les armes a energie dirigee, mythe ou realite
Transcription
les armes a energie dirigee, mythe ou realite
LES ARMES A ENERGIE DIRIGEE, MYTHE OU REALITE ? Bernard FONTAINE Préface du Général Paul Parraud 0 LES ARMES A ÉNERGIE DIRIGÉE MYTHE OU RÉALITÉ ? Bernard FONTAINE Docteur ès Sciences Directeur de Recherche Emérite au CNRS Laboratoire Lasers, Plasmas, Procédés Photoniques-UMR 6182 CNRS - Université de la Méditerranée [email protected] 1 À Maryse, mon épouse, qui m’a si efficacement supporté dans le long chemin qui a mené à cet ouvrage. À Emeric, mon petit fils, dont l’apport dans la mise en forme des images et des graphiques m’a été si précieux. 5 PREFACE L’ouvrage de Bernard FONTAINE est particulièrement riche en informations. Il nous propose un panorama très complet sur les différentes formes d’énergie dirigée et sur leurs applications tant dans le domaine militaire que, bien que cela ne figure pas dans le titre, dans le domaine civil. Les phénomènes mis en jeu sont clairement exposés ainsi que les difficultés qu’il faudra surmonter pour les utiliser dans des applications très variées. Je ne les énumérerai pas, vous les découvrirez vous-même. En revanche, je tiens à souligner ici un autre aspect, tout aussi intéressant de sa contribution. Celle-ci, en effet, éclaire plusieurs questions clefs dont j’avais pris conscience pour ma part lorsque, à la Direction des Recherches et Moyens d’Essai (DRME) de la Délégation Générale à l’Armement, je participais à la conduite du projet « ARMEL » d’arme laser. Elles revêtent un intérêt général et pas seulement limité aux énergies dirigées. Il s’agit : De l’interaction féconde des recherches à but militaire et de celles à but civil. De l’aspect pluridisciplinaire du problème à résoudre dans la marche vers le progrès technologique. D’une autre condition, essentielle celle-là, pour garantir l’efficacité de l’effort scientifique et technique. Celui-ci doit être non seulement significatif mais aussi prolongé. Sans un tel effort des scientifiques et de ceux qui sont chargés du financement et de la mise au point des techniques avancées, les difficultés à vaincre auraient peu de chance d’être surmontées. De l’importance, enfin, des progrès déjà réalisés au cours de ces dernières décennies. Ceux-ci nous montrent clairement qu’il n’y a aucune raison pour qu’ils s’arrêtent et que nous pouvons prévoir, sans savoir il est vrai à quelle échéance, des succès et des changements considérables. C’est pourquoi l’ouvrage de Bernard FONTAINE est déjà très utile pour ce qui concerne la connaissance et la compréhension d’un domaine très vaste d’applications nouvelles. Il l’est encore plus car il autorise un 7 optimisme raisonné et contribuera à l’enthousiasme qui sera nécessaire pour la mise au point des applications futures des énergies dirigées. Non, celles-ci ne sont pas utopiques ! Oui, elles seront demain une réalité ! 8 février 2011 Paul PARRAUD Général de Corps d’Armée (2S) 8 TABLE DES MATIERES INTRODUCTION 13 PARTIE 1: Un peu de physique des rayonnements 19 1 Comment cela fonctionne 1-1 Tout d’abord voyons un peu ce qu’est un laser 1 - 1 - 1 Gain dans un milieu matériel 1- 1 -2 Inversion de population 1-1 - 3 Comment fonctionnent les cavités laser et quelles sont les propriétés essentielles des lasers liées à ces cavités? 1-2 Qu’est ce qu’un faisceau de particules et comment Cela fonctionne? 1-3 N’oublions pas les sources hyperfréquence (microondes) : de notre cuisine aux Confins de notre planète 1-4 Et l’effet EMP ? 21 21 22 26 2 Quelles sources d’énergie pour alimenter ces sources? 2-1 Généralités 2-2 Sources d’énergie primaire 2-3 Transformation de l’énergie 2-4 Stockage de l’énergie 2-5 Mise en forme de l’énergie 2-5-1 Commutateurs à haute tension rapides 2-5-2 Décharge des condensateurs haute tension de grande énergie et des lignes à retard 2-5-3 Générateurs de Marx 2-5-4 Transformateurs d’impulsion élévateurs de tension rapides 45 45 48 51 53 64 65 3 Un peu de mécanique des fluides ou comment contrôler les paramètres d’un faisceau laser de grande puissance 3-1 Comment évacuer la chaleur ? 3-2. Ou la mécanique des fluides peut faire bien plus pour les lasers de grande puissance que d’éliminer la chaleur 3-3 Comment contrôler un faisceau laser de grande puissance de la source à la cible ? 9 26 29 32 42 69 70 71 73 73 76 88 4 Quelques lasers à vocation d’arme stratégique ou tactique 4-1 Le laser à rubis 4-2 Le laser Hélium – néon 4-3 Le laser à gaz carbonique 4-4 Le laser chimique HF/DF 4-5 Le laser Chimique à Iode (COIL) 4-6 Le laser à Excimeres 4-7 Le laser à Solide au Néodimium et ses dérivés 4-8 Le laser à Solide Titane-Saphir et le laser Femtoseconde 4-9 Le laser à Rayons X 4-10 Le laser à Electrons Libres 107 107 109 110 112 115 118 121 126 128 133 PARTIE 2: Des armes à énergie dirigée et comment s’en protéger 137 5 Pas si facile que cela d’intercepter des missiles balistiques intercontinentaux avec des faisceaux, l’histoire le montre 5-1 Les micro-ondes de la radio à l’arme non létale 5-2 Le laser de puissance: de la télémétrie spatiale au rayon destructeur à la vitesse de la lumière 5-2-1 Les lasers de puissance vecteurs d’information 5-2-2 Les lasers de puissance vecteurs d’énergie destructrice 5-3 Des accélérateurs de particules comme armes à énergie dirigée ? 5-3-1 Programmes majeurs sur les armes à faisceau de particules développés aux USA 5-3-2 Programmes sur les armes à faisceau de particules développés en URSS 5-3-3 Programmes sur les armes à faisceau de particules développés en France 5-3-4 Programmes sur les armes à faisceau de particules développés en Grande Bretagne 5-4 Des « yeux » dans l’espace pour surveiller et se protéger 5-4-1 Satellites d’observation militaires dans le monde, hors Europe 5-4-2 Satellites d’observation militaires en Europe 10 141 143 147 148 152 166 169 170 172 173 174 176 179 6 Un bouclier spatial infranchissable ? Le projet américain « Strategic Defense Initiative » (SDI) où « Guerre des Etoiles » 6-1 Programmes sur les systèmes basés à terre 6-2 Programmes sur les armes à faisceaux dirigés 6-3 Programmes sur les systèmes basés dans l’espace 6-4 Programmes sur les détecteurs 6-5 Epilogue 7 Où en est-on aujourd’hui dans la défense stratégique par armes à énergie dirigée ? 197 7-1 Où les sources laser à solide vont bientôt concurrencer les lasers chimiques comme arme stratégique 7-2 Principaux systèmes d’armes laser en cours de développement 209 7-3 L’ABL (Airborne Laser) 8 Et si on parlait des problèmes géostratégiques et géopolitiques et des traités internationaux ? 8-1 Limitation des armes stratégiques 8-2 Limitation des armes tactiques 9 Si nous revenions sur terre? Les armes tactiques 9-1 Les armes à énergie dirigée tactiques 9-1-1 L’ATL (Advanced Tactical Laser) 9 -1-2 Canon Laser pour la Marine 9-1-3 Le système MTHEL-NAUTILUS 9-1-4 L’intégration du Joint High Power Solid Strate Laser (JHPSSL) dans un système d’arme 9-1-5 Les Systèmes ZEUS et LASER AVENGER de neutralisation de mines 9-2 Les armes à énergie dirigée non létales 9-2-1 Lasers d’éblouissement anti personnel - le Dazzler 9-2-2 Système d’arme antipersonnel micro-ondes « Vehicle Mounted Active Denial System » (VMADS) 9-2-3 Le Taser 9-2-4 Le Long Range Acoustic Device (LRAD) 11 183 187 188 192 190 195 199 212 217 218 226 231 231 231 234 235 237 238 241 242 244 246 248 9-2-5 Le Pulsed Energy Projectile (PEP) 249 10 La lutte entre le glaive et la cuirasse continue 10-1 Comment se protéger des armes à énergie dirigée ? 10-2 Les lasers, aide à l’attaque 10-3 Télécommunications sécurisées 10-3-1 Communications avec des sous-marins en plongée 10-3-2 Communications à haut débit par laser et microondes 10-4 La simulation expérimentale de l’arme thermonucléaire 251 252 253 256 256 257 259 PARTIE 3: Du militaire au civil 267 11 Des sources bien utiles pour les puces 11-1 Les micro et nanotechnologies – de la micro-électronique à la nanoélectronique 11-2 Le traitement laser des matériaux, technique révolutionnaire 271 276 12 Le Laser, un outil bien utile en médecine et en chirurgie non invasive 12-1 le laser, bistouri du XXI siècle 12-2 Le laser va t-il remplacer la roulette du dentiste? 12- 3 Le laser va-t-il révolutionner la chirurgie esthétique? 12- 4 La chirurgie laser au secours des myopes 285 285 289 290 291 13 L’environnement sauvé par les lasers ? 13–1 Le laser, un cartographe ultra-puissant 13- 2 Le Lidar sondeur de l’air de l’eau et de la terre 13-3 Comment des traces infimes peuvent enfin être détectées à distance 13 - 4 une étoile artificielle est née 271 293 293 295 300 303 14 Le laser, clef pour un monde disposant d’une énergie quasiment inépuisable ? 14 –1 Fusion thermonucléaire civile par laser 14-2 Fusion thermonucléaire civile par faisceau de particule 305 307 316 PARTIE 4: Et l’avenir ? 15 Où allons-nous en matière d’armes laser 317 321 12 15-1 15-2 15-3 15-4 15-5 Quelques problèmes à résoudre Un peu de prospective Les satellites militaires du futur Les canons électromagnétiques La bombe à rayons gamma 321 322 326 328 330 16 16-1 16-2 16-3 16-4 16-5 16-6 16-7 Les chercheurs sont-ils des apprentis sorciers? La militarisation de l’espace est elle inévitable ? Un bouclier spatial efficace ? Le projet EAGLE Quel avenir pour les armes à faisceau de particule ? La E-bomb Le projet HAARP Et si on parlait des rayons T ? 333 333 325 336 338 339 340 343 17 Les lasers de puissance du futur, outil incomparable pour les applications civiles: de la « boite à outil » à l’infiniment bref et à l’infiniment petit Les lasers de puissance, boite à outil idéale pour demain ? Les lasers femtoseconde remplaceront-ils les accélérateurs de particule ? A la recherche des secrets de la matière aux échelles de temps ultra-courtes Les lasers ultra-intenses femtoseconde d’aujourdhui et de demain Nouvelle génération de lasers solides de très grandes dimensions pompés par diode (DPSS) Le laser femtoseconde instrument révolutionnaire pour la métrologie et la détection de nouvelles exoplanètes 17-1 17-2 17-3 17-4 17-5 17-6 347 348 359 362 363 367 369 CONCLUSION 373 REFERENCES 377 LISTE DES FIGURES 399 13 INTRODUCTION La légende est connue. En 212 avant J.C., pour défendre Syracuse, Archimède se serait servi de miroirs pour concentrer la lumière du soleil et ainsi mettre le feu à une flotte de navires romains (réf. 1). La Fig. 1 représente une vue d’artiste de cet événement, qu’il ait été mythe ou réalité… Évoqués à de nombreuses reprises dans les livres et les films de science-fiction, les faisceaux dirigés ont bien une très lointaine origine, antique ! Fig. 1 Vue d’artiste des Miroirs Ardents d’Archimède. Peinture murale de Giulio Parigi, Galerie des Offices, Florence Les ouvrages de science-fiction ont peuplé notre enfance - et aussi notre âge adulte - de soldats futuristes tel Flash Gordon, armés de pistolets à rayons et faisceaux lasers traversant le ciel dans tous les sens et détruisant vaisseaux spatiaux et villes à la vitesse de la lumière. Dans La Guerre des Mondes d’Herbert Georges Wells, l’invasion de la Terre par les martiens a effrayé toute une génération (réf. 2). La fig. 2 montre une vue imaginaire de cette invasion. Nous avons tous été fascinés par le talent et l’imagination de Georges Lucas auteur de la série culte des films La Guerre des Étoiles et inventeur du célèbre « blaster » [réf. 3]. Combien d’enfants n’ont-ils pas joués avec cette épée laser, copie de celles des chevaliers Jedi et de Dark Vador ! ? Souvenons-nous aussi, tout de même, du « phaser » du Capitaine Kirk dans la série télévisée Star Trek, objet à tout faire pouvant être utilisé comme arme mais aussi comme source de chaleur ou comme « perce muraille» et transmettre de 15 l’énergie à distance. Rappelons-nous enfin du pistolet laser qui a fait son apparition dans les années 1920 sous une autre appellation, popularisé par le personnage de Buck Rogers qui a fait rêver sur son invincibilité les plus âgés d’entre nous. La fig. 3 nous permet d’imaginer une telle arme de poing. Fig. 2 Vue d’artiste de la Guerre des Mondes de H.G. WELLS (Source Folio) Fig. 3 Pistolets laser de Buck Rogers (Source Bdzoom) 16 L’idée que les ouvrages de science fiction puissent receler l’amorce d’innovations technologiques susceptibles d’être portées jusqu’au stade de la réalisation par les techniques dont on dispose aujourd’hui ou dont on disposera demain, intéresse beaucoup scientifiques et militaires. La science–fiction peut ainsi avoir pour utilité d’être le ferment de réflexions et d’idées dont un scénario plus réaliste pourrait être tiré grâce au développement éventuel de nouvelles technologies inédites. Ces technologies, moins conservatrices que celles ayant actuellement cours, pourraient ainsi être mises à profit notamment dans le domaine spatial. Hugo Gernsback, fondateur en 1926 du célèbre magazine de science fiction « Amazing Stories » ne notait-il pas le rôle social de la sciencefiction source d’inspiration pour les chercheurs et les inventeurs ? La curiosité de l’homme, le développement des technologies pour ellesmêmes aussi bien que pour un but ultime tel que l’exploration, le besoin d’aller au delà des frontières répondent d’autre part à un besoin inhérent à la nature humaine et on retrouve ce besoin dans la science fiction. C’est ainsi le privilège des écrivains que de pouvoir jeter sur le papier des idées ou des rêves qui ne sont pas écartés d’emblée par le non spécialiste, l’ingénieur ou le scientifique comme étant dénué de tout intérêt et de faire en fin de compte déboucher sur des réalités des inventions relevant d’abord du domaine du pur fantastique. Ce concept est le fil conducteur d’une étude récente de l’Agence Spatiale Européenne (ESA) intitulée « les nouvelles technologies dans la science-fiction » (réf. 4). En ce qui concerne l’utilisation des faisceaux d’énergie dirigée on peut citer, dans ce cadre, les voiles solaires ou photoniques actionnées par laser (1920, 1951, 1963) évoquées dans les séries des « Tales of Known Space » (récits de l’Espace connu) de Larry Niven, la propulsion des fusées par laser, la transmission d’énergie d’un point à l’autre du système solaire ou même la destruction de météorites par laser. Les médias évoquent de façon récurrente les armes à énergie dirigée : lasers, faisceaux de particules ou hyperfréquences. La fièvre du laser en tant qu’arme spatiale continue en particulier d’échauffer nos journaux, nos radios et nos télévisions, depuis l’invention du concept de « guerre des étoiles », autrement appelée initiative de défense stratégique (SDI). Énoncé par le président des États-Unis Ronald Reagan en 1983 au beau milieu de la guerre froide, ce projet avait envisagé par exemple 17 l’explosion dans l’espace d’une bombe thermonucléaire afin de créer un laser à rayons X ciblé contre une fusée intercontinentale à des milliers de km de distance… Mais ce vaste projet ne comportait pas que des fantasmes : des armes tactiques de champ de bataille étaient prévues, elles sont en cours de mise au point et il est de nouveau question de militariser l’espace. Mais qu’en est-il réellement à l’aube du XXIe siècle, alors que depuis un quart de siècle des budgets vertigineux sont consacrés au développement de ces armes à rayonnement ? Qu’est ce qui ressort du fantasme – celui du pistolet laser par exemple - et qu’est ce qui est réel ou potentiellement réalisable dans un avenir proche ? Qu’est ce qui fait l’intérêt de telles armes et quels problèmes tant scientifiques et techniques que géostratégiques et éthiques ce type de moyen de défense ou d’attaque - pose-t-il ? Une chose est certaine, c’est que grâce, principalement, à l’obsession des « armes à énergie dirigée » et plus particulièrement grâce à celle du laser, des budgets ont été votés et la recherche a progressé. La physique qui permet de réaliser les sources à énergie dirigée a énormément progressé au cours du XXe siècle, depuis la découverte du concept d’émission stimulée élaboré par Albert Einstein en 1917. Ces avancées ont permis l’émergence de sources de très grande puissance ayant à la fois la propriété de transporter de l’énergie à grande distance à la vitesse de la lumière dans des faisceaux quasi parallèles, et celle de focaliser cette énergie sur des surfaces très réduites. D’où des densités d’énergie destructrices permettant une défense – ou une attaque - quasi instantanée avec un très grand rayon d’action. C’est la base du concept de « défense à la vitesse de la lumière », bien différent des moyens classiques utilisant la balistique. Mais ce n’est pas le tout de disposer d’un faisceau de grande énergie, encore faut-il au préalable l’alimenter en énergie primaire ! Or, un tel faisceau est très gourmand vu son faible rendement énergétique. De plus, il faut pouvoir détecter la cible, pointer la source sur celle-ci puis évaluer l’effet éventuellement destructeur en temps réel, généralement à très grande distance, ce qui représente des difficultés tout à fait considérables. Enfin, plus prosaïquement, à quoi peuvent bien servir ces armes dans la mesure où, pour reprendre l’exemple du bouclier spatial antimissiles tel que l’envisageait le 18 programme SDI lancé par Ronald Reagan, une saturation du système de défense antimissiles par l’augmentation du nombre de vecteurs et de leurres suffit à en diminuer fortement l’intérêt ? Nous verrons que cette constatation a aidé à ce que le programme SDI ait été abandonné, et qu’il a été remplacé par un programme d’armes stratégiques à rayonnement beaucoup plus modeste avec une portée de « seulement » quelques centaines de kilomètres et dirigé pour se protéger de certains états belliqueux recherchant un leadership régional : il s’agit du concept de « défense du fort au faible. » L’objectif de cet ouvrage est d’essayer de répondre à toutes ces questions tout en présentant une revue de la situation des armes à énergie dirigée en ce début de XXIe siècle et leurs perspectives pour le futur. Sa réalisation a été difficile ! Pour deux raisons. La première est que les informations sur un tel sujet, si sensible, sont soumises au Secret Défense pour nombre d’entre elles. Il est donc très difficile de se faire une idée précise de la situation actuelle alors que celle-ci évolue très vite, ce qui interdit toute exhaustivité. La seconde est que l’interdisciplinarité de ce domaine de recherche atténue la frontière existant entre ce qui est « armes » à faisceau dirigé au sens propre et les faisceaux dirigés dans des équipements non militaires ou simplement défensifs. Le choix a donc été fait d’aborder le thème de façon relativement large afin d’aller audelà des armes dans la présentation de l’utilisation des faisceaux d’énergie dirigée de grande puissance. Dans une première partie est présentée cette physique des rayonnements qui permet de réaliser les sources à énergie dirigée, qu’elles soient continues ou pulsées avec des puissances de milliards de watts et des durées de milliardièmes de seconde ou même bien moins. Sont également décrits les problèmes d’énergie nécessaire et de rendement ainsi que les principales sources utilisées ou envisagées en tant qu’armes, aide aux armes ou défense anti-armes. Une deuxième partie est consacrée à la réalité des systèmes d’armes à énergie dirigée proprement dites, qu’il s’agisse des armes stratégiques, des armes tactiques ou des armes non létales (car il y en a !). Les notions de géopolitique, de stratégie, de non-prolifération, de sanctuarisation de l’espace, d’économie, sont abordées ainsi que les 19 conventions et traités internationaux sur la limitation des armes de destruction massive et leur prolifération et l’usage des armes à énergie dirigée. La Lutte entre le glaive et le bouclier est un thème éternel et c’est également le cas pour les armes à énergie dirigée. L’aide à la défense et à l’attaque est un domaine actuellement très actif. Elle fait également l’objet de la 2e partie. L’utilisation des sources à énergie dirigée, essentiellement des lasers, est présentée dans le cas des contre-mesures optroniques et contre-contre-mesures optroniques (!), la télémétrie, l’aide à la conduite de tir, l’éclairage de cibles, la protection du militaire, les recherches de produits prohibés (explosifs, mines, etc.), les télécommunications sécurisées, la modélisation, la simulation expérimentale – le laser Mégajoule - et tant d’autres applications. Les sources d’énergie dirigée de grande puissance continue ou pulsée répétitive ne sont pas que militaires. Elles prennent de plus en plus de place dans les applications civiles : une brève revue de l’usage de ces sources dans l’industrie (soudage, découpe, perçage, traitement de surface, microélectronique, nanophotonique, énergie, environnement, etc.) et le génie biomédical (ophtalmologie, traitement de tumeurs, chirurgie non invasive, biophotonique…) fait l’objet d’une troisième partie. La principale limitation des armes à énergie dirigée reste qu’elles sont bien trop gourmandes en énergie. Une évocation des perspectives des sources d’énergie dirigée de grande puissance et en particulier le développement de nouveaux lasers de très grande puissance à rendement élevé et de sources micro-ondes pulsées de très grande puissance pouvant peut-être modifier le climat à distance, est présentée dans une quatrième partie. Enfin, des applications civiles très prometteuses permises par l’avènement de lasers ultra-intenses, telle l’accélération des particules par laser afin d’aller encore loin que les accélérateurs actuels dans l’analyse de la structure ultime de la matière, l’optique relativiste et la détection d’exoplanètes grâce au laser femtoseconde, sont également évoquées. 20 PARTIE 1 Un peu de physique des rayonnements 21 22 CHAPITRE 1 Comment cela fonctionne Voici une présentation brève de la physique qui permet de réaliser les sources à énergie dirigée (lasers, faisceaux de particules, hyperfréquences (micro-ondes), etc..). Le principe du laser, qui est la source actuellement la plus utilisée, est présenté plus en détails. 1 - 1 Tout d’abord voyons un peu ce qu’est un laser La physique et la technologie des lasers, et notamment de ceux délivrant des puissances et des énergies optiques élevées, ont fait des progrès considérables durant ces 30 dernières années. Il existe maintenant de nombreux types de lasers permettant un grand nombre d’applications. Très simplement, un laser est un milieu matériel capable d’amplifier un rayonnement électromagnétique (laser pour les ondes optiques de l’infrarouge aux rayons X, maser pour les hyperfréquences). Placé entre 2 miroirs formant ce que l’on appelle une cavité optique, miroirs qui réfléchiront une partie du rayonnement, ce milieu, associé à la cavité optique, constituera un oscillateur si on dépasse un certain seuil ou le gain du milieu est supérieur à l’ensemble des pertes (milieu, cavité, etc.). Nous allons voir brièvement les trois aspects essentiels des lasers qui constituent la « physique des lasers » en essayant de répondre au trois questions suivantes : 23 A) Pourquoi et comment peut-il y avoir gain dans un milieu matériel ? B) Comment peut-on créer une inversion de population dans un milieu matériel ? C) Comment fonctionnent les cavités laser et quelles sont les propriétés essentielles des lasers liées à ces cavités ? 1 – 1 - 1 Gain dans un milieu matériel Le thème de ce premier chapitre est donc l’étude de la création et de l’amplification d’ondes électromagnétiques à l’aide du rayonnement d’émission stimulée. On sait, depuis le début du XXe siècle, que les systèmes atomiques (atomes, ions, molécules, ions moléculaires, etc..) ne peuvent exister que dans des états stationnaires. À chacun d’eux correspond une valeur de l’énergie bien définie. Les états sont caractérisés par des nombres quantiques. Les valeurs de l’énergie sont appelées niveaux du système atomique, ionique ou moléculaire (niveau 1 électronvolt (eV) par exemple). Des échanges d’énergie entre ces états stationnaires, appelés transitions, peuvent se produire. Cela peut être des transitions radiatives. Elles donneront lieu à une émission ou une absorption d’énergie du rayonnement (émission ou absorption de lumière sous la forme de photons). Cela peut être également des transitions non radiatives, par collision comme par exemple la relaxation collisionnelle de niveaux vibrationnels de molécules. Ce sont alors des échanges dissipatifs sans intervention de photons (réf. 5 - 6). Si la transition est radiative, la fréquence du rayonnement émis ou absorbé par le milieu ji est donnée par la relation de Bohr : h ji = Ej-Ei, où Ej et Ei sont les énergies des états i et j entre lesquelles a lieu la transition, donc l’échange d’énergie électromagnétique. h est la constante de Planck. Trois processus d’échange d’énergie radiative peuvent exister entre le rayonnement et le milieu matériel. Ces processus, qui peuvent être introduits en suivant les arguments développés en 1917 par Albert Einstein, sont : 24 a) L’émission spontanée, b) L’émission stimulée, c) L’absorption. a) EMISSION SPONTANEE Cette émission correspond à la désexcitation naturelle d’un niveau supérieur (j) vers un niveau inférieur (i) d’énergie d’un atome ou d’une molécule par émission spontanée d’un photon d’énergie Ej-Ei. Il entraîne la diminution de la population Nj du niveau j. Ce rayonnement est tout à fait isotrope et incohérent, c'est-à-dire qu’il n’existe pas de relation de phase entre les rayonnements électromagnétiques provenant de différents atomes émettant spontanément. C’est par exemple le cas de la lumière émise les tubes de néon d’éclairage de nos domiciles et de nos bureaux. b) EMISSION STIMULEE OU INDUITE Cette émission, contrairement à l’émission spontanée est provoquée par la présence d’énergie rayonnante de fréquence ji. L’émission stimulée a une intensité qui sera proportionnelle à la densité d’énergie du rayonnement u ji, à un coefficient spécifique du milieu et à la population de l’état supérieur. De plus elle est en phase avec le rayonnement extérieur et possède la même direction et la même polarisation que celui-ci. Ces propriétés sont essentielles pour un laser. c) ABSORPTION DU RAYONNEMENT En présence d’un rayonnement de fréquence ji, un système atomique ou moléculaire passe aussi d’un niveau d’énergie plus faible à un niveau d’énergie plus élevée. Le milieu absorbe alors un quantum d’énergie h ji = Ej-Ei. C’est le phénomène d’absorption (celle-ci est, bien sûr, toujours induite). La probabilité d’un tel événement est, comme pour l’émission stimulée, proportionnelle à la densité d’énergie de rayonnement u ji. 25 On peut résumer les différents processus d’échange d’énergie entre le rayonnement et la matière sous la forme graphique représentée dans la Fig. 4. Fig.4 Echanges d’énergie rayonnement et milieu matériel Maintenant considérons un ensemble d’atomes ou de molécules qui n’est pas nécessairement en équilibre thermodynamique. Quelle est la réponse de l’ensemble à un faisceau incident de rayons parallèles de fréquence ji et de densité Uji ? On démontre qu’un faisceau incident qui traverse un milieu dont les états d’énergie inférieure sont plus peuplés que les états d’énergie supérieure sera toujours atténué. On établit que l’absorption est de la forme I = I0 exp (– ka.l) ou l est l’épaisseur du milieu. ka, appelé coefficient d’absorption, est donc lié à l’état microscopique du milieu, c’est à dire aux populations des états d’énergie des atomes ou molécules intervenant dans le processus d’absorption ou d’émission. Il est proportionnel à la différence Ni-Nj des densités de population des les états i et j. Nous voyons donc que le terme essentiel qui déterminera le signe de ka est le signe de Ni-Nj. Il est facile d’imaginer un système pour lequel la population Nj du niveau supérieur serait plus grande que celle du niveau inférieur Ni. On dit que l’on a créé une inversion de population. Cet état, bien sur, n’est 26 pas un état d’équilibre thermodynamique. Cela signifie simplement que l’on a trouvé un état stationnaire qui amène à une condition ou Nj > Ni. Dans ces conditions le matériau va rayonner spontanément comme dans le cas ou Nj < Ni. Il pourra aussi se comporter comme un amplificateur de rayonnement sélectif à sa fréquence propre ji = (Ej-Ei)/h avec un coefficient d’amplification ou = - ka. L’émission spontanée à la même fréquence sera alors considérée comme du bruit. Un petit peu d’histoire des sciences À ce stade il est intéressant de considérer le raisonnement qui a amené Albert Einstein à établir théoriquement, en 1917, le concept d’émission stimulée. Cet événement constitue en effet un moment particulier de l’histoire des sciences. Avant 1917 on ne connaissait pas l’existence de l’émission stimulée. Deux théories d’origines tout à fait différentes existaient en parallèle, toutes deux auto-cohérentes et qui permettaient d’établir des relations entre populations d’atomes ou de molécules : - La relation de Boltzmann basée sur la théorie cinétique des gaz permettait d’établir le rapport des populations d’atomes ou de molécules dans un milieu à l’équilibre thermodynamique à la température T. - La relation de Planck basée sur la théorie du rayonnement permettait d’établir la répartition spectrale de l’émission d’un matériau à l’équilibre thermique à la température T. Le problème est que le rapport des populations Nj et Ni en fonction de la température calculé à partir des 2 théories n’était pas le même sauf pour le cas particulier où la température tend vers zéro. Einstein en a conclu qu’il manquait un terme dans les échanges rayonnement - matière, d’où le concept d’émission stimulée qu’il a établi et son célèbre article publié en 1917. 27 1 – 1- 2 Inversion de population Maintenant, la question que l’on doit se poser est : comment peuton créer une inversion de population dans un milieu matériel ? La réponse à cette question fait appel à une discipline scientifique nommée dynamique des milieux réactifs, qui fait donc intervenir la cinétique des atomes et de molécules. On montre qu’il est possible d’obtenir une inversion de population en régime stationnaire dans un tel système atomique ou moléculaire en mettant à profit les différences dans les cinétiques des différents niveaux lorsque le système est excité par un apport d’énergie extérieur. Il existe différents types d’excitation des milieux où l’on veut créer une inversion de population, qui peuvent se ramener à 4 grandes catégories : a) b) c) d) Le pompage optique, Le pompage électronique, Le pompage thermique, Le pompage chimique. Nous verrons plus loin différents lasers de grande puissance utilisés comme armes et se rattachant à ces diverses catégories. 1 – 1 - 3 Comment fonctionnent les cavités laser et quelles sont les propriétés essentielles des lasers liées à ces cavités ? Maintenant que nous avons vu comment un milieu matériel peut être un amplificateur de rayonnement, nous allons voir ensemble les conditions dans lesquelles cet amplificateur de lumière va pouvoir entraîner une génération de rayonnement laser et les propriétés de ce rayonnement. Pour transformer un amplificateur de rayonnement optique en générateur de lumière cohérente on fait appel à une découverte de 2 28 scientifiques français Fabry et Pérot qui étaient professeurs à la faculté des sciences de Marseille au début du XXème siècle. Il s’agit de la cavité résonante Pérot-Fabry. Considérons un milieu amplificateur de rayonnement placé entre 2 miroirs séparés de la longueur L. Si les pertes par transmission et absorption de cette cavité sont, au total, inférieures au gain .L, nous aurons un laser qui émettra un rayonnement au voisinage de la fréquence v0 où le gain est maximum. Différents types de cavités sont utilisés dans la pratique. Il existe certains critères de stabilité qui font que certains types de cavités sont plus appropriés que d’autres et que certaines combinaisons de miroirs ne peuvent pas former de cavité stable (ou un système d’ondes stationnaires ne peut pas s’établir). Sur un plan pratique, l’usage d’une cavité optique, donc la création d’un oscillateur, va avoir plusieurs conséquences qui constituent des spécificités du laser très importantes pour les applications. Il va se produire une diminution très importante de la largeur spectrale d’émission (largeur de raie) lorsqu’il y aura oscillation laser car .L > seuil pour seulement un intervalle spectral très étroit et dans cet intervalle spectral va se produire le phénomène de résonance et l’existence de modes de résonance. On dit que l’on aura une grande cohérence temporelle. C'est-à-dire une grande monochromaticité (une couleur très bien définie). Il va se produire aussi une collimation du faisceau de sortie. En effet, le rayonnement ne sera amplifié de façon efficace qu’au voisinage de l’axe de la cavité du fait des propriétés de la cavité Pérot-Fabry et toute la puissance disponible sous forme de rayonnement va se trouver concentrée sous la forme d’un faisceau lumineux très peu divergeant, de l’ordre de quelques milliradians et même beaucoup moins dans certains cas. La phase sera constante dans un plan perpendiculaire au faisceau. On aura ainsi une grande cohérence spatiale. 29 Ces propriétés du rayonnement laser ont pour conséquence de permettre de transférer à très grande distance de l’énergie optique ou de la focaliser avec un rendement très élevé et une grande pureté spectrale dans des volumes de l’ordre de quelques microns de dimensions caractéristiques. Ces propriétés ouvrent le champ à un grand nombre d’applications comme nous le verrons plus loin dans le cas des armes laser. Il faut toutefois remarquer que cela n’est vrai que si le milieu laser contenu dans la cavité est « parfait » et le milieu dans lequel le faisceau va se propager est également « parfait », c'est-à-dire s’il n’existe aucun gradient d’indice de réfraction transversalement à la direction de propagation du faisceau, donc aucun gradient de densité qui perturberait le faisceau. Nous aurons l’occasion de revenir sur cet aspect essentiel des lasers qui limite fortement leurs applications dans le domaine des grandes puissances et des grandes énergies. Pour terminer cette introduction à la physique des lasers, on notera que les différentes configurations optiques de lasers utilisés dans la pratique permettent de déterminer les propriétés spatiales, spectrales ou temporelles des lasers. On peut ainsi créer un simple oscillateur), obtenir des impulsions géantes de quelques nanosecondes (10 -9 s) de durée, obtenir une émission superradiante, amplifier l’émission d’un oscillateur jusqu'à des puissances et des énergies considérables (Térawatts et Mégajoules). On peut, enfin, générer des impulsions extrêmement courtes en isolant une fréquence dans un train d’impulsion au moyen d’un dispositif électro-optique et en l’amplifiant ensuite en profitant de la propriété de cohérence temporelle du faisceau. On obtient ainsi des émissions laser de très grande puissance (~1018 watts et plus) ayant des durées de quelques femtosecondes (10-15 s) (réf. 6). La fig. 5 représente le principe du laser associant un milieu actif, un dispositif d’apport d’énergie et une cavité optique. 30 Fig. 5 Schéma de principe d’un laser 1-2 Qu’est ce qu’un faisceau de particules et comment cela fonctionne? Les faisceaux de particules de basse et moyenne énergie font partie de notre vie de tous les jours : tubes de télévision à rayons cathodiques, écrans de télévision, éclairs durant les orages, etc. Ils sont utilisés dans l’industrie (durcisseurs de matière première, préservation de la nourriture par stérilisation par exemple), en médecine (thérapie des cancers), dans la recherche pour l’étude de la structure ultime de la matière (quarks) (l’anneau de stockage de particules du CERN qui vient d’être construit est destiné à cette application). Ils sont aussi étudiés comme possibles armes à énergie dirigée (utilisation de faisceaux d’hydrogène ionisé (réf. 7 - 9). Mais, comment sont-ils créés et fonctionnent-ils ? Les faisceaux de particules sont produits par l’accélération, au moyen de champs électriques, de noyaux atomiques ou subatomiques chargés (protons ou électrons), émis par une électrode ou une source d’ions, Une deuxième électrode ou un ensemble d’électrodes permet d’obtenir une tension d’accélération très élevée centaines de kilovolts Mégavolts). Les particules chargées négativement ou positivement peuvent être orientées au moyen de champs magnétiques. Ces particules peuvent être ultérieurement neutralisées pour donner des faisceaux de particules neutres (particules alpha, par exemple). Il est possible d’obtenir des faisceaux de très grande énergie. 31 Ils sont caractérisés par : Le type de particule (électrons, protons, particules alpha, ions d’hydrogène, etc.), L’énergie des particules (kiloélectronvolts - Gigaélectronvolts), Le courant véhiculé par le faisceau qui peut être très élevé (kiloampères – Mégaamperes), Le diamètre du faisceau, L’émittance (degré de divergence des trajectoires des particules). Ils agissent sur la matière principalement en lui transférant son énergie cinétique soit par choc soit par absorption. Différents dispositifs permettent d’obtenir des faisceaux de particules de grande énergie (MeV - TeV) : Générateurs électrostatiques : l’accélérateur de Van de Graff du Palais de la Découverte à Paris, qui nous a fait dresser les cheveux sur la tête, par exemple, Transformateurs d’impulsions, Cyclotrons, Accélérateurs linéaires à électrons (LINAC type Cockcroft-Walton par exemple), Multiplicateurs de tension pulsés : Un cas bien connu est le générateur de Marx brièvement décrit ci-après, Accélérateurs d’électrons synchrotron avec anneau de stockage produisant un rayonnement synchrotron, Cavités accélératrices supraconductrices. Le canon à électrons alimenté par un générateur de Marx est un exemple type de générateur pulsé d’électrons (réf. 10). Le principe du générateur de Marx est présenté au ch. 2. Le faisceau d’électrons délivré a une énergie de quelques centaines de milliers d’électronvolts et le courant délivré est de quelques milliers à quelques dizaines de milliers d’ampères. Ce type de générateur peut être facilement transformé en générateur de rayons X par collision des électrons avec une cible en 32 tungstène ou en tantale sur la trajectoire. Le fig. 6 montre le schéma de principe d’un canon à électrons alimenté par un générateur de Marx. Fig. 6 – Schéma de principe d’un canon à électrons alimenté par un générateur de Marx Deux technologies sont aujourd’hui utilisées pour faire atteindre des vitesses proches de la lumière à des faisceaux de particules : La technologie chaude (à la température ambiante) et la technologie froide (à la température de l’hélium liquide, soit quelques degrés au-dessus du zéro absolu). On peut ainsi obtenir des faisceaux de particules de très grande énergie en termes d’énergie acquise par le centre de masse (Gigajoules) et de très grande puissance (des ampères à une tension donnée). Ces particules unidirectionnelles se déplacent à grande vitesse (vitesse souvent voisine de la vitesse de la lumière). Les particules chargées, lorsqu’elles sont accélérées, peuvent émettre des photons par un effet appelé bremsstrahlung. Cet effet est utilisé pour la production de rayons X. 33 Ces faisceaux de particules peuvent, en principe, être transmis à très grande distance par tous les temps et peuvent détruire des cibles par effet mécanique (transfert d’énergie cinétique). Un faisceau d’électrons peut créer des courts-circuits dans les circuits électroniques. Ils ne subissent pas de contraintes mécaniques d’accélération, à l’opposé des missiles antimissile, (pas d’effet de recul), ils ont un temps de réponse très bref, se propagent à une vitesse voisine de celle de la lumière (300 000 km/s), ils ne provoquent pas d’effet thermique ni de rayonnement nucléaire parasites. Il n’existe pas actuellement de contre mesure efficace. Cependant leur réalisation et leur utilisation posent de nombreux problèmes : Leur réalisation est extrêmement coûteuse, Ils nécessitent des puissances ou des énergies primaires considérables pour les créer, notamment des générateurs électriques produisant, dans des temps courts (millisecondes), des courants électriques intenses et des tensions très élevées (cf. Ch. 2), Les effets de charge d’espace et de champ magnétique limitent fortement l’usage de particules chargées, notamment pour leur propagation à grande distance, Les problèmes de pointage et de localisation du faisceau sont extrêmement difficiles à résoudre, Les dimensions et le poids des générateurs de faisceaux de particules sont très élevés. La miniaturisation des générateurs de ces sources représente un obstacle très important, voire actuellement insurmontable, pour leur utilisation en tant que système d’armes. 1-3 N’oublions pas les sources hyperfréquence (micro-ondes) : de notre cuisine aux confins de notre planète Les micro-ondes ou ondes hyperfréquences sont des ondes électromagnétiques de longueur d’onde ( = c/ ) intermédiaire entre l’infrarouge lointain et les ondes de radio diffusion (réf. 11). Le terme 34 micro-ondes caractérise une émission d’une longueur d’onde plus courte que celles de la bande VHF utilisée par les radars pendant la seconde guerre mondiale. Il faut noter qu’entre le domaine spectral des micro-ondes et celui des lasers, allant du proche infrarouge à l’ultraviolet et aux rayons X, existe une zone spectrale peu explorée allant de l’infrarouge moyen jusqu’aux longueurs d’onde millimétriques (1012 à 1014 hertz). Les sources émettant dans ce domaine spectral sont appelées sources térahertz et aussi rayons T. Ces sources, qui s’avèrent très prometteuses pour l’avenir, sont présentées, ainsi que leurs applications potentielles, au chapitre 16. L’existence des ondes électromagnétiques telles que les microondes a été prédite par James C. Maxwell en 1884 (les fameuses équations de Maxwell) et mises en évidence expérimentalement par Heinrich C. Hertz qui produisit ainsi les premières ondes radio. La fig. 7 présente la bande des fréquences micro-ondes tandis que la fig. 8 montre le spectre radiofréquence. La fig. 9 présente le spectre électromagnétique complet. Fig.7 Bandes de fréquences micro-ondes ( Source Wikipedia) 35 Bande de fréquence 9 kHz - 30 MHz 30 MHz – 87,5 MHz 87,5 MHz – 108 MHz 108 MHz – 136 MHz 136 MHz – 400 MHz 400 MHz – 470 MHz 470 MHz – 860 MHz 860 MHz – 880 MHz 880 MHz – 960 MHz 960 MHz – 1710 MHz 1710 MHz – 1880 MHz 1880 MHz - 1900 MHz 1920 MHz – 2170 MHz 2400 MHz - 2500 MHz 3400 MHz-3600 MHz 3600 MHz Application Radiodiffusion GO, OM, OC ; détecteurs de victimes d’avalanche ; trafic amateur ; RFID, applications médicales Télédiffusion analogique et numérique ; réseaux professionnels ; radioamateurs ; microphones sans fil ; radiolocalisation aéronautique ; radars applications médicales, Radiodiffusion en bande FM Trafic aéronautique Télévision analogique et numérique ; réseaux professionnels ; vols libres (talkies walkies) ; trafic maritime, trafic amateur ; radiomessagerie; Balises ARGOS ; réseaux professionnels ; , trafic amateur ; applications médicales ; systèmes de commande ; réseaux cellulaires Télédiffusion analogique et numérique Bande industrielle, scientifique et médicale (ISM) ; appareils à faible portée; Téléphone mobile Radiodiffusion numérique, réseaux privé, réseaux hertziens Téléphone mobile Téléphone sans fil Téléphone mobile Bande ISM ; réseaux wi-fi ; blue-tooth ; four à micro-ondes Boucle locale radio large bande Radar ; boucle locale radio : stations terrestres ; faisceaux hertziens Fig. 8 Spectre radiofréquence 36 Fig . 9 Spectre électromagnétique La plupart des applications des micro-ondes utilisent la gamme 1 à 100 GHz. Un système micro-ondes comprend généralement une source d’énergie primaire, un transformateur élévateur de tension, un générateur de micro-ondes, une cavité résonante, une ligne de transfert du faisceau et une antenne émettrice. La fig. 10 présente le schéma d’un tel système. Fig. 10 Schéma de principe d’un générateur de micro-ondes (Crédit Image ISL) 37 Il est à noter que le maser découvert par Townes en 1954 est un générateur de micro-ondes particulier. Les applications actuelles des micro-ondes sont nombreuses et entrent, pour la plupart, dans notre vie de tous les jours: Chauffage des aliments : c’est le four à micro-ondes, Décontamination et inertage des aliments et des déchets, Synthèse assistée par micro-ondes dans l’industrie chimique, Radars de précision (les radars de la seconde guerre mondiale utilisaient, eux, des ondes à haute fréquence). La fig. 11 représente une antenne type de radar, Transmission sans fil pour réseaux locaux (wifi, Bluetooth, DECT), Télévision par câble et accès Internet, émissions de télévision hertzienne, Téléphonie sans fil, Localisation par GPS, Télédétection des atmosphères et des surfaces terrestres, Télécommunication à grande distance, Possibilité de transmission d’énergie à distance, Armes à faisceaux dirigées. Fig. 11 Vue d’une antenne radar (Source Wikipedia) 38 On peut diviser les sources de micro-ondes en systèmes à basse et moyenne puissance destinés aux applications domestiques et industrielles et en systèmes de très grande puissance destinés essentiellement aux applications militaires. LE FOUR A MICROONDES Le four à micro-ondes (réf.12) est un système de chauffage des aliments qui utilise une des propriétés des micro-ondes qui est de faire vibrer les molécules d’eau contenues dans les aliments. L’énergie de vibration est déposée dans une couche de quelques cm dans l’aliment à la fréquence généralement utilisée de 2450 MHz. L’énergie absorbée n’engendrant aucun mouvement, elle est transformée en chaleur qui diffuse ensuite dans tout l’aliment à chauffer. On raconte que la découverte de ce phénomène serait due au hasard. Dans les années 1940 un ingénieur travaillant sur un radar de grande puissance à micro-ondes qui faisait une « pause repas » aurait constaté que son repas était chaud et que ce réchauffage était dû à l’émission des ondes du radar voisin. Les fours à micro-ondes actuels utilisent un générateur appelé magnétron. Sa puissance est en général voisine de 1000 W avec un rendement énergétique voisin de 50 %. Notons que les émissions de micro-ondes peuvent être dangereuses pour la santé et les techniciens qui interviennent sur des émetteurs relais de radiotéléphonie ne le font jamais sur des émetteurs en fonctionnement. Un large débat est actuellement en cours en France et dans les autres pays industrialisés pour définir le seuil d’émission représentant un risque sanitaire. Ceci nous amène naturellement au paragraphe suivant. LES SOURCES PUISSANCE A MICRO-ONDES DE GRANDE Dès les années 1950, les ingénieurs et les chercheurs travaillant au développement de radars d’une puissance de plus en plus grande dans le domaine des radiofréquences et des micro-ondes constatèrent que des circuits électroniques étaient perturbés, voire détruits, par les ondes émises par ces radars. 39 Au cours de la « guerre froide » entre les USA, et les pays de l’OTAN d’un part et l’URSS d’autre part, ce que l’on a appelé la « guerre électronique » amena à tenter de perturber, voire de neutraliser les radars adverses. Cela entraîna une course à la puissance et à l’augmentation de la fréquence des radars micro-ondes (réf.13-15). Il fut ainsi constaté qu’il était possible: De contrôler les radars adverses en introduisant des micro-ondes de grande puissance, adaptées en fréquence, dans les systèmes par « la porte de devant », «front-door » en anglais, c'est-à-dire par les antennes et autres entrées nécessaires au fonctionnement du système, D’endommager l’électronique de contrôle de ces radars en introduisant des micro-ondes de grande puissance, pas nécessairement adaptés, dans les systèmes par « la porte de derrière » « back door » en anglais. Cette intrusion, facilitée par les fréquences les plus élevées se fait par les défauts de blindage toujours présents dans un blindage. Il est à noter que le développement de composants solides dans les systèmes électroniques a un effet négatif sur la protection de ces systèmes. En effet, les nouveaux composants de type C-mos ou N-mos supportent très mal les surtensions même faibles (quelques volts). Or les micro-ondes, comme les impulsions électromagnétiques (Electromagnetic pulse (EMP)) en anglais), induisent, lorsque les variations du champ électromagnétique sont très rapides, des courants pulsés qui eux-mêmes induisent des tensions très élevées dans des inductances. Souvenons-nous de la loi sur l’induction : V= L.dI/dt Le courant dans certains cas peut atteindre 100 000 ampères en 100 nanosecondes sur un circuit dont l’inductance est égale à typiquement 100 nanohenrys. Le calcul est simple : la surtension dans le circuit sera : Vinduit = 100 000 Volts. Tout ce courant n’arrive pas toujours dans le circuit mais cela fait toujours beaucoup de surtension à supporter par les composants. 40 Ce genre de problème est arrivé dans mon laboratoire il y a une dizaine d’années. Nous travaillions sur le développement des lasers à excimères de grande puissance moyenne (1 kW) en impulsions répétitives. Nous avions réalisé pour cela, au laboratoire, un nouveau dispositif expérimental laser excité simultanément par un générateur de Marx délivrant une tension de 300 000 volts pendant 100 nanosecondes et une décharge électrique à très haute tension (30 000 volts) et fort courant (10 000 ampères). Nos moyens de mesure électroniques étaient, bien sûr protégés, dans une cage de Faraday, mais au premier tir nous avons détruit les circuits N-mos du central téléphonique du laboratoire qui lui n’était pas suffisamment protégé. Cela nous a obligés à renforcer considérablement les protections, notamment en réduisant les « boucles de terre » des circuits électriques du dispositif expérimental. Enfin nous utilisons en routine, au laboratoire, dans les zones électromagnétiquement hostiles, des « vieux » systèmes électroniques de la marine française, d’une technologie obsolète, mais qui sont « incassables ». Souvenons-nous aussi des effets qui peuvent être catastrophiques de la foudre et du plasma qu’elle crée – 4e état de la matière – sur nos ordinateurs, téléviseurs ou postes de téléphone fixe lorsque ces appareils électriques ne sont pas protégés par des fusibles « spéciaux » anti-foudre. Enfin nous avons tous constaté l’effet du voisinage d’une ligne haute tension sur la qualité de l’émission du poste de radio de notre voiture. Il s’agit toujours des conséquences des interactions des champs magnétiques pulsés de grande puissance avec l’environnement. On pourrait croire que l’on peut se protéger facilement contre les micro-ondes et l’effet EMP, et que les exemples évoqués ici sont du domaine de l’anecdote. En fait il n’en est rien et les responsables militaires russes, américains, français, etc., font un effort important pour durcir, par des blindages, les protections de leurs installations sensibles, civiles et militaires contre ces effets. Ce qui peut faire sourire est que l’on a tendance à revenir à l’utilisation de « vieux » composants électroniques, les transistors d’ancienne génération et les tubes à gaz tels les thyratrons à hydrogène utilisés pour la commutation des radars des années 1940-50 par exemple. Ces composants que l’on pensait obsolètes 41 sont, en effet, beaucoup plus résistants aux effets EMP et micro-ondes que les composants solides de dernière génération. Certains spécialistes vont même jusqu'à penser que les systèmes électroniques russes sont mieux protégés car ils sont de conception plus ancienne. Par ailleurs les micro-ondes de grande puissance peuvent avoir des effets à distance sur le corps humain. Ces effets – actions sur les composants électroniques et sur le corps humain - motivent actuellement le développement des sources micro-ondes de grande puissance comme arme non létale. Cette « application » sera évoquée au chapitre 3. Les possibilités potentielles des micro-ondes comme sources de rayonnement pour les radars de précision et pour de nouveaux systèmes d’armes ont fortement motivé militaires, scientifiques et ingénieurs depuis plus d’un quart de siècle. On a vu apparaître, en plus du classique magnétron, d’étranges appareils aux noms bizarres faisant appel comme source d’alimentation soit aux explosifs, soit à la Magnétohydrodynamique (MHD), soit à de puissants générateurs d’électricité: Le vircator, Le carcinotron, Le platinotron, Le Reditron, Le klystron et le klystron relativiste (générateur et amplificateur de micro-ondes réalisé la première fois en 1938 (F= 3000 MHz) et utilisé dans les appareils de grande énergie). Ci-après est décrit brièvement le principe du Vircator, source de micro-ondes pouvant délivrer des puissances jusqu'à 1 Gigawatt. Quelques systèmes intégrant des sources micro-ondes de grande puissance et actuellement en développement sont décrits au chapitre 3. LE VIRCATOR Le Vircator (réf.16) est un générateur de micro-ondes qui aune histoire étrange car il n’est pas issu des progrès dans le développement des tubes micro-ondes mais d’un sous produit de l’effet EMP constaté lors d’éclairs, d’explosions nucléaires ou de l’utilisation de faisceaux de particules. Il a, en effet, été constaté que, dans certaines 42 conditions, un faisceau de particules se met à osciller et à émettre des micro-ondes d’une puissance très supérieure à celle obtenue au moyen de tubes micro-ondes classiques. Ce phénomène est à la base de la découverte du Vircator, un oscillateur à cathode virtuelle. Ce type de générateur a vu son intérêt croître ces dernières années. Le Vircator plan ou cylindrique, permet d’obtenir des rayonnements micro-ondes de grande puissance, centaines de watts à 1 gigawatt, à des fréquences entre 2 et 8 Gigahertz à partir, en général, de faisceaux d’électrons intenses. Il est associé à un guide d’onde et à une antenne émettrice adaptée à la fréquence micro-ondes utilisée. La fig. 12 représente un schéma de principe du Vircator. Fig. 12 Schéma de principe du Vircator (Source Wikipedia) Les lasers et les micro-ondes présentent de nombreuses similitudes car tous deux font appel au rayonnement électromagnétique mais ils présentent aussi des différences très notables dans leurs propriétés. Le tableau de la fig. 13 présente une comparaison entre les principales caractéristiques des lasers et des micro-ondes de grande puissance. 43 Vitesse Portée Puissance Longueur D’onde Faisceau Propagation Utilisation militaire Cible Létalité Laser Microondes vitesse de la lumière centaines de Km MW courte (centaines de nm) étroit Dépendante de L’atmosphère précision vitesse de la lumière centaines de m GW longue (mm à cm) large tout temps équipement Personnels brûlures éblouissement personnels électronique haute tension, champs EM, chaleur grande surface Fig. 13 Propriétés comparées des lasers et des micro-ondes de grande puissance 1-4 Et l’effet EMP ? L’effet EMP pour « Electro-Magnetic Pulse » a été évoqué à plusieurs reprises dans ce chapitre. Mais qu’en est-il vraiment ? (réf. 17- 19). L’homme, comme Prométhée qui accapara le feu du ciel, a tendance à vouloir domestiquer la foudre source d’énergie et de destructions considérables (réf. 20). Par ailleurs, une explosion nucléaire test à haute altitude conduite par les États-Unis en 1962 au-dessus de l’océan Pacifique (code Starfish Prime) a détruit les systèmes électroniques dans divers endroits jusqu'à 1500 km de l’explosion, dont une partie d’Hawaii. Des navires militaires, 44 des stations de radio et des habitations civiles ont été endommagés. Ces destructions étaient dues à une impulsion d’énergie électromagnétique (EMP) extrêmement puissante accompagnant l’explosion nucléaire et capable de détruire les composants électroniques à des milliers de kilomètres de distance. Il est à noter que les experts ne sont pas d’accord entre eux pour savoir si l’effet EMP (et aussi l’effet des micro-ondes de grande puissance (HPM)) suit ou non la règle bien connue d’une atténuation comme l’inverse du carré de la distance. Les scientifiques étudient ce phénomène qui fait appel à la physique et à la dynamique des plasmas (réf. 21), au génie électrique et plus précisément aux faisceaux de particules et aux micro-ondes. Bien sûr ils essayent également de le domestiquer pour en faire une arme à énergie dirigée sans avoir à utiliser une bombe nucléaire. Cet aspect sera évoqué au ch. 16 avec l’E-Bomb. Différents dispositifs sont actuellement étudiés pour créer l’effet EMP. Ils emploient, comme source d’énergie, des explosifs (dispositif monocoup), des générateurs MHD ou des sources d’électricité alimentant, pendant des temps relativement longs, des réservoirs d’énergie tels des condensateurs haute tension au moyen de transformateurs élévateurs de tension. Ces condensateurs sont déchargés très rapidement au moyen de commutateurs tels les éclateurs. Les dispositifs alimentés par des générateurs MHD ou par des condensateurs délivrent, par nature, des impulsions EMP répétitives. Les générateurs MHD de grande puissance (1MW pendant 100 microsecondes) et les dispositifs permettant de décharger très rapidement des condensateurs haute tension sur une charge (typiquement 10 000 A à une tension de charge 40 KV pendant 100 ns) ont été étudiés et utilisés dans de nombreux centres de recherche. C’est le cas de mon laboratoire, l’Institut de Mécanique de Fluides de Marseille, depuis le milieu des années 1960 dans le cadre d’études financées par la Délégation Générale à l’armement (DRME puis DRET), et d’autres agences (réf. 21-23). Pour la production d’effet EMP on peut citer à titre d’exemple le générateur à compression de flux (GCF). Il consiste en un explosif placé 45 dans un cylindre entouré d’une structure en anneau en feuille de cuivre. L’explosif, par sa détonation qui est produite de l’arrière vers l’avant du tube, crée un très rapide court circuit qui se déplace. Celui-ci entraîne la compression du champ magnétique et la création d’une impulsion électromagnétique géante qui est émise de l’avant du tube et dirigée vers une antenne de focalisation. Bien sûr, le système fonctionne en «monocoup». La fig. 14 présente un schéma de ce générateur. Fig. 14 Schéma de principe d’un générateur à compression de flux (Source Wikipedia) 46 CHAPITRE 2 Quelles sources d’énergie pour alimenter ces sources? 2-1 Généralités Tout d’abord, qu’est ce que l’énergie ? Une définition qui en vaut d’autres est la suivante : un système possède de l’énergie s’il est capable de fournir du travail mécanique ou son équivalent. De tout temps l’homme a eu besoin de l’énergie pour se nourrir, se mouvoir. L’existence de l’énergie peut apparaître sous des formes diverses bien qu’elle soit une seule et même grandeur physique. À titre d’exemples: une voiture qui roule possède de l’énergie cinétique, c’est l’énergie associée au mouvement ; un chauffage électrique produit de la chaleur à partir de l’électricité, c’est de l’énergie calorifique. Les différentes sources d’énergie primaire ou secondaire utilisées pour alimenter une source à énergie dirigée de grande puissance posent un énorme problème du fait, notamment : Du coût, en termes de poids, des sources disponibles, Du faible rendement de conversion, en général, de l’énergie primaire en rayonnement électromagnétique, De l’autonomie énergétique souvent exigée pour un système d’arme. Cette autonomie énergétique entraîne la nécessité d’un dispositif de stockage de l’énergie et de sa transformation pour un transfert optimal vers la charge - la source de rayonnement. Nous allons voir de quelles sources on dispose actuellement (réf. 24 - 25). 47 La fig. 15 représente schématiquement les trois étapes principales de l’alimentation d’un générateur d’énergie dirigée : source primaire – stockage – alimentation - mise en forme et transfert vers la charge. Fig. 15 Schéma de l’alimentation d’un générateur d’énergie dirigée. Avant d’aborder en détail les sources d’énergie disponibles il peut être intéressant d’évoquer quelques principes de base et quelques ordres de grandeur. Il n’est toutefois pas question ici de faire un cours exhaustif sur l’énergie, qui n’est pas, bien sûr, l’objet de ce chapitre. On trouvera dans la littérature d’excellentes synthèses sur ce domaine [24]. Tout d’abord, comme l’énonçait Lavoisier pour la matière, « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ». Cela est également vrai pour l’énergie et a été théorisé dans le premier principe de la thermodynamique. C’est une bonne nouvelle mais, et c’est la mauvaise nouvelle, l’énergie noble (pétrole, gaz, énergie nucléaire, etc.), se dégrade en chaleur par des processus irréversibles. Ne pas confondre l’énergie E et la puissance P qui sont reliées par la relation: P= E/t où t est le temps et l’énergie est exprimée en joules ou en kilowattheures (1 kilowattheure = 3,6 106 joules). Le joule est une unité d’énergie très faible qui est, dans la vie de tous les jours, très souvent remplacée par le kilowattheure. Dans le secteur de l’énergie, et notamment pour les sources d’énergie dirigée impulsionnelles, il est extrêmement important de bien différencier deux notions fondamentales que sont, d’une part la quantité d’énergie, d’autre part la notion de puissance instantanée. Pour le 48 stockage de l’énergie, qui sera abordé plus loin, il sera intéressant de disposer simultanément de ces deux paramètres. Il faut toutefois remarquer que ceci n’est pas toujours possible compte tenu des contraintes physiques des systèmes de stockage direct. Cette notion est essentielle lorsqu’on aborde les sources de rayonnement électromagnétiques pulsées qui peuvent émettre des rayonnements de très grande puissance. Par exemple des lasers solides fournissent actuellement un rayonnement visible de 1 Petawatt (1015 watts) en 100 femtosecondes (10-13 seconde) cela ne fait cependant qu’une énergie de 100 joules dans le faisceau. Cette énergie est très faible par rapport aux 40 mégajoules que représente la combustion de 1 kg de pétrole. Mais ce qui recherché, dans ce cas, est l’effet, sur une cible, du champ électrique considérable généré dans le faisceau et non pas un effet thermique. Cet exemple montre que l’on doit disposer d’un dispositif de compression temporelle de l’énergie. Nous verrons plus loin les dispositifs utilisés et quelques principes de base. Ces notions d’énergie, de puissance et de compression temporelle ont été formalisées dans la théorie des « 3 E » établie par le Ministère de la Défense français pour la reconfiguration des énergies à bord des vecteurs (réf. 25) : E = Ep + Et + Ei Où Ep est l’énergie permanenteE t est l’énergie transitoire Ei est l’énergie impulsionnelle À titre d’exemple, quelques ordres de grandeur de la puissance des systèmes alimentés par l’énergie électrique sont présentés dans le tableau de la fig. 16. Puissance Appareils 1 milliwatt (10-3 w) 1 watt 1 kilowatt (103 w) 1 Mégawatt (106 w) Diode laser (pointeur) Lampe de poche Appareil ménager Moteur de TGV 49 Lasers chimiques HF-DF et à iode (COIL) Centrale électrique Générateur micro-ondes (wcrête) Laser impulsionnel (wcrête) Futur laser « Pétawatt » européen (w crête) 1 Gigawatt (109 w) 1 Térawatt (1012 w) 1 Pétawatt (1015 w) Fig. 16 Ordre de grandeur de la puissance de quelques systèmes électriques 2-2 Sources d’énergie primaire Les sources d’énergie dirigée à vocation de système d’armes nécessitent des puissances continues ou des énergies pulsées tout à fait considérables pour les alimenter. Les experts militaires considèrent qu’une source laser utilisable en tant qu’élément d’un dispositif stratégique doit être de la classe mégawatt pour un laser continu ou mégajoule par impulsion pour un laser pulsé répétitif. Il est également considéré qu’un générateur de micro-ondes utile comme arme doit être de la classe gigawatt. En ce qui concerne les lasers, la plupart nécessitent une alimentation par courant électrique, donc une source d’énergie secondaire. Cependant les lasers actuellement opérationnels en tant que source de la classe mégawatt sont alimentés de 2 façons : Directement par un dérivé d’hydrocarbures (gaz ou pétrole), il s’agit du laser CO2 « gas dynamic » émettant dans l’infrarouge moyen (voir ch. 3), Par de l’énergie chimique stockée dans des molécules que l’on va faire réagir entre elles, il s’agit du laser HF-DF et du laser COIL émettant tous deux dans le proche infrarouge (voir ch. 3). De plus, le rendement de ces sources, qui sont, en fait, des convertisseurs d’énergie, n’est pas élevé: dans le cas du laser CO2 qui a déjà un rendement considéré comme important, celui-ci est de l’ordre de 10 %. Ce qui veut dire, bien sûr, que la puissance continue nécessaire pour alimenter un tel laser est de l’ordre de 10 mégawatts pour un laser 50 de 100 kilowatts. Ces chiffres doivent être considérés comme des estimations du fait du domaine « sensible » considéré. Dans le cas du laser chimique, le rendement « chimique » peut être très élevé, mais un des problèmes est qu’il faut fabriquer les réactifs initiaux qui réagiront ultérieurement et cela, bien sûr, a un coût énergétique et financier. En ce qui concerne les lasers pulsés, 1 mégajoule délivré par une impulsion laser sur une cible représente, en gros, la même énergie que l’explosion de 200 grammes d’un explosif puissant et produit globalement les mêmes effets. Si on admet, en suivant les experts, une durée de tir de 20 secondes avec une énergie par tir de 2, 5 MJ, on obtient une énergie primaire nécessaire de l’ordre de 500 MJ pour un rendement de 10 %, soit l’équivalent de la combustion de 12,5 kg de pétrole en 20 secondes. Cette estimation est cependant très théorique car on ne tient pas compte des pertes dans la propagation du faisceau et d’une concentration non optimale de celui-ci sur la cible. Examinons maintenant ce dont on peut disposer comme énergie primaire. Nous évoquerons plus loin les énergies secondaires et les moyens de stockage et de mise en forme de cette énergie. La nature fournit des quantités considérables d’énergie. Dans le soleil, 1 kg d’hydrogène produit 180 millions de kilowattheures d’énergie par fusion thermonucléaire. Dans une centrale nucléaire la transformation de 1 kg d’uranium naturel en d’autres éléments diminue l’énergie nucléaire du combustible de 100 000 kilowattheures qui sont transformés en chaleur. 1 kg de pétrole ou de gaz naturel, sources d’énergie encore relativement abondantes sur terre, fournit, par combustion, environ 12 kilowattheures d’énergie thermique. Aujourd’hui la technologie permet de produire de l’énergie en grande quantité, en utilisant toutes les ressources possibles (réf. 24): Energies d’origine fossile (pétrole, gaz, uranium), Eau (énergie hydroélectrique), Vent (éolienne), Soleil (photothermique, photothermodynamique, photovoltaïque), 51 Biomasse (bois, déchets, plantes…), Bois, Etc. La Fig.17 représente schématiquement les principales sources d’énergie primaire. Les quantités d’énergie produites sont, cependant, de valeurs très différentes selon les sources. De plus, les plus grandes quantités disponibles pour l’utilisateur sont constituées par les énergies d’origine fossile qui, par nature, ne sont pas renouvelables. L’énergie nucléaire est, de loin, la plus concentrée mais aussi la moins pratique à utiliser, du fait de la dimension nécessaire des réacteurs et de la protection nécessaire contre la radioactivité. Cela est encore plus vrai pour l’alimentation d’un laser ou d’un générateur de micro-ondes placé dans un véhicule tout terrain, dans un avion et, à fortiori, dans l’espace. Le pétrole et le gaz naturel sont les plus pratiques à utiliser pour des usages nécessitant une grande autonomie, mais de nombreuses sources de faisceaux dirigés sont alimentées par des moyens électriques. Seuls les lasers « gazdynamiques » sont alimentés directement par la combustion du gaz naturel ou des dérivés du pétrole. (voir les ch. 3 et 4). Désintégration nucléaire Fission nucléaire Rayonnement Magma terrestre Photothermodynamique Géothermie Rayonnement Photothermique Chaleur, Vapeur Electronucléaire Gravitation Soleil Photovoltaïque Photosynthèse Biomasse Hydraulique Eolien Energies fossiles Réactions chimiques 52 Marée motrice Pesanteur Hydraulique Mécanique Combustion, chaleur Explosions, mécanique Piles électriques Piles a combustible Fig. 17 Principales sources d’énergie primaire L’énergie solaire est très séduisante, mais la puissance spécifique disponible est actuellement trop faible pour alimenter un laser de grande puissance excepté pour le cas d’un laser pulsé à faible taux de répétition pour lequel on admettrait un long temps de recharge d’un réservoir de stockage de l’énergie. 2-3 Transformation de l’énergie Dans de nombreux cas, en particulier pour la plupart des sources d’énergie dirigée de grande puissance, l’énergie primaire – en général les énergies fossiles – doit être transformée en énergie électrique. On peut faire appel à : Des centrales thermoélectriques (alternateurs), Des turbo-générateurs, Des générateurs Magnétohydynamiques (MHD), Des générateurs magnéto-cumulatifs, Etc. Les centrales thermoélectriques transforment de l’énergie primaire en chaleur par combustion ou par réaction nucléaire. Cette chaleur va alimenter un générateur électrique au moyen d’un fluide caloporteur qui va mettre en mouvement une bobine, l’induit. Celui-ci, couplé à une autre bobine, l’inducteur, va générer un champ magnétique et produire ainsi de l’électricité grâce aux lois de l’électromagnétisme. Un grand merci à James-Clerk Maxwell, Michel Faraday et Heinrich Lentz. Malheureusement, le rendement de conversion n’est pas unitaire. C’est toujours le premier principe de la thermodynamique qui fixe ce rendement qui est de l’ordre de 30 % pour une centrale thermoélectrique. 53 Le générateur magnétohydrodynamique, est un convertisseur qui transforme de l’énergie cinétique d’un fluide conducteur directement en électricité (réf. 26). Mon équipe de l’Institut de Mécanique des Fluides de Marseille, à l’époque URA 03 CNRS, a entrepris des recherches sur ce type de convertisseur dans les années 1960 et jusqu’au milieu des années 1970 avec le soutien de la Délégation Générale à l’Armement (DGA) (réf. 22), (réf. 27). Une puissance électrique de 2 Mégawatts délivrée pendant 100 s a été extraite d’un dispositif alimenté par un tube à choc qui créait, par onde de choc, un plasma d’argon ayant une température de 10 000 degrés C. Le principe de base est fondamentalement le même que pour n’importe quel générateur électrique : Dans le cas d’un générateur conventionnel, l’induit est solide, c’est une bobine constituée d’un enroulement de fils métalliques, Dans le cas d’un générateur d’un générateur MHD, l’induit est fluide : liquide conducteur (eau salée, métal liquide) ou gaz ionisé (plasma). Le fluide est mis en mouvement dans un champ magnétique, ce qui génère une tension induite V au borne d’électrodes et un courant électrique de densité de courant J sur une charge : V= u.B.l et J= .V = .u.B.l où u est la vitesse d’écoulement du fluide de conductivité (l’inverse de la résistivité), B est le champ magnétique et l est la longueur d’interaction. La fig. 18 représente un générateur MHD type dit à tuyère linéaire de Faraday à électrodes segmentées. 54 Fig. 18 Générateur MHD type de Faraday (Source J. Geffray) 2-4 Stockage de l’énergie L’énergie, pour de nombreuses applications, nécessite d’être stockée. Elle ne se prête cependant au stockage en quantité appréciable que sous certaines de ses formes. Sa mise en réserve et sa récupération impliquent donc des transformations et, par suite, de la dissipation (rendement non unitaire) (réf. 24), (réf. 28). L’électricité est un vecteur énergétique très pratique, mais un de ses inconvénients essentiels est la difficulté de son stockage: sitôt produite sitôt utilisée, ce qui implique soit un réseau de distribution soit un système de stockage, soit les deux. En ce qui concerne le fonctionnement des générateurs de grande puissance pulsée, il comporte en général deux phases : La première consiste à stocker l’énergie produite par une source lente. Elle parfois absente lorsque l’on fait appel à une source préexistante (chimique, etc.), La deuxième consiste à libérer cette énergie sous la forme d’impulsions de très courte durée de grande puissance (compression temporelle). Voici quelques-uns des moyens de stockage (vecteurs - sources d’énergie secondaire) de l’énergie utilisés pour des applications de relativement grande énergie : Carburants, chimiques ou nucléaires, Produits chimiques, par exemple H2 et F2 sources d’énergie du laser chimique HF-DF (voir Ch. 3), 55 Hydrogène, Accumulateurs (stockage sous forme chimique), Piles à combustible (stockage sous forme chimique), Condensateurs et super condensateurs, Volants d’inertie plus alternateur (alternateur à stockage d’énergie), Volants magnétiques, Barrages hydrauliques (énergie potentielle), Bobines supraconductrices à basse et haute température, Etc. La fig. 19 représente les énergies transitoires et impulsionnelles actuellement disponibles en fonction du temps de décharge. Il est à noter que les moyens de stockage ont, en dehors de leur rendement non unitaire, un coût en termes d’investissement et de poids qui peut être prohibitif lorsque l’on désire une source autonome d’énergie. Par exemple les accumulateurs classiques du type accumulateurs au plomb sont coûteux et lourds puisqu’ils n’emmagasinent que 0,1 kilowattheure par kg (3,6 105 joules). Ils sont, aussi, volumineux. Nous verrons plus loin qu’il n’en est plus de même en ce qui concerne le poids et le volume pour une nouvelle classe d’accumulateurs à base de lithium. En ce qui concerne l’hydrogène (H2), il est rare dans la nature sous la forme H2 et doit donc être considéré comme un vecteur d’énergie car il est nécessaire de fabriquer la molécule de dihydrogène, à partir de l’électrolyse de l’eau par exemple (réf. 24). 56 Fig. 19 Energies transitoires et impulsionnelles disponibles en fonction du temps de décharge (Source Amiet/DGA) Voici maintenant quelques chiffres pour donner une idée des capacités de stockage actuels : Un bassin d’accumulation électrique a une capacité énergétique de l’ordre de 5 gigawattheures (18 106 mégajoules), La production horaire d’une centrale nucléaire est de 1 giga wattheure (3,6 106 mégajoules), Un grand ensemble de batteries peut accumuler jusqu'à 14 mégawatheures d’énergie électrique (5 104 mégajoules), Une bobine supraconductrice d’une capacité de 100 kilowattheures (360 mégajoules) est en projet. Ces ordres de grandeur d’énergie sont à comparer à l’énergie nécessaire par unité de surface pour détruire un missile en vol au moyen d’un laser de grand puissance continu : Les experts militaires estiment que l’énergie minimale nécessaire et de l’ordre de 1 mégajoules/m2 sur la cible pour un missile « non durci » et un ordre de grandeur de plus pour un missile « durci » (réf. 29 - 30) (voir Ch.3). 57 Les applications exigeant un stockage d’énergie par des systèmes facilement transportables (systèmes nomades) se développent rapidement telle la propulsion des véhicules électriques (réf. 31) : voiture (réf. 32), bateau, avion, systèmes électroniques, lasers de grande puissance embarqués. Une attention particulière est donc portée actuellement aux recherches sur les accumulateurs de grande puissance, les piles à combustible et les condensateurs et supercondensateurs de grande capacité de stockage d’énergie. Ci-après est résumée la situation actuelle de ces systèmes de stockage d’énergie. ACCUMULATEURS. Les accumulateurs font appel à une technologie de stockage de l’énergie par un moyen électrochimique. Ce sont des systèmes fermés, par opposition aux piles à combustibles qui sont présentées au paragraphe suivant. Ils restituent, sous forme d’énergie électrique, l’énergie chimique générée par des réactions électrochimiques. Un accumulateur, quelle que soit la technologie utilisée, est pour l’essentiel défini par quatre grandeurs : Sa densité d’énergie massique (ou énergie spécifique) qui correspond à la quantité d’énergie stockée par unité de masse d’accumulateur, Sa densité d’énergie volumique, qui correspond à la quantité d’énergie stockée par unité de volume d’accumulateur, Sa densité de puissance massique qui représente la puissance que peut délivrer l’unité de masse d’accumulateur, Sa cyclabilité, en nombre de cycles, qui caractérise la durée de vie de l’accumulateur c’est à dire le nombre de fois où l’on peut restituer le même niveau d’énergie après chaque nouvelle charge. Les accumulateurs présentent plusieurs avantages, notamment pour l’alimentation d’un système d’armes à énergie dirigée: L’autonomie, La disponibilité, La souplesse, 58 La discrétion. Cependant ils présentent aussi des inconvénients : Une Relativement faible énergie stockée par unité de masse et de volume, Un coût élevé, Une relativement faible puissance disponible, Une limitation dans le nombre de cycles utiles. Il existe différents types d’accumulateurs depuis l’accumulateur au plomb que l’on trouve dans nos automobiles jusqu'à la dernière génération d’accumulateurs lithium-ion et lithium–ion-polymère en passant par l’accumulateur Nickel-Métal-hydrure (réf. 24). Le tableau de la fig. 20 montre les performances de ces types d’accumulateurs. Type Plomb/acide Ni-Cd Ni/MH Ni/Zn Li-ion Li-Po Li-PO4 Lithium métal polymère (LMP) Li-Air Energie massique (Wh/kg) 30 -50 45 - 80 60-110 70 -80 90-180 100 -130 120 -140 110 Energie volumique (Wh/l) 75 - 120 80 - 150 220 - 330 120 - 140 220-400 ? 190 - 220 110 Puissance en pointe (W/kg) 700 ? 900 1 000 1500 250 800 320 1000-2500 ? 200 Fig. 20 Performances de différents types d’accumulateurs : plomb-acide, Nickel- métal-hydrure, lithium-ion, lithium-ion-polymère, etc. La commercialisation des accumulateurs au lithium qui ont, actuellement, une capacité de stockage de l’ordre de 150 wattheures par kg, soit environ 4 fois plus que celles au plomb, permet d’augmenter très sensiblement l’autonomie des systèmes électriques industriels et militaires. Les perspectives de ce type d’accumulateur en plein développement sont très encourageantes, notamment en ce qui concerne 59 les performances potentielles des accumulateurs Lithium –air, dont la capacité de stockage pourrait être supérieure à 1000 wattheures par kg. La recherche est particulièrement active sur les accumulateurs à base de lithium. Il existe maintenant des batteries d’accumulateurs transportables d’une puissance de plusieurs centaines de kilowatts (réf. 33). Il est envisagé de mettre sur le marché des automobiles électriques équipées d’accumulateurs au lithium ayant une autonomie de 200 km. Une société américaine développe un prototype de bolide électrique, le roadster Tesla, capable de rivaliser avec une Ferrari. Il a une vitesse de pointe de 200 km/h et son moteur, qui développe une puissance de 190 kW, est alimenté par d’un ensemble de 6881 petites batteries au Lithium-ion pesant en tout 450 kg. L’autonomie annoncée est de 370 km. Des accumulateurs au lithium-ion sont embarqués sur des satellites depuis plusieurs années. Des démonstrations de vols d’avions à propulsion électrique équipés de batteries au lithium associées à des générateurs photovoltaïques ont eu lieu très récemment. Il est prévu d’équiper le drone sous-marin autonome expérimental REDERMOR de la marine française d’une batterie d’accumulateurs lithium Ion Saft de 260 volts pour alimenter les propulseurs et l’électronique embarquée. Cette batterie assurera jusqu'à cinq heures d’autonomie. Enfin, un laser solide de grande puissance embarqué sur un aéronef et alimenté par des batteries d’accumulateur au lithium, elles-mêmes chargées par un groupe électrogène, est en cours de test (réf. 34) (voir également ch.7). La fig. 21 montre une batterie d’accumulateurs Lithiumion de grande puissance et de grande énergie stockée de la société française Saft anciennement société des piles Leclanché. 60 Fig. 21 Batterie d’accumulateurs Lithium - ion de grande puissance et de grande énergie stockée (Crédit Saft 2011). PILES A COMBUSTIBLE Une pile à combustible est, comme un accumulateur, un vecteur d’énergie et non pas une source d’énergie. C’est un moyen électrochimique de stockage de l’énergie électrique. Dans une pile à combustible, qui, contrairement à l’accumulateur, est un système ouvert, la fabrication de l’électricité se fait grâce à l’oxydation sur une électrode d’un combustible réducteur, par exemple l’hydrogène, couplée à la réduction sur l’autre électrode d’un oxydant tel que l’oxygène de l’air. Le principe est l’inverse de l’électrolyse de l’eau. Ici les réactifs sont apportés de l’extérieur au fur et à mesure des besoins de la pile. Dans ce système de stockage, il est ainsi possible de dissocier la fonction puissance de la fonction énergie ce qui représente un avantage essentiel. Deux autres avantages sont de produire de l’eau non polluante et de posséder un rendement énergétique très élevé qui peut dépasser 70 %. Il est à remarquer que du fait de la complexité du système et de l’usage de métaux rares pour les électrodes, le coût d’une pile à combustible reste élevé. Une des difficultés majeures réside dans l’approvisionnement en dihydrogène H2 qui n’existe sur terre en grande quantité que combiné à 61 l’oxygène sous la forme H2O (eau) ou H2S (soufre) et associé au carbone. Le dihydrogène lui-même n’est donc pas une source d’énergie mais un vecteur d’énergie. Deux types de piles à combustible sont commercialisés : La pile utilisant directement de l’hydrogène, stocké sous haute pression ou liquéfié, La pile utilisant du méthanol qui va libérer de l’hydrogène. Le tableau de la fig. 22 montre les performances de différentes piles à combustible Type Alcaline Electrolyte Potasse (liquide) Acide polymère Polymère (solide) Acide phosphorique Carbone fondu Acide phosphorique (liquide) Sel fondu (liquide) Oxyde solide Céramique (solide) Utilisation Transports, Espace, (1-100 kW) Transports, Stationnaire, portable (10 mW - 250 KW) Stationnaire (200 kW-10 MW) Stationnaire (200 kW – 10 MW) Transports, Stationnaire (1 kW – 1 MW) Fig. 22 Performances de différentes piles à combustible. On observe que les puissances délivrées par ce système de stockage d’énergie sous forme électrique peuvent être très importantes, ce qui est un grand avantage. La puissance massique du cœur de pile est de l’ordre de 500 watts par kg pour une pile à membrane type PEMFC utilisée actuellement dans les applications aux transports (réf. 24). Dans des installations industrielles, des systèmes de plusieurs centaines de kilowatts sont en service et des puissances de plusieurs dizaines de mégawatts sont envisagées. Cependant, un inconvénient, pour les applications militaires, est la nécessité de pièces mobiles pour l’alimentation en combustible, ce qui réduit l’avantage de la discrétion. Les applications de ce vecteur d’énergie sont importantes et variées. 62 Dans les domaines où une grande puissance est exigée, on peut citer l’aéronautique et l’espace, l’armement, la propulsion de véhicules, etc. CONDENSATEURS ET SUPERCONDENSATEURS Un condensateur électrique est un composant électronique ou électrique dont l’intérêt de base est de pouvoir recevoir et rendre une charge électrique dont la valeur est proportionnelle à la tension. Il se caractérise par sa capacité électrique et, pour les applications en régime rapide, par sa self inductance qui va limiter le courant, donc la puissance instantanée qu’il pourra délivrer. Il est constitué fondamentalement de deux conducteurs électriques ou armatures, très proches l’une de l’autre mais séparées par un isolant (diélectrique) (réf. 35). Il est chargé par une alimentation continue connectée au secteur ou par un autre vecteur d’énergie, comme nous le verrons au paragraphe suivant (2-5). Un condensateur est utilisé principalement pour : Stabiliser la tension d’une alimentation électrique, Traiter des signaux périodiques en électronique, Stocker de l’énergie qui sera délivrée ultérieurement sur une charge. Nous ne nous intéresserons ici qu’au stockage d’énergie, et plus particulièrement aux condensateurs et supercondensateurs à haute tension, de nombreuses sources d’énergie dirigée de puissance étant alimentées au moyen de ce type de vecteur d’énergie. Les condensateurs utilisés pour le stockage de l’énergie à haute tension sont non polarisés et de faible capacité C (nanofarad ou microfarad). Ils sont essentiellement de technologie mylar (grosses capacités) ou céramique (faibles capacités). Les tensions de charge peuvent atteindre 50 KV. Ils sont composés d’une enveloppe métallique, ou bien en plastique pour ceux devant posséder une très faible inductance. L’énergie électrique Eel contenue dans un condensateur est : Eel= 1/2 CV2 63 À titre d’exemple, un condensateur de 1 microfarad ( F) chargé à un tension de 50 kV stockera une énergie Eel= 0,5 x 10 -6 x 5 x 104 x 5 x 104 = 1250 joules Cette énergie peut être délivrée sur une charge en 100 nanosecondes (10-7 s) dans un circuit « rapide ». La puissance reçue par la charge sera alors : P el. crête = 1250 x 107 = 12,5 Gigawatts Un condensateur à très haute tension et grande énergie permet donc de stocker des milliers de joules. Assemblés dans des bancs de condensateurs, ils peuvent stocker des mégajoules sous des dizaines de kilovolts. Les fig. 23 et 24 montrent, respectivement, un condensateur à très haute tension et à faible inductance destiné à alimenter un laser impulsionnel et un banc de condensateurs à très haute tension utilisé au LULI (Ecole polytechnique). Fig. 23 condensateur à très haute tension à faible inductance (Source GAEP) 64 Fig. 24 Banc de condensateurs à très haute tension (Crédit LULI/Ecole Polytechnique) Les supercondensateurs sont des condensateurs particuliers, de génération récente utilisant une technologie à double couche électrochimique. Ils stockent relativement peu d’énergie (0,1 à 5 wattheures par kg) et ont une faible tenue en tension, mais ils ont une énorme capacité qui peut dépasser la centaine de farads. De plus, ils peuvent délivrer des puissances massiques très élevées (1 à 10 kW/kg) car il n’y a pas de transfert d’électrons qui ajoute une résistance de transfert aux chutes ohmiques. Ils présentent l’avantage de permettre un nombre de cycles théoriquement infini. Le tableau de la fig. 25 présente une comparaison des performances, en ordres de grandeur des batteries, des piles à combustible, des condensateurs et des supercondensateurs. 65 Densité de puissance (W/kg) Densité d’énergie (Wh/kg) Batterie Pile à combustible Condensateur électrolytique supercondensateur 150 120 100 000 1000 - 5000 50-1500 150 – 1500) 0,1 4-6 Fig. 25 Comparaison des performances des batteries, des piles à combustible, des condensateurs et des supercondensateurs (ordres de grandeur) 2-5 Mise en forme de l’énergie Disposer d’un réservoir d’énergie ne suffit pas toujours, loin de là. Pour l’alimentation en continu de systèmes, la mise en forme se limite en général à la transformation de la source d’énergie primaire où de l’énergie stockée, en source continue de courant et de tension, à une valeur imposée par la charge. Cela s’effectue au moyen de transformateurs de tension et de redresseurs de courant (réf. 36). Pour de nombreuses applications cependant, il est nécessaire de mettre en forme cette énergie stockée pour pouvoir l’utiliser (réf. 37). C’est particulièrement le cas pour de nombreux lasers de grande puissance pulsés répétitifs, comme nous le verrons au ch. 3, de faisceaux de particules ou de générateurs de micro-ondes, comme nous l’avons vu au ch. 1. Ces sources d’énergie nécessitent en effet des hautes tensions pulsées et des courants très élevés pendant des temps très courts (centaines de milliers de volts, dizaines de milliers d’ampères, dizaines de nanosecondes). Des dispositifs spécifiques de mise en forme de l’énergie sont développés depuis la seconde guerre mondiale, notamment, initialement, pour l’alimentation des radars et sont très largement utilisés actuellement pour l’alimentation des lasers impulsionnels: Commutateurs haute tension rapides, Condensateurs à haute tension de grande énergie et lignes à retard, 66 Générateurs de Marx, Transformateurs d’impulsion élévateurs de tension rapides. Les spécificités de ces différents éléments de systèmes de mise en forme de l’énergie permettant de délivrer des impulsions électriques de grande puissance sont présentées ci-après. 2-5-1 Commutateurs à haute tension rapides Un commutateur à haute tension rapide a pour rôle d’optimiser l’amplification de la puissance électrique résultant d’un stockage lent d’énergie et de sa restitution rapide (compression temporelle). Dans toute technologie impulsionnelle on emmagasine donc une énergie, en général dans un condensateur (ou une inductance) afin de l’appliquer à une charge en un temps suffisamment court pour obtenir une grande puissance (réf. 38). Le stockage capacitif est le mieux adapté à l’excitation des milieux laser. La fig. 26 montre la variation de la puissance en fonction de la durée de l’impulsion à énergie constante. Fig. 26 Variation de la puissance en fonction de la durée de l’impulsion pour une énergie constante. La nécessité de disposer sur la charge simultanément de tensions élevées, de forts courants et cela avec des temps de montée du courant très courts et des taux de répétition élevés représente un cahier des charge 67 très difficile à satisfaire. On utilise différents types de commutateurs très rapides soit à auto-déclenchement soit, le plus souvent déclenchés par un signal extérieur : Les éclateurs, Les thyratrons, Les ignitrons, Les commutateurs magnétiques, Les commutateurs à semi-conducteurs. Les éclateurs Il existe des éclateurs à gaz, à solides ou à liquides, mais la technologie la plus utilisée pour les très grandes puissances impulsionnelles est celle des éclateurs à gaz pressurisés constitués de 2 (cas non déclenché) ou trois électrodes lorsque le déclenchement est commandé au moyen d’une troisième électrode (réf. 37 - 38). Quel que soit le mode de déclenchement, le commutateur se ferme et le condensateur se décharge en un temps très court dans une charge, qui peut être le milieu actif d’un laser, pour former une impulsion de tension et de courant. Certains éclateurs permettent de commuter un courant de 100 000 ampères en quelques dizaines de nanosecondes pour une tension de charge du condensateur de 50 KV. Le taux de répétition permis pour ces éclateurs est cependant limité à quelques centaines d’hertz et les électrodes ont tendance à s’éroder à très forte puissance. Les thyratrons Ce sont des tubes à gaz, en général de l’hydrogène, d’une grande souplesse de fonctionnement tant en dynamique de tension qu’en courant (réf. 39). Ils permettent des taux de répétition beaucoup plus élevés que les éclateurs, mais ne permettent pas de commuter autant d’énergie que ceux-ci. Ils ont l’avantage de n’avoir qu’une très faible fluctuation de l’instant de commutation (jitter) (quelques nanosecondes) comparée aux éclateurs. Ils comportent 3 électrodes (triode) ou plus (tétrode, pentode). La cathode est en général chauffée au moyen d’un filament pour faciliter l’extraction des électrons. Une grille de contrôle permet, au moyen d’une impulsion de faible tension et de faible énergie de déclencher le passage du courant dans le thyratron. Des thyratrons de grande puissance 68 permettent de commuter des dizaines de kiloampères jusqu’à une tension de 100 kilovolts en des temps très courts (nanosecondes) mais ils sont relativement volumineux. La puissance moyenne commutée peut atteindre 1 mégawatt. Leur technologie, qui date, pour l’essentiel, des années 1950, est très mature. Les ignitrons Ce sont des tubes dont la cathode est liquide. Cette cathode, ainsi s’érode peu en comparaison avec les éclateurs et les thyratrons, ce qui permet de transférer des charges importantes d’électricité (réf. 40). Ils consistent en général en un grand réservoir en métal avec un lit de mercure à la base. Une brève impulsion de tension appliquée à une électrode de déclenchement crée un plasma de mercure électriquement conducteur qui permet ainsi le passage de courant entre les deux électrodes principales. Un des avantages des ignitrons est de beaucoup mieux supporter sans dommage les inversions de courant que les thyratrons et les semi-conducteurs. Ils peuvent commuter des centaines de kiloampères et supporter des tensions jusqu'à 50 kilovolts mais le taux de répétition permis est modeste et le temps de montée du courant est relativement long. Les commutateurs magnétiques La commutation de courants très élevés provenant de condensateurs à haute tension au moyen de commutateurs magnétiques est souvent utilisée pour l’alimentation pulsée de sources à énergie dirigée. Dans certains cas, ils remplacent avantageusement les éclateurs et les thyratrons car ils ne possèdent pas d’électrodes pouvant se détériorer et leur durée de vie est illimitée. Ils sont notamment utilisés dans certains types de lasers à excimères à haut rendement en régime d’impulsions longues (réf. 41). Un commutateur magnétique consiste en un inducteur placé sur un noyau en matériau ferromagnétique. Le principe de ce type de commutateur fait appel à la saturation de l’inductance du matériau magnétique par une impulsion de courant extérieure. Tant que le noyau n’est pas saturé, l’inductance du commutateur est très élevée et celui-ci constitue alors un isolant en régime transitoire. Après saturation du noyau 69 l’inductance devient très faible et un courant très élevé peut être transmis à la charge (réf. 42). Ce type de commutateur permet de transférer, à partir de condensateurs haute tension, des énergie supérieures à 100 kJ pendant une milliseconde et des dizaines de joules en quelques dizaines de nanosecondes en utilisant du matériau magnétique du type ferrite. Les commutateurs à semi-conducteurs Les semi-conducteurs sont, aujourd’hui largement utilisés pour réaliser la fonction de commutation : transistors, thyristors, IGBT (insulated gate bipolar transistor), MOSFET de puissance (metal oxide semiconductor field effect transistor). On doit noter que ces composants semi-conducteurs peuvent présenter des claquages locaux irréversibles et que leurs performances sont parfois insuffisantes pour les très fortes puissances. La principale limitation de la technologie ses semiconducteurs est qu’ils présentent des jonctions sensibles aux champs électriques ou aux courants élevés. Cette fragilité a fait évoluer la technologie des semi-conducteurs dédiés aux fortes puissances vers le matriçage des composants : la mise en parallèle permet de transférer des courants plus importants tandis que la mise en série permet des tenues en tension plus élevées. Actuellement on peut commuter des courants de plusieurs dizaines de milliers d’ampères à des tensions de charge de plusieurs dizaines de milliers de volts avec de tels composants qui ont l’avantage d’être très compacts. Leur domaine privilégié est, actuellement, les applications à front lent pour les fortes énergies et à front rapide pour les faibles énergies. 2-5-2 Décharge des condensateurs haute tension de grande énergie et des lignes à retard Un moyen très simple de transférer, en régime impulsionnel, des énergies et des puissances électriques élevées à une charge est d’utiliser un condensateur. Celui-ci constitue un réservoir d’énergie qui est chargé lentement au moyen d’une alimentation haute tension continue, ellemême alimentée par le réseau électrique en 220 V alternatifs. Un 70 commutateur rapide, éclateur, thyratron, etc., connecte le condensateur à la charge dans laquelle l’énergie doit être transférée. Le courant de décharge est soit en décroissance exponentielle lorsque que la charge est résistive au-dessus d’une certaine valeur de la résistance dépendant de la valeur de la capacité du condensateur, soit oscillante dans le cas contraire ou lorsque la charge est inductive. La fig. 27 représente un circuit type de décharge de condensateur. Fig. 27 Circuit type de décharge de condensateur, Pour un grand nombre d’applications, le profil du courant délivré sur la charge par un circuit pulsé haute tension de grande puissance, comprenant un simple condensateur associé à un commutateur, n’est pas satisfaisant. C’est le cas de nombreuses sources d’énergie dirigée qui nécessitent pour fonctionner de façon optimale des générateurs électriques délivrant des impulsions de courant d’intensité constante (créneaux de courant et de tension). Des circuits spécifiques de mise en forme d’impulsion appelés lignes à retard (Pulse Forming Network ou PFN en anglais) ont été développés dans ce but (réf. 43). Un PFN de grande puissance est constitué d’un ensemble de condensateurs à très haute tension de grande énergie stockée placés en parallèle et reliés entre eux par une inductance. Ils forment ainsi une ligne de transmission artificielle. Le PFN est associé à un commutateur rapide haute tension qui permet de délivrer l’énergie stockée à la charge. Comme dans le cas d’un simple condensateur, le PFN est chargé relativement lentement au moyen d’un générateur haute tension continu. 71 Lorsque le commutateur est déclenché, le circuit délivre des impulsions relativement rectangulaires de courte durée. 2-5-3 Générateurs de Marx Le générateur de Marx est un type de circuit électrique destiné à produire des impulsions de très haute tension (des centaines de KV et même beaucoup plus dans certaines applications) de forme relativement rectangulaire, à partir de tensions de charge plus faibles (typiquement 30 à 50 KV. Ce dispositif associe des condensateurs, des résistances et des commutateurs, le plus souvent des éclateurs (réf. 37 - 38). La production de l’impulsion haute tension comprend deux phases : Dans un premier temps on charge en parallèle, au moyen d’une alimentation haute tension continue, N condensateurs à une tension donnée Vc, Dans un deuxième temps on déclenche le commutateur placé le plus près de l’alimentation continue, ce qui entraîne, en cascade, la fermeture des autres commutateurs. La tension appliquée à la charge sera alors voisine de N x Vc. Le générateur de Marx est largement utilisé lorsque l’on doit disposer d’impulsions de tensions supérieures à 50 KV (lasers, sources de rayons X, etc. Le système est alors placé dans une cuve remplie d’huile de transformateur pour assurer son isolement électrique. 2-5-4 Transformateurs d’impulsion élévateurs de tension rapides Un transformateur est un système qui transfère de l’énergie électrique d’un circuit à un autre au moyen d’un couplage inductif de conducteurs électriques. Une variation de courant dans le premier circuit (le primaire) crée un champ magnétique induit. Ce champ magnétique induit lui- même une variation de tension dans le circuit secondaire. Lorsque le circuit secondaire est connecté à une charge un courant circule dans le transformateur permettant ainsi un transfert de l’énergie d’un circuit dans l’autre. La tension aux bornes du circuit secondaire V s est reliée à celle aux bornes du primaire VP par la relation : 72 VS/VP = NS/NP Où NS et NP sont, respectivement, le nombre de tours de conducteur dans les circuits secondaire et primaire. Il existe de nombreux types de transformateurs. Dans les dispositifs impulsionnels on emploie très fréquemment un type particulier appelé transformateur d’impulsion de puissance (réf. 44 - 45). Un transformateur d’impulsion est un transformateur optimisé pour transmettre des impulsions de courte durée (jusqu'à quelques dizaines de nanosecondes). Il permet également d’augmenter très fortement la tension sur la charge et de transmettre de puissances très élevées, pouvant atteindre des mégawatts et plus. Afin d’améliorer le couplage on utilise des matériaux magnétiques (réf. 41). Pour les transformateurs rapides de grande puissance on utilise des ferrites ou du metglass qui sont des matériaux dont l’inductance peut être saturée très rapidement. Un des avantages des transformateurs d’impulsion est leur possibilité de fonctionnement à haute cadence (milliers d’Hertz) et très haute tension (des centaines de kilovolts et plus). Nous aurons l’occasion d’évoquer de nouveau ces étages de mise en forme par la suite. 73 74 CHAPITRE 3 Un peu de mécanique des fluides, ou comment contrôler les paramètres d’un faisceau laser de grande puissance Un système laser destiné à être une arme à faisceau dirigé nécessite d’optimiser la puissance de la source laser mais aussi de contrôler la qualité du faisceau. Les caractéristiques du faisceau doivent être optimisées à la sortie du laser, bien sûr, en agissant sur le milieu et les miroirs de la cavité optique, mais également lors de sa propagation vers une cible. Il est également nécessaire de détecter la cible, de bien viser pour l’atteindre, y compris à très grande distance, de maintenir le faisceau sur la cible, au même endroit de préférence. Il est également nécessaire d’estimer l’effet du faisceau sur la cible, donc de connaître la physique de l’interaction laser – matériaux, et de vérifier que la cible a bien été neutralisée. Ce sont des problèmes qui, chacun pris individuellement, sont essentiels. Enfin il faut faire fonctionner tout cela ensemble, ce qui représente une grande difficulté supplémentaire. Ces problèmes sont abordés successivement dans le présent chapitre. 3-1 Comment évacuer la chaleur ? La physique et la technologie des lasers de grande puissance ou de grande énergie ont fait des progrès considérables depuis l’invention du laser en 1960. Cependant ils sont tous soumis à différentes limitations : source d’énergie d’alimentation, gestion de la chaleur produite par le rendement non unitaire du laser, poids, dimensions, rendement, stabilité et transmission du faisceau, etc. La plus fondamentale de ces limitations, du point de vue puissance continue ou moyenne élevée, est dans l’élimination de l’énergie qui n’a pas été transformée en rayonnement par 75 suite du rendement non unitaire des processus laser. Ce rendement est en effet, en général, inférieur à 10%. Cette énergie pourra apparaître sous forme d’excitation d’états métastables de m’atomes ou de molécules vis-à-vis du rayonnement qui par leur population pourra limiter l’inversion de population. Elle pourra également apparaître sous forme de chaleur (élévation de la température du milieu) ce qui généralement limitera l’inversion de population et le gain. Enfin le milieu pourra devenir hétérogène si l’énergie spécifique injectée est trop élevée ou répartie de façon non homogène. Ces phénomènes pourront aller jusqu’à faire cesser l’émission laser. C’est bien ce qui a été observé pour les premières générations de lasers de grande puissance. Il faut donc trouver un moyen efficace pour éliminer ces produits et ces effets indésirables. Nous allons voir que le simple expédient d’un écoulement à grande vitesse pour évacuer cette énergie du milieu actif a permis de faire un bond en avant considérable dans le domaine des lasers continus ou pulsés répétitifs de grande puissance. Il existe actuellement plusieurs catégories de lasers de grande puissance où un écoulement à grande vitesse est utilisé (réf. 5): Les lasers gazdynamiques ou lasers thermiques, Les lasers à décharge électrique et à écoulement, Les lasers chimiques. Il est à remarquer que pour les lasers à solide de grande puissance où, par nature, le milieu actif ne peut pas être déplacé à grande vitesse comme un gaz, on utilise un écoulement extérieur pour refroidir le milieu actif. Nous reviendrons sur cet aspect du refroidissement des lasers solides au ch. 4. Faisons tout d’abord un bond en arrière vers les années 1960. À cette époque les lasers se présentaient tous sous la forme d’un long tube cylindrique (ou un barreau pour les lasers à solide) ayant un rapport diamètre/longueur de l’ordre de l’angle de diffraction de façon à obtenir des cavités optiques à faible nombre de Fresnel. Dans ces systèmes, les atomes et les molécules dans des états métastables et, surtout la chaleur, étaient enlevés du milieu actif par diffusion vers la paroi. La fig. 28 représente schématiquement le processus. 76 Fig. 28 Schéma du processus de refroidissement par diffusion Ce processus se produit avec un temps caractéristique de diffusion qui est égal au carré du nombre de libre parcours moyens nécessaires d pour atteindre la paroi, multiplié par le temps moyen entre deux collisions : d = (D/ lp)2 lp/ cd = D2/ ( lp.cd) où lp est le libre parcours moyen et cd est la vitesse moyenne des particules diffusantes. Considérons maintenant un écoulement tel qu’il est représenté schématiquement fig. 29. Dans un tel système en écoulement à la vitesse V, par contre, les métastables et la chaleur peuvent être évacués à la vitesse à laquelle ils traversent un diamètre D. Le temps caractéristique de ce processus appelé convection sera c avec : c = D/V. Ainsi, pour un même volume actif et une même densité, le rapport du potentiel en puissance d’un laser à écoulement et d’un laser contrôlé par diffusion sera : D2/( lp.cd)/(D/V)= D.V/( lp.cd) = (D/ lp).M où M = V/cd est assimilable à un nombre de mach. d c= 77 Le rapport d c peut être très élevé, de l’ordre de 1000 à 100 000. Pour des valeurs typiques d’un laser à gaz actuel il est d’environ 10 000). Bien sûr, plus d est faible, mieux l’énergie calorifique est évacuée. Nous voyons donc tout de suite le grand intérêt d’un écoulement à vitesse élevée lorsque l’on souhaite réaliser un laser de grande puissance moyenne. Fig. 29 Schéma du processus de refroidissement par convection 3-2. Ou la mécanique des fluides peut faire bien plus pour les lasers de grande puissance que d’éliminer la chaleur L’écoulement peut amener d’autres avantages que l’évacuation de la chaleur et des produits de réaction : Il peut par « figeage », dans une détente supersonique très rapide, de l’énergie de certains niveaux, être l’agent essentiel de la mise hors d’équilibre et de l’inversion de population (voir le ch. 4). Ce sera le « gasdynamic laser » (GDL) découvert en 1969, puis les autres lasers du même type qui ont suivi, Il peut aussi permettre le mélange très rapide de 2 composants gazeux par mélange de 2 écoulements supersoniques. Ces composants vont ensuite réagir dans une réaction chimique 78 exothermique et ce seront les lasers chimiques à écoulement, les seuls à pouvoir fonctionner en continu, Enfin, il peut jouer un rôle, qui peut être essentiel pour certains lasers, de système de refroidissement à très basse température (50 à 100 K), en faisant appel aux propriétés de la détente supersonique adiabatique, méthode aisée bien connue des aérodynamiciens pour refroidir fortement un gaz. Les lasers utilisant cette méthode de refroidissement peuvent être excités électriquement (lasers électriques à écoulement). Remarquons que le seul refroidissement aérodynamique présente un grand intérêt par lui-même, même dans des systèmes pulsés, par sa facilité de mise en œuvre par rapport aux échangeurs thermiques conventionnels. Nous allons maintenant voir les trois grandes classes de lasers à écoulement : Les lasers gazdynamiques (gasdynamic lasers ou G.D.L. en anglais), où l’inversion de population est produite par des méthodes purement aérodynamiques, Les lasers à décharge électrique à écoulement (electric discharge laser où E.D.L en anglais) où l’inversion est produite par impact électronique, Les lasers chimiques à écoulement où l’inversion est produite par des réactions chimiques. LE « GASDYNAMIC » LASER (GDL) Dans ce système les états excités constituant le niveau supérieur de la transition laser (voir Ch. 1), sont peuplés par des processus thermiques à l’équilibre thermodynamique, que ce soit par onde de choc, par combustion ou par un moyen électrique (réf. 5), (réf. 46 - 47). Ces états excités sont ensuite figés dans l’écoulement au moyen d’un processus de détente aérodynamique adiabatique extrêmement rapide à vitesse supersonique. Dans cette détente, la vitesse de refroidissement du gaz est trop rapide pour que les processus cinétiques puissent suivre. Simultanément, bien sûr, l’écoulement transporte l’énergie dégradée vers l’aval de la cavité. 79 Les dispositifs utilisés initialement étaient très simples. L’inversion de population était recherchée sur la transition vibrationnelle (001-100) de la molécule CO2 dans son état électronique fondamental (voir au ch.3 la présentation détaillée du principe de ce laser).On utilise différentes méthodes pour chauffer le mélange gazeux qui se présente généralement dans les proportions 10 % CO2, 89 % N2 et 1% H20 ou 10 % CO2, 60 % He et 30 % N2. Le premier GDL, réalisé aux USA par Edward T. Gerry au laboratoire de l’AVCO à Everett dans la banlieue de Boston utilisait un tunnel à choc (réf. 46 - 47). Il s’agit d’un dispositif qui permet de disposer pendant quelques millisecondes d’un gaz à haute température (quelques milliers de degrés C) et haute pression (quelques dizaines d’atmosphères) et de le détendre au moyen d’une tuyère supersonique. La détente se produit après ouverture très rapide de la cloison séparant une partie amont à haute pression d’une partie aval sous vide. La fig. 30 montre un schéma de principe du dispositif ainsi que l’évolution de l’énergie dans le milieu et des populations des états vibrationnels du CO2 au cours de la détente. Dans un tel système, les premiers niveaux vibrationnels 001 et 100 du CO2 ont leur population « figée » de façon sensiblement égale par la détente et lorsque l’on utilise du CO2 pur, on n’a généralement pas d’inversion de population. On ajoute de la vapeur d’eau ou de l’hélium qui ont la propriété de désactiver sélectivement par collisions le niveau inférieur CO2 (100) de la transition. 80 Fig. 30 Principe du laser GDL Voici maintenant une anecdote montrant les aléas de la recherche expérimentale et l’importance de la chance pour un chercheur. Jack Wilson, un des collaborateurs de T. Gerry et coinventeur du laser gaz dynamique en 1969 a fait, au début des années 1970, un long séjour dans l’Equipe Nouveaux Lasers de l’Institut de Mécanique des Fluides de Marseille (IMFM) que j’animais avec Bernard Forestier. Nous entreprenions à cette époque des recherches sur le GDL (réf. 22). Jack Wilson m’a raconté que, lors de ses premières expériences, Gerry utilisait un vieux tunnel à choc dont l’étanchéité vis-à-vis de l’air laissait beaucoup à désirer et un mélange de CO2 et de N2 comme le recommandait la théorie très sommaire établie à l’AVCO. Il obtint avec ce dispositif immédiatement l’effet laser à 10,6 micromètres. Il décida alors de construire un nouveau tunnel à choc beaucoup plus étanche et là il n’arrivait pas à faire ‘laser’ le dispositif’ avec le même mélange CO2/N2. Gerry et ses collaborateurs mirent du temps avant de comprendre que c’était la vapeur d’eau résiduelle présente en très faible proportion dans le tunnel à choc qui assurait le dépeuplement du niveau inférieur CO2 (001) de la transition laser. Il leur suffit de rajouter un peu 81 de vapeur d’eau dans le mélange CO2/N2 pour retrouver l’effet laser. L’ajout d’hélium, plus commode et qui joue le même rôle, fut utilisé ensuite. Gerry fut chanceux, bien sûr, mais son équipe de l’AVCO était très experte dans les recherches sur les lasers de grande puissance à gaz et comme le disait si justement Louis Pasteur : «La chance sourit aux esprits préparés » D’autre part, l’azote joue le rôle de réservoir d’énergie car son premier niveau vibrationnellement excité (N2v=1) est en quasi résonance (il a presque la même énergie) que le niveau supérieur (100) du CO2 et son énergie est très rapidement transférée à ce niveau du CO2. Ce type de laser CO2 a, pendant longtemps, détenu le record de puissance laser en régime continu : 140 kilowatts obtenus à l’AVCO. Plus tard un laser à combustion d’une puissance continue de 1 mégawatt à 10,6 micromètres a été réalisé pour le Ministère de la Défense des USA. Cependant ce type de laser, bien que très intéressant par la puissance photonique continue délivrée, a un rendement global médiocre, inférieur à 1%, et la longueur d’onde émise, dans l’infrarouge moyen, pose de gros problèmes d’absorption par l’atmosphère. La principale raison du faible rendement de ce laser CO2 à écoulement tient à son principe. Dans la phase à l’équilibre tous les niveaux atomiques et moléculaires emmagasinent de l’énergie dont une grande partie n’est pas de l’énergie utile (énergie du niveau CO2 (001) et N2v=1 pour le laser CO2). On a réussi à tourner partiellement cette difficulté en ne chauffant que l’azote et en le mélangeant ensuite au gaz carbonique et à l’hélium au niveau du col de la ou des tuyères. Cette méthode permet d’améliorer nettement le rendement de ce laser mais on est alors confronté à d’autres problèmes liés aux inhomogénéités induites par le mélange, problème que l’on retrouvera du reste dans les lasers chimiques (voir ch. 4). Sur le plan technique, on se trouve confronté dans les GDL à des problèmes dus à la structure des tuyères nécessaires à une détente supersonique très rapide (col des tuyères de 0,3 à 0,5 mm de hauteur). On utilise plusieurs types de structures qui sont présentées Fig. 31. A SUIVRE… 82