Comment appréhender la réorganisation d`un réseau de distribution

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Comment appréhender la réorganisation d`un réseau de distribution
Organisation de la distribution sélective dans le domaine de l’horlogerie
–Approche juridique –
INTRODUCTION :
La distribution des montres de marques est organisée par le biais de contrats de
distribution sélective pour la plupart des fournisseurs.
Eu égard à la nature des produits, ce choix correspond à une volonté des fournisseurs
d’organiser de façon qualitative la distribution et le service après-vente de ce type de
produits.
La sélection des distributeurs est basée sur des critères de nature qualitative (situation
du point de vente, exposition des produits, environnement de marques de prestige,
qualification du personnel de vente, qualité du service après-vente, etc…). Les
réflexions des fournisseurs semblent également s’orienter vers une sélection
complémentaire de nature quantitative visant à réduire le nombre de distributeurs.
Dans ce cadre, il convient de s’interroger sur les règles juridiques sur la base
desquelles une telle évolution peut être mise en œuvre.
Nous rappellerons en préambule les principes qui régissent la matière :
1) Le libre choix du mode de distribution par le fournisseur :
Le fournisseur est libre d’organiser la distribution de ses produits, sous réserve que les
modes de distribution mis en œuvre n’aient pas pour objet ou pour effet d’affecter le
fonctionnement du marché.
Il est loisible à une société de déterminer librement les conditions de distribution de ses
produits et de faire coexister au sein de son réseau de distribution plusieurs catégories
de distributeurs selon le type de relation commerciale qu’elle entretient avec eux, dès
lors qu’une telle pratique ne révèle aucune discrimination de nature anticoncurrentielle
[Cons. Conc., Avis n°04-A-14 du 23 juillet 2004 – voir également décision n°05-D-48
du 28 juillet 2005].
Ce principe général est justifié par le constat qu’un contrat de distribution (sélective
dans notre cas) ne constitue une entente prohibée que dans des conditions précises
et, notamment, si certaines clauses de l’accord ou leur mise en œuvre peuvent être
qualifiées d’anticoncurrentielles (ex : imposition du prix de revente).
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2) Le contrôle de ce choix par le droit de la concurrence :
a) Définition
Le règlement communautaire d’exemption n° 2790/99 (qui sera refondu dans quelques
semaines) définit la distribution sélective comme « un système de distribution dans
lequel le fournisseur s’engage à vendre les biens ou les services contractuels,
directement ou indirectement, uniquement à des distributeurs sélectionnés sur la base
de critères définis et dans lesquels ces distributeurs s’engagent à ne pas vendre ces
biens ou ces services à des distributeurs non agréés ».
La Commission européenne interprétant le règlement n° 2790/99 mentionné cidessous opère une distinction entre la distribution sélective qualitative et la distribution
sélective quantitative :
- Concernant la distribution sélective purement qualitative, elle considère que celle-ci
« ne produit pas d’effets préjudiciables à la concurrence pour autant que trois
conditions soient satisfaites :
1)
la nature du produit en question doit requérir un système de distribution
sélective, c'est-à-dire qu’un tel système doit constituer une exigence légitime eu
égard à la nature du produit concerné afin d’en préserver la qualité et d’en
assurer le bon usage.
2) Les revendeurs doivent être choisis sur la base de critères objectifs de
caractère qualitatif qui sont fixés de manière uniforme pour tous les revendeurs
potentiels et appliqués de façon non discriminatoire.
3) Les critères définis ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire ».
- En ce qui concerne la distribution sélective quantitative, elle ajoute d’autres critères
de sélection qui limitent directement ou indirectement le nombre potentiel de
revendeur. Elle peut en cela avoir des effets anticoncurrentiels en ce qu’elle réduit la
concurrence intra-marque par la réduction du nombre de distributeurs.
b) Méthodologie d’analyse concurrentielle en matière d’entente
L’Autorité de la concurrence en France (ou la Commission européenne selon le cas)
analyse les contrats de distribution sélective, dans le cadre des principes énoncés par
le règlement n° 2790/99 (Cf. ci-dessus) en appliquant la méthodologie suivante :
-
En premier lieu, elle vérifie si l’accord contient des clauses contenant des
restrictions caractérisées (autrement appelées « clauses noires »). En matière de
distribution sélective, elles sont au nombre de trois :
-
Restriction à la libre fixation du prix de revente par le distributeur.
-
Restriction des ventes actives ou passives vis-à-vis des consommateurs
imposée par le fournisseur aux distributeurs membres d’un réseau de
distribution sélective.
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Restriction des ventes croisées entre distributeurs appartenant au réseau de
distribution sélective.
-
Si l’accord contient l’une de ces clauses il sera, dans la plupart des cas, présumé
anticoncurrentiel quelque soit la part du marché du fournisseur et sanctionné en
tant que tel.
-
En second lieu, si l’accord ne contient pas de restriction caractérisée, c’est le
pouvoir de marché du fournisseur qui va déterminer le niveau du risque
concurrentiel résultant du contrat de distribution sélective :
-
Si le fournisseur détient, moins de 15% de part de marché, on présume
l’absence d’effet anticoncurrentiel du contrat de distribution sélective (voir par
ex. : Déc. Biotherm n°03-D-53 du 26 novembre 2003, Cons. Conc.).
-
Si la part du marché du fournisseur est comprise entre 15 et 30%, l’accord est
présumé conforme au droit de la concurrence dès lors qu’il respecte les
dispositions du règlement n°2790/99.
En matière de la distribution sélective cela signifie que les trois critères définis
ci-dessus (nature du produit, critère objectif, critère appliqué de façon nondiscriminatoire et proportionné) soient respectés et que l’accord ne contienne
aucune restriction caractérisée (« clauses noires »).
- Lorsque la part de marché du fournisseur est supérieure à 30%, l’accord de
distribution sélective n’est pas automatiquement condamnable, mais le
fournisseur doit être en mesure de produire un bilan concurrentiel permettant de
justifier ses choix en termes de critères de sélection qualitatifs et/ou quantitatifs à
la demande selon les cas de l’Autorité de concurrence française ou de la
Commission européenne.
Il doit justifier à ce titre que les quatre conditions prévues à l’article 101 § 3 du
Traité CE ou de l’article L. 421-4 du Code de commerce sont réunies :
-
contribuer « à améliorer la production ou la distribution des produits ou à
promouvoir le progrès technique … » ;
-
réserver « aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte … »
(l’avantage pouvant être pécuniaire ou qualitatif) ;
-
sans imposer aux entreprises intéressées « des restrictions qui ne sont pas
indispensables pour atteindre ces objectifs… » ;
-
sans donner aux entreprises « la possibilité pour une partie substantielle des
produits en cause d’éliminer la concurrence » sur le marché.
Le respect de ces quatre conditions cumulatives doit être démontré par le
fournisseur.
Cette démarche d’« auto-évaluation » par le fournisseur est donc beaucoup plus
lourde et complexe pour celui-ci.
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- Enfin même si la part de marché de chacun des fournisseurs pris isolément est
inférieure à 30 voire à 15%, les contrats de distribution sélective peuvent
cependant produire des effets concurrentiels négatifs dans l’hypothèse d’un
« effet cumulatif restrictif » liés à l’existence de contrat de distribution sélective
chez la majorité des fournisseurs.
Ainsi la Commission Européenne dans ses lignes directrices souligne
« lorsqu’une majorité des principaux fournisseurs appliquent la distribution
sélective, il peut en résulter un affaiblissement sensible de la concurrence entre
les marques, une éventuelle éviction de certains types de distributeurs et un
risque accru de collusion entre lesdits fournisseurs ».
Pour la Commission Européenne, ce risque sera d’autant plus fort que la
distribution sélective couvre plus de 50 % du marché de distribution des produits.
c) Abus de domination et/ou de dépendance économique :
Les modalités de mise en œuvre par un fournisseur d’un accord de distribution
sélective peuvent également être sanctionnées lorsque le fournisseur abuse par ce
biais de la position dominante qu’il occupe sur le marché vis-à-vis de distributeurs ou
de la dépendance économique de ceux-ci à son égard.
Pour analyser l’organisation de la distribution sélective dans le secteur de
l’horlogerie, il convient d’analyser en premier lieu, le contenu des critères de
sélection (I) et, en second lieu leurs effets possibles sur la concurrence ou les
contrats de distribution en cours (II).
I.- LE CONTENU DES CRITERES DE SELECTION
Deux impératifs s’imposent dans le choix des critères de sélection :
-
les critères doivent être définis avec précision pour permettre leur application
objective et non discriminatoire ;
-
les critères doivent être cohérents eu égard aux nécessités de la
commercialisation des produits (Cf : CJCE, 25 oct. 1977, Metro SBGrossmarkete GmbH & co. C SABA (GmbH, Recueil 1977, p. 1875 )
1-1 Des critères contractuellement définis
Les critères, qualitatifs comme quantitatifs, doivent être définis avec précision (art. 1d)
règlement 2790/99).
Cela signifie que leur contenu doit être explicité pour permettre :
-
aux distributeurs du réseau, ou ceux qui souhaiteraient l’intégrer, d’être en
mesure d’en apprécier la portée ;
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-
aux distributeurs de vérifier qu’ils leurs sont appliqués de manière uniforme.
A cet égard, ont été considérés comme n’étant pas suffisamment définis les critères :
-
de « distributeur idéal » ou de « coopération du distributeur » (CA Versailles 5
mars 1998, D. 1998, p. 340) dès lors qu’il est impossible de savoir, de manière
objective quel distributeur remplit ou non ces critères ;
-
de sélection en fonction de « possibilités locales de vente des produits
contractuels » dès lors que la manière de déterminer les possibilités locales de
vente n’est pas indiquée car « l’application de la clause ne peut, dans ces
conditions, s’effectuer que de manière subjective et discriminatoire » (CA Paris,
1ère chambre, 9 décembre 1997 Rolex, D. 1998, p. 340) ;
-
qui ne permettent «aucune définition objective des zones de chalandise, ni de
la méthode selon laquelle le taux maximum de densité des distributeurs est
uniformément appliqué, ni davantage des méthodes adoptées pour respecter
l'antériorité des demandes selon la zone concernée » (Paris, 5e ch. B, 29 nov.
2007, RG n° 05/16049, Société HBC c/ SA Cartier) ;
-
de numerus clausus stipulé sans justification car il permet de choisir sans
raison tel distributeur plutôt que tel autre parmi ceux qui répondraient pourtant
aux exigences qualitatives.
1.2 Des critères cohérents dans leur contenu
Les critères ainsi définis doivent, en outre, être cohérents ce qui signifie :
-
qu’ils doivent être proportionnés
commercialisation des produits ;
eu
égard
aux
exigences
de
la
-
qu’ils ne doivent pas être appliqués de façon discriminatoire à des distributeurs
plutôt qu’à d’autres car cela conduirait à démontrer leur absence de fondement.
1.2.1- La cohérence des critères qualitatifs
Les critères qualitatifs permettent de retenir les distributeurs sur la « base de critères
objectifs requis par la nature du produit tels que la formation du personnel de vente, le
service fourni dans le point de vente, l’assortiment des produits vendus etc. » (Lignes
directrices restrictions verticales pt. 185).
Dans ce cas, l’application de critères de sélection ne limite pas directement le nombre
des distributeurs sélectionnés.
Les critères qualitatifs doivent avoir pour seul objet de permettre de départager
les distributeurs aptes à commercialiser les produits d’horlogerie de ceux qui ne
le seraient pas.
Les lignes directrices précisent qu’en général la distribution sélective purement
qualitative est considérée comme licite car elle ne produit pas d’effets préjudiciables à
la concurrence, à condition toutefois que soit remplies trois exigences :
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-
la nature du produit requiert un système de distribution sélective afin d’en
préserver la qualité et le bon usage ;
-
les critères de sélection sont objectifs, fixés de manière uniforme et appliqués
de façon non discriminatoire ;
-
les critères définis ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire (lignes
directrices restrictions verticales pt. 185 ; TPICE, T-19-91, 27 février 1992,
Hygiène dermatologique de Vichy)
Ainsi, même si le fournisseur est libre d’organiser son réseau de distribution et donc
d’introduire de nouveaux critères de sélection qualitatifs, ceux-ci devront remplir ces
trois conditions.
a/ Des critères cohérents eu égard à la nature du produit :
Deux cas de figures peuvent se présenter :
-
les critères sont exigés par une règlementation ou un usage commercial : ils sont
forcément cohérents eu égard à la nature du produit ;
-
les critères sont imposés par le fournisseur en dehors de toute règlementation ou
usage : il faut alors apprécier au cas par cas leur pertinence eu égard à la nature
du produit.
Dans le secteur de l’horlogerie, il a été reconnu qu’en raison de la notoriété, la
complexité et la fragilité des produits, l’imposition d’un certain nombre d’exigences
qualitatives pour la distribution était justifiée.
Il a ainsi été jugé que « la vente, dans de bonnes conditions, d'articles d'horlogerie
d'une grande complexité technique requiert que ces articles soient vendus dans des
magasins spécialisés, par un personnel qualifié et dans des locaux permettant le
stockage, la présentation et la démonstration dans des conditions convenables »
Comm. CE, 21 déc. 1976, Junghans, JOCE 2 févr. 1977, no L 30).
Compte tenu de la nature des produits d’horlogerie, la pertinence des critères de
compétence et de standing est aisément reconnue. Il est donc envisageable de
procéder à une sélection basée sur :
-
la qualification professionnelle du personnel (ex : la présence d’un personnel
à formation d’horloger spécialiste dans l’atelier de réparation CA Paris, 1er
janvier 1991, Seiko c/ carrefour ; CA Paris, 1re ch., sect. A, 11 sept. 2000,
Gaz. Pal. 2001, somm., p. 1094) ;
-
la mise en œuvre d’un service après-vente des produits horlogers ;
-
la présence d’un atelier pour l’entretien et la réparation des produits
d’horlogerie ;
-
la localisation ou agencement du point de vente en adéquation avec l’image
de marque des produits d’horlogerie (Cons. Conc., déc. 03-D-60 relative à
des pratiques mises en œuvre dans le secteur de l’horlogerie de luxe, 17
décembre 2003, BOCCRF, 13 fev. 2004, JCP E 2004, 475) ;
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-
l’absence de vente d’autres marchandises susceptibles de porter atteinte à
l’image de la marque etc.
b/ Des critères cohérents eu égard aux exigences de la commercialisation des
produits :
En outre, les critères choisis ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour
la bonne commercialisation des produits.
Encore une fois, si les critères sont imposés par une réglementation particulière, ils
seront nécessairement considérés comme proportionnés. Si c’est le fournisseur qui les
impose, il lui appartiendra de démontrer au cas par cas que le critère se justifie pour la
commercialisation des produits.
Toutefois, serait considérée comme disproportionnée, une exigence qualitative
imposée aux seules fins d’exclure a priori une forme de commercialisation.
A ce titre, ont déjà été sanctionnés dans le secteur de l’horlogerie des critères
conduisant à exclure la grande distribution par l’introduction par exemple de clauses
dites des « vitrines en rez-de-chaussée » ou encore à réserver la distribution au seul
circuit de « l’horlogerie-bijouterie traditionnelle » (Cass. com., 21 oct. 1997, n° 9519419, Bull. civ., IV, n° 271 ; CA Paris, 9 décembre 1997, Rolex, précit. ; CA Paris, 29
juin 2004, BOCCRF, 30/09/04 ; Cons. Conc. déc n° 96-D-72 du 19 novembre 1996).
Au demeurant il est toujours possible que le fournisseur parvienne à démontrer, que
dans un cas particulier, un mode particulier de distribution serait inadapté à la
distribution de ses produits.
c/ Des critères appliqués de façon non-discriminatoire :
Il ne suffit pas que les critères qualitatifs soient cohérents eu égard à la nature du
produit et aux exigences de leur commercialisation, encore faut-il, enfin, qu’ils soient
appliqués de façon non-discriminatoire.
Cela conduit à exclure que le fournisseur puisse par exemple :
-
refuser de sélectionner les distributeurs en « n’exigeant pas de manière
uniforme la mise en place d’un atelier de réparation ni la présence d’un
horloger bijoutier, alors qu’il s’agit d’un critère qualitatif d’ordre professionnel,
justifié par la haute technicité des produits » (CA Paris 9 décembre 1997,
Rolex, D. 1998, p. 340) ;
-
appliquer aux distributeurs des critères qu’il ne respecte pas lui-même (CA
Paris, 8 juillet 1991, D., 1991 p. 226) ;
-
exiger que le distributeur fournisse un conseil à la clientèle alors que le
fournisseur vend lui-même par correspondance sans conseil (Cass. com., 26
octobre 1993, Bull. civ., IV, n° 368) ;
-
éliminer sans raison valable certains revendeurs qualifiés en limitant certains
mode de distribution des produits (CJCE, 3 juillet., 1985, aff. 243/83, Binon,
Rec. CJCE, p. 2015) ;
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-
refuser d’intégrer dans le réseau un distributeur au motif qu’il ne remplirait
pas une condition non imposée aux autres (CA Paris 22 septembre 1999,
Sté Biotherm, D. 2001, p. 300) ;
-
imposer une surface minimale de vente ou de disposition des produits dans
les vitrines sans l’appliquer à tous les distributeurs sélectionnés etc.
Pour vérifier l’application non discriminatoire des critères de sélection, le
fournisseur devra donc faire connaître les motifs concrets de son refus
d’agrément (Cass. com., 23 février 1993 n° 90-19.953).
Au demeurant, dans le secteur de l’horlogerie de luxe, l’Autorité de la concurrence, en
s’inspirant directement de l’analyse économique du règlement 2790/99 fondée sur le
seuil de part de marché, a parfois abandonné les griefs d’application discriminatoire
des critères du fait de la très faible part de marché du fournisseur, de l’absence de
restriction caractérisée et de la possibilité de vendre d’autres marques (Cons. Conc.,
déc. 03-D-60 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de l’horlogerie
de luxe, 17 décembre 2003, BOCCRF, 13 fev. 2004, JCP E 2004, 475).
1.2.2 - La cohérence des critères quantitatifs
La limitation de la sélection peut dépendre d’« autres critères de sélection qui limitent
plus directement le nombre potentiel de revendeurs agréés en imposant par exemple
un niveau de vente minimal ou maximal ou en limitant directement le nombre de
revendeur agréés ». (Lignes directrices sur les restrictions verticales, pt. 185).
L’introduction de tels critères conduirait à exclure certains distributeurs alors pourtant
qu’ils sont parfaitement aptes à distribuer des produits d’horlogerie.
Une telle éviction sur la base de critères quantitatifs se marie difficilement avec
l’économie d’une distribution sélective qui devrait en principe aboutir à l’exclusion des
seuls distributeurs qui ne sont pas aptes à commercialiser les produits…
Le fournisseur peut avoir recours à deux types de critères quantitatifs :
-
de critères quantitatifs directs : qui permettent de déterminer par exemple un
nombre maximum de revendeurs par nombre d’habitants dans chaque zone
géographique au-delà duquel il ne peut plus y avoir de nouveaux
distributeurs dans le réseau parce que le potentiel de chalandise de la zone
concernée deviendrait insuffisant ;
-
des critères quantitatifs indirect : qui permettent de limiter le nombre de
distributeurs dans le réseau en ne sélectionnant, par exemple, que ceux qui
s’engagent à un niveau de vente minimal ou maximal, à un
approvisionnement minimal ou encore à disposer en permanence d’un stock
minimal de produits.
La limitation quantitative n’est pas illicite en soi au regard des dispositions du
règlement 2790/99 (CA Paris, 9 novembre 2000, 5e Chambre B, Marley ct/ Rolex
France).
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Toutefois ce type de critère doit être objectif et appliqué de manière non
discriminatoire (CA Paris, 29 nov. 2007 RG n° 05/16049, Société HBC c/ SA
Cartier).
a/ Des critères objectifs
Le caractère objectif de la limitation quantitative signifie, permet de vérifier qu’elle est
justifiée par les nécessités d’une bonne commercialisation des produits.
Par exemple :
-
le fournisseur estime qu’au-delà d’un certain nombre de distributeurs dans
une même zone géographique le potentiel de chalandise serait trop réduit ;
-
ou encore (critère quantitatif indirect) que si un nombre minimum de stock de
produits n’est pas disponible chez le distributeur les clients ne disposeront
pas d’un choix suffisant.
Le fournisseur doit donc par exemple, « définir la zone de chalandise » et être en
mesure de fournir « la méthode adoptée pour déterminer l’évolution des
demandes » (CA Paris, 9 décembre 1997, D., 1998, p. 340).
Dans le secteur de l’horlogerie, des réseaux de distribution sélective comportant des
critères de sélection quantitative direct de type numerus clausus ont été validés en
considération de la technicité du produit en cause qui exige une relation très étroite
entre le producteur et le revendeur qui justifie qu’elle ne puisse pas être entretenue
avec un trop grand nombre de distributeurs (Comm. CE, 28 octobre 1970, Omega
JOCE n° L. 242, 5 nov. ; CA Paris, 9 novembre 2000, 5e Chambre B, Marley ct/ Rolex
France).
On pourrait toutefois s’interroger sur la possibilité d’introduire un critère de sélection
quantitatif de type direct dans le cas où par exemple les possibilités locales de ventes
seraient en nette augmentation… ( Cf : décision rendue avant l’entrée en vigueur du
règlement 2790/99 : Cass. com., 26 janv. 1999, Rolex c/ L’Hermine dans laquelle il a
été jugé que : « la limitation quantitative du nombre de distributeurs de produits
d’horlogerie dans une zone déterminée est injustifiée lorsque les possibilité locales de
vente sont en nette augmentation alors que le nombre de revendeurs agréés est en
diminution ». Attention toutefois car le contrôle qui s’exerce sur les critères quantitatifs
dans le cadre de l’exemption par catégorie du règlement 2790/99 semble avoir pour
seul objet de vérifier l’objectivité des critères et leur application non discriminatoire
sans toute fois permettre le contrôle du bien-fondé économique du critère quantitatif de
sélection).
Des critères conduisant à une limitation indirecte du nombre de distributeurs de
produits d’horlogerie sélectionnés ont également déjà été admis (Cons. Conc., déc. 03D-60 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de l’horlogerie de luxe,
17 décembre 2003, BOCCRF, 13 fev. 2004, JCP E 2004, 475)
De telles limitations peuvent consister par exemple dans :
-
l’exigence de disposer en permanence d’un stock minimal de produits pour
satisfaire les clients (Cons. Conc., déc. 03-D-60 relative à des pratiques
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mises en œuvre dans le secteur de l’horlogerie de luxe, 17 décembre 2003,
BOCCRF, 13 fev. 2004, JCP E 2004, 475) ;
-
ou de réaliser un chiffre d’affaire minimum (Comm. CE, 24 juillet 1992,
Givenchy, JOCE n° L. 236-11, 19 août.).
b/ Des critères appliqués sans discrimination
En outre, le critère quantitatif ne doit pas être appliqué aux distributeurs de façon
discriminatoire.
A cet égard, il a pu être retenu que le refus d’agrément motivé par l’existence d’un
nombre suffisant de distributeurs agréés dans une zone donnée n’était pas constitutif
d’une entente dès lors que le critère quantitatif posé avait été suffisamment justifié et
qu’aucun autre distributeur n’avait été agréé dans cette zone au détriment du candidat
(Cons. Cons., déc. n° 2000-D-61, 13 décembre 2000, Sté Bijouterie 6 Paradis
BOCCRF 30 dec.).
Au contraire, si d’autres distributeurs avaient été agréés dans la même zone après le
refus, une application discriminatoire aurait pu être relevée…
Il en est ainsi également par exemple lorsque :
-
le fournisseur ne justifie « d'aucune définition objective des zones de
chalandise, ni de la méthode selon laquelle le taux maximum de densité des
distributeurs est uniformément appliqué, ni davantage des méthodes
adoptées pour respecter l'antériorité des demandes selon la zone concernée
» (Paris, 5e ch. B, 29 nov. 2007, RG n° 05/16049, Société HBC c/ SA Cartier
; CCC 2008, Comm. n° 70, M. Malaurie-Vignal) ;
-
« les ratios du nombre de distributeurs par habitant dans les villes
comparables n’étaient pas appliqués par la société Y… de façon objective et
que la limitation imposée par elle dont le principe, n’était pas contesté n’était
pas appliqué de manière cohérente » (Cass. com., 4 mai 1999, n° 9622638) ;
-
« à défaut de détermination précise du critère de sélection quantitatif la
sélection ne peut s’effectuer que de manière subjective et discriminatoire »
(CA Paris, 9 décembre 1997, D., 1998, p. 340).
En résumé
• Le distributeur a la possibilité d’exiger la communication des critères de
sélection (notamment quantitatif).
•
-
Pour vérifier leur licéité il doit être attentif :
à leur définition et leur caractère suffisamment explicite ;
à leur cohérence eu égard à la nature du produit ;
au caractère non-discriminatoire de leur mise en œuvre.
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II.- LES CONSEQUENCES DE LA MISE EN ŒUVRE
DES NOUVEAUX CRITERES
DE SELECTION
La mise en œuvre de nouveaux critères de sélection est susceptible non seulement
d’effets sur la concurrence (A), mais également sur les contrats de distribution en cours
(B).
2.1 Les effets sur la concurrence
Sur la base des éléments qui viennent d’être développés il convient d’envisager quels
pourraient être les effets des nouveaux critères de sélection retenus. C’est en effet en
considération des effets néfastes possibles sur la concurrence que le réseau de
distribution sélective pourrait être sanctionné au titre d’une entente (I), d’un effet
cumulatif de réseau (II) ou encore d’un abus de domination collective (III).
2.1.1 - Un risque d’entente
Dès lors que les nouveaux critères ne répondraient pas aux exigences qui viennent
d’être rappelées, le réseau de distribution sélective pourrait être sanctionné sur le
fondement de l’entente.
En effet, le réseau de distribution sélective est analysé comme une entente
constituée entre le fournisseur et les distributeurs sélectionnés, même s’il n’y a
pas de relations contractuelles entre les différents distributeurs.
Ces accords ne sont pas constitutifs d’ententes si les critères de sélection sont
objectifs, n’ont pas pour objet ou pour effet d’exclure certaines formes de distribution et
sont appliqués de manière non discriminatoire.
Les accords peuvent bénéficier dans ce cas :
-
soit, du règlement CE n°2790/99, en dessous de 30% de part de marché du
fournisseur ;
-
soit, d’un bilan économique positif au-delà de 30 % lorsque le fournisseur démontre
que 4 conditions cumulatives sont remplies :
-
une contribution au progrès économique ;
-
le caractère indispensable des restrictions ;
-
le bénéfice des consommateurs ;
-
le maintien d’une concurrence sur le marché (art. 101§ 3 CE ou L. 420-4
C. com.).
En cas d’entente anticoncurrentielle, outre la sanction civile de l’acte qui entraîne la
nullité de la clause ou de l’accord à l’origine de la pratique ainsi que la réparation du
préjudice subi par les victimes, sont également encourues :
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-
des sanctions administratives : paiement d’une amende maximale d’un
montant égal à 10 % de son chiffre d’affaires mondial
-
nullité des clauses et/ou des contrats illicites
-
des sanctions pénales : La personne physique qui a pris une part
personnelle et déterminante dans la conception, l’organisation ou la mise en
œuvre d’une entente illicite encourt une peine d’emprisonnement de 4 ans
et le paiement d’une amende pénale de 75 000 €. Le montant de l’amende
s’élève à 375 000 € pour une personne morale.
2.1.2 - Un risque d’effet cumulatif de réseaux
Toutefois, même si l’analyse de chacun des nouveaux critères conduisait à établir la
licéité du réseau de distribution au regard du règlement 2790/99 une telle licéité ne
serait pas pour autant acquise même si la part de marché du fournisseur était
inférieure aux seuils indiqués ci-dessus (cf. p 3).
Sa remise en cause pourrait en effet procéder de la constatation d’un éventuel effet
cumulatif de réseaux. En effet, une restriction de concurrence même peu sensible
peut tout de même être sanctionnée sur le fondement des articles L. 420-1 du Code de
commerce et 101§3 du TFUE en raison de l’effet de blocage du marché auquel elle
participe.
L’effet cumulatif de réseaux résulte de la conclusion d’un grand nombre de
contrats similaires imposés par un nombre réduit de fournisseurs pouvant
conduire à affecter la concurrence.
Pour vérifier l’existence d’un tel effet cumulatif de réseaux, les lignes directrices
précisent qu’il convient de tenir compte à la fois :
-
de la position de chaque fournisseur sur le marché,
-
et du nombre de réseaux similaires sur le marché (Lignes directrices pt. 187
et 188).
La Commission précise qu’il est :
-
« peu probable qu’un effet cumulatif se manifeste si la part de marché
couverte par la distribution sélective est inférieure à 50 % » ;
-
« peu probable qu’un problème se pose lorsque le taux de couverture du
marché dépasse 50%, si la part de marchée cumulée détenue par les cinq
fournisseurs les plus importants n’atteint pas 50% » (Lignes directrices pt.
189).
Lorsque ces deux seuils sont cumulativement dépassés, l’appréciation dépend encore
« du fait que les cinq principaux fournisseurs appliquent ou non la distribution
sélective ».
En effet, « plus la position des concurrents n’appliquant pas la distribution sélective est
forte, moins il est probable que d’autres distributeurs soient évincés. Si les cinq
FIDAL – Confidentiel Avocat – 19 mars 2010
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principaux fournisseurs appliquent tous la distribution sélective, les lignes directrices
soulignent que des problèmes de concurrence peuvent particulièrement se poser pour
les accords qui recourent à des critères de sélection quantitative en limitant
directement le nombre de distributeurs sélectionnés » (Lignes directrices pt. 189).
Pour apprécier la contribution individuelle de chaque fournisseur, on considère en
général qu’un fournisseur dont la part de marché est inférieure à 5% ne contribue pas
de manière significative à l’effet cumulatif (Lignes directrices pt. 189).
Il s’agira donc de procéder à une analyse concrète de l’effet que pourrait produire sur
le marché l’ensemble des réseaux de distribution sélective (CJCE, 28 février 1991, aff.
C-234/89, Stergios Délimitis c/ Henninger Braü, Rec. CJCE 1991, I, p. 935 ; Cass.
com., 24 novembre 2009, n° 08-16259, SAS Brasseries Kronenbourg c/ SARL JBEG).
Selon la segmentation de marché retenue, ces seuils pourraient intéresser la
distribution sélective sur le marché de l’horlogerie et conduire au retrait du bénéfice de
l’exemption par catégorie (article 8 du règlement 2790/99)…
Au demeurant, le retrait de l’exemption n’entraine pas en soi l’illicéité du réseau mais
rend nécessaire la démonstration d’un bilan concurrentiel positif (101§3 du TFUE et
420-4 du Code de commerce).
2.1.3 - Un risque de domination collective
La sanction du réseau de distribution sélective pourrait également intervenir sur le
fondement d’un éventuel abus de domination (article 102 TFUE et L. 420-2 du Code de
commerce).
L’existence d’une position dominante « individuelle » est en général relevée lorsqu’une
entreprise détient une part de marché supérieure ou égale à 50 %.
Toutefois, aux termes de la jurisprudence (TPICE, 6 juin 2002, Airtours c/ First Choice,
aff. T-342/99 Rec. CJCE II, p. 2585) une position dominante peut également être
identifiée pour une part de marché inférieure à 50% lorsque sont réunis les critères de :
-
transparence : « chaque membre de l’oligopole doit pouvoir connaître le
comportement des autres membre » ;
-
coercition : « il doit exister une incitation à ne pas s’écarter de la ligne de
conduite commune sur le marché » pour « maintenir dans la durée » la
position dominante ;
-
indifférence au marché : « la réaction prévisible des concurrents actuels et
potentiels ainsi que des consommateurs [ne doit pas remettre] en cause les
résultats attendus de la ligne d’action commune ».
Ainsi, s’il apparaissait que sur le marché de l’horlogerie, ces conditions étaient réunies,
parce que :
-
chacun des membres des réseaux différents connait le comportement des
autres,
-
il existerait une possibilité d’exercer des représailles sur les entreprises
déviant de la ligne commune …
FIDAL – Confidentiel Avocat – 19 mars 2010
13
-
… dont les résultats attendus ne sont pas susceptibles d’être affectés par la
réaction des concurrents ou des consommateurs,
Une position collective dominante pourrait être retenue.
Toutefois, la position dominante collective n’est pas en soi illicite. Seul est sanctionné
l’abus d’une telle position.
L’abus peut notamment consister dans la mise en place de pratiques discriminatoires
telle que par exemple une politique d’éviction d’un certain nombre de distributeurs pour
maintenir une politique de prix élevés au détriment du consommateur.
La Commission développe dans sa communication de 2009 (2009/C 45/02) pour
l'application de 102 du TFUE aux pratiques abusives des entreprises dominantes, la
notion d’ « éviction anticoncurrentielle », « situation dans laquelle un accès effectif des
concurrents actuels ou potentiels aux sources d’approvisionnement ou aux marchés
est entravé ou supprimé sous l’effet du comportement de l’entreprise dominante, ce qui
va probablement permettre à cette dernière d’augmenter rentablement les prix au
détriment des consommateurs ».
Les manifestations d’un abus pourraient également notamment résulter d’une politique
de prix, de la limitation des débouchés sur le marché ou encore d’une politique de
fidélisation de la clientèle.
Dans le cas où un tel abus de position dominante serait relevé, il entraînerait le retrait
de l’exemption.
En cas d’abus de position dominante caractérisé, l’entreprise encourt les mêmes
sanctions qu’en cas d’entente, c'est-à-dire, outre les sanctions civiles entrainant la
nullité de la clause ou de l’accord se rapportant à la pratique ainsi que la réparation du
préjudice subi par les victimes, des sanctions administratives et pénales.
En résumé :
•
-
Un risque d’entente est peu probable dès lors :
que les critères de sélection choisis pour la distribution des produits
horlogers dont licites ;
et que la part de marché du fournisseur ne dépasse pas 30%.
•
-
Un risque d’effet cumulatif de réseaux ne peut être négligé dès lors que :
de nombreux contrats similaires existent sur le marché ;
la part de marché des fournisseurs concernés dépasse 5% pour chacun
d’entre eux.
•
-
Un risque d’abus de position dominante collective doit être envisagé si :
des critères de sélections similaires sont retenus par les autres fournisseurs
de produits horloger sur le marché ;
et que les comportements des entreprises membres du réseau reflètent une
même ligne d’action sur le marché et sont abusifs.
-
FIDAL – Confidentiel Avocat – 19 mars 2010
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2.2 Les effets sur les contrats de distribution en cours
La résiliation d’un contrat à durée indéterminée est a priori justifiée quand elle est
dictée par la réorganisation du réseau (Cass. com., 19 janvier 1983, n° 81-13345 ;
cass. com., 2 décembre 2008, n° 07-19775).
La modification des critères de sélection sera imposée aux distributeurs (d’autant plus
s’ils s’agit de critères quantitatifs avec lesquels il est impossible de se mettre en
conformité) et conduira souvent à la rupture ou au non renouvellement des contrats de
distribution dès lors que pour ne pas discriminer ses distributeurs, le fournisseur est
tenu de se séparer de tous ceux qui ne rempliraient plus les nouveaux critères.
Toutefois, la rupture devra avoir lieu sans brutalité (I), ni abus (II).
2.2.1 - Un risque de brutalité
La rupture d’un contrat de distribution sélective consécutive à la réorganisation du
réseau ne peut intervenir qu’à l’expiration d’un délai de préavis. Une telle exigence a
été expressément consacrée par l’article L. 442-6, I. 5° du Code de commerce.
Ainsi, la rupture sans préavis du contrat est considérée comme abusive et
engage la responsabilité de son auteur.
Il importe peu dans ce cas, que la résiliation intervienne à la suite d’un refus par le
distributeur des modifications de son contrat proposées par le fournisseur (Cass. com.,
2 juillet 1979, n° 78-11280).
L’article 442-6, I., 5) dispose que la durée de préavis doit tenir compte de la durée du
contrat. Une telle durée est librement appréciée par les juges du fond.
Toutefois, il ressort de la jurisprudence que de manière prioritaire le critère retenu est
celui de l’ancienneté des relations.
A cet égard, certaines tendances apparaissent dans la jurisprudence : le délai de
préavis nécessaire apparaît de l’ordre de 12 à 18 mois au-delà de 10 ans de relations
et de 3 à 12 mois entre 2 et 9 ans de relations (Rapport CEPC 2009).
Au-delà de ce critère, pour apprécier le caractère suffisant ou non d’un préavis de
rupture, sont également envisagées les possibilités de reconversion de la victime de la
rupture :
-
la nature des produits ou des services (technicité etc.) ;
-
la notoriété des produits ;
-
les investissements réalisés par le fournisseur dans le cadre de la relation
commerciale ;
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-
la progression régulière du chiffre d’affaires ;
-
la dépendance économique de la « victime » à l’égard de l’auteur de la
rupture ;
-
le temps nécessaire à l’écoulement du stock etc.
L’évaluation du préjudice subi par la victime de la rupture se fait le plus souvent en
fonction de la durée de préavis dont elle n’a pas pu bénéficier du fait de la brutalité de
la rupture. Les juges calculent généralement le montant de l’indemnisation à partir de
la marge brute moyenne sur cette période.
Au demeurant, même si la durée du préavis était fixée dans le contrat, le risque d’abus
dans la rupture ne pourrait pas être écarté si cette durée était manifestement
insuffisante.
2.2.2 - un risque d’abus dans la rupture
Lorsqu’elle est assortie du respect d’un délai de préavis suffisant, la rupture du contrat
de distribution sélective, motivée par la nécessité de réorganiser le réseau, ne saurait
être considérée comme abusive en elle-même.
Le fournisseur n’est en principe pas tenu de justifier les raisons qui le
conduisent à rompre le contrat.
Cependant, en matière de distribution sélective dès lors qu’il commettrait une
discrimination s’il ne sélectionnait pas un distributeur répondant pourtant aux nouveaux
critères posés, le fournisseur pourrait être amené à justifier la résiliation ou le refus de
renouvellement du contrat pour démontrer son absence de caractère discriminatoire.
Lorsque le fournisseur donne un motif erroné, la rupture n’est pas pour autant abusive.
Toutefois, l’inexactitude des motifs peut dans certains cas revêtir une telle gravité
qu’elle équivaut à un abus de droit, ou le moins à un manquement au devoir de loyauté
édicté par l’article 1134 alinéa 1er du Code civil. On peut donc s’interroger sur la
possibilité de sanctionner l’absence de réalité de la réorganisation du réseau de
distribution sur le fondement de l’abus.
Au demeurant, la rupture pourrait également être abusive en dépit de son motif si le
fournisseur ne respectait pas les conditions du contrat encore en cours ou soumettait à
des conditions discriminatoires le distributeur pendant la période de préavis (Cass.
com. 2 décembre 2008, n° 07-18775).
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En résumé :
• le distributeur qui se voit imposer de nouveaux critères de sélection doit
pouvoir bénéficier du temps nécessaire pour se mettre en conformité avec ceuxci ;
•
-
en cas de rupture du contrat le distributeur :
doit bénéficier d’un délai de préavis suffisant eu égard particulièrement à la
durée de la relation rompue ;
si le motif de la rupture est donné par le fournisseur celui-ci ne doit pas être
erroné, et conduire à une application discriminatoire des critères de
sélection.
Paris, le 19 mars 2010
Dominique Ferré
Avocat Associé
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