Le Sida : une maladie et des malades

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Le Sida : une maladie et des malades
« Jamais on n’a fait autant pour une épidémie et jamais il n’est resté autant à
faire » déclarait Peter Piot, directeur de l’Onusida, en août dernier à
l’occasion de la 16ème conférence mondiale sur le Sida qui se tenait à
Toronto. De fait, toutes les six secondes et demie, une nouvelle personne est
contaminée. Et en 25 ans, ce sont 65 millions de personnes qui ont été
infectées.
Cependant, depuis 1996, date de l’arrivée des trithérapies dans les pays
développés, le quotidien des personnes infectées par le virus de
l’immunodéficience humaine (VIH) a été bouleversé. Certes pas d’espoir de
guérison, mais un allongement considérable de l’espérance de vie. Si la
maladie a changé de visage, le regard et les comportements aussi. Mais pas
toujours dans le bon sens. Ainsi, les plus récentes enquêtes en population
générale, dites KABP pour "Knowledge, Attitudes, Beliefs and Practices",
mettent−elles en évidence une régression des comportements de prévention,
surtout chez les jeunes, et une détérioration de l’image du préservatif
entraînant une diminution de son utilisation*.
Dans ce dossier consacré au Sida, Inserm Actualités a voulu traiter des
questions de société autour de cette maladie. Et notamment en se
questionnant sur la vie d’une personne infectée grâce à la très complète
étude Vespa menée en 2003 avec le soutien de l’ANRS, l’Agence nationale
de recherche sur le Sida. Quelles sont les conditions de vie des personnes
séropositives ? Qui sont−elles ? Quelles sont leurs difficultés vis−à−vis de
l’insertion sociale et professionnelle ? Comment mènent−elles leur vie
sexuelle et affective ? Les adolescents nés avec le virus sont aussi au cœur
de notre dossier (voir Les effets dévastateurs du Sida sur les enfants) ; ainsi
que les associations dont la combativité a toujours été exemplaire (voir « Ne
pas faire pour … mais avec... », un entretien avec Christian Saout, Président
de l’association AIDES).
Nous avons également voulu mettre en avant des recherches menées dans
les pays du sud par des équipes de l’Inserm. Comme celle dirigée par
Jean−Paul Moatti, unité 379, qui outre, une implication dans les enquêtes
sociologiques, modélise l’effet du SIDA dans les pays en développement au
niveau macro−économique (voir Sida et économie en Afrique). D’après leurs
travaux, les chercheurs prédisent que l’économie entière de certains pays
africains pourrait bénéficier de l’accès généralisé aux traitements
antirétroviraux.
Nous présentons également un rappel historique de l’épidémie au regard des
récents résultats de chercheurs de l’IRD, l’Institut de Recherche pour le
Développement (voir Quel est le réservoir naturel du virus du Sida ?) Enfin,
parce que le virus, s’il est contrôlé, n’est pas éradiqué des organismes des
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personnes infectées, nous faisons un bilan des essais thérapeutiques en
cours menés par l’ANRS (voir Pour une amélioration des traitements). Ces
essais concernent l’évaluation de nouvelles molécules issues des
laboratoires pharmaceutiques. Ces nouvelles molécules sont de fait
primordiales pour tous ceux, 5 % des malades, qui sont en échec
thérapeutique aujourd’hui. Mais il y a aussi une volonté d’améliorer les
traitements actuels en limitant les complications, comme les lipodystrophies
et l’ostéoporose, liées aux traitements eux−mêmes. Enfin, l’immunothérapie
thérapeutique est présentée comme une voie de recherche prometteuse.
Quant au vaccin préventif, qui vise à protéger des personnes non atteintes en
stimulant leur système immunitaire, il fera l’objet de nouveaux essais après le
recrutement de volontaires qui a lieu actuellement avec une campagne
auprès du grand public.
* Beltzer N et al., Les connaissances, attitudes, croyances et comportements
face au VIH/sida enFrance, Evolutions 1992−1994−1998−2001−2004, ORS
Ile−de−France, novembre 2005
La rédaction d'Inserm Actualités et l'ANRS
• Le Sida : une maladie et des malades
• Quel est le réservoir naturel du virus du Sida?
• La vie d’une personne infectée
• "Ne pas faire pour ... mais avec"
• Les effets dévastateurs du Sida sur les enfants
• Sida et économie en Afrique
• Pour une amélioration des traitements
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Chimpanzé (Pan t.
troglodytes)
Crédit photo : Michel
St−Jalme, Museum National
d'Histoire Naturelle
Quel est le réservoir naturel du virus du Sida ?
Vingt−cinq ans après les premiers cas dans la communauté homosexuelle
californienne, le virus du Sida, responsable de plus de 25 millions de morts, a
atteint 40 millions de personnes à travers le monde et a laissé 15 millions
d’orphelins. Bilan catastrophique d’une maladie planétaire. Et vingt−cinq ans
après, les soupçons sur le réservoir naturel du virus de l’immunodéficience
humaine (VIH) se sont transformés en certitudes.
La découverte de la maladie
En 1980, Michael Gottlieb, médecin à l’Hôpital universitaire de Los Angeles,
s’interroge devant trois malades homosexuels présentant des signes
cliniques proches : amaigrissement, mycose, fièvre, candida buccal et
pneumonie. Une particularité est commune : leur formule sanguine contient
une quantité anormalement basse de lymphocytes T4. En mai 1981, le
dossier médical de ces trois patients, alors décédés, est envoyé au Center of
Disease Control d'Atlanta. Après l’annonce dans les hôpitaux du pays, trente
et un autres cas sont recensés dans les deux semaines. Un mois plus, tard,
le premier malade français est détecté à Paris, à l'Hôpital Claude Bernard. Et
fin 1981, les Américains appellent AIDS (Acquired Immuno Deficiency
Syndrome) cette nouvelle affection, qui se transmet par voie sexuelle et
sanguine et qui ne touche pas seulement les homosexuels d’après les
premières études.
Mai 1983, l’équipe du professeur Luc Montagnier isole le virus responsable
du Sida et le nomme LAV pour Lymphadenopathy Associated Virus.
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Pour accéder à l’article de l’équipe de Luc Montagnier :
Barre−Sinoussi F, Chermann JC, Rey F, Nugeyre MT, Chamaret S, Gruest J,
Dauguet C, Axler−Blin C, Vezinet−Brun F, Rouzioux C, Rozenbaum W,
Montagnier L. Isolation of a T−lymphotropic retrovirus from a patient at risk for
acquired immune deficiency syndrome (AIDS). Science 1983 May 20 ; 220
(4599) : 868−71.
L’hypothèse des singes
Alors qu’en 1985 un deuxième virus est retrouvé dans l’espèce humaine, le
VIH 2, des macaques aux Etats−Unis développent une maladie ressemblant
au Sida. Des chercheurs découvrent rapidement que le mangabé est le
porteur sain du SIVsmm, qui est à l’origine de l'infection chez les macaques
et aussi à l’origine du HIV 2. Suite à des transmissions accidentelles du
SIVsmm par des mangabés enfumés originaires d'Afrique de l'Ouest captifs,
les macaques rhésus ont contracté le virus, devenu pathogène en changeant
d’hôte. Alors, la communauté scientifique avance l’hypothèse que le VIH 1
proviendrait aussi des singes. « En 1988, on a découvert le premier
chimpanzé positif au Gabon. C’était un animal domestiqué infecté dans la
nature » se souvient Martine Peeters. Ce nouveau virus, baptisé SIVcpz, est
très proche génétiquement du VIH−1. Et pendant des années, les
observations de séropositivité ont été faites sur des chimpanzés en captivité,
originaires du bassin du Congo, naturellement infectés et ne présentant pas
de symptômes ; seulement un nombre limite de chimpanzés ont été identifiés.
Pas d’indices sur l’existence du réservoir naturel du virus simien donc du VIH.
Martine Peeters et Eric Delaporte, chercheurs à l’Institut de Recherche pour
le Développement (IRD) se sont donc attachés à l’étude de la prévalence du
virus chez les chimpanzés sauvages. Pendant, quatre ans, par périodes de
deux ou trois semaines, ils se sont rendus dans dix sites de la forêt tropicale
profonde du sud du Cameroun, où plusieurs communautés de chimpanzés
sauvages, une espèce en voie de disparition, vivent. Là−bas, ils ont collecté
599 échantillons de fèces de différentes communautés de chimpanzés dans
lesquelles le virus SIVcpz était pressenti très répandu. Le lien entre les
excréments et le virus ? « Nous avons trouvé une méthode pour ne pas
déranger les singes » explique Martine Peeters. De fait, en laboratoire, les
chercheurs ont analysé l’ADN mitochondrial, pour confirmer l’espèce de
singe, contenant aussi les empreintes génétiques individuelles, et recherché
les anticorps anti SIVcpz et la présence d’acide nucléique viral. Le
séquençage de l’ARN viral présent dans les échantillons positifs, − 34 issus
de seize chimpanzés (7 mâles et 9 femelles) − a mis en évidence seize
souches de SIV cpz extrêmement proches des virus VIH 1. Les arbres
phylogénétiques établis à partir de ces nouvelles données ont permis de
définir le réservoir naturel du virus. Résultat publié le 25 mai 2006 dans
Science, le VIH 1 trouve son origine dans la transmission inter−espèce du
SIV cpz du chimpanzé Pan Troglodytes qui vit au sud du Cameroun. Plus
précisément, il s’agit du réservoir des souches M et N du VIH 1. Cependant,
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le réservoir du troisième groupe de VIH 1 infectant l’homme, le groupe O,
demeurait alors non identifié.
Une transmission entre chimpanzés et gorilles
L’énigme du réservoir de la souche O a été levée quelques mois après la
découverte de celui des souches M et N. En effet, avec la même méthode
originale de prélèvement des excréments, la même équipe a trouvé trois
échantillons contaminés appartenant à des gorilles. « Nous nous attendions à
ce que les gorilles soient porteurs d’un SIV. En revanche, ce qui nous a
beaucoup surpris, c’est que le SIV du gorille appartient à la même famille que
celui du chimpanzé » explique Martine Peeters qui reprend « Le chimpanzé a
dû transmettre son virus au gorille. Ces animaux partagent les mêmes zones,
mangent les mêmes fruits et feuilles. Pourtant les primatologues n’ont jamais
observé de bagarre entre ces deux espèces.»
« Le virus sort de la forêt »
Quant à la transmission singe homme, elle s’est sûrement produite il y a très
longtemps, probablement au contact du sang des singes pendant la chasse.
Mais avec la multiplication des échanges entre les villes devenues
mégalopoles et les villages reculés, les personnes infectées ne sont plus
restées isolées. Et un autre mouvement de population, inverse, a contribué à
ces échanges : des industries forestières et minières se sont installées dans
des zones reculées. Dans ces conditions, « un virus peut sortir de la forêt »
résume Martine Peeters. La chercheuse travaille toujours aujourd’hui sur les
singes infectés (il existe une trentaine d’espèces contaminées par un SIV). Il
s’agit de comprendre pourquoi certains virus simiens ne s’adaptent pas à
l’homme et aussi de mettre en place des tests détectant tous les SIV, pas
seulement ceux à l’origine des VIH 1 et 2.
Pour aller plus loin :
Van Heuverswyn F, Li Y, Neel C, Bailes E, Keele BF, Liu W, Loul S, Butel C,
Liegeois F, Bienvenue Y, Ngolle EM, Sharp PM, Shaw GM, Delaporte E,
Hahn BH, Peeters M. Human immunodeficiency viruses: SIV infection in wild
gorillas. Nature 2006 Nov 9 ; 444 (7116) : 164.
Keele BF, Van Heuverswyn F, Li Y, Bailes E, Takehisa J, Santiago ML,
Bibollet−Ruche F, Chen Y, Wain LV, Liegeois F, Loul S, Ngole EM,
Bienvenue Y, Delaporte E, Brookfield JF, Sharp PM, Shaw GM, Peeters M,
Hahn BH. Chimpanzee reservoirs of pandemic and nonpandemic HIV−1.
Science 2006 Jul 28 ; 313 (5786) : 523−6.
Jonathan L. Heeney, Angus G. Dalgleish, Robin A. Weiss. Origins of HIV and
the Evolution of Resistance to AIDS. Science 2006 Jul 28 ; 313 : 462−466.
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Marine Cygler
• Le Sida : une maladie et des malades
• Quel est le réservoir naturel du virus du Sida?
• La vie d’une personne infectée
• "Ne pas faire pour ... mais avec"
• Les effets dévastateurs du Sida sur les enfants
• Sida et économie en Afrique
• Pour une amélioration des traitements
Le Sida en chiffres
38,6 millions de personnes infectées par le VIH dans le monde
4,1 millions de personnes nouvellement infectées en 2005
1,65 millions de personnes sous thérapie antivirale
8 000 morts par jour
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En "Une", extrait d'une oeuvre
de Keith Haring (1958−1990)
La vie d’une personne infectée
Pour la première fois, une enquête menée en France métropolitaine et dans
les départements d’Outre−mer a permis d’appréhender de façon précise sur
un échantillon représentatif le retentissement de l’infection VIH sur la vie
quotidienne des personnes atteintes dans l’ensemble de ses dimensions
sociales et personnelles. Cette enquête Vespa pour « VIH : enquête sur les
personnes atteintes », a été réalisée à l’initiative de l’ANRS. « C’est une
première car jusqu’à la mise en place de Vespa les rares données
sociologiques étaient recueillies dans des cohortes, donc avec des patients et
des médecins volontaires et motivés. Nous avions donc des résultats biaisés
» explique Bruno Spire chercheur dans l’unité 379 qui a réalisé l’étude
conjointement avec l’unité 687 de l’Inserm.
C’est donc par tirage au sort que les hôpitaux puis les patients suivis en
consultation externe ont été tirés au sort pour avoir une image fidèle des
divers groupes de patients qui vivent aujourd’hui avec le VIH : homosexuels
masculins, migrants, usagers de drogues, population des départements
français d’Amérique ; personnes diagnostiquées depuis plus de 15 ans ou qui
font partie des nouvelles générations infectées et dépistées depuis la mise au
point des nouvelles thérapies antirétrovirales ; pris en charge dans des
grands centres universitaires ou dans des hôpitaux généraux, dans les
métropoles ou les villes moyennes. Cette étude doit contribuer à améliorer la
prise en charge sociale dans le contexte d’une maladie qui frappe des adultes
jeunes (âgés aujourd’hui d’un peu plus de 40 ans) et les astreint à un
traitement à vie qui doit être étroitement surveillé. Au mois de janvier, un
supplément de la revue AIDS est consacré aux résultats de l’étude Vespa.
Inégalités dans la réponse au traitement
Parmi les personnes qui reçoivent une multithérapie antirétrovirale, l’efficacité
du traitement en termes immuno−virologique et clinique apparait moins
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élevée parmi les migrants que parmi les autres, et ce même en tenant
compte des différences concernant les déterminants clinico−biologiques
établis de la réponse au traitement entre les différents sous−groupes de
patients. L’échantillon de l’enquête Vespa, constitué spécifiquement de
manière à représenter au mieux la diversité des personnes infectées par le
VIH en France, permet ainsi de mettre en évidence une hétérogénéité dans la
réponse au traitement qui est probablement difficile à observer dans le cadre
d’études de cohorte ou d’essais cliniques du fait du processus de sélection
des patients acceptant de participer à ce type d’études. Une telle
hétérogénéité résulte probablement de différences liées aux conditions de vie
et aux caractéristiques socio−culturelles plutôt qu’à des différences raciales
ou ethniques dans la réponse au traitement. En effet, les conditions de vie
particulièrement précaires des migrants pourraient influencer la réponse au
traitement par le biais de différents mécanismes incluant une faible
observance, une comorbidité élevée, une prise en charge insuffisante ou un
faible niveau de soutien social. Le faible niveau d’instruction des migrants
pourrait de plus constituer une barrière à l’accès aux soins, à un niveau élevé
de connaissances sur le VIH et à une bonne observance aux traitements. Les
caractéristiques culturelles ainsi que le niveau de stigma lié au VIH jouent
aussi probablement un rôle sur le comportement des personnels de santé, le
niveau d’observance, ainsi que sur la fréquence du maintien du secret sur le
statut VIH par les patients et donc sur le niveau de soutien social qu’ils
reçoivent.
Référence : Dray−Spira R, Spire B, Heard I, Lert F, and the VESPA Study
Group. Heterogeneous response to HAART across a diverse population of
people living with HIV: results from the ANRS−EN12−VESPA Study. AIDS.
2007;21(Suppl 1):S5−S12.
Observance
L'observance aux traitements est moins bonne parmi les personnes qui ont
des conditions de vie précaires, ou qui ont des problèmes d'addiction aux
opiacés ou à l'alcool, nombreux dans cette population. Mais l'observance est
aussi dégradée parmi les personnes qui ont subi des discriminations, ou dont
la séropositivité a été révélée à leurs proches malgré eux.
Peretti−Watel, P., Spire, B., Pierret, J., Lert, F., Obadia, Y., and the VESPA
Study Group (2006). Management of HIV−related stigma and adherence to
HAART: Evidence from a large representative sample of outpatients attending
French hospitals (ANRS−EN12−VESPA 2003). AIDS Care 18, 254−261.
Qualité de vie
La qualité de vie est correcte seulement pour la moitié des personnes
interrogées. Les personnes ayant une mauvaise qualité de vie sont les
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patients co−infectés avec le virus de l’hépatite C, les consommateurs
d’anxiolytiques et d’antidépresseurs, les populations en situation de précarité
financière, et les personnes qui ont subi des discriminations du fait de leur
infection par le VIH.
Preau M, Marcellin F, Carrieri MP, Lert F, Obadia Y, Spire B; the VESPA
Study Group. Health−related quality of life in French people living with HIV in
2003: results from the national ANRS−EN12−VESPA Study. AIDS 2007 Jan ;
21 Suppl 1 : S19−S27.
Emploi
Les données de l’enquête Vespa permettent d’estimer à 56,5% le taux
d’emploi des personnes séropositives en âge de travailler (âgées de moins
de 60 ans) en France, un taux qui apparaît significativement plus faible qu’au
sein de la population générale française de même âge, sexe, niveau
d’éducation et nationalité. Les analyses suggèrent que ce faible taux d’emploi
résulte probablement à la fois d’une fréquence élevée de perte d’emploi
parmi les personnes qui avaient un emploi au moment du diagnostic de
séropositivité et d’un faible accès ou retour à l’emploi au cours de la maladie.
Ces phénomènes de perte et d’accès à l’emploi apparaissent liés non
seulement aux caractéristiques socioprofessionnelles des personnes, mais
aussi, de façon indépendante, aux caractéristiques de leur état de santé.
Ainsi, les résultats suggèrent que malgré les progrès majeurs survenus dans
la prise en charge de l’infection par le VIH au cours de la dernière décennie,
la maladie constitue par elle−même, encore aujourd’hui, un handicap
vis−à−vis de l’activité professionnelle. Outre les conséquences fonctionnelles
de la maladie, les discriminations liées au VIH dans l’emploi et le manque
d’adaptation des conditions de travail pour les personnes malades pourraient
jouer un rôle sur le risque de perte ou d’accès à l’emploi parmi les personnes
séropositives. De plus, le fait de bénéficier d’un revenu de compensation du
handicap lié à la maladie (type Allocation Adulte Handicapé) semble
constituer un frein à l’accès ou au retour à l’emploi parmi les personnes
séropositives, à l’instar de ce qui est observé dans d’autres populations.
Références :
− Dray−Spira R, Lert F, and the VESPA Study Group. Living and working
with HIV in France in 2003: results from the ANRS−EN12−VESPA Study.
AIDS. 2007;21(Suppl 1):S29−36.
− Dray−Spira R, Gueguen A, Ravaud J, Lert F, and the VESPA Study
Group. Decreased workforce participation among persons living with
HIV/AIDS in France in the era of highly active antiretroviral therapy:
differences according to socioeconomic status. Am J Public Health.
2007;97(3). In Press.
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Vie sexuelle
Chez les personnes vivant avec le VIH, l’enquête a révélé une absence de
vie sexuelle pour certains (17 % des enquêtés sont seuls et n’ont pas de
relations sexuelles depuis plus d’un an) mais aussi une proportion élevée de
personnes ayant plusieurs partenaires dans l’année, proportion plus élevée
qu’en population générale.
Parmi les personnes en couple avec un partenaire non infecté, les prises de
risque sont importantes en particulier chez les hétérosexuels. En effet, parmi
des couples hétérosexuels dans lesquels c'est l'homme qui est infecté 26 %
reconnaissent avoir eu des rapports non protégés au cours de l'année
précédente, et 34% lorsque c'est la femme qui est VIH+. Dans les couples
homosexuels, ce taux est seulement de 16%. Les résultats montrent que les
caractéristiques médicales, et en particulier une charge virale indétectable,
n'influent pas sur la prise de risque au sein du couple. Dans les couples
hétérosexuels la précarité financière est associée à la fois à plus de
comportements à risque sexuel mais aussi à la non−observance au
traitement antirétroviral ce qui n’est pas le cas chez les homosexuels où la
non−révélation du statut à son partenaire joue un rôle important. Chez les
homosexuels masculins, ne pas se protéger avec des partenaires
occasionnels est lié à une mauvaise qualité de vie.
Une constat étonnant : 30 % des enquêtés sexuellement actifs ignorent
l’existence du traitement post−exposition, à prendre en urgence, en cas
d’exposition accidentelle, notamment par rupture du préservatif.
Bouhnik AD, Preau M, Lert F, Peretti−Watel P, Schiltz MA, Obadia Y, Spire B;
the VESPA Study Group. Unsafe sex in regular partnerships among
heterosexual persons living with HIV: evidence from a large representative
sample of individuals attending outpatients services in France
(ANRS−EN12−VESPA Study). AIDS 2007 Jan ; 21 Suppl 1 : S57−S62.
Rey D, Bouhnik AD, Peretti−Watel P, Obadia Y, Spire B,; the VESPA Study
Group.Awareness of non−occupational HIV postexposureprophylaxis among
French people living with HIV:the need for better targeting. AIDS 2007 Jan ;
21 Suppl 1 : S71−S76.
Bouhnik, A. D., Preau, M., Schiltz, M. A., Peretti−Watel, P., Obadia, Y., Lert,
F., and Spire, B. Unsafe Sex With Casual Partners and Quality of Life Among
HIV−Infected Gay Men: Evidence From a Large Representative Sample of
Outpatients Attending French Hospitals (ANRS−EN12−VESPA). J Acquir
Immune Defic Synd. 2006, 15 497−603.
Peretti−Watel, P., Spire, B., Schiltz, M. A., Bouhnik, A. D., Heard, I., Lert, F.,
and Obadia, Y. Vulnerability, unsafe sex and non−adherence to HAART:
Evidence from a large sample of French HIV/AIDS outpatients. Soc Sci Med
2006 62, 2420−2433.
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Désir d’enfant
A l’heure où les traitements antirétroviraux permettent un contrôle efficace de
l’infection VIH tant chez les parents potentiels vivant avec le VIH que de la
transmission du virus de la mère à l’enfant, la question d’avoir des enfants en
bonne santé que l’on pourra élever se pose.
Les données de l’enquête Vespa montrent que chez des personnes vivant
avec le VIH, l’infection ayant souvent été diagnostiquée autour de ou dans la
trentaine, une femme sur trois et un homme sur cinq ont rapporté désirer
avoir des enfants dans le futur. Les déterminants classiques d’un désir
d’enfant comme l’âge, le fait d’être déjà parent, d’être dans une relation de
couple régulière ont été retrouvés. Le degré de sévérité la maladie n’était
associé au projet parental ni chez les hommes ni chez les femmes. Par
contre, les parents potentiels sont plus susceptibles de s’engager dans un
projet parental si au moins l’un d’eux n’est pas infecté.
Heard I, Sitta R, Lert F; the VESPA Study Group. Reproductive choice in men
and women living with HIV: evidence from a large representative sample of
outpatients attending French hospitals (ANRS−EN12−VESPA Study). AIDS
2007 Jan ; 21 Suppl 1 : S77−S82.
Discrimination
Aux Antilles et en Guyane, près d’une personne sur trois (30 %) n’a révélé
son infection par le VIH à personne en dehors de l’hôpital contre 5 % en
métropole. La révélation quand elle existe est très sélective, souvent tardive.
Le secret est particulièrement marqué parmi les malades haïtiens. Cette
situation qui se traduit par l’isolement des personnes atteintes est à mettre en
relation avec un moindre niveau de connaissance sur le sida et le VIH et à
une tolérance moindre vis−à−vis des personnes atteintes dans ces régions
qui appelle à renforcer les actions de communication publique et l’implication
des institutions locales.
Bouillon K, Lert F, Sitta R, Schmaus A, Spire B, Dray−Spira R. Factors
correlated with disclosure in the French Antilles and French Guiana: results
from the ANRS−EN−13VESPA DFA study. AIDS 2007 Jan ; 21 Suppl 1 :
S89−S94
Pour aller plus loin :
Lert F, Obadia Y, et l'équipe de l'enquête VESPA, Comment vit−on en France
avec le VIH/sida ? Pop et Sociétés 2004(406).
Colloque francophone sur les sondages 2005
L'ENQUÊTE VESPA/ANRS 2003 : ENQUÊTER A L’HÔPITAL
Les coauteurs des publications sur l'enquête VESPA, Unité de France Lert
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• Le Sida : une maladie et des malades
• Quel est le réservoir naturel du virus du Sida?
• La vie d’une personne infectée
• "Ne pas faire pour ... mais avec"
• Les effets dévastateurs du Sida sur les enfants
• Sida et économie en Afrique
• Pour une amélioration des traitements
Quelques chiffres
43 % des personnes atteintes habitent en Ile de France
15 % habitent la région Provence Alpes Côte d’Azur
Plus de sept cas sur dix sont des hommes
18 % des personnes séropositives sont des étrangers
55 % des immigrés atteints sont nés en Afrique subsaharienne
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« Ne pas faire pour … mais avec » Christian Saout,
Président de l'association AIDES
Créée en 1984 et reconnue d’utilité publique en 1990, AIDES est la première
association française de lutte contre le Sida. Dès son origine, l’objectif de
l’association a été de réunir les personnes touchées directement ou
indirectement par le Sida afin de leur permettre de s’organiser face à ce fléau.
• AIDES est présent dans 80 villes de France,
• AIDES soutient les personnes infectées et affectées par le VIH/Sida,
• AIDES informe les personnes les plus vulnérables face au Sida,
• AIDES alerte les pouvoirs publics sur les défaillances du système de soins,
• AIDES mobilise des centaines de volontaires pour que le sida reste une
priorité de santé publique,
• AIDES s’investit dans la recherche à l’international, est membre de deux
boards internationaux en apportant une expertise de terrain. AIDES est
également impliquée dans les Actions Concertées de l’ANRS,
• AIDES s’implique dans le plaidoyer national sur la place de la France dans
le financement de la recherche,
• AIDES va s’engager dans les deux ans à venir sur la recherche sociale,
pour caler des initiatives innovantes,
• AIDES continuera de se battre sur la santé communautaire, la santé par les
groupes concernés.
Un long chemin a été parcouru pour l’association en 22 ans ; qu’y a−t−il
d’important à dire pour AIDES en cette fin d’année 2006 ?
« Il y a 3 choses importantes à souligner :
1/ On a globalement gagné la bataille des traitements : dans un pays du Nord
comme le nôtre et grâce à une couverture socialisée, les traitements sont
largement accessibles. Il reste encore des difficultés en terme de traitements
au long cours, d’effets secondaires, et pour des personnes qui sont en échec
ou en difficultés thérapeutiques.
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2/ Concernant la prévention, cela est moins clair. On a réussi à cantonner
l’épidémie mais à un niveau trop élevé. 6 000 à 7 000 contaminations par an
mais la France, lanterne rouge de l’Union européenne, reste sur un plateau
de contamination qui ne baisse pas depuis dix ans, plateau qui reste −
j’insiste – à un niveau trop élevé.
3/ L’acceptabilité sociale des personnes séropositives est en panne. Et cela
est le grand défi des années à venir. On peut se demander à quoi a servi le
militantisme en 22 ans. On se trouve dans une situation paradoxale : les
traitements sont arrivés avec de vraies perspectives de vie, c'est−à−dire
qu’aujourd’hui comme cela s’est passé aux Etats Généraux il y a un mois, on
peut souhaiter longue vie à des personnes séropositives : c’est formidable
mais en parallèle de cette quantité de vie possible, quelle est la qualité de vie
? Dans le silence, dans l’extrême difficulté voire l’impossibilité de dire que l’on
est une personne séropositive, d’où la campagne de sensibilisation que nous
avons démarrée en octobre dernier qui trouve ici toute sa justification.
Dans l’enquête « AIDES et toi » de l’an passé, nous avons bien constaté que
les gens craignent d’être stigmatisés ou discriminés successivement dans la
société, dans le travail, dans leur groupe d’amis, dans leur famille et dans leur
couple. Et c’est aussi cela qui fait le lit de la contamination. Si on ne peut pas
dire dans son couple, que l’on est séropositif(ve), il est certain qu’il n’y aura
pas de protection possible. Cette situation sidérante n’est pas sans rappeler
celle où nous trouvions face au cancer il y a 40 ou 50 ans ; c’était une «
chape de plomb » épouvantable, et encore on ne se trouvait pas face à une
maladie par transmission sexuelle. Il y avait quelque chose liée à la fatalité
dans le cancer.
Le combat des années à venir est celui de l’acceptabilité des personnes
séropositives. Il faut que cela puisse être dit non pas comme si c’était un fait
banal, parce que cela ne l’est pas mais que ce soit accepté comme pour
n’importe quelle autre maladie.
Ce qui a probablement changé dans l’épidémie à VIH, c’est que comme dans
toutes les épidémies, elle a commencé par une sorte de pointe élevée qui a
concerné tout le monde et au fur et à mesure que l’on a réussi à traiter, ce
sont les plus pauvres, les plus discréminés, les plus vulnérables car éloignés
du système de soins qui sont devenus les victimes de cette épidémie.
Aujourd’hui, le Sida reste une épidémie de la vulnérabilité, avec une énorme
difficulté à en parler.
Ceux qui parlaient de la contamination par le VIH il y a vingt ans,
souvenez−vous de Jean Paul Aron, faisaient la couverture du Nouvel
Observateur (« Mon Sida » Nouvel Observateur n° 1199 du 30 octobre 1987)
; aujourd’hui les personnes contaminés ne vont pas se révéler dans le
système médiatique. Aux Etats−Unis, il y a des gens célèbres qui témoignent
de leur séropositivité. En France, ceux qui ont un capital de notoriété et qui
sont séropositifs gardent le silence, alors que beaucoup de personnes
auraient besoin de leur témoignage et se sentiraient soutenus si elles
parlaient en leur nom. Le poids moral est très fort. La honte et la peur du
20
Inserm−Actualités
jugement pèsent encore ; et pourtant quand on discute avec des personnes
séropositives, elles ne vous racontent pas des histoires de mauvaise vie mais
des histoires de vie tout simplement. Il y a aussi des histoires
épidémiologiques. Quand vous regardez la communauté gay qui n’a par
construction de relations sexuelles qu’à l’intérieur de ce groupe, il existe un
haut niveau de prévalence.
Le taux de prévalence de la population hétérosexuelle migrante est
également élevé, surtout pour les femmes. Les femmes migrantes sont
terriblement vulnérables, déjà parce que toutes les femmes sont plus
sensibles au VIH que les hommes, et aussi pour des raisons sociales : elles
ne peuvent pas toujours se payer une prévention à 2 euros par le Fémidom et
ensuite elles sont dans des rapports de genre qui ne leur permettent pas
d’imposer la prévention à des hommes qui n’en veulent pas. Ces femmes
cumulent des facteurs de vulnérabilité.
L’épidémie aujourd’hui « s’hétérosexualise » mais surtout se féminise et
touche plus les populations de femmes d’origine étrangère. La seconde
bataille à engager aujourd’hui est celle du droit des femmes à avoir une
relation sexuelle non contaminante, une bataille de liberté comme celle des
années 70 du droit des femmes à disposer librement d’elles−mêmes avec la
contraception et l’avortement. Mais cela ne sera pas facilement gagné,
sûrement pas avec le préservatif à 0,20 euros mais avec le Fémidom à un
prix abordable ou remboursé par la sécurité sociale, ce qui met cet outil de
prévention dans la catégorie des médicaments, ce qui n'est pas idéal.
Beaucoup de femmes peuvent déjà avoir accès au Fémidom dans les
réseaux comme AIDES, le planning familial ou dans les PMI. On arrivera
probablement à résoudre le problème de prévention quand on disposera d’un
troisième outil, qui seront les microbicides. Mais il faudra encore attendre
au−moins cinq ans : on en est aux premiers tests et bien loin du produit fini.
La bataille de la prévention sera gagnée quand les gens auront le choix dans
les outils de prévention, car aujourd’hui on reste avec un mono−outil : le
préservatif masculin. »
Propos recueillis par A.M. Drieux
Focus sur …
Le TRT−5
Le TRT−5 ? Peu connu du large public, ce sigle recouvre un groupe
d’associations de lutte contre le sida, Act−up Paris, Actions traitements,
AIDES, Arcat, Dessine moi un mouton, Nova dona, Sida info service et Sol
en si, réunies autour de la problématique des traitements et de la recherche
thérapeutique. « Le TRT−5 est une force indépendante pourvoyeuse
d’expertise » résume Bruno Spire, à la fois patient et chercheur à l’Inserm et
membre de ce collectif inter−associatif, qui explique « Usagers pour la plupart
du système de soin, nous avons une expertise sur le vécu des patients tout
en ayant des connaissances scientifiques ».
21
Inserm−Actualités
De fait, depuis 1992, le TRT−5 joue un rôle de médiateur entre les malades,
les autorités de santé et l’industrie pharmaceutique, c’est−à−dire ceux qui
créent et évaluent les traitements. Trois axes de travail occupent les réunions
du TRT−5. Le premier demeure l’accès précoce aux nouvelles molécules, en
insistant notamment sur les autorisations temporaires d’utilisation (ATU), pour
les patients en échec thérapeutique qui représentent une frange non
négligeable des malades, soit 5 %.
Largement évoqués lors d’une journée de colloque organisée par le TRT−5
au printemps 2005, les effets indésirables des traitements représentent le
deuxième axe d’action pour le groupe qui demande la mise en place à la fois
de cohortes observationnelles à long terme et d’essais cliniques pour traiter
les complications engendrées par les traitements. « Nous sommes là pour
stimuler les chercheurs en leur faisant part des doléances des malades.
Aujourd’hui, il nous paraît très important de développer des nouveaux
produits de comblement » insiste Bruno Spire qui se réjouit du
remboursement du New Fill, combat de longue haleine du TRT−5. Le dernier
axe de travail s’attelle au problème des co−infections VIH−hépatites, souvent
délaissées des protocoles cliniques.
Bruno Spire de conclure : « Nous oeuvrons à donner aux chercheurs un
message : les questions ne se posent plus en terme d’espérance de vie mais
de qualité de vie. Il ne s’agit plus seulement des CD4 et de la charge virale ».
Pour consulter, le compte rendu de la journée de réflexion scientifique « le
corps malmené par le VIH et les traitements »
Marine Cygler
• Le Sida : une maladie et des malades
• Quel est le réservoir naturel du virus du Sida?
• La vie d’une personne infectée
• "Ne pas faire pour ... mais avec"
• Les effets dévastateurs du Sida sur les enfants
• Sida et économie en Afrique
• Pour une amélioration des traitements
Est paru
"Vivre avec le VIH. Enquête de longue durée auprès des personnes
infectées" de Janine Pierret, Paris, PUF, Collection "Le lien social", novembre
2006, 232 pages
22
Inserm−Actualités
Le sida a fait resurgir les images des épidémies, la mort et la peur de l'Autre
dans un contexte d'incertitude médicale et d'impuissance thérapeutique
pendant quinze ans. S'il ne se guérit pas, il peut se traiter depuis 1996. En
France, des personnes ont vécu et lutté pour vivre avec le virus du sida avant
cette date.
L'expérience de la vie avec le VIH sur une longue durée est au coeur de cet
ouvrage. Il s'appuie sur un matériel unique et original d'entretiens répétés
entre 1990 et 2000 auprès de plus d'une centaine de personnes qui ont vécu
avec le virus au cours de cette période. L'étude approfondie de ces parcours
permet de distinguer trois grands types d'expériences vécues : la continuité,
le retournement et l'enfermement. L'analyse compréhensive apporte un
éclairage sur le sens que les personnes infectées donnent à une vie normale.
Janine Pierret est directrice de recherches en sociologie au CNRS, Unité
Inserm 750, Cermes. Elle a participé à la construction et au développement
de la sociologie de la médecine, de la maladie et de la santé en France.
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Les effets dévastateurs du Sida sur les enfants
Une seconde génération d'enfants, qui n'ont jamais connu un monde sans
VIH, est née. La permière génération a vu le jour au début des années 80.
Aujourd'hui, ce sont de jeunes adultes entre 20 et 25 ans, nés séropostifs.
Trithérapies, traitements lourds, effets secondaires importants, une histoire
personnelle lourde à porter... Si dans les pays du Nord, on a réussi très vite à
interrompre la transmission mère−enfant, la situation ailleurs dans le monde
reste critique. Peu de progrès ont été réalisés pour protéger les enfants des
effets de la maladie, dans leur vie quotidienne.
Les enfants n'ont été que récemment inclus dans les statistiques VIH et les
chiffres avancés par l'OMS sont alarmants :
• 1 enfant meurt du Sida dans le monde chaque minute,
• 2 à 3 millions d'enfants vivent avec le VIH,
• plus de 15 millions sont orphelins, dont 12 millions dans l'Afrique
subsaharienne,
• moins de 10% des enfants orphelins recoivent une aide publique. La
plupart d'entre eux vivent dans une extrême pauvreté et leur
vulnérabibilté n'en est qu'accrue,
• dans les pays en développement, moins de 5% d'enfants séropositifs
recoivent un traitement.
Le traumatisme psychologique reste inestimable.
Les enfants séropositifs, qu'ils aient été contaminés par leur mère ou lors
d'abus sexuels, ne parlent pas de ce qui leur arrive et ignorent tout du Sida.
Même en Europe, il est estimé que 35% seulement des enfants séropostifs
sont informés sur la maladie. Les parents qui redoutent une stigmatisation et
une grande détresse chez leurs enfants ont besoin d'une assistance
thérapeutique pour aborder tous les points liés à l'évolution de la maladie et la
gestion du quotidien.
Aujourd'hui, la souffrance et la détresse de ces millions d'enfants et
d'adolescents sans avenir commencent à semer le trouble dans la
conscience collective mondiale. Plusieurs groupes pharmaceutiques ont
annoncé récemment s'engager prioritairement dans la recherche et le
développement de traitements rétroviraux pédiatriques ainsi que des outils de
diagnostic. A la dernière conférence mondiale cette année, plusieurs
sessions ont mis en avant les effets dévastateurs du Sida chez les enfants.
Sans de gros efforts immédiats, encore plusieurs générations d'enfants
seront sacrifiées.
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A.M. Drieux
"Née séropositive, Sarah*, 20 ans née séropostive"
extraits d'un témoignage paru dans Nice Matin le 27/12/2006.
"Ma mère est morte du Sida quand j'avais 7 ans. A l'époque, je n'ai rien
compris, sauf que je devais aller vivre dans une famille d'accueil. Ce n'est
qu'à 12 ans que j'ai découvert que j'étais séropositive. Ca faisait déjà quelque
temps que je me demandais pourquoi je devais prendre des médicaments
tous les jours, pourquoi j'étais aussi souvent hospitalisée. Je me disais que
c'était grave, mais je me rassurais en me disant : "c'est pas le cancer puisque
je ne persd pas mes cheveux". Mais, au fond de moi, je savais. Un soir, à
table, j'ai regardé ma mère adoptive droit dans les yeux et je lui ai balancé :
J'ai le Sida, c'est ça?". Elle n'a rien répondu mais j'ai vu son sourire triste et
j'ai compris. ............ "
Laure Bruyas
• Le Sida : une maladie et des malades
• Quel est le réservoir naturel du virus du Sida?
• La vie d’une personne infectée
• "Ne pas faire pour ... mais avec"
• Les effets dévastateurs du Sida sur les enfants
• Sida et économie en Afrique
• Pour une amélioration des traitements
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Sida et économie en Afrique
L’équipe de Jean−Paul Moatti, unité Inserm 379, modélise l’effet du Sida
dans les pays en développement au niveau macro−économique. D’après
leurs travaux, les chercheurs prédisent que l’économie entière de certains
pays africains pourrait bénéficier de l’accès généralisé aux traitements
antirétroviraux.
Lorsqu’un choc atteint un pays dont le développement n’est pas acquis, il
peut affaiblir sinon renverser le processus de croissance. Des calculs
macro−économiques ont permis d’évaluer les conséquences du Sida sur
l’économie des pays en développement : un à deux points de croissance du
PIB (produit intérieur brut) sont perdus quand 10 % de la population est
contaminée. Le coût direct du Sida pour l’économie d’un pays est la réduction
de l’épargne, car l’argent est utilisé pour payer les traitements, entraînant une
diminution d’accumulation du capital. A court terme, le Sida est responsable
de la réduction de la masse de travailleurs. A plus long terme, l’impact
devient plus global : à la perte de capital humain s’accompagne le risque d’un
désinvestissement des entreprises étrangères.
« Généralement, les analyses coûts bénéfices se font au niveau du patient :
si ce dernier est traité, il pourra par la suite retravailler et ainsi autofinancer
son traitement » rappelle Bruno Ventelou (U379 et CNRS) qui poursuit «
Nous avons introduit une autre notion, celle du capital humain ». En finançant
l’accès aux soins, la durée de vie des malades est allongée ce qui augmente
le capital humain. Le capital humain ? C’est le transfert de connaissances et
de savoir faire au sein de la famille ou de l’entreprise. « Dans notre jargon
économique, on appelle cela un effet d’externalité positive : l’activité
individuelle d’une personne génère un gain de bien−être pour les autres »
explique le chercheur. Avec le Sida, le ménage n’a plus les moyens
d’envoyer les enfants à l’école et ceux−ci sont alors obligés de travailler. Or il
existe justement un moment où les transferts de connaissances sont plus ou
moins cruciaux pour le développement.
Jean−Paul Moatti, Bruno Ventelou et Yann Videau ont identifié quatre pays
africains, le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Cameroun et l’Angola, qui sont
justement dans cette phase fragile qui peut mener soit à une croissance très
forte soit à un maintien dans le sous−développement. Et Bruno Ventelou de
prendre un exemple pour préciser cette notion : « Le Brésil a très rapidement
fait bénéficier sa population de l’accès aux traitements antiviraux. Cependant,
même s’il ne l’avait pas fait, ce pays possédait déjà un bon profil de
croissance et un choc tel que le Sida aurait certes altéré son profil de
croissance mais ne l’aurait pas renversé ». Au contraire, pour les quatre pays
précédemment cités, le Sida peut avoir « un effet boule de neige », avec des
26
Inserm−Actualités
conséquences durables et extrêmes. C’est pourquoi les chercheurs plaident
pour une mise en place au plus vite de traitements à grande échelle, et non
pas seulement pour des populations très ciblées. Le rendement économique
de ce « scaling up » serait très positif : ces pays seraient en capacité
d’autofinancer la lutte contre la maladie en deux ou trois ans.
Pour amorcer le processus vertueux, un choc positif initial doit se produire. «
Pour le moment, ces pays n’ont pas les moyens d’initier la dépense. Il faut
donc qu’une aide extérieure amorce la pompe. Les mécanismes de
développement mis en place, il y aura un autofinancement des traitements
antirétroviraux et les pays occidentaux pourront se désengager » conclut
Bruno Ventelou.
D’autres économistes défendent un mécanisme déjà formulé par certains
historiens au sujet des effets économiques la peste au Moyen−âge. Selon
eux, la peste a eu un effet vertueux car le surplus agricole fut distribué à un
plus petit nombre de survivants, permettant la transformation de ce surplus
en un premier capital productif … Ainsi pour des économistes de l’Université
de Chicago (Alwyn Young), le Sida cause la mort du chef de famille dont la
femme doit alors travailler pour subvenir aux besoins domestiques. Elle aura
de ce fait moins d’enfants, ce qui aura, de même qu’en Europe au
Moyen−âge, un effet positif sur la croissance des pays touchés à grande
échelle par la maladie.
Ces travaux, réalisés au sein de l’unité dirigée par Jean−Paul Moatti, sont
financés par un programme « Avenir » de l’Inserm alloué à Bruno Ventelou
(sur la photo ci−dessous).
Pour aller plus loin :
Couderc N and Ventelou B. "AIDS, economic growth and epidemic trap in
Africa", Oxford Development Studies, 2005, vol. 33−3, pp 1−10.
Bruno Ventelou, Jean−Paul Moatti, Yann Videau, Michel Kazatchkine, "“Time
is costly”: Modelling the macro−economic impact of scaling up access to
antiretroviral treatment for HIV/AIDS in sub−Saharan Africa", working paper,
Inserm U379.
Focus sur …
27
Inserm−Actualités
Les travaux de Bertran Auvert
Coût−bénéfice de la circoncision pour la prévention de l’infection à VIH en
Afrique
Les résultats de l’essai randomisé de prévention sur l'effet protecteur de la
circoncision à Orange Farm (Afrique du sud), publiés en octobre 2005 par
Bertran Auvert (AP−HP, Inserm U 687, Université de Saint−Quentin) ont été
confirmés le 13 décembre 2006 par l’arrêt de 2 essais similaires financés par
le NIH en Ouganda et au Kenya. Les résultats d’Orange Farm avaient conclu
que la circoncision effectuée à l’âge adulte diminue de 60% le risque de
contamination par le VIH.
Bertran Auvert publie dans PLoS Medicine du 25/12/06, les résultats d’une
étude portant sur le coût−efficacité de la circoncision pour la prévention de
l’infection à VIH en Afrique. Cette étude montre que 1 000 circoncisions
pourraient éviter environ 300 infections dans les vingt années suivantes. Le
coût est de 180 dollars par infection VIH évitée et pour 1 000 circoncisions,
compte tenu du coût des traitements rétroviraux 2,4 millions de dollars
seraient alors économisés. Ces résultats sont les premiers à démontrer
l’efficacité et le coût−efficacité d’une méthode de prévention en Afrique,
continent le plus touché par l’épidémie VIH/Sida.
Dans un communiqué de presse de l'ANRS en date du13 décembre 2006,
Jean−François Delfraissy, Directeur de l’ANRS, parlait « d’une avancée
remarquable dans le domaine du VIH/sida ». puis d'ajouter : « Nous avons eu
depuis 25 ans trois percées majeures dans la lutte contre le sida :
l’identification du virus en 1983, la possibilité de réduire le risque de
transmission du VIH de la mère à l’enfant dès 1994, et les trithérapies en
1996. Il en existe dorénavant une quatrième grâce aux travaux français et
américains ».
Il est probable compte−tenu de ces résultats que l’ONU Sida en partenariat
avec l’OMS recommande aux gouvernements des pays potentiellement
bénéficaires de cette méthode de prévention de l’inscrire dans leurs plans
nationaux de prévention en complément des méthodes actuelles : réduction
des comportements à risque, utilisation du préservatif, dépistage, traitements
des IST… Les pays concernés représentent 1/3 de la population du continent
africain, et sont ceux qui ont la prévalence du VIH la plus élevée et la
prévalence de la circoncision la plus faible : Afrique du Sud, Lesotho,
28
Inserm−Actualités
Bostwana, Namibie, Zimbabwe, Ouganda, Swaziland, etc. Une étude parue
dans PLoS Medicine a d’ailleurs montré que la généralisation de la
circoncision dans ces pays permettrait d’éviter des millions d’infections dans
les deux prochaines décennies.
Marine Cygler et A. Marie Drieux
• Le Sida : une maladie et des malades
• Quel est le réservoir naturel du virus du Sida?
• La vie d’une personne infectée
• "Ne pas faire pour ... mais avec"
• Les effets dévastateurs du Sida sur les enfants
• Sida et économie en Afrique
• Pour une amélioration des traitements
Sida et professionnels de santé
Une étude américaine menée dans un district de Zambie révèle que le Sida
est un ennemi bien plus redoutable que la fuite des cerveaux en Afrique
subsaharienne. De fait, selon les calculs de Frank Feeley (Université de
Boston), si dans les dix prochaines années 23% des professionnels de santé
quitteront leur poste pour travailler à l'étranger, le Sida, lui, devrait emporter
37 % des infirmières et 70 % des officiers de santé.
Feeley F. Fight AIDS as well as the brain drain. Lancet 2006 Aug 5 ; 368
(9534) : 435−6
L'appel de MSF
L’association Médecins Sans Frontières dénonce l’indisponibilité et le coût
des nouveaux médicaments contre le Sida. Selon MSF, les nouvelles
directives de l’OMS qui recommandent l'utilisation de nouveaux traitements
innovants dans les pays en développement n’ont pas été suivies de véritable
stratégies pour en faciliter l’accès. Et pourtant, un plan de mise en œuvre est
primordial car les nouveaux traitements de première ligne recommandés par
l'OMS peuvent être jusqu'à six fois plus chers que les combinaisons les plus
utilisées aujourd'hui.
Remerciements de la rédaction
29
Inserm−Actualités
à toutes les personnes sollicitées pour la préparation de ce dossier
30
Inserm−Actualités
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Pour une amélioration des traitements
Aujourd’hui, le sida est mieux contrôlé dans les pays pouvant accéder aux
trithérapies. Ces dernières ont, en dix ans, radicalement changé le visage de
la maladie, passée de systématiquement mortelle à chronique. Cependant,
l’éradication complète du virus de l’organisme des patients infectés n’est pas
possible. Les traitements demeurent contraignants et, malgré une
amélioration, provoquent toujours des effets secondaires indésirables.
L’ANRS, Agence Nationale de Recherche sur le Sida, est promotrice de
nombreux essais thérapeutiques en France, en Afrique et en Asie du Sud
Est.
Essais concernant les complications du sida et des traitements
Certains essais thérapeutiques s’attellent à minimiser les complications de la
maladie. De fait, en plus du traitement antirétroviral, nombre de patients
nécessitent des traitements contre les maladies opportunistes. Le but de ces
essais ? Améliorer la prise en charge médicamenteuse des patients
séropositifs ou ayant déclaré le sida qui souffrent en plus d’une autre
maladie, comme la tuberculose ou la leuco−encéphalopathie multifocale
progressive (LEMP), affection cérébrale qui détruit progressivement la
myéline des neurones entraînant des séquelles très sévères. Les cancers
viro induits, comme le sarcome de Kaposi ou la maladie de Castelman, font
également l’objet d’investigations. D’autres essais en cours visent à évaluer
les traitements de patients avec une double infection VIH et virus de l’hépatite
B ou C. Une étude en cours de préparation évaluera la pertinence
d’augmenter les doses utilisées en mono infection des traitements de
l’hépatite C dans les cas de double infection.
La prise d’antirétroviraux induit parfois des complications qui doivent être
mieux appréhendées. Ainsi des efforts se poursuivent−ils pour limiter les
lipodystrophies : étude de médicaments reversant la fonte des graisses,
évaluation de produit de comblement et de traitements agissant sur le
métabolisme pour corriger l’accumulation de graisses au niveau du tronc et
du cou. Quant à l’ostéoporose, le défi est d’expliquer sa survenue : est−ce le
traitement lui−même qui la provoque ? Des facteurs associés au traitement,
comme des troubles hormonaux, pourraient−ils en être la cause ?
Essais sur les traitements eux−mêmes
D’autres essais continuent à évaluer de nouveaux traitements pour les
malades qui sont en échec thérapeutique du fait de la résistance de leur virus
aux antirétroviraux disponibles. Les industries pharmaceutiques mettent au
point de nouvelles molécules tandis que l’ANRS met en place des études
visant à trouver le « cocktail » idéal de molécules. Par ailleurs, de nouvelles
31
Inserm−Actualités
stratégies thérapeutiques font également l’objet d’études. Il s’agit de tester
des traitements plus simples, en prise quotidienne unique, ce qui
augmenterait a priori l’observance, et induisant moins d’effets secondaires
pénibles. Champ d’investigation sujet à controverse dans la communauté
scientifique, l’interruption du traitement dans le cadre de fenêtres
thérapeutiques fait partie des recherches menées par l’ANRS avec l’idée
sous−jacente d’exposer le moins possible les patients (dont l’immunité est
bien restaurée) aux traitements. A l’opposé, pour les patients très
immunodéprimés, une étude vise à savoir si un traitement par injection
sous−cutanée associée aux comprimés corrigerait plus efficacement le
déficit immunitaire.
Immunothérapie chez les personnes infectées
Il s’agit d’éduquer le système immunitaire du patient afin qu’il contrôle au
mieux l’infection par le VIH. Ces voies de recherche, issues d’efforts
internationaux, reposent sur deux stratégies. La première est dirigée contre le
virus lui−même grâce à un « vaccin » thérapeutique. Les premiers résultats
sont plutôt encourageants : un cocktail vaccinal à base de lipopeptides
permet de stimuler le système immunitaire. Il reste à vérifier si cette
stimulation a un impact sur la maladie. L’autre stratégie, non spécifique, fait
appel aux interleukines 2 et 7 qui augmentent le nombre de CD4. Ainsi
espère−t−on pouvoir retarder la mise en route de la trithérapie ou améliorer
l’immunité des patients sous trithérapie.
Marine Cygler
Texte écrit à la suite d’un entretien avec Jean−Michel Molina, Chef du service des maladies infectieuses et
tropicales à l’Hôpital Saint−Louis, à Paris. J.M. Molina dirige également le groupe des essais
thérapeutiques sur le VIH à l’ANRS.
• Le Sida : une maladie et des malades
• Quel est le réservoir naturel du virus du Sida?
• La vie d’une personne infectée
• "Ne pas faire pour ... mais avec"
• Les effets dévastateurs du Sida sur les enfants
• Sida et économie en Afrique
• Pour une amélioration des traitements
jesuisvolontaire.fr
Depuis le 1er décembre, Journée mondiale de lutte contre le Sida, une
campagne d'appel à volontaires, dont le slogan est « Le vaccin contre le sida,
moi j'y crois », a été lancée. L’objectif : trouver 200 personnes séronégatives,
32
Inserm−Actualités
âgées de 21 à 54 ans, prêtes à participer à de futurs essais de phase II du
vaccin préventif contre le virus. Le vaccin préventif viserait à protéger des
personnes non atteintes contre l’infection en stimulant le système
immunitaire. En France, l’ANRS soutient une stratégie originale reposant sur
la conception de molécules hybrides, les lipopeptides. Ces derniers, formés
de fragments de protéines identiques à des morceaux du virus VIH et de
lipides, pénètrent très bien dans les cellules et induisent des réponses
cellulaires fortes. D’autres pays se concentrent sur le développement de
vaccin avec de l’ADN recombinant ou avec des adénovirus. Selon les
chercheurs, le vaccination la plus efficace sera probablement issue d’une
utilisation de ces différents vaccins en prime−boost. Le prime−boost ? C’est
une nouvelle stratégie vaccinale consistant à faire des immunisations
répétées avec différents vecteurs portant le même antigène pour induire une
forte réponse immunitaire.
33
Inserm−Actualités
La politique internationale de l'Inserm
Christian Bréchot
Directeur Général de l'Inserm
Dimitris Visvikis
L'AHSP
rôle dans les
hémoglobinopathies
Epissage et maturation
3’ des pré−ARNm
La recherche dans le
domaine de la
quantification en
imagerie par
tomographie d’émission
Laurent Lemaire
Les testicules
Exploration non invasive
de l’anatomie et de la
fonction in utero chez la
souris
refuge pour le VIH
VIE de L'INSTITUT
un mécanisme couplé
Toutes les actualités...
A lire :
− Note du Directeur général sur le
CQI
− Offre d'emploi pour Inserm
Actualités
34
Inserm−Actualités
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Il est estimé que 50 000 personnes en France, ne connaissent pas leur statut
sérologique, ce qui fait autant de contaminations potentielles en cascade.
Qu’en est−il du dépistage par auto−tests ? Le facilitent−t−ils ? Quelle en est
leur fiabilité ?
L'arrivée de ces tests soulève des interrogations et suscite des réserves
quant à leur intérêt réel.
Le Comité Consultatif National d'Ethique pour les sciences de la Vie et de la
Santé a rendu un avis en novembre 2004, sur la commercialisation des
auto−tests VIH. Extraits de l'Avis n°86 "Problèmes posés par la
commercialisation d'auto−tests permettant le dépistage de l'infection VIH et le
diagnostic de maladies génétiques" :
"L'infection à VIH garde sa grande spécificité, fondée sur une angoisse
réitérée après une prise de risque, et un ostracisme social persistant. Il est
donc tout à fait possible d'admettre que la personne veuille savoir en toute
confidentialité si elle est atteinte ou non, sans passer par le regard extérieur
de la société.
Ce dépistage, dans les laboratoires agréés d'analyse publics ou privés,
implique obligatoirement de faire dans un premier temps une recherche
d'anticorps par une méthode relativement simple. Appelée Elisa, elle utilise
deux réactifs différents, puis, en cas de réaction positive ou douteuse avec
l'un ou l'autre des réactifs, elle permet d'effectuer une recherche par une
méthode moins simple (dite du Western Blot) qui, seule permet de conclure à
un résultat négatif ou positif. En cas de contamination récente (moins d'un
mois), le caractère négatif persistant du résultat de ces tests, alors que le
sujet est infecté, est fondamental à souligner sous peine d'une interprétation
qui risque d'être faussement rassurante. Afin de limiter le risque inhérent à
cette " fenêtre " d'un mois (correspondant à un stade précoce où la personne,
bien que déjà infectée par le virus, n'a pas encore développé les anticorps
permettant le diagnostic), les tests les plus récents comportent la recherche
simultanée d'un antigène viral qui est présent plus précocement après la
contamination.
Les tests rapides qui s'intègrent parfois à une pratique médicale et qui
pourraient être commercialisés comme autotests ont probablement une
fiabilité moindre que les tests par Elisa utilisés dans les laboratoires
d'analyses. Ils privilégient, en général la sensibilité au détriment de la
spécificité, d'où l'existence de résultats faussement positifs. La fréquence
élevée de ces résultats faussement positifs au sein de populations présentant
une relativement faible prévalence de contamination pour le VIH a déjà été
soulignée dans l'avis de 2002 du Comité consultatif belge de bioéthique qui
35
Inserm−Actualités
aborde de façon remarquable les aspects en faveur et en défaveur de
l'autotest. Une confirmation par la technique du Western Blot constitue donc
une nécessité absolue. En outre, certains de ces tests rapides ne permettent
de dépister que l'infection par le virus VIH1, à l'exclusion de celle par le VIH2
qui contamine les populations de certains pays africains.
La possibilité pour une personne de réaliser elle−même, grâce à l'autotest, le
dépistage de l'infection par VIH peut cependant comporter un certain nombre
d'avantages.
Elle pourrait permettre un diagnostic plus précoce et un élargissement du
nombre de personnes connaissant leur statut sérologique. Cet argument est
néanmoins probablement fallacieux, car bon nombre de malades, arrivant à
l'hôpital avec un sida déclaré sans connaître leur séropositivité, n'ont pas
voulu effectuer auparavant un test de dépistage.
Elle respecterait théoriquement la confidentialité et éviterait toute
stigmatisation. Elle permettrait une responsabilisation de la vie sexuelle. Elle
permettrait d'éviter l'affrontement d'une structure de santé. Il faut à ce propos
regretter que les centres de dépistage anonymes et gratuits (CDAG) soient
encore si peu nombreux en province.
L'absence d'encadrement et de conseil par un professionnel de santé avant
de procéder au test, incite à souligner l'importance de la fenêtre négative.
Celle−ci au décours de la contamination nécessairement ignorée par le test,
peut conduire paradoxalement à une augmentation de la prise de risques liée
à un autotest négatif. On sait même que cette période négative avant une
séroconversion est probablement la plus contaminante qui soit. Le dialogue
avec un professionnel de santé est donc essentiel lors de la réalisation du
dépistage et à l'annonce de son résultat. L'éventuelle intervention
téléphonique d'une personne compétente lors de l'annonce d'un résultat
positif après autoprélèvement à domicile est considérée par beaucoup
comme insuffisante et peu satisfaisante. Lors des autotests à domicile,
l'utilisateur confronté à un résultat apparemment positif est isolé, en proie à
une réaction émotionnelle parfois majeure, alors qu'il pourrait s'agir d'une
fausse positivité. L'absence de prise en charge médicale constitue une
véritable négation de la responsabilité médicale et va à l'encontre d'une
politique de santé publique. La prise en charge administrative et sociale qui
doit accompagner l'annonce d'un résultat positif n'est pas assurée, en
particulier pour les personnes en situation de précarité (qui d'ailleurs
hésiteraient à recourir à un test non remboursé par la sécurité sociale). Une
banalisation du test ferait courir le risque pour la personne de sous−estimer
l'importance de la décision de se soumettre à un test de dépistage pour une
maladie aussi grave. Elle aboutit à une conception réductrice du problème et
peut, comme on l'a vu, favoriser paradoxalement la prise de risques.
Il ne faut pas non plus négliger le risque possible de l'usage abusif d'un
autotest sous contrainte ou sous pression d'un partenaire, d'une famille, d'un
employeur, d'un assureur ou de la police. Ces techniques, qui permettent en
principe d'éviter les problèmes liés au consentement, pourraient donc parfois
mettre en péril le respect des droits des personnes.
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Comme actuellement, dans notre pays, c'est la séropositivité, et non la
maladie, qui implique la déclaration (anonyme) obligatoire, le dépistage par
autotest implique la perte de données épidémiologiques importantes.
Enfin il ne faut pas méconnaître que le prélèvement, la lecture, l'interprétation
des résultats avec tous les aléas possibles, effectués par l'individu lui−même,
peuvent s'accompagner de mauvaises manipulations et de fausses
manœuvres, qui apparaissent comme particulièrement fréquentes dans une
étude récente du Center for Diseases Control (C.D.C.) d'Atlanta.
Ainsi l'ensemble de ces inconvénients qui, pour beaucoup, relèvent du
domaine de l'éthique, paraît l'emporter sur les avantages de la
commercialisation des autotests, même si on doit considérer les utilisateurs
potentiels comme des personnes responsables.
Pour le CCNE il apparaît souhaitable de mettre en garde les usagers et de
restreindre l'usage de ces autotests, même si le CCNE est parfaitement
conscient des difficultés liées aux modalités pratiques de cette restriction.
Autant pourraient être encouragés la commercialisation et le remboursement
d'un test rapide effectué dans les locaux d'une association de malades, du
planning familial, d'un centre d'accueil des toxicomanes, dans le cadre de la
médecine scolaire ou universitaire, de la médecine du travail ou de la
médecine libérale, (avec l'accompagnement dont nous avons déjà parlé),
autant la mise à disposition en pharmacie d'un autotest pour le VIH devrait
être découragée. Si toutefois elle était réalisée, elle devrait obligatoirement
comporter au minimum la remise d'un opuscule très précis soulignant les
difficultés d'interprétation de cet autotest, les limites de sa signification ainsi
qu'une mise en garde contre sa pratique sans confirmation par un laboratoire
agréé et sans prise en charge globale par une structure de santé (avec
indication des principaux lieux de consultation). Cet autotest ne rentrant pas
dans le cadre de la solidarité nationale ne devrait pas être remboursé par la
sécurité sociale.
On doit résister à un marketing agressif, bien illustré par nombre de sites
Internet actuels, qui aboutit à une consommation inutile, à une exploitation de
la peur à des fins lucratives et à un marché de dupes, au détriment du
financement des soins de santé collectifs.
Les réserves exprimées dans cet avis rejoignent les conclusions d'un rapport
de 1998 du Conseil National du Sida qui avait été saisi par le Directeur
Général de la Santé sur l'opportunité de la mise sur le marché de ces tests à
domicile. Ces conclusions ont été actualisées dans l'avis joint, établi en
décembre 2004 par le CNS à la demande du CCNE. "
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