vigilance 2003 - Météo

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vigilance 2003 - Météo
Missions institutionnelles
Environnement
atmosphérique
Dans le domaine de l’environnement atmosphérique, en 2008, l’activité Recherche et Développement a consolidé sa dimension européenne à travers les avancées du projet Gems (Global Earth-system
Monitoring using Satellite and in-situ data), un programme pour la
création d’un système opérationnel assurant le suivi et la prévision
de la chimie atmosphérique à l’échelle globale. Le système développé tire parti de l’assimilation des données observées par télédétection. Il est couplé à des modèles capables de gérer les
émissions, les réactions chimiques et les dépôts des gaz et des
aérosols présents dans l’atmosphère. L’observation horaire des
principaux polluants, réalisée dans une quinzaine de pays européens, permet d’évaluer les performances du système et des
modèles qui le composent.
Des informations fines sur le contenu de l’atmosphère en
monoxyde de carbone sont maintenant disponibles grâce à l’assimilation, par le modèle Mocage-Palm (Modèle de chimie atmosphérique à grande échelle), de données provenant du capteur Iasi
(Infrared atmospheric sounding interferometer) embarqué sur le
satellite MetOp. Elles permettent en particulier aux modèles de
mieux décrire les structures associées aux transports interconti-
nentaux de pollution. Par ailleurs, une évaluation des modèles de
transport des polluants a aussi pu être réalisée grâce à un large
éventail d’observations effectuées pendant la campagne Amma
(Analyses multidisciplinaires de la mousson africaine).
Les prévisions de trajectoire des polluants atmosphériques rejetés
par les navires en difficulté ont pu être améliorées grâce au couplage
du modèle de dérive Mothy à un modèle de dispersion atmosphérique. Plusieurs scénarios ont permis de mieux appréhender l’évolution de la concentration et le déplacement des produits nocifs.
Dans le cadre de l’Année polaire internationale, l’identification et le
suivi des polluants affectant les régions polaires ont fait l’objet de
deux campagnes réalisées avec l’appui de l’avion instrumenté
ATR42 de l’Unité Safire : l’une au nord de la Suède au printemps et
la seconde au Groenland pendant l’été.
Enfin, plusieurs thèmes de recherche liés à la pollution atmosphérique et à la mesure de certains gaz ont été abordés en collaboration avec les Aasqa (Associations agréées de surveillance de la
qualité de l’air). Une attention particulière a été portée à la détection des conditions météorologiques propices aux intoxications
domestiques par le monoxyde de carbone.
Simulation du transport des polluants
Le modèle IFS (Integrated Forecast System)
de prévision numérique du temps du Centre
européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme (CEPMMT) prend en
compte le transport de traceurs chimiques et
assimile les observations par satellite des
espèces clés comme le monoxyde de carbone, l’ozone ou le dioxyde d’azote.
Cependant, il ne contient pas de modélisation des processus gouvernant la composition de l’atmosphère : émissions, réactions,
dépôts.
Pour étendre ses possibilités, une première
approche a permis de le coupler à des
modèles spécialisés ou CTM (Chemistry and
Transport Model). IFS envoie alors des données météorologiques au CTM qui lui fournit
les termes sources et puits des traceurs chimiques. La synchronisation des deux
modèles et les échanges de données
sont assurés par le coupleur Oasis4
développé au Centre européen de
recherche et de formation avancée en
calcul scientifique (Cerfacs).
Le modèle Mocage a ainsi été couplé à IFS et
le système résultant a été testé. Son utilisation opérationnelle reste cependant limitée
par le coût informatique. La faisabilité du
couplage d’IFS à un CTM plus léger a toutefois
été démontrée, tout comme le bénéfice
apporté par l’assimilation de données chimiques satellitaires.
Des évolutions du système, notamment l’implantation dans IFS de modules chimiques
issus des CTM (dont Mocage), seront testées
afin d’obtenir une cohérence parfaite entre
chimie et dynamique dans le modèle, tout en
réduisant les capacités informatiques nécessaires à son exécution.
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1
䊳
Moyenne journalière de la concentration
surfacique de monoxyde de carbone CO
obtenue avec le système couplé IFS-Mocage.
18 . Rapport d’activité Météo-France 2008
Gems : vérification
systématique
des prévisions
de qualité de l’air
sur l’Europe
En 2008, le projet Gems (Global Earth-system
Monitoring using Satellite and in-situ data)
est passé dans un mode pré-opérationnel
pour la prévision de qualité de l’air sur
l’Europe. Quotidiennement, les prévisions à
soixante-douze heures de dix instituts sont
centralisées et mises à disposition des utilisateurs sur Internet [http://gems.ecmwf.int] ;
elles servent également de base à l’élaboration de produits de prévision d’ensemble, ce
qui constitue une première mondiale dans le
domaine.
Des conventions ont été passées dans une
quinzaine de pays européens afin de disposer en temps quasi réel d’observations à pas
horaire des principaux polluants : ozone, particules PM10 (dont le diamètre est inférieur à
10 micromètres), oxydes d’azote, dioxyde de
soufre et monoxyde de carbone. Des
mesures effectuées sur plus de mille sites
sont ainsi concentrées quotidiennement et
constituent une base de données sans équivalent pour réaliser des analyses et évaluer
Missions institutionnelles
a
Erreur quadratique moyenne des prévisions de concentration d’ozone
sur l’Europe en fonction des échéances de prévision,
pour l’automne 2008 et l’ensemble des modèles impliqués
dans le programme Gems. Le modèle Mocage, qui apparaît
en violet, donne d’excellents résultats.
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b
2
a
䊱
Observation des concentrations de dioxyde d’azote.
b
Rapports de mélange d’ozone (ppb) :
(a) mesurés par les avions instrumentés
au cours de la période d’observation spéciale Amma
en août 2006 (adapté de Janicot et al, 2008) ;
(b) modélisés avec Mocage aux points de mesure
des avions.
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les prévisions de qualité de l’air. Ce projet
permet d’étendre à l’échelle de l’Europe, ce
qui est fait en France depuis plusieurs années
dans le cadre de la plate-forme Prév’Air :
plate-forme mise en œuvre par l’Institut
national de l’environnement industriel et des
risques (Ineris), l’Agence de l’environnement
et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), le
CNRS et Météo-France pour le compte du
Meeddat.
Les diagnostics de vérification des prévisions
sont calculés systématiquement par le
CEPMMT, offrant aux utilisateurs la capacité
d’évaluer au jour le jour la qualité des prévisions individuelles et des produits d’ensemble, en fonction du temps, des différents
polluants ou des échéances. Contrairement à
la prévision météorologique, la qualité des
prévisions dépend peu de l’échéance et
beaucoup plus de l’heure de la journée, reflétant l’origine des principales incertitudes (turbulence, émissions,…). Le modèle Mocage,
modèle de chimie atmosphérique à grande
échelle de Météo-France, obtient parmi les
meilleurs scores. Ces prévisions et leur évaluation systématique seront poursuivies
jusqu’à la fin de 2011 dans le cadre du projet
Macc (Monitoring Atmospheric Composition
and Climate), successeur de Gems.
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Évaluation des modèles
de chimie-transport globaux
Dans le cadre de la campagne Amma
(Analyses multidisciplinaires de la mousson
africaine), plusieurs groupes internationaux
ont organisé un exercice d’intercomparaison
de modèles de chimie-transport. Des simulations annuelles ont été menées, en se basant
sur des inventaires d’émissions communs.
Les résultats des modèles ont été confrontés
et comparés aux données des Périodes d’observations spéciales (POS).
Le modèle Mocage a participé à cet exercice
dans une configuration incluant un zoom à
0,5 degré de résolution horizontale (résolution
encore aujourd’hui hors de portée des modèles
chimiques globaux) sur le continent africain et
une chimie complète strato-troposphérique.
Plusieurs composés chimiques ont été considérés, en particulier l’ozone (polluant secondaire) et le monoxyde de carbone (polluant
primaire), tous deux d’intérêt pour estimer l’impact planétaire des feux de biomasse. À grande
échelle, Mocage présente une bonne stabilité
et les cycles annuels sont reproduits de façon
satisfaisante.
19 . Rapport d’activité Météo-France 2008
Le cycle annuel de l’ozone, mesuré au sol à la
station de Nangatchori (Bénin), est ainsi
remarquablement bien simulé. À échelle plus
fine, les résultats du modèle ont été comparés à des observations in situ effectuées à
partir de radiosondages et d’avions instrumentés, dans des situations mettant en évidence une forte variabilité spatio-temporelle
de la composition chimique.
Cette étude sera prolongée par l’analyse fine
des échanges chimiques entre la zone
Afrique et le reste du globe, notamment par le
calcul de bilans détaillés incluant les termes
de production (émissions, chimie), de destruction (chimie, dépôts) et de transport
(advection et convection-turbulence).
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Missions institutionnelles
䊳
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Moyennes mensuelles des analyses
de colonnes verticales de CO obtenues
par Mocage-Palm
à partir des données du capteur Iasi.
Observation à grande échelle
des contenus en monoxyde de carbone
Le monoxyde de carbone (CO), d’une durée
de vie de quelques semaines à quelques
mois, est un excellent traceur de la pollution
à grande échelle. Les feux de biomasse, dont
la combustion est incomplète, et les activités
anthropiques (industrie, transport,…) en sont
les principales sources. En outre, à travers sa
réaction avec le radical OH, le CO produit de
l’ozone, un des principaux polluants troposphériques ayant un impact sanitaire avéré.
Depuis 2000, l’instrument Mopitt (Measurements Of Pollution Into The Troposphere),
embarqué à bord du satellite Terra, mesure le
profil de CO et fournit plusieurs informations
sur la verticale dans la troposphère. En 2008,
de nouvelles données, issues de l’instrument
Iasi installé à bord du satellite opérationnel
MetOp, sont devenues disponibles sous forme
de colonnes verticales et couvrent la terre deux
fois par jour. L’utilisation de ces colonnes pour
décrire les distributions tridimensionnelle du
CO est étudiée par assimilation dans le sys-
tème Mocage-Palm (Projet d’assimilation par
logiciel multi-méthode). Les profils verticaux
obtenus sont évalués par comparaison aux
mesures de l’instrument Mopitt, dont la qualité a été caractérisée par des observations in
situ indépendantes.
Une conclusion de cette étude montre que
l’assimilation de données de colonnes de CO
issues du capteur Iasi permet de caler le
modèle à l’échelle planétaire, en particulier
pour les structures associées aux transports
intercontinentaux de pollution. Combinant les
informations du modèle et des observations,
l’assimilation permet de reconstituer la structure verticale du CO. L’intérêt est majeur car
Iasi est installé à bord d’un satellite opérationnel, ce qui garantit la disponibilité des données en temps réel et la continuité des
mesures sur la prochaine décennie. Les travaux visent maintenant à quantifier l’apport
en information pour les basses couches troposphériques.
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Simulation de la diffusion des effluents
En cas d’accident maritime d’un cargo chimiquier ou gazier, les gaz émis ou les nappes flottantes de produits déversés en mer peuvent
présenter des risques pour les équipes de
secours et pour les populations côtières. Dans
le cadre du projet Galerne (Gaz et liquides évaporants et risques des nuisances environnementales et humaines) de l’Agence nationale
de la recherche, Météo-France a étudié la dispersion des effluents en champ « lointain »,
jusqu’à une centaine de kilomètres du sinistre.
Les modèles de dérive de nappes en mer
Mothy (Modèle océanique de transport d’hydrocarbures) et de dispersion atmosphérique
Perle (Programme d’évaluation des rejets
locaux d’effluents) ont été couplés pour examiner la dispersion de gaz s’évaporant de nappes
flottantes dérivantes. Ce système couplé a permis d’évaluer l’impact d’un accident fictif provoquant le déversement de 2 500 tonnes de
xylène en Manche. Deux types de rejets ont été
envisagés (un rapide durant quinze minutes et
un long durant vingt-quatre heures) dans des
conditions météorologiques et océanographiques variées. Les simulations indiquent que
le polluant ne devrait pas dériver en mer sur
plus de dix kilomètres avant sa disparition du
milieu marin par évaporation, et que les
niveaux de concentration induits dans l’atmosphère devraient rester inférieurs au seuil des
effets irréversibles indiqué par l’Ineris.
Des simulations ont aussi été effectuées pour
estimer les conséquences d’un rejet direct
dans l’atmosphère de 3 600 tonnes d’ammoniac. Des effets possiblement graves ont été
mis en évidence en termes d’impact sanitaire.
Ainsi, pendant une situation météorologique propice à la stagnation du polluant, le
seuil ERPG (Emergency Response Planning
Guidelines) de niveau 3 (concentration maximale supposée pouvoir être supportée par tout
individu sans effet pathologique mortel) a été
dépassé pendant trois heures jusqu’à une distance de trente kilomètres.
Ces travaux ont permis de renforcer la compréhension et la simulation du comportement d’effluents chimiques, ainsi que
l’expertise sur les outils de modélisation de
la dispersion mis en œuvre par Météo-France
en cas d’accident.
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20 . Rapport d’activité Météo-France 2008
Polarcat : étude
de la pollution
atmosphérique
autour du pôle Nord
Le projet international Polarcat s’inscrit dans
le cadre de l’Année polaire internationale.
Son objectif est d’étudier le transport
jusqu’en Arctique de la pollution due aux
sources anthropiques et aux incendies de
forêts boréales, et de préciser l’impact de
cette pollution sur la composition de l’atmosphère et sur l’évolution du climat dans cette
région. L’avion ATR42 de Météo-France, mis
en œuvre par l’Unité mixte de service (UMS)
Safire du CNRS - Météo-France - CNES, a participé à ce programme dans le cadre de deux
campagnes de mesures : au nord de la Suède
à Kiruna en avril 2008 et au Groenland à
Kangerlussuaq en juillet 2008.
Pour étudier la brume arctique en Suède, au
nord du cercle polaire, l’avion était équipé
pour la mesure in situ d’aérosols et d’espèces traces ainsi que d’un lidar et d’un radar
de mesure de l’humidité. Des événements
importants de pollution ont ainsi pu être
documentés, notamment une pollution d’origine asiatique qui avait traversé le pôle Nord.
Au Groenland, la seconde campagne avait
pour principal objectif l’étude du transport et
du dépôt des résidus des feux de forêts
boréales. À cette occasion, l’avion était également équipé d’un lidar adapté à la mesure
des concentrations d’ozone.
Avec ces configurations instrumentales chargées, la mise en œuvre de l’avion dans des
régions isolées et dans des conditions climatiques sévères a nécessité un an de préparation. Au total, l’ATR42 a réalisé cent vingt
heures de vol dans le cadre de Polarcat, permettant d’acquérir de nombreuses données
de qualité qui sont maintenant en cours d’exploitation.
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Missions institutionnelles
L’avion de recherche atmosphérique ATR42, prêt au départ à Kiruna (Suède)
pour effectuer des mesures de pollution dans le cadre de l’expérience Polarcat.
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Intoxications
au monoxyde
de carbone (CO)
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Simulation couplée
Mothy-Perle
pour un déversement fictif
de 2 500 tonnes de xylène.
Le trait noir délimite
les bords de la nappe
de polluant à la surface
de la mer une heure quinze
minutes après le début
du rejet. Les couleurs
indiquent les niveaux
de concentration
dans l’atmosphère.
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Chaque année, le monoxyde de carbone (CO)
est responsable de plusieurs milliers d’intoxications en France, en particulier dans le Nord
et le Pas-de-Calais.
En relation avec la Direction régionale des
affaires sanitaires et sociales (Drass) de la
région Nord - Pas-de-Calais et avec l’Institut de veille sanitaire/Cellule interrégionale d’épidémiologie (InVS/Cire) du Nord,
Météo-France a analysé les situations
météorologiques correspondant aux pics
d’intoxications.
Les observations indiquent que les intoxications, causées majoritairement par des
chauffages défectueux, se concentrent principalement entre le début du mois de septembre et la fin du mois de décembre. Les
situations les plus fréquentes sont de type
« anticyclonique » et sont caractérisées par
une stabilité atmosphérique importante, des
températures douces pour la saison et de
fortes humidités qui limitent le tirage des
cheminées et rendent difficile l’évacuation
des gaz produits.
Des critères de détection automatique, fondés sur ces particularités et utilisant entre
autres la base de données météorologiques
Sym-posium, ont pu être établis et ont été
testés cette année au cours d’une expérimentation qui sera poursuivie en 2009. La
validation de tels critères permettrait à
Météo-France de prévenir les services du
ministère de la Santé des risques d’occurrence de conditions atmosphériques favorables aux pics d’intoxications. Des conseils
d’utilisation des chauffages pourraient ainsi
être diffusés pour alerter les usagers.
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Répartition des intoxications
au monoxyde de carbone CO
ayant affecté la région
Nord - Pas-de-Calais
pendant la période
2001-2007.
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21 . Rapport d’activité Météo-France 2008