Comment appréhender la réorganisation d`un réseau de distribution
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Comment appréhender la réorganisation d`un réseau de distribution
Organisation de la distribution sélective dans le domaine de l’horlogerie –Approche juridique – INTRODUCTION : La distribution des montres de marques est organisée par le biais de contrats de distribution sélective pour la plupart des fournisseurs. Eu égard à la nature des produits, ce choix correspond à une volonté des fournisseurs d’organiser de façon qualitative la distribution et le service après-vente de ce type de produits. La sélection des distributeurs est basée sur des critères de nature qualitative (situation du point de vente, exposition des produits, environnement de marques de prestige, qualification du personnel de vente, qualité du service après-vente, etc…). Les réflexions des fournisseurs semblent également s’orienter vers une sélection complémentaire de nature quantitative visant à réduire le nombre de distributeurs. Dans ce cadre, il convient de s’interroger sur les règles juridiques sur la base desquelles une telle évolution peut être mise en œuvre. Nous rappellerons en préambule les principes qui régissent la matière : 1) Le libre choix du mode de distribution par le fournisseur : Le fournisseur est libre d’organiser la distribution de ses produits, sous réserve que les modes de distribution mis en œuvre n’aient pas pour objet ou pour effet d’affecter le fonctionnement du marché. Il est loisible à une société de déterminer librement les conditions de distribution de ses produits et de faire coexister au sein de son réseau de distribution plusieurs catégories de distributeurs selon le type de relation commerciale qu’elle entretient avec eux, dès lors qu’une telle pratique ne révèle aucune discrimination de nature anticoncurrentielle [Cons. Conc., Avis n°04-A-14 du 23 juillet 2004 – voir également décision n°05-D-48 du 28 juillet 2005]. Ce principe général est justifié par le constat qu’un contrat de distribution (sélective dans notre cas) ne constitue une entente prohibée que dans des conditions précises et, notamment, si certaines clauses de l’accord ou leur mise en œuvre peuvent être qualifiées d’anticoncurrentielles (ex : imposition du prix de revente). FIDAL – Confidentiel Avocat – 19 mars 2010 1 2) Le contrôle de ce choix par le droit de la concurrence : a) Définition Le règlement communautaire d’exemption n° 2790/99 (qui sera refondu dans quelques semaines) définit la distribution sélective comme « un système de distribution dans lequel le fournisseur s’engage à vendre les biens ou les services contractuels, directement ou indirectement, uniquement à des distributeurs sélectionnés sur la base de critères définis et dans lesquels ces distributeurs s’engagent à ne pas vendre ces biens ou ces services à des distributeurs non agréés ». La Commission européenne interprétant le règlement n° 2790/99 mentionné cidessous opère une distinction entre la distribution sélective qualitative et la distribution sélective quantitative : - Concernant la distribution sélective purement qualitative, elle considère que celle-ci « ne produit pas d’effets préjudiciables à la concurrence pour autant que trois conditions soient satisfaites : 1) la nature du produit en question doit requérir un système de distribution sélective, c'est-à-dire qu’un tel système doit constituer une exigence légitime eu égard à la nature du produit concerné afin d’en préserver la qualité et d’en assurer le bon usage. 2) Les revendeurs doivent être choisis sur la base de critères objectifs de caractère qualitatif qui sont fixés de manière uniforme pour tous les revendeurs potentiels et appliqués de façon non discriminatoire. 3) Les critères définis ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire ». - En ce qui concerne la distribution sélective quantitative, elle ajoute d’autres critères de sélection qui limitent directement ou indirectement le nombre potentiel de revendeur. Elle peut en cela avoir des effets anticoncurrentiels en ce qu’elle réduit la concurrence intra-marque par la réduction du nombre de distributeurs. b) Méthodologie d’analyse concurrentielle en matière d’entente L’Autorité de la concurrence en France (ou la Commission européenne selon le cas) analyse les contrats de distribution sélective, dans le cadre des principes énoncés par le règlement n° 2790/99 (Cf. ci-dessus) en appliquant la méthodologie suivante : - En premier lieu, elle vérifie si l’accord contient des clauses contenant des restrictions caractérisées (autrement appelées « clauses noires »). En matière de distribution sélective, elles sont au nombre de trois : - Restriction à la libre fixation du prix de revente par le distributeur. - Restriction des ventes actives ou passives vis-à-vis des consommateurs imposée par le fournisseur aux distributeurs membres d’un réseau de distribution sélective. FIDAL – Confidentiel Avocat – 19 mars 2010 2 Restriction des ventes croisées entre distributeurs appartenant au réseau de distribution sélective. - Si l’accord contient l’une de ces clauses il sera, dans la plupart des cas, présumé anticoncurrentiel quelque soit la part du marché du fournisseur et sanctionné en tant que tel. - En second lieu, si l’accord ne contient pas de restriction caractérisée, c’est le pouvoir de marché du fournisseur qui va déterminer le niveau du risque concurrentiel résultant du contrat de distribution sélective : - Si le fournisseur détient, moins de 15% de part de marché, on présume l’absence d’effet anticoncurrentiel du contrat de distribution sélective (voir par ex. : Déc. Biotherm n°03-D-53 du 26 novembre 2003, Cons. Conc.). - Si la part du marché du fournisseur est comprise entre 15 et 30%, l’accord est présumé conforme au droit de la concurrence dès lors qu’il respecte les dispositions du règlement n°2790/99. En matière de la distribution sélective cela signifie que les trois critères définis ci-dessus (nature du produit, critère objectif, critère appliqué de façon nondiscriminatoire et proportionné) soient respectés et que l’accord ne contienne aucune restriction caractérisée (« clauses noires »). - Lorsque la part de marché du fournisseur est supérieure à 30%, l’accord de distribution sélective n’est pas automatiquement condamnable, mais le fournisseur doit être en mesure de produire un bilan concurrentiel permettant de justifier ses choix en termes de critères de sélection qualitatifs et/ou quantitatifs à la demande selon les cas de l’Autorité de concurrence française ou de la Commission européenne. Il doit justifier à ce titre que les quatre conditions prévues à l’article 101 § 3 du Traité CE ou de l’article L. 421-4 du Code de commerce sont réunies : - contribuer « à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique … » ; - réserver « aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte … » (l’avantage pouvant être pécuniaire ou qualitatif) ; - sans imposer aux entreprises intéressées « des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs… » ; - sans donner aux entreprises « la possibilité pour une partie substantielle des produits en cause d’éliminer la concurrence » sur le marché. Le respect de ces quatre conditions cumulatives doit être démontré par le fournisseur. Cette démarche d’« auto-évaluation » par le fournisseur est donc beaucoup plus lourde et complexe pour celui-ci. FIDAL – Confidentiel Avocat – 19 mars 2010 3 - Enfin même si la part de marché de chacun des fournisseurs pris isolément est inférieure à 30 voire à 15%, les contrats de distribution sélective peuvent cependant produire des effets concurrentiels négatifs dans l’hypothèse d’un « effet cumulatif restrictif » liés à l’existence de contrat de distribution sélective chez la majorité des fournisseurs. Ainsi la Commission Européenne dans ses lignes directrices souligne « lorsqu’une majorité des principaux fournisseurs appliquent la distribution sélective, il peut en résulter un affaiblissement sensible de la concurrence entre les marques, une éventuelle éviction de certains types de distributeurs et un risque accru de collusion entre lesdits fournisseurs ». Pour la Commission Européenne, ce risque sera d’autant plus fort que la distribution sélective couvre plus de 50 % du marché de distribution des produits. c) Abus de domination et/ou de dépendance économique : Les modalités de mise en œuvre par un fournisseur d’un accord de distribution sélective peuvent également être sanctionnées lorsque le fournisseur abuse par ce biais de la position dominante qu’il occupe sur le marché vis-à-vis de distributeurs ou de la dépendance économique de ceux-ci à son égard. Pour analyser l’organisation de la distribution sélective dans le secteur de l’horlogerie, il convient d’analyser en premier lieu, le contenu des critères de sélection (I) et, en second lieu leurs effets possibles sur la concurrence ou les contrats de distribution en cours (II). I.- LE CONTENU DES CRITERES DE SELECTION Deux impératifs s’imposent dans le choix des critères de sélection : - les critères doivent être définis avec précision pour permettre leur application objective et non discriminatoire ; - les critères doivent être cohérents eu égard aux nécessités de la commercialisation des produits (Cf : CJCE, 25 oct. 1977, Metro SBGrossmarkete GmbH & co. C SABA (GmbH, Recueil 1977, p. 1875 ) 1-1 Des critères contractuellement définis Les critères, qualitatifs comme quantitatifs, doivent être définis avec précision (art. 1d) règlement 2790/99). Cela signifie que leur contenu doit être explicité pour permettre : - aux distributeurs du réseau, ou ceux qui souhaiteraient l’intégrer, d’être en mesure d’en apprécier la portée ; FIDAL – Confidentiel Avocat – 19 mars 2010 4 - aux distributeurs de vérifier qu’ils leurs sont appliqués de manière uniforme. A cet égard, ont été considérés comme n’étant pas suffisamment définis les critères : - de « distributeur idéal » ou de « coopération du distributeur » (CA Versailles 5 mars 1998, D. 1998, p. 340) dès lors qu’il est impossible de savoir, de manière objective quel distributeur remplit ou non ces critères ; - de sélection en fonction de « possibilités locales de vente des produits contractuels » dès lors que la manière de déterminer les possibilités locales de vente n’est pas indiquée car « l’application de la clause ne peut, dans ces conditions, s’effectuer que de manière subjective et discriminatoire » (CA Paris, 1ère chambre, 9 décembre 1997 Rolex, D. 1998, p. 340) ; - qui ne permettent «aucune définition objective des zones de chalandise, ni de la méthode selon laquelle le taux maximum de densité des distributeurs est uniformément appliqué, ni davantage des méthodes adoptées pour respecter l'antériorité des demandes selon la zone concernée » (Paris, 5e ch. B, 29 nov. 2007, RG n° 05/16049, Société HBC c/ SA Cartier) ; - de numerus clausus stipulé sans justification car il permet de choisir sans raison tel distributeur plutôt que tel autre parmi ceux qui répondraient pourtant aux exigences qualitatives. 1.2 Des critères cohérents dans leur contenu Les critères ainsi définis doivent, en outre, être cohérents ce qui signifie : - qu’ils doivent être proportionnés commercialisation des produits ; eu égard aux exigences de la - qu’ils ne doivent pas être appliqués de façon discriminatoire à des distributeurs plutôt qu’à d’autres car cela conduirait à démontrer leur absence de fondement. 1.2.1- La cohérence des critères qualitatifs Les critères qualitatifs permettent de retenir les distributeurs sur la « base de critères objectifs requis par la nature du produit tels que la formation du personnel de vente, le service fourni dans le point de vente, l’assortiment des produits vendus etc. » (Lignes directrices restrictions verticales pt. 185). Dans ce cas, l’application de critères de sélection ne limite pas directement le nombre des distributeurs sélectionnés. Les critères qualitatifs doivent avoir pour seul objet de permettre de départager les distributeurs aptes à commercialiser les produits d’horlogerie de ceux qui ne le seraient pas. Les lignes directrices précisent qu’en général la distribution sélective purement qualitative est considérée comme licite car elle ne produit pas d’effets préjudiciables à la concurrence, à condition toutefois que soit remplies trois exigences : FIDAL – Confidentiel Avocat – 19 mars 2010 5 - la nature du produit requiert un système de distribution sélective afin d’en préserver la qualité et le bon usage ; - les critères de sélection sont objectifs, fixés de manière uniforme et appliqués de façon non discriminatoire ; - les critères définis ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire (lignes directrices restrictions verticales pt. 185 ; TPICE, T-19-91, 27 février 1992, Hygiène dermatologique de Vichy) Ainsi, même si le fournisseur est libre d’organiser son réseau de distribution et donc d’introduire de nouveaux critères de sélection qualitatifs, ceux-ci devront remplir ces trois conditions. a/ Des critères cohérents eu égard à la nature du produit : Deux cas de figures peuvent se présenter : - les critères sont exigés par une règlementation ou un usage commercial : ils sont forcément cohérents eu égard à la nature du produit ; - les critères sont imposés par le fournisseur en dehors de toute règlementation ou usage : il faut alors apprécier au cas par cas leur pertinence eu égard à la nature du produit. Dans le secteur de l’horlogerie, il a été reconnu qu’en raison de la notoriété, la complexité et la fragilité des produits, l’imposition d’un certain nombre d’exigences qualitatives pour la distribution était justifiée. Il a ainsi été jugé que « la vente, dans de bonnes conditions, d'articles d'horlogerie d'une grande complexité technique requiert que ces articles soient vendus dans des magasins spécialisés, par un personnel qualifié et dans des locaux permettant le stockage, la présentation et la démonstration dans des conditions convenables » Comm. CE, 21 déc. 1976, Junghans, JOCE 2 févr. 1977, no L 30). Compte tenu de la nature des produits d’horlogerie, la pertinence des critères de compétence et de standing est aisément reconnue. Il est donc envisageable de procéder à une sélection basée sur : - la qualification professionnelle du personnel (ex : la présence d’un personnel à formation d’horloger spécialiste dans l’atelier de réparation CA Paris, 1er janvier 1991, Seiko c/ carrefour ; CA Paris, 1re ch., sect. A, 11 sept. 2000, Gaz. Pal. 2001, somm., p. 1094) ; - la mise en œuvre d’un service après-vente des produits horlogers ; - la présence d’un atelier pour l’entretien et la réparation des produits d’horlogerie ; - la localisation ou agencement du point de vente en adéquation avec l’image de marque des produits d’horlogerie (Cons. Conc., déc. 03-D-60 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de l’horlogerie de luxe, 17 décembre 2003, BOCCRF, 13 fev. 2004, JCP E 2004, 475) ; FIDAL – Confidentiel Avocat – 19 mars 2010 6 - l’absence de vente d’autres marchandises susceptibles de porter atteinte à l’image de la marque etc. b/ Des critères cohérents eu égard aux exigences de la commercialisation des produits : En outre, les critères choisis ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour la bonne commercialisation des produits. Encore une fois, si les critères sont imposés par une réglementation particulière, ils seront nécessairement considérés comme proportionnés. Si c’est le fournisseur qui les impose, il lui appartiendra de démontrer au cas par cas que le critère se justifie pour la commercialisation des produits. Toutefois, serait considérée comme disproportionnée, une exigence qualitative imposée aux seules fins d’exclure a priori une forme de commercialisation. A ce titre, ont déjà été sanctionnés dans le secteur de l’horlogerie des critères conduisant à exclure la grande distribution par l’introduction par exemple de clauses dites des « vitrines en rez-de-chaussée » ou encore à réserver la distribution au seul circuit de « l’horlogerie-bijouterie traditionnelle » (Cass. com., 21 oct. 1997, n° 9519419, Bull. civ., IV, n° 271 ; CA Paris, 9 décembre 1997, Rolex, précit. ; CA Paris, 29 juin 2004, BOCCRF, 30/09/04 ; Cons. Conc. déc n° 96-D-72 du 19 novembre 1996). Au demeurant il est toujours possible que le fournisseur parvienne à démontrer, que dans un cas particulier, un mode particulier de distribution serait inadapté à la distribution de ses produits. c/ Des critères appliqués de façon non-discriminatoire : Il ne suffit pas que les critères qualitatifs soient cohérents eu égard à la nature du produit et aux exigences de leur commercialisation, encore faut-il, enfin, qu’ils soient appliqués de façon non-discriminatoire. Cela conduit à exclure que le fournisseur puisse par exemple : - refuser de sélectionner les distributeurs en « n’exigeant pas de manière uniforme la mise en place d’un atelier de réparation ni la présence d’un horloger bijoutier, alors qu’il s’agit d’un critère qualitatif d’ordre professionnel, justifié par la haute technicité des produits » (CA Paris 9 décembre 1997, Rolex, D. 1998, p. 340) ; - appliquer aux distributeurs des critères qu’il ne respecte pas lui-même (CA Paris, 8 juillet 1991, D., 1991 p. 226) ; - exiger que le distributeur fournisse un conseil à la clientèle alors que le fournisseur vend lui-même par correspondance sans conseil (Cass. com., 26 octobre 1993, Bull. civ., IV, n° 368) ; - éliminer sans raison valable certains revendeurs qualifiés en limitant certains mode de distribution des produits (CJCE, 3 juillet., 1985, aff. 243/83, Binon, Rec. CJCE, p. 2015) ; FIDAL – Confidentiel Avocat – 19 mars 2010 7 - refuser d’intégrer dans le réseau un distributeur au motif qu’il ne remplirait pas une condition non imposée aux autres (CA Paris 22 septembre 1999, Sté Biotherm, D. 2001, p. 300) ; - imposer une surface minimale de vente ou de disposition des produits dans les vitrines sans l’appliquer à tous les distributeurs sélectionnés etc. Pour vérifier l’application non discriminatoire des critères de sélection, le fournisseur devra donc faire connaître les motifs concrets de son refus d’agrément (Cass. com., 23 février 1993 n° 90-19.953). Au demeurant, dans le secteur de l’horlogerie de luxe, l’Autorité de la concurrence, en s’inspirant directement de l’analyse économique du règlement 2790/99 fondée sur le seuil de part de marché, a parfois abandonné les griefs d’application discriminatoire des critères du fait de la très faible part de marché du fournisseur, de l’absence de restriction caractérisée et de la possibilité de vendre d’autres marques (Cons. Conc., déc. 03-D-60 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de l’horlogerie de luxe, 17 décembre 2003, BOCCRF, 13 fev. 2004, JCP E 2004, 475). 1.2.2 - La cohérence des critères quantitatifs La limitation de la sélection peut dépendre d’« autres critères de sélection qui limitent plus directement le nombre potentiel de revendeurs agréés en imposant par exemple un niveau de vente minimal ou maximal ou en limitant directement le nombre de revendeur agréés ». (Lignes directrices sur les restrictions verticales, pt. 185). L’introduction de tels critères conduirait à exclure certains distributeurs alors pourtant qu’ils sont parfaitement aptes à distribuer des produits d’horlogerie. Une telle éviction sur la base de critères quantitatifs se marie difficilement avec l’économie d’une distribution sélective qui devrait en principe aboutir à l’exclusion des seuls distributeurs qui ne sont pas aptes à commercialiser les produits… Le fournisseur peut avoir recours à deux types de critères quantitatifs : - de critères quantitatifs directs : qui permettent de déterminer par exemple un nombre maximum de revendeurs par nombre d’habitants dans chaque zone géographique au-delà duquel il ne peut plus y avoir de nouveaux distributeurs dans le réseau parce que le potentiel de chalandise de la zone concernée deviendrait insuffisant ; - des critères quantitatifs indirect : qui permettent de limiter le nombre de distributeurs dans le réseau en ne sélectionnant, par exemple, que ceux qui s’engagent à un niveau de vente minimal ou maximal, à un approvisionnement minimal ou encore à disposer en permanence d’un stock minimal de produits. La limitation quantitative n’est pas illicite en soi au regard des dispositions du règlement 2790/99 (CA Paris, 9 novembre 2000, 5e Chambre B, Marley ct/ Rolex France). FIDAL – Confidentiel Avocat – 19 mars 2010 8 Toutefois ce type de critère doit être objectif et appliqué de manière non discriminatoire (CA Paris, 29 nov. 2007 RG n° 05/16049, Société HBC c/ SA Cartier). a/ Des critères objectifs Le caractère objectif de la limitation quantitative signifie, permet de vérifier qu’elle est justifiée par les nécessités d’une bonne commercialisation des produits. Par exemple : - le fournisseur estime qu’au-delà d’un certain nombre de distributeurs dans une même zone géographique le potentiel de chalandise serait trop réduit ; - ou encore (critère quantitatif indirect) que si un nombre minimum de stock de produits n’est pas disponible chez le distributeur les clients ne disposeront pas d’un choix suffisant. Le fournisseur doit donc par exemple, « définir la zone de chalandise » et être en mesure de fournir « la méthode adoptée pour déterminer l’évolution des demandes » (CA Paris, 9 décembre 1997, D., 1998, p. 340). Dans le secteur de l’horlogerie, des réseaux de distribution sélective comportant des critères de sélection quantitative direct de type numerus clausus ont été validés en considération de la technicité du produit en cause qui exige une relation très étroite entre le producteur et le revendeur qui justifie qu’elle ne puisse pas être entretenue avec un trop grand nombre de distributeurs (Comm. CE, 28 octobre 1970, Omega JOCE n° L. 242, 5 nov. ; CA Paris, 9 novembre 2000, 5e Chambre B, Marley ct/ Rolex France). On pourrait toutefois s’interroger sur la possibilité d’introduire un critère de sélection quantitatif de type direct dans le cas où par exemple les possibilités locales de ventes seraient en nette augmentation… ( Cf : décision rendue avant l’entrée en vigueur du règlement 2790/99 : Cass. com., 26 janv. 1999, Rolex c/ L’Hermine dans laquelle il a été jugé que : « la limitation quantitative du nombre de distributeurs de produits d’horlogerie dans une zone déterminée est injustifiée lorsque les possibilité locales de vente sont en nette augmentation alors que le nombre de revendeurs agréés est en diminution ». Attention toutefois car le contrôle qui s’exerce sur les critères quantitatifs dans le cadre de l’exemption par catégorie du règlement 2790/99 semble avoir pour seul objet de vérifier l’objectivité des critères et leur application non discriminatoire sans toute fois permettre le contrôle du bien-fondé économique du critère quantitatif de sélection). Des critères conduisant à une limitation indirecte du nombre de distributeurs de produits d’horlogerie sélectionnés ont également déjà été admis (Cons. Conc., déc. 03D-60 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de l’horlogerie de luxe, 17 décembre 2003, BOCCRF, 13 fev. 2004, JCP E 2004, 475) De telles limitations peuvent consister par exemple dans : - l’exigence de disposer en permanence d’un stock minimal de produits pour satisfaire les clients (Cons. Conc., déc. 03-D-60 relative à des pratiques FIDAL – Confidentiel Avocat – 19 mars 2010 9 mises en œuvre dans le secteur de l’horlogerie de luxe, 17 décembre 2003, BOCCRF, 13 fev. 2004, JCP E 2004, 475) ; - ou de réaliser un chiffre d’affaire minimum (Comm. CE, 24 juillet 1992, Givenchy, JOCE n° L. 236-11, 19 août.). b/ Des critères appliqués sans discrimination En outre, le critère quantitatif ne doit pas être appliqué aux distributeurs de façon discriminatoire. A cet égard, il a pu être retenu que le refus d’agrément motivé par l’existence d’un nombre suffisant de distributeurs agréés dans une zone donnée n’était pas constitutif d’une entente dès lors que le critère quantitatif posé avait été suffisamment justifié et qu’aucun autre distributeur n’avait été agréé dans cette zone au détriment du candidat (Cons. Cons., déc. n° 2000-D-61, 13 décembre 2000, Sté Bijouterie 6 Paradis BOCCRF 30 dec.). Au contraire, si d’autres distributeurs avaient été agréés dans la même zone après le refus, une application discriminatoire aurait pu être relevée… Il en est ainsi également par exemple lorsque : - le fournisseur ne justifie « d'aucune définition objective des zones de chalandise, ni de la méthode selon laquelle le taux maximum de densité des distributeurs est uniformément appliqué, ni davantage des méthodes adoptées pour respecter l'antériorité des demandes selon la zone concernée » (Paris, 5e ch. B, 29 nov. 2007, RG n° 05/16049, Société HBC c/ SA Cartier ; CCC 2008, Comm. n° 70, M. Malaurie-Vignal) ; - « les ratios du nombre de distributeurs par habitant dans les villes comparables n’étaient pas appliqués par la société Y… de façon objective et que la limitation imposée par elle dont le principe, n’était pas contesté n’était pas appliqué de manière cohérente » (Cass. com., 4 mai 1999, n° 9622638) ; - « à défaut de détermination précise du critère de sélection quantitatif la sélection ne peut s’effectuer que de manière subjective et discriminatoire » (CA Paris, 9 décembre 1997, D., 1998, p. 340). En résumé • Le distributeur a la possibilité d’exiger la communication des critères de sélection (notamment quantitatif). • - Pour vérifier leur licéité il doit être attentif : à leur définition et leur caractère suffisamment explicite ; à leur cohérence eu égard à la nature du produit ; au caractère non-discriminatoire de leur mise en œuvre. FIDAL – Confidentiel Avocat – 19 mars 2010 10 II.- LES CONSEQUENCES DE LA MISE EN ŒUVRE DES NOUVEAUX CRITERES DE SELECTION La mise en œuvre de nouveaux critères de sélection est susceptible non seulement d’effets sur la concurrence (A), mais également sur les contrats de distribution en cours (B). 2.1 Les effets sur la concurrence Sur la base des éléments qui viennent d’être développés il convient d’envisager quels pourraient être les effets des nouveaux critères de sélection retenus. C’est en effet en considération des effets néfastes possibles sur la concurrence que le réseau de distribution sélective pourrait être sanctionné au titre d’une entente (I), d’un effet cumulatif de réseau (II) ou encore d’un abus de domination collective (III). 2.1.1 - Un risque d’entente Dès lors que les nouveaux critères ne répondraient pas aux exigences qui viennent d’être rappelées, le réseau de distribution sélective pourrait être sanctionné sur le fondement de l’entente. En effet, le réseau de distribution sélective est analysé comme une entente constituée entre le fournisseur et les distributeurs sélectionnés, même s’il n’y a pas de relations contractuelles entre les différents distributeurs. Ces accords ne sont pas constitutifs d’ententes si les critères de sélection sont objectifs, n’ont pas pour objet ou pour effet d’exclure certaines formes de distribution et sont appliqués de manière non discriminatoire. Les accords peuvent bénéficier dans ce cas : - soit, du règlement CE n°2790/99, en dessous de 30% de part de marché du fournisseur ; - soit, d’un bilan économique positif au-delà de 30 % lorsque le fournisseur démontre que 4 conditions cumulatives sont remplies : - une contribution au progrès économique ; - le caractère indispensable des restrictions ; - le bénéfice des consommateurs ; - le maintien d’une concurrence sur le marché (art. 101§ 3 CE ou L. 420-4 C. com.). En cas d’entente anticoncurrentielle, outre la sanction civile de l’acte qui entraîne la nullité de la clause ou de l’accord à l’origine de la pratique ainsi que la réparation du préjudice subi par les victimes, sont également encourues : FIDAL – Confidentiel Avocat – 19 mars 2010 11 - des sanctions administratives : paiement d’une amende maximale d’un montant égal à 10 % de son chiffre d’affaires mondial - nullité des clauses et/ou des contrats illicites - des sanctions pénales : La personne physique qui a pris une part personnelle et déterminante dans la conception, l’organisation ou la mise en œuvre d’une entente illicite encourt une peine d’emprisonnement de 4 ans et le paiement d’une amende pénale de 75 000 €. Le montant de l’amende s’élève à 375 000 € pour une personne morale. 2.1.2 - Un risque d’effet cumulatif de réseaux Toutefois, même si l’analyse de chacun des nouveaux critères conduisait à établir la licéité du réseau de distribution au regard du règlement 2790/99 une telle licéité ne serait pas pour autant acquise même si la part de marché du fournisseur était inférieure aux seuils indiqués ci-dessus (cf. p 3). Sa remise en cause pourrait en effet procéder de la constatation d’un éventuel effet cumulatif de réseaux. En effet, une restriction de concurrence même peu sensible peut tout de même être sanctionnée sur le fondement des articles L. 420-1 du Code de commerce et 101§3 du TFUE en raison de l’effet de blocage du marché auquel elle participe. L’effet cumulatif de réseaux résulte de la conclusion d’un grand nombre de contrats similaires imposés par un nombre réduit de fournisseurs pouvant conduire à affecter la concurrence. Pour vérifier l’existence d’un tel effet cumulatif de réseaux, les lignes directrices précisent qu’il convient de tenir compte à la fois : - de la position de chaque fournisseur sur le marché, - et du nombre de réseaux similaires sur le marché (Lignes directrices pt. 187 et 188). La Commission précise qu’il est : - « peu probable qu’un effet cumulatif se manifeste si la part de marché couverte par la distribution sélective est inférieure à 50 % » ; - « peu probable qu’un problème se pose lorsque le taux de couverture du marché dépasse 50%, si la part de marchée cumulée détenue par les cinq fournisseurs les plus importants n’atteint pas 50% » (Lignes directrices pt. 189). Lorsque ces deux seuils sont cumulativement dépassés, l’appréciation dépend encore « du fait que les cinq principaux fournisseurs appliquent ou non la distribution sélective ». En effet, « plus la position des concurrents n’appliquant pas la distribution sélective est forte, moins il est probable que d’autres distributeurs soient évincés. Si les cinq FIDAL – Confidentiel Avocat – 19 mars 2010 12 principaux fournisseurs appliquent tous la distribution sélective, les lignes directrices soulignent que des problèmes de concurrence peuvent particulièrement se poser pour les accords qui recourent à des critères de sélection quantitative en limitant directement le nombre de distributeurs sélectionnés » (Lignes directrices pt. 189). Pour apprécier la contribution individuelle de chaque fournisseur, on considère en général qu’un fournisseur dont la part de marché est inférieure à 5% ne contribue pas de manière significative à l’effet cumulatif (Lignes directrices pt. 189). Il s’agira donc de procéder à une analyse concrète de l’effet que pourrait produire sur le marché l’ensemble des réseaux de distribution sélective (CJCE, 28 février 1991, aff. C-234/89, Stergios Délimitis c/ Henninger Braü, Rec. CJCE 1991, I, p. 935 ; Cass. com., 24 novembre 2009, n° 08-16259, SAS Brasseries Kronenbourg c/ SARL JBEG). Selon la segmentation de marché retenue, ces seuils pourraient intéresser la distribution sélective sur le marché de l’horlogerie et conduire au retrait du bénéfice de l’exemption par catégorie (article 8 du règlement 2790/99)… Au demeurant, le retrait de l’exemption n’entraine pas en soi l’illicéité du réseau mais rend nécessaire la démonstration d’un bilan concurrentiel positif (101§3 du TFUE et 420-4 du Code de commerce). 2.1.3 - Un risque de domination collective La sanction du réseau de distribution sélective pourrait également intervenir sur le fondement d’un éventuel abus de domination (article 102 TFUE et L. 420-2 du Code de commerce). L’existence d’une position dominante « individuelle » est en général relevée lorsqu’une entreprise détient une part de marché supérieure ou égale à 50 %. Toutefois, aux termes de la jurisprudence (TPICE, 6 juin 2002, Airtours c/ First Choice, aff. T-342/99 Rec. CJCE II, p. 2585) une position dominante peut également être identifiée pour une part de marché inférieure à 50% lorsque sont réunis les critères de : - transparence : « chaque membre de l’oligopole doit pouvoir connaître le comportement des autres membre » ; - coercition : « il doit exister une incitation à ne pas s’écarter de la ligne de conduite commune sur le marché » pour « maintenir dans la durée » la position dominante ; - indifférence au marché : « la réaction prévisible des concurrents actuels et potentiels ainsi que des consommateurs [ne doit pas remettre] en cause les résultats attendus de la ligne d’action commune ». Ainsi, s’il apparaissait que sur le marché de l’horlogerie, ces conditions étaient réunies, parce que : - chacun des membres des réseaux différents connait le comportement des autres, - il existerait une possibilité d’exercer des représailles sur les entreprises déviant de la ligne commune … FIDAL – Confidentiel Avocat – 19 mars 2010 13 - … dont les résultats attendus ne sont pas susceptibles d’être affectés par la réaction des concurrents ou des consommateurs, Une position collective dominante pourrait être retenue. Toutefois, la position dominante collective n’est pas en soi illicite. Seul est sanctionné l’abus d’une telle position. L’abus peut notamment consister dans la mise en place de pratiques discriminatoires telle que par exemple une politique d’éviction d’un certain nombre de distributeurs pour maintenir une politique de prix élevés au détriment du consommateur. La Commission développe dans sa communication de 2009 (2009/C 45/02) pour l'application de 102 du TFUE aux pratiques abusives des entreprises dominantes, la notion d’ « éviction anticoncurrentielle », « situation dans laquelle un accès effectif des concurrents actuels ou potentiels aux sources d’approvisionnement ou aux marchés est entravé ou supprimé sous l’effet du comportement de l’entreprise dominante, ce qui va probablement permettre à cette dernière d’augmenter rentablement les prix au détriment des consommateurs ». Les manifestations d’un abus pourraient également notamment résulter d’une politique de prix, de la limitation des débouchés sur le marché ou encore d’une politique de fidélisation de la clientèle. Dans le cas où un tel abus de position dominante serait relevé, il entraînerait le retrait de l’exemption. En cas d’abus de position dominante caractérisé, l’entreprise encourt les mêmes sanctions qu’en cas d’entente, c'est-à-dire, outre les sanctions civiles entrainant la nullité de la clause ou de l’accord se rapportant à la pratique ainsi que la réparation du préjudice subi par les victimes, des sanctions administratives et pénales. En résumé : • - Un risque d’entente est peu probable dès lors : que les critères de sélection choisis pour la distribution des produits horlogers dont licites ; et que la part de marché du fournisseur ne dépasse pas 30%. • - Un risque d’effet cumulatif de réseaux ne peut être négligé dès lors que : de nombreux contrats similaires existent sur le marché ; la part de marché des fournisseurs concernés dépasse 5% pour chacun d’entre eux. • - Un risque d’abus de position dominante collective doit être envisagé si : des critères de sélections similaires sont retenus par les autres fournisseurs de produits horloger sur le marché ; et que les comportements des entreprises membres du réseau reflètent une même ligne d’action sur le marché et sont abusifs. - FIDAL – Confidentiel Avocat – 19 mars 2010 14 2.2 Les effets sur les contrats de distribution en cours La résiliation d’un contrat à durée indéterminée est a priori justifiée quand elle est dictée par la réorganisation du réseau (Cass. com., 19 janvier 1983, n° 81-13345 ; cass. com., 2 décembre 2008, n° 07-19775). La modification des critères de sélection sera imposée aux distributeurs (d’autant plus s’ils s’agit de critères quantitatifs avec lesquels il est impossible de se mettre en conformité) et conduira souvent à la rupture ou au non renouvellement des contrats de distribution dès lors que pour ne pas discriminer ses distributeurs, le fournisseur est tenu de se séparer de tous ceux qui ne rempliraient plus les nouveaux critères. Toutefois, la rupture devra avoir lieu sans brutalité (I), ni abus (II). 2.2.1 - Un risque de brutalité La rupture d’un contrat de distribution sélective consécutive à la réorganisation du réseau ne peut intervenir qu’à l’expiration d’un délai de préavis. Une telle exigence a été expressément consacrée par l’article L. 442-6, I. 5° du Code de commerce. Ainsi, la rupture sans préavis du contrat est considérée comme abusive et engage la responsabilité de son auteur. Il importe peu dans ce cas, que la résiliation intervienne à la suite d’un refus par le distributeur des modifications de son contrat proposées par le fournisseur (Cass. com., 2 juillet 1979, n° 78-11280). L’article 442-6, I., 5) dispose que la durée de préavis doit tenir compte de la durée du contrat. Une telle durée est librement appréciée par les juges du fond. Toutefois, il ressort de la jurisprudence que de manière prioritaire le critère retenu est celui de l’ancienneté des relations. A cet égard, certaines tendances apparaissent dans la jurisprudence : le délai de préavis nécessaire apparaît de l’ordre de 12 à 18 mois au-delà de 10 ans de relations et de 3 à 12 mois entre 2 et 9 ans de relations (Rapport CEPC 2009). Au-delà de ce critère, pour apprécier le caractère suffisant ou non d’un préavis de rupture, sont également envisagées les possibilités de reconversion de la victime de la rupture : - la nature des produits ou des services (technicité etc.) ; - la notoriété des produits ; - les investissements réalisés par le fournisseur dans le cadre de la relation commerciale ; FIDAL – Confidentiel Avocat – 19 mars 2010 15 - la progression régulière du chiffre d’affaires ; - la dépendance économique de la « victime » à l’égard de l’auteur de la rupture ; - le temps nécessaire à l’écoulement du stock etc. L’évaluation du préjudice subi par la victime de la rupture se fait le plus souvent en fonction de la durée de préavis dont elle n’a pas pu bénéficier du fait de la brutalité de la rupture. Les juges calculent généralement le montant de l’indemnisation à partir de la marge brute moyenne sur cette période. Au demeurant, même si la durée du préavis était fixée dans le contrat, le risque d’abus dans la rupture ne pourrait pas être écarté si cette durée était manifestement insuffisante. 2.2.2 - un risque d’abus dans la rupture Lorsqu’elle est assortie du respect d’un délai de préavis suffisant, la rupture du contrat de distribution sélective, motivée par la nécessité de réorganiser le réseau, ne saurait être considérée comme abusive en elle-même. Le fournisseur n’est en principe pas tenu de justifier les raisons qui le conduisent à rompre le contrat. Cependant, en matière de distribution sélective dès lors qu’il commettrait une discrimination s’il ne sélectionnait pas un distributeur répondant pourtant aux nouveaux critères posés, le fournisseur pourrait être amené à justifier la résiliation ou le refus de renouvellement du contrat pour démontrer son absence de caractère discriminatoire. Lorsque le fournisseur donne un motif erroné, la rupture n’est pas pour autant abusive. Toutefois, l’inexactitude des motifs peut dans certains cas revêtir une telle gravité qu’elle équivaut à un abus de droit, ou le moins à un manquement au devoir de loyauté édicté par l’article 1134 alinéa 1er du Code civil. On peut donc s’interroger sur la possibilité de sanctionner l’absence de réalité de la réorganisation du réseau de distribution sur le fondement de l’abus. Au demeurant, la rupture pourrait également être abusive en dépit de son motif si le fournisseur ne respectait pas les conditions du contrat encore en cours ou soumettait à des conditions discriminatoires le distributeur pendant la période de préavis (Cass. com. 2 décembre 2008, n° 07-18775). FIDAL – Confidentiel Avocat – 19 mars 2010 16 En résumé : • le distributeur qui se voit imposer de nouveaux critères de sélection doit pouvoir bénéficier du temps nécessaire pour se mettre en conformité avec ceuxci ; • - en cas de rupture du contrat le distributeur : doit bénéficier d’un délai de préavis suffisant eu égard particulièrement à la durée de la relation rompue ; si le motif de la rupture est donné par le fournisseur celui-ci ne doit pas être erroné, et conduire à une application discriminatoire des critères de sélection. Paris, le 19 mars 2010 Dominique Ferré Avocat Associé FIDAL – Confidentiel Avocat – 19 mars 2010 17