Le Sida : une maladie et des malades
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Le Sida : une maladie et des malades
Inserm−Actualités imprimer la page Le Sida : une maladie et des malades « Jamais on n’a fait autant pour une épidémie et jamais il n’est resté autant à faire » déclarait Peter Piot, directeur de l’Onusida, en août dernier à l’occasion de la 16ème conférence mondiale sur le Sida qui se tenait à Toronto. De fait, toutes les six secondes et demie, une nouvelle personne est contaminée. Et en 25 ans, ce sont 65 millions de personnes qui ont été infectées. Cependant, depuis 1996, date de l’arrivée des trithérapies dans les pays développés, le quotidien des personnes infectées par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) a été bouleversé. Certes pas d’espoir de guérison, mais un allongement considérable de l’espérance de vie. Si la maladie a changé de visage, le regard et les comportements aussi. Mais pas toujours dans le bon sens. Ainsi, les plus récentes enquêtes en population générale, dites KABP pour "Knowledge, Attitudes, Beliefs and Practices", mettent−elles en évidence une régression des comportements de prévention, surtout chez les jeunes, et une détérioration de l’image du préservatif entraînant une diminution de son utilisation*. Dans ce dossier consacré au Sida, Inserm Actualités a voulu traiter des questions de société autour de cette maladie. Et notamment en se questionnant sur la vie d’une personne infectée grâce à la très complète étude Vespa menée en 2003 avec le soutien de l’ANRS, l’Agence nationale de recherche sur le Sida. Quelles sont les conditions de vie des personnes séropositives ? Qui sont−elles ? Quelles sont leurs difficultés vis−à−vis de l’insertion sociale et professionnelle ? Comment mènent−elles leur vie sexuelle et affective ? Les adolescents nés avec le virus sont aussi au cœur de notre dossier (voir Les effets dévastateurs du Sida sur les enfants) ; ainsi que les associations dont la combativité a toujours été exemplaire (voir « Ne pas faire pour … mais avec... », un entretien avec Christian Saout, Président de l’association AIDES). Nous avons également voulu mettre en avant des recherches menées dans les pays du sud par des équipes de l’Inserm. Comme celle dirigée par Jean−Paul Moatti, unité 379, qui outre, une implication dans les enquêtes sociologiques, modélise l’effet du SIDA dans les pays en développement au niveau macro−économique (voir Sida et économie en Afrique). D’après leurs travaux, les chercheurs prédisent que l’économie entière de certains pays africains pourrait bénéficier de l’accès généralisé aux traitements antirétroviraux. Nous présentons également un rappel historique de l’épidémie au regard des récents résultats de chercheurs de l’IRD, l’Institut de Recherche pour le Développement (voir Quel est le réservoir naturel du virus du Sida ?) Enfin, parce que le virus, s’il est contrôlé, n’est pas éradiqué des organismes des 7 Inserm−Actualités personnes infectées, nous faisons un bilan des essais thérapeutiques en cours menés par l’ANRS (voir Pour une amélioration des traitements). Ces essais concernent l’évaluation de nouvelles molécules issues des laboratoires pharmaceutiques. Ces nouvelles molécules sont de fait primordiales pour tous ceux, 5 % des malades, qui sont en échec thérapeutique aujourd’hui. Mais il y a aussi une volonté d’améliorer les traitements actuels en limitant les complications, comme les lipodystrophies et l’ostéoporose, liées aux traitements eux−mêmes. Enfin, l’immunothérapie thérapeutique est présentée comme une voie de recherche prometteuse. Quant au vaccin préventif, qui vise à protéger des personnes non atteintes en stimulant leur système immunitaire, il fera l’objet de nouveaux essais après le recrutement de volontaires qui a lieu actuellement avec une campagne auprès du grand public. * Beltzer N et al., Les connaissances, attitudes, croyances et comportements face au VIH/sida enFrance, Evolutions 1992−1994−1998−2001−2004, ORS Ile−de−France, novembre 2005 La rédaction d'Inserm Actualités et l'ANRS • Le Sida : une maladie et des malades • Quel est le réservoir naturel du virus du Sida? • La vie d’une personne infectée • "Ne pas faire pour ... mais avec" • Les effets dévastateurs du Sida sur les enfants • Sida et économie en Afrique • Pour une amélioration des traitements 8 Inserm−Actualités imprimer la page Chimpanzé (Pan t. troglodytes) Crédit photo : Michel St−Jalme, Museum National d'Histoire Naturelle Quel est le réservoir naturel du virus du Sida ? Vingt−cinq ans après les premiers cas dans la communauté homosexuelle californienne, le virus du Sida, responsable de plus de 25 millions de morts, a atteint 40 millions de personnes à travers le monde et a laissé 15 millions d’orphelins. Bilan catastrophique d’une maladie planétaire. Et vingt−cinq ans après, les soupçons sur le réservoir naturel du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) se sont transformés en certitudes. La découverte de la maladie En 1980, Michael Gottlieb, médecin à l’Hôpital universitaire de Los Angeles, s’interroge devant trois malades homosexuels présentant des signes cliniques proches : amaigrissement, mycose, fièvre, candida buccal et pneumonie. Une particularité est commune : leur formule sanguine contient une quantité anormalement basse de lymphocytes T4. En mai 1981, le dossier médical de ces trois patients, alors décédés, est envoyé au Center of Disease Control d'Atlanta. Après l’annonce dans les hôpitaux du pays, trente et un autres cas sont recensés dans les deux semaines. Un mois plus, tard, le premier malade français est détecté à Paris, à l'Hôpital Claude Bernard. Et fin 1981, les Américains appellent AIDS (Acquired Immuno Deficiency Syndrome) cette nouvelle affection, qui se transmet par voie sexuelle et sanguine et qui ne touche pas seulement les homosexuels d’après les premières études. Mai 1983, l’équipe du professeur Luc Montagnier isole le virus responsable du Sida et le nomme LAV pour Lymphadenopathy Associated Virus. 9 Inserm−Actualités Pour accéder à l’article de l’équipe de Luc Montagnier : Barre−Sinoussi F, Chermann JC, Rey F, Nugeyre MT, Chamaret S, Gruest J, Dauguet C, Axler−Blin C, Vezinet−Brun F, Rouzioux C, Rozenbaum W, Montagnier L. Isolation of a T−lymphotropic retrovirus from a patient at risk for acquired immune deficiency syndrome (AIDS). Science 1983 May 20 ; 220 (4599) : 868−71. L’hypothèse des singes Alors qu’en 1985 un deuxième virus est retrouvé dans l’espèce humaine, le VIH 2, des macaques aux Etats−Unis développent une maladie ressemblant au Sida. Des chercheurs découvrent rapidement que le mangabé est le porteur sain du SIVsmm, qui est à l’origine de l'infection chez les macaques et aussi à l’origine du HIV 2. Suite à des transmissions accidentelles du SIVsmm par des mangabés enfumés originaires d'Afrique de l'Ouest captifs, les macaques rhésus ont contracté le virus, devenu pathogène en changeant d’hôte. Alors, la communauté scientifique avance l’hypothèse que le VIH 1 proviendrait aussi des singes. « En 1988, on a découvert le premier chimpanzé positif au Gabon. C’était un animal domestiqué infecté dans la nature » se souvient Martine Peeters. Ce nouveau virus, baptisé SIVcpz, est très proche génétiquement du VIH−1. Et pendant des années, les observations de séropositivité ont été faites sur des chimpanzés en captivité, originaires du bassin du Congo, naturellement infectés et ne présentant pas de symptômes ; seulement un nombre limite de chimpanzés ont été identifiés. Pas d’indices sur l’existence du réservoir naturel du virus simien donc du VIH. Martine Peeters et Eric Delaporte, chercheurs à l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) se sont donc attachés à l’étude de la prévalence du virus chez les chimpanzés sauvages. Pendant, quatre ans, par périodes de deux ou trois semaines, ils se sont rendus dans dix sites de la forêt tropicale profonde du sud du Cameroun, où plusieurs communautés de chimpanzés sauvages, une espèce en voie de disparition, vivent. Là−bas, ils ont collecté 599 échantillons de fèces de différentes communautés de chimpanzés dans lesquelles le virus SIVcpz était pressenti très répandu. Le lien entre les excréments et le virus ? « Nous avons trouvé une méthode pour ne pas déranger les singes » explique Martine Peeters. De fait, en laboratoire, les chercheurs ont analysé l’ADN mitochondrial, pour confirmer l’espèce de singe, contenant aussi les empreintes génétiques individuelles, et recherché les anticorps anti SIVcpz et la présence d’acide nucléique viral. Le séquençage de l’ARN viral présent dans les échantillons positifs, − 34 issus de seize chimpanzés (7 mâles et 9 femelles) − a mis en évidence seize souches de SIV cpz extrêmement proches des virus VIH 1. Les arbres phylogénétiques établis à partir de ces nouvelles données ont permis de définir le réservoir naturel du virus. Résultat publié le 25 mai 2006 dans Science, le VIH 1 trouve son origine dans la transmission inter−espèce du SIV cpz du chimpanzé Pan Troglodytes qui vit au sud du Cameroun. Plus précisément, il s’agit du réservoir des souches M et N du VIH 1. Cependant, 10 Inserm−Actualités le réservoir du troisième groupe de VIH 1 infectant l’homme, le groupe O, demeurait alors non identifié. Une transmission entre chimpanzés et gorilles L’énigme du réservoir de la souche O a été levée quelques mois après la découverte de celui des souches M et N. En effet, avec la même méthode originale de prélèvement des excréments, la même équipe a trouvé trois échantillons contaminés appartenant à des gorilles. « Nous nous attendions à ce que les gorilles soient porteurs d’un SIV. En revanche, ce qui nous a beaucoup surpris, c’est que le SIV du gorille appartient à la même famille que celui du chimpanzé » explique Martine Peeters qui reprend « Le chimpanzé a dû transmettre son virus au gorille. Ces animaux partagent les mêmes zones, mangent les mêmes fruits et feuilles. Pourtant les primatologues n’ont jamais observé de bagarre entre ces deux espèces.» « Le virus sort de la forêt » Quant à la transmission singe homme, elle s’est sûrement produite il y a très longtemps, probablement au contact du sang des singes pendant la chasse. Mais avec la multiplication des échanges entre les villes devenues mégalopoles et les villages reculés, les personnes infectées ne sont plus restées isolées. Et un autre mouvement de population, inverse, a contribué à ces échanges : des industries forestières et minières se sont installées dans des zones reculées. Dans ces conditions, « un virus peut sortir de la forêt » résume Martine Peeters. La chercheuse travaille toujours aujourd’hui sur les singes infectés (il existe une trentaine d’espèces contaminées par un SIV). Il s’agit de comprendre pourquoi certains virus simiens ne s’adaptent pas à l’homme et aussi de mettre en place des tests détectant tous les SIV, pas seulement ceux à l’origine des VIH 1 et 2. Pour aller plus loin : Van Heuverswyn F, Li Y, Neel C, Bailes E, Keele BF, Liu W, Loul S, Butel C, Liegeois F, Bienvenue Y, Ngolle EM, Sharp PM, Shaw GM, Delaporte E, Hahn BH, Peeters M. Human immunodeficiency viruses: SIV infection in wild gorillas. Nature 2006 Nov 9 ; 444 (7116) : 164. Keele BF, Van Heuverswyn F, Li Y, Bailes E, Takehisa J, Santiago ML, Bibollet−Ruche F, Chen Y, Wain LV, Liegeois F, Loul S, Ngole EM, Bienvenue Y, Delaporte E, Brookfield JF, Sharp PM, Shaw GM, Peeters M, Hahn BH. Chimpanzee reservoirs of pandemic and nonpandemic HIV−1. Science 2006 Jul 28 ; 313 (5786) : 523−6. Jonathan L. Heeney, Angus G. Dalgleish, Robin A. Weiss. Origins of HIV and the Evolution of Resistance to AIDS. Science 2006 Jul 28 ; 313 : 462−466. 11 Inserm−Actualités Marine Cygler • Le Sida : une maladie et des malades • Quel est le réservoir naturel du virus du Sida? • La vie d’une personne infectée • "Ne pas faire pour ... mais avec" • Les effets dévastateurs du Sida sur les enfants • Sida et économie en Afrique • Pour une amélioration des traitements Le Sida en chiffres 38,6 millions de personnes infectées par le VIH dans le monde 4,1 millions de personnes nouvellement infectées en 2005 1,65 millions de personnes sous thérapie antivirale 8 000 morts par jour 12 Inserm−Actualités imprimer la page En "Une", extrait d'une oeuvre de Keith Haring (1958−1990) La vie d’une personne infectée Pour la première fois, une enquête menée en France métropolitaine et dans les départements d’Outre−mer a permis d’appréhender de façon précise sur un échantillon représentatif le retentissement de l’infection VIH sur la vie quotidienne des personnes atteintes dans l’ensemble de ses dimensions sociales et personnelles. Cette enquête Vespa pour « VIH : enquête sur les personnes atteintes », a été réalisée à l’initiative de l’ANRS. « C’est une première car jusqu’à la mise en place de Vespa les rares données sociologiques étaient recueillies dans des cohortes, donc avec des patients et des médecins volontaires et motivés. Nous avions donc des résultats biaisés » explique Bruno Spire chercheur dans l’unité 379 qui a réalisé l’étude conjointement avec l’unité 687 de l’Inserm. C’est donc par tirage au sort que les hôpitaux puis les patients suivis en consultation externe ont été tirés au sort pour avoir une image fidèle des divers groupes de patients qui vivent aujourd’hui avec le VIH : homosexuels masculins, migrants, usagers de drogues, population des départements français d’Amérique ; personnes diagnostiquées depuis plus de 15 ans ou qui font partie des nouvelles générations infectées et dépistées depuis la mise au point des nouvelles thérapies antirétrovirales ; pris en charge dans des grands centres universitaires ou dans des hôpitaux généraux, dans les métropoles ou les villes moyennes. Cette étude doit contribuer à améliorer la prise en charge sociale dans le contexte d’une maladie qui frappe des adultes jeunes (âgés aujourd’hui d’un peu plus de 40 ans) et les astreint à un traitement à vie qui doit être étroitement surveillé. Au mois de janvier, un supplément de la revue AIDS est consacré aux résultats de l’étude Vespa. Inégalités dans la réponse au traitement Parmi les personnes qui reçoivent une multithérapie antirétrovirale, l’efficacité du traitement en termes immuno−virologique et clinique apparait moins 13 Inserm−Actualités élevée parmi les migrants que parmi les autres, et ce même en tenant compte des différences concernant les déterminants clinico−biologiques établis de la réponse au traitement entre les différents sous−groupes de patients. L’échantillon de l’enquête Vespa, constitué spécifiquement de manière à représenter au mieux la diversité des personnes infectées par le VIH en France, permet ainsi de mettre en évidence une hétérogénéité dans la réponse au traitement qui est probablement difficile à observer dans le cadre d’études de cohorte ou d’essais cliniques du fait du processus de sélection des patients acceptant de participer à ce type d’études. Une telle hétérogénéité résulte probablement de différences liées aux conditions de vie et aux caractéristiques socio−culturelles plutôt qu’à des différences raciales ou ethniques dans la réponse au traitement. En effet, les conditions de vie particulièrement précaires des migrants pourraient influencer la réponse au traitement par le biais de différents mécanismes incluant une faible observance, une comorbidité élevée, une prise en charge insuffisante ou un faible niveau de soutien social. Le faible niveau d’instruction des migrants pourrait de plus constituer une barrière à l’accès aux soins, à un niveau élevé de connaissances sur le VIH et à une bonne observance aux traitements. Les caractéristiques culturelles ainsi que le niveau de stigma lié au VIH jouent aussi probablement un rôle sur le comportement des personnels de santé, le niveau d’observance, ainsi que sur la fréquence du maintien du secret sur le statut VIH par les patients et donc sur le niveau de soutien social qu’ils reçoivent. Référence : Dray−Spira R, Spire B, Heard I, Lert F, and the VESPA Study Group. Heterogeneous response to HAART across a diverse population of people living with HIV: results from the ANRS−EN12−VESPA Study. AIDS. 2007;21(Suppl 1):S5−S12. Observance L'observance aux traitements est moins bonne parmi les personnes qui ont des conditions de vie précaires, ou qui ont des problèmes d'addiction aux opiacés ou à l'alcool, nombreux dans cette population. Mais l'observance est aussi dégradée parmi les personnes qui ont subi des discriminations, ou dont la séropositivité a été révélée à leurs proches malgré eux. Peretti−Watel, P., Spire, B., Pierret, J., Lert, F., Obadia, Y., and the VESPA Study Group (2006). Management of HIV−related stigma and adherence to HAART: Evidence from a large representative sample of outpatients attending French hospitals (ANRS−EN12−VESPA 2003). AIDS Care 18, 254−261. Qualité de vie La qualité de vie est correcte seulement pour la moitié des personnes interrogées. Les personnes ayant une mauvaise qualité de vie sont les 14 Inserm−Actualités patients co−infectés avec le virus de l’hépatite C, les consommateurs d’anxiolytiques et d’antidépresseurs, les populations en situation de précarité financière, et les personnes qui ont subi des discriminations du fait de leur infection par le VIH. Preau M, Marcellin F, Carrieri MP, Lert F, Obadia Y, Spire B; the VESPA Study Group. Health−related quality of life in French people living with HIV in 2003: results from the national ANRS−EN12−VESPA Study. AIDS 2007 Jan ; 21 Suppl 1 : S19−S27. Emploi Les données de l’enquête Vespa permettent d’estimer à 56,5% le taux d’emploi des personnes séropositives en âge de travailler (âgées de moins de 60 ans) en France, un taux qui apparaît significativement plus faible qu’au sein de la population générale française de même âge, sexe, niveau d’éducation et nationalité. Les analyses suggèrent que ce faible taux d’emploi résulte probablement à la fois d’une fréquence élevée de perte d’emploi parmi les personnes qui avaient un emploi au moment du diagnostic de séropositivité et d’un faible accès ou retour à l’emploi au cours de la maladie. Ces phénomènes de perte et d’accès à l’emploi apparaissent liés non seulement aux caractéristiques socioprofessionnelles des personnes, mais aussi, de façon indépendante, aux caractéristiques de leur état de santé. Ainsi, les résultats suggèrent que malgré les progrès majeurs survenus dans la prise en charge de l’infection par le VIH au cours de la dernière décennie, la maladie constitue par elle−même, encore aujourd’hui, un handicap vis−à−vis de l’activité professionnelle. Outre les conséquences fonctionnelles de la maladie, les discriminations liées au VIH dans l’emploi et le manque d’adaptation des conditions de travail pour les personnes malades pourraient jouer un rôle sur le risque de perte ou d’accès à l’emploi parmi les personnes séropositives. De plus, le fait de bénéficier d’un revenu de compensation du handicap lié à la maladie (type Allocation Adulte Handicapé) semble constituer un frein à l’accès ou au retour à l’emploi parmi les personnes séropositives, à l’instar de ce qui est observé dans d’autres populations. Références : − Dray−Spira R, Lert F, and the VESPA Study Group. Living and working with HIV in France in 2003: results from the ANRS−EN12−VESPA Study. AIDS. 2007;21(Suppl 1):S29−36. − Dray−Spira R, Gueguen A, Ravaud J, Lert F, and the VESPA Study Group. Decreased workforce participation among persons living with HIV/AIDS in France in the era of highly active antiretroviral therapy: differences according to socioeconomic status. Am J Public Health. 2007;97(3). In Press. 15 Inserm−Actualités Vie sexuelle Chez les personnes vivant avec le VIH, l’enquête a révélé une absence de vie sexuelle pour certains (17 % des enquêtés sont seuls et n’ont pas de relations sexuelles depuis plus d’un an) mais aussi une proportion élevée de personnes ayant plusieurs partenaires dans l’année, proportion plus élevée qu’en population générale. Parmi les personnes en couple avec un partenaire non infecté, les prises de risque sont importantes en particulier chez les hétérosexuels. En effet, parmi des couples hétérosexuels dans lesquels c'est l'homme qui est infecté 26 % reconnaissent avoir eu des rapports non protégés au cours de l'année précédente, et 34% lorsque c'est la femme qui est VIH+. Dans les couples homosexuels, ce taux est seulement de 16%. Les résultats montrent que les caractéristiques médicales, et en particulier une charge virale indétectable, n'influent pas sur la prise de risque au sein du couple. Dans les couples hétérosexuels la précarité financière est associée à la fois à plus de comportements à risque sexuel mais aussi à la non−observance au traitement antirétroviral ce qui n’est pas le cas chez les homosexuels où la non−révélation du statut à son partenaire joue un rôle important. Chez les homosexuels masculins, ne pas se protéger avec des partenaires occasionnels est lié à une mauvaise qualité de vie. Une constat étonnant : 30 % des enquêtés sexuellement actifs ignorent l’existence du traitement post−exposition, à prendre en urgence, en cas d’exposition accidentelle, notamment par rupture du préservatif. Bouhnik AD, Preau M, Lert F, Peretti−Watel P, Schiltz MA, Obadia Y, Spire B; the VESPA Study Group. Unsafe sex in regular partnerships among heterosexual persons living with HIV: evidence from a large representative sample of individuals attending outpatients services in France (ANRS−EN12−VESPA Study). AIDS 2007 Jan ; 21 Suppl 1 : S57−S62. Rey D, Bouhnik AD, Peretti−Watel P, Obadia Y, Spire B,; the VESPA Study Group.Awareness of non−occupational HIV postexposureprophylaxis among French people living with HIV:the need for better targeting. AIDS 2007 Jan ; 21 Suppl 1 : S71−S76. Bouhnik, A. D., Preau, M., Schiltz, M. A., Peretti−Watel, P., Obadia, Y., Lert, F., and Spire, B. Unsafe Sex With Casual Partners and Quality of Life Among HIV−Infected Gay Men: Evidence From a Large Representative Sample of Outpatients Attending French Hospitals (ANRS−EN12−VESPA). J Acquir Immune Defic Synd. 2006, 15 497−603. Peretti−Watel, P., Spire, B., Schiltz, M. A., Bouhnik, A. D., Heard, I., Lert, F., and Obadia, Y. Vulnerability, unsafe sex and non−adherence to HAART: Evidence from a large sample of French HIV/AIDS outpatients. Soc Sci Med 2006 62, 2420−2433. 16 Inserm−Actualités Désir d’enfant A l’heure où les traitements antirétroviraux permettent un contrôle efficace de l’infection VIH tant chez les parents potentiels vivant avec le VIH que de la transmission du virus de la mère à l’enfant, la question d’avoir des enfants en bonne santé que l’on pourra élever se pose. Les données de l’enquête Vespa montrent que chez des personnes vivant avec le VIH, l’infection ayant souvent été diagnostiquée autour de ou dans la trentaine, une femme sur trois et un homme sur cinq ont rapporté désirer avoir des enfants dans le futur. Les déterminants classiques d’un désir d’enfant comme l’âge, le fait d’être déjà parent, d’être dans une relation de couple régulière ont été retrouvés. Le degré de sévérité la maladie n’était associé au projet parental ni chez les hommes ni chez les femmes. Par contre, les parents potentiels sont plus susceptibles de s’engager dans un projet parental si au moins l’un d’eux n’est pas infecté. Heard I, Sitta R, Lert F; the VESPA Study Group. Reproductive choice in men and women living with HIV: evidence from a large representative sample of outpatients attending French hospitals (ANRS−EN12−VESPA Study). AIDS 2007 Jan ; 21 Suppl 1 : S77−S82. Discrimination Aux Antilles et en Guyane, près d’une personne sur trois (30 %) n’a révélé son infection par le VIH à personne en dehors de l’hôpital contre 5 % en métropole. La révélation quand elle existe est très sélective, souvent tardive. Le secret est particulièrement marqué parmi les malades haïtiens. Cette situation qui se traduit par l’isolement des personnes atteintes est à mettre en relation avec un moindre niveau de connaissance sur le sida et le VIH et à une tolérance moindre vis−à−vis des personnes atteintes dans ces régions qui appelle à renforcer les actions de communication publique et l’implication des institutions locales. Bouillon K, Lert F, Sitta R, Schmaus A, Spire B, Dray−Spira R. Factors correlated with disclosure in the French Antilles and French Guiana: results from the ANRS−EN−13VESPA DFA study. AIDS 2007 Jan ; 21 Suppl 1 : S89−S94 Pour aller plus loin : Lert F, Obadia Y, et l'équipe de l'enquête VESPA, Comment vit−on en France avec le VIH/sida ? Pop et Sociétés 2004(406). Colloque francophone sur les sondages 2005 L'ENQUÊTE VESPA/ANRS 2003 : ENQUÊTER A L’HÔPITAL Les coauteurs des publications sur l'enquête VESPA, Unité de France Lert 17 Inserm−Actualités • Le Sida : une maladie et des malades • Quel est le réservoir naturel du virus du Sida? • La vie d’une personne infectée • "Ne pas faire pour ... mais avec" • Les effets dévastateurs du Sida sur les enfants • Sida et économie en Afrique • Pour une amélioration des traitements Quelques chiffres 43 % des personnes atteintes habitent en Ile de France 15 % habitent la région Provence Alpes Côte d’Azur Plus de sept cas sur dix sont des hommes 18 % des personnes séropositives sont des étrangers 55 % des immigrés atteints sont nés en Afrique subsaharienne 18 Inserm−Actualités imprimer la page « Ne pas faire pour … mais avec » Christian Saout, Président de l'association AIDES Créée en 1984 et reconnue d’utilité publique en 1990, AIDES est la première association française de lutte contre le Sida. Dès son origine, l’objectif de l’association a été de réunir les personnes touchées directement ou indirectement par le Sida afin de leur permettre de s’organiser face à ce fléau. • AIDES est présent dans 80 villes de France, • AIDES soutient les personnes infectées et affectées par le VIH/Sida, • AIDES informe les personnes les plus vulnérables face au Sida, • AIDES alerte les pouvoirs publics sur les défaillances du système de soins, • AIDES mobilise des centaines de volontaires pour que le sida reste une priorité de santé publique, • AIDES s’investit dans la recherche à l’international, est membre de deux boards internationaux en apportant une expertise de terrain. AIDES est également impliquée dans les Actions Concertées de l’ANRS, • AIDES s’implique dans le plaidoyer national sur la place de la France dans le financement de la recherche, • AIDES va s’engager dans les deux ans à venir sur la recherche sociale, pour caler des initiatives innovantes, • AIDES continuera de se battre sur la santé communautaire, la santé par les groupes concernés. Un long chemin a été parcouru pour l’association en 22 ans ; qu’y a−t−il d’important à dire pour AIDES en cette fin d’année 2006 ? « Il y a 3 choses importantes à souligner : 1/ On a globalement gagné la bataille des traitements : dans un pays du Nord comme le nôtre et grâce à une couverture socialisée, les traitements sont largement accessibles. Il reste encore des difficultés en terme de traitements au long cours, d’effets secondaires, et pour des personnes qui sont en échec ou en difficultés thérapeutiques. 19 Inserm−Actualités 2/ Concernant la prévention, cela est moins clair. On a réussi à cantonner l’épidémie mais à un niveau trop élevé. 6 000 à 7 000 contaminations par an mais la France, lanterne rouge de l’Union européenne, reste sur un plateau de contamination qui ne baisse pas depuis dix ans, plateau qui reste − j’insiste – à un niveau trop élevé. 3/ L’acceptabilité sociale des personnes séropositives est en panne. Et cela est le grand défi des années à venir. On peut se demander à quoi a servi le militantisme en 22 ans. On se trouve dans une situation paradoxale : les traitements sont arrivés avec de vraies perspectives de vie, c'est−à−dire qu’aujourd’hui comme cela s’est passé aux Etats Généraux il y a un mois, on peut souhaiter longue vie à des personnes séropositives : c’est formidable mais en parallèle de cette quantité de vie possible, quelle est la qualité de vie ? Dans le silence, dans l’extrême difficulté voire l’impossibilité de dire que l’on est une personne séropositive, d’où la campagne de sensibilisation que nous avons démarrée en octobre dernier qui trouve ici toute sa justification. Dans l’enquête « AIDES et toi » de l’an passé, nous avons bien constaté que les gens craignent d’être stigmatisés ou discriminés successivement dans la société, dans le travail, dans leur groupe d’amis, dans leur famille et dans leur couple. Et c’est aussi cela qui fait le lit de la contamination. Si on ne peut pas dire dans son couple, que l’on est séropositif(ve), il est certain qu’il n’y aura pas de protection possible. Cette situation sidérante n’est pas sans rappeler celle où nous trouvions face au cancer il y a 40 ou 50 ans ; c’était une « chape de plomb » épouvantable, et encore on ne se trouvait pas face à une maladie par transmission sexuelle. Il y avait quelque chose liée à la fatalité dans le cancer. Le combat des années à venir est celui de l’acceptabilité des personnes séropositives. Il faut que cela puisse être dit non pas comme si c’était un fait banal, parce que cela ne l’est pas mais que ce soit accepté comme pour n’importe quelle autre maladie. Ce qui a probablement changé dans l’épidémie à VIH, c’est que comme dans toutes les épidémies, elle a commencé par une sorte de pointe élevée qui a concerné tout le monde et au fur et à mesure que l’on a réussi à traiter, ce sont les plus pauvres, les plus discréminés, les plus vulnérables car éloignés du système de soins qui sont devenus les victimes de cette épidémie. Aujourd’hui, le Sida reste une épidémie de la vulnérabilité, avec une énorme difficulté à en parler. Ceux qui parlaient de la contamination par le VIH il y a vingt ans, souvenez−vous de Jean Paul Aron, faisaient la couverture du Nouvel Observateur (« Mon Sida » Nouvel Observateur n° 1199 du 30 octobre 1987) ; aujourd’hui les personnes contaminés ne vont pas se révéler dans le système médiatique. Aux Etats−Unis, il y a des gens célèbres qui témoignent de leur séropositivité. En France, ceux qui ont un capital de notoriété et qui sont séropositifs gardent le silence, alors que beaucoup de personnes auraient besoin de leur témoignage et se sentiraient soutenus si elles parlaient en leur nom. Le poids moral est très fort. La honte et la peur du 20 Inserm−Actualités jugement pèsent encore ; et pourtant quand on discute avec des personnes séropositives, elles ne vous racontent pas des histoires de mauvaise vie mais des histoires de vie tout simplement. Il y a aussi des histoires épidémiologiques. Quand vous regardez la communauté gay qui n’a par construction de relations sexuelles qu’à l’intérieur de ce groupe, il existe un haut niveau de prévalence. Le taux de prévalence de la population hétérosexuelle migrante est également élevé, surtout pour les femmes. Les femmes migrantes sont terriblement vulnérables, déjà parce que toutes les femmes sont plus sensibles au VIH que les hommes, et aussi pour des raisons sociales : elles ne peuvent pas toujours se payer une prévention à 2 euros par le Fémidom et ensuite elles sont dans des rapports de genre qui ne leur permettent pas d’imposer la prévention à des hommes qui n’en veulent pas. Ces femmes cumulent des facteurs de vulnérabilité. L’épidémie aujourd’hui « s’hétérosexualise » mais surtout se féminise et touche plus les populations de femmes d’origine étrangère. La seconde bataille à engager aujourd’hui est celle du droit des femmes à avoir une relation sexuelle non contaminante, une bataille de liberté comme celle des années 70 du droit des femmes à disposer librement d’elles−mêmes avec la contraception et l’avortement. Mais cela ne sera pas facilement gagné, sûrement pas avec le préservatif à 0,20 euros mais avec le Fémidom à un prix abordable ou remboursé par la sécurité sociale, ce qui met cet outil de prévention dans la catégorie des médicaments, ce qui n'est pas idéal. Beaucoup de femmes peuvent déjà avoir accès au Fémidom dans les réseaux comme AIDES, le planning familial ou dans les PMI. On arrivera probablement à résoudre le problème de prévention quand on disposera d’un troisième outil, qui seront les microbicides. Mais il faudra encore attendre au−moins cinq ans : on en est aux premiers tests et bien loin du produit fini. La bataille de la prévention sera gagnée quand les gens auront le choix dans les outils de prévention, car aujourd’hui on reste avec un mono−outil : le préservatif masculin. » Propos recueillis par A.M. Drieux Focus sur … Le TRT−5 Le TRT−5 ? Peu connu du large public, ce sigle recouvre un groupe d’associations de lutte contre le sida, Act−up Paris, Actions traitements, AIDES, Arcat, Dessine moi un mouton, Nova dona, Sida info service et Sol en si, réunies autour de la problématique des traitements et de la recherche thérapeutique. « Le TRT−5 est une force indépendante pourvoyeuse d’expertise » résume Bruno Spire, à la fois patient et chercheur à l’Inserm et membre de ce collectif inter−associatif, qui explique « Usagers pour la plupart du système de soin, nous avons une expertise sur le vécu des patients tout en ayant des connaissances scientifiques ». 21 Inserm−Actualités De fait, depuis 1992, le TRT−5 joue un rôle de médiateur entre les malades, les autorités de santé et l’industrie pharmaceutique, c’est−à−dire ceux qui créent et évaluent les traitements. Trois axes de travail occupent les réunions du TRT−5. Le premier demeure l’accès précoce aux nouvelles molécules, en insistant notamment sur les autorisations temporaires d’utilisation (ATU), pour les patients en échec thérapeutique qui représentent une frange non négligeable des malades, soit 5 %. Largement évoqués lors d’une journée de colloque organisée par le TRT−5 au printemps 2005, les effets indésirables des traitements représentent le deuxième axe d’action pour le groupe qui demande la mise en place à la fois de cohortes observationnelles à long terme et d’essais cliniques pour traiter les complications engendrées par les traitements. « Nous sommes là pour stimuler les chercheurs en leur faisant part des doléances des malades. Aujourd’hui, il nous paraît très important de développer des nouveaux produits de comblement » insiste Bruno Spire qui se réjouit du remboursement du New Fill, combat de longue haleine du TRT−5. Le dernier axe de travail s’attelle au problème des co−infections VIH−hépatites, souvent délaissées des protocoles cliniques. Bruno Spire de conclure : « Nous oeuvrons à donner aux chercheurs un message : les questions ne se posent plus en terme d’espérance de vie mais de qualité de vie. Il ne s’agit plus seulement des CD4 et de la charge virale ». Pour consulter, le compte rendu de la journée de réflexion scientifique « le corps malmené par le VIH et les traitements » Marine Cygler • Le Sida : une maladie et des malades • Quel est le réservoir naturel du virus du Sida? • La vie d’une personne infectée • "Ne pas faire pour ... mais avec" • Les effets dévastateurs du Sida sur les enfants • Sida et économie en Afrique • Pour une amélioration des traitements Est paru "Vivre avec le VIH. Enquête de longue durée auprès des personnes infectées" de Janine Pierret, Paris, PUF, Collection "Le lien social", novembre 2006, 232 pages 22 Inserm−Actualités Le sida a fait resurgir les images des épidémies, la mort et la peur de l'Autre dans un contexte d'incertitude médicale et d'impuissance thérapeutique pendant quinze ans. S'il ne se guérit pas, il peut se traiter depuis 1996. En France, des personnes ont vécu et lutté pour vivre avec le virus du sida avant cette date. L'expérience de la vie avec le VIH sur une longue durée est au coeur de cet ouvrage. Il s'appuie sur un matériel unique et original d'entretiens répétés entre 1990 et 2000 auprès de plus d'une centaine de personnes qui ont vécu avec le virus au cours de cette période. L'étude approfondie de ces parcours permet de distinguer trois grands types d'expériences vécues : la continuité, le retournement et l'enfermement. L'analyse compréhensive apporte un éclairage sur le sens que les personnes infectées donnent à une vie normale. Janine Pierret est directrice de recherches en sociologie au CNRS, Unité Inserm 750, Cermes. Elle a participé à la construction et au développement de la sociologie de la médecine, de la maladie et de la santé en France. 23 Inserm−Actualités imprimer la page Les effets dévastateurs du Sida sur les enfants Une seconde génération d'enfants, qui n'ont jamais connu un monde sans VIH, est née. La permière génération a vu le jour au début des années 80. Aujourd'hui, ce sont de jeunes adultes entre 20 et 25 ans, nés séropostifs. Trithérapies, traitements lourds, effets secondaires importants, une histoire personnelle lourde à porter... Si dans les pays du Nord, on a réussi très vite à interrompre la transmission mère−enfant, la situation ailleurs dans le monde reste critique. Peu de progrès ont été réalisés pour protéger les enfants des effets de la maladie, dans leur vie quotidienne. Les enfants n'ont été que récemment inclus dans les statistiques VIH et les chiffres avancés par l'OMS sont alarmants : • 1 enfant meurt du Sida dans le monde chaque minute, • 2 à 3 millions d'enfants vivent avec le VIH, • plus de 15 millions sont orphelins, dont 12 millions dans l'Afrique subsaharienne, • moins de 10% des enfants orphelins recoivent une aide publique. La plupart d'entre eux vivent dans une extrême pauvreté et leur vulnérabibilté n'en est qu'accrue, • dans les pays en développement, moins de 5% d'enfants séropositifs recoivent un traitement. Le traumatisme psychologique reste inestimable. Les enfants séropositifs, qu'ils aient été contaminés par leur mère ou lors d'abus sexuels, ne parlent pas de ce qui leur arrive et ignorent tout du Sida. Même en Europe, il est estimé que 35% seulement des enfants séropostifs sont informés sur la maladie. Les parents qui redoutent une stigmatisation et une grande détresse chez leurs enfants ont besoin d'une assistance thérapeutique pour aborder tous les points liés à l'évolution de la maladie et la gestion du quotidien. Aujourd'hui, la souffrance et la détresse de ces millions d'enfants et d'adolescents sans avenir commencent à semer le trouble dans la conscience collective mondiale. Plusieurs groupes pharmaceutiques ont annoncé récemment s'engager prioritairement dans la recherche et le développement de traitements rétroviraux pédiatriques ainsi que des outils de diagnostic. A la dernière conférence mondiale cette année, plusieurs sessions ont mis en avant les effets dévastateurs du Sida chez les enfants. Sans de gros efforts immédiats, encore plusieurs générations d'enfants seront sacrifiées. 24 Inserm−Actualités A.M. Drieux "Née séropositive, Sarah*, 20 ans née séropostive" extraits d'un témoignage paru dans Nice Matin le 27/12/2006. "Ma mère est morte du Sida quand j'avais 7 ans. A l'époque, je n'ai rien compris, sauf que je devais aller vivre dans une famille d'accueil. Ce n'est qu'à 12 ans que j'ai découvert que j'étais séropositive. Ca faisait déjà quelque temps que je me demandais pourquoi je devais prendre des médicaments tous les jours, pourquoi j'étais aussi souvent hospitalisée. Je me disais que c'était grave, mais je me rassurais en me disant : "c'est pas le cancer puisque je ne persd pas mes cheveux". Mais, au fond de moi, je savais. Un soir, à table, j'ai regardé ma mère adoptive droit dans les yeux et je lui ai balancé : J'ai le Sida, c'est ça?". Elle n'a rien répondu mais j'ai vu son sourire triste et j'ai compris. ............ " Laure Bruyas • Le Sida : une maladie et des malades • Quel est le réservoir naturel du virus du Sida? • La vie d’une personne infectée • "Ne pas faire pour ... mais avec" • Les effets dévastateurs du Sida sur les enfants • Sida et économie en Afrique • Pour une amélioration des traitements 25 Inserm−Actualités imprimer la page Sida et économie en Afrique L’équipe de Jean−Paul Moatti, unité Inserm 379, modélise l’effet du Sida dans les pays en développement au niveau macro−économique. D’après leurs travaux, les chercheurs prédisent que l’économie entière de certains pays africains pourrait bénéficier de l’accès généralisé aux traitements antirétroviraux. Lorsqu’un choc atteint un pays dont le développement n’est pas acquis, il peut affaiblir sinon renverser le processus de croissance. Des calculs macro−économiques ont permis d’évaluer les conséquences du Sida sur l’économie des pays en développement : un à deux points de croissance du PIB (produit intérieur brut) sont perdus quand 10 % de la population est contaminée. Le coût direct du Sida pour l’économie d’un pays est la réduction de l’épargne, car l’argent est utilisé pour payer les traitements, entraînant une diminution d’accumulation du capital. A court terme, le Sida est responsable de la réduction de la masse de travailleurs. A plus long terme, l’impact devient plus global : à la perte de capital humain s’accompagne le risque d’un désinvestissement des entreprises étrangères. « Généralement, les analyses coûts bénéfices se font au niveau du patient : si ce dernier est traité, il pourra par la suite retravailler et ainsi autofinancer son traitement » rappelle Bruno Ventelou (U379 et CNRS) qui poursuit « Nous avons introduit une autre notion, celle du capital humain ». En finançant l’accès aux soins, la durée de vie des malades est allongée ce qui augmente le capital humain. Le capital humain ? C’est le transfert de connaissances et de savoir faire au sein de la famille ou de l’entreprise. « Dans notre jargon économique, on appelle cela un effet d’externalité positive : l’activité individuelle d’une personne génère un gain de bien−être pour les autres » explique le chercheur. Avec le Sida, le ménage n’a plus les moyens d’envoyer les enfants à l’école et ceux−ci sont alors obligés de travailler. Or il existe justement un moment où les transferts de connaissances sont plus ou moins cruciaux pour le développement. Jean−Paul Moatti, Bruno Ventelou et Yann Videau ont identifié quatre pays africains, le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Cameroun et l’Angola, qui sont justement dans cette phase fragile qui peut mener soit à une croissance très forte soit à un maintien dans le sous−développement. Et Bruno Ventelou de prendre un exemple pour préciser cette notion : « Le Brésil a très rapidement fait bénéficier sa population de l’accès aux traitements antiviraux. Cependant, même s’il ne l’avait pas fait, ce pays possédait déjà un bon profil de croissance et un choc tel que le Sida aurait certes altéré son profil de croissance mais ne l’aurait pas renversé ». Au contraire, pour les quatre pays précédemment cités, le Sida peut avoir « un effet boule de neige », avec des 26 Inserm−Actualités conséquences durables et extrêmes. C’est pourquoi les chercheurs plaident pour une mise en place au plus vite de traitements à grande échelle, et non pas seulement pour des populations très ciblées. Le rendement économique de ce « scaling up » serait très positif : ces pays seraient en capacité d’autofinancer la lutte contre la maladie en deux ou trois ans. Pour amorcer le processus vertueux, un choc positif initial doit se produire. « Pour le moment, ces pays n’ont pas les moyens d’initier la dépense. Il faut donc qu’une aide extérieure amorce la pompe. Les mécanismes de développement mis en place, il y aura un autofinancement des traitements antirétroviraux et les pays occidentaux pourront se désengager » conclut Bruno Ventelou. D’autres économistes défendent un mécanisme déjà formulé par certains historiens au sujet des effets économiques la peste au Moyen−âge. Selon eux, la peste a eu un effet vertueux car le surplus agricole fut distribué à un plus petit nombre de survivants, permettant la transformation de ce surplus en un premier capital productif … Ainsi pour des économistes de l’Université de Chicago (Alwyn Young), le Sida cause la mort du chef de famille dont la femme doit alors travailler pour subvenir aux besoins domestiques. Elle aura de ce fait moins d’enfants, ce qui aura, de même qu’en Europe au Moyen−âge, un effet positif sur la croissance des pays touchés à grande échelle par la maladie. Ces travaux, réalisés au sein de l’unité dirigée par Jean−Paul Moatti, sont financés par un programme « Avenir » de l’Inserm alloué à Bruno Ventelou (sur la photo ci−dessous). Pour aller plus loin : Couderc N and Ventelou B. "AIDS, economic growth and epidemic trap in Africa", Oxford Development Studies, 2005, vol. 33−3, pp 1−10. Bruno Ventelou, Jean−Paul Moatti, Yann Videau, Michel Kazatchkine, "“Time is costly”: Modelling the macro−economic impact of scaling up access to antiretroviral treatment for HIV/AIDS in sub−Saharan Africa", working paper, Inserm U379. Focus sur … 27 Inserm−Actualités Les travaux de Bertran Auvert Coût−bénéfice de la circoncision pour la prévention de l’infection à VIH en Afrique Les résultats de l’essai randomisé de prévention sur l'effet protecteur de la circoncision à Orange Farm (Afrique du sud), publiés en octobre 2005 par Bertran Auvert (AP−HP, Inserm U 687, Université de Saint−Quentin) ont été confirmés le 13 décembre 2006 par l’arrêt de 2 essais similaires financés par le NIH en Ouganda et au Kenya. Les résultats d’Orange Farm avaient conclu que la circoncision effectuée à l’âge adulte diminue de 60% le risque de contamination par le VIH. Bertran Auvert publie dans PLoS Medicine du 25/12/06, les résultats d’une étude portant sur le coût−efficacité de la circoncision pour la prévention de l’infection à VIH en Afrique. Cette étude montre que 1 000 circoncisions pourraient éviter environ 300 infections dans les vingt années suivantes. Le coût est de 180 dollars par infection VIH évitée et pour 1 000 circoncisions, compte tenu du coût des traitements rétroviraux 2,4 millions de dollars seraient alors économisés. Ces résultats sont les premiers à démontrer l’efficacité et le coût−efficacité d’une méthode de prévention en Afrique, continent le plus touché par l’épidémie VIH/Sida. Dans un communiqué de presse de l'ANRS en date du13 décembre 2006, Jean−François Delfraissy, Directeur de l’ANRS, parlait « d’une avancée remarquable dans le domaine du VIH/sida ». puis d'ajouter : « Nous avons eu depuis 25 ans trois percées majeures dans la lutte contre le sida : l’identification du virus en 1983, la possibilité de réduire le risque de transmission du VIH de la mère à l’enfant dès 1994, et les trithérapies en 1996. Il en existe dorénavant une quatrième grâce aux travaux français et américains ». Il est probable compte−tenu de ces résultats que l’ONU Sida en partenariat avec l’OMS recommande aux gouvernements des pays potentiellement bénéficaires de cette méthode de prévention de l’inscrire dans leurs plans nationaux de prévention en complément des méthodes actuelles : réduction des comportements à risque, utilisation du préservatif, dépistage, traitements des IST… Les pays concernés représentent 1/3 de la population du continent africain, et sont ceux qui ont la prévalence du VIH la plus élevée et la prévalence de la circoncision la plus faible : Afrique du Sud, Lesotho, 28 Inserm−Actualités Bostwana, Namibie, Zimbabwe, Ouganda, Swaziland, etc. Une étude parue dans PLoS Medicine a d’ailleurs montré que la généralisation de la circoncision dans ces pays permettrait d’éviter des millions d’infections dans les deux prochaines décennies. Marine Cygler et A. Marie Drieux • Le Sida : une maladie et des malades • Quel est le réservoir naturel du virus du Sida? • La vie d’une personne infectée • "Ne pas faire pour ... mais avec" • Les effets dévastateurs du Sida sur les enfants • Sida et économie en Afrique • Pour une amélioration des traitements Sida et professionnels de santé Une étude américaine menée dans un district de Zambie révèle que le Sida est un ennemi bien plus redoutable que la fuite des cerveaux en Afrique subsaharienne. De fait, selon les calculs de Frank Feeley (Université de Boston), si dans les dix prochaines années 23% des professionnels de santé quitteront leur poste pour travailler à l'étranger, le Sida, lui, devrait emporter 37 % des infirmières et 70 % des officiers de santé. Feeley F. Fight AIDS as well as the brain drain. Lancet 2006 Aug 5 ; 368 (9534) : 435−6 L'appel de MSF L’association Médecins Sans Frontières dénonce l’indisponibilité et le coût des nouveaux médicaments contre le Sida. Selon MSF, les nouvelles directives de l’OMS qui recommandent l'utilisation de nouveaux traitements innovants dans les pays en développement n’ont pas été suivies de véritable stratégies pour en faciliter l’accès. Et pourtant, un plan de mise en œuvre est primordial car les nouveaux traitements de première ligne recommandés par l'OMS peuvent être jusqu'à six fois plus chers que les combinaisons les plus utilisées aujourd'hui. Remerciements de la rédaction 29 Inserm−Actualités à toutes les personnes sollicitées pour la préparation de ce dossier 30 Inserm−Actualités imprimer la page Pour une amélioration des traitements Aujourd’hui, le sida est mieux contrôlé dans les pays pouvant accéder aux trithérapies. Ces dernières ont, en dix ans, radicalement changé le visage de la maladie, passée de systématiquement mortelle à chronique. Cependant, l’éradication complète du virus de l’organisme des patients infectés n’est pas possible. Les traitements demeurent contraignants et, malgré une amélioration, provoquent toujours des effets secondaires indésirables. L’ANRS, Agence Nationale de Recherche sur le Sida, est promotrice de nombreux essais thérapeutiques en France, en Afrique et en Asie du Sud Est. Essais concernant les complications du sida et des traitements Certains essais thérapeutiques s’attellent à minimiser les complications de la maladie. De fait, en plus du traitement antirétroviral, nombre de patients nécessitent des traitements contre les maladies opportunistes. Le but de ces essais ? Améliorer la prise en charge médicamenteuse des patients séropositifs ou ayant déclaré le sida qui souffrent en plus d’une autre maladie, comme la tuberculose ou la leuco−encéphalopathie multifocale progressive (LEMP), affection cérébrale qui détruit progressivement la myéline des neurones entraînant des séquelles très sévères. Les cancers viro induits, comme le sarcome de Kaposi ou la maladie de Castelman, font également l’objet d’investigations. D’autres essais en cours visent à évaluer les traitements de patients avec une double infection VIH et virus de l’hépatite B ou C. Une étude en cours de préparation évaluera la pertinence d’augmenter les doses utilisées en mono infection des traitements de l’hépatite C dans les cas de double infection. La prise d’antirétroviraux induit parfois des complications qui doivent être mieux appréhendées. Ainsi des efforts se poursuivent−ils pour limiter les lipodystrophies : étude de médicaments reversant la fonte des graisses, évaluation de produit de comblement et de traitements agissant sur le métabolisme pour corriger l’accumulation de graisses au niveau du tronc et du cou. Quant à l’ostéoporose, le défi est d’expliquer sa survenue : est−ce le traitement lui−même qui la provoque ? Des facteurs associés au traitement, comme des troubles hormonaux, pourraient−ils en être la cause ? Essais sur les traitements eux−mêmes D’autres essais continuent à évaluer de nouveaux traitements pour les malades qui sont en échec thérapeutique du fait de la résistance de leur virus aux antirétroviraux disponibles. Les industries pharmaceutiques mettent au point de nouvelles molécules tandis que l’ANRS met en place des études visant à trouver le « cocktail » idéal de molécules. Par ailleurs, de nouvelles 31 Inserm−Actualités stratégies thérapeutiques font également l’objet d’études. Il s’agit de tester des traitements plus simples, en prise quotidienne unique, ce qui augmenterait a priori l’observance, et induisant moins d’effets secondaires pénibles. Champ d’investigation sujet à controverse dans la communauté scientifique, l’interruption du traitement dans le cadre de fenêtres thérapeutiques fait partie des recherches menées par l’ANRS avec l’idée sous−jacente d’exposer le moins possible les patients (dont l’immunité est bien restaurée) aux traitements. A l’opposé, pour les patients très immunodéprimés, une étude vise à savoir si un traitement par injection sous−cutanée associée aux comprimés corrigerait plus efficacement le déficit immunitaire. Immunothérapie chez les personnes infectées Il s’agit d’éduquer le système immunitaire du patient afin qu’il contrôle au mieux l’infection par le VIH. Ces voies de recherche, issues d’efforts internationaux, reposent sur deux stratégies. La première est dirigée contre le virus lui−même grâce à un « vaccin » thérapeutique. Les premiers résultats sont plutôt encourageants : un cocktail vaccinal à base de lipopeptides permet de stimuler le système immunitaire. Il reste à vérifier si cette stimulation a un impact sur la maladie. L’autre stratégie, non spécifique, fait appel aux interleukines 2 et 7 qui augmentent le nombre de CD4. Ainsi espère−t−on pouvoir retarder la mise en route de la trithérapie ou améliorer l’immunité des patients sous trithérapie. Marine Cygler Texte écrit à la suite d’un entretien avec Jean−Michel Molina, Chef du service des maladies infectieuses et tropicales à l’Hôpital Saint−Louis, à Paris. J.M. Molina dirige également le groupe des essais thérapeutiques sur le VIH à l’ANRS. • Le Sida : une maladie et des malades • Quel est le réservoir naturel du virus du Sida? • La vie d’une personne infectée • "Ne pas faire pour ... mais avec" • Les effets dévastateurs du Sida sur les enfants • Sida et économie en Afrique • Pour une amélioration des traitements jesuisvolontaire.fr Depuis le 1er décembre, Journée mondiale de lutte contre le Sida, une campagne d'appel à volontaires, dont le slogan est « Le vaccin contre le sida, moi j'y crois », a été lancée. L’objectif : trouver 200 personnes séronégatives, 32 Inserm−Actualités âgées de 21 à 54 ans, prêtes à participer à de futurs essais de phase II du vaccin préventif contre le virus. Le vaccin préventif viserait à protéger des personnes non atteintes contre l’infection en stimulant le système immunitaire. En France, l’ANRS soutient une stratégie originale reposant sur la conception de molécules hybrides, les lipopeptides. Ces derniers, formés de fragments de protéines identiques à des morceaux du virus VIH et de lipides, pénètrent très bien dans les cellules et induisent des réponses cellulaires fortes. D’autres pays se concentrent sur le développement de vaccin avec de l’ADN recombinant ou avec des adénovirus. Selon les chercheurs, le vaccination la plus efficace sera probablement issue d’une utilisation de ces différents vaccins en prime−boost. Le prime−boost ? C’est une nouvelle stratégie vaccinale consistant à faire des immunisations répétées avec différents vecteurs portant le même antigène pour induire une forte réponse immunitaire. 33 Inserm−Actualités La politique internationale de l'Inserm Christian Bréchot Directeur Général de l'Inserm Dimitris Visvikis L'AHSP rôle dans les hémoglobinopathies Epissage et maturation 3’ des pré−ARNm La recherche dans le domaine de la quantification en imagerie par tomographie d’émission Laurent Lemaire Les testicules Exploration non invasive de l’anatomie et de la fonction in utero chez la souris refuge pour le VIH VIE de L'INSTITUT un mécanisme couplé Toutes les actualités... A lire : − Note du Directeur général sur le CQI − Offre d'emploi pour Inserm Actualités 34 Inserm−Actualités imprimer la page Il est estimé que 50 000 personnes en France, ne connaissent pas leur statut sérologique, ce qui fait autant de contaminations potentielles en cascade. Qu’en est−il du dépistage par auto−tests ? Le facilitent−t−ils ? Quelle en est leur fiabilité ? L'arrivée de ces tests soulève des interrogations et suscite des réserves quant à leur intérêt réel. Le Comité Consultatif National d'Ethique pour les sciences de la Vie et de la Santé a rendu un avis en novembre 2004, sur la commercialisation des auto−tests VIH. Extraits de l'Avis n°86 "Problèmes posés par la commercialisation d'auto−tests permettant le dépistage de l'infection VIH et le diagnostic de maladies génétiques" : "L'infection à VIH garde sa grande spécificité, fondée sur une angoisse réitérée après une prise de risque, et un ostracisme social persistant. Il est donc tout à fait possible d'admettre que la personne veuille savoir en toute confidentialité si elle est atteinte ou non, sans passer par le regard extérieur de la société. Ce dépistage, dans les laboratoires agréés d'analyse publics ou privés, implique obligatoirement de faire dans un premier temps une recherche d'anticorps par une méthode relativement simple. Appelée Elisa, elle utilise deux réactifs différents, puis, en cas de réaction positive ou douteuse avec l'un ou l'autre des réactifs, elle permet d'effectuer une recherche par une méthode moins simple (dite du Western Blot) qui, seule permet de conclure à un résultat négatif ou positif. En cas de contamination récente (moins d'un mois), le caractère négatif persistant du résultat de ces tests, alors que le sujet est infecté, est fondamental à souligner sous peine d'une interprétation qui risque d'être faussement rassurante. Afin de limiter le risque inhérent à cette " fenêtre " d'un mois (correspondant à un stade précoce où la personne, bien que déjà infectée par le virus, n'a pas encore développé les anticorps permettant le diagnostic), les tests les plus récents comportent la recherche simultanée d'un antigène viral qui est présent plus précocement après la contamination. Les tests rapides qui s'intègrent parfois à une pratique médicale et qui pourraient être commercialisés comme autotests ont probablement une fiabilité moindre que les tests par Elisa utilisés dans les laboratoires d'analyses. Ils privilégient, en général la sensibilité au détriment de la spécificité, d'où l'existence de résultats faussement positifs. La fréquence élevée de ces résultats faussement positifs au sein de populations présentant une relativement faible prévalence de contamination pour le VIH a déjà été soulignée dans l'avis de 2002 du Comité consultatif belge de bioéthique qui 35 Inserm−Actualités aborde de façon remarquable les aspects en faveur et en défaveur de l'autotest. Une confirmation par la technique du Western Blot constitue donc une nécessité absolue. En outre, certains de ces tests rapides ne permettent de dépister que l'infection par le virus VIH1, à l'exclusion de celle par le VIH2 qui contamine les populations de certains pays africains. La possibilité pour une personne de réaliser elle−même, grâce à l'autotest, le dépistage de l'infection par VIH peut cependant comporter un certain nombre d'avantages. Elle pourrait permettre un diagnostic plus précoce et un élargissement du nombre de personnes connaissant leur statut sérologique. Cet argument est néanmoins probablement fallacieux, car bon nombre de malades, arrivant à l'hôpital avec un sida déclaré sans connaître leur séropositivité, n'ont pas voulu effectuer auparavant un test de dépistage. Elle respecterait théoriquement la confidentialité et éviterait toute stigmatisation. Elle permettrait une responsabilisation de la vie sexuelle. Elle permettrait d'éviter l'affrontement d'une structure de santé. Il faut à ce propos regretter que les centres de dépistage anonymes et gratuits (CDAG) soient encore si peu nombreux en province. L'absence d'encadrement et de conseil par un professionnel de santé avant de procéder au test, incite à souligner l'importance de la fenêtre négative. Celle−ci au décours de la contamination nécessairement ignorée par le test, peut conduire paradoxalement à une augmentation de la prise de risques liée à un autotest négatif. On sait même que cette période négative avant une séroconversion est probablement la plus contaminante qui soit. Le dialogue avec un professionnel de santé est donc essentiel lors de la réalisation du dépistage et à l'annonce de son résultat. L'éventuelle intervention téléphonique d'une personne compétente lors de l'annonce d'un résultat positif après autoprélèvement à domicile est considérée par beaucoup comme insuffisante et peu satisfaisante. Lors des autotests à domicile, l'utilisateur confronté à un résultat apparemment positif est isolé, en proie à une réaction émotionnelle parfois majeure, alors qu'il pourrait s'agir d'une fausse positivité. L'absence de prise en charge médicale constitue une véritable négation de la responsabilité médicale et va à l'encontre d'une politique de santé publique. La prise en charge administrative et sociale qui doit accompagner l'annonce d'un résultat positif n'est pas assurée, en particulier pour les personnes en situation de précarité (qui d'ailleurs hésiteraient à recourir à un test non remboursé par la sécurité sociale). Une banalisation du test ferait courir le risque pour la personne de sous−estimer l'importance de la décision de se soumettre à un test de dépistage pour une maladie aussi grave. Elle aboutit à une conception réductrice du problème et peut, comme on l'a vu, favoriser paradoxalement la prise de risques. Il ne faut pas non plus négliger le risque possible de l'usage abusif d'un autotest sous contrainte ou sous pression d'un partenaire, d'une famille, d'un employeur, d'un assureur ou de la police. Ces techniques, qui permettent en principe d'éviter les problèmes liés au consentement, pourraient donc parfois mettre en péril le respect des droits des personnes. 36 Inserm−Actualités Comme actuellement, dans notre pays, c'est la séropositivité, et non la maladie, qui implique la déclaration (anonyme) obligatoire, le dépistage par autotest implique la perte de données épidémiologiques importantes. Enfin il ne faut pas méconnaître que le prélèvement, la lecture, l'interprétation des résultats avec tous les aléas possibles, effectués par l'individu lui−même, peuvent s'accompagner de mauvaises manipulations et de fausses manœuvres, qui apparaissent comme particulièrement fréquentes dans une étude récente du Center for Diseases Control (C.D.C.) d'Atlanta. Ainsi l'ensemble de ces inconvénients qui, pour beaucoup, relèvent du domaine de l'éthique, paraît l'emporter sur les avantages de la commercialisation des autotests, même si on doit considérer les utilisateurs potentiels comme des personnes responsables. Pour le CCNE il apparaît souhaitable de mettre en garde les usagers et de restreindre l'usage de ces autotests, même si le CCNE est parfaitement conscient des difficultés liées aux modalités pratiques de cette restriction. Autant pourraient être encouragés la commercialisation et le remboursement d'un test rapide effectué dans les locaux d'une association de malades, du planning familial, d'un centre d'accueil des toxicomanes, dans le cadre de la médecine scolaire ou universitaire, de la médecine du travail ou de la médecine libérale, (avec l'accompagnement dont nous avons déjà parlé), autant la mise à disposition en pharmacie d'un autotest pour le VIH devrait être découragée. Si toutefois elle était réalisée, elle devrait obligatoirement comporter au minimum la remise d'un opuscule très précis soulignant les difficultés d'interprétation de cet autotest, les limites de sa signification ainsi qu'une mise en garde contre sa pratique sans confirmation par un laboratoire agréé et sans prise en charge globale par une structure de santé (avec indication des principaux lieux de consultation). Cet autotest ne rentrant pas dans le cadre de la solidarité nationale ne devrait pas être remboursé par la sécurité sociale. On doit résister à un marketing agressif, bien illustré par nombre de sites Internet actuels, qui aboutit à une consommation inutile, à une exploitation de la peur à des fins lucratives et à un marché de dupes, au détriment du financement des soins de santé collectifs. Les réserves exprimées dans cet avis rejoignent les conclusions d'un rapport de 1998 du Conseil National du Sida qui avait été saisi par le Directeur Général de la Santé sur l'opportunité de la mise sur le marché de ces tests à domicile. Ces conclusions ont été actualisées dans l'avis joint, établi en décembre 2004 par le CNS à la demande du CCNE. " Pour lire l'avis complet 37 Inserm−Actualités Vos réactions Vous souhaitez réagir à cet article ou aux articles du Dossier Sida, apporter des éléments complémentaires. Contactez la rédaction d'Inserm Actualités. 38