REDUCTION DES PERTES : CAS DE LA VILLE DE FES ( MAROC

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REDUCTION DES PERTES : CAS DE LA VILLE DE FES ( MAROC
REDUCTION DES PERTES : CAS DE LA VILLE DE FES ( MAROC )
François COULANGE
PREAMBULE SUR LA NECESSITE DE REDUIRE LES PERTES DANS UN RESEAU
DE DISTRIBUTION D’EAU POTABLE
Au-delà de la conception et de l’exécution des ouvrages, les critères de qualité d’un réseau de
distribution d’eau potable reposent sur les bonnes conditions d’exploitation et de
maintenance, avec pour objectif la réduction des volumes d'Eau Non Comptabilisée (fuites,
pertes, gaspillages, prises frauduleuses, etc.), car les volumes perdus :
• Représentent un danger de pénurie, spécialement dans les villes ou pays qui ont des
problèmes de ressources en eau.
• Peuvent impliquer la nécessité de réaliser des travaux pour renforcer les ouvrages
existants, alors qu’une meilleure utilisation de l’eau pourrait suffire pour reporter à plus
tard ces projets et les lourds investissements qu’ils représentent.
• Donnent une image défavorable des responsables de l'exploitation à la population, laquelle,
souffrant d’un manque d’eau chronique, peut reprocher à l’autorité qu’aucune action ne
soit mise en œuvre pour remédier à cette situation,
• Représentent un manque à gagner important pour le service d’eau. De ce fait, sa capacité
de financement se trouve amoindrie, et il disposera de moyens réduits pour améliorer le
système.
Il faut remarquer qu'il ne suffit pas d'appliquer une technique particulière pour atteindre un
résultat. Pour être efficace, la réduction des pertes d'eau impose la mise en œuvre d'une
politique globale, mobilisant des moyens techniques, financiers et d'organisation nécessaires à
la réduction ou à l'élimination des causes de pertes d'eau.
Pour mener à bien la mise en œuvre d’un programme d'amélioration du rendement du réseau,
il est indispensable de traiter les points suivants :
• élaboration du bilan hydraulique, en définissant les indices qui permettront de suivre
l’évolution du rendement du réseau de distribution,
• entretien préventif et curatif du réseau,
• amélioration du fonctionnement du réseau (régulation des pressions, notamment),
• cartographie du réseau,
• fichier des abonnés
• macrocomptage
• microcomptage
• recherche de fuites.
REDUCTION DES PERTES D'EAU : CAS DE LA VILLE DE FES (MAROC)
Le cas de Fès est très intéressant car le réseau de distribution d’eau potable de cette ville
possédait un rendement très faible en 1990 (50 % environ) et qu’en moins de cinq ans et grâce
à la mise en œuvre d'un programme de mesures énergiques élaboré avec l’aide de la Société
des Eaux de Marseille , on a pu relever ce rendement à 65 %. Il est encourageant de constater
que lorsque les problèmes ont été bien identifiés et lorsque l'on s'en donne les moyens, il est
possible d'améliorer rapidement une situation qui semblait très compromise.
1. Le réseau d’eau potable de la ville de Fès
Le réseau de distribution d'eau potable de la ville de Fès, long d'environ 900 km présentait en
1990 un rendement très faible (de l'ordre de 50 %), aggravé par une quasi saturation des
ressources en eau. Les incidents et les coupures d'eau étaient fréquents, ce qui entraînait le
mécontentement de la population, surtout durant les mois les plus chauds de l'année, où les
températures à Fès dépassent souvent les 40°C. La prise de conscience des responsables de la
Régie des Eaux de Fès ( la RADEEF ) et la première phase de l'étude du Plan Directeur de
Distribution d'Eau Potable réalisé par la Société des Eaux de Marseille, ont rapidement abouti
à la mise en œuvre d'un programme d'actions énergiques destinées à améliorer la situation. Il
s’agissait comme on va le voir, de mesures souvent très simples, dictées par l’expérience et
par le bon sens d’hommes rompus à l’exploitation d’un réseau, et de ce fait relativement
aisées à mettre en œuvre.
2. Mesures qui ont été préconisées pour la réduction des pertes d'eau
Les principales mesures qui ont été préconisées par la SEM sont les suivantes :
-
Travaux d'amélioration des ressources en eau et de la sécurité d'alimentation de Fès, pour
pouvoir satisfaire rapidement aux besoins des usagers. Ces travaux ont été réalisés en
partie par l'ONEP ( Office national de l’eau potable ) et en partie par la RADEEF ( Régie
des eaux et de l’électricité de Fès ) : mise en service de forages de secours dans la plaine
du Saïs, construction de réservoirs de stockage supplémentaires, amélioration de la filière
de traitement des eaux de l'Oued Sebou, pose sur plusieurs kilomètres d'une conduite de
secours de diamètre 800 mm pour alimenter les réservoirs du Nord de la ville à partir des
forages situés au Sud.
-
Création d'un service de recherches de fuites (3 équipes motorisées équipées de
corrélateur acoustique et d’hydrosols) et suivi permanent du fonctionnement du réseau
(par des relevés de pressions). Instauration d'un programme de détection systématique des
fuites, dans les secteurs les plus fuyards.
-
Amélioration des moyens mis en œuvre pour réparer rapidement toues les fuite décelées.
-
Pose de macrocompteurs au niveau de tous les réservoirs de tête du réseau, pour pouvoir
mesurer et contrôler les volumes d'eau mis en distribution.
-
Création de trois étages de pression en Médina avec la pose de neuf stabilisateurs de
pression. Rappelons que les habitations de la Médina de Fès se situent entre les cotes 400
et 250 m NGM (soit un dénivelé total d'environ 150 mètres). La Médina de Fès ne
possédait dans les faits qu’un seul étage de pression avant les années 1990, ce qui générait
des pressions très élevées, surtout durant la nuit, dans les points les plus bas du réseau..
-
Mise en oeuvre d'un programme de renouvellement des conduites les plus vétustes du
réseau de distribution.
-
Pose de plus de 40.000 compteurs neufs (en remplacement des compteurs défectueux),
soit près de 50 % du parc total des compteurs des abonnés de la Régie, en 3 ans.
-
Création d'un atelier d'étalonnage et de réparation des compteurs.
-
Amélioration du fichier des abonnés et mise en place d'un service anti-fraude qui a
contrôlé tous les branchements sur le terrain (plusieurs milliers d'usagers qui étaient
absents du fichier des abonnés ont pu ainsi être récupérés).
-
Lancement d'une vaste opération de pose de branchements sociaux (près de
20.000 branchements sociaux ont été posés à Fès entre 1991 et 1997). En donnant accès
au réseau d’eau potable au plus grand nombre d'habitants possible, on a pu réduire le
nombre des bornes fontaines, qui sont toujours une source importante de gaspillage.
-
1.
Création d'un Comité de vigilance destiné à sensibiliser les usagers aux économies d'eau.
Fermeture nocturne des fontaines de la Médina durant les mois les plus chauds de l'année.
Résultats obtenus
Grâce à cette série de mesures menées à un rythme très soutenu, les résultats ne se sont pas
fait attendre. En cinq ans seulement, le rendement général du réseau de Fès qui était de 50 %
en 1990 est ainsi passé à 65 % en 1995. Il s’est ensuite maintenu à cette valeur ;
l’amélioration du rendement de réseau de Fès a alors marqué une pause, en partie à cause de
la taxe d’assainissement qui est venue augmenter sensiblement le prix de l’eau. La
conséquence en a été une réduction importante des consommations.
Ce redressement spectaculaire a rapidement permis à la RADEEF de ne plus avoir à recourir
aux coupures d’eau, d'acheter moins d'eau à l'ONEP et d'en vendre d'avantage à ses abonnés.