Les plaques de foyer

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Les plaques de foyer
LES PLAQUES DE FOYER
MONSIEUB LE DIHECTECU,
lfEsnfEs, MESSIEURS,
En réunissant dans les derniers jouis de novembve les matériaux du travail que je m'étais engagé à vous présenter, je craignais, en voyant la
température exceptionnelle dont nous jouissions,
de venir vous parler d'un sujet hors de saison;
mais. dès le I" janvier, je inc suis rassuré: j'ai vu
que l'hiver de 1894, s'il était tardif, n'en serait pas
moins rigoureux et qu'il mériterait de prendre place
à la suite de ceux que mon camarade Louis Duval
n entrepris (le rappeler dans l'intéressante éLude
qu'il publié dans l'excellent Bulletin de la Société
historique et archéologique de l'Orne, que préside
notre éminent directeur, M. le sénateur de La
Sicotière.
Parler du foyer, des plaques de foyer. est aujourd'liui un sujet d'actualité, et cette atualité vous
Document
IIIIIIIIIIIIIIIIHIIIJI!IIIIlII
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fera excuser, je l'espère. certains détails peut-être
un peu arides de cette communication.
En effet, avec l'hiver arrive le moment où-le soir
chacun se groupe autour du foyer. Mais, hélas,
trop souvent aujourd'hui, ce foyer dont 011 aime à
raviver l'ardeur, en tourmentani à coups de pincette les bûches et les tisons, n'est plus qu'un vain
mot; les cheminées portatives, comme la - Salamandre, dans lesquelles on n'apercoit la flamme
qu'emprisonnée dej-nère (les barreaux garnis de
feuilles de talc, l'ont supplanté et, plus souvent
encore, le triste Chouberky, que ne réussissent pas
à égayer ses immenses affiches réclames avec la
Cigale et la Fou-nni. Quo dirai-je alors des calorifères, thermosyphons et autres modes (le chapifage,
aussi désagréables que peu visibles? Et quand nous avons des cheminées où le vieux
bois de nos forêts brûle encore à l'air libre, n'estce pas toujours dans d'étroits et mesquins foyers
dont on distingue à peine Je fond? Aussi ne voyonsnous plus aujourd'hui ces belles plaques de che-minée en fonte, ces taques, pour leur donner- 1etr
nom propre, dont les motifs, éclairés par la lueur
que projetaient les quartiers de bois placés sur les
landiers en fer forgé aux hautes figures de gueri-iers, ont encore bercé notre enfance.
Les plaques de foyer ne sont plus aujourd'hui
que de minces feuilles de métal fondu ou laminé, et
on ne se donne plus la peine de les décorer de su-
—D—
jets, comme on l'a fait pendant trois ou quatre
siècles.
Avant que ces derniers spécimens d'un art qui
tend à disparaitre aient été brisés en morceaux,
jetés dans les fourneaux des fondeurs qui les . remettront en circulation sous forme de cuisinières
fiàmandes, de conduites de gaz ou de bouches
d'égoût, cherchons à en conserver le souvenir et à
décrire ceux qui subsistent encore.
- C'est il y a une quarantaine d'années au plus que
l'on a commencé à' s'occuper de ce travail, et, l'un
des premiers à cette époque, le comte Édouard de
J3urtFélemy avaiL signalé en 1851 quelques-uns de
ces curieux monuments tians sa Statistique menumentaicdci'ctrrondîssenientdeSa'tnte-Menc/wuld(l);
mais son exemple ne fut guère suivi, et ii n'y a pas
plus de vingt-cinq 'ans qu'on a donné place dans
nos musées aux anciennes plaques de foyer, fort
timidement d'abord, en les reléguant dans les cours
ou sous les-cloitres et en n'en faisanL dans les catalogues qu'une nention sonunaire « plaque en
fonte », « plaque armoriée », « plaque du XVI C ou
du XVf1 siècle ; c'est. ce qu'il va peu d'années,
on lisait dans les catalogues des musées de Bouen,
de Bruxelles, etc. C'est ce qu'on y lit peut-être
encore aujourd'hui. .Au début, les plaques armoriées furent seules
(J) Bulletin monumental, t. XVII, p. 69.
-6-recherchées et semblèrent offrir quelque ifitérèt à
cause des blasons dont elles étaient revêtues, mais
aujourd'hui toutes sont estimées desamateurs et
ont leur place marquée dans les musées et dans
les collections particulières.
Le Musée de Cluny, le Musée des Arts dcoratifs,
le Musée Carnavalet, à Paris, ont leurs séries de
plaques de cheminée; mais les plus considérables,
les plus importantes sont en Lorraine et en Champagne, dans les pays où l'industrie métallurgique
a été surtout développée, et les .collections les plus
imp'ortantes sont aujourdhui celles du Musée Lorrain de Naucy (1), qui en compte plus de cent, du
Musée de Bar-le-Duc (2) et de ceux dc Troyes (3),
de Coinpiègne et d'Angers (4).
C'est là surtout qu'après avoir réuni le plus
grand 'nombre de ces monuments, les archéologue
se sont attachés à en rechercher l'origine et à en
étudier l'histoire (5).
L]
(1) Mn.qde historique lorrain. Catologue, par Lucien
\Viener, 6° édilion. Nanoy, 1887, in-8°, n' 1012 à 1028
(notre confrère n bien voulu nous communiquer la liste des
nouvelles acquisitions faites de 1886 1.893, comprenant
28 nouvelles plaques ou variantes).
('2) Ville de Bar-le-Due. Musée. Dons et acquisitioni
(publication annuelle).
(3) Mvsde de Troyci. Àrchéologie n,onurnentale. , Catalogue, par M. Leolert, 1890, in-8°, n°' 770 â 790.
(4) Catalogue du fifuste d'antiquités d'Ange's par' V.
Godarl.—Faultrier, 18&, n°' 1707 à 171.0 E.
(5) Nous avons eu le plaisir de voir, au mois de juillet
-7—
Jusqu'au milieu du rie siècle, on ne parait pas
avoir songé à garnir de ces plaques le contrecoeur des cheminées; la pierre du mur ou de la
cloison semblait suffire ; mais un double motif doit
avoir, à cette époque, appelé cette amélioration
d'une part, la crainte des accidents causés parle feu,
de l'autre, lè désir de concentrer et de renvoyer
dans la pièce la chaleur que la pierre absorbait sans
utilité.
C'est de la seconde moitié du XV e siècle seulement que datent les piaques les plus anciennes qu'il
ait été donné à nos confrères de relever (1);
car, nous devons tout d'abord le reconnaitre,
nous venons surtout ici faire oeuvre de vulgarisation et de propagande (2), en faisant connaitre les
travaux de nos amis MM. Léon Germain. (3),
1895, Œ 'Exposition rtrospective de Reims, dans la cour
de l'archevêché qui précédait les salons, une collection de
plaques de cheminée appartenant à M. Alfred Lefebvre,
constructeur à Ileims, et ne comprenant pas moi ps de 76
types difftrents. Le catalogue en renferme la désignation
assez détaillée.
(1.)Le Musée lorrain posséde une taque portant les cmblêmes du roi René (Pi31-1.480). C'est, croyons-nous, ta
plus ancienne connue.
(2.) Nous avons déjà cherché à atiirer l'attention sur les
plaques do foyer dans les arlictes suivanis: Les taques dc
foyer{Leniobilier, revue artistique hebdomadaire, Bruxelles,
27 avril 1893) Les plaques de foyer (Socidtd historique de
Compiégne. Procôs-verbaux, li, 1893).
(3) Plaque de foyer aux armes de François Tanfe, comte
—
Lucien Wiener (1), le baron de Bivières (2) et
Maxe-Verly (3), et de plusieurs outres archéologues,
tels que MM. Lecler et J3retngne, et chercher à les
donner en exemple à nos• confrères de la Société
lies Antiquaires de Norrnandie
Un architecte fort érudil., mort il y o quelques
jours, César Daly, publiait il y u vingt-cinq ou
lrente ins une brochure intitulée ((Ce qu'ime g1Ie
de Carlinford. Nanoy, Crépin-Lebtond, in_50 1882 (Extr. du
Journal do la Société d'arch4ologic lorraine), flaque de
f' yer aux armes de Christophe de Bassompierre et. de
Louise de fladeval. Forges de Cousance, 1581 (Bvlletiti
monnnienlal, t. LIV, 1888). Plaque . de foyer sujet énigmatique, Musée lorrain. lepas tragique; seconde moilié
)C[u XVlc siècle. (Lorraine arttstc, 13 septembre :l.89l, avec
planche). Plaque de foyer aux armoiries du duc Charles III
(Id., 21février 1892), elc.
(1) C:auilogue du Musée lorrain
(2) Le.plaqnes de foyer. Lecture faite à la Société archéologique de Tarn-et-Garonne, le 2 novembre 1892.
•Monlauhan. Forstier, 1893, in-8', fig. (Extr. du Bulletin
•archéologique de .Tarn.el.Garonnc).
(Sj M. Maxe-Verly afaiten 1895, au Congrès des Sociétés
savantes, à la section d'archéologie, uS commujiication
des plus importantes sur ]es taques de foyer de la Lorraine et du Barrois, et a fait passer sous les yeux de ses
auditeurs plus de six cents photogi'aphies ou dessins de ces
curieux monuments. II a présenté également à la réunion
des Sociélès des Beaux-Arts ledessiji d'une plaque rappelant l'inauguration d'un maire de Ligny-en-Barrois, si nôs
souvenirs sont. exacts.
e,- -.
.:
en fer peut apprendre de l'histoire du dix-septième
siècle»; les collectmnneurs de taques iront aussi loin
et plus loin que Césr Daly, car ils reconnaissent,
grâce aux armoiries etaux'sujels qui y sont figurés,
non seulement le nom du possesseur. mais ses opinions religieuses et ses préfrences politives.
Le choix des scènes ou des personnages représentés n'était pas arlitraire, écr;':ait, il y a une
dizaine d'années, M. Bretagne; « il s'inspirait des
goûts du propriétaire, de sa profession, de son
caractère, en rappelant le plus souvent les, souvenirs de sa famille. Quelquefois la composition est
allégorique, et alors le feu, comme de raison, y joue
le rôle principal; d'autres fois, par un de ces jeux
de mots qui étaient dans l'espit de l'époque, il n'y
a en scène d'autres feux que ceux de l'amour: ainsi
deux plaques représentent de manière différente,
l'une, Hercule filant aux'pieds d'Omnphale,.l'autre,
l'Amour armé de son arc et de ses flèches... »
Retraçant daus leur ordre chronologiqne tes divers sujel.s reproduits sur les taques, M. Léon Getmain nous les montre d'abord h la lin du quinzième
siècle, dans la forme pentagonale et portant comme
sujets des saints. debouts, comme ceux q-sic nous
offrent les panneaux de nos vienx liuchiers, ou des
emblèmes héraldiques, d'une facture assez bai-haro
et l'un relief peu accusé (1).
(:1) On rencontre plusieurs de ces plaques, avec airnùi-
- 10 « Le seizième siècle, ajoute-t-il, offre de très belles
ci. majestueuses taques héraldiques, ordinairement
recta agulaires et à fort relief. Les scènes religieuses et les emblèmes sont en nombre inférieur; la mythologie fait son apparition...
« Les dix-septième cl, dix-huitième siècles contiiment la tradition du précédent, niais peu à peu. le
dessin perd de sa vigueur; le relief diminue; la
mythologie tient une plus large place; le rectangle
de la plaque coupe ses pans supérieus ou s'orne
d'un fronton circulaire. Vient l'époque Louis XV
avec ses rocailles souvent d'un dessin charmant,
puis celle de Louis XVI, avec ses noeuds et ses grécieuses guirlandes
A cette période sè rattachent ces plaques aux
sujets galants que nous trouvons au Musée de
Nancy: le charde l'Amour, Cupidon, Diane, la bergère tenant un enfant sur le clos et ayant un chien
à ses côtés, ainsi que t'Hiver et le Commerce; au
Palais de Compiègne, la forge de Vulcain et Jupiter
avec son aigle.
Enfin, pendant la période révolutionnaire, nous
voy ons des plaques avec des sujets patriotiques: la
prise de la Bastille, l'autel de la Liberté.., et depuis,
ries et chiffres coulés en quelque sorte au hasard, sur de
grandes plaques de fonLe bordées d'un simple filet , au
Musée de la Société des Anliquaires (le l'ouest, é Poitiers,
et au Musée de La oche]!e.
- '11 Napoléon et quelques-uns de ses maréchaux ont
fourni, il y a un demi-siècle, des motifs auxfondeurs au moment où, après 1830. on vit l'Épopée
Impériale jouir d'un regain (le popularité, analogue
k celui que nous voyons actuellement se produire
au théâtre, dans le mobilier et la toilette, et dans do
nombreuses publications. Si les sujets religieux se rencotrent assez fiéquemment en Fiance, dans les plaques destinées
principalemen t aux communautés religieuses, ou
aux bourgeois qui ne pouvaient s'offrir de plaques
armoriées ou ne voûlaierit pas en faire la dépense,
sujets tels que la Sainte Famille - où nous voyons
la Vierge assise, saint Joseph devant son établi et
Jésus balasint l'atelier,—lavierge et l'enfantiésus,
l'Annonciation, les noces de Cana, saint Nicolas,
saint Ilubert, sainte Élizabeth, qua&e saints sous
une arcature. etc.; mais c'est surtout parmi les
sujetsde l'Ancien Testament que lesfondeirrs ont, au
seizième et au dix-septième siècle, choisi des motifs
destinés surtout à orner les demeures des protestants; nous trouvons dans cette série, fort nombreuse, le sacrifice dAbrahain, en plusieurs exemplaires dont un, daté de 1664, le Jugement de
Salomon, le prophète Élie dans le désert, Élisée
multipliant l'huile de la veuve, avec la date de t661,
et une citation du livie des Rois; enfin, une plaque
des plus curieuses, décorée des. ariites de Salin,
accostées de deux couples •de danseuis dans le
12 goût flamand, et dont le médaillon principal représente une scène de banquet, dans laquellé M. le
pasteur Dannreuther n reconnu l Conf3i.xion
d'Amai, lorsqu'Esther dénonce h Assuérus l'indignité de son favori ('1).
Les armoiries et emblèmes héraldiques fournissent certainement l'élément le plus considérable de
chacune des collections de taques qu'il nous u été
donné de rencontrer, cal\dès qu'un prince, un seigneur ou un haut dignitaire ecclésiasl.ique faisait
bâtir une demeure, 3on premier soin était de faire
exécuter des plaques armoriées pOUF en garnir les
contre-coeurs de ses cheminées. On peut constituer
ainsi une série très nombreuse de pièces aux armes
et aux devises des rois de Fronce (2), (les empereurs
et des rois dtspagne, des ducs de Lorraine, etc.
Des artistes distingués ne dédaignèrent pas de
fournir les modèles de ces plaques et, dans le nombre, nous pouvons citer le premier des Caffieri,
Philippe , qui exécuta de 1665 à '1672 des modèles pour le Louvre, les Tuileries et Versailles,
septembre 1891 et 21 février 1892.
devons d l'obligeance de M. Garand, conservateur du Palais de Compiègne, une liste très complète des
plaques de cheminée qui se trouvenL encore en place ai'
palais. Elles présentent de très nombreuses variétés des
armes de France, avec et sans les colliers il en existe
aussi une trentaine, de très grandes dimensions,. conservées
sans emploi dans les magasins des bâtiments.
(1) Lorraine artiste. 13
(2) Nous
- 13 dont l'exécution fut confiée au maitre fondeur
Blondet (1).
Mais si parfois les inodMes des plaques furent
exécutés h Paris par des artistes et envoyés aux
fondeiies, le plus souvent ils furent dessinés et
modelés par les artisans qui travàillaieiit dans CeS
établissements. Si les plaques ' datées sont assez fréquentes, en
revanche, cellès qui sont signées ou qui tout au
moins portent la provenance de la fabrique d'oà elles
sont sorties sont fort rares. Nous ne pouvons guère
citer à cet égard que la belle plaque aux aimes de
Bassompierre cl, de Radeval, publiée par M. Léén
Germain, qui, avec la date du il s' aviil 1i8i, porte
le nom des forges de Cousance, et une plaque de
1602, aux armes de Fiance et de Navarre, signée
P. Vaultrin 2).
Plusieurs de ces plaques, et ce ne sont pas les
(1.) A. de Cliampeaux, IjYclionnaire des fondeurs, ciseleurs, modeleurs en hronze ci doreurs. Paris, Librairie de
FArt, 1896, in-12..
Nous Ijouvons dans cet ouvrage le lion de Nicolas Clergel, marchand et maître de forges, à Saint-Dizier, qui
reçut en 1550 une somme de 200 livres pour le paiement
d'un certain nombre de contre-coeurs pour les cheminées du Louvre.
(2) Le no 38 de la collection Lefebvre, de Reirns, porte
au bas d'un écusson aux armes de Reiins, sommé de la
couronne royale: iOSNE. 1700.
- 14 moins belles, portent les armoiries des grands
maîtres de l'artillerie, comme celles du maréchal
d'Huinières, et nous ne croyons pas nous avancer
en disant qu'elles ont dù sortir des fonderies où
l'État Faisait fabriquer son artillerie et quelles furent offertes aux grands maîtres, ainsi qu'au dixhuitième siècle, on exécutait clans les manufactures
d'armes des modèles de canons, comme ceux que
nous avons pu voij' chez M. le comte d'Abovifle,
au château de flouville, dans le Loiret. et qui furen t
faits à Douai et présetités aux membres de cette
famille, investis à diverses reprises des fonctions
d'inspecteur général de cette arme.
Nous pourrions parler encore de ces plaques
carrées, de faible épaisseur et dont les sujets sont
presque sans relief, rencontrées en Allemagne et
eu Suisse, et dansiesquelles M. Germain a reconnu
les pièces de ces grands poêles ou. fourneaux dont
Pusage est encore conservé dans ces pays (1), ou
nous étendre sur les plaques aux armes et aux de(1.) Notre confrère M. Huart n bien voulu nous CommUniquer'la photographie d'une plaque provenant d'un fourneau de fabrication allemande, qui se trouve aujourd'hui
à l'Hôtel-Dieu de Caen et représente la rencontre de
Jésus et de la Samaritaine. M. Maxe-Verly n bien voulu
nous donner, au sujet' de ce curieux monument, une note
que nous reproduisons en appendice, en le remerciant
de sa description si précise et des renseignements qui la
comptétent.
- '15 vises d'Angleterre et à l'effigie de Charles P' cL
que M. le baron de Rivières vient de signaler à
Albi et en Gascogne, plaques dont l'origine est
indéterminée et qui, peut-être, ont été apportées
comme les?. et vendues en F'rance à l'époque où,
sous le Protectorat de Croinwell, elles avaient pris
un caractère séditieux en Angleterre (1).
Nous pourrions parler aussi de deux plaques
historiques: la première, célèbre dans l'histoire galante du XVIIIO siècle, est celle de la chambre de
Madame (le La Popelinière, par laquelle s'introduisait le maréchal de Richelieu et dont le secret fut
découvert par Vaucauson; la secondé, celle derrière
laquelle la duchesse de Bern et ses compagnons
étaient caché à Nantes et qu'ils (lurent ouvrir afin
d'éviter de mourir asphyxiés dans cette cachette:
(1) JI est certain que les plaques de cheminées ont voyagé
avec une facilité que leur poids ne semblerait pas leur
permettre. On trouve les mêmes types, etje parle ici surtout des plaques armoriée de l'est ii l'ouest de la Franco.
Aussi, B existe à ÏHàtel du Grand-Cerf, aux Andelys, une
plaque portant au centre un écusson chargé d'un lion
tenant une croix recroisettée, surmonté d'un chapeau ecclésiastique, avec la date de 1632 et la devise : FOnTEs CRUX
SOL, COBONAT. B,MANEL I'lltOfl DE IUVO. Un second exemplaire gure au Musée de Troyes, sous le n° 781. Ces
armoiries pourraient être celles des Le Gardeur, 8ieurs
d'Amblie, de La Valette, de Croisilles, etc. (Electiun de
Caen), qui portent: de gueules au lion ([argent tenant une
croix haute recroisettèc d'or.
- 16 Mais nous ne voulons pas nous étendre outre
mesure et nous préférons vous ramener en Normandie, où nous trouvons d'abord des séries fort
importantes de taques dans la collection de M. Loquet, le maître serrurier de Rouen, et dans celle du
comte de Reiset, au Breuil-Benoit, au Musée de
Rouen (i), où notre ami M. Gaston Le Breton nous
en signale quelques-unes assez remarquables, ainsi
que d'autres non moins curieuses dans sa collection
personnelle (2), et dans divers châteaux du département de l'Eure, où notre confrère M. le chanoine
Porée a bien voulu nous en indiquer un certain
nombre, qui, comme celles du château de Chambray
(1) « La plaque la plus ancienne du Musée est de
l'époque de Ilenri Il, avec des cuivres enroulés, mascarons
et personnagcs décoratifs épousant la forme même du
cartouche; une autre plaque de l'époque de Henri lIT, par
les caractères décoratifs de son ornementation, a pour sujet
principal le Christ et la Samaritaine... Sur une plaque dc
l'époque de Louis XIV, un personnage, portant un costume
de cour, reçoit les hommages èt les présents qui lui sont
offerts. L'entourage est dans le style ]3érain, comme ornementation. n
(2) « Je possède aussi une assez belle série de plaques,
à Varengeville, un intérieur de cheminée composé de cinq
plaques, ce qui est très rare, aux armes du maréchal de
Belle-Isle, avec le bâton de maréchal, des trophées, des
drapeaux et des initiales, dans le style Louis XV, d'une
réelle beauté. Cet ensemble décoratif complet provient du
ch6teau de Vernon, dont le maréchal était seigneur en
même temps que de Gisors. n
- 17
notamment, pourront prendre pLace dans un inventaire des plaques normandes (1).
Mais, ce que nous tenons surtout à signaler, c'est
la collection unique,.croyons-nous, de modèles en
bois pour l'exécution des plaques de foyer, conservée aux usines du Vieux-Conches , et que nous
avons pu voir en 1888, tors du Congrès de l'Association Normande. Il y a là plus de soixante modèles, dont les plus anciens refnontentà LouisXlV, et
les plus récents au connuenceinent de ce siècle, Ces
modèles, encore en état de servir, proviennent des
différejites usines qui formaient autrefois le groupe
des forges de FEure: Breteuil, Condé, Lallier et la
Poultière.
L'exploitation des minerais de fer de la forêt de
Couches remonte jusqu'à l'époque romaine, ainsi
qu'on a pu le constater par la découverte de scories
accompagnées de fragments de poterie et de iné(1) Il existe à Saint-Vincent-du-l3oulny, canton de
Thiberville, une belle plaque aux armés accorées de Jacques
Leconte Duquesne, marquis de Nonant-Reaumesnil, et de
Marie Dauvet-Desmarest (c'est le constructeur du elulteau
de Beaumcsnil). Aux angles supérieurs de la plaque se
voient deux D et un M, entrelacés, comme au-dessus de
certaines fenêtres du château de Beaumesnil. La même se
trouve chez M. Loquet, à Rouen. Au chûteau de Chambray, ajoute M. l'abbé Porée, j'ai iemarqué encore plusieurs
vieilles plaque, mais eltes sont retournées le long d'un
mur, etje n'ai pu encore les étudier. i
2
dailles romaines de la fin du 111° siècle. Elle fut
reprise au moyen âge, mais ce n'est que depuis
ffiPS que les forges du vieux Conches ont été installées. Depuis ce temps jusqu'à nos jours, « il y a
là, ainsi que l'écrivait M. Geoffroy de Grand-Maison (4), une tradition d'honneur, de travail, d'habileté professionnelfe qui date de trois siècles et qui
n'est pas pour périr entre les mains qui la duigent
aujourd'hui; l'usine et la gloire industrielle de
Conches; elle en fut' en des temps plus heureux
la prospérité; elle en est toujours le modèle par le
bon esprit de ses ouvriers et la paternité de ses
directeurs ». Grâce à l'obligeante intervention de M. Le Mesnager, la direction des hauts-fourneaux de Conches
a bien voulu nous en communiquer le catalogue et
les photographies. Nous regrettons vivement què
la dimension restreinte de ces photographies ne
nous permette pas de les placer sous vos yeux,
car vous y auriez vu de très remarquabl6s spécimens de l'art déployé !lans ces plaques, au XVIII0
siècle principalement.
Les sujets 'mythologiques y sont nombreux
Pégase, l'Enlèvement d'Europe, un sacrifice aux
'l'rois Gr'ces,Vénus et l'Amour, Neptune et Atnphy-(1) Rapport sur I'ExpoRition artistique de Concltes en.
1888, dans l'Annuaire de t'Associat'On Normande pour
1889, p. 292-23.
- 19 trite sur un char marin tramé par deshippogryphes;
et dans ce anthé.on, les divinités champêtres célébrées par les poètes et les écrivins (le l'école de
Rousseau, dont le portrait est reproduit. ainsi que
celui de Voltaire, Flore,Cérès, Cybèle, et à côté d'elles
Melpomène, Uranie et Tliémis. L'histoire sainte est
représentée par plusieurs bas-reliefs des plus importants, notamment le Jugement de Salomon
Moïse sur le Sinaï, la lutte de Jàcob et d l'Ange;
une série de sujets agricoles, la moisson, le laboureur, terminent cette collection qui comprend aussi
quelques sujets épisodiques, tels que le maréchaldes-logis Gillet dans la forêt d'Àutun et la Fédération, san.parler d'une suite d'écussons aux armes
de France et aux armes de communautés.et de familles normandes, telles que l'abbaye 'du Bec, les
Granchain, les Mauduit et une plaque magnifique
d'exécution des Montmorency..
La décoration de la plupart des modèles de Con
ches est des plus importantes pour l'histoire de la
sculpture ornementale au XVIII' siècle, et nous
serions heureux de voir le Musée des Arts décoratifs
les faire reproduire pour en enrichir sa &.ollection,
déjà riche en. types de ce genre.
Le Musée de la Société des Antiquaires de Normandie possède déjà plusieurs plaql!es,' dont une
aux armes 4es Froullay de Tessay; nous espérons
que nos confrères pourront mettre à rofiL les indications que nous venons de réunir et qu'en même.
I.
I
--20—
temps qu'ils y formeront une série de plaques normandes, ils entreprendront la rédaction d'un inventaire de ces monuments artistiques (1).
Le jour où Caen possèdera le musée archéologique que devrait avoir une ville de semblable importance, et qui serait le pendant de cette collection
de tableaux célèbre dans toute l'Europe, nous
espérons que la série des plaques normandes y
aura la place qu'elle mérite. (1) Outre ]a plaque de l'Hôtel-Dieu, dont la photographie
nous n été obligeamment communiquée par M. Huart,
deux autres de nos confrères, Î1M. Simon et de Longuemare, ont bien voulu, à la suite de notre lecture, nous1
donner quelques autres indications dont nous les remercions.
II s'agit, notamment, d'une plaque avec un écusson fascé,
chargé d'une bande portant une coquille accostée de deux
étoiles, l'écusson soutenu par des patmes et sommé d'une
couronne de marquis provenant du c]iàteau de la BasseAllemagne, appartenant aux Dames de Saint-Louis de Gaen.
g
In;p. Phos, .4 Ifml Aren Parh
ClirWdr SI. H.ar,
LE CHRIST ET LA SAMARITAINE
Plaque de poêle. travail allemand du XVI. siècle
- 2f A P P E N DI CE
JÉSUS ET LA SA11ARJTAJNE
Placjue aliemande de feurneau, à l'Hôtel-Dieu
-de Caen
(Note de M. Maxe - Verly)
Cette plaque provientuon d'un revètementde contrecoeur dc cheminée, mais d'un dc ces fourneaux de
fabrication allemande dont 'es premiers spécimens
apparurent dès la seconde moitié du XVI' siècle; dans
la région de l'Est, surtout eu Alsace, ces fourneaux
ont remplacé les anciens poètes aux dimensions
énormes, construits en carreaux dc terre cuite, décorés
et vernissés,que vers le dommencement du XV'siècleon
rencontrait dans les grandes salles des châteaux et les
habitations de la riche bourgeoisie.
• La scène représentée sur cette plaque est celle dc
l'entretien de Jésus avec la Samaritaine, dans le
voisinage de Sichem, près du puits de Jacob, ainsi que
le rapporte l'évangéliste saint Jean (eh. Iv).
Monument bizarre de forme hexagonale, ce puits
apparaitau centre du tableau comme un édifice dont
la décoration singulière a lieu de surprendre. Sa cuve
est ricbemcnt décorée, et sur la margelle s'élèvent
deux montants ou supports ayant laspect de clochers
élahcés; leurs sommets, terminés en plate-forme, servent de bases à une sorte de couronnement étrange,
- 22 dont deux des faces, en forme de flabellum, reposent
l'une sur des têtes d'enfants bouffis,! l'autre sur dés
chiens accroupis. Entre les supports, au centre, èst
fixée une poulie avec su corde attachée k un seau;
derrière le puits sont deux grands vases remplis de
fleurs.
A la droite de cette scène, le Seigneur est représenté
àssis sur un banc et non sur la margelle, comme l'indique le récit de l'évangéliste: 14 se trouvàil le
puits defaeob;Jésus, fatigué du voyage, était assis sur
le )ntits ». Revêtu d'un long manteau, la téte ornée
dune ninibe crucifère à rayons flamboyants, dont les
contours sont légèrement coquillés, le Seigneur s'entretient avec une femme de haute taille qui se tient debout
de l'autre côté du puits. « Une femme de Samarie vint
puiser de l'eau». Son costume, des plus remarquables,
rappelle celui des dames de la Cour de Marie de
Nédicis: robe de brocart à doublejupe,collier à triple
rang autour du cou, riches pendants d'oreilles; à ses
pieds est un grand vase à anse qu'elle avait apporté
et qu'après son entrevue avec le Seigneur, elle doit
laisser sur place, dans son empressement à aller porter
aux habitants de Sichem le récit de son entretien avec
le Messie. e Aloi-s la frime, ayant laissé sa cruche,
s'en alla dans la v iile ».
Au fond du tableau, dans un panorama fantastique,
se dressent quantité d'édifices de tous styles et de tours
k plusieurs étages; un chemin fortement en rampe,
bordé d'un parapet, conduit de droite à gauche au
sommet (le la ville. On y remarque des groupes
d'hommes et de femÉnes qui contemplent cette scène.,
- 23 A la droite du Christ se tiennent debout deux
apôtres, sans doute Pierre et Jean, puis derrière eux
un troisième dont la tête seule est visible. Pierre en
tenue de voyage, la besace sur l'épaule, un bàton à la
main, regarde attentivement son maitre; Jean semble
demander ce que peut signifier cet entretien. cc Là
dessus arrivent ses disciples qui furent étonnés dc ce
qu'il parlait à une femme ».
Sur la muraille du parapet, au-dessus de la tête de
,Tésus, on voit un petit écusson chargé d'un W, puis à
côté, dans des dimensions beaucoup plus grandes, cette
même lettre précédée d'un I 1 W , peut-être les
initiales du nom du fondeur. Ces lettres apparaissent
sur la panse d'une cruche, dans la scène des Noces de
Cana, reproduite sur une plaque de fourneau de la
même époque et d'origine allemande.
A la hauteur de la tête de la Samaritaine, on
remarque un E (fl), puis, contre le tronc de l'arbre
placé à ta gauche de cette scène, un écusson en ronde
bosse offrant un oiseau debout, la tête ornée d'une
aigrette, tenant dans son bec une branche (?). Au bas
du tah!eau, on lit: VOM . FJtEWLEIN . VON .
IOHANES • AM • 4 . GAI'.
Si, dans son ensemble, la composition dé ce tableau,
des premières années du XVP siècle, pèche par le
dessin des détails et trop souvent par les défauts de
perspective, on doit cependant reconnaitre qu'à l'exception de ta Samaritaine, presue toutes les têtes sont de
grand caractère.
Caen. - lump. IL. Delesques.