Amsterdam-Est fait une place aux réfugiés

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Amsterdam-Est fait une place aux réfugiés
Gastvrij Oost
Amsterdam-Est fait une place aux réfugiés
Truus Ophuysen à Amsterdam Oost (15/07/2016)
L'arrivée de réfugiés suscite beaucoup de réticences aux Pays-Bas mais une
initiative citoyenne dans l’est d’Amsterdam favorise l’accueil.
Deux entrepreneurs sociaux, en collaboration avec un groupe croissant de bénévoles qui se fait
appeler «Gastvrij Oost» («Bienvenue dans l’Est»), ont accueilli une trentaine de réfugiés syriens
qui devraient obtenir bientôt pour la plupart un permis de séjour. 31 réfugiés ont été installés
temporairement dans un ancien immeuble à bureaux situé dans l’est d'Amsterdam. L’Office
néerlandais des réfugiés n'aimait pas l'idée mais le Conseil de district et la Ville d'Amsterdam ont
soutenu l'initiative. Auparavant, ces réfugiés vivaient dans un camp près de Nimègue, comme
environ 3000 autres jusqu’à récemment. Ils ont laissé famille et amis pour fuir la guerre, traverser
la Méditerranée à leurs risques et périls, et finir par se retrouver dans le dispositif d'asile
néerlandais plutôt bureaucratique. Ils ont alors entrepris les procédures d’admission et attendu,
attendu, attendu ...
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Gastvrij Oost a commencé par organiser deux réunions au cours desquelles les habitants du
quartier ont pu poser leurs questions et exprimer leurs préoccupations quant à l'accueil de
réfugiés. Il s’agissait de s’assurer le soutien de la population locale et de susciter un engagement
concret en faveur des nouveaux venus. «Les gens voulaient notamment savoir ce qu'ils
pouvaient faire et quand ils pourraient commencer», précise Ramon Schleijpen, l'un des
initiateurs. Diverses inquiétudes ont été exprimées mais elles ont disparu au fur et à mesure que
les nouveaux arrivants emménageaient. Ceux-ci reçoivent même maintenant la visite de
personnes qui étaient réticentes au départ. Les visiteurs rencontrent alors une trentaine de
personnes avec qui ils peuvent discuter, sympathiser et se rendre compte que les réfugiés sont
des gens comme tout le monde.
Autonomie
«Nimègue, c’était comme une prison», se souvient Oussama (39 ans), un artiste syro-palestinien
de Damas. L’un des premiers à s’installer dans l'immeuble HOOST de la Mauritskade, il s’est
aménagé un studio de fortune dans l'un des bureaux à l'étage et a recommencé à peindre. Les
locataires du HOOST sont très divers: il y a des hommes et des femmes qui sont arrivés seuls en
Hollande, ayant parfois laissé derrière eux des parents en Syrie ou ailleurs, mais aussi deux
familles avec enfants. Contrairement aux centres d’accueil de masse, les réfugiés peuvent créer
ici leur propre environnement. C’est eux qui décident quoi faire de leur journée, quoi manger, etc.
au lieu d'être totalement dépendants de l'Etat. «Nous avons attendu cinq mois», raconte un
réfugié. «Nous ne pouvions absolument rien faire parce que nous n’avions pas de permis de
séjour. Nous n’avions aucun droit, alors qu’ici nous pouvons étudier, travailler et commencer à
nous reconstruire un avenir.»
Ces réfugiés se sont connus dans un centre d'urgence Amsterdam où ils ont passé quelques
semaines. «Il n'y avait aucune intimité et il faisait froid», se souvient une avocate de Homs qui a
laissé ses deux enfants de 14 et 16 ans au Liban. Elle a traversé la Turquie et la Grèce et a pris
l'avion pour les Pays-Bas. Maintenant, elle compte bien pouvoir faire venir ses enfants à
Amsterdam. Ayant récemment obtenu son permis de séjour, elle a emménagé dans un
appartement suffisamment grand pour ses enfants qui, elle l'espère, la rejoindront bientôt. Un
regroupement familial a déjà eu lieu au HOOST: le 13 juin dernier, l'épouse d'Adnan Moudarres
et ses deux enfants sont arrivés en Hollande et vivent dans l’immeuble pour le moment.
Les grands centres d'accueil ne sont que d’immenses antichambres. Attendre et ne rien faire,
cela brise le moral, surtout pour des gens qui ont dû lutter de toutes leurs forces pour échapper à
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la guerre. Après une longue période d'attente, il est beaucoup plus difficile de s’intégrer que
quand ont peut se relancer tout de suite. Récemment, une enquête a comparé l'état d'esprit des
réfugiés vivant dans de grands centres d’accueil et le mental de ceux qui vivent au HOOST. Les
premiers résultats montrent clairement que la résilience des réfugiés dépend fortement des
possibilités de retisser des liens affectifs et de développer sa personnalité. L’expérience du
HOOST révèle une spirale ascendante vers l'autodétermination et le retour à une vie normale.
Inspirer une solution à l’échelle nationale
En théorie, le gouvernement néerlandais favorise les solutions à petite échelle mais,
étrangement, aucune initiative de ce genre n’a encore vu le jour aux Pays-Bas. A présent, on
constate une bonne collaboration entre le district Est et la Ville d'Amsterdam. Malheureusement,
les relations avec l'Office des demandeurs d'asile (COA), responsable de l'accueil des réfugiés
au nom du gouvernement néerlandais, sont beaucoup plus difficiles. Le COA va jusqu’à refuser
de verser aux réfugiés de l'argent qui leur est pourtant réservé. D’où des problèmes financiers
pour Gastvrij Oost qui rendent le projet fortement tributaire du bénévolat et du financement
participatif. Assez étonnamment, le groupe est parvenu à survivre jusqu'à maintenant grâce à
des dons généreux de résidents locaux et à d'autres sources de financement.
Le ministre néerlandais de l'intégration, Lodewijk Asscher, a récemment visité le HOOST et les
réfugiés ont pu partager avec lui leur expérience: «Ici, j'ai des amis et je peux aller et venir
comme je veux. En gros, j’ai retrouvé une vie normale», lui a confié l'un d’entre eux. Un autre lui
a dit tout le plaisir qu’il avait de «pouvoir faire des choses simples comme aller à l'épicerie.» Le
ministre a apprécié le fait que l’initiative soit venue du quartier et déclaré que le soutien des
habitants donnait «une qualité supplémentaire» à l’expérience. Il a reconnu qu’on pouvait
beaucoup en apprendre et qu’on devrait éventuellement permettre de mettre en place des
initiatives associant réfugiés et autochtones ailleurs dans le pays. Gastvrij Oost a insisté sur le
fait qu'une initiative de petite taille permet plus facilement de prendre en compte les inquiétudes
légitimes des résidents locaux, tout en motivant les gens à s’impliquer. On ne sait pas encore si
un tel projet sera déployé à l'échelle nationale mais des discussions sont en cours pour prolonger
l’expérience d’Amsterdam. En attendant, les réfugiés quittent le HOOST à mesure qu’ils
obtiennent officiellement l’asile. Gastvrij Oost s’attèle également à de nouveaux défis puisque de
nouveaux lieux d’accueil vont être construits dans l'est d'Amsterdam pour loger à plus long terme
les réfugiés ayant obtenu un permis de séjour.
Sans attendre que les autorités néerlandaises prennent de nouvelles mesures, le réseau de
quartier Gastvrij Oost veille à garantir approche humaine, autonomie des réfugiés et solidarité
des habitants du quartier.
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Article rédigé à partir d’entretiens accordés par Gastvrij Oost à la presse locale et nationale.
Remerciements à Loes Leatemia et Ramon Schleijpen.
En savoir plus:
Lancé en septembre 2015, Gastvrij Oost est un réseau local en pleine croissance, qui
rassemble plus 100 résidents et entrepreneurs engagés de l’est d'Amsterdam. Ses principes:
autonomie des individus et solidarité locale, accent mis sur la coopération entre la société et
les réfugiés dans des domaines tels que le logement, la vie quotidienne, l'apprentissage du
néerlandais, les rencontres, la formation et le travail. Pour le grand public en général, il est la
preuve vivante qu’une ville peut, collectivement, faire une place aux réfugiés.
Site web: http://www.gastvrijoost.amsterdam
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E-mail: mailto://[email protected]
15/07/2016
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