El Niño , affecté par le réchauffement de la planète
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El Niño , affecté par le réchauffement de la planète
Fiche n°280 - Novembre 2007 © IRD/ Ortlieb Luc El Niño , affecté par le réchauffement de la planète manifestations climatiet océaniques d’El LNiñoesquesaffectant notamment les régions côtières, qui s’étendent du sud de l’Equateur jusqu’au Chili central, ont une périodicité de l’ordre de 2 à 7 ans depuis plusieurs milliers d’années. Ce phénomène climatique également appelé El Niño Southern Oscillation (ENSO) est pourtant loin d’avoir dévoilé tous ses secrets. Une équipe de chercheurs de l’IRD en collaboration avec des organismes de recherche chiliens (1) vient d’obtenir des éléments d’information inattendus sur l’évolution récente du système ENSO. A partir de l’étude de carottes sédimentaires marines, ils ont pu retracer les changements de modalités d’ENSO depuis le XVIIème siècle jusqu’à nos jours. Les scientifiques ont ainsi mis en évidence une baisse d’environ 2°C de la température des eaux du courant de Humboldt, entre 1820 et 1878. Cette période qui correspond à la fin du Petit Age Glaciaire coïncide pourtant avec un réchauffement de la Terre. L’explication de ce paradoxe, tirée de l’analyse détaillée des divers composants des carottes sédimentaires, fait intervenir les interactions complexes qui existent entre la circulation atmosphérique, les courants marins et les vents alizés qui provoquent les remontées d’eau froide le long des côtes Pacifique d’Amérique du Sud. La baie de Mejillones dans le nord du Chili Le phénomène climatique El Niño, littéralement « l’Enfant Jésus », a été nommé ainsi parce qu’il survient généralement au moment de Noël le long des côtes péruviennes. Ce mode de variabilité du climat également appelé ENSO résulte d’une série d’interactions entre l’atmosphère et l’océan tropical. Il se manifeste par des sécheresses dans des régions abondamment arrosées et, à l’inverse, par des pluies et des inondations dans des zones habituellement désertiques. Les scientifiques qualifient ce phénomène de « quasi-cyclique » car sa périodicité, qui varie de 2 à 7 ans, ne présente aucune régularité. Suite aux recherches effectuées depuis 25 ans par les océanographes, les climatologues et les météorologues, les mécanismes à l’origine d’un événement El Niño sont désormais mieux connus. Il est en revanche plus difficile de comprendre l’influence des autres modes de variabilité du climat sur le régime ENSO. Plus exactement, on ne sait pas si l’intensité et la fréquence du phénomène sont susceptibles d’être modifiées dans un contexte de réchauffement planétaire. Les travaux que vient de publier une équipe composée de scientifiques chiliens et de l’IRD apportent un éclairage nouveau sur la variabilité d’El Niño. Plusieurs paramètres géochimiques contenus dans une carotte de sédiments prélevée par 80 mètres de fond dans la baie de Mejillones, située dans le nord du Chili, ont été mesurés dans le cadre de cette étude. L’analyse de sous-produits de la décomposition des diatomées, algues planctoniques unicellulaires, a permis la détermination précise de l’évolution de la température de surface de l’océan dans cette région entre 1650 et 2000. Une diminution de plus de 2°C a été constatée entre 1820 et 1878. Cette baisse de température a également été détectée dans deux carottes recueillies près des côtes sud-américaines, à plus d’un millier de kilomètres au nord et au sud de Mejillones. Ces prélèvements confirment >> Institut de recherche pour le développement - 213, rue La Fayette - F-75480 Paris cedex 10 - France - www.ird.fr Retrouvez les photos de l'IRD concernant cette fiche, libres de droit pour la presse, sur www.ird.fr/indigo CONTACTS Luc ORTLIEB Directeur de recherche IRD Unité Paléo-environnements tropicaux et variabilité climatique (PALEOTROPIQUE) Adresse : IRD 32, Rue Henri VARAGNAT 93143 Bondy cedex France Tél : +33 (0)1 48 02 56 37 Fax : +33 (0)1 48 02 55 54 Courriel : [email protected] RELATIONS AVEC LES MÉDIAS Gäelle COURCOUX +33 (0)1 48 03 75 19 [email protected] INDIGO, PHOTOTHÈQUE DE L’IRD +33 (0)1 48 03 78 99 [email protected] www.ird.fr/indigo RÉFÉRENCES : VARGAS G., PANTOJA S., RUTLLANT J. A., LANGE C. B., ORTLIEB L. Enhancement of coastal upwelling and interdecadal ENSO-like variability in the Peru-Chile Current since late 19th century - art. no. L13607 Geophysical Research Letters, 2007, 34 (13). doi : 10.1029/2006GL028812 MOTS CLÉS : El Niño, Petit Age Glaciaire, courant de Humboldt, climatologie que la diminution de la température de l’océan constatée à partir de 1820 a affecté toute la façade pacifique, du Chili central jusqu’au nord du Pérou. Toute la partie océanique située sur le passage du courant de Humboldt a donc été le théâtre d’un refroidissement significatif durant cette période. Or, cette conclusion est paradoxale puisque le début du XIXème siècle coïncide avec la fin du Petit Age Glaciaire qui s’accompagne d’un réchauffement de la planète. Afin de compléter leurs investigations, les scientifiques ont étudié certains minéraux contenus dans les prélèvements sédimentaires. Les résultats de ces analyses permettent de confirmer le transport de ces minéraux par les vents depuis le continent. Ce serait donc le renforcement des vents dominants, les alizés, qui, en repoussant la couche d’eau superficielle vers l’ouest, aurait favorisé les remontées d’eau froide, plus profonde, le long des côtes Pacifique de l’Amérique du Sud. Cette hypothèse est confirmée par la mesure du flux de carbone organique qui est directement lié à un accroissement de la concentration en nutriments. L’augmentation de ce flux qui concorde avec la phase de diminution des températures de l’océan entre 1820 et 1878 est la preuve que l’élévation de la concentration en nutriments est la conséquence d’une remontée d’eau froide par le phénomène d’upwelling (2). Les chercheurs émettent l’hypothèse que, dans un contexte de réchauffement climatique comme celui qui a suivi la fin du Petit Age Glaciaire, l’écart de température important entre le continent et l’océan serait responsable de cette accentuation du régime des alizés. Alors que le désert côtier d’Atacama s’est réchauffé rapidement au cours de cette période, la température de l’eau de mer aurait quant à elle augmenté beaucoup plus lentement. La persistance au cours du temps d’une différence importante de température entre l’océan et le continent aurait provoqué l’intensification des vents dominants. En repoussant les eaux superficielles vers l’ouest, ces vents auraient donc permis le refroidissement des eaux côtières, modifiant le régime normal d’El Niño, qui se caractérise habituellement par un réchauffement des eaux. Entre la fin du Petit Age Glaciaire et le début du réchauffement de la planète attribuable aux activités humaines, le régime ENSO s’est modifié. Les études de climatologie historique fondées sur les récits de chroniqueurs et descriptions d’inondations dues à des événements El Niño ont également montré un changement brusque, vers 1820, du système ENSO le long de la façade pacifique de l’Amérique du Sud. Depuis le début du XIXème siècle, c'est-à-dire la fin du Petit Age Glaciaire, les manifestations de El Niño sont caractérisées par des pluies anormales, à la fois au Chili central durant l’hiver austral et sur la côte nord du Pérou au cours de l’été austral suivant. L’ensemble de ces résultats souligne la complexité des interactions entre les modifications climatiques d’ordre global, les modalités du phénomène ENSO et les changements climatiques régionaux. Reste maintenant à déterminer si la très forte intensité des deux événements qui se sont produits à la fin du XXème siècle, en 1982-1983, puis en 1997-1998, est effectivement liée à une intensification récente du réchauffement terrestre. Si cela était effectivement le cas, le phénomène El Niño pourrait alors devenir de plus en plus intense et destructeur sur les côtes d’Amérique du Sud, mais aussi dans d’autres régions du globe. Rédaction – DIC : Grégory Fléchet (1) Ces recherches ont été menées en collaboration avec les Universités du Chili et de Concepción (Chili). Elles font suite à la thèse doctorale de Gabriel Vargas soutenue à l’Université de Bordeaux I et financée par l’IRD. (2) Ce terme anglo-saxon désigne le phénomène de remontée d’eau froide qui se produit lorsque de forts vents marins déplacent l'eau de surface des océans. ©IRD/ Ortlieb Luc Fiche n°280 - Novembre 2007 Pour en savoir plus Carottier utilisé pour les prélèvements de sédiments Grégory Fléchet, coordinateur Délégation à l’information et à la communication Tél. : +33(0)1 48 03 76 07 - fax : +33(0)1 40 36 24 55 - [email protected]