmes […] Les investisseurs étrangers seront les bienvenus » 45 . Le tourisme, n’était pas une priorité pour le pays, mais depuis quelques années, il prend plus d’ampleur. Ainsi, en 2012, un Conseil national de tourisme a été crée. De plus, deux nouveaux bureaux d’information touristiques viennent de voir le jour aux Etats-Unis et en Chine, en plus de 42 Le Figaro. Paul Biya fait face à des émeutes au Cameroun. [En ligne]. Disponible sur : < http://www.lefigaro.fr/international/2008 /02/28/01003-20080228ARTFIG00023-paul-biya-fait-facea-desemeutes-au-cameroun-.php> (Consulté le 10/03/2013). 43 Le RECOSAF. La région. [En ligne]. Disponible sur : < http://recosaf.com/accueil-chez-lhabitant/laregion/>. (Consulté le 08/03/2013). 44 PNUD. Indicateurs internationaux de développement humain. [En ligne]. Disponible sur : < http://hdrstats.undp.org/fr/pays/profils /CMR.html >. (Consulté le 10/03/2013). 45 Tourmag. Le Cameroun aimerait voir décoller son tourisme. [En ligne]. Disponible sur : < http://www.tourmag.com/Le-Cameroun-aimerait-voir-decoller-son-tourisme_a54121.html>. (Consulté le 08/03/2013). 77 celui déjà présent à Paris. Le slogan utilisé pour mettre le pays en valeur est « Toute l’Afrique dans un seul pays ». Mais le pays bénéficie d’une image négative actuellement, due à l’enlèvement de sept français au mois de février. Le nord du pays est déconseillé depuis, et a freiné le nombre d’arrivées touristiques. Malgré la situation, le ministre vise les trois millions de visiteurs d’ici 2015. 1.3. Situation sociodémographique Le Cameroun compte dix régions, divisées en 58 départements et est composée de plus de 250 ethnies différentes. Chaque ethnie a son propre dialecte, ses traditions et coutumes. La province de l’Ouest, territoire choisi pour l’étude, a une superficie de 13.892km² soit environ 3% de la superficie du Cameroun, et rassemble 12,7% de la population. Elle compte huit départements, 33 arrondissements et son Chef-lieu est Bafoussam (Annexe B). La société Bamiléké s’organise en chefferies. Chaque chefferie est composée de plusieurs terres où vivent différentes familles, avec leur chef. De nos jours, le chef a toujours une autorité religieuse et spirituelle importante. Ils sont chargés de veiller au bon déroulement de la vie quotidienne, dans le respect des coutumes et valeurs du village. La plupart des habitants sont des agriculteurs, commerçants, artistes ou artisans. La région, est d’ailleurs l’un des principaux foyers de l’artisanat camerounais. 2. Présentation de l’association RECOSAF Le RECOSAF (Réseau des Compétences Sans Frontières) est une association camerounaise créée en 1994, et basée à Bafoussam. Elle a pour objectif de développer les zones rurales, par la mise en place d’un tourisme responsable, facteur de développement local pour le territoire et les 78 populations. Sa vision est celle d’un « développement équitable, global, participatif et durable » 46 . Au départ, le développement de la région, était principalement basé sur l’agriculture. Mais l’Etat a arrêté de subventionner l’activité, et elle n’a plus suffi pour subvenir aux besoins de la population. Alors en 2000, le développement local a été réorienté vers la mise en place d’une activité touristique, vu le potentiel du territoire. Les membres de RECOSAF ont lancé une grande « campagne de sensibilisation », pour expliquer aux chefs leur projet, et les opportunités qu’il représentait pour le territoire. L’activité touristique a réellement débuté en 2003, avec la rencontre de partenaires au Forum International du Tourisme Solidaire (FITS). Pour répondre à ses objectifs, le RECOSAF met en place des séjours solidaires dans cinq villages de l’Ouest camerounais : Baham, Babadjou, Bandjoum, Didango et Bapi prochainement. Dans chacun de ces villages, on a sélectionné des familles pour accueillir les touristes. Les bénéfices générés par l’activité touristique, sont destinés à l’ensemble de la communauté, pour la réalisation de micro projets profitant à tous. Ils sont mis en place avec l’ensemble de la population, dans des domaines tels que la santé, l’éducation, la mise en place d’infrastructures ou la formation. Le dernier projet en date, est la construction d’un éco-gîte dans le village de Bapi. Il n’a pour le moment, pas d’accès à l’eau, ni à l’électricité. Le but est de désenclaver ce territoire, qui compte quand même 6500 habitants. Le but est d’utiliser des énergies propres, et de mettre en place des plantations biologiques tout autour du gîte. Ces plantations serviront en partie à l’auto suffisance du gîte. De même, depuis 2006, RECOSAF aide au développement du commerce équitable en soutenant les petits producteurs de la région. Il cherche à augmenter le nombre de villages partenaires afin de créer une union de village d’accueil. 46 Le RECOSAF. La région. [En ligne]. Disponible sur : < http://recosaf.com/accueil-chez-lhabitant/laregion/>. (Consulté le 08/03/2013). 79 Conclusion Chapitre 1 Le Cameroun a aujourd’hui une situation géopolitique stable, mais il connaît encore de nombreuses difficultés dues, entre autres, aux différences de niveaux de vie entre la ville et la campagne. L’indice de développement humain du pays reste encore très faible. L’association RECOSAF, a souhaité faire de la province de l’Ouest, un territoire dont le levier de développement reposerait sur le tourisme, afin de compléter les revenus de l’activité agricole, mais aussi pour valoriser les richesses de la région. Actuellement impliqué dans la mise en réseau de cinq villages solidaires, l’association souhaite développer l’activité touristique afin de développer le territoire, et de concrétiser les projets mis en route. 80 Chapitre 2- Tourisme interne et tourisme solidaire : des objectifs communs Dans ce chapitre, nous allons définir le tourisme interne, et étudier en quoi il peut être facteur de développement. Nous verrons ensuite les limites à sa mise en œuvre. Enfin, nous verrons ce qui lie tourisme solidaire et tourisme interne. 1. Le tourisme international interne : voie complémentaire au tourisme 1.1. Un tourisme basé sur l’international L’OMT définit le tourisme interne comme le « tourisme des visiteurs résidant dans les limites du territoire économique du pays de référence » (OMT, 2007, p. 9). Mais pourquoi avoir choisi le tourisme interne pour illustrer l’étude ? Nous devons remettre les choses dans leur contexte. Le touriste est l’acteur principal de cette étude, et nous avons étudié, l’importance qu’il avait dans le déroulement de l’activité touristique d’un territoire. La manière dont il est géré et dont il agit, va avoir une influence sur le territoire, et détermine si le tourisme est facteur de développement ou non. En général, le tourisme des pays en voie de développement, dépend en majorité des flux touristiques internationaux. Le tourisme solidaire, bien que penser différemment, dépend également de cette logique. Mais le tourisme international reste une activité fragile, car il est soumis à des éléments exogènes extrêmement importants. Ces éléments, sont immaitrisables et imprévisibles (climat, situation géopolitique…). Ils vont changer l’image du pays, et freiner les arrivées touristiques, ce qui va constituer des pertes énormes pour les pays qui ont choisi le tourisme comme levier de développement. Le tourisme dans les pays en développement, est donc dépendant des touristes internationaux. 1.2. Un territoire plus autonome 81 voie de Pour rééquilibrer les choses, le tourisme interne apparaît comme la solution. Bien souvent, les pays en voie de développement, ont axé leur activité touristique uniquement sur la clientèle internationale, car elle a un fort pouvoir d’achat, et donc de forte répercussions sur l’économie nationale (OMT, 2007, p.4). Le tourisme interne, même s’il représente des flux économiques moins importants, peut constituer un apport considérable pour l’économie nationale du pays. Il peut devenir une voie complémentaire à celle du tourisme international. En développant ces deux formes de tourisme, on va exploiter complètement la richesse du potentiel touristique du territoire. On va non seulement augmenter le bien être de la population locale, mais aussi diminuer la dépendance du tourisme national aux marchés extérieurs étrangers (OMT, 2007, p. 5). Même si le tourisme interne génère moins de bénéfices, il va permettre d’assurer un marché constant toute l’année, et donc de baisser la saisonnalité attachée au tourisme international. 2. Le tourisme interne : soutien au tourisme solidaire Le tourisme interne va soutenir le tourisme solidaire. La clientèle nationale, pourrait devenir celle des structures solidaires, en complément de la clientèle internationale. Le tourisme solidaire, combiné au tourisme national, pourrait impliquer les communautés locales et l’association des touristes nationaux au développement de ces communautés. Ainsi, ce sont des peuples d’un même territoire qui vont s’aider mutuellement (OMT, 2007, p. 7). Il faut savoir, que 38% des organismes de tourisme solidaire, ne sont ouverts qu’entre six et douze mois de l’année, et 35,7%, moins de six mois dans l’année (OMT, 2007, p. 28). Ces structures sont donc touchées par la saisonnalité. Des flux de tourisme nationaux étalés sur l’année entière, constituerait des flux économiques plus réguliers. De même, il pourrait rendre les emplois touristiques plus stables, voire même en créer de nouveaux. 3. Les freins à la mise en place du tourisme interne 3.1. Le tourisme : une pratique culturelle ? La mise en place du tourisme interne doit faire face à des obstacles. En Afrique, les voyages et loisirs ne constituent pas une pratique culturelle, comme ils le sont en France. En effet, la population n’a pas été sensibilisée au 82 tourisme et ses apports. Le tourisme ne fait pas partie des activités socioculturelles des africains. Pour eux, réserver une partie de leur budget à des fins touristiques n’est pas une habitude. Ils n’ont jamais été éduqués à cela, et les voyages sont pour eux, majoritairement basés sur des liens de solidarité et des relations sociales (OMT, 2007, p. 1). Les hébergements non marchands sont privilégiés, le tourisme familial étant le plus étendu. En éduquant les populations au tourisme, ils pourraient alors constituer une clientèle pour leur propre territoire. Les voyages d’agrément existent en Afrique, mais sont pratiqués seulement par une minorité. Les motifs de voyages des populations africaines sont principalement la visite à de la famille ou des amis (93%), des évènements festifs ou religieux (92%), des évènements sportifs (68%), des voyages scolaires (68%), et la découverte d’une région (33%) (OMT, 2007, p. 14). Les jeunes sont la population visée pour le développement de cette forme de tourisme. En les éduquant très tôt, ils pourraient constituer la clientèle nationale de demain, sur le long terme. Ils doivent bien sûr être éduqués à un tourisme responsable, où le comportement du touriste est essentiel. Il s’agira de la même sensibilisation faite auprès des voyageurs solidaires avant leur départ. En développant le tourisme interne, le tourisme pourrait devenir un secteur fort dans les pays en voie de développement, sans pour autant qu’ils soient dépendants des pays extérieurs. De plus, par l’éducation au tourisme, l’activité pourrait se démocratiser (OMT, 2007, p. 1). 3.2. Des attentes différentes en matière d’activités Un autre élément à prendre en compte dans la mise en place du tourisme interne, est la différence des attentes en matière d’activités récréatives, entre touristes internationaux et nationaux. En effet, ce qui est attractif pour un touriste international, ne l’est peut être pas pour un touriste national. Des activités et stratégies différentes doivent être adoptées selon la clientèle visée. 3.3. Des moyens financiers insuffisants 83 Le manque d’infrastructures de loisirs, adaptées au niveau économique des africains, constitue également une limite importante dans la mise en place du tourisme interne (OMT, 2007, p. 5). C’est pourquoi, l’Organisation Internationale de Tourisme Social a mis en place une section Afrique en 2004. Elle a pour but de développer le tourisme social et le tourisme solidaire dans les pays africains. En Afrique, la majorité des pays accordent un minimum légal de 30 jours de congés payés par an. Pourtant, 83% des pays disent ne pas avoir de législation spécifique concernant le droit au tourisme pour tous (OMT, 2007, p.15). En développant le tourisme social, le tourisme deviendra accessible à une plus grande partie de la population africaine, et le tourisme interne se développera alors plus facilement. Certains pays africains, ont déjà mis en place des actions et projets, pour développer le tourisme social. Ainsi, on peut citer la tarification spécifique s’appliquant aux touristes nationaux pour l’accès à des sites nationaux, mais aussi la mise en place de structures d’accueil et d’hébergements adaptés à leur pouvoir d’achat. De même, des auberges de jeunesse ont été mises en place, et des politiques permettant l’accès aux classes les plus défavorisées, au tourisme sont en cours (OMT, 2007, p. 15). 4. Des objectifs en commun Les principes du tourisme solidaire, vont pouvoir être réalisés avec le tourisme interne. En 2005, une enquête a été menée par l’OMT, auprès des administrations nationales du tourisme de 51 pays africains. Les questionnaires envoyés, traités du développement du tourisme interne et solidaire (OMT, 2007, p. 11-29). Les pays interrogés ont mis en relief leur volonté de développer ces deux formes de tourisme. Les objectifs évoqués sont bien souvent similaires, ce qui reflète le caractère complémentaire de ces deux formes de tourisme. Les objectifs du tourisme solidaire cités, sont d’abord l’accès à une plus grande autonomie des populations locales. Le tourisme interne va y contribuer en développant des flux touristiques nationaux, permettant des revenus indépendants des flux internationaux. La création d’emploi est un autre objectif du tourisme solidaire, et le tourisme interne, en développant une activité touristique étalée sur l’année entière, va 84 permettre la création d’emplois, et donc l’amélioration des conditions de vie des populations locales. De même, le tourisme solidaire a pour objectif de contribuer à la paix, à l’ouverture et au dialogue. Le tourisme interne a la même vocation, et rend l’échange encore plus profond. Ainsi, il y a un échange entre locaux et touristes internationaux, mais aussi un échange entre touristes nationaux, touristes internationaux et locaux. La richesse de l’échange et la mixité culturelle est donc bien plus riche. L’éducation au tourisme est un autre objectif commun. L’importance du tourisme ne va pas être la même selon le point de vue choisi. Pour les locaux, le tourisme va contribuer au développement de leur territoire, et à l’amélioration de leurs conditions de vie. Alors que pour les touristes nationaux, le tourisme est source de bien être, et permet le développement personnel de l’individu. Dans les deux cas, le tourisme est facteur de développement. Enfin, il y a la volonté de donner une image positive du pays. Le tourisme interne va permettre aux nationaux, de redécouvrir leur pays et de changer l’image qu’ils en ont. Mais il va aussi permettre, l’éducation au respect de ce territoire. Le touriste, est encore une fois au cœur de l’activité touristique et de son déroulement. Dans les pays en voie de développement, le tourisme n’est pas une pratique culturelle, car les nationaux n’ont pas été sensibilisés sur ses apports, et que des structures et activités n’ont pas été développées pour eux. En éduquant les nationaux au tourisme comme pratique culturelle, on va démocratiser l’activité. Le pays sera alors plus autonome, car il aura sa propre clientèle, et dépendra moins des flux touristiques internationaux. Le tourisme solidaire et le tourisme interne ont des objectifs communs, et de ce fait, peuvent être complémentaires. Le tourisme interne veut rendre accessible l’activité touristique à l’ensemble des couches de la population nationale, mais aussi faire de l’activité touristique un levier de développement plus important et surtout plus autonome. Il propose un tourisme de qualité 85 aux nationaux, afin de leur donner une image positive de leur pays, et changer l’image négative que le tourisme de masse, a bien souvent crée dans leur esprit. De même, le tourisme interne prône un tourisme facteur de brassage culturel, entre des populations différentes. En récapitulant ces objectifs, on constate qu’ils correspondent tout à fait à ceux du tourisme solidaire. Le touriste et la population locale sont au cœur du processus. Le tourisme doit être facteur de développement pour les deux parties. Il y a aussi la volonté d’un échange fort entre différentes cultures, et populations. Le développement du tourisme interne, peut constituer un élément clé dans l’évolution du tourisme solidaire. Pratique encore marginale, une clientèle nationale pourrait aider au développement des structures mises en place. Les deux tourismes pourraient alors se compléter, car ils seraient tous deux, facteurs de développement pour la population concernée. Conclusion Chapitre 2 Le tourisme interne peut constituer un élément clé dans le développement du tourisme solidaire. Les deux formes de tourisme ont des objectifs communs, et peuvent se compléter pour les atteindre. Ainsi, en développant le tourisme interne, on va créer une clientèle nationale, qui rendra le territoire moins dépendant des flux touristiques internationaux. Il permettra aussi la création d’emploi, car l’activité touristique sera étalée sur l’année entière. De même, les revenus dus à l’activité touristiques seront plus réguliers. Cependant, il existe des freins à la mise en place du tourisme interne. Le tourisme ne constitue pas une pratique culturelle pour les africains. De même, les attentes des touristes nationaux et internationaux en matière d’activités récréatives sont différentes. On doit mettre le touriste national au cœur du processus pour développer le tourisme interne. Le tourisme interne et solidaire développés ensemble et dans la même optique, sont complémentaires et facteurs de développement pour le territoire. 86 Chapitre 3 – La méthodologie adoptée pour la mise en œuvre du tourisme interne dans la structure du RECOSAF Après avoir étudié le lien entre tourisme interne et solidaire, nous allons tenter de mettre en place une méthodologie, pour instaurer un tourisme interne au sein de la structure de RECOSAF au Cameroun, selon les spécificités de la région et de la structure. Il est important de souligner que cette méthodologie ne contient que des pistes éventuelles à développer sur le long terme. 1. Développement du tourisme comme pratique culturelle 1.1. La faiblesse de l’activité touristique camerounaise Tout d’abord, il est important de rappeler que le Cameroun n’est pas un pays très développé touristiquement parlant. C’est seulement en 2010 que le pays est devenu une destination touristique selon l’OMT, en dépassant les 500.000 arrivées de touristes par an. De même, le tourisme interne n’est pas très développé, car le tourisme n’est pas inscrit dans les pratiques culturelles des Camerounais. Il est donc primordial de développer l’activité touristique comme pratique culturelle, dans l’esprit des Camerounais. Pour cela, la population doit comprendre les bienfaits du tourisme, non seulement comme activité de développement pour leur territoire, mais aussi comme activité de développement personnel. Bien souvent, la population nationale réalise l’ampleur de l’activité touristique pour le territoire, par les retombées économiques qu’elle engendre. Mais le tourisme interne n’étant pas développé, il est parfois difficile pour la population de réaliser les bienfaits du tourisme sur eux-mêmes. C’est la raison pour laquelle des moyens doivent être mis en place pour sensibiliser les Camerounais sur les bienfaits du tourisme, pour qu’ils deviennent eux-mêmes, touristes de leur propre territoire. 1.2. Education des jeunes Camerounais au tourisme 87 Aujourd’hui, le tourisme n’étant pas dans les pratiques habituelles des Camerounais, il est difficile de faire changer les choses du jour au lendemain. C’est la raison pour laquelle, les jeunes doivent être ciblés en priorité. En les éduquant très tôt à la culture du voyage, il sera plus facile pour eux de l’intégrer dans leurs pratiques. Ainsi, des programmes d’éducation touristique peuvent être mis en place dans les écoles, notamment à travers l’établissement d’atelier de sensibilisation. Le tourisme doit être mis en avant comme une activité enrichissante, et facteur de développement. On doit promouvoir un tourisme responsable auprès des jeunes, tourisme de qualité et de développement pour les peuples. En ciblant les jeunes, on va pouvoir créer une clientèle nationale sur le long terme. Il faut susciter chez eux l’envie de découverte de leur territoire. Des voyages scolaires peuvent être organisés pour éveiller chez eux la culture du voyage. 1.3. Sensibilisation au tourisme solidaire Pour ce qui est des Camerounais en général, on peut également créer chez eux, l’envie de découvrir leur territoire. Pour cela, des forums et salons sur le tourisme solidaire peuvent être mis en place. De même, des campagnes de sensibilisation sur le tourisme, peuvent être diffusées à travers les médias et les entreprises du pays. Le tourisme solidaire doit être au cœur du processus de sensibilisation. En mettant en avant les valeurs de ce tourisme, il se développera au sein des nationaux. De plus, en prônant les valeurs du tourisme solidaire, on va sensibiliser les jeunes au respect de l’environnement et des populations. C’est un tourisme de qualité qui va être inculqué, et donc un tourisme facteur de développement territorial. La sensibilisation qui s’opère auprès des touristes solidaires français est basée sur la même logique. On doit expliquer au touriste, les impacts de son comportement sur le territoire, qu’ils soient positifs ou négatifs. Par exemple, les revenus que générera son voyage pour des communautés bien souvent isolées, ou encore l’échange fort qui se crée dans cette forme de tourisme, par l’échange avec des communautés différentes aussi bien nationales qu’internationales. 88 De même, les comportements à éviter doivent être présentés, pour qu’ils comprennent l’impact qu’ils peuvent avoir sur leur propre territoire. 2. Création d’activités récréatives spécifiques 2.1. Entretiens sur le terrain Comme nous l’avons étudié dans le chapitre 2, les touristes nationaux n’ont pas toujours les mêmes envies en matière d’activités récréatives. Ainsi, il est nécessaire d’adapter l’offre d’activités en fonction de la population visée. Dans un premier temps, il serait intéressant de mettre en place une étude sur le terrain. Ainsi, nous allons pouvoir comprendre ce que désirent les différents acteurs concernés en les interrogeant. On cherche donc à savoir quelles sont les attentes des nationaux en termes d’activités récréatives. Pour déterminer la réponse à cette question, on va mettre en place des entretiens semi-directifs. Ils vont nous permettre la collecte d’informations à travers les populations interrogées. C’est une enquête qualitative, qui permet aux répondants de s’exprimer librement et spontanément sur le sujet en question, sans être influencé par l’enquêteur. On détermine d’abord les acteurs à interroger, pour pouvoir répondre à notre problématique. Une fois qu’on les a choisis, on crée les guides d’entretien, qui seront différents selon les acteurs, et qui aborderont différents thèmes. On partira du global, pour arriver à des questions plus précises et ciblées. 2.2. Les acteurs à interroger 2.2.1. La population camerounaise Des activités ont souvent été mises en place pour répondre aux attentes des touristes internationaux. Mais il arrive que les attentes des touristes internationaux et nationaux soient totalement différentes. En effet, des activités traditionnelles sont parfois proposées aux touristes internationaux, mais les touristes nationaux partagent souvent ces traditions. Elles ne constituent donc pas pour eux une activité intéressante. Cependant, le 89 Cameroun étant composé de plus de 200 ethnies différentes, il serait intéressant de savoir ce que les uns peuvent apprendre des autres culturellement parlant. De plus, les dimensions culturelle et religieuse sont très importantes au Cameroun, elles doivent donc être prises en compte dans la mise en place des activités. Les entretiens vont nous permettre de savoir, entre autres, ce qu’attendent les Camerounais de leurs vacances, s’ils sont intéressés par le tourisme solidaire, ou encore quelles activités ils aimeraient effectuer pendant leurs vacances. Il serait intéressant d’interroger des personnes ayant des critères sociodémographiques différents. Ainsi, on pourrait classer les attentes des Camerounais selon l’âge, le sexe ou encore le niveau de vie. 2.2.2. Le peuple Bamiléké Comme tout projet de tourisme solidaire repose sur la mise en place de l’activité touristique par la population locale, il est indispensable de l’interroger. De cette façon, on va pouvoir répondre aux désirs des touristes nationaux, tout en prenant en compte l’opinion de la population locale. Il est important que la population locale reste maîtresse de l’activité touristique se déroulant sur son territoire. On va alors pouvoir interroger les Chefs des villages, mais aussi les membres composant les villages. 2.3. Les résultats Après avoir effectué des entretiens auprès des différents acteurs concernés, on retranscrit les résultats. Ils détermineront les attentes des nationaux en matière d’activités récréatives, mais aussi l’opinion du peuple Bamiléké sur celles-ci. Il restera alors à mettre en place les activités concordant avec les valeurs du tourisme solidaire, et faisables ou non, en fonction des spécificités de la province de l’Ouest, et des moyens financiers nécessaires à leur réalisation. Ainsi de nouveaux produits ou circuits peuvent être mis en place en fonction de l’origine des touristes (nationaux ou 90 internationaux), et de leurs caractéristiques. Des activités pour les jeunes et pour le troisième âge pourront par exemple être mises en place. Conclusion Chapitre 3 La méthodologie proposée répond à certaines limites de la mise en place du tourisme interne. En faisant de l’activité touristique, une pratique culturelle au sein du peuple camerounais, on va démocratiser l’activité au fur et à mesure. Le tourisme solidaire, est évidemment la forme de tourisme à développer, pour que le tourisme, encore peu développé au Cameroun, reste facteur de développement. De même, la prise en compte des attentes des nationaux en termes d’activités récréatives, va permettre de les développer au sein de la structure de RECOSAF, et de ce fait, d’attirer cette nouvelle clientèle. Le tourisme social représente également une forme de tourisme à développer pour accroître le tourisme interne au Cameroun. 91 Conclusion Partie III Le tourisme solidaire, activité encore marginale, car pratiquée par une élite, doit se développer, si elle veut subsister. Le tourisme interne, peut venir soutenir l’évolution du tourisme solidaire. Reposant sur des objectifs communs, ils peuvent venir se compléter l’un l’autre. La structure de tourisme solidaire, mise en place dans la province de l’Ouest, au sein du peuple Bamiléké, par l’association RECOSAF, a été choisie pour proposer une méthodologie, qui appliquerait la mise en place d’une clientèle nationale, venant compléter, la clientèle internationale de la structure. L’important est de bien observer, et prendre en compte les caractéristiques différentes des deux types de clientèles. En effet, elles n’ont pas les mêmes attentes, ni les mêmes moyens, et doivent donc bénéficier d’offres différentes concernant les activités, ou le prix des hébergements par exemple. Afin de mettre en place le tourisme interne dans la structure solidaire du peuple Bamiléké, il est important d’instaurer un programme d’éducation et de sensibilisation auprès des camerounais. Les jeunes sont la population visée en priorité, car plus réceptifs vu leur jeune âge. Mais la population camerounaise, doit être ciblée dans sa globalité, pour faire du tourisme une activité culturelle. De même, la population Bamiléké doit être interrogée, car elle reste maîtresse des décisions, et de la gestion de l’activité touristique au sein de son territoire. Les activités doivent également être repensées, pour correspondre aux désirs des nationaux, car ils sont différents de ceux des touristes internationaux. Le tourisme social doit être développé, afin de donner accès au tourisme, à l’ensemble des couches de la population camerounaise. 92 Conclusion générale Nous avons mis au cœur de l’étude, le tourisme solidaire, qui reste un tourisme peu pratiqué, et l’acteur principal de l’activité touristique : le touriste. En premier lieu, nous avons déterminé que la prise de conscience générale, ayant eu lieu dans les années 1970, a entrainé la mise en place de nouvelles formes de tourisme, répondant au respect des territoires et des peuples. Pour qu’un territoire soit facteur de développement, les fondements du tourisme doivent être respectés. Grâce à la mise en place du tourisme solidaire, les pays du Sud peuvent, à leur tour, mettre en place une activité touristique facteur de développement. Au cours du mémoire, nous avons pu constater l’évolution dans les modes de consommation des touristes. De manière générale, les touristes sont à la recherche d’un tourisme plus responsable, et d’un retour vers une certaine authenticité, privilégiant l’échange et le respect de l’environnement. Cependant, nous avons vu que le tourisme solidaire, reste une forme de tourisme assez complexe, qui ne peut être destinée à l’ensemble de la population. Pourtant, les touristes sont à la recherche de voyages, qui prennent en considération leurs nouvelles exigences. Ayant déterminé que le tourisme solidaire était inscrit dans la continuité de la deuxième phase touristique, on s’attend à ce que la masse arrive dans ces régions isolées, d’ici quelques années. En développant dès à présent, des formes de tourisme répondant à des critères plus durables, on va préparer le territoire à accueillir cette masse. Nous avons également étudié divers outils permettant la gestion maitrisée des touristes au sein de ces territoires, afin que leur présence soit facteur de développement pour celui-ci. 93 Ainsi, un tourisme plus durable doit être mis en place de façon générale. Les tours opérateurs l’ont bien compris, et cherchent à faire évoluer leurs prestations vers plus de durabilité. Les outils étudiés au cours de cette étude, et les valeurs du tourisme durable et solidaire, doivent être pris en compte pour instaurer le tourisme de demain. Le développement du tourisme interne et social peuvent devenir des outils très intéressants, pour que les territoires du Sud, acquièrent une plus grande indépendance. De même, la gestion des flux, et la préparation des voyageurs avant leur départ, à travers des programmes de sensibilisation, vont être décisifs pour le bon développement du territoire. La réflexion menée tout au long de ce mémoire, nous a donc permis de répondre à notre problématique. Ainsi, nous pouvons affirmer que le tourisme solidaire est facteur de développement local, grâce à la manière dont les touristes sont gérés, dans cette forme de tourisme. Même si le tourisme solidaire reste réservé à certaines catégories de populations, il doit servir de base à la mise en place d’un tourisme responsable, répondant aux attentes actuelles des touristes. 94 Bibliographie Ouvrages AMALOU Pierre, BARIOULET Hervé, VELLAS François. Tourisme, éthique et développement. Paris : Editions L’Harmattan, 2001, 303 p. ATOUT FRANCE. Tourisme et développement durable. De la connaissance des marchés à l’action marketing. Paris : Editions Atout France, 2011, 108 p. BENSAHEL Liliane, DONSIMONI Myriam. Le tourisme, facteur de développement local. Grenoble : Editions Presses universitaires de Grenoble, 2000, 128 p. BOYER Marc. L’invention Gallimard, 1996, 160 p. du tourisme. Trieste : Editions Découvertes BOYER Marc. Ailleurs. Histoire et sociologie du tourisme. Paris : Editions L’Harmattan, 2011, 301 p. COLLOMBON Jean-Marie & al. Tourisme solidaire et développement durable. Paris, Editions du Gret, 2006, 120 p. COUSIN Saskia, REAU Bertrand. Découverte, 2009, 128 p. Sociologie du tourisme. Paris, Editions La DECROP Alain. Le touriste consommateur : comprendre les comportements pour améliorer l’efficacité marketing. Bruxelles, Editions De Boeck, 2010, 319 p. LUCIA Maria Giuseppina. Tourisme et développement. Les défis de la nouvelle Afrique. Paris, Editions L’Harmattan, 2007, 218 p. MINVIELLE Jean-Paul. Tourisme saharien et développement durable. Enjeux et approches comparatives. Colloque international de Tozeur en Tunisie, 9 au 11 novembre 2007, p. 9- 64. ORGANISATION MONDIALE DU TOURISME. Etude sur les concepts et réalités du tourisme social et solidaire en Afrique. Madrid : OMT, 2007, 77 p. SCHEOU Bernard. Du tourisme durable au tourisme équitable. Quelle éthique pour le tourisme de demain ? Paris, Editions De Boeck, 2009, 301 p. TORRENTE Pierre. Développement durable, Tourisme et Territoire. Introduction à l’analyse systémique, in. Laurent Alain et al., Tourisme responsable. Clé d’entrée du développement territorial durable. Clamecy, Editions Chronique sociale, 2009, 511 p. 95 Articles COUSIN Saskia, REAU Bertrand. L'avènement du tourisme de masse. Les Grands Dossiers des Sciences Humaines, mars 2011, n°22, p. 14. FRANCOIS-LECOMPTE Agnès, PRIM-ALLAZ Isabelle. Les Français et le tourisme durable : proposition d'une typologie. Management & Avenir, septembre 2009, n° 29, p. 308-326. MICHEL Franck, Vers un tourisme sexuel de masse ? Le Monde diplomatique, août 2006, n°629, p. 3. TERRIER Christophe. Flux et afflux de touristes : les instruments de mesure, la géomathématique des flux. Flux, mars 2006, n° 63, p. 47-62. Travaux universitaires Promotion 2010-2011 Master 2 Professionnel « Ingénierie de Projets avec l’Amérique latine ». Voyager responsable en Amérique Latine. Le tourisme solidaire en question. Livre blanc de Master 2 Ingénierie de Projets avec l’Amérique Latine. Toulouse : Institut Pluridisciplinaire pour les Etudes sur l’Amérique Latine à Toulouse (IPEALT), 2011. 149 p. 96 Table des annexes Annexe A : Résumé de l’entretien avec Monsieur X…………………………………………98 Annexe B : Carte du Cameroun, situant la région de l’Ouest et Bafoussam..101 97 Annexe A : Résumé de l’entretien avec Monsieur X Monsieur X, la cinquantaine, est salarié d’un voyagiste de tourisme équitable et solidaire depuis plus de huit ans. Il a lui-même été président de l’association pendant plus de dix ans, avant de rejoindre l’équipe d’organisation. L’esprit de l’association Il présente la structure comme une organisation associative, dotée d’une expérience de 25 ans dans cette forme de tourisme, et qui est basée sur un esprit très particulier. « L’esprit de nos voyages c’est tout ». Les conditions de voyage sont « un peu rustiques », et il faut de « l’adaptabilité » et un esprit particulier de la part des voyageurs. C’est aussi un hébergement qui est souvent effectué chez l’habitant, et un encadrement 100% local. Attentes des clients La plupart des gens intéressés pour partir avec l’association, passent d’abord par le site internet. C’est une fois qu’ils ont pris connaissance des destinations proposées, et de l’organisation des séjours, qu’ils contactent l’association par téléphone. Selon lui, l’attente principale de ses clients, c’est un contact différent avec les locaux. Bien souvent, ils n’ont pas été satisfaits du contact avec les populations locales, dans les formes de voyages classiques qu’ils effectuaient. L’association privilégie beaucoup l’hébergement chez l’habitant, ce qui assure un contact avec les locaux. Ce sont aussi des gens qui cherchent autre chose par rapport à ce qu’ils ont déjà fais, ou qu’ils ont envie de faire. Un tourisme d’élite ? Au niveau du profil de ces touristes, il explique qu’il n’y a pas de profil type, mais que ce sont souvent les mêmes clientèles. Beaucoup d’entre eux travaillent dans le social, dans l’enseignement ou encore dans le milieu médical, et ont tous déjà beaucoup voyagé. Pour lui, l’un des problèmes que rencontre le tourisme solidaire est l’assimilation à une clientèle élitiste. Il est vrai que les prix sont souvent un peu plus chers que ceux des voyages de tourisme classique, mais c’est parce qu’ils « travaillent d’une façon artisanale ». Ils travaillent seulement avec des locaux, et veulent les rémunérer justement. Ainsi, ils vont souvent payer 25% plus cher un employé local, que le ferait un tour opérateur classique. De plus, une partie du prix du voyage est reversé pour un projet de développement local. Tous ces éléments font que les voyages sont un peu plus chers que les offres classiques, mais généralement, la variation de prix n’est que de 50 98 euros. Monsieur X comprend donc tout à fait qu’on puisse assimiler ces touristes à une élite. Les projets La somme prélevée sur le prix du voyage tourne souvent autour des 60 euros. Les projets de développement sont très variables. Ils peuvent concerner le projet touristique, avec l’amélioration des hébergements par exemple. La somme prélevée n’ira pas forcément au pays visité, mais à une des destinations proposées par l’association. Ils reversent les sommes aux territoires qui en ont le plus besoin. Au Mali par exemple, il y a eu plusieurs interventions dont la construction d’écoles, de dispensaires ou de puits. Actuellement, alors que le Mali a fermé ses frontières à cause de conflits récents, l’association continue à verser des aides au pays. Les partenaires locaux avec lesquels travaille l’association, sont choisis au fil du temps. Il s’agit bien souvent d’une première rencontre qui va tout déclencher. Monsieur X et l’équipe de l’association, (composée seulement de trois personnes) se déplacent sur place pour rencontrer les locaux, et mettre en place les circuits en collaboration avec eux. S’ensuit toute une série de rencontres, qui vont déterminer leurs partenaires de travail. Ils vont choisir les guides, mais aussi les familles dans lesquelles les touristes logeront. Ils testent tous leurs circuits eux même avant de les mettre en vente, et les contrôlent régulièrement pour voir si tout se passe bien. Ils mettent bien souvent les retombées économiques en avant, pour convaincre les locaux d’accepter le projet. Ces revenus supplémentaires, vont permettre de nourrir une famille, ou même parfois, un village tout entier. En ce qui concerne les exigences et les craintes des touristes, Monsieur X nous dit qu’ils n’ont pas à en avoir car « ils partent en connaissance de cause ». Le déroulement des voyages est expliqué, et on ne cache pas aux touristes la rusticité de certains d’entre eux. Généralement, les projets sont mis en place en fonction des problématiques locales. Les touristes, quant à eux, peuvent suivre l’évolution des projets de développement, directement sur le site internet de l’association. A chaque Assemblée Générale, des rapports d’activités sont rédigés et publiés en ligne, sur le site internet. Tout le monde y a accès et on peut voir en toute transparence, le montant des sommes versées par l’association pour chaque pays, et les projets de développement mis en place dans chacun d’entre eux. On peut également connaître leur chiffre d’affaire par destination, et bien d’autres détails encore. L’organisation des voyages Lorsque nous commençons à aborder la sensibilisation des touristes, le ton change et les réponses deviennent plus courtes. Il n’y a aucune formation organisée avant le départ des touristes. La seule sensibilisation effectuée est celle sur le site internet. 99 En ce qui concerne le voyage à proprement parler, les groupes partant n’excèdent jamais 12 personnes. La plupart du temps, ils font partir 6 à 10 personnes en même temps, et il arrive même qu’ils fassent partir 2 personnes seulement. Pour eux, il est très important de conserver des petits groupes car c’est la seule manière d’avoir une relation privilégiée avec les locaux. Contact avec la clientèle et les prestataires L’association est très attachée aux commentaires de ses clients. A chaque retour de voyage, on envoie aux clients une fiche retour appréciation. Les avis des clients, serviront à améliorer les circuits. Généralement, ce sont des commentaires plutôt positifs qui ressortent au retour des touristes. Ils ont trouvé ce qu’ils étaient allé chercher, c'est-à-dire une rencontre particulière avec les locaux. Le manque de confort, est quant à lui, une des remarques négatives répertoriées, mais cela reste anecdotique. Chaque année, l’association organise une assemblée générale, où elle convie tous ses clients. Ils leurs arrivent même d’inviter des prestataires locaux, des pays étrangers avec qui ils travaillent. Ils se lient d’amitié avec eux, et les touristes également. En ce moment, avec la guerre au Mali, l’association ne cesse de recevoir des appels de clients qui veulent savoir comment vont les gens qu’ils ont rencontrés durant leur voyage là bas. Le tourisme solidaire et son évolution Pour lui, le tourisme solidaire reste un tourisme marginal. C’est un tourisme qui rassemble environ 1% des touristes totaux, et qui évolue très lentement. Selon lui, il est primordial que cela évolue car « des financement ont été programmés ». Pourtant, il est conscient qu’il ne faut pas que le nombre de touristes explosent, car ces territoires ne pourraient le supporter. Au niveau des résultats de l’association, il parle d’une évolution conséquente antre les années 2000 et 2010. En effet, le nombre de personnes partant est passé de 800 à 1400. Mais depuis 2010, l’évolution s’est inversée. Avec la fermeture de quatre destinations de l’association, l’Algérie, le Niger, le Mali et la Mauritanie, la chute a été dure. L’association a rouvert d’autres destinations comme la Turquie, Madagascar ou le Sénégal, mais elles n’ont pas encore réussi à rééquilibrer les pertes. 100 Annexe B : Carte du Cameroun, situant la région de l’Ouest et Bafoussam 101 Table des figures Figure 1 : Le modèle séquentiel de prise de décision touristique de van Raaij et Francken (1984)…………………………………………………………………………………………… 40 Figure 2 : Notoriété des formes de tourisme responsable…………………………….. 47 Figure 3 : L’image du tourisme solidaire en fonction de caractéristiques proposées…………………………………………………………………………………………………………..49 Figure 4 : La contribution des branches non touristiques au voyage d’un touriste…………………………………………………………………………………………………………….…64 Figure 5 : Répartition financière du coût du voyage solidaire………………………..65 102 Table des matières Remerciements......................................................................................5 Sommaire.............................................................................................6 Introduction générale.............................................................................7 PARTIE 1 : L’évolution du tourisme et de ses modes de consommation........ 9 Chapitre 1 : Définition du concept de patrimoine culturel. Analyse des spécificités...........................................................................................11 1. Qu’est ce qu’un touriste ? ............................................................. 11 1.1. Définition du touriste ....................................................... 11 1.2. Evolution de l’image du touriste......................................... 12 1.2.1.Le touriste cliché ....................................................... 12 1.2.2.Touriste vs voyageur ................................................. 13 2. Grands Tours et l’hivernage : le tourisme facteur de développement .. 14 2.1. L’invention du tourisme .................................................... 14 2.2. Les fondements du tourisme ............................................. 14 2.3. L’hivernage:le tourisme en France, facteur de développement 15 2.4. Le désenclavement des territoires isolés ............................. 17 2.5. L’accès des classes populaires au tourisme.......................... 18 3. Le tourisme de masse : facteur de mal-développement .................... 19 3.1. La mise en place du tourisme de masse .............................. 19 3.2. Définition ....................................................................... 21 3.3. Les conséquences du tourisme de masse ............................ 21 3.3.1. Conséquences sociales .............................................. 22 3.3.2. Conséquences économiques....................................... 24 3.3.3. Conséquences environnementales .............................. 27 Chapitre 2- Du développement durable, à l'émergence du tourisme solidaire29 1. La prise de conscience des pouvoirs publics.................................... 30 1.1. Le développement durable ................................................. 30 1.2. Le tourisme durable .......................................................... 31 2. Le tourisme solidaire................................................................... 32 2.1. Les projets de tourisme solidaire ......................................... 33 2.2. Les valeurs du tourisme solidaire......................................... 33 2.3. L’importance de la planification ........................................... 35 103 Chapitre 3 - Le tourisme consommateur et ses motivations…………………………..36 1. Touriste : Nouveau consommateur............................................. 37 1.1. Un tourisme plus authentique .......................................... 37 1.2. Une consommation plus engagée ..................................... 38 2. Processus de prise de décision touristique ................................... 39 2.1. Le modèle de Van Raaij et Francken ................................. 39 2.2. Le modèle de prise de décision de Woodside et Lysonski...... 41 2.3. Variables du Processus de Prise de Décision ....................... 41 3. Les trois temps du voyage ........................................................ 42 PARTIE 2: La place du touriste solidaire est-elle facteur de développement pour le territoire visité?.........................................................................44 Chapitre 1 - Il existe une clientèle pour le tourisme solidaire………………………..46 1. L’image du tourisme solidaire selon la population française...... 47 1.1. La notoriété des formes de tourisme responsable............. 47 1.2. La perception des Français sur le tourisme solidaire ......... 48 1.3. Profil des personnes connaissant le tourisme solidaire ...... 49 2. Le marché de tourisme solidaire .......................................... 50 2.1. Le marché actuel ........................................................ 50 2.2. Les freins au développement de ce marché ..................... 50 3. Caractéristiques des personnes pratiquant le tourisme solidaire 51 3.1. Détermination d’un profil de touriste solidaire ................. 51 3.2. Les attentes des touristes solidaires............................... 52 3.3. Les concessions faites par les touristes solidaires............. 52 4. Il existe une clientèle pour le tourisme solidaire ..................... 53 4.1. Il existe un profil plus ou moins défini de la clientèle de tourisme solidaire ....................................................................... 53 4.2. La clientèle du tourisme solidaire................................... 55 Chapitre 2 - La gestion maitrisée des touristes crée un tourisme facteur de développement………………………………………………………………………………………………….56 1. La qualité ......................................................................... 57 2. La gestion des flux............................................................. 58 2.1. La capacité de charge ............................................... 58 2.2. Les outils de gestion des flux touristiques .................... 59 2.2.1. Les outils réglementaires ..................................... 59 2.2.2. Outils économiques ............................................ 60 104 2.2.3. Outils organisationnels ........................................ 60 2.3. La gestion des flux au sein du tourisme solidaire .......... 61 2.3.1. La limitation du nombre de voyageurs ................... 61 2.3.2. L’importance de l’échange dans le voyage solidaire . 61 3. La sensibilisation des touristes ............................................ 62 3.1. L’importance de la sensibilisation ............................... 62 3.2. Une sensibilisation qui manque de moyens .................. 63 4. Le voyage du touriste......................................................... 64 4.1. Des investissements lourds pour l’aménagement .......... 64 4.2. Les choix des touristes : éléments déclencheurs du développement ....................................................................... 64 Chapitre 3 - Le tourisme solidaire: inscrit dans la continuité de la deuxième phase touristique……………………………………………………………………………………………….66 1. Les deux phases touristiques............................................ 67 1.1. Les différents cycles du tourisme............................. 67 1.2. Les phases touristiques .......................................... 67 2. Le tourisme de masse : un modèle en déclin ...................... 67 3. La continuation de la deuxième phase touristique................ 68 3.1. Le tourisme alternatif : un tourisme accessible à certaines catégories de population ........................................ 68 3.2. L’élite attire la masse............................................. 68 4. Le tourisme de masse à la recherche de plus de durabilité.... 69 4.1. Le tourisme de masse doit intégrer des éléments durables dans ses prestations................................................. 69 4.2. La compatibilité entre tourisme de masse et tourisme durable ............................................................................... 70 5. Des circuits différents pour chaque clientèle ....................... 71 PARTIE 3: Le tourisme interne: appui au développement du tourisme solidaire Chapitre 1 - Présentation du territoire et de la structure étudiés…………………..75 1. Présentation du Cameroun ............................................ 76 1.1. Situation géopolitique........................................... 76 1.2. Situation touristique............................................. 77 1.3. Situation sociodémographique ............................... 78 2. Présentation de l’association RECOSAF ........................... 78 Chapitre 2 - Tourisme interne et solidaire: des objectifs communs……………….80 105 1. Le tourisme interne : voie complémentaire au tourisme international ............................................................................ 81 1.1. Un tourisme basé sur l’international............................. 81 1.2. Un territoire plus autonome........................................ 81 2. Le tourisme interne : soutien au tourisme solidaire ................ 82 3. Les freins à la mise en place du tourisme interne ................... 82 3.1. Le tourisme : une pratique culturelle ? ......................... 82 3.2. Des attentes différentes en matière d’activités .............. 83 3.3. Des moyens financiers insuffisants .............................. 83 4. Des objectifs en commun................................................... 84 Chapitre 3 - La méthodologie adoptée pour la mise en œuvre du tourisme interne dans la structure du RECOSAF 1. Développement du tourisme comme pratique culturelle ........ 87 1.1. La faiblesse de l’activité touristique camerounaise ......... 87 1.2. Education des jeunes Camerounais au tourisme ............ 87 1.3. Sensibilisation au tourisme solidaire ............................ 88 2. Création d’activités récréatives spécifiques.......................... 89 2.1. Entretiens sur le terrain ............................................. 89 2.2. Les acteurs à interroger ............................................. 89 2.2.1. La population camerounaise ....................... 89 2.2.2. Le peuple Bamiléké ................................... 90 2.3. Les résultats ............................................................ 90 Conclusion générale……..........................................................................92 Bibliographie .......................................................................................94 Table des annexes ...............................................................................96 Annexe A : Résume de l'entretien avec Monsieur X...........................97 Annexe B : Carte du Cameroun, situant la région de l’Ouest et Bafoussam…………………………………………………………………………………………….100 Table des figures ................................................................................101 Table des matières .............................................................................102 106 Résumé mémoire Depuis la prise de conscience des impacts négatifs du tourisme de masse, sur les territoires et les populations concernées, de nouvelles formes de tourisme ont vu le jour. Parmi ces formes de tourisme : le tourisme solidaire, qui par ses valeurs, et son organisation va mettre en place un tourisme facteur de développement local, dans les pays en voie de développement. Ce mémoire traite, de la place du touriste au sein du tourisme solidaire, et de la façon dont il est géré, pour constituer un facteur de développement pour le territoire. Dans ce mémoire, les notions de tourisme solidaire et de touriste, sont donc définies. De même, on analyse l’évolution du tourisme dans le temps, des Grands Tours à aujourd’hui. Ainsi, on voit apparaître le changement dans les exigences des touristes, du à la prise de conscience des dégâts causés par un tourisme non contrôlé. Tout d’abord, ce mémoire démontre l’existence d’une clientèle pour le tourisme solidaire. Il analyse ensuite les outils disponibles pour maitriser la gestion des touristes, et créer un tourisme facteur de développement. Puis, il démontre que le tourisme solidaire s’inscrit dans la continuité de la deuxième phase touristique. Enfin, il propose une méthodologie pour développer le tourisme interne, dans une structure de tourisme solidaire dans la province de l’Ouest du Cameroun, au sein du peuple Bamiléké. Mots clés : tourisme solidaire, touriste, développement territorial, outils de gestion des touristes, pays en voie de développement Since the growing awareness of the negative impacts of mass tourism on territories and people, new forms of tourism appeared. Among these new forms of tourism, there is solidarity tourism. Its values and organisation are factors of local development in the developing countries. This research paper, deals with the role of tourists in solidarity tourism, and the way they are managed to become factor of development for the territory. In this research paper, the notions of solidarity tourism and tourist are defined. Similarly, we analyse the evolution of tourism from the Grand Tours until today. A change appears in the tourists requirements, due to the awareness of the damages caused by an uncontrolled tourism. Firstly, this research paper shows that there are customers for the solidarity tourism. Then, it analyses the tools to handle the management of tourists, and create a tourism which is factor of development. It also demonstrates that solidarity tourism is entirely keeping with the second tourist phase. Finally, it gives a possible methodology to develop domestic tourism in a solidarity tourism structure, in the western province of Cameroon. Key words: solidarity tourism, tourist, territorial development, tools for managing tourists, developing countries 107