VANTOMME - Le stockage des explosifs - GBEE

Transcription

VANTOMME - Le stockage des explosifs - GBEE
Le stockage des explosifs et des artifices
J. VANTOMME, K. DE WOLF
Ecole Royale Militaire, Département de Construction et Matériaux
______________________________________________________________________
Sommaire
Dans cet article, on effectue une étude comparative entre les explosifs ordinaires et les feux
d’artifice dans le but de déterminer les différences importantes entre ces produits et les
conséquences de ces différences pour le stockage. Les conclusions montrent que le traitement
diffère fortement. Le bunker qui est l’endroit de stockage conseillé pour les explosifs est à
éviter pour les feux d’artifice pour lesquels l’utilisation de structures légères en combinaison
avec des murs de terre à parement vertical et grillages, est conseillée.
______________________________________________________________________
1. Introduction
Les feux d’artifice et les explosifs sont des matières solides, explosibles. Après initiation, ils
peuvent continuer à réagir sans ajout d’énergie ou d’oxygène de l’environnement. Les
matières solides explosives sont traitées dans le classement UN comme des matières de
classe 1.
2. Feux d’artifice et explosifs
2.1. L’analogie entre les feux d’artifice et les explosifs : phénoménologie et quelques
définitions
Les feux d’artifice ou plus généralement les mélanges pyrotechniques et les explosifs
contiennent des matières chimiques qui peuvent se décomposer ou subir une réaction
chimique entre eux. Pendant cette décomposition ou réaction chimique, de l’énergie est
libérée. Il s’agit donc de réactions chimiques exothermiques.
Les gaz qui sont produits lors de cette réaction, subissent une expansion et engendrent une
onde de choc qui s’étend sphériquement à partir du point d’origine. L’onde de choc est
généralement décrite à l’aide de trois paramètres, à savoir le temps de montée du pic de
pression (qui est très petit pour une onde de choc, donc un front de discontinuité), la
surpression maximale et la durée de la phase positive.
La combinaison du temps de montée et de la surpression maximale détermine la brisance de
l’explosif; la surface sous la courbe de pression en fonction du temps détermine la force
mécanique que l’explosif peut développer: cette impulsion est fonction de l’énergie de la
réaction d’origine. Lorsque l’onde de choc se déplace à la vitesse du son dans l’air, elle n’est
plus appelée onde choc mais onde de pression. La pression maximale ainsi que l’impulsion
diminue avec la distance. La comparaison des réactions des feux d’artifice avec celles des
explosifs (voir figure 1) conduit aux observations suivantes :
-
pour une réaction de même énergie, mais plus lente (comme pour les feux d’artifice),
la vitesse d’accroissement est plus petite et donc la surpression maximale sera plus
petite ;
-
l’explosion des feux d’artifice est moins brisante. Souvent, on n’observe même pas
d’effet de brisance ;
-
l’explosion d’un feu d’artifice est caractérisée par la durée de la phase positive plus
longue ce qui fait que l’impulsion agit sur une distance plus grande.
1
p
p
pmax
Explosif militaire
Feux d’artifice
pmax
ttot
t
ttot
t
Figure 1
Allure générale du diagramme pression-temps pour les explosions de feux d'artifices et
explosifs
En conséquence, une explosion lente (durée de la phase positive longue) engendre plus de
dégâts sur une grande distance. Ces dommages sont causés par le fait que l’onde de choc
sollicite mécaniquement de grandes surfaces. Cet effet est aussi connu comme étant
l’augmentation de l’équivalent TNT du feu d’artifice.
2.2. Les différences entre les feux d’artifice et les explosifs
Entre les feux d’artifice et les explosifs, on peut identifier six différences importantes.
L’effet recherché
Le feu d’artifice est destiné à produire des effets de lumière, de son et de fumée tandis que les
explosifs sont utilisés pour exercer une action mécanique sur l’environnement pour détruire
des objets.
Les mélanges pyrotechniques se présentent sous forme de poudre
Une propriété physique importante du feu d’artifice est qu’il s’agit d’une réaction entre
différentes molécules chimiques contenues dans une poudre. Cette forme de poudre ainsi que
la réaction intermoléculaire engendre un processus plus lent que lors d’une réaction de
décomposition d’une grande molécule comme pour certains explosifs. L’effet de cette
réaction est donc plus lent.
Une phase importante dans la production de mélanges pyrotechniques est le traitement
physique : la mouture et la mixtion. Le résultat de ce processus détermine fortement la vitesse
de réaction du mélange et ses effets. Les machines de mouture automatisées actuelles rendent
le processus plus reproductif mais ceci n’est valable que pour des quantités réduites de poudre
fabriquées simultanément. Si la quantité est trop grande, il existe un étalement dans la finesse
et la structure de la poudre ce qui mène à des effets différents pendant la réaction. Il serait
même possible que pendant les essais de classification d’un produit de la série 6 de l’UN, une
partie réagisse comme poudre 1.1 et l’autre partie comme poudre 1.3.
2
Pour les explosions, on fait souvent la différence entre une détonation et une déflagration. Ces
notions se distinguent physiquement par un déplacement du front de la réaction plus rapide
(détonation) ou plus lent (déflagration) que la vitesse du son dans la matière dans laquelle la
réaction se produit. Dans le cas des poudres, il y a trois problèmes avec cette classification :
-
la vitesse de la réaction n’est pas une notion claire parce que le chemin de la réaction
dans le matériau n’est pas linéaire. Par définition, elle suit en première approximation
les plans tangents des grains ;
-
la vitesse du son dans une poudre dépend de sa densité. Pour une réaction dans une
poudre, cette densité augmentera très vite, même sous une faible pression pour
atteindre la densité d’une matière solide avec une vitesse de son plus importante ;
-
la poudre est comprimée sous une forme solide à partir d’une surpression de quelques
bars. Pendant la compression, la friction entre les grains et la compression de l’air
entre les grains de poudre, rajoutent autant de chaleur de telle façon que la poudre
commence à réagir.
Dans la littérature, on met l’accent sur la détonation ; ceci n’est néanmoins pas la
problématique primordiale pour les feux d’artifice parce que la question de la sensibilité est
beaucoup plus importante (chutes, l’effet d’une onde de choc).
Les produits de réaction
La plupart des réactions des explosifs et des mélanges pyrotechniques forment des produits de
réaction gazeux. De ce fait, il est possible de limiter l’augmentation de la pression dans les
locaux de stockage à l’aide de clapets de détente ou d’autres précautions. Le début de la phase
d’augmentation de pression suffit pour actionner les clapets de détente et donc engendrer une
baisse de pression.
Parmi les mélanges pyrotechniques, certains engendrent seulement des produits de réaction
solides sous forme de sels et de l’énergie. Le mélange le plus connu est le « flashpowder ».
L’équation de réaction du flashpowder classique le démontre simplement : 8 A1 + 3 KClO4
→ 3 KCl + A12O3 ; le KCl et l’Al2O3 sont des matières solides. Ce groupe de produits ne peut
donc pas engendrer un effet de pression. L’énergie libérée engendre une augmentation de
pression et de température de l’air qui peut indirectement, mais tardivement, activer le
mécanisme de sécurité. Toutefois dans la phase précédente, l’augmentation de la température
et l’onde de choc ont déjà initié d’autres feux d’artifice. Dès lors, le compartiment complet
explosera en une fois.
Parfois, des particules métalliques sont ajoutées au mélange classique du flashpowder pour
obtenir un effet de lumière ou de couleur. Ces éléments supplémentaires sont mis à feu à
l’aide de l’énergie libérée lors de la réaction, génèrent une température élevée et réagissent
avec l’oxygène de l’air. Certains de ces additifs peuvent aussi subir une réaction indésirable
avec le fer et l’acier et engendrer une réaction d’oxydation. Pour cette raison, les éléments
fabriqués en acier et en fer, qui se trouvent dans les endroits de stockage de feux d’artifice,
doivent être munis d’un « coating » (peinture) et ne peuvent pas présenter de taches
d’oxydation. L’addition de particules métalliques augmente la sensibilité à l’impact des
mélanges et à l’électricité statique.
L’effet du confinement
Lorsqu’un mélange pyrotechnique est confiné, une réaction initiée en son sein peut se
propager au reste des produits explosibles. Il en résulte une explosion. Comme le feu
d’artifice ne développe pas ou peu de produits gazeux, ce confinement ne doit pas être
physiquement fort. La suppression de ce confinement, en vue de permettre un échange
3
d’énergie avec l’environnement, est une mesure de prévention efficace contre l’explosion du
dépôt. Les explosifs, quant à eux, peuvent réagir explosivement quel que soit le confinement.
Les mesures prises contre les réactions non souhaitées
Les explosifs modernes contiennent des additifs chimiques pour empêcher une détonation non
voulue. Par contre, alors que ces additifs ne sont pas présents dans les feux d’artifice
professionnels ou commerciaux, le risque d’une détonation non souhaitée existe aussi dans le
cas des feux d’artifice. Ces additifs, par exemple sous la forme d’une paraffine ou d’un gel,
pourraient aussi limiter les fuites des poudres de l’emballage ; ce sont justement ces poudres
qui contribuent à la détonation non souhaitée du mélange. Les risques d’accidents s’avèrent
plus élevés, pour les feux d’artifice, pendant le transport, le stockage et l’utilisation à cause du
manque de mesures qui limitent les risques.
Les explosifs sont soumis à un grand nombre d’essais depuis la production jusqu’à la
réception par l’acheteur ainsi que pendant leur durée de vie en vue de détecter les effets
éventuels du vieillissement. Il s’agit d’essais différents de ceux des produits de la série 6. Ce
contrôle de qualité ne se fait pas ou presque pas pour les feux d’artifice.
L’emballage
La classification UN se rapporte seulement aux dangers des feux d’artifice et des explosifs
lors de leur conditionnement. Pour les explosifs, ceci ne fait pas beaucoup de différence mais
bien pour les feux d’artifice. Selon le type d’emballage, les feux d’artifice peuvent réagir
comme un produit de type 1.4 ou comme un produit de type 1.1. Des essais de la Nederlandse
Defensie Academie (NLDA) et le bureau d’étude MSNP (en 2004 et 2005) ont démontré que
l’emballage cède sous des pressions inférieures à celles qui sont nécessaires pour initier le feu
d’artifice ; l’emballage donne bien une protection anti-incendie mais n’offre aucune
protection contre les effets d’un accident contrairement par exemple aux emballages des
explosifs militaires.
2.3. La situation actuelle pour le feu d’artifice
La distance de sécurité
Au départ, on a pensé que le feu d’artifice réagit moins efficacement du point de vue
énergétique que les explosifs. Cette idée est à la base des facteurs de correction pour les
distances de sécurité. On a constaté que cette approche n’est pas correcte. Il vaut mieux
comparer l’énergie potentielle de la réaction chimique du feu d’artifice avec celle d’un
explosif. L’accident à Carmel en Australie, le 06 Mars 2002 (une explosion dans un dépôt de
feux d’artifice) et le projet CHAF (un projet de recherche dans le cadre FP5 sur les risques du
transport et du stockage des feux d’artifice) montrent qu’un mélange pyrotechnique peut
réagir sous certaines conditions avec un équivalent TNT de 1.25. La plus longue durée de la
phase positive engendre aussi des dégâts sur une plus grande distance en comparaison avec un
explosif de même puissance.
Les distances sur lesquelles les étoiles des feux d’artifice sont projetées sont fonction de la
vitesse de départ des étoiles. Celle-ci est déterminée par le type de feu d’artifice et par le
calibre. Cette distance de projection est indépendante de la quantité matière stockée et peut
atteindre 200 m ou plus.
Projection de fragments
Les fragments sont projetés sur de grandes distances après une explosion dans un endroit de
stockage d’explosifs ou de feux d’artifice. Cet effet a été constaté à l’occasion de plusieurs
accidents : Carmel (Australie, 6 Mars 2002), Enschede (Pays-Bas, 13 Mai 2000) ainsi que
4
pendant des essais (entre autres CHAF et études réalisées par HSE, centre de recherche au
Royaume-Uni). Les distances que certains de ces fragments peuvent atteindre (jusqu’à 600
m), dépassent les distances de sécurité fondées sur les calculs des surpressions. La distance
parcourue par les fragments est fonction de l’énergie de Gurney et du rapport masse/surface
du fragment (friction de l’air). Elle peut être réduite par :
-
l’utilisation de matériaux de construction légers ;
des mesures pour réduire l’augmentation de pression dans un compartiment ;
une paroi de protection pour absorber les fragments projetés horizontalement.
L’intervention pendant un accident
Une intervention pendant un accident avec des explosifs ou des feux d’artifice est très difficile
voire impossible. Pour les explosifs, une politique de non intervention est acceptée
internationalement. Ceci n’est néanmoins pas le cas dans tous les pays pour les feux d’artifice.
La procédure normale pendant un incendie, c’est-à-dire l’enlèvement de l’oxygène et la
diminution de la température, ne fonctionne pas pour un incendie causé par des matières
pyrotechniques. Ceci est dû à la haute température de réaction, le grand développement de
chaleur et la présence d’un oxydant et d’un réducteur au sein du feu d’artifice.
Le risque d’explosion et le danger de projection des matières explosibles empêchent de
s’approcher du site.
L’apport de grandes quantités d’eau pendant une longue durée n’a qu’un effet réduit. On
s’attend aussi à un effet favorable en recouvrant les matières pyrotechniques projetées par une
couche de sable. En réalité, l’utilisation d’eau et de sable n’est indiquée que pour sauver des
blessés et si les actions sont exécutées à partir de véhicules protégés.
Les dépôts de feux d’artifice doivent être conçus d’une telle façon que dès l’apparition d’un
incident, celui-ci se limite à un compartiment (par exemple, à l’aide d’une séparation avec des
murs de terre, le saisi des pièces projetées, des compartiments ignifuges) sans nécessiter
l’intervention des services de secours. Ceci est seulement réalisable dans la phase de
conception et doit être constamment vérifié. Les services de secours doivent dans ce cas se
concentrer sur l’évacuation et l’extinction des incendies secondaires aux alentours.
3. Le stockage des feux d’artifice et explosifs
Pour le stockage des explosifs et feux d’artifice, on trouve quelques exigences de conception.
3.1. Prévention contre le vol
Des prescriptions légales pour la prévention contre le vol existent dans la plupart des pays.
Ces mesures sont souvent très détaillées et imposent un temps de délai du cambriolage de 3 à
5 minutes, à côté d’une capacité de détection. Le but de ces mesures est de rendre possible un
suivi d’alertes avant que le vol n’ait eu lieu.
3.2. Protection contre les influences climatiques et extérieures (explosion et feu)
Les règles pour la protection contre les influences externes diffèrent de pays en pays et sont
liées aux conditions climatiques réelles. Il s’agit des distances de sécurité internes, des écrans
internes (murs de terre) et l’absence de matériaux combustibles autour des lieux de stockage.
3.3. Protection contre la détonation/déflagration des matériaux stockés
Tous les pays connaissent des prescriptions pour éviter la détonation/déflagration du contenu
des dépôts. Ces mesures ont trait à :
5
-
l’interdiction d’allumer un feu à l’intérieur ou dans les environs des lieux de stockage ;
la protection contre la foudre ;
des exigences pour les installations électriques ;
des exigences pour les distances aux conduits électriques de surface ;
des exigences pour les distances aux mâts de télécommunications ;
des mesures contre l’électricité statique ;
des exigences pour les matériaux de construction et outils dans les lieux de stockage,
plus spécifiquement l’interdiction des outils métalliques et des échafaudages en acier
ou en fer non peints.
3.4. Mesures internes pour limiter la réaction au sein du dépôt
Il s’agit de mesures qui limitent la propagation d’un incident dans le dépôt. Quelques points
d’attention sont :
-
la détection électronique suivie d’un arrosage en abondance avec de l’eau (sprinklers);
pas de stockage de matériaux autres que des explosifs ou des feux d’artifice ;
pas de matériaux combustibles dans le dépôt ;
nettoyage et prévention d’accumulation de poussière ;
inspections périodiques ;
mode d’entassement, éviter les chutes ;
présence d’écrans internes extincteurs de flammes.
4. Problématique du choix entre un dépôt de stockage léger ou à grande résistance
4.1. Introduction
Ce paragraphe présente les résultats de calcul de structures types soumises à des effets
d’explosions, en tenant compte de la distinction entre les effets de l’explosion d’un explosif
militaire et l’explosion de feu d’artifice. Dans le but d’obtenir des ordres de grandeurs, on
examinera la réponse dynamique d’un dépôt de stockage avec une hauteur, largeur et
profondeur fixes, pour des diagrammes pression-temps qui sont typiques pour l’explosion
d’un explosif militaire d’un côté et pour l’explosion de feu d’artifice de l’autre côté.
Lors de l’initiation d’une quantité de feu d’artifice dans un dépôt, la réaction chimique de
combustion est lente par rapport à celle des explosifs, mais la quantité d’énergie libérée est
similaire et parfois même plus importante. Cette énergie se libère sous forme 1° d’une onde
de choc, caractérisée par un temps de montée plus grand que pour des explosifs et un pic de
pression moins important, et 2° une grande chaleur (parfois mal évacuée à cause de la faible
production de gaz). L’augmentation de la pression et de la T° risquent d’initier très vite les
autres pièces de feu d’artifice (sensibles !) stockées dans le même endroit. L’effet s’aggrave
lorsqu’il n’y a pas de ventilation suffisante, ou parfois même par le simple confinement dû à
l’emballage. Ceci peut mener à l’initiation de tout le contenu du dépôt, ce qui multiplie les
effets. Une caractéristique importante pour les feux d’artifice, est donc la très haute chaleur
produite, qui engage le reste des matériaux stockés dans le même dépôt. Ceci a des
conséquences pour la structure du dépôt :
-
en général, un bunker solide risque de provoquer un effet de confinement, suivi d’une
explosion catastrophique (avec les effets de l’onde de choc ruinant la structure et
projetant les débris). Il faut donc prévoir dans ce cas des parois qui puissent résister,
ce qui demande des épaisseurs énormes ;
-
une grande différence avec l’onde de choc due à l’explosif est la présence de la grande
chaleur, qui déterminera fortement le comportement des matériaux des parois : le
6
béton se pulvérise à cause de l’immense pression de l’eau vaporisée dans les pores,
l’acier se liquéfie, avec parfois projection de gouttelettes d’acier liquide qui à grande
distance peuvent perforer un obstacle.
4.2. Hypothèses de calcul
Les résultats présentés ici ne tiennent pas compte des changements de propriétés des
matériaux sous l’effet des grandes chaleurs. On suppose qu’il y a un maximum de ventilation
et évacuation de chaleur ; dans ces conditions, on ne regarde que l’effet de l’onde de choc,
tout en l’étalant sur une plus grande base de temps que dans le cas d’une onde de choc due à
un explosif. Pour la comparaison explosif-feu d’artifice au point de vue onde de choc, nous
partons des principes suivants :
-
l’équivalence en énergie chimique disponible ;
la même impulsion ;
pour le feu d’artifice en particulier (et par rapport à l’explosif) :
-
une plus grande durée de la phase positive ;
un temps de montée important (en général x 3);
une pression moins importante (en général divisée par 3).
Les calculs ont été réalisés sur base des méthodes expliquées dans le « US Technical
manual » TM 5-1300 (voir aussi MAYS, SMITH, BOURGOIS). Ce calcul se base sur les
principes suivants :
•
•
l’élément de structure (les parois) est remplacée par un système SDOF (Single Degree Of
Freedom) avec une fonction de résistance bilinéaire pour béton armé (figure 2) ;
une déflection maximale autorisée est choisie, basée sur les exigences de protection (voir
figure 3);
7
Figure 2
Représentation schématique de la fonction de résistance d’une paroi en béton armé
Figure 1
Critère de rotation d’angle
4.3. Données de calcul
La structure choisie a les dimensions semblables à celles d’un conteneur 20 pieds et est
composée de murs de différentes épaisseurs en béton armée, avec un pourcentage d’armature
symétrique de 2%. Les charges considérées sont reprises dans le tableau 1. Les explosifs sont
mis au centre du conteneur. Le tableau 1 présente également les effets d’une explosion
(surpression, impulsion et durée de la phase positive) sur une paroi latérale du conteneur ; il
s’agit de la pression et impulsion uniformes équivalentes sur une bande représentative de 1m
de largeur et de 2,5m de hauteur, à une distance de 1,25m de la charge (au niveau de la base) :
voir figure 4.
8
1m
target
Epaisseurs des
murs choisies :
• 20 cm
• 40 cm
• 80 cm
• 120 cm
2,5m
2,5m
6m
Figure 4
Modélisation de la structure à examiner et position de l’explosion
Tableau 1
Charges d’explosifs militaires considérées et effets sur une paroi latérale du conteneur (voir la
figure 4)
Peq (kPa)
Td (msec)
Charge (kg TNT eq)
Ieq (kPa-msec)
5
5
100
0,1248.10
0,5693.10
0 ,44
500
0,4260.105
0,1248.106
0,68
5
6
1000
0,6423.10
0,1675.10
0,77
2000
0,1029.106
0,2175.106
0,95
La déflection maximale autorisée est caractérisée par un angle θ = 4° (voir figure 3). Ceci
classifie notre structure dans les catégories de protection 2. Ceci est la catégorie recommandée
pour la protection des éléments structurels ; cette limite de déformation implique que la
structure sera déformée plastiquement, mais n’écroulera pas à cause de la charge.
4.4. Résultats des calculs
Un premier calcul tient compte de l’impulsion engendrée par l’explosion. Un deuxième calcul
tient compte des gaz qui sont produits pendant l’événement et qui sont évacuée plus
lentement. En dernier lieu, on tient compte des réflexions qui se produisent au sein de la
structure fermée. Pour tenir compte de se phénomène, une impulsion de 1,75 ieq est considérée
avec une durée de 3 td. Les résultats des trois calculs pour les explosifs militaires, sont repris
dans le tableau 2.
En accord avec le raisonnement de base, présenté dans l’introduction de ce paragraphe,
l’allure schématisée (voir figure 1) du diagramme pression-temps pour une explosion de feux
d’artifices et une explosion d’un explosif militaire, est adoptée. L’hypothèse de conservation
d’énergie est prise en compte. Ceci veut dire que nous conservons une même énergie libérée
pendant l’explosion, mais que cette énergie est plus étalée dans le temps pour les feux
d’artifices. Les calculs montrent qu’une même paroi supporte mieux une explosion de feux
d’artifices (explosion lente) qu’une explosion d’explosifs militaires (explosion rapide).
9
Tableau 2
Résultats pour la résistance des parois en béton armée de différentes épaisseurs aux explosifs
militaires
Résistance des parois aux explosifs
20 cm
40 cm
80 cm
120 cm
militaires
100 (kg TNT eq)
Non
Non
Résiste
Résiste
500 (kg TNT eq)
Non
Non
Non
Résiste
1000 (kg TNT eq)
Non
Non
Non
Non
2000 (kg TNT eq)
Non
Non
Non
Non
Remarque importante : Le fait que les calculs des parois sont plus favorables pour l’explosion
lente des feux d’artifices, pourrait mener à un choix d’une paroi moins épaisse que celle
nécessaire pour résister à une explosion rapide. Cependant, le grand risque que les systèmes
de détente de pression typique pour les bunkers d’explosifs, ne fonctionnent pas d’une
manière efficace dans les bunkers de feux d’artifices (à cause de la plus faible pression), est
un argument pour garder l’épaisseur obtenue par le calcul de l’explosion rapide. Pour les feux
d’artifice, on revient donc à des résultats tout à fait similaires que dans le tableau 2. Pour
résister à une explosion de 500 kg équivalent TNT de feux d’artifices, une paroi en béton
armé (pourcentage d’armature de 2%) avec une épaisseur de 120 cm est nécessaire. Une paroi
de 80 cm en béton armée peut suffire pour une explosion de 100 kg équivalent TNT de feux
d’artifices.
5. Conclusions : quelques recommandations pour les endroits de stockage
Quelques recommandations importantes peuvent être identifiées :
-
-
choisir des constructions légères avec des murs de terre à parement vertical autour de
tous les compartiments (donateurs ou accepteurs). Les matériaux de constructions
modernes et légers, des grillages qui absorbent de l’énergie et résistent à la chaleur et
des cloisons empilables ouvrent des nouvelles possibilités pour les constructions de
stockage. Ceci peut contribuer à l’augmentation de la sécurité du stockage. Des études
et essais supplémentaires sont souhaitables avant toute application de ces idées.
limiter à 75°C la température dans les compartiments ou parties de compartiments ;
les lieux de stockages internes ne peuvent pas faire partie intégrante de la structure
portante du bâtiment ;
prévoir une sécurité à l’incendie élevée des compartiments ;
prendre des mesures pour absorber les fragments, par exemple à l’aide de grillages ;
ne pas poser de matériaux combustibles dans la zone de projection ;
obligation de détection de feu et de vol ;
obligation de paratonnerre ;
obligation de protection des installations électriques contre la surtension ;
retarder le cambriolage de 5 minutes par compartiment ;
le temps de réaction à une alerte doit être inférieur au temps de détection et au temps
d’accès du premier compartiment ;
stockage séparé des explosifs et des dispositifs de mise à feu ;
les dispositifs de mise à feu doivent être enfermés (ralentissement de cambriolage de 5
minutes) à l’intérieur du bâtiment ;
utilisation de clôtures avec détection autour de chaque zone de stockage et autour du
site complet (3 minutes de ralentissement contre le vol) ;
10
-
installer un endroit de chargement et déchargement pour des conteneurs ISO si
d’application.
Remarque
Le stockage de feux d’artifice n’est pas autorisé dans des constructions métalliques (fer ou
acier) qui ne sont pas peintes. Le stockage de feux d’artifice dans un endroit présentant de
l’oxydation à l’intérieur ou à l’extérieur constitue un risque supplémentaire. La rouille semble
avoir une influence sur l’aggravation d’un incident avec des feux d’artifice (sujet de recherche
actuel).
6. Epilogue : l’entrepreneur comme facteur principal de limitation de risques
Les risques liés au stockage, au transport et à l’utilisation des explosifs et des feux d’artifice
dépendent beaucoup de l’expérience du responsable (l’entrepreneur). Il ne sert à rien
d’imposer des mesures de sécurité, très coûteuses, si les infractions volontaires ou
involontaires commises par l’entrepreneur ne sont pas sévèrement sanctionnées. En cas
d’infraction à la réglementation, il faut alourdir les peines, augmenter la couverture en
responsabilité civile et retirer les licences d’exploitation des activités à risques.
L’augmentation de la responsabilité civile en combinaison avec une assurance obligatoire fait
porter la charge de surveillance de la sécurité par les acteurs privés (l’entrepreneur et
l’assureur) au lieu de l’Etat. En même temps, une relation se développe entre l’exécution, le
respect des réglementations et le résultat financier de l’entreprise. Le montant de la prime
d’assurance dépend des risques et du montant des dommages. Dans cette situation, il est
intéressant pour l’entrepreneur d’investir dans la sécurité.
11
Références
BABRAUSKAS, V., The ignition handbook, ISBN 0-9728111-3-3, 2003.
DE WOLF, K., VANTOMME, J, Comparaison des législations au sujet du stockage des
explosifs et des feux d’artifice, Rapport N° 07-017755, ERM, 2007
MAYS, G.C., SMITH, P.D., Blast effects on buildings, Design of buildings to optimize
resistance to blast loading, Thomas Telford, 1995
TM5-1300, US Department of the Army Technical Mabual, Design of structures to resist the
effects of accidental explosions, 1990.
Remerciements
Les auteurs remercient Messieurs Bas Van Den Heuvel (bureau d’étude MSNP) et Jody
Borgers pour leurs contributions scientifiques à cette étude, effectuée dans le cadre d’un
projet de recherche de l’Ecole Royale Militaire à la demande du Service Public fédéral
Economie, P.M.E., Classes moyennes et Energie, Qualité et Sécurité, Division Sécurité.
12