PME cherche repreneur. Urgent!

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PME cherche repreneur. Urgent!
30 % des entreprises européennes changeront de mains d'ici 10 ans. Cause principale : le
papy-boom
PME cherche repreneur. Urgent !
Va-t-on vers un détricotage du tissu des PME ? La question inquiète. En cause : le départ à la
retraite des chefs d'entreprise issus du baby-boom. Pour la Commission européenne, 30 %
d'entre elles devront changer de mains d'ici 10 ans. Pour les acteurs de terrain, les avis
divergent. Une certitude tout de même : la transmission reste négligée.
2002. La Commission européenne publie un rapport sur la transmission des petites et
moyennes entreprises. Il est rédigé par des experts de 12 Etats membres. Une phrase fait
mouche. «On peut estimer qu'environ un tiers des entreprises seront transmises dans les dix
prochaines années (entre 25 % à 40 % en fonction de l'Etat membre). Cela correspond à une
moyenne annuelle d'environ 610.000 transmissions de PME en Europe.»
Depuis lors, on peut parler d'un syndrome des «30 %». Dans les milieux économiques ou
politiques, ce chiffre revient comme un leitmotiv. La transmission d'entreprises apparaît
comme une mesure à soutenir. Alors que, jusque-là, les efforts portaient surtout sur la création
d'activités.
Cruel manque de statistiques
En Belgique, il n'existe aucun chiffre qui permette de corroborer l'estimation européenne.
L'INS ne recense que le nombre d'entreprises (687.762 assujettis à la TVA, dont 317.981
sociétés et 369.781 indépendants), les faillites et les cessations d'activités. Au cabinet de la
ministre des Classes moyennes Sabine Laruelle, on reconnaît la carence et on compte sur la
création prochaine d'un «observatoire des PME» pour la combler.
Restent alors les perceptions sur le terrain. La tendance globale est à valider ces chiffres
européens. «Le vieillissement touche aussi les dirigeants d'entreprise. Vu que le tissu
économique - wallon, en particulier - possède beaucoup de PME, il est logique de penser que
l'on se dirige vers une augmentation du nombre des cessions. Les 30 % ne semblent pas
exagérés», affirme Dominique Michel, le secrétaire fédéral d'Agoria.
Du côté de la Sowalfin, la société publique qui aide au financement des PME en Région
wallonne, on constate que ce chiffre correspond avec le nombre de garanties bancaires
octroyées. «En 2004, la Sowalfin a accordé pour euro 35 millions de garanties. 37 % d'entre
elles l'ont été pour des transmissions», explique Nicolas Pirotte, conseiller.
Dans les chambres de commerce et les régionales de l'UCM, certains perçoivent une hausse
des cessions ; d'autres non. «De plus en plus de personnes viennent nous voir pour de telles
questions, témoigne Dominique Dethy, responsable à l'UCM Namur. Toutefois, il est
impossible de dire si c'est parce que l'effet de génération joue. Ou si c'est parce que la
transmission entre peu à peu dans les habitudes (Ndlr : auparavant, beaucoup de commerçants
ne pensaient pas à céder leurs activités en fin de carrière). Ou encore si c'est parce que nous
avons ouvert un service en ce domaine.»
Le papy-boom n'est pas visible partout
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Ailleurs, les sentiments sont carrément mitigés. «Nous ne voyons pas d'augmentation du
nombre de PME à remettre. Au contraire, en Wallonie, les petites entreprises saines et
transmissibles se feraient même rares. Le marché est en crise», estime Didier Goormans,
associé gérant du bureau Intercession à Waterloo. Pour lui, il s'agit d'un sujet «tarte à la
crème». «Tout le monde s'intéresse subitement à la transmission, alors que cela a toujours
existé. Mais le problème de fond est ailleurs. Il y a un manque de création, de dynamisme et
de soutien à la base. Les PME d'une certaine envergure manquent. Certaines ont déjà
disparu.» Du côté flamand, la situation est différente. Les offres de cession y sont stables.
Une explication à cette absence de visibilité du papy-boom est sans doute qu'une série
d'entrepreneurs retardent leur départ à la pension. Cela lisserait alors les conséquences tant
redoutées. «Il ne faut pas croire que cette question va se poser du jour au lendemain»,
témoigne Olivier Wauthelet, conseiller à la Chambre de commerce de Namur. Parce que des
cessions se font sans qu'on le voit ou que cela pose problème. Parce que des entreprises
disparaissent et sont remplacées par d'autres. Parce que les cessions se font via une foule
d'intervenants, ce qui rend difficile la perception d'une tendance d'ensemble.
Et puis, la situation entre les PME, les TPE (Très Petites Entreprises) et les commerces n'est
pas comparable. «Les PME de plus de 20 personnes au chiffre d'affaires élevé ne connaissent
pas de problème de transmission, explique Didier Van Caillie, professeur à l'ULg et directeur
du Centre d'étude de la performance des entreprises. Elles trouvent très rapidement preneurs.
Par contre, ce n'est pas le cas pour des TPE de 3 à 4 personnes, dont la situation financière
n'est pas excellente. Or, ces sociétés n'en disposent pas moins d'un savoir-faire et d'emplois.»
TPE wallonnes en danger
Certains sont convaincus que l'on se trouve, ici, devant un défi. C'est le cas de Michel Foucart,
60 ans, patron d'un groupe de PME (Technord) et spécialiste de la question pour l'UWE. Il a
établi ses chiffres sur base de statistiques des tribunaux de commerce et de recoupement avec
des études belges et étrangères. Selon lui, en Région wallonne, ce sont près de 1.200 PME et
TPE qui disparaissent chaque année à cause d'une transition manquante ou défaillante.
Facture en termes d'emploi : entre 6.000 et 8.000 personnes ! Le papy-boom n'est pas seul en
cause. Et d'en appeler à un «plan d'urgence». Michel Foucart préconise deux mesures. «Un :
déclencher un déclic psychologique chez les patrons, car ils n'ont toujours pas le réflexe de
préparer leur succession. Deux : créer les conditions d'une transmission efficace par bassin
socio-économique. Cela veut dire regrouper les intervenants sur le terrain, procurer un
accompagnement aux repreneurs, agir localement...» Le professeur Didier Van Caillie en
ajoute une troisième : développer de nouveaux soutiens fiscaux. «On ne va pas encore assez
loin en termes d'ingénierie fiscale qui soit adaptée à cette situation.»
Un constat général que partage Philippe Fievez, ancien cadre dans une multinationale et
nouveau propriétaire d'une PME industrielle (New Abraco). «Il existe en Wallonie toute une
série de petits ateliers, dont les dirigeants arrivent à l'âge de la retraite. Ils comptent 2 ou 3
personnes et sont actifs dans des métiers spécialisés. Le risque existe de les voir disparaître.»
Mais d'insister aussi sur la chance que constitue une cession. «Cela donne un nouveau
souffle.»
Jean-Christophe de Wasseige
Article paru dans le Trends Tendances du : 16-06-2005
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