n° 4/95 - gip reclus

Transcription

n° 4/95 - gip reclus
Compte rendu
M
PRÈS D’UN DEMI-MILLIER DE CARTES SUR LA
FRANCE PHYSIQUE, SA POPULATION ET SES VILLES:
LES 3 PREMIERS VOLUMES DE L’ATLAS DE FRANCE
APPE
ONDE
4/1995
Robert FERRAS*
• ATLAS • FRANCE • MILIEUX ET RESSOURCES • POPULATION • VILLE
• ATLAS • CITY • FRANCE • ENVIRONMENT
AND RESOURCES • POPULATION
L’événement éditorial est chose fréquente ces derniers temps
dans le domaine de la géographie, grâce à la collaboration entre
éditeurs chevronnés et laboratoires spécialisés. Le léger décalage entre les dates annoncées de parution et la sortie des premiers volumes de l’Atlas de France, attendue, a permis de substantielles mises à jour.
Il s’agit d’une fort belle réussite, pour s’en tenir aux seuls aspects des cartes et de leurs commentaires, car vont de soi une
présentation élégante dès la couverture (un léger ombrage sur
l’ouest donne un effet de relief) et des informations largement
renouvelées. Les utilisateurs normaux ou proches des géographes ou curieux de leur territoire butineront entre les écrits des
meilleurs spécialistes en matière de recherche et les rendus qui
vont alimenter pour longtemps les manuels d’enseignement, à
tous les niveaux. Variété: un beau montage sur le quartier de
Neudorf à Strasbourg manie les échelles et les modes de représentation allant du secteur à l’ilôt et alliant l’usage du carroyage
hectométrique et de l’image satellitaire; quelques surprises aussi dans le volume sur les milieux.
La réponse à la demande donne à la fois des cartes classiques et
d’usage immédiat et des représentations techniques dont certaines quittent pour la première fois les laboratoires qui les produisent. Pas de contradiction — et encore moins d’antinomie —
entre les produits de conception différente d’où sort en vainqueur la bonne cartographie.
L’atlas est très facilement maniable. Goûteront la remarque, face
à son format, tous ceux dont les bibliothèques personnelles empilent des atlas régionaux ou nationaux depuis des lustres, tous
ces ouvrages de référence chassés des rayonnages des libraires
non par un effet de leur contenu mais en raison de leur manipulation malaisée. Le modèle, répétitif, propose: résumé pour l’essentiel, commentaire en deux colonnes, sources, définitions, méthodes, bibliographie, cartes et modèles, le tout en couleurs.
• ATLAS • CIUDAD • FRANCIA • MEDIOS Y
RECURSOS • POBLACIÓN
Quatorze volumes programmés
La publication du quart d’une production prévue en 14 volumes
permet de juger des partis pris dans l’entreprise: fiabilité à travers un exposé clair des sources et des méthodes avec leurs limites et leurs avancées, commodité d’utilisation autorisant tous
les transferts possibles à travers l’enseignement de la géographie, souci d’esthétique, et prolongements possibles qu’offrent
les bibliographies.
Le volume 2 de la série — Population — est assuré par une dizaine d’auteurs (1). Exercice courant en la matière, on recherche volontiers sa région, son département dans les cartes proposées. Sur certaines cartes on peut aller jusqu’à situer sa propre
commune, une des 36 500 du territoire national. On parle de
croissance, concentration, désertification, mobilité, coupures et
retournements tout en proposant pas mal de relectures des types
régionaux habituels. Dans la mesure où ils apparaissent encore
dans une France en voie d’harmonisation, quels que soient les
problèmes posés par la population, ils sont abordés.
Dans le volume 6 — Milieux et ressources — la carte en carroyage n’autorise pas l’approche classique mais propose des
vues inédites sur l’écologie de la France et ses paysages, et le
«chatoiement des situations locales», annoncé en présentation.
Une quarantaine de collaborateurs ont participé à une entreprise
qui ne manque pas d’inattendus (2). On y lit que le risque
d’inondation n’est plus un phénomène avant tout méditerranéen, que les mouvements de terrain sont autant le fait du bassin du Nord que de la montagne alpine, que les taux de dépollution des eaux traitées atteignent au moins 75% dans les villes.
Le volume 12 — L’espace des villes — (une trentaine de collaborateurs), en dehors des choix rappelés à propos des autres volumes, offre un intérêt supplémentaire (3). Chaque ville peut
être aisément replacée dans le système urbain de la France et
* Ancien directeur de l’IUFM, Montpellier.
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1. Le déficit hydrique de 1976
Une année «sèche», surtout pour le Centre-Est et
le Nord-Ouest, mais qui le fut moins pour le
Midi.
celui de l’Europe. La mise en perspective historique y a sa place, ainsi que plusieurs analyses allant jusqu’à la grande
échelle du quartier.
427. C’est le nombre de cartes engrangées à l’issue de la première moisson de
cet Atlas de France. Chaque volume en
compte près de 150 dans les trois d’entre
eux qui lancent la série de 14. Cela repose le problème de la définition d’un atlas, terme qui va désormais au-delà de la
seule géographie et de la seule carte habituelle. L’atlas propose un plan traduisant une problématique, un commentaire
des cartes, l’explicitation des typologies
utilisées dans les légendes.
Sont encore prévus: La France dans le
Monde, Emplois et entreprises, Formation et recherche, Société et culture,
Tourisme et loisirs, Espace rural, Industries, Services et commerces, Transports et communications, La France
d’outre-mer, Territoire et aménagement.
De beaux ouvrages en perspective dans
les mois à venir.
Déficit hydrique
de 1976
(en mm)
200
50
0
100 km
Milieux et ressources
Le titre est déjà tout un programme. Se
succèdent paysages, végétation, forêt,
climat, eaux, sols, reliefs, sous-sol. Un
cadre de vie pour les populations présentes et à venir est une réalité reconnue.
Mais le «naturel» n’a plus d’existence,
les auteurs parlent «des milieux tout
court, du presque vierge au très artificialisé.» Certaines cartes étaient attendues
et on ne peut en faire l’économie, mais
combien se multiplient les approches
originales, les combinaisons complexes
qui offrent d’autres configurations spatiales et mettent en avant le regard de
l’usager. Par exemple sur un climat bien
biaisé dans ses perceptions. La carte
pour «grand public curieux» fournit le
Subventions
en francs par
agriculteur
exploitant
71 538
34 396
27 471
22 943
21 029
16 770
4 383
Subventions par
département
(francs)
1 362 848 260
2. Les subventions après sécheresse
362 496 256
1 349 997
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0
36
100 km
Les aides financières ne rappellent pourtant que
de loin la carte précédente… Le facteur social et
la nature des cultures ont pesé.
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tableau des «fureurs de la terre» qui jalonnent l’arc de la sismicité entre Pyrénées et fossé rhénan en passant par les
Alpes du Sud. Ces cartes frappent l’opinion en termes de catastrophes et de risques naturels. Lignes et champs de force
mettent en place les modèles dans leurs
oppositions, France des plaines et plateaux du Nord-Ouest face à la France des
montagnes et des couloirs du Sud-Est.
Degrés-jours
unifiés
Plus quelques autres oppositions.
base 18° C
Partant de l’Europe, ce qui est une façon
3 200
d’intégrer le territoire national dans un
3 000
ensemble plus vaste, on voit émerger une
2 800
autre France, ressentie souvent, rarement
2 600
2 400
vue, celle des paysages calmes, ouverts
2 200
et tranquilles du Nord-Ouest, ou celle de
2 000
la France nue du Nord et des forêts du
1 800
1 600
Sud, celle de la France sèche du Bassin
parisien et de ses marges calcaires, celle
du Sud-Ouest aux paysages morcelés et
masqués. Cela bouscule quelques idées
0
100 km
reçues. Des images habituellement consommées en quelques stéréotypes sont
3. Le froid
dépassées par pans entiers comme en ce
Limousin resté pauvre partout, avec peu
Le besoin de chauffage est presque deux fois plus élevé dans le Nord-Est que sur la Côte d’Azur. Mais
d’eau, peu de vie, peu de constructions et
c’est bien sûr en montagne que le froid est le plus intense.
peu de réseaux. Quercy choyé, Languesubvention en cas de calamité (il s’agit de sècheresse) peut tomdoc oublié dans les scènes patrimoniales, pâleur du Massif cenber parfois au même endroit que la pluie. Par petites touches
tral et poids des Pyrénées au pittoresque naturel parlent d’euxémergent le froid (fig. 3), le gel, le brouillard, les orages, la grêmêmes au lecteur.
le, la neige, le vent, une panoplie nouvelle, dévastatrice d’idées
Sous l’œil du satellite les saisons défilent avec la diagonale
conformistes ou d’ignorances.
verte de l’été qui ignore les suds arides, et se succèdent un angle
Nord-Est entrant vite dans l’hiver, des Landes et vallées du
L’hydrologie, comme le climat, souligne l’abondance des lames
Sud-Ouest en retard au printemps, une Bretagne du littoral et
écoulées à l’est de la ligne Bayonne-Metz, et «c’est la Méditerune de l’intérieur qui s’opposent en été.
ranée qui reçoit le plus d’eau»!
On le savait (mal), on nous le montre (bien) sans langue de
D’après le référentiel adopté en 1992, la pédologie renvoie à un
bois, la forêt progresse malgré urbanisation galopante et incenclassement alphabétique de brunisols rédoxiques, fersialsols
dies d’apocalypse. Sa superficie, 7,5 millions d’hectares dans la
éluviques, lithosols dystriques, podzols leptiques. Aidés par les
première moitié du XIXe siècle et le double de nos jours, le
racines et l’étymologie on lit bien la carte des sols de France
montre. La Champagne défriche toujours mais l’Aveyron reboimais en regrettant — sur le thème — l’absence d’exemples à
se, la futaie gagne sur le taillis, et la forêt rapporte, au nord.
plus grande échelle.
Le climat a aussi ses nouvelles images prolongées de petites
La carte familière du relief, scolaro-vidalienne, est largement
phrases en légende: «les nuits de janvier ne doivent rien à la
revue en bosses, plats, creux, configurations, modelés, dénivellatitude mais tout à la distance à l’océan... le Midi est le plus
lations, altitudes à partir d’une banque de données de 5623 cararrosé en automne.» La problématique choisie est double, des
reaux de 10 km traduits en images inédites. Le Massif central
cartes prises comme élément physique et des cartes en forme de
peut s’estomper et les côtes du Bassin parisien s’élever, on déréponses pour la société à des questions à dimension climatique.
couvre que les vallons animent les deux tiers des grandes formes topographiques du territoire ou que parfois il n’y a plus de
Ainsi les manuels scolaires mettent en avant les températures
Pyrénées. Ces logiques autres dessinent un Midi méditerranéen
pour expliquer les climats de la France alors que la variété clitrès accidenté, compte tenu de ses faibles altitudes. Désormais
matique est commandée par les précipitations. On examinera
le relief de la France est ciselé dans le détail, au petit point, donavec intérêt la page 85 qui met en regard le déficit hydrique de
nant une impression de troisième dimension par le survol d’un
1976 (en millimètres) (fig. 1) et la répartition des aides financiènuancier d’une très grande finesse.
res (en francs) (fig. 2). Deux unités de compte montrant que la
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Population
tiques de consommation ou les niveaux d’instruction et le mouvement d’égalisation constaté est ici plus lent.
On attendait un chapitre sur la population étrangère, il est consistant, concernant 1 habitant sur 15, dont le tiers concentré en Îlede-France (1,4 million), le reste dans l’Est entre Lorraine et Méditerranée. Les typologies cartographiées soulignent d’autres différences. À Paris dominent Portugais et non Européens, Asiatiques et Africains. Lyon, avec beaucoup d’Algériens, concentre
Italiens et Tunisiens. Les Turcs sont entre Belley et Haguenau,
les Espagnols entre Pyrénées-Atlantiques et Rhône. Restent à
peu près vides Bretagne et Massif central. Le mouvement d’uniformisation se poursuit entre Français et Français nouveaux sur
ces pôles d’intégration que sont les Midis où beaucoup d’Espagnols et d’Italiens ne se distinguent plus que par les seuls patronymes. Les Français de naissance prédominent dans un grand
quart Nord-Ouest. Changeant d’échelle changent les détails. Entre les deux frontières de l’Espagne et de l’Italie se succèdent en
bordure de la Méditerranée beaucoup d’Espagnols et de Marocains, puis la même chose avec plus de Marocains, puis des Algériens mêlés aux Italiens et Tunisiens, enfin des Italiens, un peu
par proximité des bassins d’origine mais pas seulement. Tout en
ménageant des localisations préférentielles la palette reste complexe. Par grandes masses les Turcs sont sur les frontières de
l’Est, les Algériens à Paris et dans l’Est entre Dunkerque et Perpignan, les Portugais à Paris, les Espagnols proches de l’Espagne, les Italiens aussi bien en Gascogne agricole que dans un
Nord-Est plus ou moins industriel...
«Les retraités sont partout»... et ils sont dix millions. Plus volontiers à la ville qu’à la campagne, sur les bords de mer, autour
des grandes villes. Là où se trouvent du monde, des services,
des voisins, des enfants susceptibles de s’installer. De Paris ils
regagnent leur lieu de naissance et la maison de retraite bâtie
sur la parcelle familiale, selon leur métier, leur niveau d’instruction et… leurs revenus. On croise commerçants et artisans avec
Auvergne et Rouergue, employés et ouvriers avec périphérie
parisienne. Les plus instruits choisissent le Midi, les retours
concernent Ouest et Massif central. Dans le détail, de Rennes
on gagne la Bretagne, de Lyon le Lyonnais et le Sud-Est, de
Bordeaux le Sud-Ouest. Dans les Alpes-Maritimes on vient de
partout mais rarement de l’Ouest. On quitte peu les grandes villes, à l’exception de Paris.
Sont bien abordés les thèmes attendus, partitions, égalisation,
reprises et déprises. Sont rappelés les antipodes, jeunes au nord
et vieux au sud. Les cartes sont riches et chacun y fera «son
marché» à sa guise. On retiendra la carte de synthèse (fig. 4) qui
souligne une érosion des configurations régionales habituelles
et la nécessité de bousculer quelques images fortement ancrées
dans les mémoires. Le détail des 11 ensembles retenus peut se
regrouper en quelques catégories hors de «la moyenne française». L’hypercentre parisien avec banlieues proches et espaces
autour des grandes villes, les pays de retraite dont la basse montagne méridionale, le grand Sud-Ouest, l’arc septentrional dont
l’extrême Nord, et enfin les creux «en grand désarroi», Limousin, Berry et Morvan, Pyrénées centrales.
«La France reste plurielle et inégale» (page 8) mais sa population de 58 millions d’habitants est de plus en plus urbaine,
vieillie mais à mortalité faible, peu féconde et donc de croissance lente. Ceci dit apparaissent les singularités et inégalités dont
on connaît l’essentiel, la triple dissymétrie: nord-sud avec un
croissant du Nord aux comportements démographiques différents, Paris-provinces (au pluriel), la première comme «machinerie des migrations» actionnant la pompe qui aspire et refoule,
et enfin entre les deux façades maritimes.
Les clés de lecture que proposent des modèles graphiques bien
utilisés vont à l’essentiel comme socle à des connaissances plus
fines, jusqu’à la commune. Ils mettent l’accent sur les grands
ensembles qui s’identifient régulièrement, côte atlantique, SudEst méditerranéen, région parisienne, Massif central, grande
«diagonale des difficultés» qui prend la France en écharpe, du
Pays basque aux confins du Nord-Est.
Une belle introduction rappelle les caractéristiques du référent
européen (l’espace) et réunit les séquences historiques les plus
significatives (le temps). Deux siècles d’évolution montrent en
1806 la France uniforme du Premier empire qui ne laisse s’individualiser qu’un croissant peuplé entre la Bretagne et l’Alsace,
en 1946 «les basses eaux» et la déchirure de la grande diagonale évoquée. Mais à la fin du millénaire les trous se bouchent, le
territoire national est peu à peu repris, la dynamique actuelle, à
partir du dernier recensement, porte sur la diffusion des croissances, la rétraction de la désertification, la dilution des zones
attractives, le redéploiement autour des pôles de population. Et
«des communes rurales apparemment “condamnées” retrouvent
des couleurs.» C’est là un des constats majeurs, une croissance
générale dans la première moitié du XIXe siècle, des pôles de
dépeuplement qui se creusent dans les décennies qui suivent,
une décroissance généralisée dans l’entre-deux guerres puis des
variations menant à la diagonale des communes en difficulté.
Le reste est affaire de localisation. Les vieux meublent le triangle Pays basque, Paris, Languedoc. Les grands ménages (statistiquement composés de plus de 2,5 personnes, moyenne française) peuplent la Picardie et les personnes isolées la montagne.
Les couples «classiques» sont au Nord, les cohabitations à plusieurs générations sous le même toit, au Sud. Le célibat féminin
caractérise Pays basque, Lozère-Cantal, Corse, à forte fréquentation religieuse. Les maternités, retardées à Paris et dans le
Sud, se corrèlent à la taille des villes et à la poursuite d’études.
Parfois une carte peut en montrer une autre, les naissances hors
mariage et les divorces des terres déchristianisées du Bassin
parisien et du Sud-Ouest soulignent en creux les régions à forte
tradition catholique, Bretagne, Vendée et Massif central. Pour
mourir vieux vivez dans l’Ouest intérieur, en Midi-Pyrénées ou
dans le Languedoc-Roussillon voisin. Sachez aussi qu’entre
sexes les comportements diffèrent selon les régions. L’espérance de vie se réduit en continu entre la Bretagne et l’Alsace par
la Picardie, et en Auvergne. Ces ensembles défavorisés en matière de démographie, alors que l’accès aux soins de santé n’y
est pas aussi malaisé, traduisent des différences dans les pra-
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Type 1
Type 2
Type 3
Type 4
Type 5
Type 6
Type 7
Type 8
Type 9
Type 10
Type 11
0
100 km
4. Structure dynamique de la population: une synthèse
Les deux configurations de base, triangle sud-ouest «âgé» et croissant septentrional «fécond», s’érodent peu à peu, surtout vers l’ouest. Les Midis sont en croissance, et pas seulement grâce aux retraités.
L’espace des villes
recul de l’accès à la connaissance de la ville concerne, au-delà
des chercheurs, les citoyens. L’exemple de Rouen qui clôt l’atlas visualise une autre question. Ou l’on reste sur le découpage
de l’ilôt INSEE et des regroupements en quartiers, différents à
chaque recensement un peu comme dans le domaine électoral,
ou bien une grille géométrique récupère en carroyage les différentes données urbaines qui, de plus, sont compatibles avec la
télédétection. Les comparaisons deviennent alors possibles dans
le temps et entre les villes… à condition d’avoir les données.
Les cartes bâties par Y. Guermond vont, à son corps défendant,
Corps enseignant, chercheurs, décideurs utiliseront plus volontiers le tome sur l’espace des villes qui va du niveau mégalopolitain à celui de l’intra-urbain. Les qualités y sont les mêmes
mais les échelles plus variées, soucieuses d’exemples attendus.
Une inquiétude: celle de ne plus obtenir les données alimentant
la cartographie. Il y a là un problème de fond dû à la restriction
des sources sous les couleurs des libertés individuelles, et en
premier lieu ce qui touche au chômage et aux nationalités. Le
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Sismicité
Très faible mais non
négligeable
Faible
Moyenne
Autres risques
Inondation
Mouvement de terrain
Inondation, mouvement
de terrain
Inondation, mouvement
de terrain et avalanche
Sans risque naturel
connu
Donnée manquante
Population en 1990
en milliers (Paris: 9 320)
1 000
250
0
20
100 km
5. Les risques naturels en ville
Dans le large éventail des risques naturels, les inondations demeurent un risque majeur pour un grand nombre de sites urbains. Rares sont les villes sans risque apparent.
de 1968 à 1982. Dans des domaines mouvants et riches comme
la géographie urbaine ne risque-t’on pas d’être condamnés à la
seule production de cartes historiques?
Cette réserve de taille à part, on notera un changement de style
et de ton face aux productions antérieures en matière de cartographie urbaine. C’est tout d’abord la prise en compte de la
publicité à travers de nombreux classements dont un des avantages est qu’ils se contredisent facilement, pour que chacun y
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trouve son compte, car seule l’image compte? Municipalités et
magazines spécialisés l’ont bien compris. C’est ensuite l’apologue glissé dans les commentaires: un homme veut quitter sa
ville natale et ne parvient jamais à ses limites. Science-fiction?
À peine car le bâti s’étend indéfiniment et il a nom périurbain.
On retrouve dans l’atlas sous une forme ou sous une autre mais
toujours d’excellente facture, les étapes de la cartographie urbaine depuis un demi siècle. La bonne vieille carte d’inventaire
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où s’accumulent les signes (figure 12. 6.11) désignant les loisirs
et espaces verts urbains. La centralité et les aires de service à la
population (12. 3. 3). Les nouvelles typologies montrant plus de
services en France, plus d’industrie dans la mégalopole européenne, plus de commerce dans les périphéries. La complexification des spécialisations (12. 4. 2) et du «tertiaire des chefslieux», la qualité de la vie (fig. 5) et les images des villes. Enfin
en carroyage les densités de population dans l’agglomération de
Rouen (12. 8. 53 et 54). Il devrait découler de l’usage de l’atlas
l’abandon d’un certain nombre de généralisations hâtives; si on
connaît bien la mobilité extrême des citadins, l’indice d’émission montre que l’on part beaucoup de l’Ouest et du Sud, et
l’indice d’attraction que l’on va beaucoup, entre Bretagne et
Méditerranée, en périphérie. Paris, Lyon, Marseille retiennent
bien leur habitants mais attirent relativement peu.
Classicisme? Certainement à travers des rubriques bien ventilées, au statut clair, examinant l’urbanisation, la mobilité des citadins, les aires d’attraction, les spécialisations, la société et les
images, la référence à l’Europe, des exemples sur Strasbourg,
Montpellier, Rouen et Nantes, Paris, là où se fait une bonne partie de la recherche en ce domaine. On retiendra les belles séquences sur les soldes migratoires depuis 1954, ou, en d’autres
termes, la montée de l’urbanisation.
La clarté d’exposition est renforcée par l’usage des chorèmes et
leur composition en modèles simples comme l’auréolaire qui
caractérise nombre de villes. Leur croissance en anneaux autour
d’un centre renvoie à des références américaines presque séculaires. On va ainsi tout de suite à l’essentiel, les vertus pédagogiques faisant ressortir les éléments structurants. Les cartes se
placent sous la bannière de modèles simples, en nombre limité,
qui se retrouvent tout au long de l’atlas; une capitale démesurée, des auréoles concentriques, un réseau assez équilibré, une
imbrication assez régulière de villes de toutes tailles, l’absence
de métropoles régionales de type Barcelone en Espagne, Francfort en Allemagne, Milan en Italie, Porto au Portugal, Salonique
en Grèce…
Sachant d’où l’on part et où l’on va, les choses s’éclairent: une
ville compte en France 2 000 habitants, ce qui ne signifie strictement rien depuis le XIXe siècle. Les auteurs considèrent que
20 000 habitants correspondent bien à la limite inférieure de la
ville, avec pas mal d’avantages en matière d’informations car
cette taille n’est absente que de trois départements français
montagnards. Elle offre une sorte de scansion de l’espace national ne manquant pas d’intérêt. Ce parti permet de voir apparaître au dernier recensement Dinard, Manosque ou Cahors ou
d’autres moins connnues, et de voir disparaître Autun ou Decazeville. Elles sont 232 en métropole et regroupent 58% des habitants. La notion de taille «européenne» met l’accent sur l’absence de villes de second rang face aux pays voisins avec une
compensation au niveau des capitales régionales.
À atlas nouveau, révisions obligatoires. D’autres indices sont
maniés, des classifications précises proposées dans le chapitre
des inégalités sociales, retraités sur la Méditerranée, manque de
diplômés dans le Nord, loyers d’habitation atteignant des records à Paris et dans sa région, équipements en cinémas des petites villes à fonction balnéaire ou de garnison, surdensification
en médecins entre Bordeaux et Nice que l’on ne peut tout de
même pas expliquer par l’âge des retraités!
(1) Vol. 2, Population, coordonné par Y. Chauviré et D. Noin,
Université de Paris I, 1995, 128 p., 144 cartes et figures couleur.
(2) Vol. 6, Milieux et Ressources, coordonné par J.-Cl. Wieber,
Université de Besançon, 1995, 144 p., 144 cartes et figures couleur.
(3) Vol. 12, L’espace des villes, coordonné par D. Pumain et Th.
Saint-Julien, 1995, 128 p., 139 cartes et figures couleur.
Une radiographie de la France et des Français en 14 volumes
1. La France dans le Monde — 2. Population* — 3. Emplois et entreprises — 4. Formation et recherche** — 5. Société et culture** —
6. Milieux et Ressources * — 7. Tourisme et loisirs ** — 8. L’Espace rural — 9. Industries — 10. Services et commerces — 11.
Transports, communications — 12. L’Espace des villes* — 13. La France d’outre-mer — 14. Territoire et aménagement.
* volume déjà paru.
** volume à paraître début 1996.
Les autres volumes paraîtront en 1996 et début 1997.
Atlas de France
Réalisation: GIP RECLUS, Maison de la Géographie, Montpellier.
Direction: R. Brunet (CNRS) et F. Auriac (Université d’Avignon).
Collaboration scientifique de 25 équipes de recherche (Universités, grandes écoles, CNRS, Orstom, IGN).
Secrétariat scientifique: D. Eckert
Cartographie: G. Sillère
Traitements informatiques: P. Brossier
Révision et mise en page: M.-M. Usselmann
La mise en œuvre de l’édition de cette collection est réalisée avec le soutien de la DATAR.
Édition-Diffusion: GIP RECLUS et La documentation Française.
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