Le timbre comme support publicitaire pharmaceutique

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Le timbre comme support publicitaire pharmaceutique
Le timbre comme support publicitaire pharmaceutique
1926-1927
Philippe MEREAU
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Le timbre comme support publicitaire pharmaceutique 1926-1927
Philippe MÉREAU
Contact : [email protected]
Le décret du 14 avril 1923 permet à l’administration postale l’apport de publicités sur les marges des
timbres de carnets d’usage courant. A cette époque l’impression des couvertures des carnets incombe à Monsieur Courmont qui, de 1921 à 1937, va non seulement apporter les publicités sur les
quatre pages de couvertures d’un carnet, mais aussi ajouter des feuilles intercalaires et multiplier les
carnets avec publicités ou publicitimbres en fonction des régions.
En 1924, seules les couvertures des carnets sont pourvues de publicités médicales, chirurgicales ou
pharmaceutiques : Oxymenthol, cure à Pougues-les-eaux ou Vitamina aliment biologiquement complet …
En novembre 1924, les célèbres magasins du Louvre à Paris lancent une opération commerciale avec
un carnet privé ou plus exactement semi-privé de 10 timbres 25c semeuse camée. En effet toutes les
marges des timbres ainsi que la couverture sont dédiées à un seul annonceur.
Les magasins du Louvre donnent ce carnet aux concierges de Paris afin de promouvoir leurs cata-
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logues et leurs produits dès janvier 1925 [Fig. 1].
Figure 1 : lettre du 9 février 1925 pour une commande de vin. © Collection
privée avec autorisation.
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Le laboratoire Mauchant à Paris
NB : Attention, le timbre 10 c semeuse avec bande publicitaire Minéraline dont il est question ci-après ne doit
pas être confondu avec le 10 c semeuse vert imprimé en feuille de 100 en 1922, qui est différent : chiffre
maigre et chiffre gras, absence de point au-dessus de la ceinture, couleur vert jaune ou vert bleu en fonction
de la publicité. L'œil d'un expert fait la différence. Dans les catalogues philatéliques ces deux timbres portent
des références distinctes.
En 1924, le laboratoire pharmaceutique
Mauchant rachète la Minéraline du Dr
Baud [Fig. 2, 3], appartenant au laboratoire Chevallier, un pharmacien installé
dans le Marais, rue Aubriot à Paris.
Le siège social est situé au 14 rue de
Birague à Paris et l’usine se trouve 22
boulevard Camelinat ou boulevard circulaire d’Epinay à Gennevilliers et déménagera plus tard à Clichy en 1975. Ils
vont devenir les spécialistes de la poudre
à Bébé ou Talc.
Dans le livre Le bon Médecin publié en
1931 par le Dr Herbet, Edition Larousse,
on peut lire : « Il est des personnes qui
sont particulièrement sujettes à l'irritation de la peau, surtout en hiver. Si elles Figure 2 : carte d’échantillon Minéraline Collection privée avec
veulent continuer à prendre des bains,
autorisation.
elles doivent, après s'être séchées, s'enduire de glycérine neutre ou de glycérol d'amidon ou, encore,
d'une mixture telle que : Glycérine neutre (40 g),
Eau de roses (30 g), Eau distillée (80 g) (A em-
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ployer pure ou coupée d'eau) ou Lanoline (4 g),
Huile d'amandes douces, eau de chaux (15 g).
Poudrer ensuite avec de la poudre de talc ou de
Minéraline. »
Figure 3 : Boite de Minéraline, rue Birague.
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On remarquera aussi une publicité dans le petit Parisien datant du 11 novembre 1931 :
« NOUVEAU-NES Aucune peau n'est aussi fragile que celle des nouveau-nés. Pour leur toilette, il est
indispensable d'utiliser une poudre hygiénique parfaite qui calme et évite rougeurs, inflammations,
coupures et les mille bobos qui font souffrir cruellement les tout petits. Tous les médecins recommandent la MINERALINE, qui se trouve dans toutes les pharmacies au prix de fr. 7 50. »
En mars 1926, le laboratoire Mauchant cherche une idée ingénieuse pour promouvoir ses produits.
Ils décident de demander à Monsieur Courmont d’établir un carnet du même genre que le carnet du
Louvre et d’apposer leurs publicités sur les marges des timbres [Fig. 4, 5].
Figure 4 : Couverture du carnet Minéraline. © Collection de l’auteur.
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Figure 5 : Carnet complet de 10 timbres semeuse. Le panneau de gauche pouvait être collé sur la lettre de demande
d’échantillons. © Collection de l’auteur
Puisqu’il s’agit d’une commande spéciale, l’atelier du timbre a repris un ancien poinçon de semeuse à
10c dessiné par Louis Oscar Roty et gravé par Louis Eugène Mouchon. La première version est de 1919
mais de couleur rouge. L’impression sera réalisée le mardi 11 mai 1926. 20000 carnets de 10 timbres
à 10C semeuse vert type II sont envoyés auprès des médecins de France et de Navarre en espérant
une spectaculaire augmentation du nombre de prescriptions du principal remède de ce laboratoire.
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De plus ils intègrent à la couverture des carnets des feuillets intercalaires vantant leurs produits
pharmaceutiques [Fig. 6].
Figure 6 : feuillets intercalaires du carnet. © collection de l’auteur.
Pourquoi un timbre à 10c ?
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Soit cette valeur a été choisie par souci d’économie, soit pour émettre un carnet à 1 fr de l’époque ce
qui est un compte rond, soit pour coller plus de bandelettes publicitaires sur les lettres …
Les premiers carnets sont distribués en mai 1926. Malheureusement, les tarifs postaux français changent au 1er mai 1926 et cette valeur devient obsolète très rapidement.
Le tarif de 10 c pour l’imprimé de 20 g passe de 10 c à 15 c et celui de la lettre de 30 c à 40 c.
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Quoiqu’il en soit, on connaît aujourd’hui une carte avec 4 semeuse munies de leurs bandelettes Minéraline sur carte postale au tarif de 40 centimes de septembre 1926 et une lettre au tarif imprimé avec
ce même timbre mais taxée suite au changement de tarif au 1er mai (6 avril 1927) [Fig. 7].
Figure 7 : Lettre avec Minéraline. © collection privée avec autorisation.
D’autres plis sont connus mais avec des dates tardives et un affranchissement plus philatélique …
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Peut-on parler d’un échec commercial ?
Ce nouveau type publicitaire eut plus ou moins de succès : beaucoup de ces carnets ont été détruits
ou jetés : les médecins ont davantage pensé à de la publicité classique ou à des vignettes et ont jeté
ce carnet. D’autres ont été séduits et les ont conservé intacts et complets, ce qui fait
qu’aujourd’hui, il est plus facile de trouver des timbres neufs que des timbres oblitérés et encore
plus rarement sur lettre.
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Une fois que le médecin a utilisé deux voire trois timbres suivant le tarif pour demander des échantillons du fameux produit, que faire des 7 ou 8 autres restants ?
Les médecins pouvaient les utiliser pour leur courrier personnel mais très souvent, ils enlevaient les
bandelettes publicitaires au grand dam du laboratoire Mauchant. [Fig.8, 9].
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Figure 8 : carte postale avec timbres issus de carnet de Minéraline sans la bande publicitaire. © Collection
de l’auteur.
Figure 9 : carte postale avec timbres issus de carnet de Minéraline sans la bande publicitaire. © Collection
de l’auteur.
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Le pire pour ce laboratoire innovant en publicité est de voir ses propres timbres servir pour une demande d’échantillons de produits concurrents ! : On en connaît quelques exemplaires ! [Fig. 10].
Figure 10 : carte d’échantillons avec timbres de carnet Minéraline datée de 1934, sans bande publicitaire. © Collection privée avec autorisation.
Les collectionneurs
Côté philatélique, ces carnets sont passés quasiment inaperçus du public averti ou des collectionneurs.
Le premier référencement de ce carnet dans un catalogue de timbres date de 1928 (catalogues de
France et des colonies): « Les variétés de semeuse tirées pour les Minéraline ont désormais droit de
citer »
C’est ainsi que de nombreux philatélistes vont se consacrer à la collection des timbres publicitaires et
notamment à chercher ce carnet (8).
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De nombreuses petites annonces apparaissent dans les journaux :
« Je paye 75 francs le carnet Minéraline ou Phena écrire Dr… »
Un collectionneur annoncera un montant de 120 francs de l’époque soit environ 100 euro
d’aujourd’hui !
Le laboratoire Mauchant reçut beaucoup de demandes par courrier. Mais la réponse ne fut pas forcement celle qu’ils attendaient ! Les dates connues de ces documents sont : 21 février 1927, 2 juin
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1927, 25 juin 1927, 15 novembre et sans date en attente, soit environ un an après son édition …Deux
types de réponses différentes sont connus selon la demande provenant d’un docteur ou d’un collec-
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tionneur … [Fig. 11, 12].
Figure 11 : Lettre de réponse à un collectionneur du laboratoire Mauchant. © Collection privée avec autorisation.
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Figure 12 : Lettre de réponse à un médecin du laboratoire Mauchant. © Collection privée avec autorisation.
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Du fait de sa rareté et de la notoriété de ce timbre, il existe malheureusement des faux : couleur
plus claire, T de poste plus court, signature Roty illisible, barre du 10 plus courte …
Laboratoire Phena à Limoges
Un an plus tard, en 1927, le laboratoire Phena à Limoges décide lui aussi de promouvoir ses produits
pharmaceutiques notamment Phenaseptyl (pansements gynécologiques) par l’intermédiaire de publicitimbres.
De la même manière que les laboratoires Mauchant, les couvertures sont imprimées par Monsieur
Courmont et les timbres avec bandelettes publicitaires par l’atelier du timbre. On retrouve le même
type, c’est à dire le 10 c vert semeuse inscriptions fines. Les cartes de demande d’échantillons existaient déjà avant 1927 (oblitération connue en 1926). Par contre, ce carnet passe moins inaperçu que
son prédécesseur, grâce à une annonce parue dans un bulletin philatélique datant du début de 1927 :
« un de nos aimables lecteurs nous communique un 10 c vert type semeuse avec inscriptions maigres.
Comme celui connu pour la « Minéraline » il se présente en carnets réclame de 10 timbres mais cette
fois ce sont les « ovules Phena » qui l’ont utilisé. »
Ainsi ces carnets sont restés complets, non utilisés et rangés dans les collections.
La production sera de 12800 carnets de 10 timbres de 10 c semeuse vert type II et seront aussi envoyés auprès des médecins de France et de Navarre [Fig. 13, 14].
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Figure 13 : couverture de carnet Phena. © Collection de l’auteur.
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Figure 14 : carnet complet Phena. © Collection de l’auteur.
L’impression sera réalisée le mercredi 30 mars 1927 sur la presse n° 7 [Fig.15].
Figure 15 : Carnet Phena avec inscription de la date d’impression 30 mars 1927. © Collection de l’auteur.
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A l’intérieur du carnet, on trouve des publicité pour les ovules et le Phenaseptyl [Fig. 16].
Figure 16 : intérieur du carnet Phena. © Collection de l’auteur.
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Il existe trois cartes de demande d’échantillons en fonction de la couleur : chamois , rouge ou violette [Fig. 17, 18, 19].
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Figure 17 : carte (couleur chamois) de demande d’échantillon Phenaseptyl. Tarif à 20 centimes du 27
avril 1927, première série avec timbres de carnet Phena. © Collection de l’auteur.
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Figure 18 : carte (couleur rouge) de demande d’échantillon Phenaseptyl. Tarif à
25 centimes du 6 juillet 1927 deuxième série, concordance carte et timbre !! Avec
changement d’adresse (boite postale). © Collection privée avec autorisation.
Figure 19 : carte (couleur violette) de demande d’échantillon Phenaseptyl. Tarif à
40 c du 5 janvier 1937 troisième série avec le même recto que la première série.
© Collection de l’auteur.
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De la même manière que pour la Minéraline, les collectionneurs philatéliques ont envoyé des cour-
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riers auprès du laboratoire Phena pour obtenir un carnet avec cette réponse [Fig. 20] :
Figure 20 : réponse du laboratoire Phena à un client. © Collection privée avec autorisation.
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Pour terminer, des faux Phéna existent aussi sur le marché (dentelures grossières … aspect, mauvaise couleur, impression trompeuse).
Devant les abus des carnets privés dûe à la spéculation (tirages réduits, non distribution, ..), un carnet Phena se négociant jusqu’à 80 francs de l’époque au marché noir, l‘administration postale par
l’intermédiaire du sous-secrétaire d’état des P.T.T interdit le 29 aout 1929 l’émission des carnets semi
privés. Par contre, elle tolèra les carnets dits localisés qui furent aussi supprimés quelque temps plus
tard.
Bien sûr, je serai heureux de connaître d’autres pièces se rapportant à ce sujet, n’hésitez pas à me
contacter …
Un grand merci au collectionneur pour le prêt des documents !
Références
Carnets de France tome 1 Reynaud Coutan Yvert et Tellier 2004
Timbroscopie n° 35 avril 1987
Publicitimbres de France , Guillemet Girard, ACCP association 2015
Le bon Médecin, 1931, Dr Herbet, Edition Larousse
Le petit Parisien 11 novembre 1931
Philatelia timbre-poste 1928
Le collectionneur de timbres-poste 1926 maison Maury n° 500 à 504
Le messager philatélique 25 juin 1928
Pour détecter les faux Minéraline : http://www.timbres-experts.com/blogs/le-blog-philatelie-dechristian-calves-et-alain-jacquart/10648837-comment-detecter-un-faux-timbre-mineraline
Toute référence à cet article doit préciser :
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Mereau P. : Le timbre comme support publicitaire pharmaceutique 1926-1927. Clystère
(www.clystere.com), octobre 2016.
Mereau P. : Le timbre comme support publicitaire pharmaceutique 1926-1927. www.clystere.com, octobre 2016.