VERS UN ESPACE EUROPÉEN DE LA RECHERCHE ET

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VERS UN ESPACE EUROPÉEN DE LA RECHERCHE ET
V ERS UN ESPACE EUROPÉEN
DE LA RECHERCHE
ET DE L’INNOVATION
Philippe LARÉDO
S’interroger sur le rôle de l’Union européenne (UE) en matière de recherche
et d’innovation prend généralement trois formes complémentaires. La première
a classiquement trait à la place modeste que l’Union occupe dans la dépense
publique totale de R-D en Europe (à peine 5 %). Elle renvoie aux nombreux
débats sur son positionnement et à la polysémie de la notion de subsidiarité qui
est supposée en rendre compte. La deuxième s’intéresse plus largement aux
dimensions européennes des politiques publiques de recherche et d’innovation.
Les nombreuses infrastructures communes de recherche (comme le CERN), les
aventures partagées comme l’espace (avec l’ESA), les « politiques industrielles »
coordonnées comme l’aéronautique civile ou EUREKA sont alors également
prises en compte. Elles mettent en exergue la dimension « intergouvernementale » de ces engagements, leur nature « ad hoc » et leur flexibilité (seuls ceux
intéressés participent et on ne s’arrête pas aux frontières des traités). Enfin, le
troisième type de questionnement consiste à appréhender l’espace européen
comme un ensemble en constitution et à rechercher l’émergence d’un système
européen d’innovation, d’abord défini par ses différences avec les autres et par
son « paradoxe » (Caracostas et Muldur, 1997).
La présentation qui suit reprend cette trame. Pour saisir comment ces trois
questionnements s’interpénètrent, on reviendra dans un premier temps sur la
construction européenne et la place que la recherche et l’innovation ont occupée. On comprend alors mieux la dynamique intergouvernementale qui a conduit
à une démultiplication des modalités d’européanisation des interventions
publiques. Leur panorama, quelque peu éclectique – mais c’est tout sauf une
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liste à la Prévert – permet de prendre la mesure des transferts que, de facto, les
politiques nationales ont opérés vers l’Europe. Associés à la convergence des
politiques macro-économiques et au mouvement de « globalisation » des firmes
et des marchés, ces transferts posent la question de l’émergence d’une politique
fédérale de la recherche et de l’innovation, autant que d’un « espace européen
de la recherche », objet central de débats et de propositions en ce début
de troisième millénaire.
1 LA COMMUNAUTÉ PUIS L’UNION FACE À LA RECHERCHE
ET À L’INNOVATION
1957 – signature du traité de Rome, 1974 – lancement des premières actions
communautaires de recherche, 1983 – adoption du premier programmecadre de recherche et développement, 1986 – signature de l’acte unique qui
ajoute au traité de Rome un chapitre entier (le titre VI) consacré à la recherche
et au développement technologique, 1993 – traité de Maastricht qui élargit la
sphère d’intervention de l’Union en matière de recherche, 1994 – adoption
du quatrième programme-cadre qui marque la fin de la croissance rapide des
engagements et une stabilisation des engagements communautaires autour de
3 milliards d’euros par an, 1997 – traité d’Amsterdam qui, pour la recherche,
opère une simplification des procédures de décision, 2000 – déclaration de
Lisbonne en vue de l’initiation d’un « espace européen de la recherche ». Telles
sont les grandes dates qui rythment l’engagement progressif de l’Union dans
la recherche.
Cette liste n’a pas pour objectif de réduire l’aventure européenne à une
litanie d’actes officiels, mais de souligner de prime abord la durée sur laquelle
se construit cet engagement alors que les discours de ce début de troisième
millénaire ressemblent encore étrangement à ceux des tout débuts de la
Communauté. Elle permet également de mieux se rendre compte combien
la dimension intergouvernementale, rythmée par la modification incessante des
traités, pèse sur la définition des actions possibles. Elle illustre ainsi, mieux que
tout long discours, la différence fondamentale qui existe avec une approche
fédéraliste.
Les paragraphes qui suivent, bien que gardant une trame temporelle, se
centrent sur le long apprentissage effectué et les éléments propres à chaque
période qui ont ensuite pesé durablement sur la conception de la politique
européenne de la recherche.
1.1 EURATOM, une « expérience formatrice »
En 1957, les six pays fondateurs signent le traité de Rome. La recherche n’y est
pas mentionnée alors qu’elle est une partie intégrante des deux autres traités
de l’époque : le traité sur le charbon et l’acier de 1952 et le traité sur l’atome,
EURATOM, signé la même année que le traité de Rome. Pour Guzzetti (1995)
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citant Pierre Uri, alors que le traité de Rome était une « expérience limitée en
matière d’intégration », l’ambition d’EURATOM était de « créer une base commune de développement » ayant vocation à servir d’appui aux futurs élargissements. Il est donc important de rappeler, même succinctement, quelques
éléments de l’histoire heurtée d’EURATOM car ils expliquent en large part le
positionnement ultérieur adopté par la Communauté.
Très vite, alors que le traité initial mettait en exergue une politique énergétique volontariste (liée à la construction et à la mise en service de réacteurs
nucléaires), l’action commune est entièrement recentrée sur la recherche.
Rétrospectivement, les avatars vécus par EURATOM anticipent bien des situations vécues ultérieurement. Le changement d’orientation nationale (ici la France
avec le retour du Général de Gaulle, plus tard l’arrivée de Mme Thatcher…)
remet en cause les ambitions de l’action initiale. La mise en œuvre des actions
se heurte à la volonté des différents membres de « juste retour » et conduit
à un éparpillement, rapidement critiqué, des actions. C’est alors la structure
administrative centrale et son fonctionnement qui sont mis en cause, une interpellation qui favorise le renouveau d’un jeu diplomatique classique dont la
conclusion laisse généralement intouchées (ou seulement à la marge) les lignes
directrices de l’action précédente. Dans ce cas s’ajoutait un autre trait, celui d’un
« faire direct » avec la création de centres communs de recherche (en 1968,
ces centres employaient plus de 2 500 scientifiques, ingénieurs et techniciens). L’échec du principal projet, le développement du réacteur ORGEL,
marque la fin des ambitions d’EURATOM, alors que les structures de pilotage
des trois traités (ECSC, EURATOM et traité de Rome) sont réunies dans
la Commission européenne. « Dix ans après, dit la Commission en 19681,
nous devons admettre que rares sont les objectifs initiaux fixés qui ont été
atteints… Il est vrai que les actions d’EURATOM ont souvent été fructueuses
dans le cadre des limites imparties. Mais la Communauté n’a pas réussi à coordonner les efforts des pays membres et encore moins à les rassembler dans un
ensemble cohérent ». On verra que ce sont des conclusions voisines, mais
dans un cadre bien différent, qui motivent la politique actuelle.
1.2 Trois principes durables : expérimenter avant de légiférer, faire faire,
impliquer les États membres dans la vie des programmes
L’expérience d’EURATOM joue sans conteste un rôle important dans la définition des actions ultérieures. Rétrospectivement, on peut penser qu’elle explique
les trois principes durables dont la Communauté s’est dotée pour ses interventions en matière de recherche.
Le premier tient sans aucun doute à la dynamique adoptée pour développer de nouvelles actions. L’approche retenue sera d’expérimenter avant de légiférer. L’expérimentation est en effet possible parce qu’un des articles des traités
1. Secretary general of the Commission, « Survey of the nuclear policy of the European
Communities », Supplement to the Bulletin, 9-10, 1968, p. 5 (cité par Guzzetti, 1995).
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successifs (pour le traité de Rome, c’est l’article 235) spécifie que la Commission
peut conduire toute action jugée nécessaire à la réalisation des objectifs du traité
dès lors que les pays membres le décident à l’unanimité. C’est ainsi qu’ont été
lancés les premiers programmes de recherche dès 1974, qu’a été conçu et adopté
le premier « programme-cadre », cette approche de la politique de recherche
(voir ci-après) étant ensuite inscrite dans l’acte unique (1987). Il en a été de
même pour l’évaluation des programmes, un instrument qui joue un rôle important dans la négociation entre États membres chaque fois qu’il est question de
renouveler, d’infléchir, de redéfinir le programme-cadre : expérimentée dès
la fin des années 1970, objet de nombreux débats au début des années 1980,
la pratique adoptée est institutionnalisée par le conseil des ministres en 1987.
On pourrait multiplier les exemples, jusqu’aux débats actuels sur les nouveaux
instruments de l’action commune (voir plus loin).
Le deuxième choix durable, pris dès 1974, concerne la mise en œuvre des
politiques : l’action dite indirecte qui consiste à faire faire et non à faire directement s’impose (modulo la nécessité de maintenir en vie les centres
communs, qui vont de crise en crise et vivent une succession de redéfinitions
de leur rôle pour occuper aujourd’hui une place marginale). Ce faisant, on
voit ainsi s’ouvrir un pendant récurrent des discussions communautaires sur
la recherche à propos des acteurs du faire faire (place des entreprises, acteurs
individuels versus consortia, etc.) comme des critères et des procédures de
sélection.
Le troisième choix durable est d’impliquer les pays membres dans la vie
des actions, au-delà de la seule définition tous les cinq ans de la politique
européenne de recherche (via l’adoption des différents programmes-cadres).
Cela passe par l’encadrement des entités opérationnelles du programme-cadre,
les « programmes spécifiques », par des « comités de gestion et de coordination » devenus ensuite « management committees ». Ces comités sont la source
d’une prolifération de discussions à propos de ce que nous avons qualifié de
démocratie des bureaucraties nationales, discussions d’autant plus acharnées
entre représentants nationaux qu’elles concernaient leur propre rôle ! Cet encadrement favorise également tous les travers déjà rencontrés dans EURATOM :
prégnance du « juste retour », construction de programmes « catalogue »1,
tendance à l’éparpillement des actions. Tant que les budgets croissent rapidement, ces problèmes peuvent être résolus, mais dès lors qu’on arrive à un régime
de croisière, ce qui est le cas dès le milieu des années 1990, d’autres ajustements
sont progressivement trouvés. Ils passent notamment par l’éloignement des
comités placés au niveau de quelques grandes orientations, renouvelant ainsi
la question de l’implication des pays membres dans la vie des programmes.
1. Examinant le programme Énergies Non Nucléaires, nous notions en 1989 le compromis
habituel qui conduit à privilégier une définition négative des priorités. Ainsi le programme
communautaire ne pouvait éliminer dans sa définition aucune des priorités nationales des
États membres.
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1.3 De la recherche sur les problèmes publics à l’obsession
de la compétitivité industrielle
Début 1974, grâce à l’article 235, est initiée la première politique globale de
recherche de la CEE. Elle comprend quatre priorités rassemblées sous le titre
prémonitoire d’« espace scientifique européen » : la coordination des politiques
scientifiques nationales (dont le support est la création du CREST, Comité de
la recherche scientifique et technique, qui rassemble les directeurs des administrations nationales), le soutien à l’établissement d’une fondation vue comme
le pendant européen de l’américaine NSF, la Fondation Européenne de la Science1,
la mise en place d’une étude prospective (Europe + 30) destinée à accompagner la préparation d’une politique européenne, enfin le rassemblement de
toutes les actions de R-D dans un ensemble cohérent de programmes.
La crise pétrolière précipite l’engagement communautaire avec le lancement
de programmes pour les énergies renouvelables qui accompagnent la réorientation des actions EURATOM2. La recherche d’une sécurité des approvisionnements de la Communauté qui justifie ce programme rend compte de l’approche
adoptée : il s’agit d’accompagner les politiques publiques. Il n’est, dès lors,
pas étonnant de voir que les programmes lancés à cette époque concernent les
matériaux (même logique de diversification des approvisionnements), l’environnement dont il faut se souvenir que cette période voit la création, notamment en France, de ministères spécifiques, les politiques de santé et, tentative
avortée qui pèse lourdement sur les relations que la Communauté puis
l’Union entretiennent avec les sciences sociales, les conditions de travail. Il faut
attendre Maastricht et le cinquième programme-cadre pour retrouver, certes
formulé différemment, un tel engagement de la politique européenne vis-à-vis
des problèmes publics.
L’engagement vis-à-vis du monde industriel reste limité au Bureau Commun
de Références qui initie le processus d’harmonisation européenne des normes
techniques. Cela tient notamment à l’échec cinglant d’une première tentative
1. Le Commissaire de l’époque, Ralf Dahrendorf, souligne alors que « compte tenu de la nature
particulière de la recherche de base, qui a besoin d’être soutenue et encouragée plus qu’organisée et planifiée… nous devons trouver au niveau communautaire une réponse satisfaisante aux problèmes posés par ce type de recherche » (cité par Guzzetti, 1995, p. 52),
une question toujours ouverte, voir conclusion. On ne reviendra pas dans cet article sur
la création de l’ESF en 1974 comme une organisation à but non lucratif dont les membres
sont les principales agences et organismes de recherche en Europe. Elle a joué un rôle
modeste (avec un budget d’à peine 10 millions d’écus en 1990) malgré les nombreuses
initiatives couronnées de succès (rôle pilote dans les synchrotrons, coordination de la
recherche polaire arctique, programme de formation aux neurosciences, etc.) et le rôle
grandissant des conférences européennes de recherche (financement procuré par la
Commission).
2. Deux axes sont privilégiés qui vont structurer l’action de l’Union dans le nucléaire pour
les deux décades à venir : d’une part recentrer l’activité des centres communs sur la sécurité nucléaire, d’autre part explorer le pari de la fusion, avec, dans un premier temps, la
création du premier et encore seul grand instrument communautaire de recherche,
le Tokamak JET (Joint European Torus) installé à Culham (au Royaume-Uni).
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de création d’un programme européen de recherche aéronautique1 : le conseil
a choisi explicitement de renvoyer ce thème à la coopération intergouvernementale. La crise et la montée du chômage imposent cependant progressivement une réflexion à l’échelle communautaire sur les politiques industrielles.
Celle-ci est également nourrie par l’importance grandissante des technologies
de l’information. C’est probablement l’échec répété, tout au long des années
1970, des tentatives intergouvernementales, qui a permis à la Commission de
prendre l’initiative. Fin 1981, fait sans précédent, le commissaire à l’industrie
et à la science, le vicomte Étienne Davignon, interroge les douze plus grandes
entreprises européennes du secteur sur les enjeux et les besoins de recherche.
C’est la fameuse « table ronde » dont a découlé le programme ESPRIT décidé
mi-1982. Une phase exploratoire démarre début 1983 et, devant l’écho suscité,
est transformée en un programme quadriennal (1984-1988) de 750 millions
d’écus dont le volume est doublé lors du programme suivant (1 600 millions
d’écus). ESPRIT marque ainsi un triple tournant.
Le premier tient à sa préparation : en impliquant largement les acteurs
économiques, et tout particulièrement les « champions nationaux », la
Commission acquiert une légitimité qui rend difficile la non prise en compte
de ses propositions par les pays membres. Ces consultations préalables des
« parties prenantes » deviennent une dimension incontournable de la préparation des actions (Caracostas et Muldur, 2001). Cela conduit également la
Commission à favoriser la création de structures représentatives des acteurs
de la recherche directement à l’échelle européenne (le conseil consultatif de
la recherche et du développement industriels, IRDAC, et l’assemblée européenne
de la science et de la technologie, ESTA).
Le deuxième tournant concerne la mise en œuvre des actions indirectes. Les
critères fixés dès 1983 pour la recevabilité et la sélection des projets (au moins
deux entreprises de deux pays différents, un seul responsable par projet, résultats possédés conjointement par les membres du consortium, soutien à 50 %
des coûts complets par la Commission, large participation de facto de la recherche
publique) deviennent la règle générale des « actions à coût partagé », modalité
centrale de l’intervention communautaire jusqu’au sixième PCRD.
Enfin, et surtout, ESPRIT infléchit le cours de la politique européenne de
recherche. L’acte unique ratifie cette orientation en fixant pour objectif à la
recherche communautaire de « renforcer les bases scientifiques et technologiques
de l’industrie européenne et de favoriser le développement de sa compétitivité
internationale ». L’acte unique est donc sans ambiguïté, il ne s’agit plus d’accompagner par la recherche les politiques publiques (une vocation qui sera
malgré tout réintroduite par le traité de Maastricht qui autorise les recherches
« jugées nécessaires pour la mise en œuvre des autres chapitres du traité »), mais
1. Réintroduite sur un mode mineur dans les PCRD 4 et 5, la recherche aéronautique et
spatiale constitue une des sept priorités thématiques du PCRD 6 qui démarre en 2003…
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de promouvoir des recherches à visée économique. Les programmes en faveur
de la recherche industrielle se multiplient : BRITE pour les technologies industrielles, EURAM pour les matériaux, RACE pour les technologies des télécommunications en sont les acronymes les plus connus. Progressivement également
les programmes liés aux biotechnologies gagnent en importance (BEP-BAP1,
puis BRIDGE, complété par ECLAIR et FLAIR, puis AIR pour les biotechnologies agro-alimentaires).
En même temps, il ne s’agit pas de fausser la concurrence en donnant des
avantages indus aux bénéficiaires des projets, il n’est plus question de politique
industrielle, l’arrivée de Mme Thatcher ayant fortement changé l’approche
initiale. Un double compromis, dans lequel la France socialiste du Président
Mitterrand joue un rôle central, est alors trouvé. Il renvoie les politiques
industrielles au niveau intergouvernemental et à l’initiative EUREKA (voir
ci-après) et cantonne la politique européenne à la recherche dite « précompétitive ». On est là face à un des sésames de l’action européenne : trouver la terminologie adéquate, c’est-à-dire celle qui permette aux actions de se déployer.
Le mot renvoie à une double réalité : d’une part, des travaux suffisamment
en amont des marchés et dont les résultats ne peuvent pas faire l’objet d’une
commercialisation directe ; d’autre part, des travaux tels que des entreprises
concurrentes acceptent de les mener ensemble dans des partenariats de recherche
dont le nombre va exploser (Hagedoorn, 1992). Dans les évaluations successives que nous conduisons sur l’impact des programmes européens en France,
nous montrons que ces deux dimensions se rejoignent dans ce que nous avons
qualifié de « recherche technologique de base », le danger pour les firmes n’étant
pas de partager les nouvelles options technologiques dont le nombre explose,
mais de ne pas avoir accès à celles – peu nombreuses – qui s’avèrent essentielles
pour leurs nouveaux produits (Larédo et Callon, 1990 ; Larédo, 1995a et 1995b ;
Larédo et Mustar, 1996).
Sitôt initiées, cette orientation et les actions qui lui correspondent suscitent
nombre de débats. Laissons de côté le débat récurrent sur la bureaucratie et
les lourdeurs administratives, quels que soient le pays ou l’initiative publique2.
1. Ce programme, alors très largement centré sur les recherches de base compte tenu du développement des biotechnologies, adopte dès 1985 la notion de « laboratoire européen
sans murs » (ELWW – European Laboratory Without Walls). Ces derniers sont définis
comme des associations transnationales rassemblant, pour une période donnée et en vue
de la résolution d’un problème particulier, des laboratoires publics et industriels aux
compétences complémentaires (les onze premiers comportent en moyenne neuf membres
dont trois industriels).
2. Il est frappant de voir à quel point les représentants publics nationaux s’en sont saisis
alors que les rares analyses comparatives faites montrent qu’ils voient plus facilement la
paille dans l’œil du voisin que la poutre qui encombre leur propre vision (voir en particulier Larédo, 1995a). La contradiction est forte entre les exigences de transparence
(qui induisent la mise en place de procédures très formalisées) et les récriminations liées
à la lourdeur de ces mêmes procédures…
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La première discussion récurrente concerne l’impact des programmes sur
l’innovation. Le paradoxe qui consiste à évaluer des programmes « précompétitifs », pas encore terminés, à l’aune de leurs effets économiques (même potentiels) a rarement été relevé. Mais lorsque de tels effets ont été économiquement
démontrés (évaluation de BRITE/EURAM, Ledoux et Bach, 1993), la Commission
a émis officiellement des réserves1 ! Progressivement cette question a perdu
de son acuité avec la montée en puissance du concept tout aussi vague de «société
de la connaissance », concept qui a le mérite de mettre l’accent sur la base de
connaissances et de compétences nécessaire aux entreprises. Le débat s’est alors
déplacé sur le rôle des PME dans les programmes européens, d’autant plus
que les études révélaient leur importance dans la création d’emplois. On a
rapidement montré la place significative occupée par les PME de haute technologie dans les programmes européens. Un chiffre suffit à en rendre compte :
en 1999 elles ont représenté près du quart des moyens distribués cette année-là
par le vaste programme « société de l’information », quasiment autant que
les moyens alloués aux grandes entreprises2 ! Mais quid des autres PME ?
La Commission a multiplié les initiatives : des programmes comme SPRINT
ou des procédures comme CRAFT ont essayé, de façon obligatoirement modeste,
de répondre à cette exigence politique difficilement compatible avec la mise
en place de programmes à la frontière de la connaissance.
Cet engagement dans la bataille de la compétitivité technologique, comme
sa remise en cause permanente, ne sont pas spécifiques à l’Europe. Il faut se rappeler qu’en 1984 les États-Unis adoptent un amendement majeur aux lois antitrust avec le National Co-operative Research Act qui permet aux principaux
concurrents industriels de rassembler leurs forces en matière de recherche.
Comme ESPRIT pour l’Europe, SEMATECH est le flambeau de cette nouvelle
approche coopérative. De même l’Advanced Technology Program (ATP), initié par
le Président Bush en réponse aux programmes européens, promu au rang
de priorité nationale par le candidat Clinton lors de sa première campagne
présidentielle, a eu une vie heurtée, scandée par un nombre impressionnant
d’évaluations, ne survivant que par sa capacité à soutenir les PME de haute
technologie (Bozeman et Dietz, 2001).
1. Ces résultats ont été pourtant confirmés lorsque nous avons mis en lumière le glissement
opéré entre les premier et troisième programmes-cadres. L’évaluation de 1995 sur les effets
des programmes européens en France (Larédo, 1995a) montre qu’un tiers des réseaux
à participation industrielle était constitué d’une couronne de futurs utilisateurs, de fournisseurs et de compétences scientifiques et technologiques complémentaires, cristallisée
par un industriel porteur d’un nouveau concept, une configuration quasi absente lors
de l’évaluation précédente (Larédo et Callon, 1990) et qui reprend tous les archétypes mis
en avant pour le succès des projets d’innovation.
2. Source : First monitoring report du programme Société de l’information, mars 2000.
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1.4 Une gestion pluri-annuelle inhabituelle au plan national :
le programme-cadre de recherche et développement (PCRD)
La multiplication des programmes, l’ampleur envisagée des financements
conduisent le commissaire Davignon et son directeur général en charge de la
recherche, Paolo Fasella, à proposer une approche plus compréhensive et pluriannuelle. La notion de « programme-cadre de recherche et de développement »
(PCRD, Framework Programme en anglais) en découle. Il s’agit d’un engagement
pluri-annuel (quatre ans pour les deux premiers programmes, 1984-1987 et
1987-1990, cinq ans depuis) avec pour principe une année de recouvrement
entre deux programmes de façon à assurer une continuité des interventions.
Alors que le premier PCRD mobilisait 3,7 milliards d’écus, le cinquième a représenté 15 milliards d’euros. Ces chiffres manifestent l’importance croissante
de la recherche dans la politique communautaire, mais le triplement de son
poids financier dans le budget communautaire (de 1,6 % en 1985 à 4,9 %
en 1997) ne doit pas faire oublier la place marginale de ces dépenses (à peine
5 % du budget en ce début de troisième millénaire). Quelles sont les caractéristiques de ces programmes-cadres ?
La subsidiarité comme positionnement dans l’espace européen
Première caractéritique, ils sont construits autour de quelques grands objectifs.
Comment les sélectionner ? Telle a été immédiatement la question centrale.
Le concept qui s’impose rapidement (dès 1985) est celui de « subsidiarité ».
De nombreuses définitions en ont été données recourant à la taille critique
des investissements à effectuer (la fusion en est une illustration type), se centrant sur les aspects transnationaux qui ne peuvent pas être traités de façon satisfaisante par un État membre (comme la normalisation), ou encore considérant
des actions dont le traitement au niveau communautaire entraîne des bénéfices
clairs (comme le développement des éoliennes de grande capacité – un programme du début des années 1990 – qui a joué un rôle clé dans la croissance
actuelle du marché de l’énergie éolienne). Après la précompétitivité, un second
terme permet de positionner l’action communautaire dans l’espace européen.
La richesse du terme tient toute entière dans son ambiguïté et les ajustements
qu’elle permet. On a longtemps considéré, lorsqu’on analysait les positions
prises, que la subsidiarité se définissait négativement : on ne fait à Bruxelles que
ce que les pays membres ne font pas ou ne veulent plus faire (par exemple les
énergies renouvelables quand le prix du pétrole s’est effondré au milieu des
années 1980). Mais cela permettait aussi de concevoir Bruxelles, dans une
période de difficultés budgétaires, comme un moyen d’accompagner et d’accroître les politiques nationales, ce fut clairement l’option d’Hubert Curien
lors de son deuxième passage au ministère de la Recherche (1988-1993).
Ainsi pouvait progressivement émerger une autre vision positive de la subsidiarité : localiser les actions au niveau spatial (régional, national, européen, voire
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mondial pour les recherches sur le climat) le plus pertinent pour l’intervention
publique. Il est alors logique de voir les programmes européens devenir les
acteurs centraux de l’intervention publique pour les questions qui se jouent
à l’échelle mondiale, là où les firmes ont largement perdu leur ancrage national pour se situer directement au niveau européen. Les technologies de l’information et de la communication en sont un exemple frappant qui voient la
quasi-disparition des programmes nationaux sur la période.
L’adoption : un processus délicat
La pluri-annualité a pour avantage d’assurer une continuité dans l’action, dimension importante dès lors qu’on gère des actions tournées vers le futur, mais également discutée pour l’absence de flexibilité qu’elle entraîne. Cette absence tient
moins à la durée des programmes-cadres qu’à la lourdeur des procédures permettant leur mise en œuvre. Il faut l’unanimité des membres du Conseil
(l’exécutif de l’Union) jusqu’au traité de Maastricht qui la remplace par la majorité qualifiée. Il faut également l’accord du parlement européen, le traité
de Maastricht remplaçant une pratique de fait par une obligation légale
(la co-décision). Dans le fonctionnement communautaire, les propositions sont
de la seule responsabilité de la Commission. Cette dernière dispose elle-même
d’un exécutif (le président et les commissaires, sortes de ministres) et de services (organisés en directions générales qui ressemblent à des ministères). C’est
donc la Commission qui établit les projets de programmes-cadres. L’adoption
du cinquième programme-cadre illustre la durée requise1 : dès lors qu’on veut
largement consulter, il faut environ une année pour la formalisation d’une
proposition initiale. Les allers retours entre les États membres, les deux tours
de consultation du parlement pour permettre les ajustements nécessaires
réclament de fait une deuxième année. Et quand, à ce terme, les positions
n’arrivent pas à se rejoindre, la procédure de co-décision force à la conciliation.
Le cinquième programme-cadre a montré la pertinence de ce mécanisme,
mais il a également souligné que cela entraînait une dérive temporelle supplémentaire (dans ce cas plus de six mois). Entre la première proposition de la
Commission en avril 1996 et le premier appel d’offre produit en avril 1999,
il s’est écoulé trois ans. Plus que tout autre élément, ce délai justifie de limiter
le programme-cadre aux orientations générales et aux principes de mise en
œuvre, laissant à la Commission la responsabilité entière de la mise en œuvre
effective.
Une inflexion très progressive des priorités
Troisième caractéristique, ces grands objectifs ou axes sont mis en œuvre
à travers des structures opérationnelles dont certaines peuvent participer à plusieurs objectifs. Pour les quatre premiers programmes-cadres, jusqu’en 1998
1. Voir Caracostas et Muldur (2001, pp. 193-194) pour une description détaillée.
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donc, il s’agissait de « programmes spécifiques », chacun disposant d’un comité
de gestion composé de deux représentants de chaque pays membre. Le quatrième programme-cadre (1994-1998) comprend ainsi sept objectifs thématiques déclinés en quinze programmes spécifiques de taille très inégale (près
de 2 milliards d’écus pour le programme de technologies de l’information,
successeur d’ESPRIT, les sigles ne sont plus à la mode ! contre moins de 150 millions d’écus pour l’ensemble des recherches socio-économiques dites ciblées).
Le suivi de ces programmes spécifiques montre à la fois une continuité
beaucoup plus grande que ne le laissent présager les grandes orientations et,
au fil du temps, des inflexions fortes. Soulignons-en quatre principales1.
La première concerne la marginalisation progressive des préoccupations
énergétiques qui, toutes énergies confondues, reviennent des deux tiers à moins
du sixième des moyens. Le transfert est d’autant plus important qu’il s’accompagne d’un redéploiement vers les énergies renouvelables (notamment l’énergie éolienne).
La montée des préoccupations industrielles constitue la deuxième inflexion.
Elle est concentrée sur la période 1984-1994. Les programmes à visée technologique comme ESPRIT, RACE, BRITE ou EURAM déjà mentionnés représentent alors plus de 60 % des engagements des deuxième et troisième
programmes-cadres. Les programmes suivants marquent un infléchissement
progressif en se contentant de maintenir les investissements en volume. L’inflexion
est encore plus manifeste du fait des réorientations internes aux programmes
(voir ci-dessous).
La troisième évolution concerne la place grandissante prise par les problèmes
d’environnement (une multiplication par quatre en termes constants) et plus
encore par les sciences de la vie, même si les programmes liés à la recherche
médicale, à la santé publique et à la sécurité des aliments restent d’un montant modeste (près d’un sixième des engagements du cinquième PCRD).
Enfin, quatrième point, on ne peut qu’être frappé par la faible place accordée à la construction du tissu européen de la recherche publique : malgré la
place qu’elles occupent dans la rhétorique de présentation des programmescadres, les actions ayant trait aux réseaux de recherche académique, à la mobilité et à la formation représentent toujours moins du dizième des interventions
européennes.
La mise en œuvre des programmes : des programmes spécifiques
aux actions clés
Quatrième caractéristique, le PCRD se distingue des politiques nationales par
la très grande uniformité de ses modalités d’intervention. Tout passe par appels
d’offre thématiques : pas de soutien structurel à des réseaux qui auraient fait
leur preuve comme en France avec les «unités mixtes» du CNRS ou de l’INSERM,
1. Voir Caracostas et Muldur (2001, pp. 180-182) pour une analyse plus complète.
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pas de procédures de soutien sur critères comme le fait par exemple l’ANVAR,
pas d’appels d’offre ouverts pour favoriser le renouvellement disciplinaire ou
l’exploration de voies hétérodoxes. Un programme spécifique se décline en
« programmes de travail » qui définissent axe par axe les thématiques à aborder. Qui plus est, la façon de les aborder est limitée à trois formes principales :
les projets à coûts partagés, les démonstrations et les réseaux thématiques. Les
premiers sont des projets de R-D qui correspondent aux thématiques fixées et
sont soutenus à 50 % par la Commission. Les démonstrations correspondent
théoriquement à de premières réalisations expérimentales impliquant les utilisateurs futurs, elles donnent à voir la pertinence des choix opérés qu’elles
permettent de tester. Elles sont particulièrement importantes dès lors que les
problèmes technologiques sont encore rudes (comme ce fut le cas pour l’énergie éolienne) ou quand les questions technico-organisationnelles jouent un rôle
important (comme pour les applications de la télématique aux services publics,
par exemple pour la télémédecine ou bien la régulation du trafic sur les périphériques urbains). Elles sont soutenues par la Commission à hauteur de
35 % de leur montant total. Enfin les réseaux thématiques visent à permettre
aux acteurs de la recherche de faire le point sur une question particulière
et d’échanger. Ils ne soutiennent que ces mises en commun et pas la recherche
qui les accompagne.
Ces éléments sont maintenant stabilisés depuis la fin des années 1980,
même si la terminologie a évolué au cours du temps. Le cinquième programmecadre a cependant introduit une rupture importante qui a porté sur la notion
de projet et son encadrement structurel. Les programmes spécifiques ont été
remplacés par de grands programmes rassemblant chacun trois types d’activités. Le cœur est composé par les « actions clés » (23 pour les quatre programmes, selon les programmes elles représentent de 77 à 95 % des financements
totaux). Ces actions clés sont complétées par des recherches génériques et
par des activités destinées à soutenir l’accès aux infrastructures de recherche
(ces dernières restant du ressort des États membres et de la coopération intergouvernementale, voir section suivante).
Une action clé, selon Caracostas et Muldur (2001), est organisée autour d’un
« problème ». Elle ne vise plus à satisfaire une communauté scientifique ou technique, mais à la mobiliser autour d’une question de société. Elle se veut systémique, rassemblant l’ensemble des compétences nécessaires, de différentes
disciplines, publiques et privées, impliquant les acteurs concernés (et notamment, quand c’est pertinent, les services publics concernés, villes, hôpitaux,
gestionnaires du trafic, etc. voire les opérateurs futurs envisagés, publics ou privés). Elle ne vise pas un type de recherche particulier mais la résolution du problème, allant jusqu’aux démonstrations destinées à convaincre de la pertinence
de la solution proposée. La coopération entre intervenants publics concernés
par ces problèmes (autres initiatives européennes comme EUREKA, programmes
nationaux voire politiques régionales) est considérée comme une dimension
V ERS UN ESPACE EUROPÉEN DE LA RECHERCHE ET DE L’ INNOVATION
importante de l’action que cette dernière peut plus facilement aborder grâce
au « conseil consultatif » dont elle est dotée et dont les membres sont nommés
à titre individuel en fonction de leurs compétences ou des acteurs qu’ils représentent (il n’y a plus de représentation nationale).
L’exemple de la télématique médicale (Larédo, 2000) montre qu’une telle
approche conduit à des projets différents, qui sont loin des opérations classiques
de recherche et développement industriel, malgré tout encore très présentes
dans le cinquième PCRD ainsi que le manifestent des actions clés comme la
Cell factory, New methods of work and electronic commerce ou New perspectives
in aeronautics. Les applications soutenues quittent la sphère classique de l’innovation industrielle pour se centrer sur les innovations de service, notamment
de services collectifs. Que cela participe, et c’est souhaitable, à la création
d’acteurs économiques compétitifs n’est qu’un moyen au service d’une fin, dont
la raison d’être tient dans les problèmes sociétaux qu’ils résolvent. Caracostas
et Muldur (2001) soulignent l’importance du rééquilibrage ainsi conduit au
sein du PCRD. C’est dans un cadre plus global, qui tient compte à la fois de la
performance économique et de la pertinence sociétale, que se joue aujourd’hui la définition d’une politique européenne de la recherche et de l’innovation. Mais, avant d’aborder les évolutions en cours, il convient de mieux
positionner l’intervention communautaire dans l’ensemble foisonnant des
constructions intergouvernementales.
2 LE FOISONNEMENT DES INITIATIVES INTERGOUVERNEMENTALES
L’Europe rime aujourd’hui avec des sigles comme CERN ou ESA, des noms
comme AIRBUS, ARIANE ou EUREKA. Leur liste est longue et le risque inévitable d’en oublier. Au-delà de leur multiplicité, ils manifestent l’importance
de l’engagement européen dans la recherche et l’innovation, dépassant les seules
frontières institutionnelles de l’Union. Il n’est pas possible, dans le cadre de ce
chapitre, d’en rendre compte. Tout au plus peut-on esquisser quelques-unes
des lignes de force qui se dégagent de cet enchevêtrement de structures, d’engagements conjoints et, in fine, d’actions partagées. Je le ferai autour de trois
points : le partage des très grands équipements de recherche, l’Europe de
l’espace, les ambitions industrielles européennes.
2.1 Les grands instruments de la science
Tandis qu’émergent et se négocient le traité sur le charbon et l’acier et le traité
de Rome, sont prises des initiatives qui conduisent à la création dès 1953 du
CERN, Conseil européen de la recherche nucléaire. Cette création résulte selon
D. Pestre et J. Krige (1997) d’une dynamique bottom up. Relisant l’histoire du
CERN, ils soulignent l’importance dans l’émergence du CERN d’un groupe de
scientifiques porteurs d’un projet rassembleur, chacun disposant dans son propre
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P HILIPPE L ARÉDO
pays d’une reconnaissance à même d’entraîner des décisions politiques. Les
mêmes arguments sont avancés par d’autres auteurs pour la création de l’ESO,
l’Observatoire astronomique européen installé au Chili, de même que pour la
source de neutrons de l’Institut Lau Langevin1. Selon ces différents auteurs, le
processus qui conduit à leur création est voisin : les scientifiques ont été poussés par l’existence préalable de tels équipements aux États-Unis, instruments
qui transformaient la manière de faire de la recherche. Les organisations internationales existantes ont joué un rôle actif dans cette émergence (l’Unesco pour
le CERN, l’OCDE pour l’ILL, l’ESF pour l’ESRF). Dans le cas de l’ESO, la fondation Ford, en apportant une partie des financements initiaux, joue un rôle
déclencheur. Hormis pour le premier d’entre eux, le CERN, il faut en moyenne
une décennie entre le moment où les premières propositions scientifiques
sont faites et la signature de l’accord intergouvernemental. Pour la plupart,
le CERN a joué un rôle clé en abritant des projets (ESO) ou des équipes techniques préparatoires (ESRF).
Il est frappant de voir que la durée de construction de l’instrument est généralement deux fois moins longue que celle des discussions préparatoires,
environ cinq ans dans la plupart des cas. En même temps, selon Y. Petroff, alors
directeur de l’ESRC, le principal avantage de ces constructions intergouvernementales est d’offrir une continuité suffisante pour permettre une programmation longue, au-delà de l’investissement initial (Krige et Guzzetti, 1997).
En effet, des générations de machines se succèdent au CERN : le LEP succède
aux premiers accélérateurs et il est lui-même en cours de remplacement par le
LHC. De même, la première génération de télescopes de l’ESO est complétée
par le VLT, very large telescope, dans les années 1990. Dans d’autres cas, comme
l’ESRC, cela a permis une amélioration permanente de l’instrumentation.
Deux modèles organisationnels différents coexistent pour construire et gérer
ces équipements. Avec le CERN s’est mis en place un premier modèle. Le grand
instrument correspond à une organisation internationale, directement contrôlée par les gouvernements (au CERN, la représentation française est le fait du
ministère des Affaires étrangères), et qui a son propre personnel (ce dernier
bénéficiant de l’immunité et des privilèges diplomatiques). Au contraire, l’ILL
puis l’ESRF, situées à Grenoble, sont des sociétés civiles à but non lucratif,
soumises aux règles classiques des entreprises privées.
Le laboratoire européen de biologie moléculaire (EMBL) ne correspond
pas à la même philosophie de construction d’un grand instrument disciplinaire.
Mais il visait le même effet : donner à une science émergente, la biologie moléculaire, un pôle actif et attractif qui permette de cristalliser son développement.
Cette absence de « machine » explique, sans doute, le temps mis pour transcrire
1. Voir l’ouvrage de référence édité par J. Krige et L. Guzzetti en 1997 sur l’histoire des coopérations scientifiques et technologiques en Europe.
V ERS UN ESPACE EUROPÉEN DE LA RECHERCHE ET DE L’ INNOVATION
Encadré 1
Aperçu sur les grands instruments européens
– Le CERN, conseil européen de la recherche nucléaire, est créé en 1954 par douze
pays et installé à Genève. Il compte en 2000 dix-neuf pays membres (les membres
de l’Union plus la Suisse, la Norvège et plusieurs pays en voie d’accession). Il dispose de très grands accélérateurs. Le dernier en date, le LEP, Large Electron Positron
ring, a été fermé fin 2000 pour permettre la construction du LHC, Large Hadron
Collider, dont le coût est estimé (détecteurs inclus) à près de 4 milliards de francs
suisses. Ce dernier sera unique et mondial avec la participation des États-Unis et du
Japon. En 1999, le budget du CERN avoisinait le milliard de francs suisses, il employait
en propre plus de 2 000 personnes et rassemblait autour de ses expériences une
communauté de près de 7 000 scientifiques.
– L’ESO a été créé en 1962 par cinq pays, ultérieurement rejoint par quatre autres
(la Grande-Bretagne qui a choisi une association avec l’Australie est en voie d’adhésion). Son siège est à Garching (Allemagne). La première série de télescopes est opérationnelle depuis 1975 (site de la Silla au Chili). Le VLT, constitué de quatre télescopes
de huit mètres de diamètre, est situé à 500 km sur le mont Paranal. Sa construction a été décidée en 1987 pour un coût supérieur à un milliard de DM. Il est opérationnel depuis 2000.
– L’ILL, Institut Lau Langevin, a été créé en 1967, après huit années de préparation.
Il déroge au schéma international en étant une société civile française dont les actionnaires sont des institutions publiques françaises (CNRS et CEA), allemande (KfK)
et anglaise (SRC). Six autres pays européens (dont la Russie) se sont depuis associés.
Le réacteur à neutrons a été mis en service en 1972.
– L’ESRF, European Synchrotron Radiation Facility, est la dernière grande installation
créée. Ses origines remontent à 1976, mais la décision de son lancement, rassemblant douze pays, ne sera prise que fin 1988. Le synchrotron est opérationnel depuis
1993.
– Rappelons également le JET (Joint European Torus), plus grand Tokamak du monde,
pour les recherches sur la fusion. Préparé depuis 1971, décidé en 1978, mis en
service en 1983, il est le seul grand équipement dépendant directement de la
Commission européenne (même si sa structure institutionnelle ressemble à celle du
CERN). Il est intéressant de noter que, depuis 2000, il est utilisé dans le cadre d’un
nouvel accord, l’European Fusion Development Agreement (EFDA) qui a également
la charge de la participation européenne à l’éventuelle machine ITER (International
Thermonuclear Experimental Reactor).
– Parmi les autres projets, on peut mentionner VIRGO (installation franco-italienne)
pour la physique gravitationnelle (mise en service prévue : 2003), l’IRAM (institution de radioastronomie millimétrique, tripartite – France, Allemagne et Espagne)
et la soufflerie transsonique européenne (ETW). Il faut également souligner l’incapacité d’aboutir dans d’autres domaines, notamment pour ce qui concerne les
grands navires océanographiques.
dans les faits une idée émise dès 1962 par les prix Nobel Watson et Kendrew.
L’EMBL n’est créé qu’en 1974 et ses bâtiments sont inaugurés en 1978. Il est
localisé à Heidelberg, avec deux stations auprès du synchrotron allemand (DESY
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P HILIPPE L ARÉDO
à Hambourg) et des machines grenobloises de l’ILL et de l’ESRC. Malgré
le succès de sa data library1, il reste un acteur secondaire de l’explosion
vécue (800 personnes), mettant en exergue les limites d’une approche de
l’européanisation de la recherche par la construction d’organismes européens
de recherche.
2.2 L’Europe de l’espace
L’espace est sans conteste la première grande aventure européenne, ne serait-ce
que par l’ampleur des financements qui sont aujourd’hui voisins de ceux
du PCRD.
Un démarrage difficile ou comment concevoir une agence stratège
et intégratrice
D’une initiative à l’autre, la continuité est grande : ce sont en bonne part les
mêmes hommes qui jouèrent un rôle pionnier pour le CERN et dix ans après
recommencèrent, selon le même modèle, pour l’espace, en s’appuyant cette
fois-ci sur le conseil international des unions scientifiques (ICSU). Tout aussi
symboliquement, c’est au CERN que se tient la première réunion intergouvernementale, fin 1960. La convention créant l’ESRO (European Space Research
Organisation) est signée dans la foulée (1962) par dix pays européens. Le financement de l’organisation se faisait au prorata du PNB de chacun des pays.
En parallèle, sept pays signent en 1962 une autre convention pour le développement de la fusée Europa. L’ELDO, European Launcher Development
Organisation, est financée sur une base ad hoc : le Royaume-Uni pour 39 %,
la France 24 %, l’Allemagne 22 %, l’Italie 10 %, la Belgique et les Pays-Bas apportant le solde et l’Australie fournissant la base de lancement de Woomera14.
Entre ces démarrages foudroyants (les deux organisations sont opérationnelles dès 1964) et la mise en place de l’Agence spatiale européenne (ESA)
en 1975, il faut, là encore, une bonne décennie. Plusieurs raisons se cumulent
pour expliquer ce démarrage difficile.
Les bases sur lesquelles sont créées ces deux organisations se trouvent
rapidement dépassées par les développements que vit l’espace avec la possibilité de satellites géostationnaires de télécommunications. Or, l’ESRO n’avait pas
prévu de travaux sur des satellites d’application et Europa n’était pas assez puissante pour lancer des satellites en orbite géostationnaire. Dès lors qu’on n’a plus
affaire à un équipement, mais à l’organisation de l’effort dans un domaine
en pleine émergence, il faut se doter d’une capacité d’anticipation et d’une
stratégie. Comment faire ? Dès 1966, une conférence européenne de l’espace
1. Elle est maintenant autonomisée dans l’European Bioinformatics Institute localisé près
de Cambridge.
2. Les paragraphes qui suivent doivent beaucoup aux travaux de Krige, Russo et Sebesta ;
voir la présentation dans Krige et Guzzetti (1997).
V ERS UN ESPACE EUROPÉEN DE LA RECHERCHE ET DE L’ INNOVATION
est mise en place. Fin 1967, elle produit un rapport (dit rapport Causse,
du nom du président du groupe de travail) qui trace les grandes lignes de
ce que sera la stratégie de l’ESA… dix ans plus tard ! Fin 1968, le principe
de la fusion des deux agences est acquis.
Deuxième raison, les résultats techniques ne suivent pas. On a effectué un
partage national pour le développement du lanceur. Chaque étage de la fusée
est sous la responsabilité d’un pays : le Royaume-Uni pour le premier (déjà développé dans les années 1950), la France pour le deuxième, l’Allemagne pour le
troisième. Or, ces deux derniers, à tour de rôle, ont échoué : aucun lancement
de la fusée Europa 1 n’a abouti. Comme toujours, l’échec ravive les discussions sur la raison d’être d’un tel engagement. Les Anglais se retirent face
à l’absence de perspective de marché, les Français et les Allemands mettent
en avant l’autonomie de l’Europe et le besoin d’une maîtrise technologique et
industrielle de long terme. Ils s’engagent donc seuls, avec la Belgique et les
Pays-Bas, pour mener à bien Europa 2, dont le premier lancement fin 1971 de
Kourou (en Guyane) échoue également. Cela conduit, au terme d’une controverse franco-allemande sur la capacité de l’Europe à maîtriser ces technologies, à un arrêt total du programme début 1973 (la fusée en cours de convoyage
vers Kourou étant même rapatriée en Europe).
La troisième raison est liée au paysage mondial de l’espace. Après le succès
américain sur la Lune, la NASA propose au monde occidental un programme
post-Appolo basé sur une station spatiale, un véhicule de lancement réutilisable, la navette, et un système automatique de transport de la station vers
l’espace plus lointain, un programme qui ressemble fort à celui actuellement en
développement trente ans plus tard ! L’Europe doit-elle abandonner son programme de lanceurs ? Quel rôle doit-elle jouer dans un programme « mondial » ?
La crise culmine en 1970 avec la dénonciation du traité par la France.
Finalement les cartes se rebattent, moins autour d’un programme unique
que d’un compromis qui reconnaît le fait que chacun seul ne peut conduire
à terme un projet complet. La France qui avait annoncé son ambition de continuer un projet de lanceur à trois étages, Ariane, l’Allemagne qui avait réorienté
son effort spatial vers le développement d’un laboratoire spatial emporté
par la navette, Spacelab, et la Grande-Bretagne, focalisée sur un satellite de
communication maritime, Marots (devenu ensuite Marecs et lancé en 1981),
trouvent leur compte dans une agence spatiale constituée autour d’un programme scientifique obligatoire (financé au prorata du PNB des pays membres)
que personne ne remet en cause, compte tenu des succès de l’ESRO après 1968,
et de programmes complémentaires à la carte. L’Agence spatiale européenne
(ESA) est créée en 1975.
L’ESA en 2000
Vingt-cinq ans plus tard, l’ESA se décrit comme ayant trois missions : garantir
un accès autonome à l’espace, bâtir un programme scientifique de haut niveau,
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P HILIPPE L ARÉDO
créer une capacité à développer des satellites d’applications1. La conférence
de Toulouse (1995) complète ces missions en spécifiant deux autres rôles à
l’ESA : faire de l’Europe un partenaire à part entière dans les grands projets mondiaux d’exploration de l’espace, et, parallèlement aux finalités du programmecadre, accroître la compétitivité mondiale de l’industrie spatiale européenne.
L’ESA compte actuellement quatorze pays membres. Son budget s’est élevé
en 2000 à 2,7 milliards d’euros, soit à peine moins que les dépenses du PCRD
cette même année. 20 % de ce total est apporté par des partenaires externes
aux pays membres (notamment les autres agences intergouvernementales opératrices de services spatiaux, voir ci-après). L’apport des pays s’élève donc
à quelque 2,2 milliards d’euros. Il se compose d’une partie obligatoire, faite de
dotations nationales calculées en fonction du PIB, et qui couvre le financement des activités de base et du programme scientifique (moins de 20 % du
budget total en 2000). Toutes les autres activités sont dites facultatives : seuls
les pays volontaires s’engagent, mais cet engagement une fois pris n’est pas
révisable 2. Les principaux pays financeurs nets sont la France (29 %), l’Allemagne
(26 %) et l’Italie (14 %), l’engagement du Royaume-Uni étant limité à 7 %,
à peine plus que la Belgique (5 %) ou l’Espagne (4 %).
Le mode opératoire est celui de l’agence, c’est-à-dire du faire faire. Ce faire
faire se déploie à un double niveau, l’ESA se limitant à la maîtrise d’ouvrage et
confiant aux agences nationales (par le biais desquelles transitent les financements nationaux) l’essentiel de la maîtrise d’œuvre de projets en grande partie
réalisés par les industriels européens de l’espace. Ce va-et-vient des flux financiers entre l’agence européenne et les agences nationales (CNES en France) rend
difficile la compréhension des flux financiers qui entourent le programme
spatial et a fait l’objet de critiques répétées des différentes évaluations faites
(notamment celles de l’office parlementaire français).
Des succès scientifiques…
On peut difficilement expliquer la place prise par l’ESA sans parler de ses succès scientifiques et industriels. Scientifiques, car les succès de Giotto (rencontre
avec la comète Halley), d’Hipparcos (mesures astronomiques), d’Ulysse, de Soho
et autres Cluster balisent la place grandissante de l’Europe dans l’astrophysique
spatiale et dans l’exploration du système solaire. Ces missions se sont toutes
déroulées dans le cadre du programme de recherche obligatoire (13 % du
1. Source : présentation par son directeur général, A. Rodota, à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Paris, 15 novembre 2000).
2. Face à l’évolution des concepts (micro-satellites) et des partenariats, l’agence a développé deux concepts complémentaires de financement : les « programmes enveloppes »
qui permettent de programmer une série d’opérations sur un même domaine (exemple :
le programme horizons), le financement mixte qui permet d’associer d’autres financeurs
que les seuls États membres (par exemple l’Union européenne) et de futurs opérateurs
privés d’une infrastructure considérée comme publique (exemple : le système de navigation GALILEO).
V ERS UN ESPACE EUROPÉEN DE LA RECHERCHE ET DE L’ INNOVATION
budget en 2000). Elles ont été complétées par les programmes d’observation
de la Terre qui ont pris une importance grandissante au fil des décennies
(18 % du budget en 2000). Très liés à la météorologie, ils ont vu leur rôle
d’observation s’élargir (notamment avec la mise en orbite de la plateforme ENVISAT). Le développement de Spacelab s’est accompagné d’un important programme de recherche sur la microgravité (3 % du budget en 2000), programme
de longue haleine qui se poursuit dans le cadre de la contribution européenne
à l’ISS, le module Columbus (18 % du budget de l’année 2000 est consacré
aux vols habités).
… et industriels
Les succès industriels sont à la fois ceux d’Arianespace et des nouveaux services
publics de télécommunications et de météorologie. L’ESA a en effet joué un rôle
central dans le développement et la mise en œuvre de services publics qui ont
ensuite été repris par de nouvelles organisations intergouvernementales à vocation opérationnelle.
Après Early Bird qui, dès 1965, établit les premières communications transatlantiques, Intelsat inaugure en 1969 le premier service commercial mondial
dont le premier succès est sans conteste la retransmission des images du premier homme sur la Lune. L’Europe ne peut pas rester à l’écart de cette nouvelle frontière industrielle. Mais, malgré une volonté politique partagée, il faudra
beaucoup de temps aux différentes entreprises nationales de postes et télécommunications, rassemblées dans la conférence européenne des PTT (CEPT),
pour se mettre d’accord avec l’ESA sur un satellite de démonstration (OTS) puis
pour s’entendre sur la création d’une agence opérationnelle (EUTELSAT créée
en 1979) avant de voir une première série de satellites ECS mis en orbite
à partir de 1983. Fin 2000, EUTELSAT gérait une flotte de dix-huit satellites
avec un chiffre d’affaires de 470 millions d’euros. Des discussions sont en cours
pour sa privatisation. L’engagement central de l’ESA concerne maintenant
l’autonomie de l’Europe dans le secteur jugé stratégique du positionnement
par satellite, avec le projet GALILEO.
Côté météorologie, l’ESA a été le promoteur des premiers satellites Meteosat
(le premier a été lancé en 1977). L’agence a ainsi démontré la validité des
services associés. Cela a conduit à la création d’un opérateur public intergouvernemental, EUMETSAT (dix-sept États européens), qui assure ces services
et est progressivement devenu le donneur d’ordre des satellites Meteosat suivants et de la nouvelle génération de satellites. L’ESA agit alors comme maître
d’œuvre pour le développement et la réalisation des satellites.
Malgré tout, l’image de la réussite européenne est avant tout celle d’Ariane.
On a vu les débuts difficiles de l’Europe des lanceurs, les échecs répétés des
fusées EUROPA. Comment un tel renversement s’est-il produit ? Comment
l’année de l’arrêt du programme EUROPA a-t-elle pu coïncider avec celle du
lancement du programme Ariane ? Les auteurs Chadeau (1995 et 1997) et Inden
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(1997) insistent sur deux aspects. D’une part, le refus américain de lancer en 1972
le satellite franco-allemand Symphonie met en exergue les risques de dépendance de l’Europe vis-à-vis des États-Unis. D’autre part, grâce au programme
Diamant, le CNES a acquis des compétences d’assembleur et su rassembler les
industriels1. La France finançant le programme à hauteur de 60 % avait obtenu
que le CNES en assure la conduite. Chadeau voit également dans la composition de l’équipe de programme Ariane un autre facteur du succès : la première
fusée Ariane est lancée comme prévu fin 1979. Arianespace, créée en 1979
comme société française de droit européen, répond au besoin reconnu d’une
organisation industrielle et commerciale si le pari était fait de développer une
famille de lanceurs2. Les réussites ultérieures sont connues : la première place
mondiale occupée depuis une décennie dans les lancements de charges civiles.
Chadeau cite deux dates clés dans cette montée en puissance : en 1984,
le neuvième lancement met en orbite un satellite américain, en 1988, la première Ariane 4 est lancée et Arianespace commande cinquante lanceurs d’un
seul coup contre un engagement de réduction des coûts par les industriels
de 20 %. Perraud (1997) estime les investissements publics cumulés dans Ariane
à 25 milliards de francs 1994 (1973-1994) alors que les cent quatre lancements
effectués ont rapporté 75 milliards (toujours en francs 1994). Cela réclamait
qu’en parallèle des activités industrielles, l’ESA prenne en charge les recherches
et le développement de nouvelles générations. Le budget 2000, avec près du
cinquième des moyens consacrés aux lanceurs, garde la marque de cet engagement durable.
Ces développements soulignent à quel point on peut encore parler de « grand
programme » au sens colbertien du terme (Larédo et Mustar, 2001) mais au
niveau européen, avec un pilote public clairement établi (l’ESA), un engagement de recherche de long terme, un appui fort sur des opérateurs européens
(que le programme a participé à faire naître), des champions industriels en
nombre réduit qui occupent tous, au bout de quelques années, des positions
mondiales enviées. Ce qui le distingue des autres programmes, c’est l’implication encore très forte des pouvoirs publics (qui représente quasiment l’équivalent du PCRD). Les autres grands programmes sont tous marqués par une
autre dynamique, celle du désengagement fort des interventions publiques et
un recentrage de ces dernières (même dans le cadre des initiatives intergouvernementales) sur les PME.
1. Cela concerne la propulsion avec la SEP (créée en 1969 en reprenant les activités antérieures de la SEPR), la motorisation avec SNECMA (à laquelle sont intégrés les laboratoires
de recherche balistique de la DGA et qui a activement participé à la motorisation de la force
de frappe nucléaire française), la division des lanceurs de l’aérospatiale (qui a intégré
la SEREB, entreprise qui a conçu les fusées Diamant) et l’Air liquide pour les développements cryogéniques.
2. Les participations nationales reflètent le poids respectif des différents pays (douze pays
membres en 1995). Leur composition est relativement complexe. Ainsi, lors de la création, la part de la France (59 % et encore 55 % en 1995) était pour deux tiers le fait des
industriels du secteur et pour un tiers du CNES lui-même.
V ERS UN ESPACE EUROPÉEN DE LA RECHERCHE ET DE L’ INNOVATION
2.3 La tentation des industries de pointe
Le programme-cadre, on l’a vu, a été progressivement positionné par une
succession de décisions intergouvernementales contradictoires. D’un côté,
l’échec des alliances dans les technologies de l’information précipite l’engagement européen et la naissance d’ESPRIT. De l’autre, le refus d’intégrer la recherche
aéronautique à la fin des années 1970 en fait la plus grande aventure industrielle intergouvernementale. De manière similaire, du compromis entre une
France industrialiste et un Royaume-Uni libéral, découlent le repositionnement
« pré-compétitif » du programme-cadre et la naissance de l’initiative intergouvernementale EUREKA.
L’aéronautique civile : de Concorde à Airbus
Il n’est pas besoin de s’étendre longuement sur ces deux projets. Concorde
est vécu comme une aventure technologique unique franco-britannique qui
magnifie les forces et les faiblesses européennes : une véritable capacité technologique appuyée sur des décisions politiques qui obèrent tout ajustement fin
avec les besoins. Airbus représente la face inverse : une véritable entreprise commerciale très liée aux besoins et aux clients, qui a su progressivement développer, à partir de l’A300, une famille d’appareils qui, avec l’A380, couvre
l’ensemble du marché de l’aviation civile commerciale. Les chiffres sont là pour
l’attester : Airbus est, depuis une décennie, le numéro deux mondial (qui
aurait pu imaginer cela en 1973, quand les premiers appareils ont été mis
sur le marché ?). Ces images d’Épinal sont bien sûr des caricatures, mais elles
demeurent utiles pour souligner deux traits majeurs caractérisant un changement d’approche dans les politiques publiques qui va progressivement
se généraliser.
Le premier a trait à la responsabilité industrielle. Comme plus tard pour
Arianespace, dès lors que les besoins d’un marché directement vécu comme
international l’emportent, on ne saurait demander à des structures publiques
de recherche le soin d’y répondre. AIRBUS est un GIE entre entreprises industrielles (même si la plupart sont à l’époque nationalisées). Le GIE s’impose dès
le début comme le partenaire unique de tous les clients potentiels, de la définition des besoins au « service après-vente ». Dans le montage effectué, ce
n’est pas encore un industriel à part entière, la production relevant d’un accord
de partenariat entre ses membres. On a beaucoup discuté des effets de ce
partage, notamment sur l’implantation des unités de production ou sur l’évolution des coûts (Shearman, 1997). Ces questions sont aujourd’hui résolues,
même si la transition a été délicate, par la fusion de ses principaux actionnaires dans EADS et par la transformation en 2001 d’Airbus en véritable société
industrielle.
Le deuxième trait concerne le financement public. Les choix ont été différents d’un pays à l’autre, puisque ce sont les entreprises participantes qui sont
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soutenues dans leur effort de développement de nouveaux appareils. La France
a par exemple accordé des avances remboursables sur les unités effectivement
vendues. Compte tenu du succès, on considère que l’engagement public est,
in fine, probablement très limité, si ce n’est négatif, mais cela reste difficile
à calculer vu les données budgétaires disponibles 1. En tout état de cause, l’engagement public a fortement diminué en valeur absolue sur la période et,
hors remboursements, s’élevait en 2001 à 240 millions d’euros. Les débats internationaux ont été importants au début des années 1990, lors des dernières négociations du GATT (tant sur les soutiens publics directs que sur les soutiens
indirects par le biais de garanties de taux de change). Pour autant, rien ne s’est
passé et ces questions ne sont plus à l’agenda de l’OMC alors que la part d’AIRBUS
sur le marché mondial s’est encore accrue…
EUREKA, comme illustration de la rédéfinition des politiques industrielles
1985 marque la naissance de l’initiative intergouvernementale EUREKA présentée par la plupart des auteurs comme la réponse européenne civile à l’initiative militaire américaine de bouclier anti-missiles (Strategic Defence Inititative
de Reagan). Promue par la France comme une forme d’européanisation des
grands programmes, les négociations entre pays européens conduisent à privilégier une approche « décentralisée, non bureaucratique et à l’initiative des
industriels » (Peterson et Sharp, 1998). EUREKA est une approche bottom up.
Les industriels proposent des projets en collaboration, quel que soit le secteur
d’activité concerné. La conférence ministérielle qui se réunit deux fois par an
labellise les projets retenus, ce qui ouvre la porte à d’éventuels soutiens financiers accordés par chaque pays aux participants nationaux. Ces apports restent
du ressort strictement national et ne font l’objet d’aucune centralisation ni
harmonisation entre pays. De ce fait, le secrétariat européen peut demeurer une
instance légère de coordination des secrétariats nationaux (chaque pays en a
créé un, en France il a été confié à l’ANVAR). Dès le début, EUREKA s’est différencié de la politique communautaire de recherche par son ouverture, avec une
adhésion précoce des ex-pays de l’Est, y compris la Russie (en 1993). En 2000,
EUREKA comptait vingt-neuf pays membres, plus la Commission européenne.
Les premières années ont été marquées par l’importance accordée aux grands
projets stratégiques : HDTV pour la télévision haute définition, PROMETHEUS
pour les véhicules intelligents et surtout JESSI pour la microélectronique
(le seul qui se poursuit avec entre autres MEDEA). Quel que soit le regard qu’on
porte sur ces projets2, force est de reconnaître qu’ils ne jouent plus qu’un rôle
1. Les dépenses et les recettes ne sont pas inscrites dans les mêmes comptes et les secondes
sont globalisées dans un poste intégrant de multiples autres recettes.
2. HDTV est un cas exemplaire de la difficulté à juger de l’échec ou de la réussite. Le projet
a dans un premier temps promu la norme analogique HD-MAC pour démontrer la possibilité d’autres approches que celle alors proposée par les Japonais. Ce faisant, il a ouvert
la voie aux approches numériques sans pour autant déboucher directement sur des
résultats tangibles.
V ERS UN ESPACE EUROPÉEN DE LA RECHERCHE ET DE L’ INNOVATION
marginal dans l’ensemble des projets labellisés ces dernières années. Par exemple,
la conférence ministérielle d’octobre 2000 a labellisé trente-sept projets couvrant les technologies de l’information et de la communication, l’environnement,
les biotechnologies et les technologies médicales, la robotique, les nouveaux
matériaux, l’énergie et les transports. Ensemble, ils représentaient un investissement global tout juste supérieur à 100 millions d’euros (dont un projet de
27 millions), soit un ordre de grandeur équivalent au projet communautaire
de recherche moyen. Cela explique qu’en quinze ans d’activité plus de 1 900
projets ont été labellisés dont un tiers était en cours fin 2000, signe de l’activité persistante d’EUREKA. Les évaluations successives soulignent l’impact
technologique et commercial des projets, ces résultats étant plus nets pour les
projets ayant bénéficié de soutiens publics1. Néanmoins, l’évaluation stratégique conduite en 1999 (Georghiou et al.) soulignait le déclin des activités et
leur changement d’orientation : projets plus petits et plus courts, moins grand
nombre de participants, désengagement des grandes firmes au profit d’une participation dominante des PME, soutien public en forte régression (- 44 %
entre 1994 et 1998). Le panel proposait alors quatre scénarios contrastés pour
le futur d’EUREKA. EUREKA n’a pas été terminé (scénario d’hiver),
il n’a pas non plus été revitalisé (scénario du printemps), ni élargi à la coordination de l’ensemble des interventions publiques en faveur de l’innovation
(scénario d’été). Les politiques se sont contentés du scénario automnal, business
as usual, un scénario qui conduit selon eux à une « mort lente et indigne des
bénéfices jusqu’à présent apportés par l’initiative ».
Quel que soit le futur d’EUREKA, ses évolutions sont exemplaires de celles
des politiques industrielles nationales : un désengagement financier progressif
et un recentrage sur les capacités d’innovation des PME. Avec cet abandon de facto
des enjeux technologiques globaux, on comprend pourquoi l’initiative du
commissaire Busquin, en faveur de la création d’un véritable espace européen
de la recherche, cristallise en ce début de troisième millénaire les débats sur la
recherche en Europe.
3 VERS UN ESPACE EUROPÉEN DE LA RECHERCHE ?
Les 23 et 24 mars 2000, à Lisbonne, le conseil des ministres adopte une résolution sur la création d’un espace européen de la recherche. Cette proposition
de la Commission reçoit un support actif du parlement européen et des divers
comités consultatifs européens.
L’argumentaire qui sous-tend cette approche s’appuie sur les changements
en cours qui tiennent en deux mots-clés qui caractérisent, selon la Commission,
1. Les données citées proviennent du rapport annuel d’impact 2000 publié par le secrétariat EUREKA, dans le cadre du système d’évaluation continue et systématique mis en place
depuis 1996.
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les évolutions à l’œuvre : globalisation de l’économie et « nouvelle société de
la connaissance ». Face à ces enjeux, le diagnostic effectué est plutôt pessimiste.
Pour Caracostas et Muldur (1997, 2001), il se résume en deux termes : « investissements insuffisants, allocation inefficace ». Ils estiment ainsi que les entreprises américaines investissent 40 % de plus que leurs équivalents européens
dans la R-D et que les dépenses publiques américaines en faveur des entreprises
ont été deux fois plus importantes aux États-Unis que dans l’Union, entre 1990
et 1996 (137 contre 64 milliards d’écus). Cela explique la différence observée
dans la part du PIB consacré à la R-D : 2,7 % aux États-Unis contre 1,9 % en
Europe. Cette différence ne tient pas à la base de connaissances fondamentales disponibles puisque l’Europe dépasse les États-Unis en termes d’articles
scientifiques produits dans les plus grandes revues scientifiques. Le problème
vient de la transformation de ces connaissances en innovations, comme le manifeste le déclin très rapide des brevets européens dans le total mondial. C’est ce
« paradoxe européen » auquel l’Union veut s’attaquer en favorisant l’émergence
de l’espace européen de la recherche et en se donnant comme objectif déclaré
d’atteindre 3 % du PIB consacré à la recherche et à l’innovation avant la fin
de la décennie.
Dès la fin 2000, la Commission s’attelle à sa mise en œuvre. Dans un document concis (com[2000] 612 final), elle souligne les deux problèmes centraux posés. Le premier concerne l’harmonisation légale et réglementaire pour
permettre une circulation libre des chercheurs et des travaux. Les actions
envisagées portent également sur les carrières scientifiques, la protection sociale
et la propriété intellectuelle. Cependant, cela ne saurait suffire à faire émerger
un véritable espace européen de la recherche. Ce dernier réclame un effort de
structuration qui aille au-delà de l’actuelle coopération scientifique intergouvernementale et des efforts additionnels effectués par le programme-cadre.
La Commission considère en particulier qu’on ne peut pas attendre plus du programme-cadre dans sa configuration actuelle (celle du cinquième PCRD) pour
doter l’Union d’une véritable politique de recherche. Le deuxième problème
auquel l’Union est confrontée consiste à rendre cohérentes les interventions
nationales entre elles.
La coordination des politiques nationales n’est pas un objectif neuf. Elle a
toujours fait partie des objectifs annoncés de la politique sans aucun support
réel ni effet visible à ce jour. La Commission a donc proposé de faire évoluer
le dispositif en mettant l’accent sur deux dimensions qui devraient favoriser
l’émergence bottom up de coordinations entre pays membres (selon une approche
qualifiée de « méthode ouverte de coordination ») : 1. une dimension cognitive centrée sur la comparaison des politiques nationales et l’initiation d’un travail permanent de benchmarking, 2. une dimension incitative centrée sur
l’accompagnement financier des initiatives nationales.
Pour ce faire, le sixième PCRD dont l’augmentation est modeste (17 %) a été
réformé en profondeur. À côté d’inflexions thématiques limitées, les évolutions
V ERS UN ESPACE EUROPÉEN DE LA RECHERCHE ET DE L’ INNOVATION
Encadré 2 – Les cinquième et sixième PCRD
PCRD 5
Millions
d’euros
PCRD 6
Millions
d’euros
1 – Priorités thématiques
Croissance compétitive
et durable
Société de l’information
Qualité de la vie
Développement durable
2 705 Nanotechnologies
1 300
Aéronautique et espace
3 600 Société de l’information
2 413 Génomique et biotechnologies
Sûreté alimentaire
2 125 Développement durable
Société européenne
de la connaissance
1 075
3 625
2 255
685
2 120
225
2 – Autres actions de recherche
CCR (activités non nucléaires)
Coopération internationale
Soutien aux PME
740 CCR (activités non nucléaires)
475 Coopération internationale
363 Soutien aux PME
Anticipation des besoins S&T
des autres politiques
760
315
430
555
3 – Structurer l’espace européen
de la recherche
Ressources humaines
Infrastructures de recherche
1 280 Ressources humaines
déjà Infrastructures de recherche
inclus Recherche et innovation/
Science et société
Soutien à la coordination
des activités
1 580
655
1 260 Programmes EURATOM
1 230
370
320
4 – Recherche nucléaire
Programmes EURATOM
Total 14 960
Total 17 500
Source : documents officiels de la Commission (www.cordis.lu)
portent sur l’addition de nouvelles activités et sur le renouvellement complet
des modalités de financement. Trois nouvelles actions sont initiées : la mise en
réseau des programmes nationaux (une ligne spéciale – certes modeste – est
créée dans le PCRD 6), la création d’une ligne nouvelle pour l’anticipation des
besoins scientifiques et techniques des autres politiques de l’Union (les pays
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membres n’ont eu de cesse d’en réduire le montant et d’en spécifier les usages)
et les infrastructures de recherche : les efforts disséminés dans les différents programmes spécifiques sont regroupés et, symbole fort, l’Union s’engage fortement
dans le financement du programme GALILEO destiné à assurer l’autonomie de
l’Europe en matière de positionnement satellitaire. Cependant, le changement
principal concerne la mise en œuvre des priorités. L’ambition de la Commission
est d’enrichir sa boîte à outils et d’ajouter aux « projets à coûts partagés » et
aux « réseaux thématiques » deux nouveaux instruments supposés représenter,
dès le sixième PCRD, les deux tiers de ses engagements. Les « projets intégrés » sont en quelque sorte l’aboutissement des actions clés, l’idée étant de
déléguer entièrement la résolution d’un problème à un consortium en charge
du projet intégré correspondant qui est alors de « grande ampleur ». Les « réseaux
d’excellence » sont quant à eux une réponse au paradoxe européen : en rassemblant les compétences européennes, ils doivent remédier à la fragmentation
observée dans les domaines en émergence et obtenir une taille critique qui
permette à la fois d’accélérer le rythme de production des nouvelles connaissances et de faciliter leur circulation dans l’économie et la société.
Nombreux sont les scientifiques qui considèrent ces avancées comme insuffisantes pour aboutir à une structuration européenne de la recherche, ne serait-ce
que par l’aspect limité des champs couverts par le PCRD comme des moyens
qui lui sont consacrés. La Fondation européenne de la science, qui regroupe les
principaux organismes et agences nationales de recherche, prône la création
d’une fondation européenne de financement de la recherche académique à
l’instar de la NSF américaine. D’autres analystes considèrent que l’enjeu principal tient dans le différentiel de financement public de la recherche industrielle.
Faut-il, comme aux États-Unis, utiliser massivement la recherche de défense
pour ce faire (alors même que la décennie 90 a été marquée par un désengagement massif des pays européens en ce domaine) ? Ou bien, faut-il favoriser
une initiative européenne centrée sur les besoins civils publics ? Si cette option
est prise, l’ordre de grandeur suggéré par les travaux de Caracostas et Muldur
(10 milliards d’euros par an) est largement accessible à l’Union puisqu’il représente nettement moins que ce que l’Union consacre aux fonds structurels.
L’Europe de la recherche est donc encore loin d’être une réalité et l’objectif
fixé par ses précurseurs au début des années 1970 reste encore d’actualité.
Se limiter à ce constat serait cependant oublier le chemin parcouru dont ce
chapitre a tenté de rendre compte. Les fondations tant du côté de la recherche
publique qu’industrielle sont maintenant solides. Elles permettent d’être résolument optimiste sur les chances de succès de l’espace européen de la recherche.
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