Vers une déperdition de l`humanité ?
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Vers une déperdition de l`humanité ?
Sofien Ben Ayed Cycle Préparatoire Polytechnique 18 ans Vers une déperdition de l’Humanité ? E n ce début de XXIème siècle, l’innovation, la créativité et la mutation s’imposent dans le discours scientifique. La robotisation et l’intelligence artificielle sont en passe de changer la face du monde. Les avantages sont multiples dans le domaine de la santé et promettent de belles avancées pour l’humanité. D’une complémentarité homme-machine du temps de la révolution industrielle, voici venu le temps de l’intelligence artificielle, celui où l’on automatise les processus. D’autre part, la technologie pourra certainement faire reculer les pires maladies. L’intelligence artificielle vedette d’IBM, Watson [3], a déjà montré ses talents en tant que cancérologue. Après avoir digéré des millions d’articles et de dossiers médicaux, il a pu poser un diagnostic et proposer un traitement à quelques patients. Ses suggestions sont jugées très pertinentes par les oncologues de ce centre. De l’homme au cyborg : une humanité augmentée La route vers une humanité augmentée est toute tracée. Aucun secteur des activités humaines ne sera épargné. Alliance, fusion ou encore remplacement de l’homme par la machine, les frontières sont poreuses. La science-fiction devient réalité et ces avancés fascinent autant qu’elles inquiètent. Comment une alliance homme-machine pourrait nous être profitable ? En quoi l'apparition d'hommes augmentés pourrait représenter un danger pour l'humanité ? I. Robotique et médecine : vers un prolongement de iiiiiiil’humanité ? Un concentré de technologies « humaniste » Face à la problématique d’une population de plus en plus vieillissante et à celle grandissante du handicap [1], la robotique permet aujourd’hui des performances étonnantes : réparer nos sens et notre corps. Grâce au numérique, la médecine rendra possible la vue aux aveugles et l’ouïe aux sourds. Des prothèses de plus en plus perfectionnées remplacent déjà des membres perdus. À la tête du laboratoire de bio-mécanique du MIT, l’américain Hugh Herr [2], crée la prothèse BiOM T2. C’est aujourd’hui l’appareil « bionique » le plus similaire à la jambe humaine. Plus qu’à les réparer, Herr aspire à redonner aux amputés leurs droits naturels: « La bionique ne consiste pas qu’à nous rendre plus forts. Nos moyens d’expression, notre sensibilité, notre humanité peuvent être transmis à travers des moyens électromécaniques ». Plus que des capacités physiques rétablies : ils pourront « ressentir ». Echange, alliance, et aujourd’hui : fusion de l’être organique et de la machine. A l’Université de Reading, Kévin Warwick [4], professeur de cybernétique, opère déjà cette mutation : « je ne veux pas rester un simple humain, je veux pouvoir m’améliorer, devenir un homme augmenté : un cyborg », dit-il. L'une de ses expériences les plus marquantes a consisté à manipuler une main robotique qui se trouvait de l'autre côté de l'océan Atlantique par la pensée. L'impulsion nerveuse qui la commandait étant transmise via internet. L’homme n’est plus seulement réparé, il est augmenté. Ray Kurzweil [5], directeur de l’ingénierie chez Google, a assuré que d’ici 2030, « les humains seraient des cyborgs » c’est-à-dire « augmentés » par des outils technologiques. « Nous allons graduellement fusionner et nous améliorer » pour accroître notre intelligence. 1 Transcender les limites de l’être humain pour en augmenter les capacités, tel est le pari fou des chantres du transhumanisme [6]. Jusqu’où ira la fusion entre l’homme et la machine ? II. Cyborg et I.A : la fin programmée de l’humanité ? L’accès à une forme de vie éternelle La technologie défierait-elle la mort ? Des scientifiques tentent de mettre au point un système de transfert complet des données du cerveau vers un support numérique. Le Docteur Hannah Critchlow, neuroscientifique à l’Université de Cambridge explique qu’il serait possible de vivre à l’intérieur d’un ordinateur à condition de transcoder les données cérébrales humaines et de les transférer dans une machine capable de reproduire les 100 milliards de milliards de connexions que notre cerveau possède. L’homme augmenté : un danger pour l’avenir de oool’humanité ? Quoi de mieux qu’une I.A pour calculer, mémoriser et classer des informations. Cependant, pour des opérations cérébrales comme raisonner, analyser son environnement et communiquer, l'humain la surpasse mais peutêtre plus pour longtemps ! La réunion de ces deux intelligences pourrait résoudre les problèmes de famine, de pauvreté, de guerre et de maladies. Elle serait en mesure d’interagir positivement sur son environnement. Mais une technologie si puissante [7] n'est pas sans risque. Laurent Alexandre [8], médecin et futurologue, redoute le risque de « neurototalitarisme » d'un gouvernement totalitaire pouvant se servir de ces technologies pour asservir en modifiant le fonctionnement cérébral. Certains pays seront tentés d'utiliser militairement ces technologies, en créant des surhommes et en augmentant les capacités intellectuelles de leurs scientifiques pour gagner la guerre technologique : « A l’ère des prothèses cérébrales, le risque de neuro-manipulation et donc de neuro-dictature est immense ». Deux espèces d’humains existeront dès lors dans le futur : les augmentés et les ordinaires. Aujourd’hui, une large partie de la population souffre déjà de la fracture numérique [9] et demain, l’IA risque grandement de la prolonger et de l’aggraver. Une nouvelle « bête » mirobot-mi humain est en passe de naître. Il disposera de capacités physiques et intellectuelles bien supérieures à celles des ordinaires, qui ne seront à ses yeux que des êtres défaillants, des parias. D’une humanité réparée, puis augmentée, on pourrait finir par la perdre. Il est donc impératif que le politique et des autorités éthiques réfléchissent dès aujourd'hui à cette menace pour ne pas laisser le monopole de la réflexion sur l'avenir de notre humanité à des entreprises privées dont l’intérêt ne se trouve pas nécessairement dans un progrès partagé par tous. 2 NOTES [1] Rien qu’en France, selon l’INSEE, 360 000 personnes sont contraints de se déplacer en fauteuil roulant, 70 000 sont aveugles et enfin plus de 300 000 habitants souffrent d’une déficience auditive. [2] Hugh Herr, directeur de recherche au Massachusetts Institute of Technology (MIT), a perdu ses deux jambes dans un accident d'escalade il y a trente ans. Il a alors voulu concevoir ses prothèses inspirées de ses propres membres. [3] Aujourd’hui, les médecins du Memorial Sloan-Kettering Cancer Center (centre de traitement et de recherche sur le cancer fondé en 1884 à New York) collaborent avec IBM en utilisant Watson en oncologie afin qu’il devienne un véritable partenaire d’ici quelques années. [4] Kévin Warwick est l’un des plus grands experts en cybernétique au monde et c’est aussi le premier cyborg de l’histoire de l’humanité. Sa première expérience date de 1998 : l’implantation d’une puce RFID dans le bras pour commander à distance des portes ou encore des lampes. [5] Ray Kurzweil est un ingénieur, chercheur et futurologue américain. Il s’intéresse de près à l’intelligence artificielle depuis déjà plus de 40 ans et c’est en 2012, qu’il rejoint Google comme directeur du développement informatique pour développer des machines intelligentes. Il y a 30 ans, il a prédit l’ubiquité de l’Internet et l’avènement des objets mobiles et il est aujourd’hui selon Bill Gates « le meilleur pour prédire l’avenir de l’intelligence aritificielle ». [6] Le transhumanisme est le nom donné au mouvement né aux Etats-Unis qui cherche à réaliser un homme augmenté par la technologie et qui veut à terme terrasser la mort. [7] Selon Ray Kurzweil, d’ici 2045, l’intelligence artificielle sera « un milliard de fois plus puissante que la réunion de tous les cerveaux humains ». [8] Laurent Alexandre est un chirurgien et urologue de formation, fondateur du site de santé Doctissimo. Proche du mouvement transhumaniste, il s’interroge sur les transformations que pourrait connaître l’humanité dans les années à venir. [9] La fracture numérique connue également sous son nom anglais « digital divide », fait référence aux « inégalités face aux possibilités d'accéder et de contribuer à l'information, à la connaissance et aux réseaux, ainsi que de bénéficier des capacités majeures de développement offertes par les TIC. » - Le fossé numérique. L'Internet, facteur de nouvelles inégalités ?, d’Elie Michel en 2001. 3 SOURCES Comment le futur de l'intelligence artificielle pourrait révolutionner le monde d'ici 25 ans ? – HuffingtonPost, de Grégory Rozières, le 13 septembre 2015. The future of AI? Helping human beings think smarter – Wired, de Kevin Kelly, le 3 décembre 2014. Handicap : la technologie change- t-elle la donne ? - ParisTech Review, le 28 Septembre 2012. Hugh Herr, l'homme réparé grâce aux prothèses biomimétiques - Jacques Cardoze et Régis Massini pour France 2, diffusé le lundi 23 mars 2015. IBM's Watson is better at diagnosing cancer than human doctors – de Ian Stedman pour la revue Wired, le 11 Février 2013. FUTURE MAG: L’homme augmenté – Emission diffusée sur Arte le 21 juin 2014. Qu’est-ce qu’une humanité augmentée ? – Autour de la Question diffusée sur RFI le 2 avril 2014. Ray Kurzweil: Humans will be hybrids by 2030 – CNN Money, de Jillian Eugenios, le 4 Juin 2015. Après l’humain, 3 questions à François Taddei – Propos recuellis par Nils Aziosmanoff pour La Revue Le Cube, le 20 avril 2013. « Quand nous serons tous des cyborgs, il sera trop tard » - Entrevue avec Daniela Cerqui pour Rue89, le 13 Juillet 2014. Le recul de la mort – l'immortalité à brève échéance ? - au TedxParis 2012, de Laurent Alexandre. 'Humans could probably live forever as a machine, potentially' says vague neuroscientist – The Independant, de Christopher Hooton, le 26 Mai 2015. Randal Koene, le neuroscientifique qui affirme pouvoir rendre les humains immortels – Gentside Découverte, d'Émeline Ferard, le 16 décembre 2015. Ethics Issues Raised by Human Enhancement – d’Andy Miah en 2012. L'intelligence artificielle va mettre fin à l'humanité ? - Le Nouveau Paradigme, de David Jarry, le 21 Décembre 2013. Stephen Hawking : l’intelligence artificielle est-elle un loup pour l’Homme ? - L'Informaticien, de Margaux Duquesne, le 07 mai 2014. 4