Evaluation clinique d`une lésion méniscale
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Evaluation clinique d`une lésion méniscale
SPORT FOCUS L'évaluation clinique d'une lésion méniscale Coordonné par Franck Lagniaux Stéphane FABRI Kinésithérapeute Centre de rééducation spécialisée Montpellier (34) Arnaud CONSTANTINIDES Kinésithérapeute Centre de rééducation spécialisée Montpellier (34) L a recherche d’une lésion méniscale est probablement le bilan au niveau du genou qui nécessite le plus d’expérience. Dans le cadre d’une atteinte traumatique, la difficulté pour le praticien est de faire la part des choses entre cette pathologie et une entorse du ligament collatéral médial. Ces dégâts anatomiques sont préférentiellement rencontrés dans la pratique sportive du sujet jeune. Les patients plus âgés sont plutôt victimes de lésions dégénératives. En effet, le ménisque est une structure fibro-cartilagineuse dont les caractéristiques (qualités mécaniques, résistance, élasticité) régressent avec le temps. Bien qu’il n’existe pas de corrélation retrouvée entre les problèmes méniscaux et les atteintes cartilagineuses, ces deux pathologies sont souvent associées. Dans ce type de tableau clinique, le rééducateur devra être précis dans ces tests cliniques pour isoler une lésion méniscale et ne pas se faire piéger par une chondropathie fémoro-tibiale ou un syndrome fémoro-patellaire. Dans le doute, le recours aux examens paracliniques reste une alternative qui peut confirmer l’évaluation du praticien mais la prescription radiologique ne fait pas partie de la compétence du kinésithérapeute. Il faut considérer cette restriction comme une chance professionnelle qui oblige le rééducateur à affiner son bilan-diagnostic kinésithérapique (BDK). L’objectif de cette fiche est d’approfondir et de perfectionner le dépistage d’une atteinte méniscale. Évaluation clinique Pour mettre en évidence la pathologie méniscale, il faut en rappeler avant tout les symptômes. Ces lésions engendrent des blocages, des ressauts et KS n°528 - janvier 2012 des phénomènes douloureux. ■ Notion de blocage et de ressaut Les blocages ne sont pas (ou alors de façon modérée) douloureux dans la pathologie méniscale. Dans l’interrogatoire, le patient relatera une sensation lors d'une position accroupie ou un effort avec le genou en flexion. Cette étiologie est aussi présente dans le syndrome rotulien douloureux. Néanmoins, la dysfonction de l’appareil extenseur avec épisode de blocage donne lieu à une symptomatologie très algique. Le déficit de mobilité dans la lésion du ménisque se retrouve en fin d’amplitude articulaire alors que la restriction est majeure et très douloureuse dans le syndrome fémoro-patellaire. Dans une situation de ressaut méniscal, l’interrogatoire, même bien conduit, est moins discriminant. La mobilisation du genou, vers la flexion et l’extension, associée à une palpation fine alternative de l’appareil extenseur et du compartiment fémoro-patellaire, permet de cibler l’origine du ressaut. Cette appréciation peut se faire avec la paume de la main ou la pulpe des doigts pour accroître la sensibilité de l’opérateur. Pour être complet dans l’examen, le ressaut et le blocage seront associés à la recherche de la douleur reconnue du patient. ■ Notion de douleur Seule la corne postérieure du ménisque interne est innervée et peut être sensible. En conséquence, ces structures fibro-cartilagineuse ne peuvent être directement à l’origine de la douleur. Il peut paraître alors compliqué de concevoir que l’objectif des tests spécifiques est de reproduire la douleur reconnue du patient. Néanmoins, l’explication est accessible. Le rôle du ménisque, par sa forme anatomique triangulaire à la coupe, est d’améliorer la congruence des surfaces articulaires fémorotibiales. La périphérie de cette structure est adhérente à la capsule, surtout au niveau médial. 52 Sport.indd 52 13/12/11 11:25 L'évaluation clinique d'une lésion méniscale Dans un contexte pathologique, la lésion va créer une irrégularité méniscale plus ou moins importante au niveau de la surface de contact entre le tibia et le fémur qui produira un lieu de frottement, inexistant pour un genou sain. Cette entrave à la bonne cinématique articulaire va être mobilisée excessivement, lors des mouvements de flexion et d’extension, ce qui va produire des tensions de la capsule et la sollicitation de ses récepteurs sensitifs. Dans ses évaluations, le kinésithérapeute va s’employer à reproduire ces sollicitations excessives pour retrouver la douleur reconnue du patient. Les tests traditionnels (Grinding, Mac Murray, Cabot) sont discriminants au niveau du ménisque médial ou latéral mais ils ne sont pas spécifiques de la corne en lésion. ■ Premier exemple : mise en évidence d'une lésion de la corne postérieure du ménisque interne (fig. 1) La première manœuvre s’oriente sur l’intégration de la corne postérieure au niveau de la surface de contact fémoro-tibiale. Pour cela, le praticien va effectuer une rotation latérale du tibia sous le fémur (fig. 2). Ensuite, pour cibler le geste sur le ménisque médial, le kinésithérapeute va créer une contrainte en compression de l’interligne interne en effectuant une rotation latérale coxo-fémorale (fig. 3). Pour compléter la sollicitation de la corne postérieure, le rééducateur va réaliser une flexion de genou (fig. 4). © S. Fabri Les extrémités du ménisque présentent des insertions avec le plateau tibial. Lors de la flexion et de l’extension, cette structure suit les mouvements antéro-postérieures des condyles avec un phénomène de traction au niveau de la capsule quasi négligeable. Les auteurs ont légitimement simplifié la démarche car près de 80 % des atteintes se situent au niveau de la corne moyenne ou postérieure du ménisque. Cependant, nous avons voulu explorer ces bilans afin de raisonner sur une « logique de test clinique » et non en « exécution non réfléchie » issue d’un apprentissage livresque ». Figure 1 Exploration des tests cliniques Les rotations tibiales vont permettre d’inclure et/ ou de désengager les cornes méniscales. Ces dernières peuvent aussi être sollicitées lors de la mobilisation du genou vers la flexion et l’extension. La latéralité méniscale, médiale ou latérale, est ciblée, grâce aux contraintes de compressions produites au niveau du compartiment fémoro-tibial. © S. Fabri Pour toutes les évaluations, le genou du patient doit être à 90° de flexion, que le sujet se positionne en décubitus dorsal ou ventral. Le principe de ces bilans est d’aggraver ponctuellement les symptômes du patient afin de reproduire sa douleur et de cibler la corne du ménisque lésé. Pour cela, le praticien devra solliciter le genou afin d’interposer la partie méniscale pathologique entre la surface de contact articulaire du tibia et du fémur et favoriser la sollicitation des récepteurs sensoriels capsulaires. Position de départ pour la mise en évidence de la corne postérieure du ménisque médial Figure 2 Rotation latérale de tibia pour avancer la corne postérieure méniscale médiale dans l'interligne articulaire KS n°528 - janvier 2012 53 Sport.indd 53 13/12/11 11:25 © S. Fabri © S. Fabri Figure 4 Flexion de genou pour compléter la sollicitation spécifique de la corne postérieure © S. Fabri Figure 3 Rotation latérale de hanche pour comprimer l'interligne fémoro-tibial médial © S. Fabri © S. Fabri © S. Fabri L'évaluation clinique d'une lésion méniscale Figure 5 Figure 6 Figure 7 Figure 8 Position de départ pour la mise en évidence de la corne antérieure du ménisque latéral Rotation latérale de tibia pour reculer la corne antérieure méniscale latérale dans l'interligne articulaire Rotation médiale de hanche pour comprimer l'interligne fémoro-tibial latéral Extension de genou pour compléter la sollicitation spécifique de la corne antérieure ■ Second exemple : mise en évidence d'une lésion de la corne antérieure du ménisque latéral (fig. 5) La première manœuvre s’oriente sur l’intégration de la corne antérieure au niveau de la surface de contact fémoro-tibiale. Pour cela, le praticien va effectuer une rotation latérale du tibia sous le fémur (fig. 6). Ensuite, pour cibler le geste sur le ménisque latéral, le kinésithérapeute va créer une contrainte en compression de l’interligne fémoro-tibial latéral en effectuant une rotation médiale coxo-fémorale (fig. 7). KS n°528 - janvier 2012 Pour compléter la sollicitation de la corne antérieure, le rééducateur va réaliser une extension de genou (fig. 8). Conclusion L’évaluation d’une lésion méniscale reste compliquée au niveau technique et intellectuel. Il ne faut plus rester sur un apprentissage scolaire et livresque. Pour prétendre tester toutes les parties du ménisque, il faut avant tout visualiser les étapes du bilan et avoir une réflexion sur les gestes que l’on va effectuer. La compréhension de la symptomatologie et la connaissance biomécanique permettent d’optimiser l’évaluation. C’est à cette seule condition que l’on peut appréhender l’examen de manière pertinente. ✖ 54 Sport.indd 54 13/12/11 11:25
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