les armes a energie dirigee, mythe ou realite

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les armes a energie dirigee, mythe ou realite
LES ARMES A ENERGIE DIRIGEE,
MYTHE OU REALITE ?
Bernard FONTAINE
Préface du Général Paul Parraud
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LES ARMES A ÉNERGIE DIRIGÉE
MYTHE OU RÉALITÉ ?
Bernard FONTAINE
Docteur ès Sciences
Directeur de Recherche Emérite au CNRS
Laboratoire Lasers, Plasmas, Procédés
Photoniques-UMR 6182 CNRS - Université de la
Méditerranée
[email protected]
1
À Maryse, mon épouse, qui m’a si efficacement supporté dans le long
chemin qui a mené à cet ouvrage.
À Emeric, mon petit fils, dont l’apport dans la mise en forme des
images et des graphiques m’a été si précieux.
5
PREFACE
L’ouvrage de Bernard FONTAINE est particulièrement riche en
informations. Il nous propose un panorama très complet sur les différentes
formes d’énergie dirigée et sur leurs applications tant dans le domaine
militaire que, bien que cela ne figure pas dans le titre, dans le domaine civil.
Les phénomènes mis en jeu sont clairement exposés ainsi que les
difficultés qu’il faudra surmonter pour les utiliser dans des applications très
variées. Je ne les énumérerai pas, vous les découvrirez vous-même.
En revanche, je tiens à souligner ici un autre aspect, tout aussi
intéressant de sa contribution. Celle-ci, en effet, éclaire plusieurs questions
clefs dont j’avais pris conscience pour ma part lorsque, à la Direction des
Recherches et Moyens d’Essai (DRME) de la Délégation Générale à
l’Armement, je participais à la conduite du projet « ARMEL » d’arme laser.
Elles revêtent un intérêt général et pas seulement limité aux énergies dirigées.
Il s’agit :
De l’interaction féconde des recherches à but militaire et de celles à but
civil.
De l’aspect pluridisciplinaire du problème à résoudre dans la marche
vers le progrès technologique.
D’une autre condition, essentielle celle-là, pour garantir l’efficacité de
l’effort scientifique et technique. Celui-ci doit être non seulement
significatif mais aussi prolongé. Sans un tel effort des scientifiques et de
ceux qui sont chargés du financement et de la mise au point des
techniques avancées, les difficultés à vaincre auraient peu de chance
d’être surmontées.
De l’importance, enfin, des progrès déjà réalisés au cours de ces
dernières décennies. Ceux-ci nous montrent clairement qu’il n’y a
aucune raison pour qu’ils s’arrêtent et que nous pouvons prévoir, sans
savoir il est vrai à quelle échéance, des succès et des changements
considérables.
C’est pourquoi l’ouvrage de Bernard FONTAINE est déjà très utile
pour ce qui concerne la connaissance et la compréhension d’un domaine très
vaste d’applications nouvelles. Il l’est encore plus car il autorise un
7
optimisme raisonné et contribuera à l’enthousiasme qui sera nécessaire pour
la mise au point des applications futures des énergies dirigées.
Non, celles-ci ne sont pas utopiques !
Oui, elles seront demain une réalité !
8 février 2011
Paul PARRAUD
Général de Corps d’Armée (2S)
8
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION
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PARTIE 1: Un peu de physique des rayonnements
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1 Comment cela fonctionne
1-1 Tout d’abord voyons un peu ce qu’est un laser
1 - 1 - 1 Gain dans un milieu matériel
1- 1 -2 Inversion de population
1-1 - 3 Comment fonctionnent les cavités laser et quelles sont les
propriétés essentielles des lasers liées à ces cavités?
1-2 Qu’est ce qu’un faisceau de particules et comment
Cela fonctionne?
1-3 N’oublions pas les sources hyperfréquence (microondes) :
de notre cuisine aux Confins de notre planète
1-4 Et l’effet EMP ?
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2 Quelles sources d’énergie pour alimenter ces sources?
2-1 Généralités
2-2 Sources d’énergie primaire
2-3 Transformation de l’énergie
2-4 Stockage de l’énergie
2-5 Mise en forme de l’énergie
2-5-1 Commutateurs à haute tension rapides
2-5-2 Décharge des condensateurs haute tension de
grande énergie et des lignes à retard
2-5-3 Générateurs de Marx
2-5-4 Transformateurs d’impulsion élévateurs de tension rapides
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3 Un peu de mécanique des fluides ou comment contrôler
les paramètres d’un faisceau laser de grande puissance
3-1 Comment évacuer la chaleur ?
3-2. Ou la mécanique des fluides peut faire bien plus pour
les lasers de grande puissance que d’éliminer la chaleur
3-3 Comment contrôler un faisceau laser de grande
puissance de la source à la cible ?
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4 Quelques lasers à vocation d’arme stratégique ou tactique
4-1 Le laser à rubis
4-2 Le laser Hélium – néon
4-3 Le laser à gaz carbonique
4-4 Le laser chimique HF/DF
4-5 Le laser Chimique à Iode (COIL)
4-6 Le laser à Excimeres
4-7 Le laser à Solide au Néodimium et ses dérivés
4-8 Le laser à Solide Titane-Saphir et le laser Femtoseconde
4-9 Le laser à Rayons X
4-10 Le laser à Electrons Libres
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PARTIE 2: Des armes à énergie dirigée et comment
s’en protéger
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5 Pas si facile que cela d’intercepter des missiles
balistiques intercontinentaux avec des faisceaux,
l’histoire le montre
5-1 Les micro-ondes de la radio à l’arme non létale
5-2 Le laser de puissance: de la télémétrie spatiale
au rayon destructeur à la vitesse de la lumière
5-2-1 Les lasers de puissance vecteurs d’information
5-2-2 Les lasers de puissance vecteurs d’énergie destructrice
5-3 Des accélérateurs de particules comme armes
à énergie dirigée ?
5-3-1 Programmes majeurs sur les armes à faisceau
de particules développés aux USA
5-3-2 Programmes sur les armes à faisceau de
particules développés en URSS
5-3-3 Programmes sur les armes à faisceau de particules
développés en France
5-3-4 Programmes sur les armes à faisceau de particules
développés en Grande Bretagne
5-4 Des « yeux » dans l’espace pour surveiller et se protéger
5-4-1 Satellites d’observation militaires dans le monde,
hors Europe
5-4-2 Satellites d’observation militaires en Europe
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6 Un bouclier spatial infranchissable ? Le projet américain
« Strategic Defense Initiative » (SDI) où
« Guerre des Etoiles »
6-1 Programmes sur les systèmes basés à terre
6-2 Programmes sur les armes à faisceaux dirigés
6-3 Programmes sur les systèmes basés dans l’espace
6-4 Programmes sur les détecteurs
6-5 Epilogue
7 Où en est-on aujourd’hui dans la défense stratégique
par armes à énergie dirigée ?
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7-1 Où les sources laser à solide vont bientôt concurrencer
les lasers chimiques comme arme stratégique
7-2 Principaux systèmes d’armes laser en
cours de développement
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7-3 L’ABL (Airborne Laser)
8 Et si on parlait des problèmes géostratégiques
et géopolitiques et des traités internationaux ?
8-1 Limitation des armes stratégiques
8-2 Limitation des armes tactiques
9 Si nous revenions sur terre? Les armes tactiques
9-1 Les armes à énergie dirigée tactiques
9-1-1 L’ATL (Advanced Tactical Laser)
9 -1-2 Canon Laser pour la Marine
9-1-3 Le système MTHEL-NAUTILUS
9-1-4 L’intégration du Joint High Power Solid Strate Laser
(JHPSSL) dans un système d’arme
9-1-5 Les Systèmes ZEUS et LASER AVENGER
de neutralisation de mines
9-2 Les armes à énergie dirigée non létales
9-2-1 Lasers d’éblouissement anti personnel - le Dazzler
9-2-2 Système d’arme antipersonnel micro-ondes
« Vehicle Mounted Active Denial System » (VMADS)
9-2-3 Le Taser
9-2-4 Le Long Range Acoustic Device (LRAD)
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9-2-5 Le Pulsed Energy Projectile (PEP)
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10 La lutte entre le glaive et la cuirasse continue
10-1 Comment se protéger des armes à énergie dirigée ?
10-2 Les lasers, aide à l’attaque
10-3 Télécommunications sécurisées
10-3-1 Communications avec des sous-marins en plongée
10-3-2 Communications à haut débit par laser et microondes
10-4 La simulation expérimentale de l’arme thermonucléaire
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PARTIE 3: Du militaire au civil
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11 Des sources bien utiles pour les puces
11-1 Les micro et nanotechnologies – de la micro-électronique
à la nanoélectronique
11-2 Le traitement laser des matériaux,
technique révolutionnaire
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12 Le Laser, un outil bien utile en médecine
et en chirurgie non invasive
12-1 le laser, bistouri du XXI siècle
12-2 Le laser va t-il remplacer la roulette du dentiste?
12- 3 Le laser va-t-il révolutionner la chirurgie esthétique?
12- 4 La chirurgie laser au secours des myopes
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13 L’environnement sauvé par les lasers ?
13–1 Le laser, un cartographe ultra-puissant
13- 2 Le Lidar sondeur de l’air de l’eau et de la terre
13-3 Comment des traces infimes peuvent enfin
être détectées à distance
13 - 4 une étoile artificielle est née
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14 Le laser, clef pour un monde disposant d’une
énergie quasiment inépuisable ?
14 –1 Fusion thermonucléaire civile par laser
14-2 Fusion thermonucléaire civile par faisceau de particule
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PARTIE 4: Et l’avenir ?
15 Où allons-nous en matière d’armes laser
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Quelques problèmes à résoudre
Un peu de prospective
Les satellites militaires du futur
Les canons électromagnétiques
La bombe à rayons gamma
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Les chercheurs sont-ils des apprentis sorciers?
La militarisation de l’espace est elle inévitable ?
Un bouclier spatial efficace ?
Le projet EAGLE
Quel avenir pour les armes à faisceau de particule ?
La E-bomb
Le projet HAARP
Et si on parlait des rayons T ?
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Les lasers de puissance du futur, outil incomparable
pour les applications civiles: de la « boite à outil »
à l’infiniment bref et à l’infiniment petit
Les lasers de puissance, boite à outil idéale pour demain ?
Les lasers femtoseconde remplaceront-ils les
accélérateurs de particule ?
A la recherche des secrets de la matière aux échelles
de temps ultra-courtes
Les lasers ultra-intenses femtoseconde d’aujourdhui
et de demain
Nouvelle génération de lasers solides de très
grandes dimensions pompés par diode (DPSS)
Le laser femtoseconde instrument révolutionnaire
pour la métrologie et la détection de nouvelles exoplanètes
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CONCLUSION
373
REFERENCES
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LISTE DES FIGURES
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13
INTRODUCTION
La légende est connue. En 212 avant J.C., pour défendre Syracuse,
Archimède se serait servi de miroirs pour concentrer la lumière du soleil
et ainsi mettre le feu à une flotte de navires romains (réf. 1). La Fig. 1
représente une vue d’artiste de cet événement, qu’il ait été mythe ou
réalité… Évoqués à de nombreuses reprises dans les livres et les films de
science-fiction, les faisceaux dirigés ont bien une très lointaine origine,
antique !
Fig. 1 Vue d’artiste des Miroirs Ardents d’Archimède. Peinture
murale de Giulio Parigi, Galerie des Offices, Florence
Les ouvrages de science-fiction ont peuplé notre enfance - et aussi
notre âge adulte - de soldats futuristes tel Flash Gordon, armés de
pistolets à rayons et faisceaux lasers traversant le ciel dans tous les sens
et détruisant vaisseaux spatiaux et villes à la vitesse de la lumière. Dans
La Guerre des Mondes d’Herbert Georges Wells, l’invasion de la Terre
par les martiens a effrayé toute une génération (réf. 2). La fig. 2 montre
une vue imaginaire de cette invasion. Nous avons tous été fascinés par le
talent et l’imagination de Georges Lucas auteur de la série culte des films
La Guerre des Étoiles et inventeur du célèbre « blaster » [réf. 3].
Combien d’enfants n’ont-ils pas joués avec cette épée laser, copie de
celles des chevaliers Jedi et de Dark Vador ! ? Souvenons-nous aussi,
tout de même, du « phaser » du Capitaine Kirk dans la série télévisée
Star Trek, objet à tout faire pouvant être utilisé comme arme mais aussi
comme source de chaleur ou comme « perce muraille» et transmettre de
15
l’énergie à distance. Rappelons-nous enfin du pistolet laser qui a fait son
apparition dans les années 1920 sous une autre appellation, popularisé
par le personnage de Buck Rogers qui a fait rêver sur son invincibilité les
plus âgés d’entre nous. La fig. 3 nous permet d’imaginer une telle arme
de poing.
Fig. 2 Vue d’artiste de la Guerre des Mondes de H.G. WELLS
(Source Folio)
Fig. 3 Pistolets laser de Buck Rogers (Source Bdzoom)
16
L’idée que les ouvrages de science fiction puissent receler l’amorce
d’innovations technologiques susceptibles d’être portées jusqu’au stade
de la réalisation par les techniques dont on dispose aujourd’hui ou dont
on disposera demain, intéresse beaucoup scientifiques et militaires. La
science–fiction peut ainsi avoir pour utilité d’être le ferment de réflexions
et d’idées dont un scénario plus réaliste pourrait être tiré grâce au
développement éventuel de nouvelles technologies inédites. Ces
technologies, moins conservatrices que celles ayant actuellement cours,
pourraient ainsi être mises à profit notamment dans le domaine spatial.
Hugo Gernsback, fondateur en 1926 du célèbre magazine de science
fiction « Amazing Stories » ne notait-il pas le rôle social de la sciencefiction source d’inspiration pour les chercheurs et les inventeurs ? La
curiosité de l’homme, le développement des technologies pour ellesmêmes aussi bien que pour un but ultime tel que l’exploration, le besoin
d’aller au delà des frontières répondent d’autre part à un besoin inhérent
à la nature humaine et on retrouve ce besoin dans la science fiction. C’est
ainsi le privilège des écrivains que de pouvoir jeter sur le papier des idées
ou des rêves qui ne sont pas écartés d’emblée par le non spécialiste,
l’ingénieur ou le scientifique comme étant dénué de tout intérêt et de
faire en fin de compte déboucher sur des réalités des inventions relevant
d’abord du domaine du pur fantastique. Ce concept est le fil conducteur
d’une étude récente de l’Agence Spatiale Européenne (ESA) intitulée «
les nouvelles technologies dans la science-fiction » (réf. 4).
En ce qui concerne l’utilisation des faisceaux d’énergie dirigée on
peut citer, dans ce cadre, les voiles solaires ou photoniques actionnées
par laser (1920, 1951, 1963) évoquées dans les séries des « Tales of
Known Space » (récits de l’Espace connu) de Larry Niven, la propulsion
des fusées par laser, la transmission d’énergie d’un point à l’autre du
système solaire ou même la destruction de météorites par laser.
Les médias évoquent de façon récurrente les armes à énergie
dirigée : lasers, faisceaux de particules ou hyperfréquences. La fièvre du
laser en tant qu’arme spatiale continue en particulier d’échauffer nos
journaux, nos radios et nos télévisions, depuis l’invention du concept de
« guerre des étoiles », autrement appelée initiative de défense stratégique
(SDI). Énoncé par le président des États-Unis Ronald Reagan en 1983 au
beau milieu de la guerre froide, ce projet avait envisagé par exemple
17
l’explosion dans l’espace d’une bombe thermonucléaire afin de créer un
laser à rayons X ciblé contre une fusée intercontinentale à des milliers de
km de distance… Mais ce vaste projet ne comportait pas que des
fantasmes : des armes tactiques de champ de bataille étaient prévues,
elles sont en cours de mise au point et il est de nouveau question de
militariser l’espace.
Mais qu’en est-il réellement à l’aube du XXIe siècle, alors que
depuis un quart de siècle des budgets vertigineux sont consacrés au
développement de ces armes à rayonnement ? Qu’est ce qui ressort du
fantasme – celui du pistolet laser par exemple - et qu’est ce qui est réel
ou potentiellement réalisable dans un avenir proche ? Qu’est ce qui fait
l’intérêt de telles armes et quels problèmes tant scientifiques et
techniques que géostratégiques et éthiques ce type de moyen de défense ou d’attaque - pose-t-il ? Une chose est certaine, c’est que grâce,
principalement, à l’obsession des « armes à énergie dirigée » et plus
particulièrement grâce à celle du laser, des budgets ont été votés et la
recherche a progressé.
La physique qui permet de réaliser les sources à énergie dirigée a
énormément progressé au cours du XXe siècle, depuis la découverte du
concept d’émission stimulée élaboré par Albert Einstein en 1917. Ces
avancées ont permis l’émergence de sources de très grande puissance
ayant à la fois la propriété de transporter de l’énergie à grande distance à
la vitesse de la lumière dans des faisceaux quasi parallèles, et celle de
focaliser cette énergie sur des surfaces très réduites. D’où des densités
d’énergie destructrices permettant une défense – ou une attaque - quasi
instantanée avec un très grand rayon d’action. C’est la base du concept de
« défense à la vitesse de la lumière », bien différent des moyens
classiques utilisant la balistique. Mais ce n’est pas le tout de disposer
d’un faisceau de grande énergie, encore faut-il au préalable l’alimenter en
énergie primaire ! Or, un tel faisceau est très gourmand vu son faible
rendement énergétique. De plus, il faut pouvoir détecter la cible, pointer
la source sur celle-ci puis évaluer l’effet éventuellement destructeur en
temps réel, généralement à très grande distance, ce qui représente des
difficultés tout à fait considérables. Enfin, plus prosaïquement, à quoi
peuvent bien servir ces armes dans la mesure où, pour reprendre
l’exemple du bouclier spatial antimissiles tel que l’envisageait le
18
programme SDI lancé par Ronald Reagan, une saturation du système de
défense antimissiles par l’augmentation du nombre de vecteurs et de
leurres suffit à en diminuer fortement l’intérêt ? Nous verrons que cette
constatation a aidé à ce que le programme SDI ait été abandonné, et qu’il
a été remplacé par un programme d’armes stratégiques à rayonnement
beaucoup plus modeste avec une portée de « seulement » quelques
centaines de kilomètres et dirigé pour se protéger de certains
états belliqueux recherchant un leadership régional : il s’agit du concept
de « défense du fort au faible. »
L’objectif de cet ouvrage est d’essayer de répondre à toutes ces
questions tout en présentant une revue de la situation des armes à énergie
dirigée en ce début de XXIe siècle et leurs perspectives pour le futur. Sa
réalisation a été difficile ! Pour deux raisons. La première est que les
informations sur un tel sujet, si sensible, sont soumises au Secret Défense
pour nombre d’entre elles. Il est donc très difficile de se faire une idée
précise de la situation actuelle alors que celle-ci évolue très vite, ce qui
interdit toute exhaustivité. La seconde est que l’interdisciplinarité de ce
domaine de recherche atténue la frontière existant entre ce qui est
« armes » à faisceau dirigé au sens propre et les faisceaux dirigés dans
des équipements non militaires ou simplement défensifs. Le choix a donc
été fait d’aborder le thème de façon relativement large afin d’aller audelà des armes dans la présentation de l’utilisation des faisceaux
d’énergie dirigée de grande puissance.
Dans une première partie est présentée cette physique des
rayonnements qui permet de réaliser les sources à énergie dirigée,
qu’elles soient continues ou pulsées avec des puissances de milliards de
watts et des durées de milliardièmes de seconde ou même bien moins.
Sont également décrits les problèmes d’énergie nécessaire et de
rendement ainsi que les principales sources utilisées ou envisagées en
tant qu’armes, aide aux armes ou défense anti-armes.
Une deuxième partie est consacrée à la réalité des systèmes
d’armes à énergie dirigée proprement dites, qu’il s’agisse des armes
stratégiques, des armes tactiques ou des armes non létales (car il y en a !).
Les notions de géopolitique, de stratégie, de non-prolifération, de
sanctuarisation de l’espace, d’économie, sont abordées ainsi que les
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conventions et traités internationaux sur la limitation des armes de
destruction massive et leur prolifération et l’usage des armes à énergie
dirigée.
La Lutte entre le glaive et le bouclier est un thème éternel et c’est
également le cas pour les armes à énergie dirigée. L’aide à la défense et à
l’attaque est un domaine actuellement très actif. Elle fait également
l’objet de la 2e partie. L’utilisation des sources à énergie dirigée,
essentiellement des lasers, est présentée dans le cas des contre-mesures
optroniques et contre-contre-mesures optroniques (!), la télémétrie, l’aide
à la conduite de tir, l’éclairage de cibles, la protection du militaire, les
recherches de produits prohibés (explosifs, mines, etc.), les
télécommunications sécurisées, la modélisation, la simulation
expérimentale – le laser Mégajoule - et tant d’autres applications.
Les sources d’énergie dirigée de grande puissance continue ou
pulsée répétitive ne sont pas que militaires. Elles prennent de plus en plus
de place dans les applications civiles : une brève revue de l’usage de ces
sources dans l’industrie (soudage, découpe, perçage, traitement de
surface, microélectronique, nanophotonique, énergie, environnement,
etc.) et le génie biomédical (ophtalmologie, traitement de tumeurs,
chirurgie non invasive, biophotonique…) fait l’objet d’une troisième
partie.
La principale limitation des armes à énergie dirigée reste qu’elles
sont bien trop gourmandes en énergie. Une évocation des perspectives
des sources d’énergie dirigée de grande puissance et en particulier le
développement de nouveaux lasers de très grande puissance à rendement
élevé et de sources micro-ondes pulsées de très grande puissance pouvant
peut-être modifier le climat à distance, est présentée dans une quatrième
partie. Enfin, des applications civiles très prometteuses permises par
l’avènement de lasers ultra-intenses, telle l’accélération des particules par
laser afin d’aller encore loin que les accélérateurs actuels dans l’analyse
de la structure ultime de la matière, l’optique relativiste et la détection
d’exoplanètes grâce au laser femtoseconde, sont également évoquées.
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PARTIE 1
Un peu de physique des rayonnements
21
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CHAPITRE 1
Comment cela fonctionne
Voici une présentation brève de la physique qui permet de réaliser
les sources à énergie dirigée (lasers, faisceaux de particules,
hyperfréquences (micro-ondes), etc..). Le principe du laser, qui est la
source actuellement la plus utilisée, est présenté plus en détails.
1 - 1 Tout d’abord voyons un peu ce qu’est un
laser
La physique et la technologie des lasers, et notamment de ceux
délivrant des puissances et des énergies optiques élevées, ont fait des
progrès considérables durant ces 30 dernières années. Il existe
maintenant de nombreux types de lasers permettant un grand nombre
d’applications.
Très simplement, un laser est un milieu matériel capable
d’amplifier un rayonnement électromagnétique (laser pour les ondes
optiques de l’infrarouge aux rayons X, maser pour les hyperfréquences).
Placé entre 2 miroirs formant ce que l’on appelle une cavité optique,
miroirs qui réfléchiront une partie du rayonnement, ce milieu, associé à la
cavité optique, constituera un oscillateur si on dépasse un certain seuil ou
le gain du milieu est supérieur à l’ensemble des pertes (milieu, cavité,
etc.). Nous allons voir brièvement les trois aspects essentiels des lasers
qui constituent la « physique des lasers » en essayant de répondre au trois
questions suivantes :
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A) Pourquoi et comment peut-il y avoir gain dans un milieu matériel ?
B) Comment peut-on créer une inversion de population dans un milieu
matériel ?
C) Comment fonctionnent les cavités laser et quelles sont les propriétés
essentielles des lasers liées à ces cavités ?
1 – 1 - 1 Gain dans un milieu matériel
Le thème de ce premier chapitre est donc l’étude de la création et
de l’amplification d’ondes électromagnétiques à l’aide du rayonnement
d’émission stimulée.
On sait, depuis le début du XXe siècle, que les systèmes atomiques
(atomes, ions, molécules, ions moléculaires, etc..) ne peuvent exister que
dans des états stationnaires. À chacun d’eux correspond une valeur de
l’énergie bien définie. Les états sont caractérisés par des nombres
quantiques. Les valeurs de l’énergie sont appelées niveaux du système
atomique, ionique ou moléculaire (niveau 1 électronvolt (eV) par
exemple). Des échanges d’énergie entre ces états stationnaires, appelés
transitions, peuvent se produire. Cela peut être des transitions radiatives.
Elles donneront lieu à une émission ou une absorption d’énergie du
rayonnement (émission ou absorption de lumière sous la forme de
photons). Cela peut être également des transitions non radiatives, par
collision comme par exemple la relaxation collisionnelle de niveaux
vibrationnels de molécules. Ce sont alors des échanges dissipatifs sans
intervention de photons (réf. 5 - 6).
Si la transition est radiative, la fréquence du rayonnement émis ou
absorbé par le milieu ji est donnée par la relation de Bohr :
h ji = Ej-Ei, où Ej et Ei sont les énergies des états i et j entre
lesquelles a lieu la transition, donc l’échange d’énergie
électromagnétique. h est la constante de Planck.
Trois processus d’échange d’énergie radiative peuvent exister entre
le rayonnement et le milieu matériel. Ces processus, qui peuvent être
introduits en suivant les arguments développés en 1917 par Albert
Einstein, sont :
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a) L’émission spontanée,
b) L’émission stimulée,
c) L’absorption.
a)
EMISSION SPONTANEE
Cette émission correspond à la désexcitation naturelle d’un niveau
supérieur (j) vers un niveau inférieur (i) d’énergie d’un atome ou d’une
molécule par émission spontanée d’un photon d’énergie Ej-Ei. Il entraîne
la diminution de la population Nj du niveau j.
Ce rayonnement est tout à fait isotrope et incohérent, c'est-à-dire
qu’il n’existe pas de relation de phase entre les rayonnements
électromagnétiques provenant de différents atomes émettant
spontanément. C’est par exemple le cas de la lumière émise les tubes de
néon d’éclairage de nos domiciles et de nos bureaux.
b)
EMISSION STIMULEE OU INDUITE
Cette émission, contrairement à l’émission spontanée est provoquée
par la présence d’énergie rayonnante de fréquence ji.
L’émission stimulée a une intensité qui sera proportionnelle à la
densité d’énergie du rayonnement u ji, à un coefficient spécifique du
milieu et à la population de l’état supérieur. De plus elle est en phase
avec le rayonnement extérieur et possède la même direction et la même
polarisation que celui-ci. Ces propriétés sont essentielles pour un laser.
c)
ABSORPTION DU RAYONNEMENT
En présence d’un rayonnement de fréquence ji, un système
atomique ou moléculaire passe aussi d’un niveau d’énergie plus faible à
un niveau d’énergie plus élevée. Le milieu absorbe alors un quantum
d’énergie h ji = Ej-Ei. C’est le phénomène d’absorption (celle-ci est, bien
sûr, toujours induite).
La probabilité d’un tel événement est, comme pour l’émission
stimulée, proportionnelle à la densité d’énergie de rayonnement u ji.
25
On peut résumer les différents processus d’échange d’énergie entre
le rayonnement et la matière sous la forme graphique représentée dans la
Fig. 4.
Fig.4 Echanges d’énergie rayonnement et milieu matériel
Maintenant considérons un ensemble d’atomes ou de molécules qui
n’est pas nécessairement en équilibre thermodynamique.
Quelle est la réponse de l’ensemble à un faisceau incident de
rayons parallèles de fréquence ji et de densité Uji ?
On démontre qu’un faisceau incident qui traverse un milieu dont
les états d’énergie inférieure sont plus peuplés que les états d’énergie
supérieure sera toujours atténué.
On établit que l’absorption est de la forme
I = I0 exp (– ka.l) ou l est l’épaisseur du milieu.
ka, appelé coefficient d’absorption, est donc lié à l’état
microscopique du milieu, c’est à dire aux populations des états d’énergie
des atomes ou molécules intervenant dans le processus d’absorption ou
d’émission. Il est proportionnel à la différence Ni-Nj des densités de
population des les états i et j. Nous voyons donc que le terme essentiel
qui déterminera le signe de ka est le signe de Ni-Nj.
Il est facile d’imaginer un système pour lequel la population Nj du
niveau supérieur serait plus grande que celle du niveau inférieur Ni. On
dit que l’on a créé une inversion de population. Cet état, bien sur, n’est
26
pas un état d’équilibre thermodynamique. Cela signifie simplement que
l’on a trouvé un état stationnaire qui amène à une condition ou Nj > Ni.
Dans ces conditions le matériau va rayonner spontanément comme dans
le cas ou Nj < Ni. Il pourra aussi se comporter comme un amplificateur de
rayonnement sélectif à sa fréquence propre ji = (Ej-Ei)/h avec un
coefficient d’amplification
ou
= - ka. L’émission spontanée à la
même fréquence sera alors considérée comme du bruit.
Un petit peu d’histoire des sciences
À ce stade il est intéressant de considérer le raisonnement qui a
amené Albert Einstein à établir théoriquement, en 1917, le concept
d’émission stimulée. Cet événement constitue en effet un moment
particulier de l’histoire des sciences.
Avant 1917 on ne connaissait pas l’existence de l’émission
stimulée. Deux théories d’origines tout à fait différentes existaient en
parallèle, toutes deux auto-cohérentes et qui permettaient d’établir des
relations entre populations d’atomes ou de molécules :
- La relation de Boltzmann basée sur la théorie cinétique des gaz
permettait d’établir le rapport des populations d’atomes ou de molécules
dans un milieu à l’équilibre thermodynamique à la température T.
- La relation de Planck basée sur la théorie du rayonnement
permettait d’établir la répartition spectrale de l’émission d’un matériau à
l’équilibre thermique à la température T.
Le problème est que le rapport des populations Nj et Ni en fonction
de la température calculé à partir des 2 théories n’était pas le même sauf
pour le cas particulier où la température tend vers zéro.
Einstein en a conclu qu’il manquait un terme dans les échanges
rayonnement - matière, d’où le concept d’émission stimulée qu’il a établi
et son célèbre article publié en 1917.
27
1 – 1- 2 Inversion de population
Maintenant, la question que l’on doit se poser est : comment peuton créer une inversion de population dans un milieu matériel ? La
réponse à cette question fait appel à une discipline scientifique nommée
dynamique des milieux réactifs, qui fait donc intervenir la cinétique des
atomes et de molécules.
On montre qu’il est possible d’obtenir une inversion de population
en régime stationnaire dans un tel système atomique ou moléculaire en
mettant à profit les différences dans les cinétiques des différents niveaux
lorsque le système est excité par un apport d’énergie extérieur.
Il existe différents types d’excitation des milieux où l’on veut créer
une inversion de population, qui peuvent se ramener à 4 grandes
catégories :
a)
b)
c)
d)
Le pompage optique,
Le pompage électronique,
Le pompage thermique,
Le pompage chimique.
Nous verrons plus loin différents lasers de grande puissance utilisés
comme armes et se rattachant à ces diverses catégories.
1 – 1 - 3 Comment fonctionnent les cavités laser et
quelles sont les propriétés essentielles des
lasers liées à ces cavités ?
Maintenant que nous avons vu comment un milieu matériel peut
être un amplificateur de rayonnement, nous allons voir ensemble les
conditions dans lesquelles cet amplificateur de lumière va pouvoir
entraîner une génération de rayonnement laser et les propriétés de ce
rayonnement.
Pour transformer un amplificateur de rayonnement optique en
générateur de lumière cohérente on fait appel à une découverte de 2
28
scientifiques français Fabry et Pérot qui étaient professeurs à la faculté
des sciences de Marseille au début du XXème siècle. Il s’agit de la cavité
résonante Pérot-Fabry.
Considérons un milieu amplificateur de rayonnement placé entre 2
miroirs séparés de la longueur L.
Si les pertes par transmission et absorption de cette cavité sont, au
total, inférieures au gain .L, nous aurons un laser qui émettra un
rayonnement au voisinage de la fréquence v0 où le gain est maximum.
Différents types de cavités sont utilisés dans la pratique. Il existe
certains critères de stabilité qui font que certains types de cavités sont
plus appropriés que d’autres et que certaines combinaisons de miroirs ne
peuvent pas former de cavité stable (ou un système d’ondes stationnaires
ne peut pas s’établir).
Sur un plan pratique, l’usage d’une cavité optique, donc la création
d’un oscillateur, va avoir plusieurs conséquences qui constituent des
spécificités du laser très importantes pour les applications.
Il va se produire une diminution très importante de la largeur
spectrale d’émission (largeur de raie) lorsqu’il y aura oscillation laser car
.L > seuil pour seulement un intervalle spectral très étroit et dans cet
intervalle spectral va se produire le phénomène de résonance et
l’existence de modes de résonance. On dit que l’on aura une grande
cohérence temporelle. C'est-à-dire une grande monochromaticité (une
couleur très bien définie).
Il va se produire aussi une collimation du faisceau de sortie. En
effet, le rayonnement ne sera amplifié de façon efficace qu’au voisinage
de l’axe de la cavité du fait des propriétés de la cavité Pérot-Fabry et
toute la puissance disponible sous forme de rayonnement va se trouver
concentrée sous la forme d’un faisceau lumineux très peu divergeant, de
l’ordre de quelques milliradians et même beaucoup moins dans certains
cas. La phase sera constante dans un plan perpendiculaire au faisceau. On
aura ainsi une grande cohérence spatiale.
29
Ces propriétés du rayonnement laser ont pour conséquence de
permettre de transférer à très grande distance de l’énergie optique ou de
la focaliser avec un rendement très élevé et une grande pureté spectrale
dans des volumes de l’ordre de quelques microns de dimensions
caractéristiques. Ces propriétés ouvrent le champ à un grand nombre
d’applications comme nous le verrons plus loin dans le cas des armes
laser. Il faut toutefois remarquer que cela n’est vrai que si le milieu laser
contenu dans la cavité est « parfait » et le milieu dans lequel le faisceau
va se propager est également « parfait », c'est-à-dire s’il n’existe aucun
gradient d’indice de réfraction transversalement à la direction de
propagation du faisceau, donc aucun gradient de densité qui perturberait
le faisceau. Nous aurons l’occasion de revenir sur cet aspect essentiel des
lasers qui limite fortement leurs applications dans le domaine des grandes
puissances et des grandes énergies.
Pour terminer cette introduction à la physique des lasers, on notera
que les différentes configurations optiques de lasers utilisés dans la
pratique permettent de déterminer les propriétés spatiales, spectrales ou
temporelles des lasers. On peut ainsi créer un simple oscillateur), obtenir
des impulsions géantes de quelques nanosecondes (10 -9 s) de durée,
obtenir une émission superradiante, amplifier l’émission d’un oscillateur
jusqu'à des puissances et des énergies considérables (Térawatts et
Mégajoules). On peut, enfin, générer des impulsions extrêmement
courtes en isolant une fréquence dans un train d’impulsion au moyen
d’un dispositif électro-optique et en l’amplifiant ensuite en profitant de la
propriété de cohérence temporelle du faisceau. On obtient ainsi des
émissions laser de très grande puissance (~1018 watts et plus) ayant des
durées de quelques femtosecondes (10-15 s) (réf. 6). La fig. 5 représente le
principe du laser associant un milieu actif, un dispositif d’apport
d’énergie et une cavité optique.
30
Fig. 5 Schéma de principe d’un laser
1-2 Qu’est ce qu’un faisceau de particules et
comment cela fonctionne?
Les faisceaux de particules de basse et moyenne énergie font partie
de notre vie de tous les jours : tubes de télévision à rayons cathodiques,
écrans de télévision, éclairs durant les orages, etc. Ils sont utilisés dans
l’industrie (durcisseurs de matière première, préservation de la nourriture
par stérilisation par exemple), en médecine (thérapie des cancers), dans la
recherche pour l’étude de la structure ultime de la matière (quarks)
(l’anneau de stockage de particules du CERN qui vient d’être construit
est destiné à cette application). Ils sont aussi étudiés comme possibles
armes à énergie dirigée (utilisation de faisceaux d’hydrogène ionisé (réf.
7 - 9). Mais, comment sont-ils créés et fonctionnent-ils ?
Les faisceaux de particules sont produits par l’accélération, au
moyen de champs électriques, de noyaux atomiques ou subatomiques
chargés (protons ou électrons), émis par une électrode ou une source
d’ions, Une deuxième électrode ou un ensemble d’électrodes permet
d’obtenir une tension d’accélération très élevée centaines de kilovolts Mégavolts). Les particules chargées négativement ou positivement
peuvent être orientées au moyen de champs magnétiques. Ces particules
peuvent être ultérieurement neutralisées pour donner des faisceaux de
particules neutres (particules alpha, par exemple). Il est possible
d’obtenir des faisceaux de très grande énergie.
31
Ils sont caractérisés par :
Le type de particule (électrons, protons, particules alpha, ions
d’hydrogène, etc.),
L’énergie des particules (kiloélectronvolts - Gigaélectronvolts),
Le courant véhiculé par le faisceau qui peut être très élevé
(kiloampères – Mégaamperes),
Le diamètre du faisceau,
L’émittance (degré de divergence des trajectoires des particules).
Ils agissent sur la matière principalement en lui transférant son
énergie cinétique soit par choc soit par absorption.
Différents dispositifs permettent d’obtenir des faisceaux de
particules de grande énergie (MeV - TeV) :
Générateurs électrostatiques : l’accélérateur de Van de Graff du
Palais de la Découverte à Paris, qui nous a fait dresser les cheveux
sur la tête, par exemple,
Transformateurs d’impulsions,
Cyclotrons,
Accélérateurs linéaires à électrons (LINAC type Cockcroft-Walton
par exemple),
Multiplicateurs de tension pulsés : Un cas bien connu est le
générateur de Marx brièvement décrit ci-après,
Accélérateurs d’électrons synchrotron avec anneau de stockage
produisant un rayonnement synchrotron,
Cavités accélératrices supraconductrices.
Le canon à électrons alimenté par un générateur de Marx est un
exemple type de générateur pulsé d’électrons (réf. 10). Le principe du
générateur de Marx est présenté au ch. 2. Le faisceau d’électrons délivré
a une énergie de quelques centaines de milliers d’électronvolts et le
courant délivré est de quelques milliers à quelques dizaines de milliers
d’ampères.
Ce type de générateur peut être facilement transformé en
générateur de rayons X par collision des électrons avec une cible en
32
tungstène ou en tantale sur la trajectoire. Le fig. 6 montre le schéma de
principe d’un canon à électrons alimenté par un générateur de Marx.
Fig. 6 – Schéma de principe d’un canon à électrons alimenté
par un générateur de Marx
Deux technologies sont aujourd’hui utilisées pour faire atteindre
des vitesses proches de la lumière à des faisceaux de particules : La
technologie chaude (à la température ambiante) et la technologie froide
(à la température de l’hélium liquide, soit quelques degrés au-dessus du
zéro absolu).
On peut ainsi obtenir des faisceaux de particules de très grande
énergie en termes d’énergie acquise par le centre de masse (Gigajoules)
et de très grande puissance (des ampères à une tension donnée). Ces
particules unidirectionnelles se déplacent à grande vitesse (vitesse
souvent voisine de la vitesse de la lumière). Les particules chargées,
lorsqu’elles sont accélérées, peuvent émettre des photons par un effet
appelé bremsstrahlung. Cet effet est utilisé pour la production de rayons
X.
33
Ces faisceaux de particules peuvent, en principe, être transmis à
très grande distance par tous les temps et peuvent détruire des cibles par
effet mécanique (transfert d’énergie cinétique). Un faisceau d’électrons
peut créer des courts-circuits dans les circuits électroniques. Ils ne
subissent pas de contraintes mécaniques d’accélération, à l’opposé des
missiles antimissile, (pas d’effet de recul), ils ont un temps de réponse
très bref, se propagent à une vitesse voisine de celle de la lumière
(300 000 km/s), ils ne provoquent pas d’effet thermique ni de
rayonnement nucléaire parasites. Il n’existe pas actuellement de contre
mesure efficace. Cependant leur réalisation et leur utilisation posent de
nombreux problèmes :
Leur réalisation est extrêmement coûteuse,
Ils
nécessitent des puissances ou des énergies primaires
considérables pour les créer, notamment des générateurs électriques
produisant, dans des temps courts (millisecondes), des courants
électriques intenses et des tensions très élevées (cf. Ch. 2),
Les effets de charge d’espace et de champ magnétique limitent
fortement l’usage de particules chargées, notamment pour leur
propagation à grande distance,
Les problèmes de pointage et de localisation du faisceau sont
extrêmement difficiles à résoudre,
Les dimensions et le poids des générateurs de faisceaux de
particules sont très élevés.
La miniaturisation des générateurs de ces sources représente un
obstacle très important, voire actuellement insurmontable, pour leur
utilisation en tant que système d’armes.
1-3 N’oublions pas les sources hyperfréquence
(micro-ondes) : de notre cuisine aux
confins de notre planète
Les micro-ondes ou ondes hyperfréquences sont des ondes
électromagnétiques de longueur d’onde ( = c/ ) intermédiaire entre
l’infrarouge lointain et les ondes de radio diffusion (réf. 11). Le terme
34
micro-ondes caractérise une émission d’une longueur d’onde plus courte
que celles de la bande VHF utilisée par les radars pendant la seconde
guerre mondiale.
Il faut noter qu’entre le domaine spectral des micro-ondes et celui
des lasers, allant du proche infrarouge à l’ultraviolet et aux rayons X,
existe une zone spectrale peu explorée allant de l’infrarouge moyen
jusqu’aux longueurs d’onde millimétriques (1012 à 1014 hertz). Les
sources émettant dans ce domaine spectral sont appelées sources
térahertz et aussi rayons T. Ces sources, qui s’avèrent très prometteuses
pour l’avenir, sont présentées, ainsi que leurs applications potentielles, au
chapitre 16.
L’existence des ondes électromagnétiques telles que les microondes a été prédite par James C. Maxwell en 1884 (les fameuses
équations de Maxwell) et mises en évidence expérimentalement par
Heinrich C. Hertz qui produisit ainsi les premières ondes radio. La fig. 7
présente la bande des fréquences micro-ondes tandis que la fig. 8 montre
le spectre radiofréquence. La fig. 9 présente le spectre électromagnétique
complet.
Fig.7 Bandes de fréquences micro-ondes ( Source Wikipedia)
35
Bande de fréquence
9 kHz - 30 MHz
30 MHz – 87,5 MHz
87,5 MHz – 108 MHz
108 MHz – 136 MHz
136 MHz – 400 MHz
400 MHz – 470 MHz
470 MHz – 860 MHz
860 MHz – 880 MHz
880 MHz – 960 MHz
960 MHz – 1710 MHz
1710 MHz – 1880 MHz
1880 MHz - 1900 MHz
1920 MHz – 2170 MHz
2400 MHz - 2500 MHz
3400 MHz-3600 MHz
3600 MHz
Application
Radiodiffusion GO, OM, OC ; détecteurs de
victimes d’avalanche ; trafic amateur ; RFID,
applications médicales
Télédiffusion analogique et numérique ; réseaux
professionnels ; radioamateurs ; microphones sans
fil ; radiolocalisation aéronautique ; radars
applications médicales,
Radiodiffusion en bande FM
Trafic aéronautique
Télévision analogique et numérique ; réseaux
professionnels ; vols libres (talkies walkies) ; trafic
maritime, trafic amateur ; radiomessagerie;
Balises ARGOS ; réseaux professionnels ; , trafic
amateur ; applications médicales ; systèmes de
commande ; réseaux cellulaires
Télédiffusion analogique et numérique
Bande industrielle, scientifique et médicale (ISM) ;
appareils à faible portée;
Téléphone mobile
Radiodiffusion numérique, réseaux privé, réseaux
hertziens
Téléphone mobile
Téléphone sans fil
Téléphone mobile
Bande ISM ; réseaux wi-fi ; blue-tooth ; four à
micro-ondes
Boucle locale radio large bande
Radar ; boucle locale radio : stations terrestres ;
faisceaux hertziens
Fig. 8 Spectre radiofréquence
36
Fig . 9 Spectre électromagnétique
La plupart des applications des micro-ondes utilisent la gamme 1 à
100 GHz. Un système micro-ondes comprend généralement une source
d’énergie primaire, un transformateur élévateur de tension, un générateur
de micro-ondes, une cavité résonante, une ligne de transfert du faisceau
et une antenne émettrice. La fig. 10 présente le schéma d’un tel système.
Fig. 10 Schéma de principe d’un générateur de micro-ondes
(Crédit Image ISL)
37
Il est à noter que le maser découvert par Townes en 1954 est un
générateur de micro-ondes particulier.
Les applications actuelles des micro-ondes sont nombreuses et
entrent, pour la plupart, dans notre vie de tous les jours:
Chauffage des aliments : c’est le four à micro-ondes,
Décontamination et inertage des aliments et des déchets,
Synthèse assistée par micro-ondes dans l’industrie chimique,
Radars de précision (les radars de la seconde guerre mondiale
utilisaient, eux, des ondes à haute fréquence). La fig. 11 représente
une antenne type de radar,
Transmission sans fil pour réseaux locaux (wifi, Bluetooth, DECT),
Télévision par câble et accès Internet, émissions de télévision
hertzienne,
Téléphonie sans fil,
Localisation par GPS,
Télédétection des atmosphères et des surfaces terrestres,
Télécommunication à grande distance,
Possibilité de transmission d’énergie à distance,
Armes à faisceaux dirigées.
Fig. 11 Vue d’une antenne radar (Source Wikipedia)
38
On peut diviser les sources de micro-ondes en systèmes à basse et
moyenne puissance destinés aux applications domestiques et industrielles
et en systèmes de très grande puissance destinés essentiellement aux
applications militaires.
LE FOUR A MICROONDES
Le four à micro-ondes (réf.12) est un système de chauffage des
aliments qui utilise une des propriétés des micro-ondes qui est de faire
vibrer les molécules d’eau contenues dans les aliments. L’énergie de
vibration est déposée dans une couche de quelques cm dans l’aliment à la
fréquence généralement utilisée de 2450 MHz. L’énergie absorbée
n’engendrant aucun mouvement, elle est transformée en chaleur qui
diffuse ensuite dans tout l’aliment à chauffer. On raconte que la
découverte de ce phénomène serait due au hasard. Dans les années 1940
un ingénieur travaillant sur un radar de grande puissance à micro-ondes
qui faisait une « pause repas » aurait constaté que son repas était chaud et
que ce réchauffage était dû à l’émission des ondes du radar voisin.
Les fours à micro-ondes actuels utilisent un générateur appelé
magnétron. Sa puissance est en général voisine de 1000 W avec un
rendement énergétique voisin de 50 %. Notons que les émissions de
micro-ondes peuvent être dangereuses pour la santé et les techniciens qui
interviennent sur des émetteurs relais de radiotéléphonie ne le font jamais
sur des émetteurs en fonctionnement. Un large débat est actuellement en
cours en France et dans les autres pays industrialisés pour définir le seuil
d’émission représentant un risque sanitaire. Ceci nous amène
naturellement au paragraphe suivant.
LES SOURCES
PUISSANCE
A
MICRO-ONDES
DE
GRANDE
Dès les années 1950, les ingénieurs et les chercheurs travaillant
au développement de radars d’une puissance de plus en plus grande dans
le domaine des radiofréquences et des micro-ondes constatèrent que des
circuits électroniques étaient perturbés, voire détruits, par les ondes
émises par ces radars.
39
Au cours de la « guerre froide » entre les USA, et les pays de
l’OTAN d’un part et l’URSS d’autre part, ce que l’on a appelé la « guerre
électronique » amena à tenter de perturber, voire de neutraliser les radars
adverses. Cela entraîna une course à la puissance et à l’augmentation de
la fréquence des radars micro-ondes (réf.13-15). Il fut ainsi constaté qu’il
était possible:
De contrôler les radars adverses en introduisant des micro-ondes de
grande puissance, adaptées en fréquence, dans les systèmes par « la
porte de devant », «front-door » en anglais, c'est-à-dire par les
antennes et autres entrées nécessaires au fonctionnement du
système,
D’endommager l’électronique de contrôle de ces radars en
introduisant des micro-ondes de grande puissance, pas
nécessairement adaptés, dans les systèmes par « la porte de
derrière » « back door » en anglais. Cette intrusion, facilitée par les
fréquences les plus élevées se fait par les défauts de blindage
toujours présents dans un blindage.
Il est à noter que le développement de composants solides dans les
systèmes électroniques a un effet négatif sur la protection de ces
systèmes. En effet, les nouveaux composants de type C-mos ou N-mos
supportent très mal les surtensions même faibles (quelques volts). Or les
micro-ondes,
comme
les
impulsions
électromagnétiques
(Electromagnetic pulse (EMP)) en anglais), induisent, lorsque les
variations du champ électromagnétique sont très rapides, des courants
pulsés qui eux-mêmes induisent des tensions très élevées dans des
inductances.
Souvenons-nous de la loi sur l’induction : V= L.dI/dt
Le courant dans certains cas peut atteindre 100 000 ampères en 100
nanosecondes sur un circuit dont l’inductance est égale à typiquement
100 nanohenrys. Le calcul est simple : la surtension dans le circuit sera :
Vinduit = 100 000 Volts.
Tout ce courant n’arrive pas toujours dans le circuit mais cela fait
toujours beaucoup de surtension à supporter par les composants.
40
Ce genre de problème est arrivé dans mon laboratoire il y a une
dizaine d’années. Nous travaillions sur le développement des lasers à
excimères de grande puissance moyenne (1 kW) en impulsions
répétitives. Nous avions réalisé pour cela, au laboratoire, un nouveau
dispositif expérimental laser excité simultanément par un générateur de
Marx délivrant une tension de 300 000 volts pendant 100 nanosecondes
et une décharge électrique à très haute tension (30 000 volts) et fort
courant (10 000 ampères). Nos moyens de mesure électroniques étaient,
bien sûr protégés, dans une cage de Faraday, mais au premier tir nous
avons détruit les circuits N-mos du central téléphonique du laboratoire
qui lui n’était pas suffisamment protégé. Cela nous a obligés à renforcer
considérablement les protections, notamment en réduisant les « boucles
de terre » des circuits électriques du dispositif expérimental. Enfin nous
utilisons
en
routine,
au
laboratoire,
dans
les
zones
électromagnétiquement hostiles, des « vieux » systèmes électroniques de
la marine française, d’une technologie obsolète, mais qui sont «
incassables ».
Souvenons-nous aussi des effets qui peuvent être catastrophiques
de la foudre et du plasma qu’elle crée – 4e état de la matière – sur nos
ordinateurs, téléviseurs ou postes de téléphone fixe lorsque ces appareils
électriques ne sont pas protégés par des fusibles « spéciaux » anti-foudre.
Enfin nous avons tous constaté l’effet du voisinage d’une ligne haute
tension sur la qualité de l’émission du poste de radio de notre voiture. Il
s’agit toujours des conséquences des interactions des champs
magnétiques pulsés de grande puissance avec l’environnement.
On pourrait croire que l’on peut se protéger facilement contre les
micro-ondes et l’effet EMP, et que les exemples évoqués ici sont du
domaine de l’anecdote. En fait il n’en est rien et les responsables
militaires russes, américains, français, etc., font un effort important pour
durcir, par des blindages, les protections de leurs installations sensibles,
civiles et militaires contre ces effets. Ce qui peut faire sourire est que l’on
a tendance à revenir à l’utilisation de « vieux » composants
électroniques, les transistors d’ancienne génération et les tubes à gaz tels
les thyratrons à hydrogène utilisés pour la commutation des radars des
années 1940-50 par exemple. Ces composants que l’on pensait obsolètes
41
sont, en effet, beaucoup plus résistants aux effets EMP et micro-ondes
que les composants solides de dernière génération. Certains spécialistes
vont même jusqu'à penser que les systèmes électroniques russes sont
mieux protégés car ils sont de conception plus ancienne. Par ailleurs les
micro-ondes de grande puissance peuvent avoir des effets à distance sur
le corps humain. Ces effets – actions sur les composants électroniques et
sur le corps humain - motivent actuellement le développement des
sources micro-ondes de grande puissance comme arme non létale. Cette «
application » sera évoquée au chapitre 3.
Les possibilités potentielles des micro-ondes comme sources de
rayonnement pour les radars de précision et pour de nouveaux systèmes
d’armes ont fortement motivé militaires, scientifiques et ingénieurs
depuis plus d’un quart de siècle. On a vu apparaître, en plus du classique
magnétron, d’étranges appareils aux noms bizarres faisant appel comme
source d’alimentation soit aux explosifs, soit à la Magnétohydrodynamique (MHD), soit à de puissants générateurs d’électricité:
Le vircator,
Le carcinotron,
Le platinotron,
Le Reditron,
Le klystron et le klystron relativiste (générateur et amplificateur de
micro-ondes réalisé la première fois en 1938 (F= 3000 MHz) et
utilisé dans les appareils de grande énergie).
Ci-après est décrit brièvement le principe du Vircator, source de
micro-ondes pouvant délivrer des puissances jusqu'à 1 Gigawatt.
Quelques systèmes intégrant des sources micro-ondes de grande
puissance et actuellement en développement sont décrits au chapitre 3.
LE VIRCATOR
Le Vircator (réf.16) est un générateur de micro-ondes qui
aune histoire étrange car il n’est pas issu des progrès dans le
développement des tubes micro-ondes mais d’un sous produit de l’effet
EMP constaté lors d’éclairs, d’explosions nucléaires ou de l’utilisation de
faisceaux de particules. Il a, en effet, été constaté que, dans certaines
42
conditions, un faisceau de particules se met à osciller et à émettre des
micro-ondes d’une puissance très supérieure à celle obtenue au moyen de
tubes micro-ondes classiques. Ce phénomène est à la base de la
découverte du Vircator, un oscillateur à cathode virtuelle. Ce type de
générateur a vu son intérêt croître ces dernières années.
Le Vircator plan ou cylindrique, permet d’obtenir des
rayonnements micro-ondes de grande puissance, centaines de watts à 1
gigawatt, à des fréquences entre 2 et 8 Gigahertz à partir, en général, de
faisceaux d’électrons intenses. Il est associé à un guide d’onde et à une
antenne émettrice adaptée à la fréquence micro-ondes utilisée. La fig. 12
représente un schéma de principe du Vircator.
Fig. 12 Schéma de principe du Vircator (Source Wikipedia)
Les lasers et les micro-ondes présentent de nombreuses similitudes
car tous deux font appel au rayonnement électromagnétique mais ils
présentent aussi des différences très notables dans leurs propriétés. Le
tableau de la fig. 13 présente une comparaison entre les principales
caractéristiques des lasers et des micro-ondes de grande puissance.
43
Vitesse
Portée
Puissance
Longueur
D’onde
Faisceau
Propagation
Utilisation
militaire
Cible
Létalité
Laser
Microondes
vitesse de la lumière
centaines de Km
MW
courte
(centaines de nm)
étroit
Dépendante de
L’atmosphère
précision
vitesse de la lumière
centaines de m
GW
longue
(mm à cm)
large
tout temps
équipement
Personnels
brûlures
éblouissement
personnels
électronique
haute tension,
champs EM,
chaleur
grande surface
Fig. 13 Propriétés comparées des lasers et des micro-ondes
de grande puissance
1-4 Et l’effet EMP ?
L’effet EMP pour « Electro-Magnetic Pulse » a été évoqué à
plusieurs reprises dans ce chapitre. Mais qu’en est-il vraiment ?
(réf. 17- 19).
L’homme, comme Prométhée qui accapara le feu du ciel, a
tendance à vouloir domestiquer la foudre source d’énergie et de
destructions considérables (réf. 20).
Par ailleurs, une explosion nucléaire test à haute altitude conduite
par les États-Unis en 1962 au-dessus de l’océan Pacifique (code Starfish
Prime) a détruit les systèmes électroniques dans divers endroits jusqu'à
1500 km de l’explosion, dont une partie d’Hawaii. Des navires militaires,
44
des stations de radio et des habitations civiles ont été endommagés. Ces
destructions étaient dues à une impulsion d’énergie électromagnétique
(EMP) extrêmement puissante accompagnant l’explosion nucléaire et
capable de détruire les composants électroniques à des milliers de
kilomètres de distance. Il est à noter que les experts ne sont pas d’accord
entre eux pour savoir si l’effet EMP (et aussi l’effet des micro-ondes de
grande puissance (HPM)) suit ou non la règle bien connue d’une
atténuation comme l’inverse du carré de la distance.
Les scientifiques étudient ce phénomène qui fait appel à la
physique et à la dynamique des plasmas (réf. 21), au génie électrique et
plus précisément aux faisceaux de particules et aux micro-ondes. Bien
sûr ils essayent également de le domestiquer pour en faire une arme à
énergie dirigée sans avoir à utiliser une bombe nucléaire. Cet aspect sera
évoqué au ch. 16 avec l’E-Bomb.
Différents dispositifs sont actuellement étudiés pour créer l’effet
EMP. Ils emploient, comme source d’énergie, des explosifs (dispositif
monocoup), des générateurs MHD ou des sources d’électricité
alimentant, pendant des temps relativement longs, des réservoirs
d’énergie tels des condensateurs haute tension au moyen de
transformateurs élévateurs de tension. Ces condensateurs sont déchargés
très rapidement au moyen de commutateurs tels les éclateurs. Les
dispositifs alimentés par des générateurs MHD ou par des condensateurs
délivrent, par nature, des impulsions EMP répétitives.
Les générateurs MHD de grande puissance (1MW pendant 100
microsecondes) et les dispositifs permettant de décharger très rapidement
des condensateurs haute tension sur une charge (typiquement 10 000 A à
une tension de charge 40 KV pendant 100 ns) ont été étudiés et utilisés
dans de nombreux centres de recherche. C’est le cas de mon laboratoire,
l’Institut de Mécanique de Fluides de Marseille, depuis le milieu des
années 1960 dans le cadre d’études financées par la Délégation Générale
à l’armement (DRME puis DRET), et d’autres agences (réf. 21-23).
Pour la production d’effet EMP on peut citer à titre d’exemple le
générateur à compression de flux (GCF). Il consiste en un explosif placé
45
dans un cylindre entouré d’une structure en anneau en feuille de cuivre.
L’explosif, par sa détonation qui est produite de l’arrière vers l’avant du
tube, crée un très rapide court circuit qui se déplace. Celui-ci entraîne la
compression du champ magnétique et la création d’une impulsion
électromagnétique géante qui est émise de l’avant du tube et dirigée vers
une antenne de focalisation. Bien sûr, le système fonctionne en
«monocoup». La fig. 14 présente un schéma de ce générateur.
Fig. 14 Schéma de principe d’un générateur à compression de flux
(Source Wikipedia)
46
CHAPITRE 2
Quelles sources d’énergie
pour alimenter ces sources?
2-1 Généralités
Tout d’abord, qu’est ce que l’énergie ? Une définition qui en vaut
d’autres est la suivante : un système possède de l’énergie s’il est capable
de fournir du travail mécanique ou son équivalent.
De tout temps l’homme a eu besoin de l’énergie pour se nourrir, se
mouvoir. L’existence de l’énergie peut apparaître sous des formes
diverses bien qu’elle soit une seule et même grandeur physique. À titre
d’exemples: une voiture qui roule possède de l’énergie cinétique, c’est
l’énergie associée au mouvement ; un chauffage électrique produit de la
chaleur à partir de l’électricité, c’est de l’énergie calorifique.
Les différentes sources d’énergie primaire ou secondaire utilisées
pour alimenter une source à énergie dirigée de grande puissance posent
un énorme problème du fait, notamment :
Du coût, en termes de poids, des sources disponibles,
Du faible rendement de conversion, en général, de l’énergie
primaire en rayonnement électromagnétique,
De l’autonomie énergétique souvent exigée pour un système
d’arme.
Cette autonomie énergétique entraîne la nécessité d’un dispositif de
stockage de l’énergie et de sa transformation pour un transfert optimal
vers la charge - la source de rayonnement. Nous allons voir de quelles
sources on dispose actuellement (réf. 24 - 25).
47
La fig. 15 représente schématiquement les trois étapes principales
de l’alimentation d’un générateur d’énergie dirigée : source primaire –
stockage – alimentation - mise en forme et transfert vers la charge.
Fig. 15 Schéma de l’alimentation d’un générateur d’énergie dirigée.
Avant d’aborder en détail les sources d’énergie disponibles il peut
être intéressant d’évoquer quelques principes de base et quelques ordres
de grandeur. Il n’est toutefois pas question ici de faire un cours exhaustif
sur l’énergie, qui n’est pas, bien sûr, l’objet de ce chapitre. On trouvera
dans la littérature d’excellentes synthèses sur ce domaine [24].
Tout d’abord, comme l’énonçait Lavoisier pour la matière, « rien
ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ». Cela est également vrai
pour l’énergie et a été théorisé dans le premier principe de la
thermodynamique. C’est une bonne nouvelle mais, et c’est la mauvaise
nouvelle, l’énergie noble (pétrole, gaz, énergie nucléaire, etc.), se
dégrade en chaleur par des processus irréversibles.
Ne pas confondre l’énergie E et la puissance P qui sont reliées par
la relation:
P= E/t où t est le temps et l’énergie est exprimée en joules ou en
kilowattheures (1 kilowattheure = 3,6 106 joules).
Le joule est une unité d’énergie très faible qui est, dans la vie de
tous les jours, très souvent remplacée par le kilowattheure.
Dans le secteur de l’énergie, et notamment pour les sources
d’énergie dirigée impulsionnelles, il est extrêmement important de bien
différencier deux notions fondamentales que sont, d’une part la quantité
d’énergie, d’autre part la notion de puissance instantanée. Pour le
48
stockage de l’énergie, qui sera abordé plus loin, il sera intéressant de
disposer simultanément de ces deux paramètres. Il faut toutefois
remarquer que ceci n’est pas toujours possible compte tenu des
contraintes physiques des systèmes de stockage direct.
Cette notion est essentielle lorsqu’on aborde les sources de
rayonnement électromagnétiques pulsées qui peuvent émettre des
rayonnements de très grande puissance. Par exemple des lasers solides
fournissent actuellement un rayonnement visible de 1 Petawatt (1015
watts) en 100 femtosecondes (10-13 seconde) cela ne fait cependant
qu’une énergie de 100 joules dans le faisceau. Cette énergie est très faible
par rapport aux 40 mégajoules que représente la combustion de 1 kg de
pétrole. Mais ce qui recherché, dans ce cas, est l’effet, sur une cible, du
champ électrique considérable généré dans le faisceau et non pas un effet
thermique. Cet exemple montre que l’on doit disposer d’un dispositif de
compression temporelle de l’énergie. Nous verrons plus loin les
dispositifs utilisés et quelques principes de base.
Ces notions d’énergie, de puissance et de compression temporelle
ont été formalisées dans la théorie des « 3 E » établie par le Ministère de
la Défense français pour la reconfiguration des énergies à bord des
vecteurs (réf. 25) :
E = Ep + Et + Ei
Où Ep est l’énergie permanenteE t est l’énergie transitoire
Ei est l’énergie impulsionnelle
À titre d’exemple, quelques ordres de grandeur de la puissance des
systèmes alimentés par l’énergie électrique sont présentés dans le tableau
de la fig. 16.
Puissance
Appareils
1 milliwatt (10-3 w)
1 watt
1 kilowatt (103 w)
1 Mégawatt (106 w)
Diode laser (pointeur)
Lampe de poche
Appareil ménager
Moteur de TGV
49
Lasers chimiques HF-DF et à iode
(COIL)
Centrale électrique
Générateur micro-ondes (wcrête)
Laser impulsionnel (wcrête)
Futur laser « Pétawatt »
européen (w crête)
1 Gigawatt (109 w)
1 Térawatt (1012 w)
1 Pétawatt (1015 w)
Fig. 16 Ordre de grandeur de la puissance
de quelques systèmes électriques
2-2 Sources d’énergie primaire
Les sources d’énergie dirigée à vocation de système d’armes
nécessitent des puissances continues ou des énergies pulsées tout à fait
considérables pour les alimenter. Les experts militaires considèrent
qu’une source laser utilisable en tant qu’élément d’un dispositif
stratégique doit être de la classe mégawatt pour un laser continu ou
mégajoule par impulsion pour un laser pulsé répétitif. Il est également
considéré qu’un générateur de micro-ondes utile comme arme doit être
de la classe gigawatt.
En ce qui concerne les lasers, la plupart nécessitent une
alimentation par courant électrique, donc une source d’énergie
secondaire. Cependant les lasers actuellement opérationnels en tant que
source de la classe mégawatt sont alimentés de 2 façons :
Directement par un dérivé d’hydrocarbures (gaz ou pétrole), il
s’agit du laser CO2 « gas dynamic » émettant dans l’infrarouge
moyen (voir ch. 3),
Par de l’énergie chimique stockée dans des molécules que l’on va
faire réagir entre elles, il s’agit du laser HF-DF et du laser COIL
émettant tous deux dans le proche infrarouge (voir ch. 3).
De plus, le rendement de ces sources, qui sont, en fait, des
convertisseurs d’énergie, n’est pas élevé: dans le cas du laser CO2 qui a
déjà un rendement considéré comme important, celui-ci est de l’ordre de
10 %. Ce qui veut dire, bien sûr, que la puissance continue nécessaire
pour alimenter un tel laser est de l’ordre de 10 mégawatts pour un laser
50
de 100 kilowatts. Ces chiffres doivent être considérés comme des
estimations du fait du domaine « sensible » considéré. Dans le cas du
laser chimique, le rendement « chimique » peut être très élevé, mais un
des problèmes est qu’il faut fabriquer les réactifs initiaux qui réagiront
ultérieurement et cela, bien sûr, a un coût énergétique et financier.
En ce qui concerne les lasers pulsés, 1 mégajoule délivré par une
impulsion laser sur une cible représente, en gros, la même énergie que
l’explosion de 200 grammes d’un explosif puissant et produit
globalement les mêmes effets. Si on admet, en suivant les experts, une
durée de tir de 20 secondes avec une énergie par tir de 2, 5 MJ, on obtient
une énergie primaire nécessaire de l’ordre de 500 MJ pour un rendement
de 10 %, soit l’équivalent de la combustion de 12,5 kg de pétrole en 20
secondes. Cette estimation est cependant très théorique car on ne tient
pas compte des pertes dans la propagation du faisceau et d’une
concentration non optimale de celui-ci sur la cible.
Examinons maintenant ce dont on peut disposer comme énergie
primaire. Nous évoquerons plus loin les énergies secondaires et les
moyens de stockage et de mise en forme de cette énergie.
La nature fournit des quantités considérables d’énergie. Dans le
soleil, 1 kg d’hydrogène produit 180 millions de kilowattheures d’énergie
par fusion thermonucléaire.
Dans une centrale nucléaire la transformation de 1 kg d’uranium
naturel en d’autres éléments diminue l’énergie nucléaire du combustible
de 100 000 kilowattheures qui sont transformés en chaleur. 1 kg de
pétrole ou de gaz naturel, sources d’énergie encore relativement
abondantes sur terre, fournit, par combustion, environ 12 kilowattheures
d’énergie thermique.
Aujourd’hui la technologie permet de produire de l’énergie en
grande quantité, en utilisant toutes les ressources possibles (réf. 24):
Energies d’origine fossile (pétrole, gaz, uranium),
Eau (énergie hydroélectrique),
Vent (éolienne),
Soleil (photothermique, photothermodynamique, photovoltaïque),
51
Biomasse (bois, déchets, plantes…),
Bois,
Etc.
La Fig.17 représente schématiquement les principales sources
d’énergie primaire.
Les quantités d’énergie produites sont, cependant, de valeurs très
différentes selon les sources. De plus, les plus grandes quantités
disponibles pour l’utilisateur sont constituées par les énergies d’origine
fossile qui, par nature, ne sont pas renouvelables.
L’énergie nucléaire est, de loin, la plus concentrée mais aussi la
moins pratique à utiliser, du fait de la dimension nécessaire des réacteurs
et de la protection nécessaire contre la radioactivité. Cela est encore plus
vrai pour l’alimentation d’un laser ou d’un générateur de micro-ondes
placé dans un véhicule tout terrain, dans un avion et, à fortiori, dans
l’espace.
Le pétrole et le gaz naturel sont les plus pratiques à utiliser pour
des usages nécessitant une grande autonomie, mais de nombreuses
sources de faisceaux dirigés sont alimentées par des moyens électriques.
Seuls les lasers « gazdynamiques » sont alimentés directement par la
combustion du gaz naturel ou des dérivés du pétrole. (voir les ch. 3 et 4).
Désintégration nucléaire
Fission nucléaire
Rayonnement
Magma terrestre
Photothermodynamique
Géothermie
Rayonnement
Photothermique
Chaleur, Vapeur
Electronucléaire
Gravitation
Soleil
Photovoltaïque
Photosynthèse
Biomasse
Hydraulique
Eolien
Energies fossiles
Réactions chimiques
52
Marée motrice
Pesanteur
Hydraulique
Mécanique
Combustion, chaleur
Explosions, mécanique
Piles électriques
Piles a combustible
Fig. 17 Principales sources d’énergie primaire
L’énergie solaire est très séduisante, mais la puissance spécifique
disponible est actuellement trop faible pour alimenter un laser de grande
puissance excepté pour le cas d’un laser pulsé à faible taux de répétition
pour lequel on admettrait un long temps de recharge d’un réservoir de
stockage de l’énergie.
2-3 Transformation de l’énergie
Dans de nombreux cas, en particulier pour la plupart des sources
d’énergie dirigée de grande puissance, l’énergie primaire – en général les
énergies fossiles – doit être transformée en énergie électrique. On peut
faire appel à :
Des centrales thermoélectriques (alternateurs),
Des turbo-générateurs,
Des générateurs Magnétohydynamiques (MHD),
Des générateurs magnéto-cumulatifs,
Etc.
Les centrales thermoélectriques transforment de l’énergie primaire
en chaleur par combustion ou par réaction nucléaire. Cette chaleur va
alimenter un générateur électrique au moyen d’un fluide caloporteur qui
va mettre en mouvement une bobine, l’induit. Celui-ci, couplé à une
autre bobine, l’inducteur, va générer un champ magnétique et produire
ainsi de l’électricité grâce aux lois de l’électromagnétisme. Un grand
merci à James-Clerk Maxwell, Michel Faraday et Heinrich Lentz.
Malheureusement, le rendement de conversion n’est pas unitaire. C’est
toujours le premier principe de la thermodynamique qui fixe ce
rendement qui est de l’ordre de 30 % pour une centrale thermoélectrique.
53
Le générateur magnétohydrodynamique, est un convertisseur qui
transforme de l’énergie cinétique d’un fluide conducteur directement en
électricité (réf. 26). Mon équipe de l’Institut de Mécanique des Fluides de
Marseille, à l’époque URA 03 CNRS, a entrepris des recherches sur ce
type de convertisseur dans les années 1960 et jusqu’au milieu des années
1970 avec le soutien de la Délégation Générale à l’Armement (DGA)
(réf. 22), (réf. 27). Une puissance électrique de 2 Mégawatts délivrée
pendant 100 s a été extraite d’un dispositif alimenté par un tube à choc
qui créait, par onde de choc, un plasma d’argon ayant une température de
10 000 degrés C.
Le principe de base est fondamentalement le même que pour
n’importe quel générateur électrique :
Dans le cas d’un générateur conventionnel, l’induit est solide, c’est
une bobine constituée d’un enroulement de fils métalliques,
Dans le cas d’un générateur d’un générateur MHD, l’induit est
fluide : liquide conducteur (eau salée, métal liquide) ou gaz ionisé
(plasma). Le fluide est mis en mouvement dans un champ
magnétique, ce qui génère une tension induite V au borne
d’électrodes et un courant électrique de densité de courant J sur une
charge :
V= u.B.l et J= .V = .u.B.l
où u est la vitesse d’écoulement du fluide de conductivité
(l’inverse de la résistivité), B est le champ magnétique et l est la longueur
d’interaction.
La fig. 18 représente un générateur MHD type dit à tuyère linéaire
de Faraday à électrodes segmentées.
54
Fig. 18 Générateur MHD type de Faraday (Source J. Geffray)
2-4 Stockage de l’énergie
L’énergie, pour de nombreuses applications, nécessite d’être
stockée. Elle ne se prête cependant au stockage en quantité appréciable
que sous certaines de ses formes. Sa mise en réserve et sa récupération
impliquent donc des transformations et, par suite, de la dissipation
(rendement non unitaire) (réf. 24), (réf. 28). L’électricité est un vecteur
énergétique très pratique, mais un de ses inconvénients essentiels est la
difficulté de son stockage: sitôt produite sitôt utilisée, ce qui implique
soit un réseau de distribution soit un système de stockage, soit les deux.
En ce qui concerne le fonctionnement des générateurs de grande
puissance pulsée, il comporte en général deux phases :
La première consiste à stocker l’énergie produite par une source
lente. Elle parfois absente lorsque l’on fait appel à une source
préexistante (chimique, etc.),
La deuxième consiste à libérer cette énergie sous la forme
d’impulsions de très courte durée de grande puissance
(compression temporelle).
Voici quelques-uns des moyens de stockage (vecteurs - sources
d’énergie secondaire) de l’énergie utilisés pour des applications de
relativement grande énergie :
Carburants, chimiques ou nucléaires,
Produits chimiques, par exemple H2 et F2 sources d’énergie du
laser chimique HF-DF (voir Ch. 3),
55
Hydrogène,
Accumulateurs (stockage sous forme chimique),
Piles à combustible (stockage sous forme chimique),
Condensateurs et super condensateurs,
Volants d’inertie plus alternateur (alternateur à stockage d’énergie),
Volants magnétiques,
Barrages hydrauliques (énergie potentielle),
Bobines supraconductrices à basse et haute température,
Etc.
La fig. 19 représente les énergies transitoires et impulsionnelles
actuellement disponibles en fonction du temps de décharge.
Il est à noter que les moyens de stockage ont, en dehors de leur
rendement non unitaire, un coût en termes d’investissement et de poids
qui peut être prohibitif lorsque l’on désire une source autonome
d’énergie. Par exemple les accumulateurs classiques du type
accumulateurs au plomb sont coûteux et lourds puisqu’ils
n’emmagasinent que 0,1 kilowattheure par kg (3,6 105 joules). Ils sont,
aussi, volumineux. Nous verrons plus loin qu’il n’en est plus de même en
ce qui concerne le poids et le volume pour une nouvelle classe
d’accumulateurs à base de lithium.
En ce qui concerne l’hydrogène (H2), il est rare dans la nature sous
la forme H2 et doit donc être considéré comme un vecteur d’énergie car il
est nécessaire de fabriquer la molécule de dihydrogène, à partir de
l’électrolyse de l’eau par exemple (réf. 24).
56
Fig. 19 Energies transitoires et impulsionnelles disponibles
en fonction du temps de décharge (Source Amiet/DGA)
Voici maintenant quelques chiffres pour donner une idée des capacités de
stockage actuels :
Un bassin d’accumulation électrique a une capacité énergétique de
l’ordre de 5 gigawattheures (18 106 mégajoules),
La production horaire d’une centrale nucléaire est de 1 giga
wattheure (3,6 106 mégajoules),
Un grand ensemble de batteries peut accumuler jusqu'à 14
mégawatheures d’énergie électrique (5 104 mégajoules),
Une bobine supraconductrice d’une capacité de 100 kilowattheures
(360 mégajoules) est en projet.
Ces ordres de grandeur d’énergie sont à comparer à l’énergie
nécessaire par unité de surface pour détruire un missile en vol au moyen
d’un laser de grand puissance continu : Les experts militaires estiment
que l’énergie minimale nécessaire et de l’ordre de 1 mégajoules/m2 sur la
cible pour un missile « non durci » et un ordre de grandeur de plus pour
un missile « durci » (réf. 29 - 30) (voir Ch.3).
57
Les applications exigeant un stockage d’énergie par des systèmes
facilement transportables (systèmes nomades) se développent rapidement
telle la propulsion des véhicules électriques (réf. 31) : voiture (réf. 32),
bateau, avion, systèmes électroniques, lasers de grande puissance
embarqués. Une attention particulière est donc portée actuellement aux
recherches sur les accumulateurs de grande puissance, les piles à
combustible et les condensateurs et supercondensateurs de grande
capacité de stockage d’énergie. Ci-après est résumée la situation actuelle
de ces systèmes de stockage d’énergie.
ACCUMULATEURS.
Les accumulateurs font appel à une technologie de stockage de
l’énergie par un moyen électrochimique. Ce sont des systèmes fermés,
par opposition aux piles à combustibles qui sont présentées au
paragraphe suivant. Ils restituent, sous forme d’énergie électrique,
l’énergie chimique générée par des réactions électrochimiques. Un
accumulateur, quelle que soit la technologie utilisée, est pour l’essentiel
défini par quatre grandeurs :
Sa densité d’énergie massique (ou énergie spécifique) qui
correspond à la quantité d’énergie stockée par unité de masse
d’accumulateur,
Sa densité d’énergie volumique, qui correspond à la quantité
d’énergie stockée par unité de volume d’accumulateur,
Sa densité de puissance massique qui représente la puissance que
peut délivrer l’unité de masse d’accumulateur,
Sa cyclabilité, en nombre de cycles, qui caractérise la durée de vie
de l’accumulateur c’est à dire le nombre de fois où l’on peut
restituer le même niveau d’énergie après chaque nouvelle charge.
Les accumulateurs présentent plusieurs avantages, notamment
pour l’alimentation d’un système d’armes à énergie dirigée:
L’autonomie,
La disponibilité,
La souplesse,
58
La discrétion.
Cependant ils présentent aussi des inconvénients :
Une Relativement faible énergie stockée par unité de masse et de
volume,
Un coût élevé,
Une relativement faible puissance disponible,
Une limitation dans le nombre de cycles utiles.
Il existe différents types d’accumulateurs depuis l’accumulateur au
plomb que l’on trouve dans nos automobiles jusqu'à la dernière
génération d’accumulateurs lithium-ion et lithium–ion-polymère en
passant par l’accumulateur Nickel-Métal-hydrure (réf. 24). Le tableau de
la fig. 20 montre les performances de ces types d’accumulateurs.
Type
Plomb/acide
Ni-Cd
Ni/MH
Ni/Zn
Li-ion
Li-Po
Li-PO4
Lithium métal
polymère (LMP)
Li-Air
Energie massique
(Wh/kg)
30 -50
45 - 80
60-110
70 -80
90-180
100 -130
120 -140
110
Energie
volumique (Wh/l)
75 - 120
80 - 150
220 - 330
120 - 140
220-400
?
190 - 220
110
Puissance en
pointe (W/kg)
700
?
900
1 000
1500
250
800
320
1000-2500
?
200
Fig. 20 Performances de différents types d’accumulateurs : plomb-acide,
Nickel- métal-hydrure, lithium-ion, lithium-ion-polymère, etc.
La commercialisation des accumulateurs au lithium qui ont,
actuellement, une capacité de stockage de l’ordre de 150 wattheures par
kg, soit environ 4 fois plus que celles au plomb, permet d’augmenter très
sensiblement l’autonomie des systèmes électriques industriels et
militaires. Les perspectives de ce type d’accumulateur en plein
développement sont très encourageantes, notamment en ce qui concerne
59
les performances potentielles des accumulateurs Lithium –air, dont la
capacité de stockage pourrait être supérieure à 1000 wattheures par kg.
La recherche est particulièrement active sur les accumulateurs à base de
lithium.
Il existe maintenant des batteries d’accumulateurs transportables
d’une puissance de plusieurs centaines de kilowatts (réf. 33). Il est
envisagé de mettre sur le marché des automobiles électriques équipées
d’accumulateurs au lithium ayant une autonomie de 200 km. Une société
américaine développe un prototype de bolide électrique, le roadster
Tesla, capable de rivaliser avec une Ferrari. Il a une vitesse de pointe de
200 km/h et son moteur, qui développe une puissance de 190 kW, est
alimenté par d’un ensemble de 6881 petites batteries au Lithium-ion
pesant en tout 450 kg. L’autonomie annoncée est de 370 km.
Des accumulateurs au lithium-ion sont embarqués sur des satellites
depuis plusieurs années. Des démonstrations de vols d’avions à
propulsion électrique équipés de batteries au lithium associées à des
générateurs photovoltaïques ont eu lieu très récemment. Il est prévu
d’équiper le drone sous-marin autonome expérimental REDERMOR de
la marine française d’une batterie d’accumulateurs lithium Ion Saft de
260 volts pour alimenter les propulseurs et l’électronique embarquée.
Cette batterie assurera jusqu'à cinq heures d’autonomie.
Enfin, un laser solide de grande puissance embarqué sur un aéronef
et alimenté par des batteries d’accumulateur au lithium, elles-mêmes
chargées par un groupe électrogène, est en cours de test (réf. 34) (voir
également ch.7). La fig. 21 montre une batterie d’accumulateurs Lithiumion de grande puissance et de grande énergie stockée de la société
française Saft anciennement société des piles Leclanché.
60
Fig. 21 Batterie d’accumulateurs Lithium - ion de grande puissance
et de grande énergie stockée (Crédit Saft 2011).
PILES A COMBUSTIBLE
Une pile à combustible est, comme un accumulateur, un vecteur
d’énergie et non pas une source d’énergie. C’est un moyen
électrochimique de stockage de l’énergie électrique. Dans une pile à
combustible, qui, contrairement à l’accumulateur, est un système ouvert,
la fabrication de l’électricité se fait grâce à l’oxydation sur une électrode
d’un combustible réducteur, par exemple l’hydrogène, couplée à la
réduction sur l’autre électrode d’un oxydant tel que l’oxygène de l’air. Le
principe est l’inverse de l’électrolyse de l’eau. Ici les réactifs sont
apportés de l’extérieur au fur et à mesure des besoins de la pile. Dans ce
système de stockage, il est ainsi possible de dissocier la fonction
puissance de la fonction énergie ce qui représente un avantage essentiel.
Deux autres avantages sont de produire de l’eau non polluante et de
posséder un rendement énergétique très élevé qui peut dépasser 70 %. Il
est à remarquer que du fait de la complexité du système et de l’usage de
métaux rares pour les électrodes, le coût d’une pile à combustible reste
élevé.
Une des difficultés majeures réside dans l’approvisionnement en
dihydrogène H2 qui n’existe sur terre en grande quantité que combiné à
61
l’oxygène sous la forme H2O (eau) ou H2S (soufre) et associé au carbone.
Le dihydrogène lui-même n’est donc pas une source d’énergie mais un
vecteur d’énergie.
Deux types de piles à combustible sont commercialisés :
La pile utilisant directement de l’hydrogène, stocké sous haute
pression ou liquéfié,
La pile utilisant du méthanol qui va libérer de l’hydrogène.
Le tableau de la fig. 22 montre les performances de différentes
piles à combustible
Type
Alcaline
Electrolyte
Potasse (liquide)
Acide polymère
Polymère (solide)
Acide
phosphorique
Carbone fondu
Acide phosphorique
(liquide)
Sel fondu (liquide)
Oxyde solide
Céramique (solide)
Utilisation
Transports, Espace,
(1-100 kW)
Transports, Stationnaire,
portable (10 mW - 250
KW)
Stationnaire
(200 kW-10 MW)
Stationnaire
(200 kW – 10 MW)
Transports, Stationnaire
(1 kW – 1 MW)
Fig. 22 Performances de différentes piles à combustible.
On observe que les puissances délivrées par ce système de stockage
d’énergie sous forme électrique peuvent être très importantes, ce qui est
un grand avantage. La puissance massique du cœur de pile est de l’ordre
de 500 watts par kg pour une pile à membrane type PEMFC utilisée
actuellement dans les applications aux transports (réf. 24). Dans des
installations industrielles, des systèmes de plusieurs centaines de
kilowatts sont en service et des puissances de plusieurs dizaines de
mégawatts sont envisagées. Cependant, un inconvénient, pour les
applications militaires, est la nécessité de pièces mobiles pour
l’alimentation en combustible, ce qui réduit l’avantage de la discrétion.
Les applications de ce vecteur d’énergie sont importantes et variées.
62
Dans les domaines où une grande puissance est exigée, on peut citer
l’aéronautique et l’espace, l’armement, la propulsion de véhicules, etc.
CONDENSATEURS ET SUPERCONDENSATEURS
Un condensateur électrique est un composant électronique ou
électrique dont l’intérêt de base est de pouvoir recevoir et rendre une
charge électrique dont la valeur est proportionnelle à la tension. Il se
caractérise par sa capacité électrique et, pour les applications en régime
rapide, par sa self inductance qui va limiter le courant, donc la puissance
instantanée qu’il pourra délivrer. Il est constitué fondamentalement de
deux conducteurs électriques ou armatures, très proches l’une de l’autre
mais séparées par un isolant (diélectrique) (réf. 35). Il est chargé par une
alimentation continue connectée au secteur ou par un autre vecteur
d’énergie, comme nous le verrons au paragraphe suivant (2-5).
Un condensateur est utilisé principalement pour :
Stabiliser la tension d’une alimentation électrique,
Traiter des signaux périodiques en électronique,
Stocker de l’énergie qui sera délivrée ultérieurement sur une
charge.
Nous ne nous intéresserons ici qu’au stockage d’énergie, et plus
particulièrement aux condensateurs et supercondensateurs à haute
tension, de nombreuses sources d’énergie dirigée de puissance étant
alimentées au moyen de ce type de vecteur d’énergie.
Les condensateurs utilisés pour le stockage de l’énergie à haute
tension sont non polarisés et de faible capacité C (nanofarad ou
microfarad). Ils sont essentiellement de technologie mylar (grosses
capacités) ou céramique (faibles capacités). Les tensions de charge
peuvent atteindre 50 KV. Ils sont composés d’une enveloppe métallique,
ou bien en plastique pour ceux devant posséder une très faible
inductance.
L’énergie électrique Eel contenue dans un condensateur est :
Eel= 1/2 CV2
63
À titre d’exemple, un condensateur de 1 microfarad ( F) chargé à
un tension de 50 kV stockera une énergie Eel= 0,5 x 10 -6 x 5 x 104 x 5 x
104 = 1250 joules
Cette énergie peut être délivrée sur une charge en 100
nanosecondes (10-7 s) dans un circuit « rapide ». La puissance reçue par
la charge sera alors :
P el. crête = 1250 x 107 = 12,5 Gigawatts
Un condensateur à très haute tension et grande énergie permet donc
de stocker des milliers de joules. Assemblés dans des bancs de
condensateurs, ils peuvent stocker des mégajoules sous des dizaines de
kilovolts. Les fig. 23 et 24 montrent, respectivement, un condensateur à
très haute tension et à faible inductance destiné à alimenter un laser
impulsionnel et un banc de condensateurs à très haute tension utilisé au
LULI (Ecole polytechnique).
Fig. 23 condensateur à très haute tension à faible inductance
(Source GAEP)
64
Fig. 24 Banc de condensateurs à très haute tension
(Crédit LULI/Ecole Polytechnique)
Les supercondensateurs sont des condensateurs particuliers, de
génération récente utilisant une technologie à double couche
électrochimique. Ils stockent relativement peu d’énergie (0,1 à 5
wattheures par kg) et ont une faible tenue en tension, mais ils ont une
énorme capacité qui peut dépasser la centaine de farads. De plus, ils
peuvent délivrer des puissances massiques très élevées (1 à 10 kW/kg)
car il n’y a pas de transfert d’électrons qui ajoute une résistance de
transfert aux chutes ohmiques. Ils présentent l’avantage de permettre un
nombre de cycles théoriquement infini. Le tableau de la fig. 25 présente
une comparaison des performances, en ordres de grandeur des batteries,
des piles à combustible, des condensateurs et des supercondensateurs.
65
Densité de
puissance
(W/kg)
Densité
d’énergie
(Wh/kg)
Batterie
Pile à
combustible
Condensateur
électrolytique
supercondensateur
150
120
100 000
1000 - 5000
50-1500
150 – 1500)
0,1
4-6
Fig. 25 Comparaison des performances des batteries, des piles à
combustible, des condensateurs et des supercondensateurs
(ordres de grandeur)
2-5 Mise en forme de l’énergie
Disposer d’un réservoir d’énergie ne suffit pas toujours, loin de là.
Pour l’alimentation en continu de systèmes, la mise en forme se limite en
général à la transformation de la source d’énergie primaire où de
l’énergie stockée, en source continue de courant et de tension, à une
valeur imposée par la charge. Cela s’effectue au moyen de
transformateurs de tension et de redresseurs de courant (réf. 36). Pour de
nombreuses applications cependant, il est nécessaire de mettre en forme
cette énergie stockée pour pouvoir l’utiliser (réf. 37). C’est
particulièrement le cas pour de nombreux lasers de grande puissance
pulsés répétitifs, comme nous le verrons au ch. 3, de faisceaux de
particules ou de générateurs de micro-ondes, comme nous l’avons vu au
ch. 1. Ces sources d’énergie nécessitent en effet des hautes tensions
pulsées et des courants très élevés pendant des temps très courts
(centaines de milliers de volts, dizaines de milliers d’ampères, dizaines
de nanosecondes).
Des dispositifs spécifiques de mise en forme de l’énergie sont
développés depuis la seconde guerre mondiale, notamment, initialement,
pour l’alimentation des radars et sont très largement utilisés actuellement
pour l’alimentation des lasers impulsionnels:
Commutateurs haute tension rapides,
Condensateurs à haute tension de grande énergie et lignes à retard,
66
Générateurs de Marx,
Transformateurs d’impulsion élévateurs de tension rapides.
Les spécificités de ces différents éléments de systèmes de mise en
forme de l’énergie permettant de délivrer des impulsions électriques de
grande puissance sont présentées ci-après.
2-5-1 Commutateurs à haute tension rapides
Un commutateur à haute tension rapide a pour rôle d’optimiser
l’amplification de la puissance électrique résultant d’un stockage lent
d’énergie et de sa restitution rapide (compression temporelle). Dans toute
technologie impulsionnelle on emmagasine donc une énergie, en général
dans un condensateur (ou une inductance) afin de l’appliquer à une
charge en un temps suffisamment court pour obtenir une grande
puissance (réf. 38). Le stockage capacitif est le mieux adapté à
l’excitation des milieux laser. La fig. 26 montre la variation de la
puissance en fonction de la durée de l’impulsion à énergie constante.
Fig. 26 Variation de la puissance en fonction de la durée de l’impulsion pour
une énergie constante.
La nécessité de disposer sur la charge simultanément de tensions
élevées, de forts courants et cela avec des temps de montée du courant
très courts et des taux de répétition élevés représente un cahier des charge
67
très difficile à satisfaire. On utilise différents types de commutateurs très
rapides soit à auto-déclenchement soit, le plus souvent déclenchés par un
signal extérieur :
Les éclateurs,
Les thyratrons,
Les ignitrons,
Les commutateurs magnétiques,
Les commutateurs à semi-conducteurs.
Les éclateurs
Il existe des éclateurs à gaz, à solides ou à liquides, mais la
technologie la plus utilisée pour les très grandes puissances
impulsionnelles est celle des éclateurs à gaz pressurisés constitués de 2
(cas non déclenché) ou trois électrodes lorsque le déclenchement est
commandé au moyen d’une troisième électrode (réf. 37 - 38). Quel que
soit le mode de déclenchement, le commutateur se ferme et le
condensateur se décharge en un temps très court dans une charge, qui
peut être le milieu actif d’un laser, pour former une impulsion de tension
et de courant. Certains éclateurs permettent de commuter un courant de
100 000 ampères en quelques dizaines de nanosecondes pour une tension
de charge du condensateur de 50 KV. Le taux de répétition permis pour
ces éclateurs est cependant limité à quelques centaines d’hertz et les
électrodes ont tendance à s’éroder à très forte puissance.
Les thyratrons
Ce sont des tubes à gaz, en général de l’hydrogène, d’une grande
souplesse de fonctionnement tant en dynamique de tension qu’en courant
(réf. 39). Ils permettent des taux de répétition beaucoup plus élevés que
les éclateurs, mais ne permettent pas de commuter autant d’énergie que
ceux-ci. Ils ont l’avantage de n’avoir qu’une très faible fluctuation de
l’instant de commutation (jitter) (quelques nanosecondes) comparée aux
éclateurs. Ils comportent 3 électrodes (triode) ou plus (tétrode, pentode).
La cathode est en général chauffée au moyen d’un filament pour faciliter
l’extraction des électrons. Une grille de contrôle permet, au moyen d’une
impulsion de faible tension et de faible énergie de déclencher le passage
du courant dans le thyratron. Des thyratrons de grande puissance
68
permettent de commuter des dizaines de kiloampères jusqu’à une tension
de 100 kilovolts en des temps très courts (nanosecondes) mais ils sont
relativement volumineux. La puissance moyenne commutée peut
atteindre 1 mégawatt. Leur technologie, qui date, pour l’essentiel, des
années 1950, est très mature.
Les ignitrons
Ce sont des tubes dont la cathode est liquide. Cette cathode, ainsi
s’érode peu en comparaison avec les éclateurs et les thyratrons, ce qui
permet de transférer des charges importantes d’électricité (réf. 40). Ils
consistent en général en un grand réservoir en métal avec un lit de
mercure à la base. Une brève impulsion de tension appliquée à une
électrode de déclenchement crée un plasma de mercure électriquement
conducteur qui permet ainsi le passage de courant entre les deux
électrodes principales. Un des avantages des ignitrons est de beaucoup
mieux supporter sans dommage les inversions de courant que les
thyratrons et les semi-conducteurs. Ils peuvent commuter des centaines
de kiloampères et supporter des tensions jusqu'à 50 kilovolts mais le
taux de répétition permis est modeste et le temps de montée du courant
est relativement long.
Les commutateurs magnétiques
La commutation de courants très élevés provenant de
condensateurs à haute tension au moyen de commutateurs magnétiques
est souvent utilisée pour l’alimentation pulsée de sources à énergie
dirigée. Dans certains cas, ils remplacent avantageusement les éclateurs
et les thyratrons car ils ne possèdent pas d’électrodes pouvant se
détériorer et leur durée de vie est illimitée. Ils sont notamment utilisés
dans certains types de lasers à excimères à haut rendement en régime
d’impulsions longues (réf. 41).
Un commutateur magnétique consiste en un inducteur placé sur un
noyau en matériau ferromagnétique. Le principe de ce type de
commutateur fait appel à la saturation de l’inductance du matériau
magnétique par une impulsion de courant extérieure. Tant que le noyau
n’est pas saturé, l’inductance du commutateur est très élevée et celui-ci
constitue alors un isolant en régime transitoire. Après saturation du noyau
69
l’inductance devient très faible et un courant très élevé peut être transmis
à la charge (réf. 42). Ce type de commutateur permet de transférer, à
partir de condensateurs haute tension, des énergie supérieures à 100 kJ
pendant une milliseconde et des dizaines de joules en quelques dizaines
de nanosecondes en utilisant du matériau magnétique du type ferrite.
Les commutateurs à semi-conducteurs
Les semi-conducteurs sont, aujourd’hui largement utilisés pour
réaliser la fonction de commutation : transistors, thyristors, IGBT
(insulated gate bipolar transistor), MOSFET de puissance (metal oxide
semiconductor field effect transistor). On doit noter que ces composants
semi-conducteurs peuvent présenter des claquages locaux irréversibles et
que leurs performances sont parfois insuffisantes pour les très fortes
puissances. La principale limitation de la technologie ses semiconducteurs est qu’ils présentent des jonctions sensibles aux champs
électriques ou aux courants élevés. Cette fragilité a fait évoluer la
technologie des semi-conducteurs dédiés aux fortes puissances vers le
matriçage des composants : la mise en parallèle permet de transférer des
courants plus importants tandis que la mise en série permet des tenues en
tension plus élevées. Actuellement on peut commuter des courants de
plusieurs dizaines de milliers d’ampères à des tensions de charge de
plusieurs dizaines de milliers de volts avec de tels composants qui ont
l’avantage d’être très compacts. Leur domaine privilégié est,
actuellement, les applications à front lent pour les fortes énergies et à
front rapide pour les faibles énergies.
2-5-2 Décharge des condensateurs haute tension de
grande énergie et des lignes à retard
Un moyen très simple de transférer, en régime impulsionnel, des
énergies et des puissances électriques élevées à une charge est d’utiliser
un condensateur. Celui-ci constitue un réservoir d’énergie qui est chargé
lentement au moyen d’une alimentation haute tension continue, ellemême alimentée par le réseau électrique en 220 V alternatifs. Un
70
commutateur rapide, éclateur, thyratron, etc., connecte le condensateur à
la charge dans laquelle l’énergie doit être transférée. Le courant de
décharge est soit en décroissance exponentielle lorsque que la charge est
résistive au-dessus d’une certaine valeur de la résistance dépendant de la
valeur de la capacité du condensateur, soit oscillante dans le cas contraire
ou lorsque la charge est inductive. La fig. 27 représente un circuit type
de décharge de condensateur.
Fig. 27 Circuit type de décharge de condensateur,
Pour un grand nombre d’applications, le profil du courant délivré
sur la charge par un circuit pulsé haute tension de grande puissance,
comprenant un simple condensateur associé à un commutateur, n’est pas
satisfaisant. C’est le cas de nombreuses sources d’énergie dirigée qui
nécessitent pour fonctionner de façon optimale des générateurs
électriques délivrant des impulsions de courant d’intensité constante
(créneaux de courant et de tension). Des circuits spécifiques de mise en
forme d’impulsion appelés lignes à retard (Pulse Forming Network ou
PFN en anglais) ont été développés dans ce but (réf. 43).
Un PFN de grande puissance est constitué d’un ensemble de
condensateurs à très haute tension de grande énergie stockée placés en
parallèle et reliés entre eux par une inductance. Ils forment ainsi une
ligne de transmission artificielle. Le PFN est associé à un commutateur
rapide haute tension qui permet de délivrer l’énergie stockée à la charge.
Comme dans le cas d’un simple condensateur, le PFN est chargé
relativement lentement au moyen d’un générateur haute tension continu.
71
Lorsque le commutateur est déclenché, le circuit délivre des impulsions
relativement rectangulaires de courte durée.
2-5-3 Générateurs de Marx
Le générateur de Marx est un type de circuit électrique destiné à
produire des impulsions de très haute tension (des centaines de KV et
même beaucoup plus dans certaines applications) de forme relativement
rectangulaire, à partir de tensions de charge plus faibles (typiquement 30
à 50 KV. Ce dispositif associe des condensateurs, des résistances et des
commutateurs, le plus souvent des éclateurs (réf. 37 - 38).
La production de l’impulsion haute tension comprend deux phases :
Dans un premier temps on charge en parallèle, au moyen d’une
alimentation haute tension continue, N condensateurs à une tension
donnée Vc,
Dans un deuxième temps on déclenche le commutateur placé le
plus près de l’alimentation continue, ce qui entraîne, en cascade, la
fermeture des autres commutateurs. La tension appliquée à la
charge sera alors voisine de N x Vc.
Le générateur de Marx est largement utilisé lorsque l’on doit
disposer d’impulsions de tensions supérieures à 50 KV (lasers, sources de
rayons X, etc. Le système est alors placé dans une cuve remplie d’huile
de transformateur pour assurer son isolement électrique.
2-5-4 Transformateurs d’impulsion élévateurs de
tension rapides
Un transformateur est un système qui transfère de l’énergie
électrique d’un circuit à un autre au moyen d’un couplage inductif de
conducteurs électriques. Une variation de courant dans le premier circuit
(le primaire) crée un champ magnétique induit. Ce champ magnétique
induit lui- même une variation de tension dans le circuit secondaire.
Lorsque le circuit secondaire est connecté à une charge un courant circule
dans le transformateur permettant ainsi un transfert de l’énergie d’un
circuit dans l’autre. La tension aux bornes du circuit secondaire V s est
reliée à celle aux bornes du primaire VP par la relation :
72
VS/VP = NS/NP
Où NS et NP sont, respectivement, le nombre de tours de
conducteur dans les circuits secondaire et primaire.
Il existe de nombreux types de transformateurs. Dans les
dispositifs impulsionnels on emploie très fréquemment un type
particulier appelé transformateur d’impulsion de puissance (réf. 44 - 45).
Un transformateur d’impulsion est un transformateur optimisé pour
transmettre des impulsions de courte durée (jusqu'à quelques dizaines de
nanosecondes). Il permet également d’augmenter très fortement la
tension sur la charge et de transmettre de puissances très élevées, pouvant
atteindre des mégawatts et plus. Afin d’améliorer le couplage on utilise
des matériaux magnétiques (réf. 41). Pour les transformateurs rapides de
grande puissance on utilise des ferrites ou du metglass qui sont des
matériaux dont l’inductance peut être saturée très rapidement.
Un des avantages des transformateurs d’impulsion est leur
possibilité de fonctionnement à haute cadence (milliers d’Hertz) et très
haute tension (des centaines de kilovolts et plus). Nous aurons l’occasion
d’évoquer de nouveau ces étages de mise en forme par la suite.
73
74
CHAPITRE 3
Un peu de mécanique des fluides, ou
comment contrôler les paramètres d’un
faisceau laser de grande puissance
Un système laser destiné à être une arme à faisceau dirigé nécessite
d’optimiser la puissance de la source laser mais aussi de contrôler la
qualité du faisceau. Les caractéristiques du faisceau doivent être
optimisées à la sortie du laser, bien sûr, en agissant sur le milieu et les
miroirs de la cavité optique, mais également lors de sa propagation vers
une cible. Il est également nécessaire de détecter la cible, de bien viser
pour l’atteindre, y compris à très grande distance, de maintenir le
faisceau sur la cible, au même endroit de préférence. Il est également
nécessaire d’estimer l’effet du faisceau sur la cible, donc de connaître la
physique de l’interaction laser – matériaux, et de vérifier que la cible a
bien été neutralisée. Ce sont des problèmes qui, chacun pris
individuellement, sont essentiels. Enfin il faut faire fonctionner tout cela
ensemble, ce qui représente une grande difficulté supplémentaire. Ces
problèmes sont abordés successivement dans le présent chapitre.
3-1 Comment évacuer la chaleur ?
La physique et la technologie des lasers de grande puissance ou de
grande énergie ont fait des progrès considérables depuis l’invention du
laser en 1960. Cependant ils sont tous soumis à différentes limitations :
source d’énergie d’alimentation, gestion de la chaleur produite par le
rendement non unitaire du laser, poids, dimensions, rendement, stabilité
et transmission du faisceau, etc. La plus fondamentale de ces limitations,
du point de vue puissance continue ou moyenne élevée, est dans
l’élimination de l’énergie qui n’a pas été transformée en rayonnement par
75
suite du rendement non unitaire des processus laser. Ce rendement est en
effet, en général, inférieur à 10%.
Cette énergie pourra apparaître sous forme d’excitation d’états
métastables de m’atomes ou de molécules vis-à-vis du rayonnement qui
par leur population pourra limiter l’inversion de population. Elle pourra
également apparaître sous forme de chaleur (élévation de la température
du milieu) ce qui généralement limitera l’inversion de population et le
gain. Enfin le milieu pourra devenir hétérogène si l’énergie spécifique
injectée est trop élevée ou répartie de façon non homogène. Ces
phénomènes pourront aller jusqu’à faire cesser l’émission laser. C’est
bien ce qui a été observé pour les premières générations de lasers de
grande puissance. Il faut donc trouver un moyen efficace pour éliminer
ces produits et ces effets indésirables. Nous allons voir que le simple
expédient d’un écoulement à grande vitesse pour évacuer cette énergie du
milieu actif a permis de faire un bond en avant considérable dans le
domaine des lasers continus ou pulsés répétitifs de grande puissance.
Il existe actuellement plusieurs catégories de lasers de grande
puissance où un écoulement à grande vitesse est utilisé (réf. 5):
Les lasers gazdynamiques ou lasers thermiques,
Les lasers à décharge électrique et à écoulement,
Les lasers chimiques.
Il est à remarquer que pour les lasers à solide de grande puissance
où, par nature, le milieu actif ne peut pas être déplacé à grande vitesse
comme un gaz, on utilise un écoulement extérieur pour refroidir le milieu
actif. Nous reviendrons sur cet aspect du refroidissement des lasers
solides au ch. 4.
Faisons tout d’abord un bond en arrière vers les années 1960. À
cette époque les lasers se présentaient tous sous la forme d’un long tube
cylindrique (ou un barreau pour les lasers à solide) ayant un rapport
diamètre/longueur de l’ordre de l’angle de diffraction de façon à obtenir
des cavités optiques à faible nombre de Fresnel. Dans ces systèmes, les
atomes et les molécules dans des états métastables et, surtout la chaleur,
étaient enlevés du milieu actif par diffusion vers la paroi. La fig. 28
représente schématiquement le processus.
76
Fig. 28 Schéma du processus de refroidissement par diffusion
Ce processus se produit avec un temps caractéristique de diffusion
qui
est égal au carré du nombre de libre parcours moyens nécessaires
d
pour atteindre la paroi, multiplié par le temps moyen entre deux
collisions :
d
= (D/ lp)2
lp/
cd = D2/ ( lp.cd)
où lp est le libre parcours moyen et cd est la vitesse moyenne des
particules diffusantes.
Considérons maintenant un écoulement tel qu’il est représenté
schématiquement fig. 29. Dans un tel système en écoulement à la vitesse
V, par contre, les métastables et la chaleur peuvent être évacués à la
vitesse à laquelle ils traversent un diamètre D. Le temps caractéristique
de ce processus appelé convection sera c avec : c = D/V.
Ainsi, pour un même volume actif et une même densité, le rapport
du potentiel en puissance d’un laser à écoulement et d’un laser contrôlé
par diffusion sera :
D2/( lp.cd)/(D/V)= D.V/( lp.cd) = (D/ lp).M
où M = V/cd est assimilable à un nombre de mach.
d
c=
77
Le rapport d c peut être très élevé, de l’ordre de 1000 à 100 000.
Pour des valeurs typiques d’un laser à gaz actuel il est d’environ 10 000).
Bien sûr, plus d est faible, mieux l’énergie calorifique est évacuée.
Nous voyons donc tout de suite le grand intérêt d’un écoulement à
vitesse élevée lorsque l’on souhaite réaliser un laser de grande puissance
moyenne.
Fig. 29 Schéma du processus de refroidissement par convection
3-2. Ou la mécanique des fluides peut faire bien
plus pour les lasers de grande puissance
que d’éliminer la chaleur
L’écoulement peut amener d’autres avantages que l’évacuation de
la chaleur et des produits de réaction :
Il peut par « figeage », dans une détente supersonique très rapide,
de l’énergie de certains niveaux, être l’agent essentiel de la mise
hors d’équilibre et de l’inversion de population (voir le ch. 4). Ce
sera le « gasdynamic laser » (GDL) découvert en 1969, puis les
autres lasers du même type qui ont suivi,
Il peut aussi permettre le mélange très rapide de 2 composants
gazeux par mélange de 2 écoulements supersoniques. Ces
composants vont ensuite réagir dans une réaction chimique
78
exothermique et ce seront les lasers chimiques à écoulement, les
seuls à pouvoir fonctionner en continu,
Enfin, il peut jouer un rôle, qui peut être essentiel pour certains
lasers, de système de refroidissement à très basse température (50 à
100 K), en faisant appel aux propriétés de la détente supersonique
adiabatique, méthode aisée bien connue des aérodynamiciens pour
refroidir fortement un gaz. Les lasers utilisant cette méthode de
refroidissement peuvent être excités électriquement (lasers
électriques à écoulement).
Remarquons que le seul refroidissement aérodynamique présente
un grand intérêt par lui-même, même dans des systèmes pulsés, par sa
facilité de mise en œuvre par rapport aux échangeurs thermiques
conventionnels.
Nous allons maintenant voir les trois grandes classes de lasers à
écoulement :
Les lasers gazdynamiques (gasdynamic lasers ou G.D.L. en
anglais), où l’inversion de population est produite par des méthodes
purement aérodynamiques,
Les lasers à décharge électrique à écoulement (electric discharge
laser où E.D.L en anglais) où l’inversion est produite par impact
électronique,
Les lasers chimiques à écoulement où l’inversion est produite par
des réactions chimiques.
LE « GASDYNAMIC » LASER (GDL)
Dans ce système les états excités constituant le niveau supérieur de
la transition laser (voir Ch. 1), sont peuplés par des processus thermiques
à l’équilibre thermodynamique, que ce soit par onde de choc, par
combustion ou par un moyen électrique (réf. 5), (réf. 46 - 47). Ces états
excités sont ensuite figés dans l’écoulement au moyen d’un processus de
détente aérodynamique adiabatique extrêmement rapide à vitesse
supersonique. Dans cette détente, la vitesse de refroidissement du gaz est
trop rapide pour que les processus cinétiques puissent suivre.
Simultanément, bien sûr, l’écoulement transporte l’énergie dégradée vers
l’aval de la cavité.
79
Les dispositifs utilisés initialement étaient très simples. L’inversion
de population était recherchée sur la transition vibrationnelle (001-100)
de la molécule CO2 dans son état électronique fondamental (voir au ch.3
la présentation détaillée du principe de ce laser).On utilise différentes
méthodes pour chauffer le mélange gazeux qui se présente généralement
dans les proportions 10 % CO2, 89 % N2 et 1% H20 ou 10 % CO2, 60 %
He et 30 % N2.
Le premier GDL, réalisé aux USA par Edward T. Gerry au
laboratoire de l’AVCO à Everett dans la banlieue de Boston utilisait un
tunnel à choc (réf. 46 - 47). Il s’agit d’un dispositif qui permet de
disposer pendant quelques millisecondes d’un gaz à haute température
(quelques milliers de degrés C) et haute pression (quelques dizaines
d’atmosphères) et de le détendre au moyen d’une tuyère supersonique. La
détente se produit après ouverture très rapide de la cloison séparant une
partie amont à haute pression d’une partie aval sous vide. La fig. 30
montre un schéma de principe du dispositif ainsi que l’évolution de
l’énergie dans le milieu et des populations des états vibrationnels du CO2
au cours de la détente. Dans un tel système, les premiers niveaux
vibrationnels 001 et 100 du CO2 ont leur population « figée » de façon
sensiblement égale par la détente et lorsque l’on utilise du CO2 pur, on
n’a généralement pas d’inversion de population. On ajoute de la vapeur
d’eau ou de l’hélium qui ont la propriété de désactiver sélectivement par
collisions le niveau inférieur CO2 (100) de la transition.
80
Fig. 30 Principe du laser GDL
Voici maintenant une anecdote montrant les aléas de la recherche
expérimentale et l’importance de la chance pour un chercheur. Jack
Wilson, un des collaborateurs de T. Gerry et coinventeur du laser gaz
dynamique en 1969 a fait, au début des années 1970, un long séjour dans
l’Equipe Nouveaux Lasers de l’Institut de Mécanique des Fluides de
Marseille (IMFM) que j’animais avec Bernard Forestier. Nous
entreprenions à cette époque des recherches sur le GDL (réf. 22). Jack
Wilson m’a raconté que, lors de ses premières expériences, Gerry utilisait
un vieux tunnel à choc dont l’étanchéité vis-à-vis de l’air laissait
beaucoup à désirer et un mélange de CO2 et de N2 comme le
recommandait la théorie très sommaire établie à l’AVCO. Il obtint avec
ce dispositif immédiatement l’effet laser à 10,6 micromètres. Il décida
alors de construire un nouveau tunnel à choc beaucoup plus étanche et là
il n’arrivait pas à faire ‘laser’ le dispositif’ avec le même mélange
CO2/N2. Gerry et ses collaborateurs mirent du temps avant de
comprendre que c’était la vapeur d’eau résiduelle présente en très faible
proportion dans le tunnel à choc qui assurait le dépeuplement du niveau
inférieur CO2 (001) de la transition laser. Il leur suffit de rajouter un peu
81
de vapeur d’eau dans le mélange CO2/N2 pour retrouver l’effet laser.
L’ajout d’hélium, plus commode et qui joue le même rôle, fut utilisé
ensuite. Gerry fut chanceux, bien sûr, mais son équipe de l’AVCO était
très experte dans les recherches sur les lasers de grande puissance à gaz
et comme le disait si justement Louis Pasteur :
«La chance sourit aux esprits préparés »
D’autre part, l’azote joue le rôle de réservoir d’énergie car son
premier niveau vibrationnellement excité (N2v=1) est en quasi résonance
(il a presque la même énergie) que le niveau supérieur (100) du CO2 et
son énergie est très rapidement transférée à ce niveau du CO2.
Ce type de laser CO2 a, pendant longtemps, détenu le record de
puissance laser en régime continu : 140 kilowatts obtenus à l’AVCO.
Plus tard un laser à combustion d’une puissance continue de 1 mégawatt
à 10,6 micromètres a été réalisé pour le Ministère de la Défense des
USA. Cependant ce type de laser, bien que très intéressant par la
puissance photonique continue délivrée, a un rendement global médiocre,
inférieur à 1%, et la longueur d’onde émise, dans l’infrarouge moyen,
pose de gros problèmes d’absorption par l’atmosphère. La principale
raison du faible rendement de ce laser CO2 à écoulement tient à son
principe. Dans la phase à l’équilibre tous les niveaux atomiques et
moléculaires emmagasinent de l’énergie dont une grande partie n’est pas
de l’énergie utile (énergie du niveau CO2 (001) et N2v=1 pour le laser
CO2). On a réussi à tourner partiellement cette difficulté en ne chauffant
que l’azote et en le mélangeant ensuite au gaz carbonique et à l’hélium au
niveau du col de la ou des tuyères. Cette méthode permet d’améliorer
nettement le rendement de ce laser mais on est alors confronté à d’autres
problèmes liés aux inhomogénéités induites par le mélange, problème
que l’on retrouvera du reste dans les lasers chimiques (voir ch. 4).
Sur le plan technique, on se trouve confronté dans les GDL à des
problèmes dus à la structure des tuyères nécessaires à une détente
supersonique très rapide (col des tuyères de 0,3 à 0,5 mm de hauteur). On
utilise plusieurs types de structures qui sont présentées Fig. 31.
A SUIVRE…
82