Compte-rendu de la conférence de David Mourgues : Les adultes
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Compte-rendu de la conférence de David Mourgues : Les adultes
Compte-rendu de la conférence de David Mourgues : Les adultes face aux conduites à risques des jeunes du 21 janvier 2016 au Lycée Stéphane Hessel Toulouse Ce rapport contient surtout les informations qui m’ont interpelée en tant que parent, ce qui était nouveau pour moi, voire contradictoire par rapport à ce que j’ai pu lire sur le sujet dans le passé. Je fais abstraction des détails médicaux et juridiques qui sont faciles à trouver sur le web. Nous aurions souhaité un plus grand public à cette intervention de grande qualité. Ne nous trompons pas en pensant que le sujet ne nous concerne pas (je sais à quel point cette attitude peut être risquée!). Même si nos propres enfants vont bien actuellement, nous pourrions être amenés à intervenir auprès d’un fils d’amis ou d’une jeune voisine… Bonne lecture ! Simone Boudellal L’intervenant : Anthropologue, spécialiste des conduites addictives des jeunes en milieu festif, chargé de projets de prévention pour différentes agglomérations françaises et responsable de l'association Clémence Isaure. David Mourgues fait de la recherche autour des sujets suivants : • • • • • les fêtes dans le cadre des rites de la jeunesse, les événements dramatiques liés (exemple : décès d’un ado en 2010 à Nantes suite à un apéro géant annoncé sur Facebook) et l’électrochoc que ceux-là ont provoqué en France par manque d’anticipation. La France ayant traditionnellement plus une culture de soin que de prévention a commencé seulement il y a quelques années à se pencher sur des actions préventives en termes de santé publique. les drogues et leurs usages, usages abusifs, addictions. la nuit comme moment particulier pour la construction de la personnalité. C’est souvent là où l’adolescent fait les expériences qui le font grandir. M. Mourgues étudie également le contexte économique, touristique, urbanistique, immobilier etc. qui est lié, le tout dans une comparaison au niveau international (« Comment on fait la fête à Londres, à Amsterdam, à Berlin … et à Toulouse ? Pourquoi d’autres villes sont-elles en avance ? ») les maisons d’arrêt (constat d’un manque de repères éducatifs, délits de fuite, deal…) la souffrance au travail (Plan de prévention 2014, interventions dans des lycées professionnels) La synthèse de tout ce travail se résume ainsi : L’éducatif prendra très certainement un regain d’intérêt, l’avenir sera dans l’éducation. La prévention en maison d’arrêt réduit de 60% la récidive. Elle permet aussi de diminuer les coûts associés. Parler et être écouté est une vraie efficacité ! Notre contexte actuel : Nous connaissons tous le film Rebel without a cause avec James Dean de 1955 (La fureur de vivre) qui était le point de départ de la conférence. Il commence avec une scène où l’acteur principal se trouve par terre en état ivre mort. Quand son père le récupère au commissariat de police il lui dit : « Je voudrais que tu te comportes comme un vrai père. » Tout le décor était déjà planté il y a 60 ans : usage d’alcool excessif, tabac, sexualité, rivalité entre garçons, risque routier. Entre-temps se sont rajoutée une société plus addictogène qui répond à la pulsion et qui fonctionne par « Je consomme donc je suis » (marques, technologies et aussi nouvelles substances dangereuses). Nous faisons également face à un affaiblissement des cadres et repères collectifs au profit de l’individu (« Si tu échoues, c’est ta faute. »). Quand un ado dit « C’est mon problème. » quand il consomme de l’alcool ou du cannabis, il faut prendre le temps de lui réexpliquer que non, qu’il n’est pas seul ni sur la route ni au travail ! Nous sommes également soumis aux contraintes et tentations du multitâches (téléphoner en conduisant), du repoussement des limites (le dopage dans la compétition sportive) et dirigés par des valeurs de performance (à ce jour seul le Royaume-Uni mène une campagne contre les boissons énergisantes !). Malgré la législation récente interdisant l’alcool sur le lieu de travail, il y a des milieux professionnels qui ont du mal à s’en séparer (artisans, commerciaux, rencontres avec les clients…). L’autorité n’est plus verticale mais horizontale : on est certes différents, mais égaux –la seule fonction d’enseignant ou de policier ne suffit plus pour inspirer l’autorité. Il faut gagner l’autorité par la compétence et la parole. Les substances consommées : Le choix entre l’alcool, le cannabis ou la cocaïne ne se fait jamais par hasard mais pour l’effet recherché (plaisir, soulagement, excitation…). On distingue entre : • • • dépresseurs (alcool, opiacées, tranquillisants, solvants, anesthésiants) stimulants (nicotine, caféine, théine, cocaïne, amphétamines, antidépresseurs, Popper) perturbateurs (cannabis, hallucinogènes) Dans la comparaison internationale, la France se situe en tête pour la consommation de cannabis et de tranquillisants. Nous consommons de préférence de l’alcool (avec une nette tendance à la baisse) et du cannabis, les garçons en majorité pour les deux, même si les filles sont en augmentation depuis 1990. D’une manière générale, la courbe de consommation monte jusqu’à 20 ans et décroit après. Certaines personnes arrivent à gérer une consommation raisonnée (par exemple boire de temps en temps et rentrer en taxi). Une étude en France de 2014 a revelé que 89% des jeunes avaient expérimenté l’alcool, que 59% avaient été ivres dans l’année et que 12% étaient des consommateurs réguliers (au moins 10 fois par mois). Pour le cannabis : 48% d’expérimentation et 10% de consommateurs réguliers. Dès que la consommation est régulière/quotidienne (= usage abusif), l’ado peut glisser vers l’addiction (la rencontre entre un produit, une personnalité et un contexte socio-culturel sans pouvoir s’arrêter). Il consomme pour oublier ses problèmes et la substance est utilisée comme un médicament et de plus pour faciliter la rencontre lors d’un événement festif. Il y a très clairement une relation entre addiction et précarité sociale et psychique. David Mourgues a également souligné une certaine hypocrisie de la part des autorités législatives en fixant le taux d’alcool des jeunes conducteur à 0,2 g/l, ce qui correspond à un demi-verre de bière – ceci correspond de fait à un taux 0 ! L’alcool au volant peut ruiner la vie sur le long terme : amende, risque de prison, problèmes futurs avec l’assurance etc. (Un jeune homme a fêté son permis de conduire dans le Gers et l’a perdu après… 7 heures !) Étonnamment l’addiction à l’écran est relativement rare en France (pendant qu’aux États-Unis ce phénomène relève de la psychiatrie avec une médication lourde). Ceci n’empêche pas qu’il faut éduquer en tant que parents et créer des points de repère crédible. La problèmatique prendra certainement une autre dimension quand nos enfants seront parents… Lecture recommandée : Balzac, Traité des Excitants modernes (1839) L’attitude préconisée : Faire la fête est un moment important dans la vie de nos ados. C’est un signe de bonne santé psychologique ! Ils se séparent du cocon familial (clan, tribu), ils s’ouvrent sur le monde, ils vont vers l’autre (sexe inclus !). Cette expérience de l’altérité est riche, mais l’impact est sous-estimé et non ritualisé. Il est également à noter que les groupes de filles exercent un genre d’autocontrôle quand elles sortent (« Où est Vanessa ? ») pendant que les garçons sont solitaires. Il faut revenir vers des rites encadrés par les anciens et qui expliquent comment faire la fête (boire une première coupe de champagne lors d’une fête familiale). Prendre un apéritif en famille en disant : « C’est une moment privilégié de partage et d’échange, mais si je prenais un apéro tous les soirs en rentrant, je me mettrais en danger à la longue. Et si je buvais cinq verres au lieu d’un, je ne serais pas bien non plus. » Leur faire comprendre que le plaisir est dans la modération (ce que les Berlinois ont apparemment compris et ce qui est contraire à la formule des Happy Hours). C’est une démarche qui aide à développer les capacités d’autorégulation (contexte et doses). Il y a déjà des barmen et des organisateurs de concert qui gèrent leur activité d’une manière responsable, qui voient quand les jeunes ont assez, qui leur parlent et s’occupent de leur retour à la maison. La cohérence dans le discours est primordiale. Si un proviseur convoque des parents parce que leur progéniture a fumé du cannabis dans la cour du lycée et ceux-là lui demandent « Et alors ? », aucune prise sur l’ado n’est possible. Idem en cas de parents séparés si la mère joue le rôle autoritaire et le père le rôle du copain. C’est long de grandir !! La neuroscience a découvert que le système de décision d’un jeune adulte se stabilise à 23 ans pour les filles et à 24 ans pour les garçons. C’est seulement à partir de ce moment qu’ils ne sont plus influençables par l’environnement (savoir dire non à la pression des pairs). De l’autre côté, en tant que parents nous pourrons et devrons leur parler jusqu’à cet âge-là avec la chance d’être entendus ! L’attention à l’autre marche aussi dans d’autres contextes, il faut être bienveillant et voir ! Une fille en CFA est arrivée au cours tous les matins en ayant bu. Comme personne n’a réagi, elle a augmenté les doses jusqu’au jour où elle est arrivée ivre. Là, l’enseignant l’a prise à part pour lui parler et 45 minutes d’intérêt et de parole ont suffi pour l’aider à redresser la barre. 18.000 passages de jeunes entre 16 et 20 ans suite à l’initiative de la mairie de Toulouse Fêtons plus risquons moins portaient surtout sur les lois et les règles ainsi que sur la sexualité et les risques liés (= je veux bien me protéger à condition de savoir comment ; ignorance du préservatif féminin…). Dans notre monde d’iconographie universelle allant de l’érotisme jusqu’à la pornographie, le questionnement reste bien réel ! Liens utiles : http://www.federationaddiction.fr/nights-2013-health-pleasure-and-communities-appel-acontributions/ http://www.clemence-isaure.org/la-prevention-et-le-soin-prevenir-les-addictions/addictions-auvolant-le-programme-axe-sud http://www.drogues-info-service.fr/ Tél. : 0 800 23 13 13 ou chat confidentiel et gratuit avec orientation possible vers des intervenants locaux, également pour les parents. (Slogan : « Il existe un endroit pour en parler et faire le point. ») http://www.toulouse.fr/web/sante/-/fetons-plus-risquons-moins Adresse mail : [email protected]