De l`optimum touristique à l`optimum marketing
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De l`optimum touristique à l`optimum marketing
De l’optimum touristique … Otto REGALADO-PEZUA & Martine FERRYAuteur The touristic optimum concept has been developed by several authors, Inskeep (1997), Pearce (1987) and Lozato-Giotart (2003, 2004) their approaches differ but they all relate to the creation of indicators. A set of indicators is useful to find an optimal balance for the tourism development of a given site. De l’optimum touristique à l’optimum marketing : une This article presents a study in progress which takes for theoretical framework the touristic optimum concept developed by Lozato-Giotart. The optimum is defined by the author as “the best possible use of an activity, a product, or an environment” (Lozato-Giotart & Balfet, 2004, p.348). An interaction between the operational and the strategic marketing concepts will help to elaborate a set of marketing indicators useful for testing the marketing ability of a site. proposition pour le Machu Picchu Otto REGALADO-PEZÚA This method will be tested on the field of the Machu Picchu, the iconic site from the Inca Empire. Professeur de marketing Key-words: Sustainable Development – Touristic Optimum – Carrying Capacity – Machu Picchu ESAN, Lima, Pérou [email protected] "La démarche marketing et le tourisme sont un état d'esprit qui doit encadrer toute analyse préalable à la réalisation d'actions de développement durable" Manzione (2000, p.108) Martine FERRY Doctorante CERAM Sophia Antipolis, France Introduction [email protected] Le tourisme durable ou soutenable est une nécessité. Les soubresauts de l’économie, les avatars liés à la sécurité, les catastrophes naturelles ou non, les impacts de l’activité touristique, lient intimement le développement du tourisme à la préservation de ce secteur de l’économie. Les trois fonctions fondamentales du développement durable sont : la rentabilité économique à long terme, la conservation et l’utilisation rationnelle des ressources touristiques naturelles et la participation de la population locale (Lozato-Giotart & Balfet, 2004, p.346 ; León Morales, 2003, p.11 ; CONAM, 2003, p.7 ; Monitor, 1985, p.16). Résumé Le concept d’optimum touristique a été développé par plusieurs auteurs, citons parmi eux Inskeep (1997), Pearce (1987) et Lozato-Giotart (2003, 2004), leurs approches bien que différentes mettent en évidence l’élaboration et la connaissance d’indicateurs qui permettront de trouver l’équilibre optimal d’un site touristique. Cet article présente une étude en cours de réalisation qui prend comme cadre théorique le concept d’optimum ou barycentre touristique développé par Lozato-Giotart. L’optimum est défini par l’auteur comme “la meilleure utilisation possible d’une activité, d’un produit ou d’un environnement” (Lozato-Giotart & Balfet, 2004, p.348). Par l’intermédiaire d’une interaction entre les concepts du marketing stratégique et du marketing opérationnel, il semble utile de développer des indicateurs marketing qui aideront à mesurer l’efficacité de la commercialisation d’un site touristique. Le Pérou comme plusieurs pays en voie de développement dispose de nombreuses ressources touristiques et naturelles et s’engage par conséquent dans le développement de son secteur touristique. Cependant, malgré les efforts réalisés par les autorités gouvernementales comme par exemple la participation du Pérou à la dernière Bourse Internationale du Tourisme (ITB) à Berlin ou la présentation des bases du premier Plan Stratégique National du Tourisme (PENTUR), nous pensons qu’il est intéressant d’étudier la problématique de la commercialisation du Pérou et plus particulièrement celle de sa destination touristique emblématique. Cette méthode sera testée sur le Machu Picchu, site emblématique de l’empire Inca. Mots clés : Développement durable – Optimum touristique – Capacité de charge – Machu Picchu Le Pérou est perçu comme une destination touristique unipolaire (Lozato-Giotart, 2003, p.164): selon PromPerú [organisme chargé de la promotion du Pérou] (2004, p.9), la ville de Cusco, le Sanctuaire Abstract 1 De l’optimum touristique … Otto REGALADO-PEZUA & Martine FERRYAuteur Historique de Machu Picchu ou le “circuit sud” sont visités par 50% des touristes qui visitent le pays des Incas ; d’après le rapport de Monitor Company (1995, p.6) de 70 à 75% des touristes qui se rendent au Pérou visitent Cusco et Machu Picchu ; Enfin,selon Hauyón (cité par Páucar, 2004, p.2) “sur 10 touristes qui se rendent à Machu Picchu 8 vont à Cusco”. La ville de Lima est donc seulement un lieu de transit. cette notion tend vers “une série de valeurs qui sont fonction des objectifs de gestion pour un espace donné” (Deprest, 1997, p.51). Des approches différentes se sont multipliées elles concernent les limites acceptables du changement (LAC), les approches liées au management des sites (VIM). Ces principes sont améliorés régulièrement et de nouveaux outils viennent agrémenter la panoplie des mesures disponibles pour la gestion durable d’un site ou d’une région touristique. Dans ce contexte le concept d’optimum touristique de Lozato-Giotart (2003, p.306) peut être un cadre utile pour mettre en oeuvre un optimum marketing d’une destination touristique. La finalité est de créer des indicateurs et de les tester sur un site : le choix se porte sur le Sanctuaire Historique de Machu Picchu. Une autre approche développée depuis une trentaine d’années est celle liée à l’identification des problèmes et à leur résolution : pression/état/réponse. Cette approche est “simple et plait beaucoup aux décideurs” (Dubois & Céron, 2003, p.7) mais elle semble mal s’adapter à un système en mouvement car elle donne des réponses à un instant donné et en aucune façon répond aux contraintes liées à un système complexe. D’autres méthodes existent comme celle de l’évaluation des impacts (Impact Assessement Approach). Cette approche est davantage une procédure avec des étapes définies et clairement établies, comme, par exemple, l’inventaire, l’état des lieux politique, physique, économique et environnemental d’un site, les prévisions, pour aboutir à une sélection d’objectifs, alternatives et à l’implémentation. L’article, divisé en quatre parties, est le fruit d’un travail en cours de réalisation. Dans une première partie, selon le plan conceptuel nous définissons le concept d’optimum touristique tel que le présente Lozato-Giotart, il servira par la suite comme source d’inspiration pour créer des indicateurs marketing, dont les ébauches sont présentées dans la troisième partie. Enfin, dans la quatrième partie met en avant le terrain sur lequel nous testerons ces propositions. 1 -Tourisme et environnement Comme on peut le constater, des outils permettent une meilleure prise en compte du territoire touristique. Cependant l’écosystème étant par essence dynamique, il serait plus utile d’envisager ces méthodes avec une approche plus globale mettant le site touristique au cœur d’un système géographique complexe. Ainsi le développement durable ou soutenable pourrait être mis en œuvre. Il faut cependant noter que les termes mêmes de développement durable et de sustainable development sont aujourd’hui dépassés de part le manque d’aspects normatifs liés à ces notions (Dubois & Céron, 2003, p.3). L’essor du tourisme a engendré, durant les périodes de développement (dans les années soixante et soixante dix) des pratiques néfastes à l’environnement : la consommation de produits touristiques a induit une consumation des lieux (Desprest, 1997, p.26). Les perturbations des sites sur lesquels l’activité touristique s’est s’implantée sont parfois irréversibles, le néologisme baléarisation faisant même référence aux aménagements touristiques désastreux des Iles Baléares. La prise de conscience a été plus ou moins rapide, depuis le rapport Bruntland (Our Common Future), en 1987, mais les marchés (et la demande en général) tardent à mettre en application les termes de développement durable ou sustainable development. Une littérature abondante, notamment nord-américaine, fait d’ailleurs état des impacts du tourisme sur l’environnement. En outre, cette approche peut être mise en oeuvre à un niveau interne comme externe à chaque acteur de l’activité touristique. Par exemple, un opérateur peut réfléchir et développer sont site de façon à ce qu’elle soit rentable le plus longtemps possible sans pour cela que cela préserve l’environnement en aucune façon. Nous touchons donc là aux limites de cette notion. Très vite des outils permettant de mesurer et de minorer les impacts ont été développés. Parmi eux, citons la notion de « capacité de charge ». Cet outil initialement adapté aux parcs nationaux a rapidement débordé de son cadre pour mesurer différents impacts du tourisme liés aux aspects sociaux, économiques, purement physiques, voire politiques d’un lieu (c’est à dire la capacité à coordonner et à développer le tourisme sur un site donné). Selon la littérature nordaméricaine un nombre important de sujets ont été étudiés grâce à l’apport des mesures de capacité de charge (Murphy & Price, 2004, p.181). L’évolution de 1.1. Cadre conceptuel Le concept de tourisme durable ne fait donc pas l’unanimité et d’éminents chercheurs tels que Inskeep (1997), Pearce (1987), ou Lozato-Giotart (2003) évoquent plutôt la notion “d’optimum”, c’est à dire le point d’équilibre, qui permettra un développement touristique optimal. Cette approche tend donc à l’efficacité et, in fine, à une meilleure conduite du changement, l’optimum comme “la meilleure 2 De l’optimum touristique … Otto REGALADO-PEZUA & Martine FERRYAuteur utilisation possible d’une activité, d’un produit ou d’un environnement” (Lozato-Giotart & Balfet, 2004, p.348). L’optimisation d’une action, d’une production ou d’une idée dépend de l’objectif fixé au préalable (Lozato-Giotart & Balfet, 2004, p.348). L’identification des acteurs est la première étape. Chacun participe à l’ensemble de l’activité tout en recherchant à atteindre ses propres objectifs. Le dénominateur commun est bien sûr l’élaboration et la connaissance d’indicateurs qui permettront de trouver l’optimum. outre, les risques liés à l’activité peuvent pour un temps indéterminé détourner le public de certaines destinations. C’est pourquoi il est crucial de déterminer quels indicateurs sont valides pour telle ou telle situation. Le choix des indicateurs s’établira en fonction du contexte. Deux axes de travail sont à privilégier et doivent se dérouler en synergie : l’axe interne, et la recherche de l’optimum au niveau du contexte géographique. Comme le souligne Lozato-Giotart (Lozato-Giotart & Balfet, 2004, p.348), “selon les différents acteurs impliqués dans les activités touristiques, l’optimum recherché n’est pas forcément identique : les agents commerciaux, et les entreprises en général, sont avant tout à la recherche d’un optimum de rentabilité (ex.: le yield management) ; pour les offices du tourisme, comme la plupart des acteurs promotionnels, la satisfaction du touriste représente l’objectif principal” (Cf. Figure n°1). Autre intérêt majeur de cette méthode : elle peut s’appliquer non seulement à des produits touristiques existants ou à développer. Cette méthode “préopérationnelle” comme le souligne Lozato-Giotart (Lozato-Giotart & Balfet, 2004, p.354) permet de travailler ou retravailler la mise en tourisme d’un espace défini. Le contexte global ne varie pas quelque soit la phase dans laquelle s’inscrit la méthode, il s’agit de rendre soutenable plus que durable une opération ou un produit touristique. Cette notion de temps couplée à la viabilité est fondamentale pour l’activité touristique car cette dernière est “gourmande” en investissements lourds et demeure “avare” ou réfractaire aux retours sur investissements rapides. La multiplication de l’offre touristique, rendue accessible par les nouveaux canaux de distribution, ne fait qu’amplifier le phénomène. En Source: Lozato-Giotart 2003, p.306 i) Les indicateurs environnementaux Figure n°1.- L’optimum ou barycentre touristique Les indicateurs liés à l’environnement font état, en premier lieu, des ressources naturelles du site. Il s’agit Lozato-Giotart (Lozato-Giotart & Balfet, 2004, p.349) propose trois types d’indicateurs: 3 De l’optimum touristique … Otto REGALADO-PEZUA & Martine FERRYAuteur de mesurer les potentialités d’un site au travers ses ressources en eau, les ressources de l’écosystème (nombre d’espèces sur le site, flore...), de même la texture... Il semble essentiel de dépasser la simple mesure telle que définie par Wagar (cité par Deprest, 1997, p.47) qui mesure grâce à divers indicateurs environnementaux “le niveau d’usage récréatif qu’un lieu peut supporter en assurant le maintien de la qualité de la récréation”. En ce qui concerne notre terrain, l’idée serait de déterminer la capacité de charge de touristes qui peuvent se rendre à Machu Picchu ainsi qu´aux chemins Incas en même temps. Aussi nous pourrons évaluer le respect de la flore et la faune, la gestion de déchets et autres indicateurs applicables à la réalité locale. monde et un poste important dans la balance des paiements de beaucoup de pays. Le tourisme crée de nombreux emplois” (source : http://www.worldtourism.org/francais/newsroom/campaign/menu.htm). Dans le cas présent, de nombreux signes témoignent d’un certain développement économique de la zone de Machu Picchu. Néanmoins des indicateurs fiables permettraient d’établir un diagnostic au niveau économique. La croissance du village de Machu Picchu (Aguas calientes) ainsi que l´augmentation des hôtels et autres services liés à l’activité touristique est un témoignage du manque d’ambition favorable à un développement raisonné. ii) Les indicateurs humains Le cadre économique de l’optimum touristique tel que définit par Lozato-Giotart (2003, p.306) sera la structure d’accueil des indicateurs marketing à créer. L’objectif de cet article est donc double. D’une part l’évaluation de l’utilisation marketing d’un site mondialement connu et reconnu, grâce à la création d’indicateurs marketing (qui devront être testés sur le terrain). D’autre part, cette étude de terrain servira à mettre en avant et à communiquer sur les éventuels lacunes et besoins des acteurs touristiques locaux. Ainsi la communication sur le sujet permettra d’ouvrir le débat, rappelons que les indicateurs : “servent moins à évaluer ou à prendre des décisions qu’à communiquer et à sensibiliser les acteurs sur des enjeux, à partir d’éléments rigoureux, compréhensibles, et si possible synthétiques et appropriables par les acteurs” (Dubois & Céron, 2003, p.13). Ils mesurent le niveau de tolérance maximum que peut supporter un site touristique déterminé. Cette définition biologique de “carrying capacity” est aujourd’hui complétée par les aspects relatifs à la société d’accueil, y compris les interactions entre touristes et habitants. Il est intéressant de connaître la capacité de charge maximum de touristes que peut supporter la population locale. Dans le cas du Pérou cet indicateur est difficilement applicable du fait du flux de touristes encore insuffisant. Cependant, il faudra mesurer la quantité et la qualité de la main d’oeuvre nécessaire, en terme de formation, de niveau de langues, de qualité de service et de conscience touristique. L’intégration des politiques d’offres et de demandes au concept d’optimum est la prochaine étape qui permettra, grâce à la création d’indicateurs, d’envisager un optimum marketing. Le cadre sous lequel seront créé les indicateurs marketing dépend donc du contexte général des indicateurs économiques. iii) Les indicateurs économiques Les indicateurs économiques sont liés à l’investissement maximum que pourrait supporter un site touristique. Les méthodes d’évaluations des impacts économiques liées à l’activité touristique ont fait l’objet de nombreuses études tant au niveau macroéconomique qu’au niveau micro-économique. L’effet d’entraînement de l’activité du tourisme sur l’ensemble d’une économie donnée n’est plus à démontrer. Bien que les touristes soient des consommateurs temporaires (Leipzig, 2003 p.227), dans les espaces qu’ils visitent, ils dépensent toujours plus lorsqu’ils sont touristes que dans leurs vies quotidiennes sédentaires. De ce fait la présence de touristes a toujours des impacts économiques non négligeables. 1.2. L’optimum marketing Kotlas, Dubois et Manceau (2004, p.12) définissent le marketing comme “le mécanisme économique et social par lequel individus et groupes satisfont leurs besoins et désirs au moyen de la création et de l’échange avec autrui de produits et services de valeur”. Selon l’American Marketing Association le marketing consiste à “planifier et mettre en oeuvre l’élaboration, la tarification, la communication, et la distribution d’une idée, d’un produit, ou d’un service en vue d’un échange mutuellement satisfaisant pour les organisations comme les individus” (Cité para Kotler et al., 2004, p.13). L’Organisation Mondiale du Tourisme fait du tourisme un axe de développement économique prioritaire et lance une campagne sur le thème le tourisme source d’enrichissement : “Le tourisme international est le plus gros secteur exportateur du 5 De l’optimum touristique … Otto REGALADO-PEZUA & Martine FERRYAuteur Ces définitions mettent en avant les deux axes principaux du marketing que sont la demande et l’offre. Ce cadre étant établit les indicateurs utiles à l’évaluation marketing du site de référence devront prendre en compte ces deux aspects. Ainsi, il est indispensable de créer et de sélectionner les indicateurs valides concernant l’offre du site touristique. des touristes pour l’ascension pédestre, il sera souhaitable de démarcher un public connu pour sa pratique sportive. Le marché devrait alors répondre favorablement à cette promotion plus ciblée. L’analyse de la demande devra valider l’offre concernant la durée des séjours et la provenance des touristes. L’offre touristique du Pérou met en avant des séjours que les marchés émetteurs peuvent considérer comme longs 10-13 jours. Si les tendances observées sur les marchés émetteurs sont au morcellement des vacances au profit de courts séjours, l’indicateur marketing jouerait alors pleinement son rôle en faisant coïncider l’offre et la demande. En ce qui concerne la demande, c’est-à-dire les « touristes consommateurs », nous allons créer des indicateurs qui serviront à mesurer leur satisfaction globale. Par exemple, un questionnaire mis en place dans le train de retour de Machu Picchu à Cusco pourra aborder les questions concernant leur satisfaction par rapport au site même et aux services associés. Nous mesurerons également de cette manière la qualité de l’accueil perçu par les touristes. Les canaux de distribution seront mesurés selon les lieux où l’on peut se procurer des billets ; et le prix, par exemple, sera mesuré par rapport aux tarifs proposés en fonction des différentes attractions. Les mesures d’attractivité du site seront la pierre angulaire de la recherche de l’optimum marketing de l’offre touristique. Par exemple, une enquête dans les agences de voyages permettra de connaître le nombre de touristes qui s’intéressent au site. D’ores et déjà, les sondages de PromPerú nous révèlent que 50% des touristes qui arrivent au Pérou visitent le Machu Picchu. Une étude de la communication permettra par ailleurs de mesurer le nombre de fois où apparaît le nom de Machu Picchu sur les brochures de promotion du Pérou ; les photos seront également comptabilisées. Cet indicateur permettra de mettre en relief la place qu’occupe ce site dans l’offre touristique du pays. La partie suivante présente le lieu où seront testés les indicateurs marketing créées pour obtenir l’optimum marketing d’un site touristique : le site de Machu Picchu. 2 - Présentation du terrain : Le Machu Picchu La cité Inca a été découverte dès 1911, par l’historien et explorateur nord américain Hiram Bingham. Les activités touristiques et par conséquent, la mise en place des infrastructures et services nécessaires à sa visite se sont développées à partir de 1950. Au début des années 1980, le tourisme à Machu Picchu connaît une croissance rapide. Cependant, du fait des problèmes sociaux et économiques que traverse le Pérou à cette époque, l’activité touristique s’affaiblit notoirement. Malgré tout, un virage s’opère à partir de 1992 avec une tendance à la hausse de l’activité, croissance qui tend à se maintenir encore aujourd’hui. De même, nous étudierons si ce site figure ou non sur tous les produits touristiques, si ce n’est pas le cas nous mesurerons combien, ou quel pourcentage de séjours/voyages n’y fait pas référence. Les pays d’Amérique Centrale et du Sud développent le tourisme grâce à leurs nombreuses ressources naturelles. Le Pérou qui a la chance de posséder ce site unique ne doit cependant pas occulter ses propres atouts et richesses sous peine de voir son tourisme stagner voire régresser. Les millions de touristes qui se pressent à la Tour Eiffel savent bien que, quand bien même elle représente Paris, elle n’est pas Paris à elle toute seule ! L’analyse de l’image perçue par les touristes de Machu Picchu ne permettra sans doute pas au pays de sortir de la catégorie des « grands foyers culturels spécialisés et unipolaires » (Lozato-Giotart, 2003 p.164) mais permettra sans doute d’ouvrir le débat relatif à son devenir touristique. Le sanctuaire historique de Machu Picchu, situé dans une zone naturelle protégée de 32.595 hectares (Ponce, 2002, p.11) a été classé, en 1983, Patrimoine Culturel et Naturel de l’Humanité par l’UNESCO. Cette zone privilégiée a retenu l’attention du monde entier ainsi que l’ensemble de ses autres attributs culturels : la cité antique Inca de Machu Picchu, le secteur des chemins Inca, et plus de 35 sites archéologiques dispersés dans un environnement De même, l’analyse des visites et des visiteurs doit être mise en exergue. Dans le cas qui nous intéresse, l’utilisation du train ou d’autres moyens de transport (pédestres notamment) permettra de mieux cibler la clientèle. Si l’analyse des visiteurs démontre l’intérêt 6 De l’optimum touristique … Otto REGALADO-PEZUA & Martine FERRYAuteur 1 Les activités touristiques ne sont pas les seules à mettre en danger l’écosystème de Machu Picchu, en effet, l’agriculture et l’élevage réalisés à l’intérieur du sanctuaire ont provoqué des incendies forestiers, augmenté la déforestation –dû au besoin en combustible (laine), et la dégradation des zones de pâturage, ainsi que d’autres dommages. naturel abondant . Les lieux sont le réservoir d’une biodiversité importante. Selon les études menées par le PROFONANPE (2002a, 2002b, 2002c) les différentes espèces de flore et de faunes sont représentées avec une proportion beaucoup plus élevée que dans le reste du pays ; de plus, certaines d’entre elles sont rares ou connaissent un risque d’extinction très élevé (102 20%) . Il est certain que la solution à cette problématique est entre les mains des autorités gouvernementales, pour la vision stratégique, et des principaux acteurs locaux, dans la pratique. C’est la raison pour laquelle nous proposons le développement d’indicateurs marketing complémentaires aux indicateurs environnementaux, humains, et surtout aux indicateurs économiques tels que Lozato-Giotart les définit. L’accroissement du tourisme dit de « nature et culture » tend à augmenter l’intérêt apporté au sanctuaire historique de Machu Picchu. Le nombre d’entrées enregistrées durant l’année 2003 a dépassé les 500,000 visiteurs et l’on estime que 10 millions de personnes ont déjà été attirées par ce lieu si énigmatique. Il est évident que la présence croissante de touristes dans la région a eu un impact sur l’environnement proche : augmentation des quantités de déchets, des projets d’urbanisation, utilisation directe et non contrôlée des espaces qui représentent une plus grande attractivité naturelle ou touristique (principalement la cité Inca, la zone des chemins Inca, et quelques unes des forêts proches). A ce sujet, il est important de noter que la source de la rivière Vilcanota, qui traverse le sanctuaire, reçoit les résidus et eaux usées de la principale agglomération de la région… 3. Futures recherches Il s’agit d’une étude en cours de réalisation par conséquent les prochaines étapes de la recherche permettront : de corriger et d’affiner les indicateurs mis en place, de créer de nouveaux indicateurs complémentaires et surtout de les tester dans un site touristique de grande magnitude. Cette recherche est d’autant plus cruciale en cette période que le site risque d’être déclaré patrimoine de l’humanité en danger par l’UNESCO. Comme signalé précédemment le fait d’établir scientifiquement un diagnostic permettra sans doute d’obtenir le soutien des autorités et des acteurs opérationnels afin de mettre en pratique une phase plus raisonnée du développement touristique du site de Machu Picchu. Cette situation ajoutée à la vulnérabilité naturelle de son écosystème a entraîné un processus de détérioration qui menacent l’avenir et le potentiel d’exploitation des atouts naturels et culturels du sanctuaire historique de Machu Picchu. Sous cette menace, l’UNESCO, en coordination avec les autorités péruviennes, a sollicité la réalisation de diverses études d’évaluation et autres monitorats afin d’apprécier l’état actuel des ressources employées dans cette région protégée. Conclusions 1 Information du cadastre archéologique de l’Institut National de Culture de la ville de Cusco. 2 On retrouve dans la zone de Machu Picchu plus de 280 espèces d’orchidées, de nombreux bégonias, arbres et arbustes tels que la Qeuña (plus de cinq espèces de Polylepsis), le Pisonay (Erythrina falcata), la muña (Minthostachys glabrescens) et bien d’autres (Christenson et al., 2002; Taivonen et al., 2002). Outre cette grande diversité végétale, il faut noter que la faune est aussi très riche : 423 espèces d’oiseaux, parmi lesquelles le coq des roches (Rupicola peruviana), la dinde des montagnes (Penelope montagni), le canard des torrents(Merganetta armata), le condor (Vultur gryphus) et un oiseau très rare : le cucarachero inca (Thryothorus eisenmanni) (Fieldsa et al. 2001). Parmi les grands mammifères, on trouve également l’ours d’anteojos (Tremarctos ornatus), le puma (Puma concolor) et le cerf nain (Mazama chunnyl). Enfin, sont présents divers reptiles, batraciens et insectes(PROFONANPE, 2002b, 2002c). Les pays en voie de développement qui ont choisi l’option du tourisme comme axe de développement ne doivent pas perdre de vue les principes du développement durable. En ce sens le concept de l’optimum touristique proposé par Lozato-Giotart et la mise en place d’indicateurs permettra à ces destinations de se développer sous les principes d’un développement durable ou plus raisonné. En ce qui concerne le développement de l’optimum marketing et la création d’indicateurs adaptables à différentes réalités, cela permettra de proposer aux autorités gouvernementales un outil indispensable pour commercialiser ses sites touristiques. L’optimum touristique est une approche opérationnelle et 7 De l’optimum touristique … Otto REGALADO-PEZUA & Martine FERRYAuteur qualitative de l’activité touristique. L’optimum marketing permet d’ajouter une dimension humaine en intégrant le « touriste client » au cœur du dispositif lié au développement touristique. Le Machu Picchu est donc un terrain emblématique s’il en est pour mener à bien cette recherche. Global Tourism (2004) Edited by William F. Theobald, Third Edition, Elservier, Pour finir, l’objectif, une fois créées les indicateurs marketing, sera de déterminer la meilleure façon de les mesurer, soit qualitative et/ou quantitativement, et les généraliser dans un cadre théorique pour une utilisation par des destinations touristiques ayant une problématique similaire. L’optimum touristique devenant l’outil indispensable de l’équilibre touristique. Kotler, Ph. ; Dubois, B. & Manceau, D. (2004) Marketing Management. 11e édition, Pearson Education France, Paris. Hazebroucq, J-M. (1999) Management des projets de tourisme et de loisirs. Éditions Gaëtan Morin. Kotler, Ph.; Bowen, J. & Makens, J. 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