Jardin alpin - Ville de Montréal
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Jardin alpin - Ville de Montréal
ABC-GUIDE Jardin alpin Document à l’usage des guides bénévoles du Jardin botanique de Montréal 2e édition – Février 2011 Division des programmes publics en sciences naturelles LE JARDIN ALPIN DEFINITION 4 La définition d’un jardin alpin L’aménagement des jardins alpins 4 4 POURQUOI CE JARDIN AU JMB 5 Le pourquoi d’un jardin alpin au Jardin botanique de Montréal La mission du Jardin alpin 5 5 PARTICULARITE DE CE JARDIN 6 Les éléments qui composent l’Alpinum du Jardin botanique de Montréal Les éléments particuliers de ce Jardin 6 6 PARLONS BOTANIQUE 11 La localisation des milieux alpins et arctiques Les caractéristiques des milieux alpins et arctiques Les formes d’adaptation des plantes alpines et arctiques 11 11 11 DESCRIPTION DES VEGETAUX 19 Les familles botaniques représentées par la flore alpine et arctique 19 UNE VISITE DU JARDIN ET DE SES VEDETTES 23 Les formes d’adaptations empruntées par certaines plantes alpines Les arbres remarquables de l’Alpinum 23 23 CARTE DES LIEUX 31 Emplacement des différentes sections de l’Alpinum (carte 1) Sections comportant des plantes alpines (carte 2) 31 31 L’ART AU JARDIN 32 Épisode Lunette montée (monument) 32 32 DANS LES COULISSES 33 La somme de travail à l’Alpinum Les soins particuliers apportés à ce Jardin 33 33 POUR AIGUISER VOS CONNAISSANCES 38 2 LE JARDIN ALPIN LEXIQUE FRANÇAIS/ANGLAIS 40 REFERENCES ET SUGGESTIONS DE LECTURE 41 Monographies Périodiques 41 41 NOTES 43 3 LE JARDIN ALPIN DÉFINITION Comment se définit un jardin alpin ? De quelle manière les jardins alpins sont aménagés ? Un jardin alpin ou un alpinum est un jardin botanique spécialisé dans la collection et la culture des espèces végétales poussant naturellement à de hautes altitudes dans plusieurs régions montagneuses du monde. Les plantes de l’Arctique, où règnent des conditions aussi extrêmes que celles retrouvées en haute montagne, font également partie de la collection des jardins alpins. Certains jardins alpins peuvent être aménagés directement dans la nature, en haute montagne. C’est le cas du Jardin botanique alpin du Lautaret, un jardin botanique spécialisé, situé à 2 100 m d’altitude dans les Alpes françaises. D’autres, sont aménagés à l’intérieur d’un jardin botanique plus grand. Dans ces circonstances, la présentation des plantes alpines se fait sous forme de monticules artificiels se rapprochant de l’environnement montagnard naturel. C’est le cas de l’Alpinum du Jardin botanique de Montréal. D’un jardin à l’autre, le regroupement de la collection varie. Cette dernière peut être présentée selon la classification des plantes — par famille ou genre botanique —, selon des fondements écologiques ou selon des fondements géographiques. Aussi trouve-t-on en complément dans certains alpinums une collection de roches locales qui évoquent les roches de nature assez différentes sur lesquelles se fixent les plantes en haute montagne. Par ailleurs, les jardins alpins sont confondus à tort avec les aménagements de type « rocaille ». Ce dernier type de jardin, plus petit qu’un jardin alpin et de forme régulière, peut contenir des plantes alpines. Toutefois, il accueille avant tout des plantes à valeur ornementale qui s’intègrent harmonieusement à l’aménagement et qui sont faciles à cultiver. Ces végétaux appelés « plantes de rocailles » sont morphologiquement apparentés aux plantes alpines sans être originaires des hautes montagnes. Elles proviennent des zones de moindre altitude, où le climat est moins rude. Les vivaces de petites dimensions ainsi que les formes horticoles de plantes alpines sont fréquemment intégrées ces rocailles. 4 LE JARDIN ALPIN POURQUOI CE JARDIN AU JMB Pourquoi le Jardin botanique de Montréal possède-t-il un jardin alpin ? Quelle est la mission de ce Jardin ? L’environnement alpin et arctique, bien qu’ils soient rudes et hostiles, recèlent une flore qui gagne à être connue tant elle est riche et fascinante. À partir du milieu du dix-neuvième siècle, des jardins botaniques européens ont commencé à cultiver ces plantes de montagne. C’est également à cette époque que les premiers jardins botaniques alpins en milieu naturel ont été créés pour des fins de recherche botanique et expérimentale. Au Jardin botanique de Montréal, l’idée de créer un alpinum afin de cultiver et étudier cette flore lointaine revient au concepteur du Jardin botanique de Montréal, M. Henry Teuscher. Dans son mémoire, Programme d'un jardin botanique idéal, il fait part de sa vision du jardin réservé aux plantes alpines d’intérêt botanique, dans lequel des espèces de différentes régions du globe sont représentées par des monticules séparées. Il prend soin de spécifier que les plantes de rocaille, ces plantes d’intérêt ornemental, ne doivent pas faire partie intégrante de cet aménagement qui se rapproche du milieu naturel. En 1936, sous la supervision du concepteur même, les travaux d’aménagement du jardin alpin débutent. L’exploit relevait du défi à cette époque où les moyens étaient rudimentaires. Quelque 2 500 blocs de pierres calcaires, en provenance de Saint-François-de-Salle à Laval et pesant plusieurs tonnes chacune, étaient nécessaires à la réalisation de l’assise de la colline. Tout avait été mis en place pour recréer un vrai paysage de montagne. En 1956, après une longue interruption causée par la Deuxième Guerre mondiale, les travaux reprennent. La dernière pierre est placée en 1961, soit 25 ans après l’entaille du premier sillon. Aujourd’hui, ce jardin qui permet l’étude et la conservation de la flore alpine est une réussite. Des lieux éloignés sont maintenant accessibles au visiteur et, tout en l’émerveillant, ce jardin le sensibilise à la richesse de la flore alpine et arctique. Les monticules conçus par M. Teuscher reflètent toujours sa vision initiale du projet : un rappel du milieu naturel alpin par la présence de plantes strictement alpines ou arctiques en groupements naturels. Pour tous les amateurs de plantes alpines, ce grand jardin est une source inépuisable d’inspiration. 5 LE JARDIN ALPIN PARTICULARITÉ DE CE JARDIN Quels sont les éléments qui composent l’Alpinum du Jardin botanique de Montréal ? Quels sont les éléments particuliers à ce Jardin ? Bien que l’alpinum créé par M. Teuscher n’ait pas changé de configuration depuis son inauguration, il s’est néanmoins enrichi au fil des ans d’éléments nouveaux bien harmonisés avec le contexte des montagnes. Aujourd’hui, ce jardin des plus importants au Canada1 est divisé en sections portant chacune un thème précis relié à la montagne. Avant de franchir la barrière de l’entrée principale se trouvent l’îlot, un petit monticule ponctué de grosses pierres, et à droite le jardin de crevasses obliques construit en avril 2002. Après avoir franchi la barrière se trouvent les immenses monticules reproduisant l’environnement alpin et le jardin de crevasses verticales construite en octobre 2004. Vers la droite, en ceinturant le monticule, se trouvent les auges alpines, et au-delà de cette section, en retrait des montagnes, le jardin minéralogique. En périphérie du Jardin, à la manière d’une ceinture de verdure, se trouve une collection de conifères nains. La « montagne » La pièce centrale de l’Alpinum, soit l’immense masse rocheuse constituée de monticules qui domine le paysage, est particulièrement réussie grâce à la vision de M. Teuscher et l’expertise des artisans de cette époque. Rien n’avait été laissé au hasard, jusqu’au choix des pierres qui constituent l’ossature des monticules : elles ont été prélevées une à une — selon leur grosseur et leur aspect général — en surface d’un dépôt de roches sédimentaires calcaires formées il y a 450 millions d’années. Ces roches érodées aux surfaces arrondies sont marquées par le temps et l’environnement ; elles ne présentent pas les arêtes saillantes des pierres taillées mécaniquement. Elles sont couvertes de lichens et de nombreuses fissures, et contiennent même des fossiles. Si le paysage montagnard est bien reconstitué, c’est aussi grâce à divers éléments qui ont été incorporés au décor. Les arbres, taillés pour leur donner un air rabougris et battu par le vent, l’eau de la cascade tombant avec fracas pour rappeler la fonte des neiges. Les divers bassins accueillant les eaux ruisselantes pour rappeler les bords de lacs alpins. Aussi, la falaise 1 Autres jardins alpins à Vancouver (C.-B.), Edmonton (Alb.) et St-Jean (T.-N.) 6 LE JARDIN ALPIN humide où s’accroche fougères et autres plantes en quête d’humidité et de fraîcheur, les amas de moraines2 qui attirent les oiseaux en quête d’eau fraîche et les éboulis rocheux3 présents au pied des falaises. L’immense monticule est séparé en différentes régions montagneuses du globe (une section pour les régions arctiques et sept sections pour différentes régions montagneuses) et présente la flore typique de ces régions. Cet aménagement en zones géographiques est peu commun dans les alpinums dû aux difficultés reliées à la culture et à l’entretien de plantes aux besoins divers. Des végétaux du Québec ayant le statut d’espèce menacée sont groupés dans la section réservée aux plantes alpines du nord-est de l’Amérique (les Appalaches). Les plantes désignées d’« espèces menacées » au Québec et au Canada signifie que leur disparition est appréhendable. Elles bénéficient d’un statut légal de protection en vertu de la Loi sur les espèces en péril du gouvernement fédéral et de la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables du gouvernement provincial. Une des missions du Jardin botanique étant d’appuyer la conservation et la préservation de la biodiversité des espèces végétales, il cultive ces plantes menacées dans ses jardins dans le but de comprendre les facteurs qui contribuent à leur rareté et de trouver les moyens pour favoriser leur propagation. À noter également dans la section réservée aux plantes alpines des Alpes, la présence de travertin. Ce substrat poreux et riche en calcaire appelé à tort « tufa » est employé pour la culture de plantes alpines aimant les milieux calcaires. Il se forme naturellement aux émergences de certains cours d’eau ou de petites cascades. Regroupés dans trois sections distinctes du monticule se trouvent les plantes horticoles d’origine alpine (d’Amérique, d’Europe et d’Asie). Ces plantes de rocailles très prisées pour leurs floraisons plus abondantes, plus colorées ou plus prolongées que les espèces alpines ajoutent de l’éclat à l’Alpinum et contribuent à maintenir l’intérêt des visiteurs pour ce Jardin au-delà de la saison de pointe des floraisons printanières typiques des jardins alpins. Ces cultivars inspirent les visiteurs en quête d’idées pour l’aménagement de leurs jardins. 2 Amas de moraines : accumulation de débris de roches entraînés puis abandonnés par les glaciers. L’eau qui suinte à travers offre des conditions propices à la croissance de certaines plantes alpines. 3 Éboulis rocheux : accumulation de roches de formes et de tailles très diverses au pied de falaises abruptes qui offrent des conditions propices à la croissance de certaines plantes alpines. 7 LE JARDIN ALPIN Les plantes tapissantes et les conifères nains La collection de plantes tapissantes au port rampant est composée de plantes dites couvresol. Ces végétaux peuvent habiller pierres et murets et former rapidement des tapis très denses en prenant racine dans le sol au fur et à mesure qu’elles s’étalent. Les aménagements présentés avec ces formes rampantes de plantes herbacées et de conifères sont une source d’inspiration pour les visiteurs en quête de solutions pour leurs jardins. Quant à la collection de conifères nains, elle contribue au cachet intimiste ressenti dans les lieux. Situés en périphérie, les conifères créent un écran végétal. À certains endroits, des sujets matures, plantés aux côtés d’autres végétaux, permettent d’apprécier la grande diversité de formes, textures et couleurs que présentent les conifères. Les jardins de crevasses Qu’est-ce qu’un jardin de crevasses ? C’est un type de jardin dans lequel un empilement de roches parallèles imite les formations rocheuses retrouvées dans la nature. Comparées à l’aménagement des jardins alpins conventionnels, les roches des jardins de crevasses sont placées très près les unes des autres et sont orientées stratégiquement par rapport au soleil. Ces jardins présentent l’avantage de pouvoir être aménagés sur un site plat. La disposition des roches — en strates inclinées en oblique ou à la verticale — permet la formation de crevasses, soit des espaces étroits entre les strates rocheuses dans lesquels s’ancrent profondément les racines des plantes à la recherche de fraîcheur et d’humidité. Ces environnements rocheux bien drainés permettent la création de zones d’ombre au climat plus frais grâce à l’orientation des roches. Les jardins de crevasses sont par conséquent idéaux pour la culture de plantes alpines, surtout celles qui supportent mal les excès de chaleur au cœur de l’été. Un premier jardin de crevasses est construit en 2002 avec des strates de pierre disposées en oblique. Un deuxième est construit en 2004, selon une toute autre vision, avec des pierres placées à la verticale. En République tchèque, où se trouvent de magnifiques jardins alpins, la construction des jardins de crevasses constitue un art. Le jardin de crevasses en oblique cherche à recréer, à petite échelle, une falaise érodée et accidentée comme celles observées dans la nature avec des avancées et des retraits, et de nombreuses anfractuosités et fissures dans lesquelles les plantes alpines se fixent. La 8 LE JARDIN ALPIN disposition des pierres, l’orientation est/ nord-est des flancs de la falaise ainsi que la présence d’une rangée de pins permet de créer des zones plus fraîches. Ce premier jardin de crevasses est une initiative de la Société des plantes alpines et de rocaille du Québec, une société partenaire du JBM. Il est le premier du genre à être aménagé dans les jardins publics au Québec, et il a été réalisé sous la direction de son concepteur, le botaniste tchèque Josef Halda. Ce jardin abrite des cultivars et des espèces de plantes alpines capricieuses. Le jardin de crevasses verticales reproduit, quant à lui, une version réduite des falaises dont les strates rocheuses ont été soulevées de leur position horizontale originale par des mouvements de la croûte terrestre. Dans ce jardin de crevasses, c’est l’effet combiné de l’orientation est-ouest des pierres, des dépressions du terrain et de pins stratégiquement distribués qui créent, derrière les pierres, les zones plus fraîches nécessaires aux plantes alpines. Ce jardin abrite des espèces et cultivars de plantes alpines d’Amérique, d’Europe et d’Asie ainsi que les cultivars de plantes alpines (saxifrages) créés par feu M. Lincoln H. Foster. Ce grand horticulteur américain a grandement contribué au monde des plantes alpines. Ce jardin lui est d’ailleurs dédié. Ce jardin de crevasses verticales est, tout comme le premier jardin de crevasses, une initiative de la Société des plantes alpines et de rocaille du Québec. Ce jardin est le premier du genre au Canada, et il a été réalisé sous la direction de son concepteur, l’expert tchèque en aménagement de jardins de crevasses verticales, Zdenek Zvolanek. Les auges alpines Ces contenants en pierre dans lesquels sont cultivées des plantes alpines sont de véritables petits jardins fonctionnels. Les auges permettent de mettre en valeur les plantes alpines de petite taille tout comme celles qui sont difficiles à cultiver. Ce sont les Anglais qui ont été les premiers à remarquer vers la fin du XIXe siècle qu’il était avantageux de faire pousser les plantes alpines dans de gros contenants, notamment, en récupérant les vieilles auges à eau pour animaux. En 1998, alors que le Québec est sous le charme de ce type de culture, quelques auges ont été introduites dans l’Alpinum. Avec la popularité grandissante pour ce type de culture, les contenants sont devenus rares. De nouveaux matériaux adaptés aux plantes alpines ont donc été développés en observant les 9 LE JARDIN ALPIN besoins de ces plantes dans leur milieu naturel. C’est le cas du « hypertuf » ou béton de tourbe, qui est composé de ciment, de mousse de tourbe et de sable ou de roches. Les plantes alpines peuvent en soutirer des éléments nutritifs. De nos jours, les auges sont encore fabriquées avec ce matériau, de façon artisanale ou industrielle. Des contenants provenant de la récupération de pierres naturelles ou sculptées peuvent aussi bien servir à la culture des plantes alpines. La majorité des auges de l’Alpinum sont en granit sculpté ; quelques unes sont en béton de tourbe. Ces auges en pierre ont été récupérées du Jardin de la République tchèque réalisé lors des Floralies internationales de Montréal de 1980. Le jardin minéralogique Le jardin minéralogique, constitué d’une collection d’échantillons de roches en provenance de toutes les parties du Canada a été adjoint à l’Alpinum en 1973 pour lui apporter un élément d’intérêt géologique. Dans ce jardin qui permet d’étudier le sol canadien et sa formation géologique, des spécimens des trois classes de roches — ignées, sédimentaires et métamorphiques — sont mis en valeur. Plus de 90 blocs de roches dont le poids varie de 50 livres à 10 000 tonnes sont exposés afin que le visiteur puisse comparer les variations de couleur, texture et composition. C’est la Commission géologique et de l’industrie minérale canadienne qui a fait don au Jardin botanique de cette impressionnante collection de minéraux présentée au pavillon du Canada lors de l’exposition universelle de 1967. L’îlot de l’entrée principale Cet îlot est aménagé afin d’attirer le regard vers l’Alpinum avec un savant mélange d’annuelles colorées, de plantes alpines à floraison printanière et de conifères nains. Il sert à attirer le visiteur vers l’Alpinum, le jardin extérieur qui possède la plus grosse collection du JBM. L’ensemble des taxons — espèces naturelles et cultivars — s’élève à 5 000 ! Pas surprenant que ce Jardin explose en couleurs au printemps. Les montagnes australes - Nouveauté Une nouvelle section de l’Alpinum sera dédiée aux plantes alpines d’Amérique du Sud, d’Afrique du Sud et de la Nouvelle-Zélande. 10 LE JARDIN ALPIN PARLONS BOTANIQUE Où se trouvent les milieux arctiques et alpins ? Quelles sont les caractéristiques des milieux arctiques et alpins ? Quelles sont les formes d’adaptation des plantes arctiques et alpines ? La mission de l’Alpinum du JBM est de présenter la diversité végétale des régions montagneuses et nordiques du globe à travers des plantes alpines, subalpines, arctiques et subarctiques. Cette collection est distribuée sur l’immense monticule rocheux, dans les sept sections réservées aux différentes chaînes de montagnes du globe et dans la section réservée aux régions arctiques. Des plantes alpines se trouvent également dans les auges, parmi les plantes de l’îlot central et dans les jardins de crevasses. Zones alpines et arctiques Dans le milieu naturel, les plantes alpines se trouvent au-dessus de la limite supérieure des arbres, à l’étage alpin. En latitude, dans l’hémisphère nord, cette zone correspond à la toundra arctique. C’est dans cette surface qui couvre les terres à l’intérieur du cercle polaire4 que se trouvent les plantes arctiques. Les zones alpine et arctique ne comprennent pas de forêts, ni de buissons : le climat froid a éliminé les végétaux arborescents et arbustifs. Ce sont les plantes herbacées qui règnent, surtout des vivaces. Les seuls reliquats de plantes ligneuses sont quelques formes naines de conifères, de saules et de bouleaux. En allant des régions tempérées vers les régions polaires, il est possible de constater que l’échelonnement de la végétation est comparable à celui trouvé en remontant depuis la plaine vers les pentes alpines. Par ailleurs, c’est l’effet combiné de l’altitude et de la latitude, du climat résultant, qui conditionne le paysage végétal. L’étage alpin peut se trouver à une altitude très variable selon le massif montagneux. Ainsi, le début de l’étage alpin se trouve à 2 200 m dans les Alpes, à 500 m en Alaska et au niveau de la mer dans l’Arctique. D’autres facteurs influencent aussi le paysage végétal. Par exemple, le degré d’exposition au soleil — moindre sur le versant nord des montagnes — et les précipitations de neige plus abondantes par endroits, recouvrant les plantes durant une plus longue période. 4 Les terres à l’intérieur du cercle polaires sont : la péninsule scandinave (Finlande, Suède et Norvège), l’Islande, le Groenland, l’Alaska, le nord du Canada et le nord de la Russie. 11 LE JARDIN ALPIN L’étage subalpin, situé immédiatement sous l’étage alpin, est caractérisé quant à lui par la présence de conifères et d’autres ligneux très épars ou rabougris. On y trouve des plantes subalpines. En latitude, cette zone correspond à la taïga ou toundra forestière. Cette surface couvre le vaste anneau circumpolaire situé sous le cercle polaire. Ici, on parle de plantes subarctiques. L’environnement arctique Les régions alpines et arctiques comportent des différences climatiques et environnementales malgré le climat froid et la saison de végétation courte qu’elles ont en commun. L’environnement arctique présente deux caractéristiques uniques. La première étant un sol gelé en permanence appelé pergélisol. Très profond — 600 à 1 000 m —, il est continu en zone arctique et fragmenté en zone subarctique. En été seulement, une mince couche de surface de quelques pouces appelée mollisol dégèle et permet aux racines des plantes herbacées de pousser et d’absorber l’eau dégelée. La croissance des racines est malgré tout limitée dans ce sol froid, pauvre en nutriments, saturé en eau et mal oxygéné. Cela, à cause du pergélisol qui empêche l’eau de percoler. L’autre caractère unique à l’Arctique : les jours longs et les nuits courtes durant les mois d’été. Un avantage pour les plantes arctiques. La lumière abondante que procurent les journées pouvant s’étirer jusqu’à 24 heures les aide alors qu’elles ne disposent que de deux à trois mois d’été pour croître, former leurs fleurs et fruits et accumuler les réserves d’énergie nécessaires en prévision de la croissance printanière prochaine. Une autre condition qui prévaut dans l’Arctique : les précipitations peu abondantes — la neige comme la pluie. L’hiver, les plantes ne peuvent bénéficier de la protection d’une couverture nivale qui les protégerait des vents froids et violents qui les déracinent et les assèchent ou qui cristallisent l’eau à l’intérieur de leurs cellules. L’environnement alpin En milieu alpin, les conditions de vie sont quelque peu différentes, quoique rudes. Le sol, bien qu’il soit gelé l’hiver, dégèle en profondeur l’été, permettant la croissance des racines en profondeur. Toutefois, malgré l’absence du pergélisol, le sol alpin demeure inhospitalier, car il est souvent pierreux, érodé, pauvre et bien drainé, donc sec. 12 LE JARDIN ALPIN Il y a également la longueur des jours qui est différente en milieu alpin. L’été, il n’y a point de soleil de minuit; les plantes alpines disposent d’un nombre d’heures plus restreint pour leur croissance. De plus, la nuit, en l’absence de rayonnement solaire, les températures chutent, brusquement, ce qui a pour effet de ralentir la croissance des plantes. Durant le jour, les radiations solaires sont intenses et augmentent de façon importante les températures au sol, et ce, malgré le froid qui règne. Les plantes tirent profit de cette chaleur accumulée dans le sol et dans les roches pour ne pas geler la nuit. En contrepartie, les rayons ultraviolets, plus intenses en altitude, sont néfastes pour les plantes; ils endommagent leur patrimoine génétique. Ces dernières doivent trouver des moyens de contrer ces rayons. Parmi les autres conditions rudes retrouvées en milieu alpin, il faut en souligner deux autres. Tout d’abord les vents. Forts, ils assèchent les plantes et le sol. Le vent éloigne également les feuilles mortes, une source importante de nutriments pour ces plantes qui poussent dans un sol pauvre en humus. Il y a ensuite les précipitations. Les pluies sont très variables selon la localisation des montagnes. L’été, certaines d’entre elles sont soumises, à des degrés divers, à une intense sécheresse alors que d’autres reçoivent une grande quantité de pluie. La neige, quant à elle, est bénéfique puisqu’elle forme une couverture épaisse sur les plantes. Elle les protège des vents érosifs et elle atténue le refroidissement au sol (sous la neige, la température du sol peut se maintenir à 0°C). Par contre, en très grande quantité, la neige peut désavantager les plantes en réduisant la saison de croissance déjà courte. Adaptation des plantes Pour être en mesure de survivre dans ces milieux aux conditions de vie parfois très hostiles, les plantes ont dû évoluer… lentement. Contrairement à l’homme, qui peut à l’improviste s’adapter rapidement à un milieu différent de celui dont il est originaire et auquel la nature l’a habitué tout au long de son évolution, les plantes ne peuvent s’acclimater que très lentement. Des plantes habituées à un climat plus doux se sont donc adaptées aux conditions extrêmes, à mesure que les montagnes surgissaient par des plissements de la croûte terrestre ou que se succédaient les périodes glaciaires. Cette adaptation se traduit par les caractères morphologiques que les plantes alpines et arctiques présentent aujourd’hui, qui leur permettent de survivre au froid, aux radiations solaires intenses et aux vents violents et desséchants. Cela a pour effet que des plantes très différentes sur le plan botanique ont évolué vers des formes qui se ressemblent. Ainsi, des plantes du même genre ou de la même espèce peuvent présenter des caractères différents de 13 LE JARDIN ALPIN celles poussant ailleurs, dans d’autres conditions. Les adaptations ont eu pour effet de modifier l’allure générale de la plante, l’aspect de son épiderme et la longueur de ses racines. Caractères des plantes alpines Système racinaire développé Incapables de trouver l’eau et les matières nutritives dans le sol pierreux et pauvre, les plantes alpines ont développé un système racinaire en profondeur dans le sol et dans les fissures des rochers. Ce système peut atteindre jusqu’à dix fois la longueur de la partie aérienne de la plante : c’est ce qui met la plante à l’abri des dégâts causés par le gel ou la sécheresse. Il permet aussi aux plantes de bien s’ancrer dans les sols instables des pentes et éboulis. Il confère également une résistance aux vents violents et au ravinement provoqué par les eaux d’écoulement pluvial ou la fonte printanière. Enfin, les racines servent aussi à entreposer les réserves nutritives qui permettent à la plante de reprendre rapidement son cycle de vie le printemps venu. Plantes de petite taille Pour se protéger des vents violents sinon du poids de l’épaisse couverture de neige en hiver, les plantes alpines sont petites et rampent à la surface du sol. À cette hauteur (10 à 15 cm du sol), la température de l’air est plus élevée, ce qui entraîne une augmentation de la photosynthèse et la précipitation du développement des fruits. Mais il y a aussi le gel nocturne qui inhibe la croissance des plantes de même que le rayonnement solaire élevé durant le jour qui a un effet nanifiant. Plantes basses en forme de coussinets ou de touffes Pour contrer le climat froid et les vents violents asséchant, certaines plantes alpines adoptent une croissance en coussinets ou en touffes. Ces formes leur procurent un microclimat humide et tempéré; les feuilles, toutes imbriquées ensemble, forment une surface fermée, qui leur assure une température interne plus élevée. De plus, les vieilles feuilles qui se détachent et qui restent sous cette structure constituent une réserve d’éléments nutritifs appréciable. Feuilles épaisses ou à aspect cireux Pour contrer le climat froid et les vents violents asséchant, certaines plantes portent des tiges et des feuilles épaisses ou des feuilles à l’aspect cireux. Des plantes vivant dans les régions montagneuses plus sèches possèdent des feuilles charnues pour contrer cette fois-ci la 14 LE JARDIN ALPIN sécheresse. Des protéines et des glucides que la plante synthétise retiennent l’eau à l’intérieur des cellules et protègent leurs membranes du gel. Revêtement pileux L’appareil végétatif des plantes présente souvent un aspect gris, parfois blanc-argenté ou même laineux, provoqué par un revêtement important de poils épidermiques. En plus de protéger les diverses parties de la plante du froid intense, des gelées nocturnes et des vents forts asséchants, les poils protègent des rayons ultraviolets néfastes en réfléchissant une partie du rayonnement solaire. Finalement, chez certaines plantes vivant dans les régions montagneuses plus sèches, on a observé que le revêtement pileux permettait également de retenir une plus grande quantité de gouttelettes de rosée. Pigmentation sombre Pour protéger les diverses parties de la plante des effets néfastes des rayons ultraviolets, certaines plantes produisent de grandes quantités de pigments anthocyaniques — rouges, violets, bleus — donnant à la plante une teinte pourpre noirâtre lorsque combinés aux pigments verts. Ils agissent comme pièges à rayons ultraviolets. De plus, cette pigmentation foncée a pour effet d’augmenter la température à l’intérieur des feuilles. Disposition des feuilles sur la tige Pour contrer le manque d’eau en été, certaines plantes des régions montagneuses plus sèches ont adapté la disposition de leurs feuilles sur la tige de façon à ce que la rosée ou l’eau de pluie puisse arriver en plus grande quantité près des racines. Les feuilles sont soit légèrement inclinées contre la tige, en forme de cornets ou les unes sur les autres comme des tuiles. Exubérance de l’inflorescence Est-ce pour attirer les rares insectes pollinisateurs qu’il existe une disproportion entre la taille des plantes alpines et l’importance de leurs fleurs en matière de grandeur, profusion et coloration ? Est-ce pour être plus compétitifs étant donné leur brève existence au cours de l’été ? Cette hypothèse n’a pas encore été vérifiée. Par contre, il est connu qu’il existe une relation entre l’abondance des fleurs et le surplus de sucres non métabolisé dans les cellules. Ces sucres, produits durant le jour grâce aux radiations solaires intenses, deviennent excédentaires la nuit lorsque les basses températures nocturnes gênent leur transformation en amidon. 15 LE JARDIN ALPIN Caractères des plantes arctiques Système racinaire développé Incapables d’explorer la terre arctique profondément à cause du pergélisol, les plantes arctiques ont développé un réseau de racines à l’horizontale qui peut atteindre jusqu’à quatre fois le volume de la plante, les rendant ainsi aptes à affronter le vent. Ces racines servent aussi à entreposer les réserves nutritives qui permettent à la plante de reprendre rapidement son cycle de vie le printemps venu. Plantes de petite taille Ne pouvant être protégées avec suffisamment de neige des vents froids, violents et des cristaux de neige acérés, les plantes doivent rester basses; elles excèdent rarement la hauteur de 15 cm. Le rayonnement intense qu’elles reçoivent durant les longues journées d’été ralentit l’allongement des tiges. Plantes en forme de coussinets ou de touffes Pour contrer le climat froid et les vents violents, la plupart des plantes se développent en forme de coussinets ou de touffes. La forme arrondie laisse peu d’emprise au vent et réduit par le fait même l’assèchement de la plante. Les feuilles serrées les unes contre les autres forment un écran compact réduisant l’effet d’abrasion des cristaux de neige poussés par le vent. De plus, en se protégeant ainsi, elles piègent l’air dans leurs feuilles, augmentant la température dans ces dernières jusqu’à 20 °C au dessus de celle de l’air ambiant, ce qui a pour effet de favoriser la photosynthèse. La forme arrondie de ces plantes permet également aux vieilles feuilles de se décomposer au centre même de la plante. Ainsi, elle réutilise sa propre matière organique contrant du coup le manque d’éléments nutritifs dans le sol arctique. Feuilles épaisses Pour contrer le climat froid et les vents violents asséchant, certaines plantes portent des tiges et des feuilles épaisses. Des protéines que la plante synthétise retiennent l’eau à l’intérieur des cellules et protègent leurs membranes du gel. Revêtement pileux Pour se mettre à l’abri des chutes de température qui surviennent épisodiquement durant l’été arctique, les plantes couvrent leurs feuilles, boutons floraux, fleurs et fruits de poils qui retiennent la chaleur du soleil et augmentent la température à l’intérieur de l’inflorescence au dessus de la température ambiante. 16 LE JARDIN ALPIN Pigmentation sombre Pour contrer le climat froid, certaines plantes produisent de grandes quantités de pigments rouges maquillant la plante de teintes pourpre noirâtre qui emmagasinent la chaleur. Cela a pour effet d’augmenter la photosynthèse et d’accélérer le développement des fruits. Fleurs en forme de coupoles Afin d’attirer les insectes pollinisateurs et ainsi assurer le développement des fruits et des graines avant la fin de l’été, les fleurs de certaines plantes se présentent sous forme d’antenne parabolique. Elles suivent ingénieusement le soleil et captent les rayons solaires pour les concentrer dans le centre de la fleur. Ce mécanisme peut faire grimper la température à l’intérieur de la fleur jusqu’à 10oC de plus que celle de l’air ambiant. Mécanismes de reproduction sexuée adaptés Les plantes arctiques et alpines possèdent toutes les deux un cycle de végétation court et rapide. Pour assurer la survie de l’espèce, elles parviennent à effectuer dans un court laps de temps — en moins de deux mois quelquefois — leur cycle complet de reproduction : floraison, maturation des semences et préparation des boutons floraux de l’année suivante. Comment font-elles pour réussir cet exploit ? Leur secret repose dans la préparation hâtive de leurs boutons floraux. Alors que les plantes des autres habitats ne produisent les boutons floraux de la saison suivante que lorsque la production des semences de l’année en cours est complétée, les plantes arctiques et alpines suivent un autre ordre. Elles entament la production des boutons floraux de la saison suivante bien avant que la production de graines soit complétée. Aux premiers signes de froid et de neige qui ont lieu dès septembre ou octobre, tout est déjà en place. Les boutons floraux, déjà prêts pour la prochaine belle saison, passeront l’hiver bien camouflés au cœur de la plante. Les plantes entrent alors en dormance. Dès que les premiers rayons de soleil se feront sentir, les fleurs s’épanouiront. Toutes les activités de croissance intenses qui ont lieu au printemps requièrent une grande quantité d’énergie. C’est pourquoi les plantes ont pris soin de faire des réserves dans leurs racines au cours de l’été précédent. Une tâche supplémentaire qui s’ajoute à toutes celles que les plantes doivent accomplir durant leur court été. 17 LE JARDIN ALPIN Reproduction végétative ou asexuée Pour éviter les aléas de la reproduction sexuée, de nombreuses plantes ont recours à la reproduction dite végétative pour se maintenir génération après génération. Cette technique de reproduction consiste à produire des copies conformes de l’individu initial, autrement dit, des clones. Dans les zones de haute altitude ou latitude, la reproduction sexuée — production de fleurs, pollinisation, arrivée à maturité des graines, dissémination et germination — implique des étapes souvent aléatoires. Aléatoires, d’une part, par la pollinisation qui est difficile à cause de la rareté des insectes et les vents violents et, d’autre part, par la période de végétation qui n’est pas assez longue pour permettre la maturation des graines, et le faible nombre de sites propices à l’installation des graines. Des études ont démontré que sur quelque 30 000 graines produites sur 100 m2, 14 % avaient réussi à germer et seulement 1 % des plantules produites sont parvenues à passer l’hiver. En général, la proportion de plantes qui utilise la reproduction végétative augmente avec l’altitude et avec la latitude, soit avec les conditions de vie qui deviennent plus difficiles. Les plantes produisent les clones à partir d’une tige horizontale, appelée stolon lorsqu’elle est aérienne et, rhizome lorsqu’elle est souterraine. Cette tige horizontale produit des plantes toutes identiques génétiquement qui s’individualisent par la suite. D’autres plantes assurent leur multiplication végétative à l’aide de bulbilles, de petites structures issues de bourgeons qui se développent pour donner des plants identiques au plant mère. 18 LE JARDIN ALPIN DESCRIPTION DES VÉGÉTAUX Quelles familles botaniques représentent la flore alpine et arctique ? La grande variété de plantes alpines qui ont su s’adapter aux territoires situés en haute altitude ou en haute latitude provient d’un certain nombre de familles botaniques. Cette section du document en présente quelques-unes. Un bref descriptif des familles avec l’énumération des principaux genres qui les composent permet de mettre en évidence les liens de parenté existant entre différents genres de plantes. L’objectif de ce descriptif est d’outiller le lecteur avec des notions qui lui permettront de comparer des plantes alpines avec d’autres plantes de la même famille, des plantes qui lui sont plus familières. Il pourra alors, en procédant à des comparaisons, relever les transformations que les plantes alpines ont subies pour s’adapter à la vie en milieu hostile. Parmi les familles les plus souvent représentées : Les Apiaceae, famille de la carotte Les Asteraceae, famille de la marguerite Les Brassicaceae, famille de la moutarde, du chou et du brocoli Les Cactaceae, famille des cactus Les Campanulaceae, famille de la campanule Les Caryophyllaceae, famille de l’œillet Les Crassulaceae, famille du jade et du sédum Les Gentianaceae, famille de la gentiane Les Liliaceae, famille de l’ail et de la tulipe Les Primulaceae, famille des primevères et du cyclamen Les Ranunculaceae, famille du bouton d’or et de la clématite Les Rosaceae, famille du rosier, pommier et fraisier Les Saxifragaceae, famille des saxifrages 19 LE JARDIN ALPIN Les Apiaceae Famille de la carotte (aussi appelée Umbelliferae) Les Apiaceae sont généralement des plantes herbacées, mais la famille compte également des arbres et arbustes. L’inflorescence typique des Apiaceae est l’ombelle, composée de fleurs, toujours très petites et généralement réunies au sommet d’une tige. Les Apiaceae sont cultivées comme plantes alimentaires (carotte, panais, céleri, fenouil) ou plantes aromatiques (cerfeuil, carvi, anis, coriandre, persil, cumin). Les Asteraceae Famille de la marguerite La famille des Asteraceae est très vaste (plus de 1 500 genres). Elle est composée essentiellement de plantes herbacées. Les Asteraceae se caractérisent surtout par leur inflorescence, un capitule de fleurs, soit la réunion de plusieurs fleurs sans pédoncules, serrées les unes à côté des autres. Plus de 200 genres sont cultivés comme plantes ornementales (asters, chrysanthèmes, dahlias, rudbeckie, zinnias, etc.). D’autres fournissent des légumes (laitue, chicorée, endive, artichaut, etc.), de l’huile (tournesol), des plantes médicinales (camomille, arnica, armoise) et un insecticide (pyrèthre). Les Brassicaceae Famille de la moutarde, du chou et du brocoli La grande famille des Brassicaceae est surtout composée de plantes herbacées possédant des fleurs caractéristiques à quatre pétales disposés en croix ; d'où la désignation ancienne de « Crucifères ». Certaines Brassicaceae sont cultivées comme plantes ornementales (monnaiedu-pape, corbeille d’argent), mais la plupart sont comestibles par leurs feuilles (chou), leurs bourgeons axillaires (choux de Bruxelles), leur racine (radis, navet) ou encore par leur inflorescence (chou-fleur). D’autres, servent de condiments (raifort, moutarde) ou sont cultivés pour leurs graines oléagineuses (colza). Les Cactaceae Famille des cactus Les plantes de la famille des Cactaceae sont des herbacées ou des arbustes qui possèdent une forme végétative très particulière, adaptée à la croissance en milieux secs (entre autres, l’épaississement de la tige et feuilles transformées en épines). Si la plupart des espèces de cactus ne tolèrent pas le gel, les genres Opuntia, Escobaria et Echinocereus peuvent résister jusqu’à -20°C. 20 LE JARDIN ALPIN Les Campanulaceae Famille de la campanule La famille des Campanulaceae est composée principalement de plantes herbacées. Le nom générique de campanule vient de campanula qui signifie clochette. D’un point de vue économique, les Campanulaceae sont principalement des plantes ornementales. Les Caryophyllaceae Famille de l’œillet La grande famille des Caryophyllaceae est composée de plantes herbacées. Leurs fleurs sont facilement reconnaissables au renflement de la tige au niveau des feuilles. Cette famille fournit un grand nombre de plantes de jardin telles que les lychnis et les gypsophiles, mais les plus répandues et les plus appréciées sont les oeillets (Dianthus). De nombreuses Caryophyllaceae sont aussi des mauvaises herbes envahissantes (Silene, Cerastium) ou des plantes toxiques dues aux saponosides qu’elles contiennent. Les Crassulaceae Famille du jade et du sédum La famille des Crassulaceae est composée de plantes herbacées et arbustives, à feuilles généralement charnues. La majorité sont des plantes succulentes. Quelques genres appartenant à cette famille : les joubarbes (Serpervivum), les orpins, (Sedum), les jades (Crassula). Les représentants de cette famille se retrouvent aussi bien en milieu aride qu’en milieu tempéré. De nombreuses espèces supportent le gel. Les Gentianaceae Famille de la gentiane La grande famille des Gentianaceae est représentée majoritairement par le genre Gentiana très apprécié en raison de la beauté de ses fleurs bleues. Ce vaste groupe de plantes herbacées comporte également des plantes à fleurs jaunes, violettes ou pourpres. Les gentianes sont des plantes essentiellement montagnardes, mais plusieurs sont présentes dans les plaines et sur les collines. Les Liliaceae Famille de l’ail et de la tulipe La vaste famille de Liliaceae est composée de plantes généralement herbacées. Elles possèdent souvent des organes de réserves tels que des bulbes ou des rhizomes. Cette famille 21 LE JARDIN ALPIN compte des espèces importantes, tant du point de vue alimentaire (ail, oignon, poireau, asperge), que médicinal (colchique, aloès) ou ornemental (lis, jacinthe, tulipe, hémérocalle, muguet, etc.). Les Primulaceae Famille des primevères et du cyclamen La famille des Primulaceae est composée majoritairement de plantes herbacées. Le nom de Primulaceae vient du genre Primula signifiant premier. Il fait référence à sa floraison très hâtive au printemps. Cette famille comprend les genres Primula (primevères), Cyclamen, Lysimachia (lysimaques) dont l’intérêt est surtout ornemental. Les Ranunculaceae Famille du bouton d’or et de la clématite Le nom de cette famille de plantes herbacées vient du genre Ranunculus, nom latin pour les « petites grenouilles » qui peuplent les marais où poussent les nombreuses espèces aquatiques. Cette famille présente de grands intérêts botaniques surtout pour les fleurs brillamment colorées d’un grand nombre de genres ornementaux : clématites (Clematis), anémones (Anemone), adonis (Adonis), ancolies (Aquilegia), pieds-d’alouettes (Delphinium). La plupart des Ranunculaceae sont vénéneuses. Les Rosaceae Famille du rosier, pommier et fraisier La vaste famille de Rosaceae est composée de plantes arborescentes, arbustives et herbacées. Les Rosaceae ont une grande importance en horticulture, en particulier les rosiers (Rosa sp.), les spirées (Spiraea), les potentilles (Potentilla). Les fruits de nombreuses Rosaceae sont comestibles : pommes (Malus), prunes (Prunus), poires (Pyrus), fraises (Fragaria), framboises (Rubus). Les Saxifragaceae Famille des saxifrages La famille des Saxifragaceae est composée de plantes d'aspect divers, herbacées ou ligneuses, parfois succulentes. Le nom de cette famille vient du latin « saxum », rocher, et « frango », briser. Outre le genre Saxifraga, un des genres les plus typiques des milieux alpins, cette famille regroupe les astilbes (Astilbe), les bergenies (Bergenia) et les heuchères (Heuchera). 22 LE JARDIN ALPIN UNE VISITE DU JARDIN ET DE SES VEDETTES Quelles formes d’adaptations ont emprunté certaines plantes alpines ? Quels sont les arbres remarquables de l’Alpinum ? Les monticules rocheux de l’Alpinum conçus par M. Henry Teuscher permettent au visiteur de découvrir la flore alpine telle qu’il est possible de l’observer sur les hautes montagnes de la planète et dans les régions arctiques. La végétation des montagnes peut sembler identique d’une zone géographique à l’autre. Or, la flore de chaque système montagneux varie selon la distribution des espèces qui la composent. Certains systèmes montagneux isolés ou orientés d’est en ouest — comme l’Himalaya et la plupart des montagnes européennes — comportent des espèces florales dite altaïco-alpine, c’est-à-dire qu’elles existent sur les montagnes d’Europe et sur les monts de l’Asie septentrionale. C’est le cas de l’edelweiss, la fleur légendaire en forme d’étoile, dont des espèces similaires existent sur les montagnes d’Europe, de l’Himalaya, de la Sibérie, du Japon et de la Chine. Ces montagnes comportent également une flore dite endémique qui existe exclusivement sur un massif donné. À l’opposé, les systèmes montagneux avec une orientation nord-sud — comme les Appalaches et les Rocheuses — présentent un très faible taux de plantes endémiques. Les espèces retrouvées sur ces montagnes ont une répartition dite artico-alpine, c’est-à-dire qu’elles poussent à la fois sur les montagnes et dans l’Arctique. Cela, à cause des échanges floristiques qui ont été possibles entre le nord et le sud au gré des périodes de dégel durant les ères de glaciation. Enfin, certains genres floraux se retrouvent dans presque toutes les montagnes du monde. C’est le cas du Dianthus (œillet) de la famille des Caryophyllaceae. Bien que l’Alpinum soit un endroit privilégié pour observer diverses plantes alpines du monde, il serait impossible, étant donné le nombre élevé de spécimens, d’en faire un portrait complet. Le choix des plantes à découvrir proposé dans ce manuel est basé sur leur proximité du sentier, leur beauté et la famille à laquelle elles appartiennent. C’est plantes peuvent être admirées de près ; leurs caractéristiques physiques peuvent être comparées avec les autres plantes connues de la même famille ; différentes observations peuvent être notées comme les différentes formes d’adaptation au froid. 23 LE JARDIN ALPIN Voici les espèces sélectionnées pour chacune des différentes régions montagneuses du globe. Nord-est de l’Amérique du Nord (les Appalaches) L’antennaire négligée (Antennaria neglecta) / Asteraceae, famille de la marguerite La vergerette à feuilles segmentées (Erigeron compositus) / Asteraceae, famille de la marguerite La drave glabre (Draba glabella) / Brassicaceae, famille de la moutarde, du chou et du brocoli Les Rocheuses La Townsendia parryi / Asteraceae, famille de la marguerite La dryade de Drummond (Dryas drummondii) / Rosaceae, famille du rosier, pommier et fraisier La giroselle de Virginie (Dodecatheon meadia) / Primulaceae, famille des primevères et du cyclamen 24 LE JARDIN ALPIN Les Alpes L’edelweiss (Leontopodium alpinum) / Asteraceae, famille de la marguerite Le Dianthus lumnitzeri / Caryophyllaceae, famille de l’œillet La pulsatille de Haller (Pulsatilla halleri ssp. styriaca) / Ranunculaceae, famille du bouton d’or et de la clématite La saxifrage paniculée (Saxifrage paniculata) / Saxifragaceae, famille des saxifrages Les régions arctiques La primevère vraie (Primula veris) / Primulaceae, famille des primevères et du cyclamen Le pigamon alpin (Thalictrum alpinum) / Ranunculaceae, famille du bouton d’or et de la clématite L’astragale du Dannemark (Astragalus danicus) / Fabaceae, famille de la luzerne et du haricot 25 LE JARDIN ALPIN Le Caucase La campanule à feuille de pâquerette (Campanula bellidifolia) / Campanulaceae, famille de la campanule Le muscari d’Arménie (Muscari armeniacum) / Liliaceae, famille de l’ail et de la tulipe La primevère élevée (Primula elatior) / Primulaceae, famille des primevères et du cyclamen Les Pyrénées Le panicaut de Bourgat (Eryngium bourgatii) / Apiaceae, famille de la carotte Le Dianthus subacaulis / Caryophyllaceae, famille de l’œillet La Minuartia villarsii / Caryophyllaceae, famille de l’œillet La gentiane acaule ou cloche bleue des Alpes (Gentiana acaulis) / Gentianaceae, famille de la gentiane 26 LE JARDIN ALPIN L’Europe orientale Le fenouil des Alpes (Meum athamanticum) / Apiaceae, famille de la carotte L’Edraianthus graminifolius / Campanulaceae, famille de la campanule La Pulsatilla pratensis ssp. zimmermanni / Ranunculaceae, famille du bouton d’or et de la clématite L’Asie L’androsace sarmenteuse (Androsace sarmentosa) / Primulaceae, famille des primevères et du cyclamen Le trolle du Yunnan (Trollius yunnanensis) / Ranunculaceae, famille du bouton d’or et de la clématite La Potentilla megalantha / Rosaceae, famille du rosier, pommier et fraisier 27 LE JARDIN ALPIN Voici les espèces sélectionnées pour chacun des jardins de crevasses. Rappelons que dans ces structures se trouvent des espèces et des cultivars de plantes alpines. Le jardin de crevasses obliques Pulsatilla halleri ssp. slavica / Ranunculaceae, famille du bouton d’or et de la clématite Clematis integrifolia / Ranunculaceae Le jardin de crevasses à la verticale La primevère marginée (Primula marginata) / Primulaceae, famille des primevères et du cyclamen Degenia velebitica / Brassicaceae, famille de la moutarde, du chou et du brocoli, UICN Le genre Escobaria / Cactaceae, famille des cactus Campanula choruhensis / Campanulaceae Daphne arbuscula / Thymelaeaceae (située derrière le banc) 28 LE JARDIN ALPIN Quelques arbres et autres végétaux remarquables à souligner : Métaséquoia : Le Jardin botanique compte une dizaine de ces conifères originaires de Chine. Dans le monticule d’Asie, cinq spécimens s’y trouvent. Il n’existe qu’une seule espèce : le Metasequoia glyptostroboides. Il est très décoratif avec sa teinte vert clair l’été et, brun rosé ou vieil or en automne. Ce conifère aux aiguilles aplaties et souples perd ses feuilles à l’automne. Ces arbres sont tous issus du premier lot de graines importés de Chine, en 1948, à la suite de la découverte du premier spécimen vivant, en 1941, par un forestier chinois. Avant cette découverte, il n’existait que des fossiles de ce conifère. Les métaséquoias du Jardin botanique mesurent environ 8 mètres alors que, dans leur milieu naturel, ces arbres atteignent rapidement plus de 30 mètres : Montréal se trouve à la limite de leur zone de rusticité. Épinettes du Colorado (Picea pungens ‘Montgomery’) : Ces cultivars nains, bleus, denses et au port conique sont parmi les joyaux de la collection de l’Alpinum. Ils ont été multipliés par M. Teuscher en 1939. Ce n’est qu’après 26 ans de culture en pépinière, en attendant la fin des travaux d’aménagement de l’Alpinum, qu’ils ont pu y être plantés, tout près du chemin menant au Jardin de Chine. Cactus (oponces) : Une plantation d’Opuntia rustiques se trouve dans les surfaces de gravier du jardin minéralogique comme complément à la collection de roches et minéraux. Ces végétaux, formés de segments épais en forme de raquettes, adaptés aux conditions de chaleur et de sécheresse survivent aux hivers rigoureux lorsqu’ils sont couverts de neige et protégés contre le vent. Parmi cette plantation se trouve aussi une importante sélection de Sempervivum, de Sedum et de Saxifraga. Érable argenté (Acer saccharinum) : Cet arbre centenaire, situé à la limite du Jardin alpin et du Jardin des plantes utiles, serait le plus vieil arbre du Jardin botanique. Chênes blancs (Quercus alba) : Ces chênes situés non loin de l’érable argenté sont d’une valeur horticole exceptionnelle, car leur feuillage prend une teinte rosée à l’automne et reste sur l’arbre jusqu’au printemps. 29 LE JARDIN ALPIN Pin rigide (Pinus rigida) : On peut reconnaître cet arbre grâce à ses aiguilles groupées en faisceaux de trois. La rareté de ce conifère en milieu naturel dans le sud du Québec serait attribuable notamment au manque d’habitats favorables, ainsi qu’à la faible capacité de dispersion des graines. En 1978, une réserve écologique du pin rigide a été créée dans le sud ouest du Québec, à Saint-Antoine-Abbé afin de protéger un peuplement existant. Le contenu élevé en résine du pin rigide lui confère une résistance modérée à la pourriture. Les Amérindiens utilisaient cette résine pour la confection de torches. L’Alpinum possède un spécimen introduit au milieu des années 90. Il est situé à proximité des épinettes du Colorado. 30 LE JARDIN ALPIN Carte des lieux Emplacement des différentes sections de l’Alpinum (carte 1) (îlot, jardin de crevasses obliques, jardin de crevasses verticales, 8 sections espèces du monticule, 3 sections cultivars du monticule, auges, jardin minéralogique, collection plantes tapissantes, collection conifères nains) Sections comportant des plantes alpines (carte 2) (8 régions montagneuses représentées, îlot, jardin de crevasses obliques, jardin de crevasses verticales, auges) 31 LE JARDIN ALPIN L’ART AU JARDIN « Épisode » Cette sculpture abstraite, en ciment fondu, a été réalisée en 1966 par Jean-Noël Poliquin (1927-1999) à une époque où les artistes cherchaient à rompre avec le passé, par des modes d’expression inédits. Elle est installée au Jardin botanique de Montréal depuis le début des années 70, à l’Alpinum depuis 2006. Comme ses pairs au début des années 60, l’artiste pratique les formes architecturées. Toutefois, en créant « Épisode », l’ambitieux sculpteur a aussi voulu mettre en évidence les qualités du matériau moderne qu’il emploie pour la réalisation de sa pièce. Résistant à la corrosion et durcissant rapidement, le ciment fondu est, de plus, dénué des connotations du passé. Il est idéal pour les expériences plastiques nouvelles et confère aux œuvres une présence physique différente de celle du bronze. Diplômé de l’Institut des arts graphiques de Montréal en 1950, l’artiste qui a présidé l’Association des sculpteurs du Québec en 1966 a séjourné en Europe de 1955 à 1956, où il a étudié les méthodes de formation artistique pour enfants. « Lunette montée » (monument) Dans le jardin minéralogique, parmi la collection de roches se trouve une lunette montée sur un trépied-outil d’arpenteur. Ce monument est dédié à la mémoire des premiers prospecteurs, géologues et arpenteurs canadiens qui ont parcouru le pays. 32 LE JARDIN ALPIN DANS LES COULISSES Quelle est la somme de travail nécessaire pour entretenir l’Alpinum ? Quels sont les soins particuliers qui doivent être apportés à ce Jardin ? Combien de jardiniers sont requis pour entretenir les 5 000 taxons5 de l’Alpinum ? En haute saison, l’équipe attitrée au Jardin alpin compte cinq jardiniers plus l’horticulteur. Depuis 1993, c’est l’horticulteur René Giguère qui est à la barre de commande. C’est grâce à cet amoureux de plantes alpines que le Jardin alpin s’est enrichi de nouveaux éléments au fil des ans, voire sentiers additionnels sur le monticule, auges alpines, jardins de crevasses, falaise humide revitalisée. C’est également grâce à ce maître d’œuvre que la Société des plantes alpines et de rocaille du Québec a vu le jour en 2000. Passionné de l’Alpinum, René Giguère veille à son entretien. Sans relâche, il peaufine la collection en introduisant de nouvelles espèces tout en observant leur comportement avant de les intégrer à l’aménagement. Grâce aux possibilités accrues d’obtention de semences — producteurs spécialisés, sociétés spécialisées, index seminum (programme d’échange de semence avec 800 institutions dans le monde) —, il est en mesure d’enrichir la collection de taxons uniques. Selon lui, la diversité des végétaux des montagnes est telle qu’elle donne immanquablement lieu à des découvertes. Du printemps à l’automne Pour inviter le visiteur dans ce jardin, l’horticulteur veille à ce que l’îlot à l’entrée de l’Alpinum regorge de couleurs durant toute la saison. Son objectif : piquer la curiosité du visiteur et lui donner un avant-goût des trésors qu’il y a à découvrir dans l’Alpinum. Il veille également à ce que l’Alpinum ne connaisse pas de saison morte. Après les sommets que connaît ce Jardin au printemps durant les mois d’avril et de mai, lorsque les alpines sur les monticules explosent en couleurs, d’autres floraisons se succèdent et s’échelonnent jusqu’aux gels d’automne. Des surprises donc durant toute la saison. Comment cette équipe de six s’y prend pour mener à bien tous les travaux afférents à ce Jardin qui compte un aussi grand nombre de spécimens ? De quels moyens usent ces 5 Taxon : ensemble d’espèces et variétés. Compte au printemps 2008. 33 LE JARDIN ALPIN jardiniers pour réussir la culture des vraies plantes alpines et arctiques alors que les conditions de croissance à l’Alpinum sont loin de celles rencontrées en milieu naturel ? Bien qu’il soit possible de recréer l’environnement physique de la montagne à l’aide de pierres et de gravier, il reste que les conditions climatiques du milieu montagnard sont impossibles à reproduire. Sous un climat continental, tel que celui de Montréal, les véritables plantes alpines sont généralement très difficiles à cultiver. Dès lors, les cultiver relève du défi. Culture stratégique obligatoire René Giguère et son équipe doivent user de nombreuses stratégies pour offrir aux plantes de l’Alpinum des conditions de culture optimales. Pour parvenir à leurs fins, ils ont, dans un premier temps, procédé à une répartition des tâches ingénieuse qui permet aux jardiniers de donner les meilleurs soins possibles aux plantes. Chaque section de montagne est octroyée à un jardinier. Cette méthode de travail lui permet d’approfondir ses connaissances de la flore d’une région du monde et, surtout, de connaître dans les moindres détails les besoins variables des spécimens qui composent cette flore si fragile en milieu continental. Dans le milieu naturel, chaque espèce occupe une niche écologique très spécifique. C’est pourquoi une espèce donnée ne pousse que dans les lieux où sont réunies l’ensemble des exigences rattachées à son mode de nutrition, à la luminosité, à la teneur en vapeur d’eau de l’air, à la chaleur, à l’humidité du sol, aux vents, etc. L’équipe veille à ce que le sol qui accueille toutes les plantes alpines soit bien drainé. Ces plantes, bien que tolérant la sécheresse, n’apprécient pas les printemps pluvieux, car l’excès d’humidité et le manque d’aération peuvent provoquer des maladies comme la pourriture du collet. Il y a aussi les températures extrêmes d’été qui sont néfastes pour les plantes. Habituées au climat frais arctique ou montagnard, elles souffrent de l’atmosphère chaude des journées et des nuits d’été. À la mi-journée, une vaporisation d’eau via le système d’asperseur peut abaisser quelque peu et de façon temporaire les températures. 34 LE JARDIN ALPIN Finalement, il y a les automnes et les débuts d’hiver très froids, sans protection neigeuse. Les plantes, habituées à être à l’abri l’hiver sous une bonne couverture de neige, ne tolèrent pas les conditions qui prévalent à Montréal. De plus, les cycles répétés de gel-dégel hivernaux font sortir les jeunes plants hors du sol. C’est pourquoi, à l’automne, plusieurs plantes sont recouvertes de toiles hivernales ou de branches de conifères. Les bêtes noires de l’Alpinum Les plantes alpines sont peu sujettes aux maladies. Par contre, elles ne tolèrent pas la compétition vive avec les plantes opportunistes telles que les mauvaises herbes. À l’Alpinum, il est primordial d’assurer un désherbage soutenu et constant du début jusqu’à la fin de la saison. Les plantes alpines, préoccupées par leurs besoins primordiaux —s’ancrer, s’hydrater et se reproduire —, ne peuvent entrer en compétition avec les mauvaises herbes pour la lumière et les éléments nutritifs. Production de la relève À cause de cette fragilité des plantes alpines, René Giguère demeure à l’affût des espèces les plus adaptables. Avant d’introduire des plantes, il procède à des essais afin d’évaluer leur comportement sous notre climat. De nouvelles plantes sont donc toujours à l’essai dans l’arrière scène. La serre renferme de nombreux plants semés à partir des graines récoltées à l’Alpinum. Cette production, qui peut prendre jusqu’à huit années avant d’atteindre des dimensions minimales permettant la culture en terre dans l’Alpinum, sert à remplacer les pertes dues à l’humidité, le froid, la chaleur, les ravageurs, le piétinement et le vol. Elle sert également à remplacer les plantes qui présentent des signes de vieillissement, celles dont le cycle de vie est court et les bisannuelles qui disparaissent après deux ans. Les problèmes de culture rencontrés dans les différentes sections des monticules sont moins fréquents dans les jardins de crevasses. Ces jardins répondent mieux aux exigences des plantes alpines. Rappelons-le, les pierres, en plus de favoriser le drainage et l’ancrage en profondeur des racines, permettent, grâce à leur orientation est-ouest, la création de zones d’ombre et de fraîcheur. Ces jardins font le bonheur de René Giguère depuis leur aménagement. Ce passionné de plantes alpines peut se donner à cœur joie dans la culture des alpines capricieuses jusqu’alors impossibles à cultiver à l’Alpinum. 35 LE JARDIN ALPIN Voici un aperçu des tâches effectuées au long d’une saison à l’Alpinum. Avril Retrait de la protection hivernale Taille des conifères et arbustes Production Mai Plantation intensive d’annuelles Juin Plantation d’alpines Arrosage Nettoyage général Fertilisation Retrait des clôtures Désherbage Redressage des piquets et Rabattage des cordes inflorescences Arrosage Récolte des semences Plantation d’alpines et Tonte de pelouse d’annuelles tolérant le Surfaçage des sentiers froid Production Désherbage Nettoyage des bassins, remplissage et mise en marche de la cascade Tonte de pelouse Surfaçage des sentiers Production Juillet Rabattage des inflorescences Août Septembre Inventaire Inventaire Pose d’étiquettes Rabattage des Plantation d’alpines Plantation d’alpines inflorescences et des Arrosage Arrosage plantes Désherbage Désherbage Arrachage des annuelles Récolte des semences Rabattage des Division des vivaces Tonte de pelouse inflorescences Arrosage Surfaçage des sentiers Récolte des semences Désherbage Production Tonte de pelouse Récolte des semences Surfaçage des sentiers Tonte de pelouse Production Surfaçage des sentiers Production 36 LE JARDIN ALPIN Octobre Inventaire Rabattage des plantes Plantation des bulbes Arrêt de la cascade, vidange et nettoyage des bassins Novembre Installation de la protection hivernale Installation des branches de pin Installation des clôtures à neige Décembre à mars Fermeture de l’Alpinum (pour éviter le piétinement durant les mois d’hiver) Planification Inventaire Recherches Arrosage Nettoyage des semences Achats et échanges Désherbage Production Relations publiques Récolte des semences Production Tonte de pelouse Surfaçage des sentiers Production Malgré tout le travail afférant à ce Jardin, René Giguère désire y ajouter de nouvelles trouvailles. Pour le moment, son trésor préféré à l’Alpinum est incontestablement la pulsatille de Haller (Pulsatilla halleri ssp. styriacca), qu’il aime bien surnommer la douce « racoleuse » à cause de ses fleurs dressées qui l’exposent ouvertement à tous les regards. Il est possible de l’admirer dans la section des Alpes. Cette Renonculacée des Alpes autrichiennes se pare d’une corolle bleu lilas avant même l’apparition des feuilles. Les fleurs en forme de cloche ouvrent en position inclinée. Elles se redressent ensuite pour exposer leurs magnifiques pistils pourpres entourés d’étamines jaunes. La surface extérieure des fleurs est couverte de poils soyeux, tout comme la surface des feuilles qui se déploient après la floraison. 37 LE JARDIN ALPIN POUR AIGUISER VOS CONNAISSANCES La Gossipiphora : précoce et exceptionnelle Les plantes alpines attendent impatiemment la fonte de la couverture de neige au printemps pour déployer leurs boutons floraux. Une espèce de l’Himalaya, la Gossipiphora, de la famille des Asteraceae, possède un moyen très efficace pour accélérer ce processus. Ses feuilles laineuses, disposées de manière très stratégique, permettent la concentration de la chaleur émanant du sol vers son sommet. Cette chaleur fait fondre la neige et crée une étroite cheminée dans la neige. Alors que la plante se trouve toujours sous une couche de neige, les insectes pollinisateurs peuvent passer par l’ouverture pour aller féconder les fleurs. Ingénieux ! Être pollinisées… à tout prix La pollinisation étant aléatoire dans les milieux alpin et arctique, les plantes ont adopté diverses stratégies visant à augmenter leur chance de fécondation. Certaines plantes ont opté pour une floraison plus tardive par rapport à celles qui fleurissent juste après la fonte de la neige; la quantité de pollinisateurs étant plus élevée à cette période qu’en tout début de saison. Par contre, en optant pour cette stratégie, elles disposent de moins de temps pour la maturation des graines. D’autres ont trouvé le moyen d’être tout simplement pollinisées par le vent. C’est le cas de nombreuses espèces qui dominent les prairies alpines. Enfin, il y a les espèces qui augmentent leurs chances d’être visitées par les insectes plus rares en altitude en augmentant la durée d’épanouissement de leurs fleurs. C’est ce que des études menées dans les Andes ont mis en évidence en comparant les taux de pollinisation des espèces vivant en altitude avec les mêmes espèces vivant en plaine : les résultats sont similaires. À défaut d’être pollinisées, les plantes pratiquent… l’apoximie ! Certaines plantes alpines sont passées maître dans cet art de court-circuiter le processus habituel de reproduction en produisant des graines, sans fécondation, de façon asexuée. Les plants sont génétiquement identiques à la plante mère. Un phénomène surprenant mais fréquent en haute altitude. 38 LE JARDIN ALPIN La tour Eiffel et les gentianes France 1889. La tour Eiffel est complétée et la Suze est née, apéritif à base de gentianes. L’ingrédient de base : le rhizome de la gentiane jaune (Gentiana lutea) qui lui confère son amertume bien spécifique. Toujours populaire en France, elle se boit seule, avec un trait de cassis ou mélangée à du tonic ou du jus d’agrumes. D’autres liqueurs ou apéritifs à base de gentianes : l’Avèze, la Salers, le Bonal et le Picon. CE DOCUMENT A ÉTÉ RÉDIGÉ PAR MADAME SOUHAILA AYACHE, STAGIAIRE, PROGRAMME DE PARRAINAGE PROFESSIONNEL DE LA VILLE DE MONTRÉAL (2008). 39 LE JARDIN ALPIN LEXIQUE FRANÇAIS/ANGLAIS Français Anglais Jardin alpin ou Alpinum Alpine Garden or rock garden Plantes alpines Alpine plants or mountain plants Conifères Conifers or cone-bearing trees Pin Pine Épinette Spruce Vivaces Perrenials Annuelles Annuals Toundra arctique Artic tundra Toundra alpine Alpine tundra Limite des arbres Tree line (timberline) Cercle polaire Arctic circle Pergélisol Permafrost Mollisol Topsoil Sol bien drainé Well drained soil Racines bien ancrées Well anchored roots Réserve d’énergie Food supply Couverture de neige épaisse Thick snow cover Feuille charnue Thick leave Revêtement pileux white hairs Plantes à croissance basse Low growing plants En forme de coussins Cushions En forme de touffes Tussock Bouton floral Flower bud Pétales en forme de coupoles Cup-shaped petals Crevasse Crevice Éboulis rocheux Scree Moraine Morraine Falaise Ridge/Cliff Auge alpine Alpine trough 40 LE JARDIN ALPIN RÉFÉRENCES ET SUGGESTIONS DE LECTURE Monographies BLOOM, A. Trad. de P. GIRARD. 1980. Les plantes alpines. Paris, Librairie Larousse, Éditions Floraisse.128 p. (Cote : 0864 B55.1) CAPON, B. 1994. Plant Survival : Adapting to a Hostile World. Portland (OR), Timber Press. 140 p. (Cote : 0221 C3.1) CORBEIL, P. 1997. Jardins jeunes - Éléments d’intérêt géologique sur le site du Jardin botanique de Montréal. Géomédia. 52 p. (Cote : 0881.2 C6.1) HEYWOOD, V.H. 1993. Flowering Plants of the World. New York, Oxford University Press Inc. 335 p. (Cote: 0200 H4.1 1993) SCHOLZ, A. 1997. Rocailles : aménagement, plantation. Paris, Hachette. 64 p. (Cote : 0864 S32.1) ZIMMERMAN, A. 1962. Jardins alpins. Coll. Les livres d’or de la nature. Paris, La Maison Rustique. 161 p. (Cote : 0864 Z5.1) TEUSCHER, H. 1940. Programme d’un jardin botanique idéal. Coll. Mémoires du Jardin botanique de Montréal. Montréal, Jardin botanique de Montréal, 33 p. (Cote : 0951 T4.1F) TOSCO, U. 1978. La flore alpine. Coll. La nature et ses merveilles. Paris, Éditions Atlas. 128 p. 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