Aspects de la critique proustienne en France et au Brésil
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Aspects de la critique proustienne en France et au Brésil
Aspects de la Critique Proustienne... 55 ASPECTSDELACRITIQUEPROUSTIENNE ENFRANCEETAUBRÉSIL Maria Marta Laus Pereira Oliveira Universidade Federal de Santa Catarina Les phrases longues parfois enchevêtrées, les paragraphes compacts a faire perdre haleine, l’humour voire l’ironie, l’analyse introspective qui touche les plus secrets recoins de l’âme humaine, le style à la fois nouveau et inclassable, bref tout ce qui surprend et enchante à la lecture de Proust peut pousser un lecteur curieux à en savoir plus, aussi bien sur l’auteur que sur l’œuvre. En realité, nombreux sont ceux qui se demandent comment le roman- A la recherche du temps perdu - a été reçu par le public français et même à l’étranger; de quelle façon il a été accueilli par la critique littéraire contemporaine et immédiatement postérieure à sa publication. Afin d’esquisser une réponse à ces interrogations,nous nous proposons de reprendre quelques aspects de la réception de Marcel Proust dans les critiques françaises et brésiliennes entre 1912 et 1930, en établissant quelques rapports entre ces deux critiques. Les trois notions théoriques servant de base à notre recherche - réception, lecture critique et horizon d’attente - ont été empruntées à l’Esthétique de la Réception. Ainsi, les différents facteurs qui interviennent dans les rapports entre texte et lecteur sont désignés parlenomd’intermédiaires1,ouencoredemédiateurs2,désignations qui comprennent aussi bien l’action des personnes que les supports matériels. Fragmentos Florianópolis v.6 n.2 p.55-84 jan./jun. 1997 56 Maria Marta Laus Pereira Oliveira Nous partons du principe que le critique littéraire est un important médiateur, puisqu’il collabore à la diffusion de l’oeuvre et établit des rapports entre celle-ci et le lecteur. Il n’est pas un lecteur commun, parce qu’il enregistre ses impressions de lecture. Cette lecture critique, incorporée dans le contexte historique et social qui la produit, aide à repérer l’horizon d’attente d’une époque. Ayant pour but de présenter une analyse claire, presque didactique, nous suivons une progression logique.D´abord nous allons chercher nos données du côté de la critique française, pour ensuite puiser dans celles de la critique brésilienne, en essayant d’indiquer au fur et à mesure les dettes de celle-ci par rapport à l’autre. 1. Du côté de la critique française Les difficultés que le roman À la recherche du temps perdu a rencontrées pour se faire comprendre de ses contemporains se sont révelées dès les démarches pour la publication du premier volume, Du côté de chez Swann, parut en librairie le 14 novembre 1913. Les résistances ont été nombreuses et se font présentes de forme détaillée dans la foisonnante correspondance de l’auteur3. Dans l’espoir de publier son roman, Marcel Proust s'adressa à Gallimard, Fasquelle, Ollendorf et Grasset, les principales maisons d’éditions à l’époque. Seul Grasset accepta de publier l’oeuvre. Le refus de la maison Gallimard, sous l’influence d’André Gide, qui en était un de ses directeurs, est devenu célèbre. De son côté, le directeur des éditions Ollendorf, M. Humblot, expliqueraàLouisdeRobert,intermédiaireentreHumblotetProust, qu’il ne pouvait pas comprendre que quelqu’un emploie trente pages à décrire comment il se retournait dans son lit avant de s’endormir4. Toujours à la recherche d’un éditeur pour son livre, Proust aura remis une copie de son manuscrit à Fasquelle vers la fin de 1912. Aspects de la Critique Proustienne... 57 Toutefois, fondé sur l’opinion du poète Jacques Madeleine, son ami et conseiller., Fasquelle lui aussi éconduit le roman. Le rapport5 de lecture du poète est devenu légendaire dans la critique proustienne et depuis, son auteur est considéré comme le premier critique de Proust. Madeleine ne comprenait rien au texte proustien qui lui paraissait manquer d’organisation et qu’il considère un cas “pathologique”. Il se demande: “Au bout des sept cent douze pages de ce manuscrit (...) on n’a aucune, aucune notion de ce dont il s’agit. Qu’est-ce que tout cela vient faire? Qu’est-ce que tout cela signifie? Où tout cela veut-il mener? - Impossible d’en rien savoir! Impossible d’en pouvoir rien dire!”6 En bref, parce qu’il a adopté, dans son analyse, les critères usuellement employés pour les romans français du XIXème siècle ( analyse de la trame, vraissemblance des personnages, clarté du style), Jacques Madeleine n’a pas trouvé dans le texte proustien de correspondant à son horizon d’attente littéraire. Et, quoique sensible aux observations fines et pénétrantes de l’auteur, il n’a pas réussi à distinguer l’originalité de son style. Finalement, après un grand effort de la part de Proust, Grasset accepte de publier le livre “à compte d’auteur”. La Correspondance de Marcel Proust7 permet de vérifier les démarches que celui-ci a entreprises auprès de ses amis pour faire annoncer dans la presse la parution du premier volume de son roman. La première critique vraiment indépendante, c’est-à-dire, qui ne soit pas le résultat d’une démarche de Proust ou d’un de ses amis, est celle de Paul Souday. Dans une lettre du 9 décembre à Jean-Louis Vaudoyer, Proust raconte que Grasset l’avertit “qu'il y a eu un article de Souday détestable” lui imputant des fautes de français qui sont des coquielles d’impression. Le souci de Grasset était fondé. Paul Souday, critique littéraire du journal Le Temps, 58 Maria Marta Laus Pereira Oliveira faisait et défaisait les réputations littéraires. Dans Le Temps du 10 décembre, il consacre un feuilleton au roman de Proust, ou il relève des incorrections, des longueurs et une certaine confusion, admetant toutefois le talent de l’auteur8. D’une teneur tout à fait opposée à l’article de Souday est le texte publié par Maurice Rostand, dans la première page de Comoedia du 26 décembre 1913, sous le titre Quelques lignes à propos d’un livre unique. Proust trouvait l’article si excessif dans ses éloges qu’il n’osait pas l’envoyer à ses amis. Rostand compare l’auteur à Pascal et à Shelley, le considérant digne de “resplandir au milieu des plus grands”.9 Deux autres articles surprirent le romancier par les rapprochements qu’ils firent entre son oeuvre et la philosophie d’Henri Bergson. Le premier article est une notice, sortie dans L’Intransigeant du 28 décembre, intitulée Du côté de chez Swann: une “manière”nouvelle. L’auteur remarque que, chez Proust,les descriptions des caractères selon la psychologie expérimentale pourraient servir d’exemple à la théorie de Bergson. Le deuxième est un article, publié dans la Revue de Paris du ler janvier 1914, dont l’auteur, Gaston Rageot attribue au roman de Proust de s’être inspiré de la pensée bergsonienne. Si Proust a vivement réagi aux critiques citées ci-dessus, surtout à celle de Paul Souday, il a été encore plus sensible à l’article d’Henry Ghéon, publié dans La Nouvelle Revue Française du ler janvier 1914, compte tenu du fait que celui-ci faisait partie du groupe d’écrivains dont Proust recherchait l’approbation10. Proust redoutait le pouvoir d’influence qu’un critique de La Nouvelle Revue Française pouvait avoir sur ses confrères et sur les lecteurs. En effet, quelques critiques ont suivi l’avis de Ghéon. Cela semble être le cas de Rachilde et de Jean de Pierrefeu. La première publie un article dans le Mercure de France du 15 janvier 1914 déclarant qu’elle trouve le livre “soporifique”et “anesthésiant”. Aspects de la Critique Proustienne... 59 Jean de Pierrefeu publie, dans L’Opinion du 24 janvier, un article qui accuse le romancier d’avoir saisi un bout de fil pour raconter son existence et de l’avoir débrouillé “brin pour brin”. Par contre, le Tout Paris: Magazine illustré mondain du 25 janvier 1914 affirme que l’ouvrage est d’une qualité rare et qu’il faut s’étonner qu’il n’ait pas eu de prix littéraire. Un autre article, paru le même jour dans la Revue Littéraire au Journal des Débats, sous le titre À la recherche du temps perdu par M. Marcel Proust, met encore en évidence le caractère polémique de ce livre. L’auteur, André Chaumeix, reconnait que le livre a de “rares mérites” mais le trouve déconcertant par la forme, par la composition, par l’abondance et la compléxité11. A la même époque (le 10 ou le 11 janvier) dans une lettre privée qui est devenue célèbre, André Gide avoue à Proust son admiration pour Swann12. En mars, après Fasquelle, La Nouvelle Revue Française, sous la direction de Jacques Rivière, propose à Proust de publier - non plus à compte d’auteur - les deux volumes non encore parus et d’essayer de joindre le premier à la collection. Dans une lettre à Proust, datée du 6 février, Rivière rend compte de l’impression que la lecture de Swann lui produit. Proust répond en se disant ravi de découvrir que Rivière est le premier à comprende que son livre est un ouvrage dogmatique et une construction13. Rivière évoquerait plus tard, dans une conférence à Monaco14, ses premières impressions devant la lecture de Proust. A vingt-sept ans et malgré son titre de secrétaire, c’etait Rivière qui dirigeait effectivement La Nouvelle Revue Française. Il est considére le premier “lecteur de Proust”, c’est-à-dire,celui qui l’a compris le premier. Dès 1914, il avait senti que Du côté de chez Swann serait le premier élément d’un vaste édifice et première étape d’un “apprentissage de la vérité”. En dehors d’un grand interprète, il a été un propagateur inlassable d’A la recherche du temps perdu. 60 Maria Marta Laus Pereira Oliveira Grasset, de son côté, après avoir dédaigné le premier volume ne voulant pas l’éditer à sa charge, annonce qu’il veut lancer le second aussi tôt que possible. Le 15 avril 1914, Jacques- Emile Blanche, peintre et critique d’art, publie à la une de L’Echo de Paris un article sous le titre Du côté de chez Swann. Proust remerciera l’auteur pour “l’admirable article”. En effet, l’article de Blanche essaie de montrer que les difficultés apparentes du roman sont dues à son aspect novateur et à son originalité. Il écrit: “Dés son apparition, il (le livre) enchanta les uns, alarma les autres, car son approche est, dit-on, difficille. Il se présente comme toute oeuvre d’exception, originale et belle”.15 Il y a eu des échos de cet article dans plusieurs journaux de Paris . La publication du roman a été interrompue par la Guerre de 1914. Pendant ce temps, Proust a eu deux grands soucis: la guerre et son oeuvre. Son état physique le rendait inutile à aider son pays; il a souvent eu envie de mourir, mais il voulait continuer à vivre dans le seul but de finir son roman. Le deuxième volume - A l’ombre des jeunes-filles en fleursne paraîtra qu’en 1919 et recevra le Prix Goncourt. On entend de nouveaux reproches dans la presse. On incrimine l’âge de l’auteur - trop vieux - et on l’accuse d’avoir des relations avec des membres de jury, parce que Léon Daudet était le frère de son grand ami Lucien Daudet. La principale objection, pourtant, c’est que le sujet du roman ne correspond pas aux intérêts de la France de l’après-guerre. Un critique de 1920, cité par Valéry Larbaud17, écrit que l’ auteur qui avait gagné le Prix Goncourt était inconnu et le resterait. Des textes critiques de l’époque révèlent qu’une bonne partie des lecteurs étaient encore rebutés par le style proustien. Anatole 16 Aspects de la Critique Proustienne... 61 France, par exemple, que Proust tenait pour son maître, avouera son incompréhension. Cependant, le deuxième volume attirera des opinions plus favorables que le premier, même s’il ne fera pas l’unanimité. L’attribution du Prix Goncourt avait incité à la lecture jusqu’aux personnes qui avaient été découragées par la lecture du premier volume. Paul Souday, dans Le temps du 18 décembre 1919, mélange les éloges et les réserves18. Après la publication du troisième volume - Du côté de Guermantes I -, dans un article du 4 novembre 1920, le même critique parle de Proust comme d’un “esthète nerveux, un peu morbide, presque féminin”. Encore une fois, c’est Rivière qui fermement défend Proust quand l’attribution du Prix Goncourt déchaîne des controverses. A propos des attaques dont Proust était l’objet, le critique déclare: “Seuls les chefs-d’oeuvre ont le privilège de se concilier du premier coup un choeur aussi consonnant d’ennemis”. 19 Dans l’article qu’il écrit pour La Nouvelle Revue Française, en février 1920, sous le titre “Marcel Proust et la tradition classique”, Rivière souligne ce qui représente pour lui la grandeur de la Recherche. Il constate que les tenants de l’art révolutionnaire se sont coalisés contre Proust et l’ont traîté de réactionnaire, mais le roman de Proust était justement ce qu’il fallait à la litttérature française du début du siècle. Si la littérature du XIXème siécle avait dégradé la facultédecomprendreetdetraduirelesentiment,leromandeProust l’avait récupérée. C’est ainsi que, d’après Rivière, Proust a renoué avec la tradition classique. Pour lui, la période qui va de Stendhal à Flaubert et Barrès est une période de langueur pour la littérature française, ou il y a eu une pesanteur de l’intelligence au regard de la sensibilité. Le roman psychologique n’était alors qu’un recueil 62 Maria Marta Laus Pereira Oliveira d’impressions sur l’âme, tandis que chez Proust le genre a atteint la perfection. Quoi qu’il en soit, les réactions à Sodome et Gomorrhe (publié en 1921) ont été négatives. D'un côté, on accuse Proust d’avoir traité un thème “scabreux”; de l’autre, les homosexuels, Gide y compris, lui reprochent d’avoir traité le sujeit de façon peu favorable. Malgré tout, les témoignages élogieux deviennent eux-aussi nombreaux et la critique proustienne commence à devenir ce qu’elle sera quelques années plus tard. A sa mort, le 18 novembre 1922, Proust est reconnu par toute la critique française comme étant un des plus grands écrivains du pays. Les textes critiques et les hommages en témoignent, même à niveau international. De nombreaux textes sont alors publiés. En France, des journaux et des revues des plus différentes orientations20 se dépêchent pour rendre hommage à Proust, dont ils n’ont pas immédiatement reconnu le génie. A l’étranger - en Allemagne, en Angleterre, en Belgique, en Espagne, aux Etats-Unis, en Hollande, en Italie, en Swède, en Suisse et en Yougoslavie - le décès de Proust est signalé dans la presse en des mots qui l’auraient certainement plu. De tout manière, l’hommage le plus significatif lui est adressé par La Nouvelle Revue Française. Dans un numéro spécial21, Jacques Rivière réussit à rassembler des témoignaiges et des critiques d’une telle richesse qu’ils nous rendent à la fois l’homme et l’oeuvre. Les textes sont organisés d’après leurs contenus en différentes rubriques, tels que “souvenirs”, “l’oeuvre”et “témoignages étrangers”, mais on y trouve également deux fragments de La Prisonnière,l’esquisse d’une bibliographie et quelques renseignements, comme la proposition, de La Nouvelle Revue Française aux amis de Proust, pour qu'ils forment une société dans le but de favoriser la compréhension complète de l’oeuvre. La plupart des textes réunis dans la rubrique “Souvenirs”sont signés par les amis les plus chers de Proust: La Contesse de Aspects de la Critique Proustienne... 63 Noailles22, Georges de Lauris23, Maurice Barrès24, le frère du romancier, le médecin Robert Proust25, Robert Dreyfus26, Léon Daudet27, frère de Lucien et membre du jury du Prix Gincourt, Fernand Gregh28, fondateur, avec Marcel Proust et d’autres jeunes gens, de la revue Banquet, Reynaldo Hahn29, le plus fidèle ami de Proust et un autre ami qui, comptait parmi les plus chéris, Lucien Daudet30. Aussi bien qu’eux Jacques- Emile Blanche, Robert Dreyfus, Robert de Billy, Gaston Gallimard, Philippe Soupault, GabrieldelaRochefoucauld,WalterBerry,Léon-PaulFargue,Valéry Larbaud, Jean Cocteau, Paul Morand, Jacques Truelle, Jacques Porel, Henri Bardac et Ramon Fernandez ont porté leur témoignage, leurs souvenirs et leurs aperçus sur les connaissances qu’ils avaient de l’homme et de l’écrivain. Tous ont été vivement impressionnés, soit par l’aspect physique et le train de vie peu usuel de Proust, soit par les traits caractéristiques de son génie: sa curiosité, sa sensibilité, son observation attentive, le don de se mettre à la place de l’autre. Cependant, c’est dans les textes centrés sur l’oeuvre que la façon dont le romancier Marcel Proust a été reçu par ses contemporains est le mieux caractérisée. Les plus importants critiques de l’époque ont présenté à La Nouvelle Revue Française leurs impressions sur le roman de Proust. Il faut remarquer qu’à ce moment-là seulement Du côté de chez Swann, A l’ombre des jeunesfilles en fleurs, Du côté de Guermantes et Sodome et Gomorrhe avaient été publiés; les opinions ne portaient dès lors que sur une partie du roman et les critiques n’avaient pas encore de vue d’ensemble de ce que serait la Recherche. Cela explique un certain nombre d’observations, surtout en ce qui concerne le manque de composition. René Boylesve31 avoue que sa première impression a été nettement défavorable. Comme lui, la plupart des critiques signalent les difficultés que la première lecture des livres de Proust pose à ses lecteurs. Ainsi, Paul Valéry32 constate que les ouvrages de Proust ne sont pas d’une lecture aisée, mais il pense qu’il faut bénir les auteurs 64 Maria Marta Laus Pereira Oliveira difficiles, parce que les grands hommes “ne craignent pas le lecteur, ils ne mesurent leur peine ni la sienne”. Pour Albert Thibaudet33 lacomplexitédelaphraseproustienne est due à la complexité de la pensée de l’auteur: parce qu’il ne voyait pas et ne sentait pas simplement, il se refusait à écrire de façon simple. Ainsi Proust a conservé dans chaque phrase l’intensité emotionnelle ou la joie descriptive propres aux pensées et aux images décrites. Les réactions négatives observées à la première lecture ont été remplacées par la constatation que c’etait la nouveauté du texte proustien qui le rendait d’un abord difficile. Les lecteurs n’étaient pas préparés pour comprendre et accepter tous ses éléments novateurs. L’ouvrage de Proust marque un tournant, parce qu’il offre à ses lecteurs une vue nouvelle du monde intérieur et extérieur et cette vue est presentée sous une forme tout aussi nouvelle. Voilá porquoi les lecteurs ne retrouvent pas ce qu’ils connaissent dans ces peintures neuves. Quelques critiques vont chercher dans l’oeuvre de Proust la raison de cette réception si difficile et ils trouvent une explication qui vient de l’auteur même. Proust avertit qu’il ne faut pas omettre le facteur temps quand on juge un nouvel artiste et que s’il est parfois malaisé à suivre, c’est parce "qu’il unit les choses par des rapportsnouveaux." La disparition de Marcel Proust a désolé ses amis. Ils savaient qu’ils perdaient un grand artiste, mais ils se sentaient incapables de définir exactement la nouveauté essentielle de son oeuvre. Du fait de sa nouveauté, la plupart des lecteurs et des critiques ont été d’abord déroutés par l’oeuvre de Proust, mais les observateurs mieux avertis se sont aperçus qu’elle ouvrait la principale voie du roman du XXème siècle. Si l’oeuvre proustienne a bousculé les valeurs traditionnelles, elle a en même temps rattaché le roman du XXème siècle aux traditions classiques de la littérature française. Aspects de la Critique Proustienne... 65 A part cette constatation presque unanime des difficultés de la réception de Proust, les textes de La Nouvelle Revue Française nous révèlent aussi d’autres aspects de l’oeuvre proustienne qui ont fréquemment attiré l’attention de la critique. Par exemple, la méthodedecompositionquiassocieleromanetl’essaioulemanque decompositionduroman. Dans le numéro de La Nouvelle Revue Française, deux aspects de l’oeuvre se détachent parmi d’autres: la peinture des moeurs de la société - en cela Proust est encore comparé à Balzac - et l’analyse détaillée et en profondeur qu’il fait des sentiments - ce en quoi il est comparé à Montaigne. Mais, contrairement à Balzac, Proust ne prend pas parti dans ses analyses de la société, il imprime à son style un caractère objectif qui fait penser à l’attitude scientifique d’un naturaliste. André Maurois34 sera l’un des premiers, avec Léon Daudet, à souligner cet aspect de l’oeuvre. En même temps, l’étude des sentiments développée dans le roman proustien présuppose une âme extrêmement sensible. Jacques Rivière35, d’après qui “le voltage des sensations”chez Proust était sans comparaison avec ce qu’il est chez l’homme moyen, ainsi que Louis Martin-Chauffier36 et d’autres critiques dejá mentionnés, était convaincu de l’extrême sensibilité du romancier. D’autres sujets, tels que le rôle du temps et de la mémoire, le rôle du “je”, la recherche des clefs du roman et la quête de la vérité ont tout aussi bien attiré l’attention des collaborateurs à ce numéro de La Nouvelle Revue Française. En ce qui concerne la mémoire, Benjamin Crémieux37 signale l’aspect qui sera un objet d’intérêt toujours renouvelé de la part de ceux qui étudient l’oeuvre proustienne: l’influence de Bergson sur la conception de la mémoire chez Proust. Finalement, chaque fois qu'un critique entreprend l’analyse des personnages proustiens, le rôle du “je”et les clefs du roman sont discutés. En fait, les critiques sont d’accord quand ils affirment 66 Maria Marta Laus Pereira Oliveira que Proust a nourri ses personnages de sa propre substance, qu’ils sont tous nés d’une même vision intérieure, celle de l’auteur. Voilà pourquoi il n’est pas juste de les prendre pour des êtres rapportés. Jacques de Lacretelle38, à qui Proust a dédicacé un exemplaire de Du côté de chez Swann avec l’explication que ses personnages n’avaient pas de clefs ou en avaient huit ou dix chacun39, conclut que les personnages de la Recherche sont entièrement inventés et souligne le rôle de l’imagination dans le roman40. Cependant, encore une fois, Henri Ghéon41 regrette que Marcel Proust n’ait peint que l’homme de la nature, hors du domaine de la grâce et sans Dieu. Son admiration de catholique est mêlée de réserves et de tristesse. Il fait référence à l’article de François Mauriac publié dans la Revue Hebdomadaire42 où cette impression avait été exprimée. Elle sera reprise par d’autres critiques. Les années qui suivent la publication du numéro spécial de La Nouvelle Revue Française ont assisté à la publication posthume des derniers volumes de la Recherche. Lors de la parution de La Prisonnière, en 1923, d’autres critiques se sont occupés de l’oeuvre proustienne. En 1924, Benjamin Crémieux publie une étude43 qui ouvre la première série de son XXème siècle (Paris: Gallimard, 1924). En 1929, il publie Du côté de chez Marcel Proust( Paris: Lemarget, 1929), recueil de textes ou se répètent les mêmes qualités de rigueur et minutie d’analyse révélées dans les études précédentes. Cremieux est cité parmi les rares critiques qui ont compris, dès les premiers moments,la dimension du roman proustien. Dans L’Europe Nouvelle du 9 février 1924, Albert Thibaudet44 fait un commentaire sur La Prisonnière, dernier volume alors publié, où il compare Proust à Montaigne et le comble d’éloges. Encore en 1924, Georges Gabory45 écrit un essai qui serait publié en 1926. Longtemps, par manque de recul,le critique a hésité d’écrire les réflexions que l’oeuvre de Proust lui avait inspirées. C’est la mort de l’écrivain, en novembre 1922, qui l'a libéré de ses scrupules. Aspects de la Critique Proustienne... 67 A la fin de son essai, Gabory remarque que son travail d’analyse n’est pas tout à fait achevé. En fait, l’essai est assez discontinu. Néanmois, on peut identifier ça et là des obsevations précises, signalant des aspects qui seraient repris et mieux développés plus tard par d’autres critiques. Enfin, le texte nous donne un aperçu de ce qui attirait l’attention des critiques à cette époque. Lors de la publication d’Albertine Disparue, en 1925, les bonnes critiques disparaissent à nouveau. Dans Le Temps du 28 février 1926, Paul Souday critique l’inachevé de l’ouvrage et sa banalité ainsi que les paradoxes de se lois psychologiques. Dans L’information politique du 4 avril 1926, un des articles publiés a le titre signifacatif de La réaction contre Marcel Proust. Il est signé par M. A. Leblond et dénonce la “morbidité”de l’oeuvre proustienne. Même Georges Bernanos s’inscrit dans ce mouvement de rejet.Dans une interview46 parue dans Les Nouvelles Littéraires du 17 avril 1926, il affirme que l’instrospection proustienne ne mène nulle part et que, dans cette oeuvre, il ne trouve aucune trace de Dieu. Ainsi un lent déclin de l’intérêt porté à l’oeuvre s’amorce déjà au moment de la publication du Temps retrouvé, en 1927. Seules quelques voix s’apprêtent à signaler qu’ayant à leur disposition la totalité du roman, les lecteurs et les critiques pouvaient juger de la grandeur de l’oeuvre. C’est l’avis d’Edmond Jaloux dans Nouvelles littéraires du 3 et du 10 décembtre 1927, il reconnaît pourtant qu’il faudra encore bien des années pour que l’importance de Proust soit complètement révélée. D’uncôté,lestextesbiographiquesracontentcommentl’auteur a dépensé toutes ses forces à essayer de renverser l’image qu’on se faisait de son roman, pour montrer qu’il ne s’était pas servi d’un microscope pour observer les choses, comme jugeait une partie de ses critiques, mais d’un téléscope; pour prouver qu’il n’avait pas fouillé dans les détails, mais cherché à établir des lois générales. Proust savait que sa pensée ne serait dévoilée qu’à la fin du dernier 68 Maria Marta Laus Pereira Oliveira volume - la Recherche a pris quatorze années pour être complètement publiée - et s’efforçait d’éclairer les malentendus. Pourtant, le dernier volume n’a pas ramené la critique à l’oeuvre. D’après Jacques Bersani, il s’est passé le contraire: Le temps retrouvé l’en a écartée davantage, parce que la critique s’est mise à discuter les idées présentées dans le dernier volume au lieu d’analyser l’oeuvre entière. Nous sommes d’accord avec Bersani quand il dit que: “Jamais peut-être une oeuvre d’une aussi grande envergure, et prommise à un aussi haut destin que l’oeuvre de Proust, ne fut moins bien comprise de ses contemporains”47 D’autre côté, les textes critiques analysés ci-dessus illustrent le conflit qui s’est crée entre Proust et ses lecteurs, l’affrontement entre son langage et celui de la critique, la difficulté du romancier de se faire comprendre de ses contemporains. Ces documents montrent aussi que l’oeuvre a motivé de nombreux articles, partagé les opinions et même provoqué des controverses. Effectivement, il faudra plus de deux décennies pour que toute la grandeur de l’oeuvre proustienne soit reconnue. Les romanciers surréalistes l’ont ignorée. André Breton48, dans le Premier Manifeste du Surréalisme, en 1924, cite le nom de Proust à côté de celui de Barrès, dans une note, pour dire que chez eux le désir d’analyse, “l’intraitable manie qui consiste à ramener l’inconmu au connu, au classable”, est plus fort que les sentiments. Ceux qui prônaient un engagement politique explicite ont manifesté de l’hostilité à Proust. Aussi bien Malraux que Céline, Sartre que Camus répondaient mieux aux préoccupations de l’époque qui a succédé à la publication du roman proustien. Ce n’est qu’au cours des années cinquante que la Recherche a été reconnue comme une oeuvre majeure de la Aspects de la Critique Proustienne... 69 littérature française et a suscité de nombreuses études dans le monde entier. Quelques-uns des textes commentés ci-dessus ont tout de suite fait la traversée de l’Atlantique et leur réception par des critiques littéraires au Brésil est maintes fois signalée. 2. Du côté de la critique brésilienne La différence entre la critique française et la critique brésilienne est due surtout à la spécificité de l’horizon d’attente de chaque critique. L’horizon d’attente d’un lecteur comporte des facteurs comme code esthétique, disposition d’esprit et expérience de vie. Ainsi, l’horizon d’attente étant le résultat d’un système de normes et d’attitudes du lecteur à un moment historique précis, la mise en contexte d’une prise de position ou d’une opinion critique pourra certainement contribuer à sa compréhension. Ce n’est qu’après le décernement du Prix Goncourt que le roman proustien atteint une renommée internationale et est connu au Brésil. Jusqu’en 1919, il n’y a aucune mention de son existence49. La Nouvelle Revue Française, très répandue parmi les intellectuels brésiliens, ainsi que d’autres revues littéraires françaises, fait référence au lauréat du Prix Goncourt. Il n’est pas surprenant que les cinq premiers exemplaires d’A l’ombre des jeunes filles en fleurs arrivés à Belo Horizonte en 1920 aient été disputés par les jeunes intellectuels présents à la Librairie Francisco Alves. Il s’agissait d’Eduardo Frieiro, Milton Campos, Pedro Nava, Carlos Drummond de Andrade et Alberto Campos. Car Eduardo Frieiro a commencé la lecture de son exemplaire dans la librairie même, il est signalé par José Nava50 comme le premier lecteur de Proust au Brésil. Une autre version, soutenue par Ione de Andrade51, présente Jorge de Lima comme le premier lecteur de Proust au Brésil. D’après 70 Maria Marta Laus Pereira Oliveira cette version, le jeune médecin Jorge de Lima a reçu d'un pilote français, à Maceió, en 1919, le deuxième volume de la Recherche d’un pilote français. Le côté pittoresque de l’anecdote vient du fait que le pilote avait averti Jorge de Lima en lui disant que le lauréat du Prix Goncourt de l’année était “quelque peu somnifère”. Plus aisé que la tâche d’identifier le premier lecteur est celle d’indiquer le premier texte écrit par un brésilien sur l’oeuvre de Proust. Il s’agit d’un poème de Samuel Mac Dowell Filho52. Nous avons vu que la mort de Proust a été mentionnée dans la presse française et même dans des journaux étrangers. Les années suivantes, l’événement a été signalé par des commémorations et le poème mentionné a été lu par son auteur à Paris lors d’une réunion en hommage au premier anniversaire de la disparition de Proust. C’est la publication en hommage à l’anniversaire de la mort de l’écrivain - le numéro spécial de La Nouvelle Revue Française publié en 1923 - que nous tenons à considérer comme le premier grand médiateur entre Proust et ses lecteurs brésiliens. Les témoignages des amis et les textes critiques de ce numéro ont constitué la première fenêtre ouverte sur l’oeuvre de Proust pour ses critiques au Brésil. La publication est annoncée dans la revue Klaxon dans les termes suivants: “ NOUVELLE REVUE FRANÇAISE, admirável número, de 400 páginas, consagrado a Marcel Proust, o extraordinário romancista moderno francês, falecido em novembro último. Os mais brilhantes nomes da atual geração francesa dentro das quais Barrès, Valéry Larbaud, Paul Valéry, Cr(e) mieux, Souppault, publicam nesse número belos artigos sobre a vida e a obra do autor de Sodome et Gomorrhe.”53 Aspects de la Critique Proustienne... 71 La revue Klaxon a été la première publication moderniste brésilienne. Il en résulte que Proust a été introduit au Brésil par un groupe d’avant-garde. Le point de départ de la critique proustienne au Brésil est un article de Graça Aranha54 publié en 1925. Graça est considéré un des porte-paroles du mouvement qui a abouti à la Semaine d’Art Moderne de São Paulo en 1922. Il est un des représentants du mouvement moderniste et sa réaction face à l’oeuvre proustienne peut dès lors être comprise comme un paradigme de la réaction de beaucoup d’autres écrivains brésiliens à ce premier moment du Modernisme. Le premier texte critique écrit au Brésil sur l’oeuvre de Marcel Proust est donc bien représentatif de l’esprit de l’époque. L’article intitulé “Marcel Proust” est court mais dense. Il analyse l’oeuvre de façon globale, sans identifier les volumes. Aranha ne pouvait pas connaître l’oeuvre complète, parce que La Recherche n’avait pas encore été entièrement éditée. Dans son texte, Graça Aranha parle de nouveauté mystifiée, de sensibilité extrême, de fragmentation de la vie, de décomposition de la pensée sans recomposition esthétique. Mais surtout, il déclare que l’oeuvre de Proust ne rajeunit pas ceux qui la lisent, parce qu’elle trouve ses racines dans le vieil esprit français d’analyse, de narration, d’association d’idées et de sensations. Si elle paraît nouvelle, c’est à cause de l’humour à l’anglaise, qui donne à l’ancienne formule française la fausse impression de nouveauté. L’art proustien est réduit aux trois aspects suivants: art d’intelligence, où la pensée ne suit qu’en apparence une rédaction instinctive; art processuel, résultat d’une culture volontaire; art de tradition, tendant à la décadence. Ainsi, si en apparence la technique de Proust paraît inconsciente et instinctive, Graça Aranha y perçoit un grand travail intellectuel, ce qui contredit le credo moderniste, d’après lequel l’art doit être spontané. Malgré cela, Graça Aranha reconnaît une énorme sensibilité dans le style de Proust, ce qui pousse très loin l’analyse des choses 72 Maria Marta Laus Pereira Oliveira et des événements. D’après lui, la sensibilité est le seul aspect de Proust qui traduit une tendance du moment: “Aquela análise vai até o paroxismo e por tal exasperação a sensibilidade de Proust é do nosso tempo, embora a arte lhe seja antiga.”55 L’aridité de la critique de Graça Aranha est le résultat d’un désir de rupture avec la tradition européenne, l’envie de créer une littérature brésilienne sans l’influence de la littérature française. Pour lui et pour les modernistes de la première heure, Proust représentait le vieux style, la “décadence”. Il était l’hériter des décadents, un partisan du mouvement littéraire qui avait dominé les lettres françaises jusqu’à la fin du XIXème siècle. Il y a un article de Carlos Drummond de Andrade, sous le pseudonime de “C”56, qui est contemporain de l’essai de Graça Aranha, mais à la différence de celui-ci, il n’est pas mentionné dans la critique de Proust au Brésil. L’article de Drummond est un rapport critique sur le livre de Crémieux, XXème siècle (Paris: Gallimard, 1924), une des principales sources d’information sur l’oeuvre de Proust pour ses premiers lecteurs brésiliens Si, d’un côté, on peut remarquer dans le texte de Drummond la même quête de nouveauté observée chez Graça Aranha, de l’autre, Drummond n’aperçoit pas la même décadence dans le style proustien, au contraire, il y entrevoit des aspects nouveaux. Pourtant, si l’excès de sympathie intellectuelle mène Crémieux à dire que le style de Proust est des plus dynamiques, Drummond n’y voit que l’absence de style, ce qui finit par “confondre, perturber et désespérer le lecteur”. Même si le résultat de la lecture vaut la peine, celle-ci est trop dure, à cause de la longueur des phrases. Il conclut que Proust est l’écrivain le plus difficile du “XXème siècle”, en faisant un jeu de mot sur le titre du livre de Crémieux. Aspects de la Critique Proustienne... 73 Pour Carlos Drummond de Andrade, l’oeuvre proustienne paraissait trop complexe et son style extrêmement difficile. La lenteur exigée par le texte proustien rendait sa lecture peu attrayante aux lecteurs du début du siècle, qui cherchaient la vitesse et la facilité. Eblouis par l’idée de la vitesse, ils ne pouvaient pas se résigner à perdre du temps avec un roman aussi long. Comme celui de Graça Aranha, l’article de Drummond traduit l’espritdumoment.L’orthographeestcomplètementlibre,ilemploie une langue parlée et très informelle, sans faire attention aux règles de la grammaire portugaise, qui était elle-aussi une imposition étrangère. La marque de l’esprit nationaliste se trouve jusque dans les prénoms qui sont traduits en portugais: Marcelo Proust et Pedro Benoît. Cependant, la sensibilité littéraire de Drummond se fait présente. Le critique brésilien signale que , si Crémieux est dépassé, les écrivains dont il parle sont sûrement d’intérêt général parce que l’artestintemporel.Ilesttoujourstempsdeparlerd’écrivainscomme Proust,Larbaud,RomainsouGiraudoux. Il est intéressant de signaler que, trente ans plus tard, Drummond traduirait La Prisonnière pour la Librairie Globo. Si Proust a eu de grands lecteurs au centre et au nordest du Brésil, son oeuvre n’est pas passée inaperçue à l’extrême sud du pays. Augusto Meyer, poète, critique et traducteur “gaucho”de renommée nationale a été un des premiers auteurs brésiliens à écrire surProust. En 1926, ayant fini la lecture d’A l’ombre des jeunes filles en fleurs, il enregistre son émotion dans un poème - Elegia para Marcel Proust 57 - qui constitue un des plus beaux hommages d’un Brésilien à l’écrivain français. Dorénavant, la vie littéraire d’Augusto Meyer, aussi bien sa poésie que ses critiques et ses textes de mémorialiste, serait marquée par la présence de Proust. C’est lui l’auteur de la première étude critique qui fait le parallélisme entre Machado de Assis et Proust58. 74 Maria Marta Laus Pereira Oliveira Très doué pour l’analyse introspective des personnages de romans, il se dirige ensuite vers la littérature mémorialiste dans le but de faire l’analyse de soi-même. Les critères adoptés sont franchement inspirés des principes de l’analyse introspective proustienne. En 1929, Augusto Meyer publie un article intitulé “Metafrívola”59, problablement un commentaire inspiré de l’essai de Tristão de Athayde60, où le critique catholique emploie pour la première fois cette expression, désignant le don de Proust de parler sérieusement des choses apparemment frivoles. En mai, août et septembre de l’année suivante, Proust est de nouveau le sujet de trois articles. Le premier61 est une analyse du rôle joué par Freud et par Proust dans la révision des valeurs de la psychologie traditionnelle. AugustoMeyerestprofondémenttouchéparl’écrivainfrançais qui lisait dans l’âme de ses prochains. Il comprend que la recherche du temps perdu est surtout une quête de soi-même, du “moi” dissocié à travers les années vécues62. Par le biais de la recupération du temps à l’aide de la mémoire involontaire Proust était parti à la conquête de sa personnalité, de sa vérité intérieure. Comme un Zaori, il voyait à travers les murs, doué comme il l’était d’une clairvoyance et d’une sensibilité peu communes. A titre d’illustration, Augusto Meyer se réfère à l’épisode de la visite de Proust chez une chiromancienne, qui a été raconté par Henri Bardac63, dans le número spécial de La Nouvelle Revue Française. C’est encore un témoignage de la résonnance de cette publication française parmi les lecteurs brésiliens de Proust. Le titre - Discurso de Zaori - révèle que le deuxième article traite du même sujet que le texte antérieur, c’est-à-dire, le don de tout voir et de tout percevoir attribué à l’auteur de la Recherche Par contre, le titre de la courte chronique65 - A culpa é de Reinaldo Rahn (sic) - publiée le mois d’après, joue le rôle d’un masque. Si d’un côté le titre ramène le lecteur immédiatement à Aspects de la Critique Proustienne... 75 Proust, de l’autre côté il cache la quête du “moi”perdu, entreprise par Augusto Meyer lui-même. Ainsi, à la première lecture du texte mentionné, on dirait que Proust cherche à découvrir la cause d’une angoisse inexplicable, provoquée peut-être par le souvenir de ses promenades avec Reynaldo Hahn sur les côtes de la Bretagne. Pourtant, on se rend compte que, sous un masque proustien, le texte présente les questionnements du poète “gaucho”concernant des lieux et des émotions passés. Pendant toute la période qui précède la traduction de la Recherche, l’analyse en profondeur que Proust fait de l’âme humaine a été un des aspects de l’oeuvre parmi les plus exploités et discutés. L’intérêt porté à l’aspect introspectif de l’oeuvre proustienne peut correspondre à la soif de spiritualité que Tristão de Athayde66 découvre au sein d’une partie de la génération moderniste et qu’il s’est occupé lui même à développer par une critique militante, à laquelle appartiennent les articles dédiés à Proust. Pour bien évaluer sa position et celle des critiques qui l’ont suivi, il faut les situer par rapport au mouvement spiritualiste qui a eu lieu au Brésil qui est défini par Athayde comme la “réaction spiritualiste”. Cette réaction est un mouvement de renouveau des valeurs spiritualistes, qui a eu lieu au Brésil, à partir de la fin du XIXéme siècle, contre la primauté des idées naturalistes et antispiritualistes dominantes. Le cours de Littérature Comparée donné par Paul Hazard à Rio de Janeiro a beaucoup contribué à préparer l’horizon d’attente de quelques littérateurs brésiliens des années vingt. En 1926, Paul Hazard, professeur au Collège de France, est venu au Brésil en mission de l’Instituto Franco Brasileiro de Alta Cultura. Il a réalisé deux cours: l’un à l'Académie Brésilienne et l’autre à l’Ecole Polytéchnique de Rio de Janeiro. Ses conférences ont mis les littérateurs brésiliens au courant des nouveautés de la littérature française. 76 Maria Marta Laus Pereira Oliveira Dans l’introduction du premier article de Tristão de Athayde67 sur Proust on lit: “Assiméquemeocorreaproximar(StendhaletProust), por ocasião do curso tão fino e penetrante que está fazendo o sr. Paul Hazard(...).” Quelques années plus tard, Brito Broca confirme le rôle de PaulHazardcommeintermédiairepourlaréceptiondeProust.Broca cite un article de João Ribeiro paru le 28 août 1926 dans le journal O Estado de São Paulo. L’auteur de l'article observe qu’après le passage de Paul Hazard tout le monde voulait lire Proust. Broca est tout à fait d’accord: “Realmente, a voga de Proust no Brasil veio também daí(..)68 Les déclarations référées ci-dessus permettent d’affirmer qu’Athayde faisait partie du groupe sensibilisé par les conférences de Paul Hazard, car tout de suite après il s’est mis à écrire sur Proust. Le premier article de Tristão de Athayde est suivi d’une étude plus complète69, la plus importante des critiques initiales. Tristão de Athayde y souligne l’absence de l’esprit comme réalité primordiale dans l’oeuvre proustienne et affirme que l’auteur de la Recherche nous révèle surtout l’horizontalité de l’âme humaine. Athayde a été le premier critique brésilien à affirmer ce qui paraissait une hérésie aux yeux de ses compatriotes littérateurs: la nouveauté de l’oeuvre proustienne. Il commence son essai par la citation d’une phrase, cité par Barrès70, que Rosny Aîné avait dite quelques jours après la mort de l’écrivain: “Proust, c’est du nouveau.” Aspects de la Critique Proustienne... 77 Athayde identifie les aspects qui, d’après lui, constituent l’originalité de Proust. D’abord, ce qu’il appelle la topographie proustienne de l’homme. Ainsi, la grande conception originale de l’oeuvre serait de considérer la dissociation de la personnalité comme un phénomène normal et, de surcroît, fondamental pour la vie de l’esprit. L’homme est envisagé comme un être qui dissocie tout ce qu’il touche et chaque object se présente à lui de façon diverse, selon les circonstances ou la sensibilité du moment. Drummond71 l’avait déjà remarqué en observant que l’anecdote n’était pas l’aspect le plus intéressant des livres de Proust mais ses analyses psycologiques et la décomposition et la recomposition des caractères. Toutefois, le lecteur ne pouvait découvrir ce don de vie, secret et multiple, qu’après avoir vaincu les difficultés du style que Drummond trouvait mauvais. Mais, ajoute-t-il, l’oeuvre de Proust fournit de très importantes donnés pour l’étude des rapports entre le conscient et l’inconscient, ce qui correspond exactement à l’opinion d’Athayde. Dans le deuxième texte d’Athayde, on trouve le panorama de presque tous les aspects de la Recherche: le caractère totalitaire et complexe de sa structure, la dissociation de la personnalité et la multiplication des “moi”des personnages, l’utilisation de la mémoirecommesourced’uneoeuvred’art,l’intermittencementale, le contraste entre la psychologie des romanciers et celle des psychologues, l’obsession du temps et sa discontinuité, la sensibilité extrême de l’écrivain, la “métafrivole” ou métaphysique de la frivolité, la chronique d’une société en décadence, les difficultés initiales que l’oeuvre pose aux lecteurs, l’humour à l’anglaise et la place de l’esprit et de la nature dans l’ensemble de l’oeuvre. Malgré le nombre et la variété des aspects analysés, ils sont tous soumis à l’examen précis d’Athayde, qui est guidé par une grande sensibilité. Si la première étude d’Athayde sur l’oeuvre de Proust était fondée presque exclusivement sur un livre de Jacques Benoist Méchain72, l’etude de 1928 revèle la lecture d’autres textes de la 78 Maria Marta Laus Pereira Oliveira critique proustienne française. Il y a aussi des références précises au número spécial de La Nouvelle Revue Française. Parce qu’il cherchait plus l’universel que le régional dans les oeuvres qu’il analysait et parce qu’il était à la recherche des caractéristiques intrinsècques à l’être humain, Athayde avait les qualités requises à un amirateur de l’oeuvre proustienne. Son étude sur Marcel Proust est une marque dans la réception de l’oeuvre proustienne au Brésil. Elle est référée dans la plupart des études qui la suivent et quand elle n’est pas explicitement indiquée, son influence est souvent repérée. En effet, les idées d’Athayde ont été tout de suite reprises par Jorge de Lima. En 1929, Lima a publié Dois Ensaios73, un recueil des essais “Todos cantam sua terra...”et “Proust”. L’étude est une dissertation écrite en vue d’un concours de littérature au Lycée Alagoano. Il n’est pas difficile d’identifier plusieurs points communs entre cet essai et celui d’Athayde, plus particulièrement en ce qui concerne les thèmes analysés.L’aspect de la nouveauté du style de Proust, jusqu’alors peu remarqué par la critique brésilienne, en est un exemple. Aux premières pages de son travail, Lima présente une vision passionnelle de l’oeuvre de Proust, en expliquant que c’est son opinion particulière. Il essaie alors de montrer que Proust était religieux, mystique et croyant, c’est-à-dire, il prête à Proust une optique propre au lecteur Lima. D’aprés Lima, l’idée de l’absence de Dieu dans l’oeuvre de Proust aurait été inventée par Mauriac et depuis, tout le monde y croyait. C’était une allusion à la position d’Athayde, dont les idées étaient pourtant presque toutes reprises par Lima: la nouveauté de Proust, la multiplicité de la personnalité ou des “moi”, la mémoire comme source de la vie et de la réalité, le temps proustien qui ne correspond pas au temps chronologique et aussi l’absence de Dieu. Les mêmes thèmes sont repris dans la deuxième partie de son étude mais, cette fois-ci, Lima se propose de faire une analyse ob- Aspects de la Critique Proustienne... 79 jective et impersonnelle. En réalité, ces deux prises de positions si différentes ont des résonnances dans l’ensemble du travail et le rendent assez contradictoire. L’essai est prolixe: les thèmes, variés et nombreux, sont introduits sans aucun critère; il y a de très longs paragraphes et beaucoup de citations. C’est aussi l’avis de Brito Broca: “Em 1929, no ano seguinte àquele em que desisti de ler Albertine Disparue, Jorge de Lima publicou um livro intitulado Dois Ensaios, no qual estudava as personalidades de Mario de Andrade e de Proust. Estudos complicados, sem clareza, trazendo a marca de um espírito que nascera para jogar com imagens e não com idéias;de um grande poeta que jamais conseguiu ser um grande posador.”74 Si ce texte de Jorge de Lima est souvent cité dans la crtique proustienne, cela se doit plutôt aux proportions du travail - un essai de plus de soixante-dix pages - et à son aspect précurseur. Il nous est force de constater que les aspects analysés par les critiques français se répètent et deviennent parfois des clichés dans la critique brésilienne. Les données biographiques, telles que le train de vie assez particulier et les bizarreries de Proust contribuent à créer une légende autour de son nom, tandis que la lecture de son oeuvre se maintient, pendant de longues années, restreinte à un groupe d’élus. Néanmoins, malgré la reprise évidente de quelques aspects analysés, la critique brésilienne ne fait pas que simplement répéter la critique française. Parce que la vie littéraire est imprégnée du contexte culturel qui l’entoure, il en résulte que les critiques littéraires fabriquent une vision qui leur est propre, c’est-à-dire, un horizon d’attente qui leur est particulier. Ainsi, la critique brésilienne du début du siècle joue précisement son rôle quand elle réflète les idées dominantes dans 80 Maria Marta Laus Pereira Oliveira les groupes littéraires qui se proposent d’être rénovateurs. Ceux-ci trouvent que les sujets étrangers ne doivent pas leur occuper trop de temps, parce qu’ils sont moins importants que les problèmes brésiliens. Graça Aranha et Carlos Drummond de Andrade ont imprimé à la lecture qu’ils ont faite de l’oeuvre de Proust l’esprit de leur temps. Malgré cela, dans la littérature brésilienne de cette période, la tendance générale pour l’affirmation de la nationalité et le refus des influences étrangères n’a pas complètement annulé l’intérêt des littéraires brésiliens pour la littérature étrangère en général et, en particulier, pour la littérature française. Finalement, en étudiant la réception de l’oeuvre proustienne en france et à l’étranger on se rend compte de la clairvoyance de Marcel Proust. Il était absolument conscient du parcours difficile qu’attendait un artiste original: “Les gens de goût nous disent aujourd’hui que Renoir est un grand peintre (...). Mais en disant cela ils oublient le temps et qu’il en a fallu beaucoup, même en plein XIXème, pour que Renoir fût salué grand artiste. Pour réussir à être ainsi reconnus, le peintre original, l’artiste original procèdent à la façon des oculistes. Le traitement par leur peinture, par leur prose, n’est pas toujours agréable. Quand il est terminé, le praticien nous dit: “Maintenant regardez". Et voici que le monde (qui n’a pas été créé une fois, mais aussi souvent qu’un artiste original est survenu) nous apparaît entièrement différent de l’ancien, mais parfaitement clair.”75 A l’aide de l’exemple de Renoir, Proust parle de la réception de Bergotte qui n’est autre que celle de lui-même. Aspects de la Critique Proustienne... 81 Notes 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 BRUNEL.C. et alii. Qu'est-ce que la littérature comparée? Paris: Armand Colin, 1983, p. 42-51. CHEVREL, Yves. La Littérature comparée. Paris: Presses Universitaires de France, 1989, p. 50. Col. Que sais-je? PROUST, Marcel. Correspondance de Marcel Proust. 1913. Texte établi, présenté et anoté par Philip Kolb. Paris: Plon, 1984, Tome XII, 445 p. Voir GAUTIER-VIGNAL. Proust connu et inconnu. Paris: Robert Laffont, 1976, 295 p. Voir le texte intégral de ce commentaire dans MADELEINE, Jacques. En somme, qu’est-ce? Les critiques de notre temps et Proust. Paris: Garnier, 1971, p. 13-20. Ibidem, p. 13. PROUST, op. cit., 1984. Voir COGEZ, Gérard. Marcel Proust. A la recherche du temps perdu. Paris: Presses Universitaires de France, 1990, 125 p. Collection Etudes Littéraires. Une citation de cet article est incluse par Régis Gignoux dans Le Figaro du 27 décembre (aux pages quatre, à la rubrique Courrier des Théâtres) avec note qui présente l’article de Rostand comme “un article du lyrisme le plus enthousiaste au livre remarquable que M. Marcel Proust vient de publier”. Voir PROUST, Marcel. Correspondance de Marcel Proust. 1914. Texte établi, présenté et annoté par Philip Kolb. Paris: Plon, 1985, Tome XIII, 441p., p. 34. Voir le texte intégral de cet article dans GHEON, Henri. Une oeuvre de loisir. Les critiques de notre temps et Proust.Paris: Garnier, 1971, p. 20-25. PROUST, op.cit, 1985, p. 72. Idem, p. 50-53. Ibidem, p. 98. Conférence publiée dans La Nouvelle Revue Française, Paris, n° CXXXIX, p. 787, 01 avr. 1925. PROUST, op. cit., 1985, p. 153. Dans Le Figaro et dans Gil Blas du 18 avril, dans le Journal des Débats du 24 avril, dans le Mercure de France du premier mai. Voir LARBAUD, Valéry. Entrevision. La Nouvelle Revue Française. Hommage à Marcel Proust, Paris, v. 20, n. 112, p. 88-89, 01 jan. 1923. Voir COGEZ, op. cit., 1990, p. 106-115. RIVIERE, Jacques. Marcel Proust et la tradition classique. Les critiques de notre temps et Proust.Paris: Garnier, 1971, p. 25-31. Tels que L’Action Française, Comoedia, L’Eclair, L’Europe Nouvelle, Le 82 Maria Marta Laus Pereira Oliveira 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 Figaro, L’Intransigeant, Le Journal, Les Lettres, Lyon Républicain, Le Monde Nouveau, Les Nouvelles Littéraires, L’Opinion, Le Petit Parisien, ParisMidi, La Revue Hebdomadaire et Le Temps. LANOUVELLEREVUEFRANÇAISE.HOMMAGEAMARCELPROUST, Paris, v. 20, n. 112, 340p., ler jan. 1923. NOAILLES,Anna de. Souvenirs du coeur. La Nouvelle Revue Française, op. cit., p. 18-21. LAURIS,Georges de. Quelques années avant Swann. La Nouvelle Revue Française, op. cit., p. 44-47. BARRES, Maurice. Hommage. La Nouvelle Revue Française, op. cit., p. 22. PROUST, Robert. Marcel Proust intime. La Nouvelle Revue Française, op. cit., p. 24-26. DREYFUS, Robert. Marcel Proust aux Champs- Elusées. La Nouvelle Revue Française, op. cit., p.27-30. DAUDET, Léon. Hommage. La Nouvelle Revue Française. op. cit.,p. 23. GREGH, Fernand. L’Epoque du Banquet. 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La Nouvelle Revue Française, op. cit., p. 198-203. Idem. Un facsimilé de cette dédicare est présenté aux premières pages du livre de Aspects de la Critique Proustienne... 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 83 Georges Gabory cité ci-dessous. GHEON, Henri. Quelques mots. La Nouvelle Revue Française, op. cit., p. 235-237. MAURIAC, François. Sur la tombe de Marcel Proust. LaRevue Hebdomadaire, Paris, 02 déc. 1992. ( des passages de cet article sont prèsentes dans la Nouvelle Revue Française, op. cit., p. 333-336) CREMIEUX, Benjamin. Le sur-impressionnisme de Proust. Les critiques de notre temps et Proust, op. cit., p. 31-35. Voir COGEZ, op. cit., 1990. GABORY, Georges. Essai sur Marcel Proust. Paris: Le Livre, 1926, 249 p. Cette interview a été reprise dans BERNANOS, Georges. Le Crépuscule des vieux. Paris: Gallimard, 1956, p. 78-79, 81 et elle est citée dans BOREL, Jacques. Marcel Proust. Ecrivains d’hier et d’aujourd’hui. Paris: Seghers, 1972, p. 105. 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