COULIBALY FALLA - Tribunal de Commerce d`Abidjan

Transcription

COULIBALY FALLA - Tribunal de Commerce d`Abidjan
DSL/TAT
REPUBLIQUE DE COTE
D’IVOIRE
----------------COUR D’APPEL
D’ABIDJAN
---------------TRIBUNAL DE
COMMERCE D’ABIDJAN
--------------RG 957/2013
------------JUGEMENT
CONTRADICTOIRE
DU 26 JUILLET 2013
-------------COULIBALY FALLA
(SCPA SORO, BAKO &
ASSOCIES)
C/
AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE DU 26 JUILLET
2013
Le Tribunal de Commerce d’Abidjan, en son audience publique
ordinaire du Vendredi vingt-six juillet deux mil treize tenue au
siège dudit Tribunal, à laquelle siégeaient :
Madame TOURE AMINATA épouse TOURE, Président du
Tribunal ;
Messieurs KACOU BREDOUMOU FLORENT, BERETDOSSA ADONIS, DAGO ISIDORE et OUATTARA
LASSINA, Assesseurs ;
Avec l’assistance de Maître DOLEGBE SELIKA, Greffier
assermenté ;
A rendu le jugement dont la teneur suit dans la cause entre :
Monsieur COULIBALY FALLA, né en 1952 à Korhogo,
ECOBANK CÔTE
commerçant, de nationalité ivoirienne, domicilié à Yopougon
D’IVOIRE
(SCPA KONAN, KACOU, LOAN Millionnaire, 23 BP 222 Abidjan 23 ;
ET ASSOCIES)
Lequel a fait élection domicile en la SCPA SORO, BAKO &
Associés, Avocats près la Cour d’Appel d’Abidjan, y demeurant
Rejette l’exception de sursis à statuer et Cocody les II Plateaux, Rue des Jardins, villa n° 216, face aux
la fin de non-recevoir tirée de la règle Assurances XERA, 28 BP 1319 Abidjan 28, Téléphone : 22 42 76
electa una via ;
09 /17, Fax : 22 42 75 90 ;
DECISION
Reçoit Monsieur COULIBALY Falla en
son action ;
L’y dit partiellement fondé ;
Condamne la société ECOBANK Côte
d’Ivoire à payer Monsieur COULIBALY
Falla la somme de 12.650.000 FCFA à
titre de remboursement et celle de
484.776 FCFA au titre des intérêts
légaux ;
Le déboute en revanche du surplus de ses
demandes ;
Demandeur, comparaissant
susnommé ;
et concluant par son conseil
D’une part ;
Et
ECOBANK CÔTE D’IVOIRE, Société anonyme avec Conseil
Condamne la société ECOBANK Côte d’Administration au capital de 3.226.000.000 F CFA, sise à
d’Ivoire aux dépens ;
Abidjan Plateau, Immeuble ALLIANCE, Avenue TERRASSON DE
FOUGERE, 01 BP 4107 Abidjan 01, Téléphone 20 31 92 00, Fax :
20 21 88 16, prise en la personne de son représentant légal ;
Laquelle a fait élection domicile en la SCPA KONAN-KACOU-
LOAN & Associés, Avocats près la Cour d’Appel d’Abidjan, y
demeurant Plateau, 19 Boulevard ANGOULVANT, Résidence
NEUILLY, 1er étage aile gauche, 01 BP 1366 Abidjan 01,
Téléphone : 20 22 40 41 /20 22 40 59, Fax : 20 22 40 38 ;
Défenderesse, comparaissant et concluant par son conseil
susnommé ;
D’autre part ;
Enrôlée le 02 juillet 2013, l’affaire a été appelée à l’audience
du 05 juillet 2013 ;
Le Tribunal ayant constaté l’échec de la tentative de
conciliation, a renvoyé l’affaire au 19 juillet 2013 pour instruction,
avant de mettre la cause en délibéré pour jugement être rendu à
l’audience du 26 Juillet 2013 ;
Advenue cette audience, le Tribunal vidant son délibéré a
rendu le jugement dont la teneur suit :
LE TRIBUNAL
Vu les pièces du dossier ;
Vu l’échec de la tentative de conciliation ;
Ouï les parties en leurs fins, demandes et conclusions
Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES
PARTIES
Par exploit d’huissier en date du 20 juin 2013, Monsieur
COULIBALY Falla a assigné la société ECOBANK Côte d’Ivoire
devant le Tribunal de Commerce de ce siège à l’effet d’entendre :
- condamner la société ECOBANK Côte d’Ivoire à lui payer la
somme de 19.100.000 FCFA représentant la somme
irrégulièrement prélevée sur son compte, ainsi que celle de
14.449.949 FCFA à titre de dommages et intérêts en réparation des
préjudices économiques et financiers subis;
- ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir;
- condamner la défenderesse aux dépens ;
Monsieur COULIBALY Falla expose au soutien de son action que
le 08 novembre 2011, il a découvert que le compte
n°15000016486015 dont il est titulaire, domicilié à l’agence
ECOBANK de Treichville, avait été irrégulièrement débité de la
somme de 19.100.000 FCF ;.
Il précise que la communication de son relevé de compte lui a
permis de constater que le prélèvement de cette somme, faisait
suite au paiement de cinq chèques effectués par la banque au
profit de Messieurs KRAMO Kouassi, WITH Drawal, GBANE
Mamadou et YAO Jérôme sur la période allant du 10 octobre au 21
octobre 201 ;.
Il fait remarquer qu’à cette époque, il n’avait pas émis de chèque et
n’avait pas été avisé téléphoniquement par la banque, d’une
quelconque opération de retrait, dans la mesure où il se trouvait
dans un état comateux et interné à l’hôpital ;
Ayant saisi, par courrier en date du 17 novembre 2011, la Direction
Générale de la société ECOBANK Côte d’Ivoire aux fins de
régularisation de la situation, celle-ci a fait mener des
investigations qui ont permis de découvrir que les chèques
numéros 6458064, 6458068 et 6458069 des montants respectifs
de 730.000 FCFA, 720.000 FCFA et 5.000.000 FCFA provenaient
de son chéquier, poursuit-il ;
En revanche, ajoute-t-il, les chèques n°6458072 d’un montant de
5.000.000 FCFA et 6458074 d’une valeur de 7.650.000 FCFA,
également mis à jour et réglés respectivement au profit de
Messieurs KRAMO Kouassi, WITH Drawal, GBANE Mamadou et
YAO Jérôme, faisaient partie de la série de chèques appartenant à
Monsieur ASSI Ahou Emmanuel ;
Il relève que la signature apposée sur les trois chèques provenant
de son chéquier, n’est pas la sienne et que si la banque l’avait
contacté préalablement au paiement desdits chèques, elle se serait
rendu compte qu’ils étaient frauduleux ;
S’agissant des autres chèques, il note que Monsieur ASSI Ahou
Emmanuel avait, par courrier en date du 06 juin 2011, saisi la
société ECOBANK Côte d’Ivoire du vol de son chéquier et que
celui-ci a fait opposition à tout paiement de sorte que lesdits
chèques auraient dû être rejetés par l’Agence ECOBANK de
Treichville ;
Monsieur COULIBALY Falla souligne que bien que ces deux
chèques ne fassent pas partie de son chéquier, ils ont été réglés par
la banque, malgré l’opposition faite par le véritable titulaire de ces
instruments de paiement ;
Il avance que la société ECOBANK Côte d’Ivoire ne peut
valablement lui reprocher d’avoir été négligent en laissant son
chéquier, qu’il aurait initialement pré signé à la portée de tiers et
d’avoir omis de faire opposition au paiement des cinq chèques
litigieux ;
En effet, insiste-t-il, avant de payer les chèques qui lui sont
présentés par une tierce personne, la banque doit prendre soin
d’aviser son client par voie téléphonique et requérir l’accord de
celui-ci ;
Il est établi en l’espèce, que la société ECOBANK Côte d’Ivoire a
procédé au paiement des chèques litigieux sans l’en aviser au
préalable, indique-t-il ;
De tout ce qui précède, il déduit que la société ECOBANK Côte
d’Ivoire a fait preuve de négligence en procédant au paiement des
trois chèques qui ne portent pas sa signature bien que retirés de
son chéquier ;
Cette négligence de la banque est aussi manifeste en ce qui
concerne le règlement des deux autres chèques falsifiés, dont les
numéros de série correspondent au carnet de chèques de Monsieur
ASSI Ahou Emmanuel quand bien même, ils portent le nom de
COULIBALY Falla, mentionne-t-il ;
Aussi, sollicite-t-il, la condamnation de la société ECOBANK Côte
d’Ivoire au paiement à son profit de la somme de 19.100.000
FCFA, retirée frauduleusement de son compte au cours de la
période allant du 10 au 21 octobre 2011 ;
Monsieur COULIBALY Falla fait valoir, que depuis le prélèvement
irrégulier de la somme sus indiquée de son compte, il est dans
l’impossibilité de mener convenablement son activité
commerciale, dans la mesure où il manque de liquidité pour
approvisionner son magasin en marchandises ;
Il fait remarquer que cette situation a favorisé la chute
vertigineuse de sa clientèle, lui occasionnant ainsi un manque à
gagner de 13.000.000 FCFA représentant un préjudice
économique ;
Il affirme qu’il a subi également un préjudice financier car, si les
sommes soustraites frauduleusement de son compte avaient été
placées, elles auraient produit des intérêts d’un montant de
1.496.949 FCF ;
Il demande par conséquent que la société ECOBANK Côte d’Ivoire
soit condamnée à lui payer la somme de 14.496.949 FCFA à titre
de dommages et intérêts en réparation des préjudices économique
et financier sus mentionnés ;
Estimant que la non restitution par la société ECOBANK Côte
d’Ivoire de la somme frauduleusement prélevée sur son compte,
lui cause d’énormes préjudices, qui s’aggravent de jour en jour, il
soutient qu’il y a urgence, de sorte que la décision à intervenir doit
être assortie de l’exécution provisoire conformément aux
dispositions de l’article 146-4° du code de procédure civile,
commerciale et administrative ;
En réplique, la société ECOBANK Côte d’Ivoire invoque in limine
litis le sursis à statuer ;
En effet, explique-t-elle, Monsieur COULIBALY Falla a saisi la
police économique d’une plainte portant sur les mêmes faits que
ceux du présent litige ;
Elle indique que l’enquête a été diligentée et transmise au Parquet
d’Abidjan, de sorte que, le Tribunal de Commerce de ce siège ne
peut connaître de cette affaire et ce, d’autant plus qu’il n’est pas
produit au dossier un acte indiquant que le dossier a été classé
sans suite ;
Elle sollicite en conséquence le sursis à statuer, jusqu’à ce qu’une
suite soit donnée à la procédure pénale en cours conformément à
la règle « le criminel tient le civil en l’état » ;
Par ailleurs, fait remarquer la défenderesse, Monsieur
COULIBALY Falla ne peut, en vertu de la règle electa una via,
emprunter la voie civile après avoir initié une action au pénal pour
le recouvrement de sa créance ;
Elle en déduit que l’action du demandeur doit être déclarée
irrecevable ;
Intervenant subsidiairement sur le fond du litige, la société
ECOBANK Côte d’Ivoire fait savoir qu’il est ressorti, de la plainte
déposée par Monsieur COULIBALY Falla à la police économique,
que trois chèques d’un montant de 6.450.000 FCFA ont été
extraits du chéquier du demandeur pré signé par celui-ci ;
Les trois autres chèques d’un montant total de 12.65.000 FCFA
ont été émis du chéquier de Monsieur ASSI Emmanuel, que ce
dernier aurait égaré et dont perte a été signalée à la société
ECOBANK Côte d’Ivoire, note-t-elle ;
Elle précise que les feuillets issus du chéquier de Monsieur ASSI
Emmanuel ont été « lavés » et falsifiés par la mention sur lesdits
feuillets du numéro de compte, du nom de Monsieur COULIBALY
Falla et de sa signature, identique à au spécimen déposé à la
banque ;
Elle relève que la banque ne peut exercer un contrôle qu’au niveau
du numéro de série du chèque en plus de la signature du titulaire
du compte qui y est apposée ;
Ainsi, poursuit-elle, lorsqu’un chèque est présenté à
l’encaissement, le système vérifie si le numéro correspond à celui
attribué au client de sorte qu’en cas de discordance, le chèque est
rejeté et la fraude dévoilée ;
En l’espèce, les chèques « lavés et falsifiés » à partir du chéquier de
Monsieur ASSI Emmanuel, comportaient les numéros de série des
feuillets de chèques de Monsieur COULIBALY Falla et ne
pouvaient donc être rejetés, fait-elle remarquer ;
En tout état de cause, la société ECOBANK Côte d’Ivoire estime
qu’elle a respecté scrupuleusement
toutes les procédures
bancaires pour le paiement des chèques litigieux ;
En effet, argumente-t-elle, sur le premier lot de chèques d’un
montant de 6.450.000 FCFA issus du chéquier de Monsieur
COULIBALY Falla, il n’y a pas de contestation à émettre puisque
ces chèques sont tirés du chéquier de celui-ci qu’il avait
initialement pré signé ;
Elle note que Monsieur COULIBALY Falla n’a pas assuré la garde
de son chéquier permettant ainsi à des personnes qu’il dit ne pas
connaître, d’en retirer trois chèques pour les présenter à
l’encaissement ;
En payant ces trois chèques sur lesquels était apposée la signature
régulière du demandeur, la banque n’a commis aucune faute, au
contraire de ce dernier qui a fait preuve de négligence en laissant
aux mains de tiers des chèques pré signés, souligne-t-elle ;
S’agissant du deuxième lot de chèques établis à partir des chèques
« lavés » de Monsieur ASSI Emmanuel, elle retient que les
prétendus faussaires ont réussi leur opération parce qu’ils étaient
non seulement en possession de tous les éléments faciaux des
chèques de Monsieur COULIBALY Falla, mais en plus de la
signature de celui-ci qu’ils ont parfaitement imitée ;
C’est encore la négligence de Monsieur COULIBALY Falla qui a
rendu possible cette manipulation des chèques, insiste-t-elle ;
Elle affirme, qu’elle ne pouvait refuser de payer lesdits chèques
comportant tous les éléments faciaux surtout le numéro de série
des chèques de Monsieur COULIBALY Falla et sa signature, celuici n’ayant jamais fait opposition à leur paiement ;
Selon la société ECOBANK Côte d’Ivoire, le dommage que prétend
avoir subi Monsieur COULIBALY Falla, a été causé par le
comportement fautif de ce dernier dont la banque ne peut
supporter les conséquences, elle qui n’a manqué à aucune de ses
obligations légales ;
Elle conclut au rejet de toutes les demandes de Monsieur
COULIBALY Falla comme étant mal fondées.
Relativement au sursis à statuer invoquée par la défenderesse,
Monsieur COULIBALY Falla fait observer qu’il résulte des
dispositions de l’article 4 du code de procédure pénale que lorsque
dans une même affaire, ayant une identité de cause, d’objet et de
parties, les juridictions civile et pénale sont saisies, le juge civil
doit sursoir à statuer jusqu’à ce que la juridiction répressive vide
sa saisine ;
La mise en mouvement de l’action publique, poursuit-il, signifie
que la formation de jugement ou d’instruction est saisie d’une
plainte avec constitution de partie civile, ou par la voie d’une
citation directe devant le Tribunal correctionnel ;
En l’espèce, aucune instance pénale n’est pendante devant le
Tribunal correctionnel entre les mêmes parties et ayant le même
objet, ajoute-t-il ;
Il mentionne qu’il n’y a eu aucune saisine de la juridiction
répressive, encore moins du juge d’instruction, et que le simple fait
pour la police économique de transmettre l’enquête diligentée à la
suite d’une plainte, au Procureur de la République, n’est pas
synonyme d’une mise en mouvement de l’action publique ;
Il indique que la société ECOBANK Côte d’Ivoire n’ayant pas
rapporté la preuve qu’il a déjà saisi la juridiction pénale de la
même affaire que celle portée devant Tribunal de Commerce de ce
siège, l’exception d’irrecevabilité tirée du principe electa una via
dont la défenderesse se prévaut pour solliciter le sursis à statuer,
n’est pas établie et doit être rejeté ;
DES MOTIFS
EN LA FORME
Sur le caractère de la décision
La société ECOBANK Côte d’Ivoire a conclu et fait valoir ses
moyens ;
Il échet de statuer par décision contradictoire ;
Sur le sursis à statuer
La société ECOBANK Côte d’Ivoire prétend que la police
économique a transmis à Monsieur le Procureur de la République
près le Tribunal de Première Instance d’Abidjan, les résultats de
l’enquête qu’elle a diligentée, suite à la plainte de Monsieur
COULIBALY Falla portant sur les faits de la présente cause, de
sorte que la règle « le criminel tient le civil en l’état » commande
que le Tribunal de Commerce de ce siège sursoit à statuer jusqu’à
l’issue de la procédure pénale ;
L’article 4 du code de procédure pénale dispose : « L’action civile
peut être aussi exercée séparément de l’action publique.
Toutefois, il est sursis au jugement de cette action exercée devant
la juridiction civile tant qu’il n’a pas été prononcé définitivement
sur l’action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement ».
Ce texte pose le principe selon lequel le criminel tient le civil en
l'état ; Cette règle signifie que l'action civile en réparation du
dommage causé par une infraction peut être exercée devant une
juridiction civile, séparément de l'action devant une juridiction
pénale, mais que le jugement de cette action civile doit attendre
que le jugement de la juridiction pénale soit prononcé
définitivement ;
En d’autres termes dès lors que la juridiction pénale est saisie et
que les deux actions portent sur les mêmes faits, le juge civil doit
surseoir à statuer ;
En l’espèce, la société ECOBANK Côte d’Ivoire allègue que le
Procureur de la République près le Tribunal de Première Instance
d’Abidjan, est saisi du procès verbal d’une enquête préliminaire
suite à la plainte de Monsieur COULIBALY Falla ;
La transmission au Parquet dudit procès verbal qui n’est au
demeurant, établi par aucun élément du dossier, ne signifie pas
pour autant que l’action publique a été mise en mouvement
devant la juridiction répressive ;
La preuve n’étant pas rapportée que la juridiction pénale est saisie
d’une action portant sur les mêmes faits que celle pendante devant
le Tribunal de Commerce, il en résulte que la règle« le criminel
tient le civil en l’état » ne peut s’appliquer ;
Il s’ensuit que la demande de sursis à statuer formulée par la
société ECOBANK Côte d’Ivoire n’est pas fondée et doit être
rejetée ;
Sur la fin de non recevoir tirée de la règle electa una via
La société ECOBANK Côte d’Ivoire soutient que l’action du
demandeur est irrecevable, au motif qu’il ne peut emprunter la
voie civile après avoir initié une action au pénal pour avoir
paiement de sa prétendue créance ;
Aux termes de l’article 5 du code de procédure pénale, la partie qui
a exercé son action devant la juridiction civile compétente ne peut
la porter devant la juridiction répressive. Il n’en est autrement que
si celle-ci a été saisie par le Ministère Public avant qu’un jugement
sur le fond ait été rendu par la juridiction civile.
Cette disposition légale qui reprend la maxime electa una via,
interdit en principe à la victime qui a saisi une juridiction civile,
de se désister de cette action afin de se tourner ensuite vers une
juridiction pénale en exerçant l’action civile ;
Elle suppose la saisine d’une juridiction répressive d’une action
déjà exercée devant la juridiction civile ; Ce qui n’est pas le cas en
l’espèce comme il a été sus démontré ;
Il en résulte que la société ECOBANK Côte d’Ivoire ne peut
invoquer la règle electa una via devant le Tribunal de commerce
saisi de la présente cause ;
Il échet en conséquence de rejeter la fin de non recevoir soulevée
par la défenderesse sur ce fondement.
Sur la recevabilité de l’action
L’action de Monsieur Monsieur COULIBALY Falla a été
régulièrement introduite ;
Il y a lieu de la déclarer recevable ;
AU FOND
Sur le paiement de la somme de 19.100.000 FCFA
Monsieur COULIBALY Falla sollicite le paiement de la somme de
19.100.000 FCFA représentant le montant total de cinq chèques
qui a été, selon lui, irrégulièrement prélevé sur son compte
bancaire ouvert dans les livres de la société ECOBANK Côte
d’Ivoire ;
L’article 1937 du code civil dispose que : « Le dépositaire ne doit
restituer la chose déposée qu’à celui qui la lui a confiée ou celui au
nom duquel le dépôt a été fait ou à celui qui a été indiqué pour le
recevoir» ;
Il est constant en l’espèce que trois des cinq chèques litigieux
portant les numéros 6458064, 6458068 et 6458069 qui ont
permis des retraits d’une valeur de 6.500.000 FCFA, ont été
extraits du chéquier de Monsieur COULIBALY Falla, qui n’a à
aucun moment signalé la perte dudit chéquier à la société
ECOBANK Côte d’Ivoire, ni fait opposition à la banque au
paiement des chèques susvisés ;
Ces chèques portant la signature de Monsieur COULIBALY Falla,
conforme au spécimen figurant sur le carton de signature, et ne
présentant aucune irrégularité, ont été payés aux porteurs par la
société ECOBANK Côte d’Ivoire ;
Il s’ensuit que la banque n’a pas commis de faute en ce qui
concerne le paiement de ces trois chèques, de sorte que sa
responsabilité contractuelle ne peut être retenue contrairement à
ce que Monsieur COULIBALY Falla prétend ;
En effet, le titulaire du compte, gardien de son carnet de chèques,
doit prendre les précautions nécessaires pour éviter que les
formules de chèques soient détournées, volées ou égarées ;
En l’espèce, Monsieur COULIBALY Falla a fait preuve d’une
imprudence dans la surveillance de son chéquier, dont certaines
formules ont été présentées à l’encaissement du fait de sa
négligence ;
Il est, dès lors, mal fondé à solliciter le remboursement de la
somme de 6.500.000 FCFA correspondant la valeur des trois
chèques susvisés par la société ECOBANK Côte d’Ivoire ;
Il y a lieu de le débouter de ce chef de demande ;
S’agissant des deux chèques portant les numéros 6458072 et
6458074, il ressort des écritures de la société ECOBANK Côte
d’Ivoire, qu’ils sont issus du chéquier de Monsieur ASSI Ahou
Emmanuel dont ce dernier avait déclaré la perte à la banque ;
La société ECOBANK Côte d’Ivoire indique que les inscriptions
imprimées sur les deux chèques ont été lavées, et que les numéros
de série et la signature de Monsieur COULIBALY Falla y ont été
ajoutés en lieu et place des numéros de série initiaux attribués à
Monsieur ASSI Ahou Emmanuel ;
Après avoir décrit amplement ce procédé de falsification, la
banque aboutit à la conclusion que lesdits chèques, qui
comportaient tous les éléments faciaux notamment le numéro de
série des chèques de Monsieur COULIBALY Falla et sa signature,
n’ont pu être détectés comme faux par son système de sécurité ;
Il est clair que ce moyen qui sonne comme un aveu d’impuissance
de la société ECOBANK Côte d’Ivoire face à un procédé de fraude
qu’elle a pourtant identifié, ne saurait prospérer ;
En effet, il est de principe que le banquier est tenu d’une obligation
de sécurité et de prudence, qui le conduit à veiller à la sécurité et à
l’inviolabilité des instruments de paiement mis à la disposition de
ses clients, particulièrement le chèque auquel ceux-ci recourent
pour la confiance qu’il inspire ;
Il ressort en l’espèce des propres affirmations de la société
ECOBANK Côte d’Ivoire, selon lesquelles les formules de chèques
d’un de ses clients ont été lavées et qu’il a été par la suite porté sur
lesdits chèques des numéros de séries autres que ceux qui y
figuraient à l’origine, que celle-ci n’a pas utilisé dans la fabrication
des formules de chèques concernées, un procédé de marquage ou
d'impression indélébile offrant toute garantie de sécurité.
Il en résulte, qu’elle a commis une faute qui a permis la
falsification des deux chèques sus indiqués, ayant servi par la suite
au retrait irrégulier de la somme de 12.650.000 FCFA du compte
de Monsieur COULIBALY Falla.
Il convient, dès lors, de retenir la responsabilité contractuelle de la
société ECOBANK Côte d’Ivoire sur le fondement de l’article 1937
du code civil, et de faire droit à la demande de Monsieur
COULIBALY Falla en ordonnant à cette dernière de lui
rembourser la somme de 12.650.000 FCFA irrégulièrement débité
de son compte.
Sur le paiement d’intérêts légaux
Le demandeur sollicite le paiement d’intérêts légaux d’un montant
de 1.496.949 FCFA courus depuis le 21 octobre 2011 ;
L’article 1153 du code civil dispose que « Dans les obligations qui
se bornent au paiement d’une certaine somme, les dommages et
intérêts résultant du retard dans l’exécution ne consistent jamais
que dans la condamnation aux intérêts fixés par la loi ; sauf les
règles particulières au commerce et au cautionnement.
Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu
de justifier d’aucune perte.
Ils ne sont dus que du jour de la demande, excepté dans les cas où
la loi les fait courir de plein droit. » ;
En l’espèce, les intérêts réclamés ne sont pas dus de plein droit et
ne commencent donc à courir qu’à compter d’une mise en
demeure de payer ;
Il s’évince des pièces du dossier que Monsieur COULIBALY Falla a
mis en demeure la banque de lui rembourser la valeur des cinq
chèques prélevée sur son compte, le 17 novembre 2011 ;
Il en résulte que les intérêts demandés par Monsieur COULIBALY
Falla n’ont commencé à courir qu’à partir du 17 novembre 2011 et
non du 21 octobre 2011 comme il le prétend ;
Il y a lieu par conséquent, de faire partiellement droit à la
demande de Monsieur COULIBALY Falla et de condamner la
société ECOBANK Côte d’Ivoire à lui payer la somme de 484.776
FCFA au titre des intérêts légaux courus du 17 novembre 2011 au
26 juillet 2013 ;
Sur le paiement des dommages et intérêts
Monsieur COULIBALY Falla sollicite la condamnation de la
société ECOBANK Côte d’Ivoire au paiement de la somme de
13.000.000 FCFA à titre de dommages et intérêts.
L’article 1147 du code civil qui énonce que : « Le débiteur est
condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit
à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard
dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que
l’inexécution provient d’une cause étrangère qui peut ne lui être
imputée, encore qu’il n’y ait de mauvaise foi de sa part. »
nécessite pour son application l’existence d’une faute, d’un
préjudice et d’un lien de causalité.
Si en l’espèce, la faute contractuelle de la banque est suffisamment
établie, comme démontré plus haut, il n’en va pas de même du
préjudice invoqué en ce qu’il n’est ni prouvé, ni caractérisé, le
demandeur se bornant à affirmer qu’il manque de liquidité pour
approvisionner son magasin sans en rapporter la preuve ;
Il y a lieu, dans ces conditions, de déclarer la demande de
Monsieur COULIBALY Falla mal fondée et de la rejeter ;
Sur l’exécution provisoire
L’article 146-4° du code de procédure civile, commerciale et
administrative prévoit que l’exécution provisoire peut être
ordonnée dans tous les cas présentant un caractère d’extrême
urgence.
En l’espèce, Monsieur COULIBALY Falla sollicite l’exécution de la
décision à intervenir, au motif que la non restitution de la somme
de 19.100.000 FCFA par la société ECOBANK Côte d’Ivoire, lui
cause un préjudice auquel il y a lieu de mettre fin d’urgence ;
Cette demande n’est cependant pas fondée, puisque le demandeur
ne justifie pas l’existence du péril allégué donnant au cas d’espèce,
un caractère d’extrême urgence nécessitant le prononcé de la
mesure d’exécution provisoire ;
Il sied par conséquent de le débouter de cette demande ;
Sur les dépens
La société ECOBANK Côte d’Ivoire succombe à l’instance ;
Il y a lieu de la condamner aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant
publiquement,
contradictoirement,
commerciale et en premier ressort ;
en
matière
Rejette l’exception de sursis à statuer et la fin de non-recevoir tirée
de la règle electa una via ;
Reçoit Monsieur COULIBALY Falla en son action ;
L’y dit partiellement fondé ;
Condamne la société ECOBANK Côte d’Ivoire à payer Monsieur
COULIBALY Falla la somme de 12.650.000 FCFA à titre de
remboursement et celle de 484.776 FCFA au titre des intérêts
légaux ;
Le déboute en revanche du surplus de ses demandes ;
Condamne la société ECOBANK Côte d’Ivoire aux dépens ;
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jours, mois et an que
dessus ;
Et ont signé le Président et le Greffier.