paris school of international affairs - l`Association des Sciences-Po
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RSG n° 166 - 34/41 - Campus:Mise en page 1 17/04/12 10:20 Page 35 CURSUS PSIA Campus 35 GHASSAN SALAMÉ : « PARIS SCHOOL OF INTERNATIONAL AFFAIRS, UNE ÉCOLE À VOCATION INTERNATIONALE » Créée en septembre 2010, la Paris School of International Affairs (PSIA) s’est donné pour ambition de rivaliser avec les grandes écoles d’affaires internationales dans le monde. À quelques mois de la première diplômation de PSIA, nous avons rencontré son doyen, Ghassan Salamé, ancien ministre de la Culture au Liban, ancien conseiller auprès du secrétaire général de l’ONU, ainsi que cinq étudiants et diplômés de l’école. Propos recueillis par Pierre Meynard (SP 72) et Daniel Hoffman (M 11) Quelles sont les origines de la Paris School of International Affairs ? Le premier facteur, c’est la prise en compte de la réalité de la mondialisation. Aujourd’hui, Sciences Po doit non seulement intégrer ce processus dans son curriculum, mais également préparer ses étudiants à s’insérer sur un marché du travail mondialisé. Cela demande des compétences professionnelles et une formation académique particulières. À ce niveau, notre réflexion part de l’aval. La mondialisation tue ou marginalise certaines catégories de travail, mais elle en crée d’autres. Son impact est parfois négatif avec la fermeture d’usines, la délocalisation ou la nomadisation des capitaux, mais il peut être positif. Avec la mondialisation, de nouveaux genres de travail ont émergé. Ensuite, il y a une raison liée au fonctionnement des grandes universités de sciences sociales dans le monde, ce que Sciences Po a décidé d’être il y a une quinzaine d’années. Ces universités sont organisées en écoles, au niveau des études de masters. Cela vaut depuis longtemps aux États-Unis, mais aussi dans plusieurs pays européens, en Chine, à Singapour ou en Corée du Sud. C’est un standard international sur lequel nous nous alignons. La dernière raison est interne. Sciences Po s’est beaucoup agrandi. Quand j’ai rejoint l’institution il y a un quart de siècle, c’était une maison de 3 000 étudiants, qui pouvait être dirigée comme une PME. Aujourd’hui, avec près de 10 000 étudiants, des campus hors les murs, des accords d’échanges internationaux extrêmement lourds et une visibilité qui dépasse de loin l’Hexagone, Sciences Po a besoin de structures intermédiaires de gouvernance. Certaines universités étrangères vous ont-elles plus inspiré que d’autres ? Ayant moi-même enseigné en France et à l’étranger, je suis bien entendu allé voir comment les choses étaient mises en place ail- leurs. Mais nous avons avant tout voulu créer un modèle sui generis. Celui-ci prend en considération certaines traditions de Sciences Po, comme le tronc commun et le stage professionnel, tout en s’inspirant des campus étrangers pour les neuf cours obligatoires de master. Nous avons aussi établi une nouveauté : la nécessité de prendre deux mineures, régionale et thématique. RUE SAINT-GUILLAUME N° 166 > AVRIL 2012 09 RSG n° 166 - 34/41 - Campus:Mise en page 1 36 17/04/12 Campus 10:20 Page 36 CURSUS PSIA Cette innovation est celle qui, aujourd’hui, passionne le plus mes collègues outre-Atlantique. Un groupe d’études s’est d’ailleurs constitué à Columbia University pour tenter d’adopter notre solution. Je suis très fier de cela. donc construit nos masters en fonction de ces problèmes et non selon une tradition intellectuelle, aussi respectable soit-elle. C’est pourquoi nous parlons d’affaires internationales plutôt que de relations internationales. Comment distinguer les « affaires internationales » des « relations internationales » ? L’enseignement des relations internationales en France s’est développé au cours des trente dernières années. Avec mes collègues, nous avons tout fait pour que cette discipline tienne la comparaison au niveau mondial. Mais en réalité, nous faisons peu de relations internationales à PSIA. Notre logique est la suivante : il y a des problèmes qui ne peuvent plus être réglés au niveau de l’État-nation. L’environnement, les migrations, la prolifération nucléaire, la santé globale, le développement des épidémies, la résolution des conflits : voilà des questions dont le diagnostic et la solution sont nécessairement mondiaux. Nous avons La multiplication des sujets internationaux va t-elle vous conduire à l’ouverture de nouveaux masters ? Nous avons déjà 30 programmes (9 masters et 21 programmes de concentrations) sans compter les doubles diplômes. Notre offre est l’une des plus riches et diversifiées du monde. Au fond, tout dépend du marché du travail. Prenez les migrations : c’est un sujet international, mais peut-on placer suffisamment d’étudiants dans ce domaine ? J’ai des doutes. C’est pourquoi nous avons créé une mineure et non un master sur les migrations. J’hésite encore sur la question de la santé globale. Cela étant, nos étudiants sont mieux équipés qu’auparavant. Avec les combinaisons master/mineures, aucun diplôme ne ressemble à un autre et les profils sont très marqués étudiant par étudiant. On n’envoie pas de clones sur le marché du travail. > Ghassan Salamé Professeur des universités à l’Institut d’études politiques de Paris (Sciences Po) et directeur de l’École des affaires internationales de Sciences Po, Ghassan Salamé est né au Liban en 1951. Titulaire d’un doctorat en lettres, d’un doctorat en sciences politiques et d’un diplôme d’études approfondies en droit international, sa carrière universitaire l’a conduit à l’université Saint-Joseph de Beyrouth (1978-1985), à The American University of Beirut (1982-1985), à l’université Paris-I (1985-87), puis au CNRS (1986-2004), à Sciences Po (depuis 1987) et Columbia (depuis 2008). De 2000 à 2003, il a été ministre de la Culture de la République libanaise et président du Comité d’organisation du Sommet arabe (mars 2002) et du Sommet de la francophonie (octobre 2002). Il a ensuite été nommé conseiller politique de la mission de l’ONU à Bagdad (juin-octobre 2003) puis conseiller spécial du secrétaire général de l’ONU (2003-2006). Il est à présent membre du conseil d’administration de The International Crisis Group (Bruxelles), de The International Peace Institute (New York), de The Open Society Foundations (New York), de The Center for Conflict Resolution (New York), de The Centre for Humanitarian Dialogue (Genève), de l’Institut français (Paris) et de plusieurs autres ONG. Il préside l’Arab Fund for Arts and Culture. Ghassan Salamé est l’auteur d’une dizaine d’ouvrages dont Quand l’Amérique refait le monde (Fayard, 2005), Appels d’empire. Ingérences et résistances à l’âge de la mondialisation (Fayard, 1996), Démocraties sans démocrates. Politiques d’ouverture dans le monde musulman (Fayard, 1994), tous traduits dans plusieurs langues. Ses contributions ont paru dans Foreign Policy, The Middle East Journal, La Revue française de science politique, Politique étrangère et d’autres périodiques. Il est chevalier de la Légion d’honneur. Il a obtenu la médaille Vermeil de l’Académie française pour l’ensemble de son œuvre. RUE SAINT-GUILLAUME N° 166 > AVRIL 2012 Y a-t-il des problèmes de débouchés ? Cette école bat tous les records de Sciences Po en matière de demande. Les chiffres sont en augmentation de 20 % par rapport à l’année dernière. Avec 1 350 étudiants, nous sommes dans le peloton des cinq plus grosses écoles similaires dans le monde. Cet intérêt international a deux conséquences évidentes : un choix beaucoup plus sélectif dans nos admissions et une internationalisation croissante. Avec 70 % d’étudiants étrangers, nous sommes très au-dessus de la moyenne de Sciences Po. Pour garder un certain équilibre, nous ne souhaitons pas dépasser les 75 %. La question du placement était gérable avec des promotions de 100 étudiants. Mais avec des promotions de 650 étudiants, c’est un autre défi. Nous devons également tout le temps penser à un placement sur le marché global et non local, ce qui exige des compétences beaucoup plus larges en matière de placement. Quels sont les grands secteurs de placement ? Tout ce qui est tourné vers l’international : les organisations mondiales, les ONG, les entreprises dont l’actionnariat et les activités sont de nature globale et les gouvernements nationaux dans les métiers à dominante internationale. Nos étudiants viennent de 100 pays et vont se placer à travers les continents. Je sais qu’ils ont reçu une formation professionnalisante d’excellence à PSIA, les premiers diplômés le seront en juin prochain. Le choix d’enseigner en anglais a beaucoup fait parler. Pourquoi avoir pris un tel pari ? Ma mission était d’entrer dans la compétition internationale. Il me fallait donc casser le vivier franco-français et francophone. Pour accueillir des étudiants américains, canadiens, australiens, sud-africains, nigérians, chinois, brésiliens ou indiens, il était 17/04/12 10:21 Page 37 CURSUS PSIA nécessaire de passer à l’anglais. Mais la pire des choses aurait été de faire un itinéraire anglophone, c’est-à-dire une espèce de « master appauvri ». Est-ce que le français a été enterré ? Pas du tout ! Le pari était que les étudiants non francophones, une fois arrivés à Paris, voient dans l’apprentissage du français une vraie plus-value. Je peux vous dire que tous les étudiants monolingues anglophones inscrits à PSIA ont demandé à apprendre le français. Ce modèle d’une francophonie conquérante encourage les étrangers à améliorer leur niveau de langue pour prendre des cours en français, qui représentent un tiers de l’enseignement. Et sans PSIA, peut-être n’auraient-ils pas appris le français, ni été exposés à la vision française des affaires internationales. L’année 2011 fut riche en événements internationaux. Cela a-t-il eu une influence sur votre école ? Le curriculum doit être immune par rapport à l’actualité. Il ne doit pas s’ajuster au dernier journal de France Info ! Les professeurs qui enseignent la résolution des conflits et la médiation sont des personnes comme Jean Arnault, un des plus grands fonctionnaires de l’ONU, Lakhdar Brahimi, un ancien secrétaire général adjoint des Nations unies, Alvaro de Soto, qui a mené les négociations de paix au Salvador, ou Miguel Ángel Moratinos, l’envoyé spécial de l’Union européenne au ProcheOrient pendant neuf ans. Rony Brauman est le conseiller scientifique pour le master Droit de l’homme et Action humani- Campus taire ; parallèlement Jean David Levitte rejoindra bientôt le corps professoral de PSIA. Avec de tels piliers, on ne change pas l’enseignement au gré des événements internationaux. En revanche, les professeurs sont libres de commenter l’actualité. D’autre part, nous organisons de nombreux événements extracurrriculaires réservés à nos étudiants : des journées sur la Libye, la Syrie ou la Chine, la venue de Kofi Annan, de David Petraeus, d’Alain Juppé ou encore une conférence avec deux gouverneurs d’Afghanistan. ‘ ‘ RSG n° 166 - 34/41 - Campus:Mise en page 1 Avec les combinaisons master/mineures, aucun diplôme ne ressemble à un autre et les profils sont très marqués étudiant par étudiant. Comment faire pour améliorer les relations avec les alumni ? Avec la création de PSIA, nous sommes dans une situation nouvelle liée à l’internationalisation du corps étudiant. Votre association peut jouer un rôle crucial. Nous devons interagir pour vous décrire le profil de nos diplômés et garder contact avec eux aux quatre coins du monde et dans la diversité de leurs futures professions. Pour que nos étudiants conservent le meilleur souvenir de leur passage à Sciences Po, nous devons investir encore plus de moyens humains, matériels et immobiliers. Ghassan Salamé et Pierre Meynard RUE SAINT-GUILLAUME N° 166 > AVRIL 2012 37 RSG n° 166 - 34/41 - Campus:Mise en page 1 38 17/04/12 Campus 10:21 Page 38 CURSUS PSIA LES VISAGES DE L’ÉCOLE DES AFFAIRES INTERNATIONALES Les 1 300 étudiants passés par PSIA appartiennent à plus de 100 nationalités différentes. Petit florilège. Par Daniel Hoffman (M 11) et Anaïs Llobet (M 11) Constance Schéré Timothy Gallagher > 23 ans, Franco-américaine, 1re année de l’École des affaires internationales en Environmental Policy > 30 ans, Américain, Expatriée au États-Unis dès le plus jeune âge, Constance a poursuivi sa scolarité sur les deux rives de l’Atlantique, entre sa Bretagne natale et la ville de Boston. Après l’obtention d’un bac international, elle intègre la University of Massachussetts Lowell, dont elle sort diplômée en mai 2011. Constance, qui ressentait le besoin d’étudier en France, s’est alors orientée vers le master Affaires publiques de Sciences Po. « C’était une erreur de casting, reconnaît-elle. Il s’agit d’un master franco-français pour les gens qui veulent préparer l’ÉNA. Ce qui n’est absolument pas mon cas. » En découvrant le programme de PSIA, Constance a compris qu’il lui convenait bien mieux. « D’abord, il n’y a pas ce modèle en deux parties, deux sous-parties, qui n’a pas beaucoup de sens pour moi, décrit-elle. J’avais du mal à m’exprimer comme je le souhaitais avec de telles contraintes. » Depuis qu’elle a rejoint l’École des affaires internationales au second semestre, la jeune francoaméricaine se réjouit de l’enseignement et des conditions de travail. « Les professeurs sont très compréhensifs, ils n’ont pas de méthode préconçue. C’est facile de s’adapter, quel que soit le système dont on est issu. » Au prochain semestre, Constance aimerait trouver un stage dans un ministère lié aux thématiques environnementales. Elle recherche en priorité aux États-Unis, où elle a l’intention de travailler plus tard, mais n’est pas fermée à des opportunités en France. RUE SAINT-GUILLAUME N° 166 > AVRIL 2012 2e année de l’École des affaires internationales en International Security Après être sorti diplômé de la prestigieuse académie navale d’Annapolis, “Tim” Gallagher a intégré le corps de la marine américaine. Il y a servi comme pilote de l’air avec des déploiements dans de nombreux pays, dont l’Irak. Parrainé par la Olmsted Foundation, qui permet à des officiers en fonction d’étudier à l’étranger pendant deux ans, il a rejoint PSIA en 2009. « Ce programme me donne l’opportunité de réfléchir, de prendre une pause dans une carrière concentrée sur la tactique et les affaires militaires, estime Tim. Voir les choses de façon plus globale, plus académique est aussi une bonne façon de me préparer pour le commandement majeur. » Le stage hors les murs, qu’il a réalisé à l’école militaire, fut l’expérience la plus marquante de son master. « Avoir une nouvelle perspective sur l’armée s’est avéré essentiel pour mon développement personnel. Un des grands avantages de Sciences Po, c’est de savoir intégrer les étrangers dans la société française. » À quelques mois de regagner les États-Unis, où il sera chef d’escadron à la base navale de San Diego (avant un probable départ pour l’Afghanistan), Tim s’avoue tiraillé. « Je suis prêt à partir, car j’ai envie de rejoindre mes amis et de servir mon pays. En même temps, j’exerce un métier où il y a très peu de temps pour faire le point. Je suis père de famille : Paris serait le cadre idéal pour voir grandir mes enfants. » RSG n° 166 - 34/41 - Campus:Mise en page 1 17/04/12 10:21 Page 39 CURSUS PSIA Dina Manitra > 23 ans, Franco-malgache, diplômée en 2011 de l’École des affaires internationales en International Economic Policy Dina Manitra travaille aujourd’hui comme analyste à la Société financière internationale (IFC), institution de la Banque mondiale chargée de financer le secteur privé dans les pays en développement. « Sur le papier, ça peut faire rêver, mais cela relève du miracle : habituellement, IFC privilégie des profils avec une solide formation en finance », explique avec modestie la jeune Franco-malgache. « Mais ma formation à l’École des affaires internationales m’a appris à analyser et c’est cela qui a fait la différence avec mes concurrents. » Un atout renforcé par six mois de stage à Proparco, filiale de l’Agence française du développement. « Grâce au système pédagogique de Sciences Po, j’ai pu coupler une formation de qualité à une expérience professionnelle », souligne Dina qui vit aujourd’hui à Nairobi, au Kenya. Nicolas Thébault > 26 ans, Franco-néo-zélandais, diplômé en 2011 de l’École des affaires internationales en International Security Conserver un lien avec Sciences Po est essentiel pour Nicolas. Depuis un an, il organise des pots de l’amitié entre militaires français et américains, anciens du master Sécurité internationale. « Ce sont des réunions mensuelles, plus ou moins informelles, explique le jeune diplômé. Cela me permet de garder un lien avec le monde de la défense, qui m’a toujours fasciné. » De son master, il a surtout retenu l’aspect extrêmement concret et pratique. « Je prenais un cours sur l’antiterrorisme, dont le professeur était un ancien policier français. Dans la salle, il y avait un officier belge, un marine américain et un spécialiste australien des questions Campus antiterroristes, se souvient-il. Les débats étaient à la fois tendus et passionnés. Après les cours, on continuait la discussion au café Le Basile. C’était fascinant. » Aujourd’hui, responsable marketing chez le constructeur naval DCNS, Nicolas se veut très optimiste quant aux débouchés. « J’ai été contacté par mon employeur quand j’étais encore à Sciences Po. Le fait que de grandes entreprises montrent un tel intérêt avant même qu’on soit diplômé est un vrai message d’espoir pour les étudiants. » Sébastien Turbot > Français, alumni de Sciences Po (promotion 2011) et enseignant à l’École des affaires internationales Issu d’un master de recherche en Affaires internationales à Sciences Po, Sébastien Turbot rend son mémoire début septembre 2001. Quelques jours après, le monde entier regarde avec effroi deux avions percuter les deux tours du World Trade Center. Pour Sébastien Turbot, alors membre de l’ONG Afghanistan libre, c’est une évidence : il doit partir à Kaboul. « ONG, diplomates, organisations internationales, forces militaires… D’un coup, tous les acteurs des relations internationales y étaient réunis, se souvient Sébastien Turbot. Sans ma formation à Sciences Po, je n’aurais pas eu les clés pour comprendre ce nouveau grand jeu. » Après dix ans passés à Kaboul, où il a monté l’agence de communication Sayara, Sébastien Turbot décide de revenir en France. Quand l’École des affaires internationales lui propose de devenir enseignant, il saute sur l’occasion. « Cela fait deux ans que j’anime des cours à vocation professionnalisante : j’apprends à mes étudiants à mieux cerner les enjeux, les acteurs, les métiers et les pièges des situations de conflits. Je veux les aider à anticiper leur insertion professionnelle », explique Sébastien Turbot. Pour une première expérience professionnelle, l’enseignant encourage ses étudiants à opter pour des zones dites « chaudes », qu’il qualifie de « superbes écoles de la vie » et de véritables catalyseurs de carrières. Des carrières pour lesquelles les profils PSIA sont « parfaits, car ils ne sont pas englués dans une technicité parfois réductrice ». RUE SAINT-GUILLAUME N° 166 > AVRIL 2012 39 RSG n° 166 - 34/41 - Campus:Mise en page 1 40 17/04/12 Campus 10:21 Page 40 CURSUS PSIA >> Qu’est-ce que PSIA ? Une école à vocation internationale Les francophones l’appellent l’École des affaires internationales, les anglophones the Paris School of International Affairs. Créée en septembre 2010, PSIA a déjà vu passer entre ses murs près de 1 300 étudiants, originaires de plus de 100 pays. Comportant huit doubles diplômes avec des universités étrangères prestigieuses (Columbia, Georgetown, London School of Economics, Freie Universität, Luigi Bocconi University, MGIMO, Peking University, University of St. Gallen) et un cursus résolument bilingue, où deux tiers des cours sont dispensés en anglais, l’école mise sur l’international. Un pari gagnant : une fois diplômé, plus d’un étudiant sur deux opte pour un poste à l’étranger. Créer les spécialistes de demain Pour l’École des affaires internationales, former les élites de demain, c’est allier un enseignement théorique de qualité à une spécialisation approfondie. Les étudiants de PSIA ont l’opportunité de choisir entre neuf mentions de master, toutes créées après une analyse fouillée du marché de l’emploi. Les étudiants devront ensuite opter pour deux thématiques parmi les quatorze proposées ; elles domineront leur parcours à PSIA et les distingueront aux yeux de leur futur employeur. Une meilleure insertion professionnelle Grâce à des cours professionnalisants et un troisième semestre consacré aux stages, les étudiants de PSIA préparent activement leur insertion professionnelle. Selon la dernière enquête menée par Sciences Po Avenir et portant sur la promotion 2010, près de 67 % des étudiants ont trouvé un emploi dès l’obtention de leur diplôme, avec une forte proportion de pré-embauche au cours de la dernière année d’études. 56 % d’entre eux sont aujourd’hui en CDI, contre 13 % en CDD. En deux ans, le salaire annuel des jeunes diplômés d’affaires internationales a augmenté de plus de 40 % : 43 129 € en 2010, contre 30 413 € en 2008. La vie associative de l’École Grâce à l’Association affaires internationales de Sciences Po (AAISP), PSIA et ses 1 350 étudiants actuels profitent d’une vie associative très dynamique. L’AAISP organise près d’une dizaine de conférences chaque année, auxquelles participent les plus grands noms du monde des relations internationales. Le journal de l’association, InFocus, à parution trimestrielle, apporte aux étudiants un complément de réflexion sur une problématique précise et pertinente, comme les révolutions advenues en 2011... et celles qui n’ont jamais eu lieu. Un corps professoral de renommée mondiale Pour asseoir la crédibilité de PSIA, son doyen Ghassan Salamé (voir interview p. 35) a fait venir les plus grands spécialistes mondiaux des questions internationales. C’est ainsi que des diplomates de renom, des professeurs émérites, d’anciens ministres ou des hauts fonctionnaires partagent leur expérience et leurs connaissances avec les étudiants. Parmi les principales personnalités, citons Jean Arnault, représentant spécial de l’ONU pour la Géorgie ; Lakhdar Brahimi, ancien secrétaire général adjoint des Nations unies ; Paul Collier, directeur du Centre d’études des économies africaines à l’université d’Oxford, ou encore Miguel Angel Moratinos, ministre espagnol des Affaires étrangères de 2004 à 2010. > Les programmes de PSIA Programmes master Programmes de “concentrations” - Sécurité internationale - Politique économique internationale - Management public international - Politique de l’environnement - Développement international - Droits de l’homme et action humanitaire - Énergie internationale - Journalisme et affaires internationales - Pratiques du développement Concentrations régionales - Afrique - Amérique du Nord - Amérique latine - Asie centrale et du Sud-Est - Chine et Asie du Nord - Europe - Moyen-Orient - Russie RUE SAINT-GUILLAUME N° 166 > AVRIL 2012 Concentrations thématiques - Droits de l’homme et action humanitaire - Économies émergentes - Environnement - Énergie internationale - Migrations - Politique économique appliquée - Renseignement - Santé publique internationale Concentrations appliquées - Gestion de projet - Méthodes RSG n° 166 - 34/41 - Campus:Mise en page 1 17/04/12 10:21 Page 41 POLITIQUE Enseignant Campus LES POPULISMES : UN PHÉNOMÈNE EUROPÉEN Dominique Reynié a obtenu, pour son ouvrage Populismes, la pente fatale, paru chez Plon, le prix du livre politique et le prix des députés. Il expose ici les raisons du développement des populismes en Europe et les moyens de le combattre. Dominique Reynié, dans votre ouvrage Populismes, la pente fatale, vous dressez un portrait sombre de la popularité grandissante des partis d’extrême droite en Europe. Vous attribuez cette popularité à la crise économique, qui provoque une réaction de protectionnisme. Selon vous, le populisme est-il un phénomène spécifique au « Vieux Continent » ? Cette résurgence n’est-elle pas patente dans tous les pays touchés par la crise ? Il s’agit indubitablement d’un phénomène politique propre à l’Europe, parce que la démographie joue un rôle important. Peutêtre faudrait-il regarder de près l’évolution actuelle du Japon, notamment avec le Parti pour la Restauration d’Osaka, du maire de la ville, Toru Hashimoto. Chez nous, dans tous les pays du Vieux Continent, depuis une vingtaine d’années, s’affirme une nouvelle forme de populisme que je qualifie de “populisme patrimonial”, apparu en Europe du Nord, en particulier aux PaysBas. C’est un phénomène politique multiforme qui cherche à tirer profit d’une double inquiétude des Européens craignant que soit simultanément remis en question leur patrimoine matériel, ou leur niveau de vie, et leur patrimoine culturel, ou leur style de vie, par les effets de la globalisation économique, du vieillissement démographique, de l’immigration et de la crise des finances publiques. En Europe, sur un plan politique, cette double inquiétude a été identifiée par les partis d’extrême droite, tandis que la crise des finances publiques affaiblit structurellement la capacité d’action des partis de gouvernement, de gauche comme de droite. Saisissant cette opportunité, des partis d’extrême droite ou conservateurs opèrent une reconversion vers le populisme patrimonial : le Parti du Progrès en Norvège, les Vrais Finlandais, les Démocrates de Suède, le Parti du Peuple Danois, le Parti pour la Liberté, aux Pays-Bas, le Vlaams Belang ou le N-VA en Belgique, le FPÖ autrichien, l’UDC suisse, la Ligue du Nord en Italie, le Laos en Grèce ou le BNP et le UKIP en Grande-Bretagne. Quelle est la spécificité de la France dans ce contexte, s’il y en a une ? Il me semble que la spécificité du Front national tend à s’effacer. Sous l’impulsion d’une nouvelle génération amenée par Dominique Reynié (PES 83) Professeur des universités à Sciences Po et directeur général de la Fondation pour l’innovation politique, Dominique Reynié est agrégé de science politique et chercheur associé au Cevipof. Il a notamment dirigé de 1999 à 2006 le DESS Études et Stratégie marketing, et de 2002 à 2005 l’Observatoire interrégional du politique de Sciences Po. Marine Le Pen, le Front national a entamé et presque achevé un processus de conversion au modèle du populisme patrimonial. Elle a délaissé le discours économique volontiers libéral de son père pour investir un discours beaucoup plus socialisant. Je parle à ce sujet d’un « tournant ethnosocialiste ». Il lui donne une assise électorale potentiellement plus large que pouvait espérer un parti d’extrême droite. Comment les partis traditionnels peuvent-ils faire face à cette vague de populisme ? En n’y cédant pas, ce qui malheureusement arrive trop souvent ; en réparant ou en compensant les effets sociaux que génère une crise de transition ; en luttant contre toutes les formes d’abus et de corruption qui exaspèrent légitimement les citoyens ; en réformant les institutions politiques, par exemple en proscrivant tout cumul de mandats ; en intensifiant la coopération européenne, car les peuples sont moins désireux de renouer avec la passion nationaliste que de retrouver une puissance publique capable d’ordonner leur destin ; en définissant démocratiquement le contrat politique permettant d’accueillir nos immigrés ; en sortant de son enlisement la grande idée d’une EuroMéditerranée... Propos recueillis par Anne-Sophie Beauvais (MR 06) RUE SAINT-GUILLAUME N° 166 > AVRIL 2012 41