Travailler avec les enfants touchés par la guerre : Atelier de
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Travailler avec les enfants touchés par la guerre : Atelier de perfectionnement des compétences Agence canadienne de développement international 200, promenade du Portage Gatineau (Québec) K1A 0G4 Tél. : (819) 997-5006 Sans frais : 1-800-230-6349 Télécopieur : (819) 953-6088 (Pour les malentendants et les personnes atteintes de troubles de la parole (ATS) seulement: (819) 953-5023 Sans frais pour les malentendants et les personnes atteintes de troubles de la parole (ATS) seulement : 1-800-331-5018) Courriel : [email protected] i AVANT-PROPOS Il est facile de dire que l’on respecte les droits des enfants. Mais encore faut-il appliquer ce principe dans notre travail auprès des enfants vivant des situations de conflits armés. La raison de cet atelier est le désir d’améliorer les compétences pratiques dans ce domaine. Son contenu, nous l’espérons, constituera un recueil de connaissances communes sur ce sujet. L’atelier a été parrainé par le Groupe de travail sur la situation des enfants dans les conflits armés du Comité coordinateur canadien pour la consolidation de la paix, en coopération avec l’Agence canadienne de développement international (ACDI). L’appui financier qu’elle nous a fourni, ainsi que l’intérêt et l’aide apportés par le personnel de la Direction de l’égalité entre les sexes et de la protection des enfants ont été très appréciés. Nous remercions sincèrement Jo Boyden et Mike Wessells, qui ont partagé avec nous leur expérience et leurs réflexions critiques afin de stimuler la discussion. Leur collaboration a constitué l’essentiel de l’atelier et du présent rapport. En plus d’aborder ce sujet complexe, l’atelier a réuni des agents de programme de l’ACDI, ainsi que des employés sur le terrain et des gestionnaires de projet d’organisations non gouvernementales dans une optique d’apprentissage mutuel. Nous remercions les animateurs Kevin Bush, Hilary Homes, Jackie Kirk, Heather MacPhail et Jennifer Shorthall pour leur précieuse collaboration. Nous exprimons tout spécialement notre reconnaissance à Robin Wentzell, directrice générale de Peace Bridges Community Services, qui a organisé et coordonné l’atelier afin qu’il réponde aux besoins de tous les participants. Les locaux pour l’atelier ont été offerts gracieusement par le Centre de recherches pour le développement international (CRDI) dans le cadre de ses travaux sur la consolidation de la paix et la reconstruction après conflit. Kathy Vandergrift, Présidente du Groupe de travail sur la situation des enfants dans les conflits armés Produit grâce à l’aide du gouvernement du Canada par l’entremise de l’Agence canadienne de développement international (ACDI) TABLE DES MATIÈRES I PAGE 1 Introduction 1. Les objectifs de l’atelier 1 2. Les animateurs de l’atelier 1 3. L’organisation de l’atelier 1 4. Le cadre de l’atelier 2 5. Les principaux enseignements 4 II 1. A. La programmation axée sur le contexte B. Les forces et la résilience des enfants C. L’importance d’entendre eux-mêmes ce que les enfants ont à dire D. L’importance de l’éducation 5 6 Identification des problèmes, facteurs influant sur le bien-être social, et mécanismes utilisés au sein des collectivités 6 Les expériences et la compréhension qu’ont les enfants des conflits armés 6 A. Le rôle des civils, en particulier des enfants, dans les situations de conflit armé 6 B. Le rétablissement physique et psychosocial suite à une situation de violence 7 C. L’importance d’entendre eux-mêmes ce que les enfants ont à dire 8 D. L’expérience qu’ont les enfants des conflits 8 E. Les perceptions des enfants 8 2. Diverses perspectives culturelles concernant la santé et le bien-être psychosocial ii 4 5 10 A. Exemples de réactions psychologiques en tant que réponse naturelle au choc B. Le risque et la résilience C. Facteurs influant sur le bien-être et le développement psychosocial D. Idées et pratiques culturelles liées au risque, à l’infortune et au bien-être psychosocial 11 11 12 13 3. Outils et méthodes d’analyse sociale 15 III 15 Différents modèles et formes d’intervention 1. Schéma conceptuel du domaine de l’aide psychosociale IV 15 A. Les différentes significations de l’aide psychosociale B. Le modèle médical et le modèle communautaire B.1 – Le modèle médical B.2 – Le modèle communautaire C. Comparaison entre l’approche axée sur le traumatisme et l’approche communautaire D. Exemple de projet mené en Angola - le projet PBWTT 16 17 17 20 Cadre intégré : Questions, priorités et conséquences 24 22 23 1. Pyramide d’intervention psychosociale 24 2. Heuristique de l’intervention programmatique psychosociale 27 3. Facteurs influant sur le bien-être psychosocial 32 V 33 Les enfants soldats et les conséquences psychosociales 1. Problèmes associés à l’examen de la question des enfants soldats 33 2. Pourquoi les enfants deviennent soldats 33 3. Macro et microfacteurs de risque pour les enfants soldats 34 4. Les conséquences psychosociales sur les enfants soldats 35 VI Objectifs des interventions et activités suggérées pour faciliter le soutien psychosocial et la réintégration des ex-enfants soldats 1. Par où commencer? 35 35 iii 2. Objectifs ou stratégie 36 3. Éléments à considérer dans l’élaboration d’une stratégie 36 4. Types d’activités programmatiques et de pratiques efficaces 36 VII 37 Domaines à approfondir 1.Suivi et évaluation 2. Considérations éthiques 37 37 3. Recherche 37 4. Partage de l’information 37 iv TRAVAILLER AVEC LES ENFANTS TOUCHÉS PAR LA GUERRE : ATELIER DE PERFECTIONNEMENT DES COMPÉTENCES I. INTRODUCTION 1. LES OBJECTIFS DE L’ATELIER 1. Mettre en œuvre des programmes d’aide respectueux des droits des enfants. 2. Développer des compétences pratiques pour la conception et la mise en œuvre des programmes. 3. Offrir un apprentissage participatif et partagé entre les agents de l’ACDI et les employés des ONG en tant que groupe. 4. Appliquer les leçons tirées de l’expérience, à la planification et à la théorie. 2. LES ANIMATEURS DE L’ATELIER Les animateurs de l’atelier étaient Jo Boyden la première journée, et Mike Wessells, la deuxième journée. Jo Boyden, anthropologue sociale, a vingt ans d’expérience comme conseillère auprès d’organismes nationaux et internationaux. Elle a réalisé des travaux de recherche appliquée, participé à des activités d’action sociale, à l’élaboration de politiques et de programmes, au suivi et à l’évaluation dans le domaine de la protection de l’enfant. Elle est actuellement chercheuse au Refugee Studies Center of the University of Oxford, au Royaume-Uni, où elle dirige un programme sur les enfants déplacés et touchés par la guerre. Mike Wessells, travaille pour le Christian Children’s Fund des États-Unis; il est professeur de psychologie au Randolph-Macon College dans l’État de Virginie, où il donne des cours sur la dynamique des conflits, la violence chez les jeunes, les dimensions psychologiques de la paix et de la sécurité internationale. Rédacteur en chef adjoint de Peace and Conflict: Journal of Peace Psychology et auteur de trois ouvrages et de plus de 50 articles et chapitres, il mène actuellement des recherches sur la psychologie de l’aide humanitaire, la reconstruction après-conflit et la réintégration des enfants soldats. 3. L’ORGANISATION DE L’ATELIER Thèmes de la première journée : Jo Boyden a animé la première journée de l’atelier qui portait sur les moyens à sa disposition pour comprendre une situation dans la perspective de l’enfant, définir les facteurs qui influent sur le bien-être social et appuyer les mécanismes d’adaptation des enfants et de leurs collectivités. On a en outre fait appel à des méthodes participatives pour l’évaluation, la planification, le suivi et l’évaluation de base. La première journée a été divisée en deux parties : 1. Les expériences et la compréhension qu’ont les enfants des conflits armés; 1 2. Les diverses perspectives culturelles en matière de santé et de bien-être psychosocial. Thèmes de la deuxième journée : Mike Wessells a animé la deuxième journée de l’atelier qui portait sur l’élaboration d’interventions programmatiques efficaces, l’exploration de différents modèles et formes d’aide, dans le contexte spécifique du travail avec les enfants soldats. 4. LE CADRE DE L’ATELIER La Convention relative aux droits de l’enfant (CRDE) fournit un cadre d’analyse et d’exploration de moyens efficaces pour travailler avec les enfants dans des situations de conflits armés. Bien que tous les aspects soient intégrés dans une approche axée sur les enfants, les articles suivants ont été mis en lumière en insistant particulièrement sur les situations d’urgence (Voir les articles sélectionnés à l’annexe 1): • • • • • • • • Article 6 : droit inhérent à la vie et au développement, y compris le bien-être social et affectif ainsi que le bien-être physique; Articles 9, 10 : droit à la vie de famille et à la réunification de la famille quand celle-ci est séparée; Article 19 : droit à la protection contre la violence, les mauvais traitements, la négligence et l’exploitation; Article 22 : droit au statut de réfugié international pour les enfants et responsabilités internationales; Article 28 : droit à l’éducation; Article 34 : droit à la protection contre l’exploitation et l’agression sexuelles; Article 38 : droit à une protection particulière durant les conflits armés, notamment au regard de l’âge du recrutement; Article 39 : droit à la réadaptation physique et psychologique et à la réinsertion sociale. Ce cadre des droits des enfants a cet avantage qu’il nous permet de voir les enfants comme des acteurs plutôt que comme des victimes passives. Dans le domaine psychosocial, la Convention relative aux droits des enfants peut servir d’instrument apportant cohérence et cohésion à l’ensemble des droits de l’enfant. Il convient d’aborder ces droits de manière exhaustive pour assurer la cohérence de la conception et de la mise en oeuvre. La Convention fournit un cadre pour : • La protection de l’enfant • Mesures correctives mondiales contre la violence sociale et politique et autres violences extrêmes; • Cadre commun pour les mesures à prendre et pour assurer la défense des intérêts et des droits; • Suivi et élimination des lacunes; • La garantie juridique et éthique que la protection de l’enfant constitue une priorité. 2 • L’approche holistique du développement de l’enfant • Interaction dynamique de la santé, de la nutrition, de l’éducation, et de la pauvreté; • Liens avec les droits économiques, sociaux, culturels, civiques et politiques; • Approche multidimensionnelle intégrée de l’adaptation émotionnelle et sociale. • L’approche intégrée et exhaustive de l’aide psychosociale • Évitement des approches circonscrite, et unidimensionnelle; • Au-delà de la réduction des symptômes et du rafistolage; • Nécessité de programmes et de liens intersectoriels. • L’égalité des sexes • La question de l’égalité entre les sexes est mise au premier plan. • Le renforcement des aspects positifs • L’accent est mis sur les points forts et les droits, plutôt que sur les lacunes; • Évitement de la pathologie et de la stigmatisation; • Invitation à l’analyse des ressources et des biens existants. • La participation des enfants et des jeunes • Approche du renforcement de l’autonomie; • Les enfants sont des acteurs, non des victimes passives; • Les enfants en tant que ressources et soutiens. Les droits énumérés dans la Convention sont régulièrement violés en temps de guerre. Par exemple : • Le droit inhérent à la vie énuméré à l’article 6 ne devrait pas être considéré comme étant seulement un droit à la vie physique mais également un droit au développement mental et affectif. Il s’agit d’un droit extrêmement difficile à respecter. • Dans une situation d’urgence, la difficulté d’assurer à la fois la survie physique et la protection des enfants peut compliquer les choses. Dans ce type de situation, les réactions rapides peuvent créer des dilemmes entre différentes approches visant à répondre à différents besoins. • Les travailleurs sur le terrain, qui n’ont pas de compétences psychologiques cliniques, mettent l’accent sur des questions liées à la survie physique plutôt que sur des questions plus complexes touchant les valeurs des personnes et leur perception du monde. • Lorsque la guerre a détérioré le tissu social, il arrive que les Parties à la Convention ne soient pas en mesure de mettre en œuvre les dispositions 3 spéciales relatives à la protection des enfants séparés de leurs familles et des enfants réfugiés (articles 9, 10, 21, 22). Le déplacement est probablement le problème le plus courant. Le nombre officiel des réfugiés ne représente que la pointe de l’iceberg. Le nombre des personnes déplacées au sein d’un pays et déplacées illégalement à l’extérieur du pays est probablement quatre fois plus élevé. Il s’agit d’une question très grave. • L’éducation est l’un des moyens d’intervention ayant un rôle à jouer dans l’aide psychosociale apportée aux enfants. Elle permet de structurer leur vie et les enfants sont encouragés par les écoles et par leurs pairs. • Historiquement, en temps de guerre, l’éducation a été considérée comme un élément secondaire plutôt qu’essentiel de l’aide humanitaire (article 28). Toutefois, pour les enfants d’aujourd’hui qui vivent dans des pays déchirés, l’éducation est cruciale car elle leur permet d’apprendre ce qu’ils doivent savoir sur la sécurité, les mines terrestres, et à se protéger contre l’exploitation sexuelle, ce qui vaut tant pour les filles que pour les garçons (article 34). • Bien que les préoccupations suscitées par l’exploitation sexuelle concernent habituellement les filles, il a été établi que la vulnérabilité des garçons découle de leur tendance à garder secret le fait qu’ils sont victimes d’exploitation sexuelle parce qu’il en ressentent une plus grande honte. • Les enfants sont considérés comme des combattants dans les conflits armés par les États membres de la Convention, contrairement à l’article 38 qui prévoit leur protection et leurs soins à titre de civils, et par les groupes armés non étatiques. 5. LES PRINCIPAUX ENSEIGNEMENTS : A. La programmation axée sur le contexte La programmation affective pour les enfants dans une situation de conflits violents est fondée sur la connaissance de la situation particulière et non sur des idées et des expériences générales. Pour que les programmes psychosociaux donnent les résultats escomptés, ils doivent être fondés sur la compréhension et la connaissance du contexte culturel propre à la situation. À titre d’exemple, les cultures sociocentriques et égocentriques n’ont pas la même conception de ce qu’est une personne et de la manière dont une personne s’intègre dans sa société. Cela a d’ailleurs des conséquences considérables sur le bien-être psychosocial et le type de soutien à fournir. Dans certaines cultures, la réintégration des enfants soldats fait appel à des rites de purification et de réconciliation. Ce sont là des types de programmes d’intervention qu’il faudrait envisager d’adopter lorsqu’ils s’avèrent efficaces. 4 Il a été suggéré qu’un programme d’aide psychosociale ne peut être mis en place en tant que programme distinct. Il importe de satisfaire certains besoins de base et de subsistance des personnes vivant dans la pauvreté et ayant des besoins extrêmement grands; sans quoi elles penseront que l’on ne comprend pas l’étendue de leurs difficultés. Certaines organisations ont réglé cette question en mettant en oeuvre de petites activités économiques génératrices de revenus qui tiennent compte des aspects psychosociaux du programme. Une certaine préparation culturelle est nécessaire pour pouvoir localiser les ressources locales et les utiliser. En outre, il ne faudrait pas fausser le processus en procédant à une évaluation très rapide de la situation sans comprendre comment celle-ci évolue. Dans un contexte de guerre et de conflit, la situation change constamment. B. Les forces et la résilience des enfants On a tendance à considérer les enfants vivant des situations de violence comme des victimes passives, impuissantes, faibles et vulnérables. La réalité est cependant plus complexe. Le plus souvent, nous n’avons pas affaire à un enfant malade, mais à un enfant qui a survécu à la guerre et qui a assumé des responsabilités qui n’étaient pas les siennes. Les enfants peuvent être très débrouillards et capables d’adaptation. Il convient donc de trouver des moyens de les protéger et de les soutenir tout en reconnaissant leur rôle actif et leurs responsabilités dans la société, et partant, de renforcer leur sentiment d’autoefficacité. L’intervention psychosociale consiste à préserver tout ce qui peut favoriser les aspects positifs de la vie de l’enfant. À titre d’exemple, on ne peut présumer que la meilleure chose à faire dans le cas d’un enfant qui vient de perdre ses parents est de le placer dans un contexte de famille élargie. Les membres des collectivités et des familles élargies ne partagent pas forcément les intérêts de l’enfant, ce que nous présumons souvent dans la programmation. Il y a eu en effet des situations où des membres de la famille ont révélé aux soldats où se trouvaient des jeunes filles en échange de nourriture. En temps de conflit, les enfants assument souvent des rôles productifs réservés aux adultes, mais en temps de paix, on s’attend à ce qu’ils réintègrent leur place d’enfants dans la société. La perte d’un rôle productif dans la collectivité constitue une situation cruciale qui doit être prise en compte dans la programmation. C. L’importance d’entendre eux-mêmes ce que les enfants ont à dire Nous devons entendre les enfants eux-mêmes raconter les expériences vécues au cours d’un conflit armé. Tout comme les perspectives varient d’une culture à l’autre, les expériences des enfants lors d’un conflit peuvent souvent varier par rapport à la perception qu’en ont les adultes. Par le passé, on a axé de nombreux programmes sur les besoins des enfants tels que les adultes les imaginaient. Le moment est venu de changer cette perspective. 5 D. L’importance de l’éducation L’éducation constitue un moyen d’intervention clé en raison du rôle qu’elle joue dans le soutien psychosocial des enfants. Elle structure leur vie et les enfants reçoivent un soutien des écoles et de leurs pairs. Cette structure est importante, car elle fournit un mécanisme qui leur permet de reprendre leurs activités quotidiennes et leur donne un sentiment de normalité. PREMIÈRE JOURNÉE : II. IDENTIFICATION DES PROBLÈMES, FACTEURS INFLUANT SUR LE Bienêtre SOCIAL, ET MÉCANISMES UTILISÉS DANS LES COLLECTIVITÉS Jo Boyden, animatrice de la séance 1. LES EXPÉRIENCES ET LA COMPRÉHENSION QU’ONT LES ENFANTS DES CONFLITS ARMÉS La discussion sur les effets des conflits armés sur les enfants, leurs familles et la collectivité, a été restreinte à leur bien-être psychosocial. Deux principaux points ont été soulevés : • Le bien-être psychosocial est plus que le traitement des enfants malades; il exhorte à abandonner une perspective thérapeutique étroite. • Pour que les programmes destinés aux enfants dans des situations de conflits violents soient efficaces, il faut que ceux-ci soient fondés sur la connaissance précise de la situation, notamment la culture, l’histoire et les questions locales, et non sur des idées et des expériences générales. Cette partie s’articule autour des thèmes suivants : Α. B. C. D. E. A. Le rôle des civils, en particulier des enfants, dans les situations de conflit armé; Le rétablissement physique et psychologique suite à une situation de violence; L’importance d’entendre eux-mêmes ce que les enfants ont à dire; L’expérience du conflit par les enfants; Les perceptions des enfants. Le rôle des civils, en particulier des enfants, dans les situations de conflit armé Il importe de comprendre le rôle des civils et des enfants dans des situations de conflit armé, à la fois comme victimes et comme acteurs. La destruction des populations civiles n’est pas le résultat du conflit armé; elle est souvent un 6 objectif militaire. Nous avons tendance à voir les enfants dans des situations de violence comme des victimes passives, impuissantes, faibles et vulnérables. La réalité est cependant plus complexe. Par exemple : • • • • • • B. Les enfants jouent un rôle actif, ce qui les affecte psychologiquement. Ils se trouvent dans des situations où certains groupes ethniques sont dénigrés. Les enfants se heurtent aux barrages routiers et aux obstacles visant à restreindre leur liberté de mouvement. Ils doivent poursuivre leurs activités quotidiennes dans un climat de violence, sont témoins de la destruction de leurs maisons, de leurs réserves alimentaires et de personnes, y compris souvent de leurs proches. Ils assument des rôles économiques, notamment en dispensant des soins aux enfants et en accomplissant des tâches ménagères pour lesquelles ils n’ont pas les capacités voulues. Recrutés en tant qu’enfants soldats, ils sont privés de valeurs familiales et sociales positives et leur socialisation est tissée de violence. Le rétablissement physique et psychosocial suite à une situation de violence Le terme « psychosocial » souligne la relation dynamique et réciproque entre l’expérience sociale et l’expérience psychologique. • • « Psycho » a trait aux émotions, au comportement, aux pensées, aux croyances, aux attitudes, aux perceptions et à la compréhension d’un individu. « Social » a trait aux relations externes d’une personne et à l’influence de l’environnement (famille, école, pairs et collectivité locale) sur son bien-être.1 Nous devons tenir compte de la variabilité culturelle et du sens que les termes « psychosocial » et « bien-être » peuvent revêtir dans différentes cultures. Les questions qui se posent sont les suivantes : • • • • • Quelle est la signification culturelle locale du rétablissement? Que signifie la réintégration sociale du point de vue de l’enfant et de la collectivité de l’enfant? Quelles structures sociales locales ont subi des dommages et doivent être reconstruites pour que la société puisse « fonctionner » de nouveau? Quelles sont les ressources culturelles locales – thérapeutes, par exemple, — qui sont disponibles pour faciliter le processus? De quelles différentes manières les gens doivent-ils se rétablir? Programme Northern Uganda Psycho-Social Needs Assessment (NUPSNA) de l’UNICEF, novembre 1998, page 3 1 7 C. L’importance d’entendre eux-mêmes ce que les enfants ont à dire Afin de cerner les problèmes et de mener une évaluation de base, nous devons écouter les enfants nous raconter leurs expériences du conflit armé. Tout comme les perspectives varient d’une culture à l’autre, l’expérience qu’ont les enfants d’un conflit varie souvent par rapport à la perception qu’en ont les adultes. Le plus souvent, les évaluations sont effectuées au moyen d’entrevues avec des adultes plutôt qu’avec des enfants. Voici les raisons pour lesquelles les adultes ne peuvent comprendre ce que vivent les enfants et les risques auxquels ils font face : • Il se peut que les adultes aient honte de ne pouvoir protéger les enfants; • Les enfants gardent des choses secrètes parce qu’ils ne veulent pas ajouter à la détresse de leurs parents; • Lorsqu’un parent est déprimé, il ne remarque pas forcément que son enfant a subi un traumatisme; • Les enseignants qui doivent s’occuper de 60 à 100 enfants ne savent pas forcément ce qu’un enfant particulier est en train de vivre; • La manière dont les enfants jugent leurs expériences et les intègrent peut également être différente de l’interprétation qu’en ont les adultes; • Par conséquent, il faudrait tenir compte des perceptions des enfants dans les évaluations de base. D. L’expérience qu’ont les enfants des conflits Ce que pensent les enfants de leurs expériences et la manière dont ils les interprètent ont un impact majeur sur leur bien-être psychosocial. L’expérience du conflit par les enfants comprend : • Le deuil et la séparation de la famille; • La perturbation des réseaux sociaux et des dispositifs de protection et de soins; • Le dénuement, la pauvreté, le chômage et la perte matérielle; • La perte et perturbation des services; • Les menaces à la sécurité et à l’intégrité physiques; • La violence sexuelle; • L’exploitation; • Les menaces à la vie culturelle et spirituelle et à l’identité culturelle et sociale; • Le changement majeur au niveau de la division du travail, des rôles et responsabilités au sein de la famille et de la collectivité; • Le déplacement. E. Les perceptions des enfants Les histoires des enfants présentées à l’annexe 2 permettent de mettre en lumière les principales perceptions suivantes : 8 • Les enfants sont enrôlés justement parce que ce sont des enfants. Ils sont souvent très actifs parce qu’ils croient fermement à la cause qu’ils défendent. Ils sont dotés de qualités particulières qui les rendent précieux en temps de guerre. On les utilise pour glaner des renseignements, ils deviennent les yeux et oreilles de l’armée. Les Khmers rouges, par exemple, utilisaient les enfants pour espionner leurs propres familles. • Les soldats savent qu’ils peuvent utiliser les enfants, car il est bien connu qu’un enfant muni d’un fusil est plus brutal et impitoyable qu’un adulte. • Dans les sociétés restrictives (les pays musulmans et le régime maoïste), les filles connaissent une forme de libération en devenant soldats et elles se voient attribuer un rôle plus important. Le changement hiérarchique se produit dans un sens positif de sorte que les filles désirent demeurer soldats. • Les filles sont plus sujettes à l’apathie et à la dépression après un conflit, car on ne leur permet plus de sortir et elles doivent reprendre le rôle dévolu à leur sexe. C’est ce qui s’est passé avec les filles qui ont participé à l’intifada. • Si, pour une fille, le fait de devenir soldat est perçu traditionnellement de manière très négative, cette occupation leur permet néanmoins d’obtenir pouvoir social, nourriture et vêtements, et de ressentir l’esprit de camaraderie, tous des facteurs positifs. L’intervention psychosociale a pour but de préserver les aspects positifs de la vie de l’enfant. • Les filles soldats n’ont pas, bien souvent, l’impression d’être exploitées ou brutalisées. En fait, elles ont abandonné les programmes qui recouraient à ces notions. Il faut développer la loyauté et les compétences acquises en temps de guerre. Le cas du Salvador, où des filles de 12 à 14 ans se sont engagées dans l’armée pour recevoir une éducation le soir est un exemple des valeurs positives acquises durant la guerre. • Même s’ils manifestent des symptômes de stress post-traumatique (SPT), ces enfants ne sont pas toujours des enfants malades, mais des enfants qui ont survécu à la guerre et ont assumé des responsabilités qui n’étaient pas les leurs. • Les membres des collectivités ne partagent pas forcément les mêmes intérêts, ce que nous présumons souvent lorsque nous élaborons des programmes. Il y a des gagnants et des perdants dans les conflits et nous ne savons pas qui a fait quoi à qui. Par exemple, en Ouganda, les hommes d’une collectivité ont survécu en se livrant au trafic des filles avec les soldats. Ces hommes, qui donnaient des renseignements sur les filles en échange de nourriture, n’étaient pas des inconnus pour les filles, c’était souvent des voisins, et même des membres de leur famille. La plus 9 grande menace pour les filles vient de leur propre collectivité. Au Sri Lanka, les enfants pensaient qu’il était moins dangereux d’aller jouer dans la jungle, où ils pouvaient rencontrer des animaux sauvages, que dans leur propre collectivité. • Les enfants peuvent déployer des trésors d’ingéniosité; par exemple, la technique de survie d’une jeune fille du Kosovo consistait à s’habiller et à se comporter comme une vieille femme, ce qui lui permettait de se sentir plus en sécurité. • Ce sont souvent les expériences de la vie de tous les jours qui marquent le plus les enfants, par exemple, le vol du bétail. Un jeune garçon en charge du bétail se sent responsable de la famine de sa collectivité, parce que, étant en charge du bétail, il n’a pas pu empêcher le vol. Il a l’impression de l’avoir permis. Il s’agit d’un fardeau plus lourd que la mort. Un enfant qui est forcé de déféquer dans un récipient à nourriture, ou ne peut l’éviter, se sent, pareillement, affreusement coupable. • La perte d’éducation peut être très lourde pour les enfants qui auraient normalement fréquenté l’école. La perte d’un rôle productif dans la collectivité est également cruciale et doit être prise en compte dans la conception de nos programmes d’intervention. Par exemple, un garçon qui a perdu son bétail pendant la guerre ne jugera pas très positif le retour à l’école, une fois la paix revenue. Il a renoncé à son rôle de membre productif de la société et s’imagine incapable d’effectuer la transition vers l’âge adulte. Il faut tenir compte de la perception qu’il a de son expérience pour le réintégrer dans la société en tant que participant responsable. • Une des conséquences des conflits est que les enfants assument des rôles de leadership. Pourtant, quand le conflit est terminé, les adultes souhaitent qu’ils reprennent leur rôle d’enfants. Ceux qui ne veulent ou ne le peuvent pas sont traités comme des criminels. Les programmes psychosociaux visent à faire évoluer les opinions de la collectivité sur leurs enfants et leurs besoins. Pour cela, il est nécessaire de financer les programmes à l’intention des jeunes hommes qui sont souvent désemparés par la dislocation sociale et le chômage et sont rongés par la honte de retourner chez eux après avoir perdu la guerre. 2. DIVERSES PERSPECTIVES CULTURELLES CONCERNANT LA SANTÉ ET LE BIEN-ÊTRE PSYCHOSOCIAL La guerre menace de diverses manières la santé psychosociale, le bien-être et le développement de l’enfant. Les effets de l’exposition à des événements et à des situations extrêmement préjudiciables varient largement avec chaque enfant et avec le temps. De nombreux enfants connaissent à court terme des réactions psychologiques pénibles, un phénomène de réponse naturel au choc subi. 10 On trouvera dans cette partie : A. Des exemples de réactions psychologiques comme réponse naturelle au choc subi B. Le risque et la résilience C. Les facteurs qui influent sur le développement et le bien-être psychosocial D. Les idées et les pratiques culturelles liées au risque, à l’infortune et au bien-être psychosocial A. Exemples de réactions psychologiques en tant que réponse naturelle au choc subi : • • • • • • • • des cauchemars; de la difficulté à dormir; des symptômes physiques (migraines, incontinence nocturne); un repli sur soi; un mutisme électif; de la difficulté à se concentrer; une exagération des craintes et des tracas; une hypervigilance. maux d’estomac, Avec le soutien de la famille, des amis, etc., la plupart des enfants réussiront avec le temps à surmonter la plupart de ces pénibles réactions en laissant agir le processus de guérison « naturelle ». Toutefois, plus les enfants auront vécu des épreuves difficiles, plus il est probable qu’ils auront de la difficulté à surmonter ces réactions pénibles. Un faible pourcentage d’enfants connaîtra probablement des difficultés à long terme et pourra avoir besoin d’une aide plus ciblée. B. Le risque et la résilience Les réponses individuelles des enfants à l’adversité, notamment la violence politique armée, ont été décrites en termes de « risque » et de « résilience ». Le « risque » a trait aux variables qui accroissent la probabilité de psychopathologie de l’individu ou sa vulnérabilité à des possibilités de développement négatives. Certains risques sont internes; ils résultent de la combinaison unique de caractéristiques qui composent un individu, notamment le tempérament ou la structure neurologique. D’autres risques sont externes; ils résultent de facteurs environnementaux, notamment la pauvreté ou la guerre, qui inhibent le sain développement d’un individu. Les enfants exposés aux risques ne développent pas tous des problèmes ultérieurement. On qualifie ces enfants de résilients. Le terme « résilience » se rapporte à la capacité d’adaptation d’un individu et de faire face à l’adversité. La résilience dépend à la fois de la force du groupe et de celle de l’individu, et elle est fortement influencée par les éléments favorables de l’environnement plus vaste. Ces éléments de renforcement positif de la vie de l’enfant sont souvent 11 décrits comme étant des « facteurs de protection » ou des « processus de protection ». Les effets de ces facteurs de protection ne sont visibles que dans le cadre de leur interaction avec le risque. Un objectif de programme pourrait être d’accroître la résilience des enfants. Bien qu’il soit évident dans la documentation du domaine que le risque et la résilience ne sont pas définis de la même façon dans toutes les sociétés, on reconnaît généralement que l’interaction entre le risque et les facteurs de protection joue un grand rôle dans le développement social et psychologique de tous les enfants. En ce sens, le développement psychosocial de l’enfant n’est pas un processus mécanique mais il est influencé par tout un éventail de risques et de facteurs de protection. C. Facteurs influant sur le bien-être et le développement psychosocial Le bien-être et le développement psychologiques et sociaux sont influencés par tout un éventail de facteurs, notamment : i) les facteurs propres aux enfants eux-mêmes : • • • • ii) les facteurs environnementaux, économiques, matériels et sociaux : • • • • • • • • iii) Les traits individuels (p. ex. prédisposition génétique—tempérament, santé physique, etc.); L’âge et les capacités développementales; Le statut social (les enfants de différentes catégories sociales sont perçus et traités différemment, et ils développent donc des compétences et des vulnérabilités différentes; L’histoire personnelle; Le degré de cohésion sociale et de confiance au sein de la famille et de la collectivité; La solidité du lien avec le(s) pourvoyeur(s) de soins; Les relations positives avec la famille et les pairs; La présence de mentors/de direction et de modèles de rôle positifs; Le rôle constructif et les possibilités d’apprentissage; L’accès aux services; La sécurité physique et matérielle; La sécurité économique; les pratiques et valeurs culturelles en tant que facteurs influant sur le bien-être psychosocial : • La guérison suppose de comprendre les expériences et les événements stressants, d’assimiler et de surmonter le chagrin, la colère ou l’anxiété; 12 • • • • Même si la guérison est un processus profondément personnel, les individus n’éprouvent pas le malheur dans l’isolement, et leurs façons de le vivre sont influencées par la société et partagées par d’autres; La signification, et donc l’expérience de la violence, la séparation d’avec la famille et autres épreuves sont, dans une large mesure, déterminées par la culture; Différentes cultures utilisent des stratégies très différentes pour gérer le risque et l’adversité et pour protéger leurs enfants; L’adoption d’approches et de stratégies de protection des enfants qui ne tiennent pas compte des perspectives locales peut nuire encore plus aux enfants. On trouvera à l’annexe 3 des exemples des diverses catégories de facteurs qui influent sur le bien-être et le développement psychosocial qui ont été explorées en séance plénière. Dans cette discussion, l’expérience des participants a permis de confirmer que les programmes psychosociaux doivent reposer sur la compréhension et les connaissances du contexte culturel propres à la situation. L’annexe 4 contient une liste de contrôle des problèmes prioritaires et des facteurs utilisés dans l’évaluation du projet d’évaluation des besoins psychosociaux mené dans le nord de l’Ouganda (NUPSNA), de novembre 1998. D. Idées et pratiques culturelles liées au risque, à l’infortune et au bien-être psychosocial Les pratiques et idées culturelles en relation avec le risque, l’adversité et le bien-être psychosocial varient grandement. Par exemple : i) Les cultures sociocentriques et égocentriques diffèrent sur le plan de la compréhension de ce qu’est une personne et de la manière dont une personne s’intègre dans sa société. Cela a des répercussions importantes pour le bienêtre psychosocial et le type de soutien que nous offrons : 2 • Dans les sociétés égocentriques, un individu existe en tant que qu’entité distincte et l’autonomie sociale est un objectif majeur. • Dans les sociétés sociocentriques, les relations sociales sont considérées comme des facteurs centraux dans la santé ou la maladie de l’individu. Le corps est vu comme un aspect intégré et unitaire du moi et des relations sociales. Il est assujetti et vulnérable aux sentiments, désirs et actions des autres, y compris aux esprits et aux ancêtres défunts. Le corps n’est pas considéré comme une machine extrêmement complexe, mais plutôt comme un microcosme de l’univers.2 • Par conséquent, la place que vous occupez au sein de l’ordre social et les rôles et responsabilités qui vous sont assignés sont primordiaux. Scheper-Hughes et Lock, 1989, p. 21 13 Dans ces sociétés, les personnes ne sont pas des individus autonomes et elles n’existent pas indépendamment du groupe social auquel elles appartiennent. Le statut social (p. ex. fils aîné, frère de la mère, cadette, etc.) définit les rôles, droits et responsabilités. En remplissant notre rôle, nous sommes assurés d’être intégrés socialement et d’avoir un sentiment d’auto-efficacité et d’estime de soi. Cela vaut tant pour les enfants que pour les adultes. • Remplir ses obligations familiales et sociales est un objectif important, même en temps de guerre, ce qui explique la motivation derrière la plupart des actions personnelles, p. ex. le recrutement volontaire des enfants. • Si les enfants ne peuvent respecter ces obligations et responsabilités (p. ex. lorsque la guerre les empêche de remplir leur rôle productif) cela peut nuire à leur bien-être et à leur santé psychosociale. • Le défi consiste à trouver des moyens de protéger et d’aider les enfants en tenant compte de leurs rôles actifs et de leurs responsabilités dans la société et en accroissant ainsi leur sentiment d’auto-efficacité. ii) Dans de nombreuses cultures, le malheur, (y compris les malheurs provoqués par la guerre) est perçu comme étant causé par l’intervention d’autres forces puissantes - sociales, naturelles ou supernaturelles. C’est pourquoi la maladie est souvent considérée comme étant l’action des forces maléfiques de la nature, esprits ou déités. De ce fait, pour la réintégration et la reconstruction du tissu social après la guerre, il est crucial de prendre en compte la question des cérémonies de sépulture ou autres cérémonies pour les morts en vue de permettre un retour à la normale. Le retour à la vie normale suppose d’apaiser et d’honorer les esprits des morts. Par exemple, en Angola (et dans d’autres régions de l’Afrique) la vie ne se termine pas avec la mort, elle continue, le mort passant dans une autre dimension (Monteiro et Honwana). À la cérémonie d’inhumation, l’esprit du mort demeure une manifestation réelle du pouvoir, de la personnalité et des connaissances de cette personne dans la société. Les esprits des morts exercent une très grande influence sur les vivants, influence qui est à la fois positive et négative et il faut donc les vénérer par des prières et des rites. Les esprits peuvent vous protéger durant la guerre ou vous punir si vous les négligez, en omettant par exemple d’enterrer les morts ou d’observer les rites de sépulture. iii) Les symptômes et signes de détresse se manifestent partout dans les situations de conflit violent, mais ils sont interprétés de manière très différente selon les contextes culturels et il arrive parfois que certains n’aient pas une grande importance. Par exemple, on considère l’hypervigilance comme une stratégie de survie efficace dans de nombreuses zones de guerre puisqu’elle permet aux gens de rester attentifs aux dangers. Dans de nombreuses collectivités, on considère que les rêves font partie intrinsèque de la réalité. 14 iv) Il se peut qu’il n’existe pas, dans de nombreuses collectivités, de mécanismes sociaux du pardon, de la guérison et de la réintégration à la suite d’une participation active au conflit. Par exemple, il faudrait tenir compte dans les programmes d’intervention des rites de purification et de réconciliation à l’intention des anciens combattants qui sont efficaces. 3. OUTILS ET MÉTHODES D’ANALYSE SOCIALE Le groupe de travail a donné l’occasion d’utiliser des outils et des méthodes d’analyse sociale, dans le cadre d’une évaluation de base et de la définition des problèmes. Les tâches sont décrites à l’annexe 5. THÈMES DE LA DEUXIÈME JOURNÉE III. DIFFÉRENTS MODÈLES ET FORMES D’INTERVENTION Mike Wessells, animateur de la session 1. SCHÉMA CONCEPTUEL DU DOMAINE DE L’AIDE PSYCHOSOCIALE On ne dispose toujours pas de stratégies éprouvées pour établir le schéma conceptuel du domaine de l’aide psychosociale. Nous en sommes plutôt à établir ce type de stratégies. Nous pouvons commencer par deux approches distinctes – le modèle médical et le modèle communautaire. Ces deux approches se situent à des pôles opposés. L’approche médicale du traumatisme fonctionne sur l’idée de maladie mentale, alors que l’approche communautaire se fonde sur un concept holistique du bien-être. Les activités associées à chaque approche sont donc différentes. Il existe des différences de perspectives entre le travailleur local et les organismes donateurs et entre les modèles propres à la santé mentale et au bien-être communautaire. Le défi permanent consiste à déterminer s’il est possible d’intégrer ces perspectives et ces modèles. Une comparaison entre le modèle communautaire et le modèle médical montre leurs répercussions sur les décisions prises au sujet des programmes pratiques et de l’allocation des ressources. Cette partie du rapport porte sur : A. B. C. D. les différentes significations de l’aide psychosociale; le modèle médical et le modèle communautaire; une comparaison et une analyse des deux approches; un exemple pratique de programme psychosocial mis en œuvre en Angola. 15 A. Les différentes significations de l’aide psychosociale i) Perspective sociale critique de l’aide psychosociale L’approche de l’aide psychosociale communautaire a une perspective plus vaste et elle est par nature adaptée à la culture. Par comparaison, l’approche axée sur le traumatisme psychopathologique est fondée sur un concept plus étroit. Les points suivants ont été notés : • • • • ii) Les approches axées sur la santé mentale et le bien-être psychologique sont fondées sur la culture. Les approches de l’aide psychosociale sont également des produits culturels. L’approche axée sur le traumatisme repose sur la dominance culturelle des hypothèses et catégories des pays occidentaux. L’approche psychosociale tient compte des limites des conceptions généralisées. Formes d’aide psychosociale Les formes d’aide psychosociale suivantes peuvent être utilisées : • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • iii) L’intégration dans la famille des enfants qui en ont été séparés; Le renforcement de la tolérance; La réintégration des enfants soldats; Le renforcement des mécanismes de protection juridique; L’éducation; Le règlement non violent du conflit; La prévention de la violence familiale; La guérison des traumatismes; Le soutien parental positif; Le renforcement de la solidarité; Le soutien pour les organisations féminines; Les cérémonies de guérison; La réduction des stigmates; Les activités de normalisation; L’aide aux aidants; L’éducation sur la paix; Les liens avec la santé, la réduction de la pauvreté; Les activités de renforcement des rôles; Les conseils; Le soutien accordé aux jeunes; Les activités expressives. Principales questions liées aux interventions programmatiques • L’allocation des ressources; 16 • • • L’imposition du pouvoir; L’évaluation des dommages; La participation et le dialogue entre les différentes cultures en tenant compte de l’asymétrie de pouvoir. B. Le modèle médical et le modèle communautaire B.1 Le modèle médical i) Le modèle médical appliqué à la zone de guerre : hypothèses de base Les hypothèses suivantes sont sous-jacentes à l’approche axée sur le traumatisme en tant que modèle médical et à son concept de syndrome de stress post-traumatique (SSPT) : • Les expériences de guerre provoquent des traumatismes et des troubles psychologiques connexes, notamment la dépression. • Les expériences traumatiques peuvent se produire avant, pendant et après le conflit armé. • Le traumatisme détruit le sentiment de sécurité de l’individu et son sentiment d’avoir une place dans le monde; le SSPT a des effets débilitants sur les adultes, fait que ceux-ci se sentent dépassés, engourdis émotionnellement et mal outillés pour aider leurs enfants. • Le traumatisme mine la résilience de l’enfant et ses capacités d’adaptation, entraînant une foule de résultats négatifs (liés à l’âge). • Le traumatisme est une réaction normale à des événements extrêmes qui mettent la vie en danger. • L’hypersensibilité et les changements neurologiques associés au SSPT sont universels; leurs effets peuvent être différés. • Le SSPT ne guérit pas spontanément. • Les traumatismes non traités contribuent à alimenter les cycles de violence. • Il est indispensable d’avoir des psychologues et des psychiatres techniquement compétents pour aider la guérison et l’intégration émotionnelle après un conflit armé. • La guérison se produit le plus souvent par l’expression et le traitement des émotions dans un contexte sûr et encourageant. • Les outils occidentaux doivent être adaptés culturellement au contexte local. ii) Évaluation du syndrome de stress post-traumatique (SSPT) : exposition aux facteurs de stress Le SSPT peut être induit par l’expérience directe d’événements traumatisants, ou par leur vécu indirect (source : Dinicola, 1996). Voici des exemples d’expériences directes d’événements traumatisants : • Une agression personnelle violente (y compris une agression sexuelle); • L’enlèvement ou la prise d’otages; 17 • • L’exposition à la violence (attaque, destruction de résidences, mines terrestres, etc.); Expérience de privation mettant la vie en danger. Les expériences indirectes d’événements peuvent se rapporter aux événements suivants dont la personne à été témoin : • Mort; • Grave blessure; • Agression sexuelle; • Cadavres ou corps mutilés; ou à des • • • événements vécus et rapportés par des proches : Agression violente; Grave blessure subie par un membre de la famille; Nouvelle de la mort subite d’un membre de la famille. Utiliser l’expression SSPT peut faire penser aux gens qu’ils sont en train de devenir fous. Il est important de leur faire comprendre que ce qu’ils éprouvent est normal et universel. L’évaluation sur l’échelle du SSPT est une évaluation mécaniste qui ne tient pas compte du fait que la culture et les écologies sociales interviennent pour aider les gens à guérir de ce syndrome. Pour les enfants, il vaut mieux ne pas adopter l’approche axée sur la pathologie parce que les enfants sont résilients. Les mesures du SSPT n’indiquent pas non plus exactement ce qui provoque le plus grand stress. Par exemple, on a découvert que le plus grand stress qu’éprouvait une fillette de onze ans dont les parents avaient été tués et la maison détruite, avait trait au fait qu’elle n’avait pas enterré ses parents. iii) Évaluation du syndrome de stress post-traumatique : critères des symptômes chez les enfants Les symptômes suivants du SSPT se manifestent chez les enfants exposés à un conflit violent (source : Dinicola, 1996) : a. L’enfant vit des événements qui seraient très stressants pour presque n’importe qui. b. Reviviscence de l’événement traumatisant • Images/souvenirs intrusifs; • Rêves traumatisants; • L’événement traumatisant est sans cesse revécu; • Compulsion de répétition; • Douleur provoquée par les souvenirs traumatisants. c. Engourdissement psychologique/évitement • Évitement de pensées, de sentiments, de lieux, de situations; • Intérêt réduit pour les activités habituelles; • Sentiments de se sentir seul/détaché/coupé de tout contact; 18 • • • • Champ émotionnel réduit; Troubles de la mémoire; Perte de compétences acquises; Changement d’orientation par rapport à l’avenir. d. État de vigilance accru • Trouble du sommeil; • Irritabilité/colère; • Difficulté à se concentrer; • Hypervigilance; • Réaction de surprise exagérée; • Réaction autonome aux rappels des événements traumatisants. iv) Interventions axées sur le traumatisme Les aspects programmatiques de l’intervention axée sur le traumatisme ont été décrits en détail de la manière suivante : • Évaluation et adaptation culturelle; • Facilitation de l’expression du chagrin et du deuil; • Counselling; • Activités expressives; • Ateliers psycho-éducationnels; • Formation et renforcement des capacités; • Sensibilisation communautaire à la santé mentale; • Renforcement des réseaux d’orientation; • Facilitation des relations sociales positives. Toutefois, en catégorisant les problèmes dans une perspective médicale, l’intervention axée sur le traumatisme reste une approche limitée. v) Points forts de l’intervention axée sur le traumatisme Dans ce contexte, les forces positives de l’intervention axée sur le traumatisme sont les suivantes : • Base scientifique, ce qui rend les données empiriques plus facilement accessibles; • Outils d’évaluation et indicateurs relativement bien définis; • Allégement de la peine et de la souffrance; • Sensibilisation communautaire à l’égard de ceux qui exigent une aide spéciale; • Renforcement des capacités pour soutenir la santé mentale; • Attractivité pour les donateurs et les collectivités. vi) Points faibles de l’intervention axée sur le traumatisme • • Problèmes d’envergure et indigence de l’aide clinique et professionnelle; Encourage l’attitude mentale de « victime »; 19 • • • • • • • vii) Manque de pertinence culturelle - limites des centres, approches verbales, intervention individualisée; Les blessures communes exigent une guérison commune; Besoin d’approches holistiques; Besoin d’appropriation, de mobilisation sociale, de reconstruction politique; Besoin excessif de ressources pour les interventions et la recherche sur les traumatismes dans les zones de guerre; Incapacité de relier la guérison avec une reconstruction plus vaste de tâches comme la promotion de la tolérance; Manque de durabilité. L’approche axée sur le traumatisme – questions conceptuelles L’approche axée sur le traumatisme traite les individus touchés par la violence en dehors de leur contexte social. Ce type de perspective « autonome » diffère profondément de l’approche psychosociale communautaire. Par exemple : • Qu’entend-on par « postérieur » à un conflit? • Stress continu; • « Trouble » et médicalisation des problèmes politiques, économiques et des problèmes liés aux droits de la personne; • Universalisme – le SSPT s’applique-t-il, et est-il lié au dysfonctionnement social dans un contexte culturel donné? • Description des phénomènes et sens au niveau local; • Dimensions spirituelles; • Blessures individuelles c. communautaires; • Asymétrie – imposition du pouvoir et impérialisme; • Marginalisation des pratiques et connaissances autochtones et silence auto-imposé au sujet de ces pratiques et connaissances. L’approche médicale marginalise les méthodes locales de réduction du stress et de guérison, alors que l’approche communautaire vise le contexte élargi, et tient compte systématiquement des aspects socio-politiques. B.2 LE MODÈLE COMMUNAUTAIRE Les objectifs des programmes psychosociaux axés sur la collectivité sont très différents de ceux de l’approche médicale. Ainsi, le modèle communautaire : • • • Tient compte de la force et de la résilience dans la collectivité concernée et cherche à renforcer le soutien familial en relation avec la résilience, les compétences et la capacité d’adaptation des enfants; Vise à soutenir les familles et les enfants vulnérables; Évalue non seulement les risques médicaux mais également les risques macrosociaux, notamment la pauvreté, et les risques microsociaux, notamment les sévices exercés sur les enfants et l’exploitation sexuelle des enfants; 20 • • • i) Vise à réduire les risques encourus par les enfants, les familles et les collectivités; Reconnaît que les individus vulnérables, notamment les enfants qui sont seuls et les pauvres, sont plus exposés au risque psychosocial qu’au risque de « maladie »; Vise à protéger les droits des enfants à tous les niveaux. Exemples de résultats souhaités Les résultats souhaités des programmes psychosociaux communautaires sont un sentiment d’appartenance et un sentiment d’identité positif pour les groupes marginalisés. Ils visent à accroître l’espoir dans la collectivité par la promotion de possibilités d’avenir positives, notamment : • le renforcement des mécanismes communautaires de protection des enfants; • l’acquisition accrue de compétences appropriées à l’âge; • un solide attachement aux pourvoyeurs de soins; • un attachement fructueux aux pairs, à l’amitié et aux liens sociaux; • un sentiment d’appartenance et d’identité positif; • une tolérance accrue; • l’accès à l’école et à l’obtention de bons résultats scolaires; • un espoir accru et des perspectives d’avenir positives. ii) Hypothèses de l’approche communautaire Plusieurs hypothèses sur lesquelles repose l’approche psychosociale communautaire permettent d’élargir l’évaluation de base pour l’intervention programmatique. • La guerre bafoue les droits humains et détruit les soutiens sociaux, augmentant les risques et les besoins de protection. Le traumatisme n’est qu’une petite partie des répercussions qu’une guerre exerce sur les enfants. • La réaction des enfants aux événements traumatiques qu’ils subissent est influencée par leurs croyances et perceptions, les écologies sociales, et les valeurs et pratiques culturelles. • L’aide psychosociale devrait être holistique, fondée sur la culture et orientée vers le bien-être plutôt que sur la réduction des déficits. • Les stratégies d’intervention sont des stratégies sociales plutôt que des stratégies individuelles et elles devraient être bénéfiques pour l’ensemble de la collectivité. • Une programmation efficace nécessite une approche systémique qui permet d’interconnecter entre eux les réseaux de soutien pour les enfants, pour les familles, les collectivités et les groupes de pairs. • Les enfants ne sont pas des victimes mais des acteurs dont la participation contribue sensiblement au soutien psychologique. Ils sont une ressource pour la tâche communautaire de la reconstruction. • Les pratiques culturelles locales peuvent être des sources importantes de résilience, d’adaptation et de protection. 21 • • Les familles et les collectivités locales n’existent pas dans l’isolement elles ont des ressources qui leur permettent de contribuer au bienêtre de l’enfant. La conception, la mise en œuvre et l’évaluation des programmes sont de nature participatives et motivées par la collectivité; elles font appel aux connaissances et aux ressources locales. Elles visent l’autonomisation communautaire et la planification collective, et mettent l’accent sur les mesures prises au nom des enfants. iii) Limites de l’approche communautaire Il est difficile de documenter l’impact de l’intervention communautaire en raison du manque d’outils empiriques permettant de le mesurer. À cette étape de son développement, l’approche communautaire est potentiellement limitée par : • la faiblesse de la documentation sur l’impact; • la stigmatisation des groupes vulnérables au moyen de programmes ou d’évaluations excessivement ciblés; • des mécanismes de causalité mal définis; • un concept de « collectivité » réifié; • le fait de privilégier des groupes particuliers; • une dépendance excessive à l’égard des expatriés; • les scénarios culturels et les préjugés sexuels; • la planification et la mise en œuvre différée des programmes; • l’imposition d’approches externes de la résilience, du développement de l’enfant, des droits des enfants; • l’aide asymétrique. C. COMPARAISON ENTRE L’APPROCHE AXÉE SUR LE TRAUMATISME ET L’APPROCHE COMMUNAUTAIRE Portée Objectifs APPROCHE AXÉE SUR LE TRAUMATISME étroite, psychosociale APPROCHE COMMUNAUTAIRE large, intégrée guérison individuelle et intégration émotionnelle mobilisation communautaire, guérison et renforcement des capacités internes, combinaison externes Compétences spécialisées apprentissage mutuel, ouvert dirigée Formation Orientation acteurs, ressources créatives victimes, bénéficiaires Perspective des 22 partagé, réparti personnes locales Pouvoir asymétrique, ciblé sur les ONG et l’équipe nationale premier plan arrière-plan Culture locale universelle, privilégiée Perspective de la psychologie occidentale besoin d’interrelier les approches éthiques et emiques élevée faible Durabilité D. EXEMPLE DE PROJET MENÉ EN ANGOLA : LE PROVINCIAL-BASED WAR TRAUMA TRAINING (PBWTT) Ce projet de formation axée sur le traumatisme causé par la guerre a été choisi pour illustrer un projet d’aide psychosociale. Le projet PBWTT a été mené en Angola avec le soutien de l’USAID et la collaboration de l’UNICEF, du gouvernement de l’Angola, des ONG et des églises. Sept provinces ont été sélectionnées, et 4 000 adultes ont reçu une formation par les équipes de formation de la province. Les stagiaires avaient été choisis pour représenter les enfants par leurs propres collectivités, en raison du leadership dont ils faisaient preuve et parce qu’ils étaient bien placés pour les aider. Ces stagiaires ont d’abord été identifiés lors d’une réunion avec le chef local et le conseil des aînés – tous des hommes. L’étape suivante consistait à rencontrer des groupes de femmes influentes et à trouver parmi elles celles qui représenteraient les enfants. On trouvera à l’annexe 6, un modèle utile de la manière dont on pourrait concevoir ce type de projet de formation. Il fournit : les statistiques de base; 2) les objectifs; 3) les résultats; 4) la méthode; 5) le processus. En ce qui concerne les séminaires de formation du PBWTT, ils offrent de l’information sur : 1) le contenu; 2) la méthodologie; 3) le suivi; 4) les méthodes d’évaluation; 5) les lacunes et les contraintes; 6) les répercussions du projet PBWTT. Observations découlant du projet PBWTT : • • Il faut faire preuve de souplesse lorsqu’il a été trouvé que les indicateurs définis par le donateur ou par l’organisme ne répondent pas aux besoins locaux. De nombreux participants arrivent dans ces contextes avec un plan déjà en place et une liste de contrôle préconçue qui peuvent n’avoir aucune pertinence avec toutes les situations de conflit. 23 • • • • • • • Lorsque les organisations internationales font leur apparition, les voix locales se taisent. Avec ces deux techniques, le problème le plus important est que lorsque les Occidentaux sont trop nombreux dans l’équipe, il ne reste plus assez de pouvoir à partager ni de liberté d’action pour les membres locaux de l’équipe. Les participants locaux « s’imposent le silence » et s’en remettent souvent aux Occidentaux, qui arrivent bardés de diplômes universitaires. Les participants locaux formés aux méthodes occidentales sont souvent plus occidentaux dans leur démarche que les Occidentaux. On ne dispose pas de données scientifiques éprouvées pour indiquer ce qui fonctionne. On doit trouver les ONG locales et établir des liens avec elles. Nous avons tendance à utiliser nos propres modèles lorsque nous concevons et élaborons nos programmes. Il est plus utile et durable d’encourager les liens avec les habitants locaux. IV CADRE INTÉGRÉ : QUESTIONS, PRIORITÉS ET RÉPERCUSSIONS 1. PYRAMIDE D’INTERVENTION PSYCHOSOCIALE La pyramide d’intervention psychosociale fournit un cadre pour identifier les enfants qui sont exposés à un risque élevé, un risque moyen et un faible risque. On peut voir à la page 31, un projet de pyramide d’intervention psychosociale, conçue par le Groupe de travail sur l’aide psychosociale, Save the Children des É.-U. Les personnes les plus gravement touchées au sommet de la pyramide nécessitent une approche plus ciblée. Le pourcentage courant du SSPT se situe autour de 10 à 20 p. 100. On suppose habituellement que les personnes de ce groupe qui courent le plus de risque exigent un type ou un autre d’intervention individuelle spécialisée, ce qui est explicitement une perspective occidentale. Toutefois, même des interventions ciblées spécialisées, notamment le traitement et le counselling, ne doivent pas forcément avoir lieu au niveau individuel. Cela peut se faire dans le cadre d’interventions qui offrent une assistance mutuelle et renforcent les réseaux communautaires, par exemple, par le biais des structures existantes, notamment les groupes de jeunes et les églises, etc. Au milieu de la pyramide on trouve un groupe bien plus vaste, qui peut consister d’enfants séparés, d’anciens enfants soldats et de victimes de violence sexuelle. En travaillant avec un cadre de résilience-risque et à partir d’une perspective communautaire, le point d’entrée et l’intervention se situeraient au niveau social, et non au niveau individuel. L’approche de projet à ce point consiste en interventions de groupe qui renforcent l’écologie sociale en évolution. 24 L’approche courante consiste à réunir les membres de la famille élargie. Toutefois, il arrive parfois que ce ne soit pas la meilleure approche. Par exemple : • Ces enfants sont souvent devenus des travailleurs exploités par la famille élargie et parfois très marginalisés par ses membres; • Il y a parfois des jeunes de 13 à 18 ans qui peuvent offrir un excellent soutien et qui sont en fait bien plus capables d’être un « parent » compétent et émotionnellement accessible que de nombreux individus de 20 à 30 ans. À la base de la pyramide on trouve le plus grand groupe d’individus qui peuvent être touchés par la guerre mais qui peuvent manifester une plus grande résilience. Ils ont montré leur capacité de survivre et ont une grande capacité fonctionnelle. Pour ce groupe, vous devez renforcer les activités d’éducation, d’acquisition de compétences et peut-être les possibilités économiques. L’approche de projet n’est pas axée sur l’individu mais sur la collectivité et elle comprend l’éducation sanitaire, les activités économiques, et un retour aux activités de normalisation de base dans le contexte de la reconstruction sociale et culturelle. On ne peut offrir une aide psychosociale efficace aux personnes qui ont l’estomac vide. Arriver dans un véhicule à quatre roues motrices pour « soigner les blessures de la guerre » lorsque les gens luttent pour satisfaire leurs besoins élémentaires de survie physique, ne sera pas vu d’un œil favorable. On ne peut tenter de régler ces questions une à la fois. Il faut tenir compte de l’intégration verticale pour élaborer des interventions qui fonctionnent simultanément à divers niveaux et qui sont interreliées à tous ces niveaux. Il faudrait pour cela régler les questions matérielles, notamment à l’aide de petits projets générateurs de revenus, pour montrer que l’on comprend leur situation. L’environnement après le conflit laisse les gens isolés, marginalisés, affamés et déchirés par la violence communautaire. Dans ce cas, les gens peuvent passer d’un groupe à faible risque de la pyramide à un groupe à risque élevé. 25 PYRAMIDE D’INTERVENTION PSYCHOSOCIALE Population cible Groupes à risque élevé Contenu du projet Counseling individuel Approche du projet Interventions individuelles pour renforcer le fonctionnement individuel __________________________________________ Population cible Groupes à risque Contenu du projet Réunification familiale, réintégration sociale, cérémonies de guérison, réintégration des enfants soldats, appui aux parents Approche du projet Interventions de(s) groupe(s) pour renforcer la confiance, la tolérance et la guérison ____________________________________________________________________ Population cible Groupes à faible risque Contenu du projet Activités d’éducation, acquisition de compétences, possibilités économiques Approche de projet Approches communautaires pour offrir des services de santé, d’éducation et des possibilités économiques Prévention de dommages possibles, restauration des possibilités économiques de base Ce modèle ne tient pas vraiment compte de toute la richesse de la culture locale, des écologies sociales et des structures du pouvoir dans les collectivités touchées par des conflits, ni de tous les différents réseaux et clientèles qui existent au niveau local. Les valeurs ainsi que la culture (et les programmes de base des organismes extérieurs - donateurs, ingénieurs, etc. – peuvent ne pas cadrer avec la culture locale. 26 2. HEURISTIQUE DE L’INTERVENTION PROGRAMMATIQUE PSYCHOSOCIALE Pour élaborer un modèle mieux adapté à la culture, le Christian Children's Fund, Save the Children des É.-U., l’International Rescue Commission, MSF Hollande et des partenaires universitaires ont collaboré ces dernières années avec les médecins pour institutionnaliser le domaine de l’aide psychosociale et favoriser l’évolution du domaine. On trouvera l’heuristique à la page suivante. Les trois questions/besoins suivants ont été étudiés pour élaborer un cadre pouvant tenir compte de divers types d’interventions sociales : 1. Qu’a-t-on appris des interventions sociales antérieures, et quelles sont les principales lacunes que nous pouvons mettre en lumière? 2. Quelle est la portée des activités de recherche menées en partenariat avec les ONG et les établissements universitaires pour combler ces lacunes? 3. Importance de créer un programme de recherche pour les donateurs en vue de préciser les types d’études sur les résultats à entreprendre et qui seraient utiles pour développer systématiquement le domaine. L’heuristique présentée ci-dessous, ainsi que l’annexe 7 « Facteurs influant sur la programmation psychosociale dans les situations d’urgence complexes », sont des documents provisoires préparés par le groupe de travail sur l’aide psychosociale de la Mellon Foundation. Il s’agit d’un produit de groupes, qui cherche des sources locales très pratiques pour élaborer une heuristique et réfléchir sur les interventions programmatiques psychosociales. L’équipe comprend trois groupes : les établissements universitaires, les praticiens communautaires; les spécialistes de la santé publique. 27 29 HEURISTIQUE DE L’INTERVENTION PROGRAMMATIQUE PSYCHOSOCIALE3 AVANT L’ARRIVÉE DANS L’IMMÉDIAT Événements Écologie sociale Carte Ressources communautaires À COURT TERME Compréhension évoluant constamment Identifier les groupes d’intervenants les individus pertinents pour travailler avec eux Participer avec les intervenants à l’établissement du schéma conceptuel de : Événements Écologie sociale Ressources communautaires Valeurs culturelles Valeurs culturelles Mandat culture/ valeurs Vérifier ses propres organismes Ressources allouées 3 Déterminer les besoins de protection immédiate + d’allégement de la détresse aiguë Groupe de travail psychosocial de la Mellon Foundation Définir les obstacles au rétablissement Participer avec les intervenants à la définition du bien-être psychosocial et déterminer les domaines où il y a eu une perte, une perturbation ou une violation Négocier la réponse programmatique Priorités Préoccupations Liaison avec d’autres SNG qui tiennent compte de la dimension psychosociale Autres ressources externes Reconnaître les questions importantes qui n’ont pas été abordées Mettre en œuvre le programme de secours 30 31 Lorsque nous abordons une collectivité traumatisée dans l’intention de concevoir et de mettre en œuvre une intervention programmatique, notre évaluation de la situation doit tenir compte de quatre aspects de la collectivité : • ses valeurs culturelles; • son écologie sociale; • ses ressources physiques; • sa capacité humaine. Nous devons évaluer simultanément ces quatre aspects existant au sein de l’organisme externe ou des organismes qui participeront à l’intervention programmatique. Par exemple : • en élaborant et mettant en œuvre une intervention programmatique, en ce qui concerne l’affectation de ressources et les rapports de pouvoir, il est indispensable de savoir quels programmes peuvent être exécutés au sein de la collectivité et dans quelle mesure le programme de l’organisme externe est exécuté; • en reconnaissant l’importance d’entamer un dialogue avec la collectivité, pour éviter d’imposer des programmes externes; • en reconnaissant l’importance des outils et des valeurs propres à chaque culture pour corriger les effets du traumatisme et en les utilisant. L’annexe 8 présente le type de schéma conceptuel requis 1) avant l’arrivée; 2) dans l’immédiat, une fois sur le terrain. Il s’agit d’une conceptualisation très différente de l’approche plus étroite axée sur le traumatisme, qui se concentre principalement sur la santé mentale, et porte rarement la culture au premier plan. Il s’agit d’une manière non mécaniste d’envisager l’intervention. On ne suppose pas qu’il existe une uniformité culturelle, ni que tout le monde vit les mêmes événements. On suppose que les réponses aux événements sont influencées par le degré dans lequel une collectivité a été durement touchée, par la culture et les valeurs, et par le fait de savoir s’il s’agit de détresse spirituelle au cœur de la souffrance ou s’il s’agit d’autre chose. Cette approche examine les capacités humaines présentes dans la collectivité ainsi que ses écologies sociales. Même si des préoccupations à l’égard du traumatisme et de la maladie mentale sont soulevées au niveau individuel, c’est fondamentalement la collectivité touchée qui aura besoin d’interventions, parce que les interventions seront fondamentalement des interventions sociales, même si elles cherchent à aider les individus. Les familles et les groupes de soutien sont souvent disloqués. Il s’est souvent formé des groupes politiques aux bases extrêmement idéologiques qui conceptualisent le monde sur une notion de rivalité « eux contre nous ». Cette situation a pour effet de changer les valeurs et les collectivités locales. Les enfants se trouvent prisonniers de cette écologie sociale de militarisme et de radicalisme politique qui a de profondes répercussions sur le développement communautaire. Idéalement, la communauté internationale, les organismes extérieurs et la collectivité touchée s’engageront dans un processus qui ne vise pas seulement l’évaluation, mais également le dialogue et la coparticipation. Cela aboutira à l’établissement de priorités, une certaine élaboration de stratégies d’intervention, enfin, à la mise en œuvre de la conception réelle et à l’évaluation de l’intervention programmatique. Enseignements tirés : • • 3. Trop souvent, les organismes interviennent sans être suffisamment préparés culturellement pour pouvoir identifier les ressources locales et les utiliser. Le processus d’évaluation est souvent trompeur du fait que l’on procède à une évaluation très rapide de la situation sans comprendre comment celle-ci évolue. Elle est extrêmement dynamique et change constamment. FACTEURS INFLUANT SUR LE BIEN-ÊTRE PSYCHOSOCIAL Les facteurs suivants influent sur le bien-être psychosocial : • Capacité humaine : la capacité humaine se rapporte au bien-être et à la santé physique et psychologique, à a base des connaissances et des aptitudes, et aux moyens de subsistance des ménages. En l’absence d’un certain niveau de base des ressources, la capacité humaine des parents de s’occuper de leurs enfants diminue. Il s’agit probablement du plus grand risque pour les enfants qui vivent dans les zones de guerre. Les parents préoccupés par la recherche d’un abri, de nourriture et d’eau, n’ont pas le temps de s’occuper de leurs enfants. Il s’ensuit que leurs enfants encourent des risques. • Valeurs culturelles : La culture et les valeurs locales nous renseignent beaucoup sur la compréhension qu’ont les habitants locaux de la souffrance, des relations symboliques entre les sexes et également de l’identité culturelle. Par exemple, pour un enfant qui vit dans une zone de guerre comme la Palestine, l’identité se définit en partie par opposition à celle de l’attaquant. Des identités qui s’opposent créent un clivage entre « nous » et « eux » et ont de profondes répercussions sur les relations à long terme. Lorsque les normes fondamentales des droits humains ont été détruites, cela peut entraîner la perte du respect pour les droits fondamentaux des enfants et de la sensibilisation à la protection des enfants. L’une des choses les plus importantes que nous puissions faire pour restaurer un sentiment de dignité humaine et le respect des droits humains après le conflit est d’inciter les gens à se concentrer sur leurs enfants. • Écologie sociale : L’écologie sociale se rapporte à la famille, à la parenté, aux groupes de pairs, aux groupes de citoyens et religieux, par exemple, aux groupes de femmes et aux groupes sportifs. Toutefois, l’écologie sociale englobe aussi les services gouvernementaux, la représentation politique, les divisions politiques, la socialisation politique et la gouvernance. • Ressources physiques : Les ressources physiques comprennent les biens, les moyens de subsistance, l’infrastructure et l’environnement. Nous devons examiner comment ces ressources physiques ont subi des dommages. Il existe une négligence voulue, qu’il nous faut changer, à l’égard des relations entre les questions psychosociales et les questions environnementales. Lorsque les jeunes grandissent dans un environnement qui ne leur permet pas d’établir de liens avec la nature, leur négligence envers celle-ci s’intègre dans l’érosion du 32 respect et du caractère sacré de la vie. On peut faire des choses très simples pour corriger cela. Ainsi, en Angola, on a donné une fleur aux enfants qui ont été gravement touchés en leur disant : « Voici une fleur, elle t’appartient; il faudra que tu l’arroses et que tu t’occupes bien d’elle pour qu’elle puisse s’épanouir ». Des changements se produisent au fur et à mesure que l’enfant voit la fleur grandir. Cela est devenu une métaphore de ce qu’ils vivent. Les jeunes ont un rôle à jouer dans la protection des ressources, par exemple, en s’intégrant à des groupes de jeunes écologistes, ce qui pourrait avoir des effets positifs sur leur bien-être. • Ressources économiques : La pauvreté reste la plus grande source de violence. Les moyens de subsistance sont le facteur de risque à long terme de presque tous les dangers qu’encourent les enfants et leurs familles. Pour que les jeunes puissent jouer un rôle positif, il est absolument crucial de leur donner une formation professionnelle, de leur permettre d’acquérir des compétences pertinentes et de changer leur monde et leurs collectivités de manière à ce qu’ils les jugent productifs. Toutefois, il faut aussi travailler avec les adultes. Par exemple, travailler avec les jeunes pour changer les perceptions qu’ils ont de leur monde peut ne pas donner les résultats escomptés si l’on ne travaille pas également pour changer les perceptions des adultes. En effet, il arrive que l’on considère un jeune qui a changé de perspective comme un agitateur ou un faiseur de troubles, quelqu’un qui nuit au prestige des aînés. Cela peut mettre ce jeune dans une situation très difficile. V. LES ENFANTS SOLDATS ET LES CONSÉQUENCES PSYCHOSOCIALES 1. Problèmes associés à l’examen de la question des enfants soldats A Un problème étroitement lié, auquel le public a prêté une grande attention est celui de l’enfant soldat. La présentation de ce problème auprès du public a été gênée par les facteurs suivants : • le sensationnalisme; • les questions d’ordre éthique – la stigmatisation, le fait de nuire; • des approches étroites, fragmentées; • des perceptions contestées à l’égard de l’enfance; • des difficultés au niveau définitionnel; • les perceptions monolithiques; • la problématique hommes-femmes et l’invisibilité des femmes. 2. Pourquoi les enfants deviennent soldats Les enfants deviennent des soldats pour survivre dans des situations où ils n’ont que peu ou pas de pouvoir personnel ou social. Certaines forces qui agissent sur les enfants sont les suivantes : • la protection et le besoin de survie; • l’enlèvement ou le recrutement forcé; • la séparation, le déplacement, la vulnérabilité; 33 • • • • • • • 3. les pressions familiales; le machisme, le pouvoir, et la glorification de la guerre; la pauvreté; l’absence d’autres options; la victimisation et le désir de vengeance; la socialisation politique; les politiques de conscription, le patriotisme. Macro et microfacteurs de risque pour les enfants soldats Le diagramme ci-dessous indique quels sons les microfacteurs de risque liés à la famille, à l’école et à la collectivité, et les macrofacteurs de risque liés à la pauvreté, l’oppression, l’idéologie, aux conflits armés et à la militarisation. PAUVRETÉ OPPRESSION Perte des parents Violence familiale Destruction du domicile Abus d’intoxicants Honneur/vengeance FAMILLE ÉCOLE COLLECTIVITÉ Destruction Insécurité Éducation de piètre qualité Grèves/dislocation Enlèvement Crime Pression des pairs Conflit ethnique Paramilitaires Groupes barricadés Identités MILITARISATION IDÉOLOGIE CONFLIT ARMÉ MILITARISATION 34 4. Les conséquences psychosociales sur les enfants soldats Les effets traumatisants de la participation à une activité militaire sur les enfants ne sont pas seulement des effets psychologiques, mais également des effets sociaux. Les conséquences d’une participation tant active que passive sont les suivantes : • • • • • • • • • • • • • • VI relations sociales endommagées; rejet par la famille ou la collectivité; détresse spirituelle, sentiment de culpabilité; stigmatisation; détachement spirituel/repli sur soi-même; agressivité accrue; absence d’éducation et de mécanismes sociaux positifs; des flashbacks, manque de concentration; destruction des réseaux de soutien communautaires; maladie sexuelle et confusion; handicap; problèmes d’identité; valeurs militaristes; perspectives d’avenir négatives. OBJECTIFS DES INTERVENTIONS ET ACTIVITÉS SUGGÉRÉES POUR FACILITER LE SOUTIEN PSYCHOSOCIAL ET LA RÉINTÉGRATION DES EX-ENFANTS SOLDATS On a demandé au groupe en séance plénière de réfléchir aux questions suivantes : • • • Quelles sont les répercussions psychologiques et spirituelles potentielles sur les jeunes qui entrent dans la catégorie de l’enfant soldat? Par quel type de programmation commencer? Comment s’y prendre pour élaborer une stratégie? Scénario de discussion : Le gouvernement de la Sierra Leone sait que des milliers d’enfants ont été recrutés comme soldats ces dix dernières années. La démobilisation et l’intégration de ces enfants soldats fait partie du processus de paix. Il a convoqué un groupe de spécialistes qui ont travaillé avec des enfants vivant dans des zones de guerre d’autres régions du monde. Il vous invite à proposer des idées de programmes. Il s’intéresse particulièrement, non seulement aux garçons soldats, mais aux filles soldats, et on accordera donc une place importante aux questions propres à chacun des sexes. La discussion de groupe a fait ressortir les points suivants : 1. Par où commencer? • • Définir les compétences positives et en tenir compte; Définir d’autres moyens de subsistance positifs; 35 • • • • 2. Définir des options d’apprentissage, d’acquisition de compétences et de vie positives; Définir des solutions de rechange pour ceux qui ne souhaitent pas retourner dans leurs collectivités; Faire participer les jeunes en les incitant à définir leurs propres objectifs. Faire appel à une équipe multidisciplinaire pour la conception et la mise en œuvre. Objectifs ou stratégie • • • • 3. Renforcer les capacités parentales des jeunes filles qui ont des enfants; Renforcer les liens au sein de la collectivité, entre les groupes; Renforcer les réseaux d’entraide; Créer un centre de réhabilitation? – Cela permettra de fournir une protection immédiate mais qui restera provisoire. Est-il préférable d’assurer leur intégration dans une collectivité appropriée? Éléments à considérer dans l’élaboration d’une stratégie • • • • • 4. les besoins humains fondamentaux; l’accès à la terre; l’éducation; les questions légales; les techniques de survie émotionnelle; les possibilités professionnelles réalistes; la participation des jeunes à l’établissement de priorités. Types d’activités programmatiques et de pratiques efficaces : Ces activités • • • • • • • • • et pratiques ont été envisagées dans le contexte suivant : absence de système d’éducation; désintégration des systèmes économiques; agriculture; petites activités commerciales, p. ex. activités de colportage. Aider les filles qui ont des enfants en leur fournissant : - un soutien parental; - un appui économique; - des perspectives d’avenir; - un statut/des rôles; - un accès équitable à l’aide. Réunification avec la collectivité, si c’est ce qui est souhaité; Prendre des mesures contre les crimes/pardonner aux enfants; Pardonner la collectivité pour son absence de protection; Protéger contre les possibilités d’un nouveau recrutement; Cibler tous les membres de la collectivité; Éviter de trop cibler pour ne pas entraîner de ressentiment; Utiliser plus de critères inclusifs; Faire participer les jeunes à la mise en œuvre des programmes. Cela permet de changer les perceptions, renforce la guérison et la résilience; 36 • • • • • • • • • VII. Utiliser le mentorat et l’apprentissage pour les filles qui ont des enfants; Utiliser le mentorat par les ex-soldats? (nota : lorsqu’ils sont entre eux ils parlent souvent du besoin de soutien. En ayant un modèle de rôle positif, par exemple, un ancien commandant, cela peut indiquer qu’il/elle a pris une décision positive importante et a réussi sa transformation, et qu’il y a donc de l’espoir); Utiliser le mentorat communautaire et non le mentorat individuel (ce dernier type de mentorat peut privilégier ou stigmatiser certains individus); Assurer l’éducation communautaire sur la protection; Faire appel à un animateur communautaire pour sensibiliser la collectivité à la question de l’égalité des sexes; Inclure les enfants dans les programmes communautaires; Parler aux enfants de leur comportement, de ce qui est important pour leur intégration. Par exemple, l’enfant parade-t-il comme un soldat, ou manifeste-til un comportement non militaire? Utiliser le sport/les matches/le jeu; Utiliser l’expression créative/la célébration; DOMAINES À APPROFONDIR À la session de récapitulation, des suggestions ont été faites quant aux domaines où il faut poursuivre les travaux. Par exemple : 1. • • • 2. • • • • 3. 4. Suivi et évaluation L’étape du suivi et de l’évaluation est importante et il faudrait la mener de manière systématique et ciblée. Il existe des besoins de formation dans ce domaine. Ce type de travail ne produit pas des résultats clairs, ce qui est problématique pour les donateurs. Il est indispensable d’avoir des indicateurs clairs de la participation des enfants et des familles pour assurer l’efficacité du suivi. Considérations éthiques Il peut y avoir des questions d’ordre éthique. Par exemple, lorsque l’on quitte une région pour aller dans une autre, les gens et la collectivité que l’on a quittée se sentent-ils abandonnés? Il existe un besoin d’apprentissage pour l’agence – d’analyser « ce que nous faisons en ces lieux ». Il arrive souvent que les activités sur le terrain soient le résultat d’une décision fondée sur notre propre culture et, parfois, elles sont motivées par un intérêt personnel. Les approches psychosociales dépolitisent les questions touchant aux enfants; nous devons les repolitiser dans une perspective de justice sociale. • Recherche Il existe un manque de recherche systématique. • Partage de l’information Il est indispensable de faire rapport de l’information et de la disséminer. 37 En conclusion, l’atelier a permis d’obtenir de la documentation et des renseignements pratiques sur le processus, ainsi que des ressources fondamentales pour notre travail avec les enfants et leurs collectivités dans les pays touchés par un conflit. Les discussions plénières ont permis d’obtenir et d’échanger de précieuses informations. 38 ANNEXES DU RAPPORT TRAVAILLER AVEC LES ENFANTS TOUCHÉS PAR LA GUERRE : ATELIER DE PERFECTIONNEMENT DES COMPÉTENCES 1 TABLE DES MATIÈRES DES ANNEXES PAGE 1. Convention relative aux droits des enfants 3 2. Les points de vue des enfants 5 3. Facteurs influant sur le développement psychosocial et le bien-être 9 4. Facteurs d’évaluation des besoins psychosociaux 11 5. Outils et méthodes d’analyse sociale 13 6. Plan détaillé d’un projet de formation fondé sur le projet PBWR mené en Angola 14 Facteurs influant sur la programmation psychosociale dans les situations d’urgence complexes 20 Schéma conceptuel requis avant l’arrivée sur le terrain et une fois sur le terrain 21 9. Programme révisé de l’atelier 25 10. Liste des participants 28 7. 8. 2 ANNEXE 1 CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES ENFANTS (CDE) ARTICLES SÉLECTIONNÉS Convention relative aux droits des enfants Article 6 : 1. Les États parties reconnaissent que tout enfant a un droit inhérent à la vie. 2. Les États parties assurent dans toute la mesure possible la survie et le développement de l’enfant. Article 9 : 1. Les États parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l'intérêt supérieur de l'enfant. Une décision en ce sens peut être nécessaire dans certains cas particuliers, par exemple lorsque les parents maltraitent ou négligent l'enfant, ou lorsqu'ils vivent séparément et qu'une décision doit être prise au sujet du lieu de résidence de l'enfant. Article 10 : … Conformément à l'obligation incombant aux États parties en vertu du paragraphe 1 de l'article 9, toute demande faite par un enfant ou ses parents en vue d'entrer dans un État partie ou de le quitter aux fins de réunification familiale est considérée par les États parties dans un esprit positif, avec humanité et diligence. Les États parties veillent en outre à ce que la présentation d'une telle demande n'entraîne pas de conséquences fâcheuses pour les auteurs de la demande et les membres de leur famille. Article 19 : Les États parties prennent toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l'enfant contre toute forme de violence, d'atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d'abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d'exploitation, y compris la violence sexuelle, pendant qu'il est sous la garde de ses parents ou de l'un d'eux, de son ou ses représentants légaux ou de toute autre personne à qui il est confié. Article 20 : 1. Tout enfant qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial, ou qui dans son propre intérêt ne peut être laissé dans ce milieu, a droit à une protection et une aide spéciales de l’État. Article 21: Les États parties prévoient pour cet enfant une protection de remplacement conforme à leur législation nationale... Article 22 : 1. Les États parties prennent les mesures appropriées pour qu'un enfant qui cherche à obtenir le statut de réfugié ou qui est considéré comme réfugié en vertu des règles et procédures du droit international ou national applicable, qu'il soit seul ou accompagné de ses père et mère ou de toute autre personne, bénéficie de la protection et de l'assistance humanitaire voulues pour lui permettre de jouir des droits que lui reconnaissent la présente Convention et les autres instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme ou de caractère humanitaire auxquels lesdits États sont parties. 3 2. À cette fin, les États parties collaborent, selon qu'ils le jugent nécessaire, à tous les efforts faits par l'Organisation des Nations Unies et les autres organisations intergouvernementales ou non gouvernementales compétentes collaborant avec l'Organisation des Nations Unies pour protéger et aider les enfants qui se trouvent en pareille situation et pour rechercher les père et mère ou autres membres de la famille de tout enfant réfugié en vue d'obtenir les renseignements nécessaires pour le réunir à sa famille. Lorsque ni le père, ni la mère, ni aucun autre membre de la famille ne peut être retrouvé, l'enfant se voit accorder, selon les principes énoncés dans la présente Convention, la même protection que tout autre enfant définitivement ou temporairement privé de son milieu familial pour quelque raison que ce soit. Article 28 : 1. Les États parties reconnaissent le droit de l'enfant à l'éducation, et en particulier, en vue d'assurer l'exercice de ce droit progressivement et sur la base de l'égalité des chances … Article 34 : Les États parties s'engagent à protéger l'enfant contre toutes les formes d'exploitation sexuelle et de violence sexuelle. À cette fin, les États prennent en particulier toutes les mesures appropriées sur les plans national, bilatéral et multilatéral pour protéger l’enfant contre toute les formes d’exploitation sexuelle et de violence sexuelle… Article 38 : ... 2. Les États parties prennent toutes les mesures possibles dans la pratique pour veiller à ce que les personnes n'ayant pas atteint l'âge de quinze ans ne participent pas directement aux hostilités. … 4. Conformément à l'obligation qui leur incombe en vertu du droit humanitaire international de protéger la population civile en cas de conflit armé, les États parties prennent toutes les mesures possibles dans la pratique pour que les enfants qui sont touchés par un conflit armé bénéficient d'une protection et de soins. Article 39 : Les États parties prennent toutes les mesures appropriées pour faciliter la réadaptation physique et psychologique et la réinsertion sociale de tout enfant victime de toute forme de négligence, d'exploitation ou de sévices, de torture ou de toute autre forme de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ou de conflit armé. Cette réadaptation et cette réinsertion se déroulent dans des conditions qui favorisent la santé, le respect de soi et la dignité de l'enfant. 4 ANNEXE 2 LES POINTS DE VUE DES ENFANTS ELISA : Ma tâche consistait à passer mon temps près de la rivière pour écouter ce que disaient les gens sur le FRELIMO. J’écoutais aussi de nombreuses conversations à la mission après la messe, lorsque les gens parlaient à voix basse en petits groupes. Les gens ne se méfiaient pas parce qu’ils voyaient que j’étais une enfant. J’allais répéter ce que j’avais entendu. [Source : West, Harry G. (2000) : “ Girls with Guns: Narrating the Experience of War of FRELIMO’s Female Detachment ”, Anthropological Quarterly no 73(4) p. 180-194.] JACINTA : (qui a écrit au commandant de FRELIMO, Samora Machel, lorsqu’elle a appris qu’il allait interdire aux filles de s’engager activement dans les combats) Je lui ai dit : « Voyez tout ce que nous avons fait! Pourquoi faut-il laisser nos frères mourir sans combattre nous aussi? » .Samora ne m’a pas répondu, mais son attitude disait que si nous voulions continuer de nous battre, il était d’accord, mais qu’il ne pouvait le reconnaître officiellement. J’ai participé à des missions de combat. Pendant un certain temps, j’étais à Manica [une base dans la province de Cabo Delgado] Les guérilleros ne m’ont jamais donné de problèmes, ni a moi ni à mon groupe. Ils ne nous ont jamais laissé en arrière, jamais exclues ni manifesté de rancœur. Ils appréciaient notre présence. [Source : West, Harry G. (2000) : “ Girls with Guns: Narrating the Experience of War of FRELIMO’s Female Detachment ”, Anthropological Quarterly, no 73(4) p. 180-194.] SCHOLA, 14 ans : Moi, quand je me mets à trop penser, tous mes souvenirs de guerre me reviennent…étant une fille, j’ai eu beaucoup de problèmes. Les soldats venaient en groupe au camp pour chercher des filles. Une fille comme moi, qui n’était pas mariée à l’époque, a vécu des choses horribles. On nous utilisait en échange de nourriture. Les gens d’ici allaient dans les casernes, pour trouver des moyens de se nourrir et disaient aux soldats : « Je peux vous trouver une fille qui n’est pas mariée ». Puis ils accompagnaient les soldats pour leur indiquer les filles qui n’étaient pas mariées. Alors, les soldats arrivaient les uns après les autres et ils me disaient : « toi, je te veux » , et qu’est-ce que je pouvais faire? Il y avait tellement de soldats qui me demandaient et je ne savais pas lesquels étaient bons et lesquels étaient méchants. Et puis, ils vous prenaient de force parce qu’ils avaient déjà payé quelqu’un pour leur trouver une fille et que cette personne avait déjà dépensé l’argent pour pouvoir manger. Ils me disaient : « Ne cherche pas à faire la maligne, parce qu’on n’hésitera pas à te tuer » et ils posaient leurs fusils près de la porte lorsqu’ils venaient dans la maison. 5 [Source : Berry, Joanna (à venir) « The Sexual Vulnerability of Girls in Teso, Uganda, During the Civil War »; Boyden et de Berry (éd.) : « Children under fire: Challenging assumptions about children’s experiences of war and displacement », Cambridge University Press] ARITA, 16 ans : Toutes les jeunes filles s’habillaient comme de vieilles femmes à cause des Serbes. Nous avions entendu dire que les soldats avaient pris 20 jeunes filles et les avaient emmenées dans leur camp militaire. Je devais m’habiller comme une vieille femme quand je vivais dans la montagne. Tous les hommes étaient partis parce qu’ils étaient restés, ils se seraient fait massacrer. Lorsque les Serbes sont arrivés, ça m’a bouleversée et j’ai complètement perdu le contrôle, j’ai perdu la tête. Ils avaient des tatous sur tout le corps et un mouchoir leur couvrait le visage. Je me suis cachée derrière les femmes et j’ai dû m’habiller comme une vieille femme. [Source : Swaine, Aisling (à venir) « A Neglected Perspective: Adolescent Girls’ Experiences of the Kosovo Conflict of 1999 » ; Boyden et de Berry (éd.) : « Children under fire: Challenging assumptions about children’s experiences of war and displacement », Cambridge University Press] UNE FILLETTE CAMBODGIENNE : Lorsqu’il est devenu évident que les Khmers rouges allaient arriver dans leur district, la fillette a été envoyée chez sa grand-mère en Thaïlande par sa mère invalide. Elle avait 5 ou 6 ans à cette époque. Elle est restée pendant quelque temps avec sa grandmère, mais comme il n’y avait pas d’école dans la région, elle est allée jusqu’à la frontière entre la Thaïlande et le Cambodge où son oncle, un soldat, travaillait dans un camp de réfugiés. Lorsqu’elle a appris qu’elle ne pouvait pas vivre dans la caserne avec son oncle, elle s’est inscrite auprès des autorités du camp en tant que mineure non accompagnée… …. Après avoir écouté d’autres enfants du camp parler de leurs expériences de séparation et de migration forcée, elle a décidé de prétendre qu’elle était la sœur disparue d’un des garçons non accompagnés. Après s’être fait une idée de la vie de ce garçon, elle a construit sa propre histoire de manière à ce qu’elle corresponde à celle du garçon. Au début, le garçon a nié que ce soit sa soeur, mais quand les autorités ont interrogé les deux enfants séparément, leurs histoires correspondaient, et avec le temps, la fille a réussi à persuader tant les autorités que le garçon qu’ils étaient bel et bien frère et sœur. Tous deux ont fini éventuellement par se réinstaller aux ÉtatsUnis, où la fille a perpétué ce mensonge, allant même jusqu’à participer aux cérémonies de leurs parents « décédés » tout en espérant intérieurement que sa propre mère soit toujours en vie. [Source; Boyden, J. and Gibbs, S. (1997) : « Children of War; Responses to Psycho-social Distress in Cambodia », Institut de recherche des Nations Unies pour le développement social, Genève] 6 JURISALI [Albanaise Kosovar] Jurisali et sa famille vivaient à la périphérie du village de Lubiniq. Leur maison se trouvait au bord d’une route principale et il y avait tellement de convois militaires serbes qui passaient par là que la famille craignait pour sa sécurité. Aussi, juste avant les raids aériens de l’OTAN, ils ont décidé de quitter leur maison pour aller vivre au village, chez des parents. Après trois jours de bombardement par les forces de l’OTAN, ils ont reçu le mot qu’un accord de paix avait été signé et que tout allait bien, et ils sont donc retournés chez eux. Leur maison étant située sur une hauteur dominant la vallée, le père de Jurisali a été désigné pour faire le guet pour le village la première nuit de leur retour. Le lendemain matin, Jurisali a été réveillée par les cris de son père. La police serbe encerclait toute la région. Son père est parti en courant avertir les villageois. C’est la dernière fois qu’elle l’a vu ou entendu. Sa mère, qui était en train de s’occuper du bétail de la famille, a été attaquée. Sans même lui donner le temps de se vêtir convenablement, Jurisali a été poussée hors de sa maison avec ses frères et ses sœurs. Sa mère a été battue devant les enfants. Les soldats ont ensuite indiqué qu’ils partaient mais qu’ils avaient l’intention d’emmener avec eux Jurisali et ses sœurs. « Les policiers nous ont mis leurs fusils dans le dos. Il y avait deux policiers sur le chemin. Ils nous ont montrées, mes sœurs et moi en disant : Vous deux, vous resterez avec nous pour nous faire à manger. Nous vous arrêterons sur la route de Decan pour vous prendre. » Terrifiée, Jurisali commença d’emmener sa famille à Decan, comme on le lui avait ordonné. Mais son petit frère a pensé qu’il était dangereux pour elle de continuer car les soldats allaient sûrement la violer, alors ils se sont enfuis par une allée jusqu’à un village éloigné. Ils sont restés avec d’autres gens cachés dans une cave dans l’une des maisons du village. Du fait que leur mère n’était pas seulement blessée physiquement mais aussi complètement affolée par ce qui leur arrivait, Jurisali a compris à ce moment qu’il fallait qu’elle s’occupe de sa famille. Sans écouter les protestations de sa mère, Jurisali s’est aventurée dehors pour tenter d’apprendre auprès des villageois ce qui était arrivé à son père. Elle finit par découvrir que de nombreux hommes du village avaient été tués. Elle est retournée à la cave au milieu des bombardements et des coups de feu, et a dû expliquer à sa famille ce qui était arrivé à son père. Avec l’arrivée d’un groupe de soldats serbes dans le village, la famille s’est vue une fois de plus forcée de fuir. Ses frères et sœurs épuisés ont fait une crise, et comme ils n’avaient aucun moyen de transport ils étaient sûrs de se faire tuer. Jurisali a tenté de les calmer et les a encouragés à poursuivre la route. Sa mère était tellement malade qu’elle craignait qu’elle ne survive pas au voyage. Il y avait de nombreuses autres personnes, également sans moyen de transport, qui tentaient de fuir par la même route. Certaines marchaient très lentement, notamment les personnes âgées. Bientôt, Jurisali s’est trouvée à la tête de ce groupe qui formait une longue colonne dispersée. Une fois arrivés au prochain village, ils ont pu se joindre à un convoi d’autocars et de camions qui avaient été envoyés pour emmener les gens jusqu’en Albanie. 7 Finalement, une fois la frontière franchie, Jurisali et sa famille ont été hébergées à Fier avec une autre famille. Mais même là, Jurisali vivait toujours dans la peur parce qu’on l’avait avertie qu’il se faisait du trafic de filles pour la prostitution. Quelques mois plus tard, Jurisali et sa famille ont pu retourner dans leur maison à Lubiniq qui avait été complètement brûlée et dont il ne restait plus que des ruines. Plus des trois quarts des hommes de la collectivité avaient disparu et il n’y avait toujours aucun signe de son père. Le village était jonché de cadavres, d’os et de cendres humaines. Les survivants ont commencé à enterrer les morts dans le grand jardin devant la maison de Jurisali. Jurisali a tenté de les en empêcher mais personne ne l’écoutait. Les hommes de la localité ne lui reconnaissait pas son nouveau statut de chef de famille, et ils continuaient de dire que c’était « juste une femme » et ils l’informèrent que si elle n’arrêtait pas de se plaindre, ils allaient revenir avec un fusil pour l’abattre. Cette menace et la vue de tous ces cadavres dans leur jardin, déclenchèrent une réaction hystérique chez ses frères et sœurs et ils la supplièrent de faire quelque chose à ce sujet. Jurisali commençait de se dire qu’il vaudrait peut-être mieux ne pas rester dans la maison familiale. Elle avait peur des hommes du coin et le manque de sécurité la préoccupait. Elle craignait que rester dans ces circonstances ne fasse qu’empirer l’état de sa mère déjà gravement atteinte physiquement et mentalement. Elle craignait aussi pour les enfants qui avaient peur la nuit à cause des cadavres enterrés dans leur jardin. Elle souhaitait qu’ils puissent déménager dans une tente n’importe où. Mais ils n’avaient nulle part où aller. Tous les jours maintenant, elle travaille pour préparer à l’hiver la seule pièce intacte de la maison. Elle n’a pas de temps pour voir ses amis dont de nombreux sont soit mariés, soit sont partis. Elle se lève à 5 ou 6 heures du matin pour aller chercher du travail en ville, rentre s’occuper de la maison et faire des travaux sur la maison même. Elle trouve très difficile de tout faire sans l’aide d’un homme adulte pour s’occuper des travaux physiques puisque ses frères et ses sœurs sont trop jeunes pour l’aider. D’après sa mère, dont la condition s’est légèrement améliorée, « elle est comme un garçon maintenant ». Elle consacre toute sa vie aux soins de sa famille. Elle ne ménage pas sa peine, mais ne sait pas jusqu’à quand elle pourra tenir. Elle éprouve toujours une haine intense pour les Serbes, et pense que le Kosovo ne sera jamais un pays où il sera possible d’être vraiment heureux avec tous ces morts. Elle termine par ces mots : « le cœur du Kosovo a été détruit, je n’ai aucun plan d’avenir, je souhaite seulement mourir… » (Source : Swaine, Aisling (à venir) « A Neglected Perspective: Adolescent Girls’ Experiences of the Kosovo Conflict of 1999 »; Boyden et de Berry, éd. « Children under fire: Challenging assumptions about children’s experiences of war and displacement », Cambridge University Press.) 8 ANNEXE 3 FACTEURS INFLUANT SUR LE DÉVELOPPEMENT PSYCHOSOCIAL ET LE BIEN-ÊTRE Les participants en séance plénière ont proposé les facteurs suivants (séance facilitée par Jo Boyden, sous le titre : Traits individuels; âge et capacités développementales; statut social; histoire personnelle) Traits individuels : Positifs Négatifs Confiance en soi Aptitude à résoudre un problème Sens de l’humour Aptitudes sociales Grande confiance Craintes Manque de confiance Mauvaise santé Incapacité de mettre en mots Attractivité physique (et d’attractivité) Handicap Distanciation émotionnelle Sexe Mentalité de suiveur Incapacité à donner du sens Opiniâtreté Image de soi Curiosité Attachement émotionnel aux autres Compétences de leadership Sentiment d’espoir manque Âge et capacités développementales : Facteurs positifs Facteurs négatifs Capacité d’agir Développement de pensées abstraites Puberté – nouvel adulte Problèmes de santé Développement de pensées abstraites Puberté - désirabilité Impact de la perte du pourvoyeur de soins Statut social Facteurs positifs Facteurs négatifs Sexe Soutien de la famille élargie Rural/urbain Jeunes filles chefs de famille Sexe Ne fait pas partie d’une famille Rural/urbain Tâches accrues à l’approche de l’âge adulte Religion ou caste Situation matrimoniale Handicap (stigmatisation sociale) Niveau d’éducation Religion ou caste Situation matrimoniale Atteinte de l’âge adulte Niveau d’éducation 9 Être malmené Histoire personnelle : Facteurs positifs Facteurs négatifs Avoir été chef Personnage adulte important Histoire familiale exemplaire Éducation et expérience positives Avoir été victime Perte de leadership Ne pas connaître son histoire familiale Manque d’éducation Absence d’enregistrement légal Maladie mentale Violence physique/sexuelle Avoir été emprisonné VIH 10 ANNEXE 4 PROJET NUPSNA EN ANGOLA; FACTEURS D’ÉVALUATION DES BESOINS PSYCHOSOCIAUX Le projet de l’UNICEF sur l’évolution des besoins psychosociaux dans le nord de l’Ouganda, le Northern Uganda Psycho-Social Needs Assessment (NUPSNA), utilisait un diagramme de deux pages1 à appliquer à chacun des cinq districts pour donner un aperçu des problèmes prioritaires mis en lumière lors des séances des groupes de discussion communautaires. Sept questions psychosociales et les problèmes et facteurs dégagés contribuant à chaque question sont indiqués ci-dessous en vue d’orienter l’évaluation de base. Problème 1. Insécurité physique Facteurs : • Enlèvement, meurtres • Viol et souillure • Déplacement • Incapacité • Mines terrestres • Dormir dans la brousse • Conscription forcée • Violence physique Problème 2. Incapacité de répondre aux besoins de base (nourriture, eau, santé) Facteurs : • Sécurité alimentaire • Soins médicaux insuffisants • Manque d’eau • Maladies Problème 3. Détérioration sociale Facteurs : • Consommation d’alcool • Prostitution • Immoralité sexuelle des adultes • Vol • Dépendance • Absentéisme • SIDA/MTS • Oisiveté • Travail des enfants • Grossesse précoce 1 Voir les pages 3-5 du rapport de l’UNICEF “ Northern Uganda Psycho-Social Needs Assessment ” (NUPSNA) (1998); nota : des facteurs additionnels provenant de la version du diagramme par Jo Boyden sont inclus. 11 Problème 4. Désintégration de la famille Facteurs : • Orphelin • Mariage précoce • Pas de mariage • Prendre soin des veuves • Mauvaise discipline des enfants • Mariage forcé • Perte de l’enseignement des valeurs familiales • Problèmes familiaux Problème 5. Détresse émotionnelle Facteurs : • Inquiétudes, mauvais souvenirs • Maladie mentale, folie • Perte d’espoir • Solitude • Ne peut faire des prévisions d’avenir • Dépression • Suicide • Faiblesse Problème 6. Désintégration de l’éducation Facteurs : • Éducation secondaire • Éducation interrompue • Écoles • Mauvais résultats • Décrocheurs scolaires • Absence de matériel pédagogique • Cotisations scolaires impayées Problème 7. Insécurité économique Facteurs : • Manque d’argent/pauvreté • Chômage • Manque de vêtements • Manque d’ustensiles • Couverture • Manque de terres • Perte de propriété 12 ANNEXE 5 OUTILS ET MÉTHODES D’ANALYSE SOCIALE (Instructions pour la séance en petit groupe : Première journée – séance du matin) TÂCHE : Simuler (mettre en acte) l’élaboration d’outils et de méthodes permettant de mener une analyse sociale dans le cadre d’une évaluation de base et de l’identification des problèmes. SCÉNARIO : Imaginez que vous soyez membres d’une collectivité rurale qui comprenne des membres de deux groupes religieux/ethniques/sociaux opposés. [Nota : On peut également faire cet exercice en utilisant une étude de cas hypothétique ou réelle]. TRAITEZ LES QUESTIONS SUIVANTES : • • • Quels sont les risques et violations spécifiques auxquels les enfants et leurs familles font face? Qui pose un risque? Quelles sont les catégories d’enfants qui courent le plus de risque et quels sont ces risques? ÉTAPES 1. Établir un schéma social de la collectivité, en indiquant les ménages et leur composition (par sexe, génération, enfants séparés), en montrant où vivent les deux groupes en conflit. 2. Divisez les en deux groupes, l’un représentant les garçons et l’autre, les filles. 3. Effectuez un exercice de classement matriciel indiquant quels sont les enfants à risque. 4. Identifiez huit menaces au maximum. 13 ANNEXE 6 PLAN DÉTAILLÉ D’UN PROJET DE FORMATION FONDÉ SUR LE PROJET PBWTT MENÉ EN ANGOLA Le projet Province-Based War Trauma Training (PBWTT) mené en Angola a été conçu, après la collecte et l’utilisation des données de base suivantes : 1. STATISTIQUES DE BASE CONCERNANT LA GUERRE EN ANGOLA • 900 000 morts au cours des 16 dernières années de combat • 1000 morts chaque jour au milieu de l’année 1993 • 85 à 95 % des victimes étaient des civils • 10 millions de mines terrestres • 70 000 amputés • Déplacement massif de la population • 2,2 millions de personnes exigent une aide d’urgence extérieure • Banditisme généralisé 2. ÉCHELLES D’EXPOSITION (pourcentage de la population) Présents dans une zone de guerre Explosion de mine Bombardement aérien Bombardement d’artillerie Traversé les lignes pour aller chercher de la nourriture Mort des parents ou de personnes apparentées Ont vu des personnes blessées Ont vu des morts Ont été kidnappés Ont été maltraités Ont été en prison Ont marché sur des mines Ont été témoins de torture Ont eux-mêmes été blessés Ont échappé à la mort de peu Ont perdu tous leurs biens Ont souffert d’inanition Ont dû quitter l’école Ont souffert de handicaps physiques Ont participé au combat Ont accompagné des soldats 3. 98 42 38 90 58 64 88 86 4 8 5 2 54 10 45 66 90 75 8 10 30 ÉCHELLE D’IMPACT (Pourcentage) Insomnie A revécu de mauvaises expériences Rêves agités Palpitations 39 51 68 66 14 Étourdissement Maux d’estomac Maux de tête Crainte que quelque chose de grave se produise Difficulté à se concentrer 35 36 43 54 49 En se fondant sur ces données de base, la conception du projet suivante a été élaborée. Objectifs : • Aider les enfants gravement touchés par la guerre; • Réintégrer dans les familles les enfants traumatisés; • Favoriser le développement émotionnel positif de l’enfant. Résultats : • Capacité accrue des organisations locales et des adultes de sept provinces d’aider les enfants touchés par la guerre. Méthode • • • • • • • • : Équipe nationale angolaise; Équipes provinciales; formation des formateurs; Formation de 4 000 adultes dans sept provinces (Benguela, Bie, Huambo, Huige, Malange; Huila & Moxico); 320 000 enfants devant en bénéficier; Approche communautaire; Combinaison des méthodes de guérison occidentales et traditionnelles; Collaboration avec l’UNICEF, le gouvernement, les ONG, les églises; Programme triennal, appui de l’ USAID; Encourage les politiques qui favorisent un développement psychosocial sain. Processus : Le processus de mise en œuvre de ce programme comportait les étapes suivantes : • Préparation d’une équipe nationale de formateurs; • Analyse de la situation nationale; • Identification des provinces où aura lieu l’intervention; • Sélection et formation d’équipes de 3 membres dans les provinces; • Les équipes provinciales effectuent l’analyse de la situation locale; • Identification des stagiaires et des collectivités où se feront les interventions; • Tenue de séminaires de formation locaux; • Les stagiaires entreprennent des activités communautaires; • Suivi (formateurs/stagiaires; formateurs nationaux pour les formateurs) provinciaux; • Suivi et évaluation continus. 15 Séminaires de formation relatifs au PBWTT : Les séminaires de formation consistaient en une formation de 30 heures offerte à 20 participants à la fois. La formation a été offerte dans divers lieux, églises, écoles, organismes gouvernementaux, programmes pour enfants. Les stagiaires ont initialement mené des activités communautaires à l’intention des enfants. Ces activités n’étaient pas toutes axées sur les enfants, mais souvent sur des améliorations matérielles, notamment la reconstruction des écoles. Contenu : Le contenu comprenait les sujets suivants : • le modèle écologique du développement de l’enfant • l’expérience de l’enfant et les effets de la guerre • le traumatisme et son impact • les méthodes et activités de guérison • le règlement non violent des conflits Méthodologie : Une démarche participative a été adoptée pour traiter avec des personnes le plus souvent analphabètes, très faiblement scolarisées, en vue de déterminer les besoins en matière de bien-être psychosocial d’un enfant. À partir de cette information, on a pu concevoir un modèle écologique très informel pour avoir une idée de qui étaient les agents clés et quelles étaient les qualités importantes pour favoriser le développement de l’enfant. La démarche suivie était une démarche : • active, d’apprentissage axé sur l’expérience • de participation émotionnelle • de dialogue participatif • de formation sous forme d’apprentissage mutuel De plus, on a tenu une discussion sur l’expérience de la violence et de la guerre par les enfants. Bien que le point de mire initial ait été la guerre, il a été élargi pour inclure la violence sous forme de violence familiale, et tous ces crimes commis dans la foulée de l’après-guerre. Initialement, la discussion portait sur le traumatisme et son impact, mais avec le temps, tous les besoins émotionnels, sociaux, physiques et spirituels des enfants ont été discutés. Les méthodes et activités de guérison qui aident les enfants ont été utilisées. Il s’agissait parfois d’activités qui permettent d’acquérir des compétences sociales. Ainsi, même un simple match de football nous apprend beaucoup de choses sur le travail d’équipe, la communication, le règlement non violent du conflit, le travail concerté, la collaboration. Un vaste éventail d’activités a été créé pour les garçons et les filles qui sont propices à l’intégration sexuelle, l’acquisition d’aptitudes sociales de base et autres compétences. Il y avait également un recours fréquent à des activités expressives, notamment le dessin, la danse, le chant et le conte. L’accent mis sur le règlement non violent du conflit est devenu plus important à mesure que le projet avançait. Des générations avaient grandi avec pour constante la 16 guerre, ce qui commençait à devenir la norme. De nombreuses personnes disaient redouter les changements amenés par la paix, parce qu’elles avaient appris comment s’adapter et survivre dans une situation de guerre. 17 Suivi Les activités de suivi ont été conçues pour permettre une construction et consolidation continues et, plus important, la résolution des problèmes. Méthodes d’évaluation : • Tests avant et après les séminaires de formation pour évaluer leur efficacité • Échelles d’exposition pour évaluer l’exposition à la violence2 • Échelles d’impact pour évaluer les difficultés psychosociales, notamment les perturbations du sommeil • Observation directe des enfants par les adultes • Discussions de groupes de réflexion avec des « sonas », des aînés, des parents, des enseignants • Collections des dessins des enfants • Descriptions narratives des croyances traditionnelles et des méthodes de guérison • Descriptions du processus d’entrée dans la collectivité et d’établissement de relations • Description graphique et narrative des projets communautaires • Comptes rendus des réunions de sensibilisation et entrevues des médias Lacunes • • • • • et contraintes : Pauvreté et violence Pénurie de ressources et de matériel de formation Sécurité et accès aux zones contrôlés par l’UNITA Charge de travail et stress de l’équipe Besoin d’avoir de la documentation plus exhaustive sur les méthodes de guérison traditionnelles • Évaluation incomplète Impacts du PBWTT : Après plusieurs mois, l’équipe a commencé à observer des changements dans le comportement des enfants. Les enfants ont déclaré avoir connu des changements comportementaux, ce qui a été confirmé par les parents. Les changements étaient les suivants : • • • • • Sur les enfants : Incidence réduite des troubles du sommeil et de l’incontinence nocturne Moins de problèmes de concentration Comportement d’isolement réduit Réduction des réactions de stress Meilleures relations des enfants entre eux et des enfants avec les adultes L’échelle d’exposition n’a pas été un cadre utile et on a fini par l’abandonner. Leçons apprises : au fur et à mesure que l’on procède, on devra adapter les méthodes qui fonctionnent et ne pas rester enfermés dans des cadres conçus au début du processus. Il faut rester souple en ce qui concerne les indicateurs lorsque ceux-ci ne sont pas utiles. 2 18 • • Recul de la violence entre les enfants Meilleures perspectives d’avenir Sur les adultes : • Comprendre leurs propres expériences de la guerre • Sensibilisation accrue aux problèmes liés au stress et aux traumatismes • Meilleure capacité d’aider les enfants touchés par la guerre • Participation active à la collectivité, coopération, et espoir • Jeu et éducation plus structurés • Participation des responsables des politiques Les adultes se sont concentrés sur l’impact de la guerre par le biais du dialogue – Comment la guerre a détruit leur sentiment commun de culture et comment le colonialisme a depuis des centaines d’années instillé en eux un sentiment d’infériorité et de grande vulnérabilité. 19 ANNEXE 7 FACTEURS INFLUANT SUR LA PROGRAMMATION PSYCHOSOCIALE DANS LES SITUATIONS D’URGENCE COMPLEXES Créé par le Groupe de travail psychosocial de la Mellon Foundation Collectivité touchée CULTURE/ VALEURS CAPACITÉ HUMAINE ÉCOLOGIE SOCIALE RESSOURCES PHYSIQUES ÉVÉNEMENTS INTERVENTION PROGRAMMATIQUE ÉVALUATION ORGANISMES EXTERNES CULTURE/ VALEURS CAPACITÉ HUMAINE ÉCOLO. SOCIALE RESSOURCES PHYSIQUES 20 ANNEXE 8 SCHÉMA CONCEPTUEL REQUIS AVANT L’ARRIVÉE SUR LE TERRAIN ET UNE FOIS SUR LE TERRAIN 1) AVANT L’ARRIVÉE : Scénario : Vous êtes membre d’une équipe psychosociale dépêchée dans un endroit où il y a eu un conflit armé au moment où les PDIP rentrent chez elles. Votre tâche est d’effectuer une évaluation. Avant d’arriver, il vous faut : i) Établir ce qui suit : • Événements : Qu’est-ce qui s’est produit dans cette situation? Quels sont certains des événements qui ont eu lieu? • Écologie sociale : Si vous savez que de nombreux enfants ont été séparés ou sont devenus orphelins, il vous faut comprendre les écologies sociales concernées. Quelle est la situation de la famille? La famille a-t-elle été systématiquement décimée? Y a-t-il eu de longues périodes de travail forcé et de séparation, ou existe-t-il certaines formes d’écologie sociale, notamment lorsque la famille est restée raisonnablement intacte et qu’il y a probablement des ressources efficaces? • Ressources communautaires : En explorant l’écologie sociale, si vous vous trouvez face à une situation où les Musulmans prédominent et où les imams jouent un rôle social, l’information sur ce rôle pourrait servir de ressources à toute la collectivité. • Valeurs culturelles : Comment peut-on comprendre les ressources écologiques sociales dans un contexte culturel? Entend-on la même chose par « famille »? « enfant » signifie-t-il la même chose? Conceptualise-t-on l’enfant de la même manière? Il est crucial de prêter attention à la culture locale et à ses valeurs. ii) Faire le bilan de votre propre organisation : • Faites le point concernant le mandat de votre propre organisation, sa culture, ses valeurs et demandez-vous : « Quel est mon programme en arrivant dans cet environnement? Comment vais-je faire front? Comment va faire front mon organisation? » • Placez-vous vos propres objectifs « au-dessus » des objectifs des personnes que vous êtes venus aider? Que signifie « assistance » ? Cela signifie-t-il d’aller dire à ces personnes quels sont leurs problèmes ou 21 cela désigne-t-il un processus fondé sur le dialogue, la participation, et axé sur la collectivité? On peut se pencher sur ce type de questions avant d’arriver, pour éviter les dégâts dès le début. Bien que l’on puisse faire certaines évaluations des valeurs et de la culture avant l’arrivée, il en est d’autres qui ne peuvent être menées que sur le terrain. 2) MESURES IMMÉDIATES SUR LE TERRAIN : i) Identifier les groupes d’intervenants: L’une des premières mesures les plus importantes à prendre consiste à identifier les groupes d’intervenants pertinents avec lesquels travailler, ce qui exige de faire un plan préliminaire et continu de l’organisation du pouvoir. Les principales sources d’information se feront connaître immédiatement elles-mêmes en tant que porte-parole de la collectivité, se présentant comme des personnes qui savent tout ce qu’il y a à savoir sur cette collectivité, ce qui s’est passé et ce qui se passe. Il se peut que ces sources ne parlent pas d’autres groupes. Il se peut que vous entendiez parler d’hommes et non de femmes. Toutefois, il est vraiment nécessaire d’écouter ce que leur famille, leur clan ou leur faction ont à dire. ii) Faire participer les intervenants à l’établissement du plan : Le processus qui consiste à faire participer les intervenants et à faire le plan de la structure des intervenants est un processus de compréhension continu et évolutif. • Schéma conceptuel des événements : Lorsque l’on établit le schéma des événements, il est important de savoir comment les diverses collectivités ont vécu les événements qui se sont produits, car il faut tenir compte du fait que ces événements peuvent être perçus de manière entièrement différente selon leurs différentes perspectives. Quels étaient ces événements et comment les ont-ils vécus. Le schéma conceptuel des événements n’a pas pour objectif de définir le traumatisme. Il vise plutôt à mettre en lumière les ensembles d’expériences, d’évaluer le contexte, et de comprendre les types de situations que vivent actuellement les gens. • Schéma conceptuel de l’écologie sociale : Il s’agit d’un schéma indispensable. Si les réfugiés retournent chez eux, comment le font-ils? Les familles sont-elles réunies? Est-ce que des villages entiers se retrouvent collectivement sans abri? Y a-t-il des écoles? Y a-t-il des enseignants? Existe-t-il des factions au sein de la collectivité? Comment négocie-t-on ces tensions? Quelles sont les ressources communautaires? Qui sont les guérisseurs traditionnels? Qui sont les femmes qui sont aux premières lignes et qui oeuvrent pour le développement? Qui sont les hommes qui travaillent au nom des enfants? Qui sont les jeunes qui travaillent pour améliorer la vie des enfants? Ce sont toutes des ressources humaines. • Schéma conceptuel des valeurs culturelles : Il est difficile dans une situation d’urgence de faire le schéma des valeurs culturelles. Cela est 22 souvent dû à des contraintes de temps qui rendent difficile de mettre au point la proposition pour l’appel global, et le besoin de fournir une aide immédiate. Même en l’absence d’un conflit violent, il est très difficile d’établir un schéma culturel. • Importance d’une démarche participative : Il est essentiel d’adopter une démarche participative pour évaluer la situation et mener le processus d’évaluation. Il est recommandé de toujours faire concorder une évaluation rapide avec une rapide intervention. Par exemple, le Christian Children's Fund a décidé de lier une évaluation avec l’éducation dans les situations d’urgence. L’éducation est fondamentale pour la guérison, pour renforcer les compétences essentielles, pour aider les collectivités à s’axer de nouveau sur les enfants, et pour restaurer le processus de création d’un avenir positif. L’éducation peut consister d’activités récréatives, d’activités expressives, d’apprentissage à la lecture et à l’écriture, mais par-dessus tout, elle vise l’autonomisation et la participation de la collectivité locale. Dans cet espace, on amorce le processus de développement continu des activités culturelles et de soutien, on trouve les ressources qui sont déjà là pour les enfants, on apprend comment on peut les trouver et les utiliser à court terme, et ensuite les documenter et les prendre en compte. • Schéma conceptuel des autres ressources externes : Il est souvent essentiel parce que l’on peut établir sur le terrain des liens entre des ressources qui n’avaient pas été établies. La problématique, en particulier lorsqu’on a affaire aux personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDIP), aux réfugiés et aux personnes qui se trouvent dans des situations très difficiles, est que chaque groupe de PDIP a tendance à être isolé des autres groupes. Dans certaines situations, les groupes de personnes qui viennent d’arriver sont marginalisées et il est peu probable que l’on trouve les types de relations qui favorisent la santé, l’éducation, la protection de l’enfant, et la résolution des questions liées aux autres PDIP ou à d’autres collectivités. • Schéma conceptuel des ressources insuffisantes : Il faut simultanément déterminer les besoins immédiats de protection et d’allégement de la détresse aiguë. Pour cela, il faut établir le schéma de toutes les ressources insuffisantes dans le domaine, travail effectué en collaboration avec les intervenants locaux. Par le biais de ce processus, on peut commencer à faire participer les intervenants à la définition du bien-être psychosocial dans le contexte culturel. On n’applique pas une conception généralisée de l’enfant, mais on offre les outils appropriés de son propre univers culturel. Cela ne veut pas dire que les habitants locaux devraient exclusivement définir une norme de bien-être psychosocial, étant donné que certaines personnes ne sont pas habituées à déceler les signes de détresse. Par exemple, il se peut qu’elles ne se rendent pas compte qu’un enfant qui passe de longs moments seul puisse avoir des difficultés d’ordre émotionnel. 23 Ce dialogue n’est pas simple et il n’y a pas de centre de pouvoir. Ce genre de dialogue entre systèmes culturels permet d’apercevoir les questions et les préoccupations principales qui se posent lorsqu’on répertorie les obstacles au rétablissement et ensuite lorsqu’on négocie une réponse programmatique. • Importance des partenariats : Les partenariats, la liaison avec d’autres ONG, la prise en compte d’autres questions psychosociales et préoccupations à aborder, revêtent une grande importance. Une évaluation communautaire met l’accent tant sur les ressources que sur les points vulnérables. Elle place la culture au premier plan et souligne l’importance des ressources communautaires et évalue la contribution qu’apporte une ONG. 24 ANNEXE 9 PROGRAMME RÉVISÉ TRAVAILLER AVEC LES ENFANTS EN SITUATION DE CONFLIT ARMÉ : ATELIER DE RENFORCEMENT DES COMPÉTENCES du 10 au 11 janvier 2002 Première journée – le 10 janvier 2002 8 h 30 – 9 h Enregistrement 9 h – 9 h45 Séance 1 : Introduction aux séances plénières, buts et objectifs de l’atelier, présidé par Kathy Vandergrift, coordinatrice du groupe de travail sur la situation des enfants dans les conflits armés du Comité coordonnateur canadien pour la consolidation de la paix; discours d’ouverture prononcé par Diana Rivington, directrice de la Direction de l’égalité entre les sexes et de la protection de l’enfant de la Direction générale des politiques de l’ACDI. Facilitateur : Jo Boyden, The Refugee Studies Centre, University of Oxford, U.K. Thèmes de la première journée : L’élaboration des méthodes et outils participatifs pour analyser les effets psychosociaux du conflit armé sur les enfants, les familles et les collectivités et pour planifier et évaluer les effets des mesures prises pour assurer leur soutien et leur protection. 9 h 45 – 10 h 45 Séance 2 : Présentation plénière – Expériences et compréhension des enfants en relation avec les conflits armés, en se fondant sur un ensemble d’études de cas (identification des problèmes et évaluation de base) 10 h 45 – 11 h Pause 11 h – 13 h Séance 3 : Groupe de travail - Outils et méthodes d’analyse sociale (poursuite de l’évaluation de base) 13 h – 14 h Repas de midi 14 h – 14 h 50 Séance 4 : Présentation et réunion de créativité en séance plénière – Diverses perspectives culturelles sur la santé psychosociale et le bien-être. 14 h 50 – 15 h Pause 25 15 h – 17 h Séance 5 : Groupe de travail – Outils et méthodes de planification, de suivi et d’évaluation des programmes psychosociaux. Deuxième journée – 11 janvier 2002 Facilitateur : Mike Wessells, Christian Children’s Fund et Randolph-Macon College, Ashland, Virginie, É.-U. Thème de la deuxième journée : 9 h – 10 h 30 Le soutien et l’aide psychosociale Séance 1 : en séance plénière – Le schéma conceptuel du domaine de l’aide psychosociale • Les différentes significations de l’aide psychosociale • L’approche communautaire et l’approche médicale • Comparaison et analyse • Discussion de groupe 10 h 30 – 10 h 45 Pause 10 h 45 – 11 h 45 Séance 2 : Groupe de travail – Jeu de rôle utilisant différents cadres conceptuels pour établir des méthodes d’évaluation et d’intervention; inclut le travail en petit groupe, le rapport à la séance plénière, et le groupe de réflexion 11 h 45 – 12 h 15 Rapport 12 h 15 – 13 h Repas de midi 13 h – 14 h Séance 3 : En séance plénière – Cadre intégrant : présentation, discussion des questions, priorités et répercussions 14 h – 14 h 30 Séance 4 : Présentation en séance plénière – les enfants soldats et les répercussions psychosociales 14 h 30 – 14 h 45 Pause 14 h 45 – 15 h 30 Séance 5 : Groupe de travail en séance plénière pour concevoir des objectifs d’intervention et proposer des activités utiles qui facilitent le soutien psychosocial et la réintégration des ex-enfants soldats. 16 h 10 – 16 h 45 Séance 6 : Session de récapitulation animée par Jo Boyden et Mike Wessells 26 16 h 45 – 17 h Mot de la fin par Kathy Vandergrift. Remplir les formulaires d’évaluation. 27 ANNEXE 10 TRAVAILLER AVEC LES ENFANTS EN SITUATION DE CONFLIT ARMÉ : ATELIER DE RENFORCEMENT DES COMPÉTENCES LISTE DES PARTICIPANTS Animateurs Jo Boyden, anthropologue spécialisée en anthropologie sociale est chercheure au Refugee Studies Centre, University of Oxford, R.-U., où elle dirige un programme sur les enfants en situation de conflit – les pays touchés et les enfants déplacés. Mike Wessells, principal conseiller technique du Christian Children’s Fund est professeur de psychologie au Randolph-Macon College, Virginie, É.-U. Il travaille beaucoup avec les organismes gouvernementaux et intergouvernementaux sur les questions concernant les enfants dans des pays touchés par un conflit et leur intégration émotionnelle et sociale. Participants des ONG 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. Erika Bockstael, Olympic Aid, directrice des programmes et de la recherche, [email protected] Robert Chase, département des services de santé communautaires, Université du Manitoba, professeur adjoint, [email protected] Karen Dalkie, Canadian Bureau canadien de l’éducation internationale, directrice de programme, [email protected] Mira Dodig, MSF Canada, programme Au-delà des pansements, conseillère de programme, [email protected] Alison Eyre, Centretown Community Health Centre, médecin de famille, [email protected] Jo Farron, The International Children’s Institute, coordinatrice de l’appui aux programmes, [email protected] Kali Galanis, War Child Canada, agent de programme, [email protected] Guylaine Grenier, Entraide universitaire mondiale du Canada, [email protected] Manon Hogue, Productions du Quetzal/Atelier Sachem, Coordinatrice, [email protected] Hilary Homes, Amnistie internationale Canada, organisatrice de campagne, [email protected] Jackie Kirk, Department of Integrated Studies in Education, Université McGill, chercheure/conférencière/conseillère, [email protected] Phil Lancaster, conseiller, Children in Armed Conflict, [email protected] Marlen Mondaca, Aide à l’enfance Canada, gestionnaire de programme, [email protected] Brian Moo Sang, Alternatives, Ottawa, [email protected] 28 15. 16. 17. 18. 19. 20. John Paterson, Social Program Evaluation Group, Queen’s University, [email protected] Megan Rock, Croix-rouge canadienne, [email protected] Chitra Sekhar, conseillère et formatrice en thérapie par le jeu et psychothérapie infantile, [email protected] Kathy Vandergrift, Vision mondiale Canada, analyste de programme principale et coordinatrice, Groupe de travail sur la situation des enfants dans les conflits armés, CCCP, kathy_vandergrift@worldvision. Hetty van Gurp, Peaceful Schools International, présidente, [email protected] Mike Weickert, Vision mondiale Canada, agent de programme, Aide humanitaire, [email protected] ACDI/participants gouvernementaux (utilisez le format suivant pour les adresses électroniques : prénom_nom de [email protected]) 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. 15. 16. 17. 18. Fatima Ameen, Division des ONG, Direction générale du partenariat canadien Karen Austin, Programme de la Colombie, Direction générale des Amériques Michael Aylward, analyste des droits des enfants, ACDI Jacques Bussières, Direction des ONG, Direction générale du partenariat canadien Danielle Chiasson, Programme de GAZA, Direction générale de l’Afrique et du Moyen-Orient Christina Clark, Programme de la RDC, Direction générale de l’Afrique et du Moyen-Orient Gail Cockburn, analyste des droits des enfants, Direction générale des politiques Denise Conway, Programme du Mozambique, Direction générale de l’Afrique et du Moyen-Orient Général Romeo Dallaire, conseiller spécial de la ministre sur les enfants touchés par la guerre Suehila Elkateb, Programme de consolidation de la paix, Direction générale des programmes multilatéraux Aoife Gibbons, Direction générale de l’Europe centrale et de l’Est Vishal Kapur, Afghanistan/Programme de l’Afghakistan, Direction générale de l’Asie Michelle Kohler, Programme de l’Afrique de l’Est, Direction générale de l’Afrique et du Moyen-Orient Tanya Lary, Programme de la Chine, Direction générale de l’Asie Alex McKenzie, unité de consolidation de la paix, MAECI Jean Philippe Murillo, Direction des ONG, Direction générale du partenariat canadien Martha Nelems, analyste des droits des enfants, Direction générale des politiques Cory Rabourn, Programme des Balkans, Direction générale de l’Europe centrale et de l’Est 29 19. 20. Darren Rogers, conseillère dans le domaine de l’enfance, Direction générale des Amériques Jennifer Shapiro, Programme de l’Afrique occidentale Autres participants 1. 2. 3. 4. 5. Coordinateur de l’atelier : Robin Wentzell, Peace Bridges Community Services, Directeur général – National Programs, [email protected] Rapporteure de l’atelier : Heather MacPhail, Peace Bridges Community Services, directrice générale – International Programs, [email protected] Facilitateur : Kevin Bush, conseil scolaire du district OttawaCarleton, [email protected] Facilitatrice de l’atelier et bénévole : Jennifer Shortall, [email protected] Observateur : Peter Dudding, Ligue pour le bien-être de l’enfance du Canada, directeur général, [email protected] 30